SOMMAIRE

Les SÉISMES et MOUVEMENTS de TERRAIN :

TOME 1 : CONCLUSIONS du RAPPORTEUR

TITRE I - Les SÉISMES et le RISQUE SISMIQUE

4 - L'observation de l'aléa sismique 65
4-1 - Les réseaux de surveillance 68
4-1-1 - Les réseaux nationaux 68
4-1-1-1 - le réseau national du CEA/LDG 68
4-1-1-2 - le réseau national RéNaSS 79
4-1-2 - Les réseaux régionaux métropolitains 83
4-1-2-1 - les réseaux du BERSSIN/IPSN 83
4-1-2-2 - le réseau régional SISMALP 89
4-1-3 - Réseaux de surveillance dans les DOM-TOM 97
4-2 - Les réseaux accélérométriques 100

4 - L'OBSERVATION DE L'ALÉA SISMIQUE

L'enregistrement et l'analyse des déplacements du sol dus aux ondes engendrées par les séismes, à l'aide de sismographes, donnent des informations fondamentales sur la structure interne de la Terre. Elles permettent aussi de déterminer la localisation des séismes, l'énergie libérée et l'heure du déclenchement. On enregistre les accélérations du sol dans les zones soumises à des séismes grâce à des accéléromètres. Les renseignements obtenus permettent d'affiner les connaissances du phénomène physique, c'est-à-dire les fréquences dominantes de la vibration (important au niveau des structures) et de tester les techniques parasismiques de construction.

Pour caractériser l'importance d'un séisme, il faut observer le coulissage (décalage des compartiments en rupture). Richter, en 1935, a défini la magnitude d'un séisme local par le logarithme décimal de l'amplitude maximale de l'onde (en microns) enregistrée sur un sismographe, à une distance de 100 km de l'épicentre du séisme.

magnitude

longueur caractéristique de la rupture

coulissage

durée de la rupture

énergie dégagée

9

800 km

8 m

250 s

E5 = E4 x 30

8

250 km

5 m

85 s

E4 = E3 x 30

7

50 km

1 m

15 s

E3 = E2 x 30

6

10 km

20 cm

3 s

E2 = E1 x 30

5

3 km

5 cm

1 s

E1 = E x 30

4

1 km

2 cm

0,3 s

E

Mais en l'absence de sismographes, d'autres informations sur les caractéristiques de la secousse peuvent être obtenues : elles servent à définir un degré d'intensité sismique, mesurée sur une échelle à plusieurs niveaux.

En Europe, on utilise l'échelle d'intensité M.S.K. (Medvedev, Sponheuer, Karnik), graduée de I à XII. Le seuil d'affolement des populations et de faible dommage est au degré V, celui des dommages importants au degré VIII, le degré XII étant le "bouleversement de paysage". L'échelle MSK 1964 utilisée a été adoptée en avril 1978 par une commission des Nations-Unies, la commission sismologique européenne a souhaité des modifications lors de sa réunion de Sofia en 1988, pour combler les lacunes des intensités VI et VII, et les effets ressentis dans les étages supérieurs des bâtiments de grande hauteur.

degré I

secousse non perceptible

la secousse est détectée et enregistrée seulement par les sismographes

degré II

secousse à peine perceptible

la secousse peut-être ressentie par des individus au repos, dans les étages supérieurs des bâtiments

degré III

secousse faible ressentie seulement de façon partielle

vibration comparable à celle causée par le passage d'un camion léger ; léger balancement des objets, dans les étages supérieurs

degré IV

secousse largement ressentie

vibration comparable à celle causée par le passage d'un camion lourdement chargé ; fenêtres, portes et assiettes tremblent ; planchers et murs font entendre des craquements ; les objets suspendus se balancent légèrement

degré V

réveil des dormeurs

les animaux sont nerveux ; les constructions sont agitées d'un tremblement général ; des objets peuvent être renversés
vibration comparable à celle causée par la chute d'un objet lourd dans le bâtiment

degré VI

frayeur

pertes d'équilibre ; les animaux domestiques s'échappent ; du mobilier lourd peut se déplacer ; les petites cloches tintent

degré VII

dommages aux constructions

grande difficulté à rester debout ; les grosses cloches tintent ;
glissements des routes le long des pentes ; fissures en travers des routes et des murs de pierre ; joints de canalisations endommagés ;
variation des niveaux d'eau dans les puits et du débit des sources

degré VIII

destruction des bâtiments

frayeur et panique ; le mobilier lourd se déplace et se renverse
ruptures de joints de canalisations ; déplacement de monuments ou de statues ; effondrement des murs de pierre
crevasses dans le sol de plusieurs centimètres ; nouvelles retenues d'eau dans les vallées ; changement dans le débit et niveau de l'eau

degré IX

dommages généralisés aux constructions

panique générale ; dégâts considérables au mobilier ; animaux affolés s'enfuient dans toutes les directions
rupture partielle de canalisations souterraines ; monuments et colonnes tombent ; réservoirs au sol très endommagés ; rails de chemin de fer peuvent être pliés
crevasses au sol de 10 cm ; chutes de rochers ; nombreux glissements de terrain ; grandes vagues sur l'eau

degré X

destruction générale des bâtiments

dommages dangereux aux barrages et digues ; dommages sévères aux ponts ; rails de chemin de fer tordus ; canalisations souterraines rompues ; pavage des rues et asphalte forment des grandes ondulations crevasses au sol peuvent atteindre 1 mètre ; considérables glissements de terrain le long des rivages escarpés et dans les berges des rivières ; création de nouveaux lacs

degré XI

catastrophe

dommages sévères même aux bâtiments bien construits, aux ponts, aux barrages, aux lignes de chemin de fer ; destruction des canalisations souterraines
terrain considérablement déformé par des mouvements horizontaux et verticaux

degré XII

changement de paysage

toutes les structures au dessous et au dessus du sol sont gravement endommagées ou détruites
la topographie est bouleversée ; énormes crevasses, affaissements des berges de rivières, vallées transformées en lacs, apparition de cascades, déviation de rivières

Enfin, les Japonais utilisent une échelle d'intensité (JMA) qui leur est propre et qui date de 1951, graduée de 0 à VII, de l'enregistrement imperceptible pour l'homme à la ruine, correspondant à la démolition de plus de 30% des maisons traditionnelles japonaises.

    4-1 - les réseaux de surveillance

L'enregistrement unique d'un séisme est inutilisable : il est impossible à partir d'un seul signal de localiser une source précise, de déterminer une magnitude. Il y a donc nécessité d'échange de données, soit au sein d'un réseau constitué et donc centralisateur de résultats, soit entre sismologues au niveau international. Cependant, cet échange international a des limites en ce qui concerne les séismes de faible magnitude, ce qui est le cas, heureusement, pour la France à de très rares exceptions près. Il a donc fallu développer des réseaux français.

      4-1-1 - les réseaux nationaux

En France métropolitaine, il existe actuellement un peu plus d'une centaine de stations sismologiques regroupées en 2 réseaux :

- le réseau national du Laboratoire de Détection Géophysique du Commissariat à l'Energie Atomique, créé en 1962 à des fins stratégiques militaires (30 stations)

- le réseau national de surveillance sismique RéNaSS de l'INSU (Institut national des sciences de l'univers), regroupant les 7 réseaux régionaux et certaines stations isolées.

        4-1-1-1 - le réseau national du CEA/LDG

Le besoin initial ayant entraîné la création, au début des années 60, du réseau sismique du L.D.G. était la détection des explosions nucléaires étrangères. Cette contrainte forte a fait que, dès le début, on s'est attaché à obtenir une sensibilité et une fiabilité maximales :

- des stations identiques implantées avec un maximum de précaution pour s'affranchir des bruits industriels parasites d'origine humaine. Ceci fait de ce réseau homogène du L.D.G. un des plus sensibles au monde, du moins dans un pays industrialisé comme la France :

- enregistrement permanent, sans utiliser de détecteur, ce qui permet d'étudier très finement la sismicité ;

- données stockées sur 24 bits pour disposer de la meilleure sensibilité ;

- redondance de toute la chaîne de transmission et d'enregistrement ;

- centralisation des informations dans un même laboratoire ;

- compétence et disponibilité permanente des personnels, aussi bien dans le traitement des données que pour la maintenance du réseau.

La qualité de ce réseau lui permet d'être en outre un outil parfaitement adapté à la surveillance de la sismicité, et plus particulièrement à celle concernant la France et les régions limitrophes. Depuis trente ans le dépouillement systématique des enregistrements permet d'étudier la sismicité jusqu'à des niveaux très faibles en magnitude. Ceci conduit à l'élaboration de bulletins hebdomadaires décrivant la sismicité. De plus des systèmes de détection et de traitement automatiques des données, de localisation et d'élaboration d'un message d'alerte à l'usage du sismologue d'astreinte ont été mis au point.

Caractéristiques

Un réseau sismique est constitué de deux types de stations :

- les stations dites "CP" ou "Courte-période" qui enregistrent la composante verticale, et pour certaines les composantes horizontales, du déplacement du sol dans une bande de fréquence adaptée aux ondes de volume. Ces ondes pénètrent plus ou moins profondément à l'intérieur de la Terre. Un exemple d'un tel type d'onde est fourni sur la figure A1 et représente le signal d'un séisme de magnitude supérieure à 5 dans la région de Bonneville enregistré par les trois composantes de la station de Lormes dans le Morvan à moins de 250 km.

- les stations dites "LP" ou "Longue-période" qui enregistrent les trois composantes du déplacement du sol dans la bande de fréquence des ondes de surface qui se propagent à la surface de la Terre. La figure A2 est l'exemple d'un signal enregistré sur ce type de capteur pour un séisme d'Alaska.

Dans tous les cas, le déplacement du sol est transformé en signal électrique, amplifié et retransmis jusqu'au centre de Bruyères-le-Châtel. Là les données des différentes stations sont regroupées, numérisées (50 points par seconde pour les données CP, 1 point par seconde pour les données LP), associées à une base de temps et enregistrées sous forme magnétique.

La configuration de 30 stations CP et 5 stations LP utilisée jusqu'à aujourd'hui est représentée sur la figure A3. La transmission de ces données se faisait par liaison hertzienne, ce qui impliquait des limitations dans la dynamique et dans la répartition géographique du fait de contraintes comme la longueur des lignes de transmission, la visibilité limitée imposant de nombreux relais, le nombre de canaux disponibles, etc.

La répartition des stations était donc peu homogène et certaines régions comme la Bretagne ou les Ardennes n'étaient pas couvertes et d'autres, comme les Alpes et surtout les Pyrénées, l'étaient mal.

Dans la configuration d'aujourd'hui les techniques modernes de transmission de données sont utilisées pour refondre complètement ce réseau. Les capteurs numériques et la transmission par satellite permettent de s'affranchir des limitations en dynamique (plus de signaux saturés comme le

montre l'exemple du séisme de Bonneville) et dans la géographie (répartition plus homogène des stations).

Ce nouveau réseau d'une quarantaine de stations au début, présenté sur la figure A4, sera opérationnel en septembre 1995.

Dans chaque station le signal sismique est numérisé et stocké sur place sur une station VSAT (Very Short Aperture Terminal) qui, à intervalle régulier, envoie à travers une liaison satellitaire une "trame" de données au centre de réception de Bruyères-le-Châtel. Il s'agit d'un paquet de données qui contient une durée définie de signal, toutes les informations permettant son repérage (code de la station, heure de début et durée d'enregistrement, sensibilité...) ainsi que des informations de service et d'autres mesures comme des données météorologiques (température, hygrométrie, vent...).

A l'arrivée, ces paquets sont décodés, vérifiés, réarrangés et enregistrés. Une période transmise de façon incorrecte ou incomplète peut être redemandée à la station.

Pour avoir un fonctionnement minimum, une dizaine de stations sont retransmises par ligne téléphonique en cas de défaillance de la transmission par satellite. Le basculement se fait de façon automatique et sans perte d'information en cas d'absence de données pendant une durée déterminée.

Traitements automatiques

Le L.D.G. est responsable vis-à-vis de la Sécurité Civile de l'alerte aux séismes se produisant en France et dans les régions limitrophes. Il a donc été amené à mettre au point des méthodes de traitement en temps réel en vue d'élaborer une alerte et de la diffuser au sismologue en astreinte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dont le rôle consiste à analyser les signaux pour calculer l'épicentre et la magnitude du séisme et, lorsque les seuils sont atteints, de fournir l'information à cet organisme.

Depuis le début de l'année 1994, le L.D.G. abrite le C.S.E.M. (Centre Sismologique Euro Méditerranéen). Une des missions de ce Centre est d'informer le Conseil de l'Europe de l'occurrence de séismes majeurs ayant eu lieu dans l'un des pays signataires d'un accord dit APO (Accord Partiel Ouvert). Ceci implique une surveillance de l'Europe, y compris la Russie, des pays du pourtour de la Méditerranée et de certains pays africains. Du fait du nombre de séismes concernés et de la rapidité de réaction demandée, un processus de localisation automatique a été mis au point.

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Les résultats obtenus par plusieurs Centres sismologiques sont expédiés à trois Centres de traitement (L.D.G. pour la France, I.G.N. en Espagne, I.N.G. en Italie, etc.) dont le rôle est d'associer ces informations et d'en déduire les coordonnées épicentrales et les magnitudes. Plus de 150 données de stations sont en général disponibles dans l'heure ou les toutes premières heures suivant la détection des très forts séismes, ce qui permet de fournir une information très précise. Les résultats sont expédiés, si possible dans un délai inférieur à une heure après le séisme, à environ 150 destinataires : Conseil de l'Europe, Sécurité Civile, organisations humanitaires et agences membre du C.S.E.M.

Détection

Le principe de la détection d'alerte consiste à rechercher des arrivées d'énergie sismique sur les différentes stations du réseau. Lorsque les seuils sont dépassés sur un nombre suffisant de stations, l'alerte est déclenchée par un appel téléphonique de l'ingénieur d'astreinte.

Dans chacune des stations le signal est filtré dans les bandes de fréquences adaptées aux types d'événements recherchés (séisme local, téléséisme, explosion...). Une mesure d'énergie instantanée du signal est effectuée en permanence et, lorsqu'un seuil préétabli est dépassé, pendant une durée minimale, la voie est déclarée en détection. Cette durée minimale est d'autant plus longue que l'on recherche des séismes de magnitude importante.

Lorsque l'on recherche des petits événements, ces détections ne correspondent pas nécessairement à des causes sismiques mais peuvent avoir pour origine des bruits locaux (passage de véhicule, rafale de vent, travaux à proximité...) ; aussi doit-on effectuer une étude de la cohérence temporelle des détections sur plusieurs voies du réseau pour définir un événement. Pour ce faire, on définit le nombre minimum de voies d'un réseau devant avoir enregistré une ou plusieurs détections dans une tranche de temps donnée pour justifier une alerte. La durée de cette tranche de temps est fonction de la taille du réseau et de la vitesse des ondes sismiques recherchées.

A titre d'exemple, dans le cas de l'alerte aux séismes en France, où le seuil de magnitude est de 4, l'énergie d'une voie doit être, pendant une minute, trois fois supérieure à celle du bruit de fond. Pour que l'alerte soit déclenchée, 7 des 30 stations doivent être en état de dépassement de seuil dans un délai d'une minute.

L'expérience acquise en quinze ans a démontré que ces seuils étaient adaptés aux critères de magnitude définis : peu de fausses alertes et surtout pas d'événements manqués. Dans ces conditions, on observe en moyenne une

trentaine d'alertes par an dont quelques unités seulement correspondent à de fausses alertes (forts téléséismes).

Localisation automatique

Le processus de détection est prolongé par une étape de localisation automatique. On peut alors vérifier que l'épicentre observé se trouve bien dans la zone géographique étudiée, et que la magnitude mesurée dépasse bien le seuil défini pour cette région avant de transmettre l'alerte au sismologue d'astreinte.

C'est cette méthode qui est appliquée dans le cas de l'alerte aux séismes européens (au sens large, la Russie faisant partie des zones à surveiller).

Dans le cas de cette alerte, le principe de détection reste le même, seuls changent les seuils de durée de dépassement, et les nombres de stations intéressées.

Lorsqu'une pré-détection est observée, les signaux correspondant à la période de temps intéressante sont mis en mémoire. Les heures d'arrivée des ondes sismiques dans les diverses stations du réseau sont alors mesurées avec la meilleure précision possible et une détermination de la localisation de l'épicentre est effectuée pour calculer la latitude, la longitude et l'heure origine du séisme (l'estimation de la profondeur étant trop délicate pour être obtenue automatiquement).

En même temps l'amplitude maximale des signaux est aussi mesurée ce qui permet d'obtenir la magnitude.

En 1994, 80 séismes ont provoqué ce type d'alerte. Ce chiffre plus élevé que prévu par des études statistiques de la sismicité, est dû à une série de séismes importants aux îles Kouriles et à leurs répliques.

Traitements systématiques

La précision obtenue automatiquement, suffisante dans le cas de forts séismes, ne l'est plus dans le cas de séismes de magnitude modérée. Un traitement interactif est donc appliqué quotidiennement par des sismologues expérimentés pour localiser l'ensemble de la sismicité enregistrée par le réseau métropolitain, en s'aidant si possible des informations transmises par des réseaux extérieurs comme le réseau de Polynésie.

Les signaux sismiques correspondant à ces événements sont visualisés sur écran et les paramètres permettant le calcul de l'épicentre et de la magnitude sont mesurés par un sismologue.

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La sélection des séismes par un spécialiste permet d'éliminer les événements d'origine humaine comme les tirs de carrière qui sont très difficiles à détecter et rejeter par les systèmes automatiques. L'ensemble des ces mesures et des résultats que l'on en déduit donnent lieu à l'édition de deux bulletins hebdomadaires, l'un concernant la sismicité locale et le second les téléséismes.

Ces bulletins sont largement diffusés en France et dans le monde depuis le début des années 70 à tous les laboratoires et organismes qui en font la demande (actuellement environ 70 exemplaires de chacun de ces bulletins sont expédiés par semaine).

Les informations qu'ils contiennent sont reprises par des agences internationales dont le rôle est de regrouper les données de tous les réseaux mondiaux et d'en déduire des localisations et des magnitudes très précises.

La figure A5 représente la sismicité enregistrée depuis plus de trente ans dans le domaine proche. La figure A6 montre la sismicité enregistrée en 1994 dans le domaine des téléséismes.

Ceci correspond, en se limitant à la seule sismicité naturelle et aux seuls séismes dont la localisation est assez fiable pour être publiée, à près de 30 000 séismes locaux et 37 000 téléséismes. Compte tenu de l'évolution du réseau il se traite aujourd'hui environ 4 000 séismes par an au L.D.G. ce qui correspond à plus de 50 000 pointés d'heures d'arrivée et d'amplitudes.

L'histogramme de la figure A7 représente l'évolution annuelle de cette sismicité. Les variations qu'il montre sont représentatives de l'amélioration du réseau (nouvelles stations dans les Pyrénées, les Alpes puis la Corse) plutôt que d'une évolution naturelle de la sismicité.

        4-1-1-2 - le réseau national RéNaSS

Le Réseau National de Surveillance Sismique (RéNaSS) est un projet d'envergure nationale soutenu par l'Institut National des Sciences de l'Univers (INSU, anciennement INAG) depuis 1982. Ce projet est coordonné par le Bureau Central Sismologique Français (BCSF), dont le siège est fixé par décret à l'Ecole et Observatoire de Physique du Globe de Strasbourg dont le Directeur est Roland Schlich et le responsable du projet, le Physicien Michel Granet. Il a pour but de fédérer les réseaux de surveillance sismique et les stations sismologiques isolées (non rattachées à un réseau) gérés par les différents Observatoires des Sciences de l'Univers (OSU). Les OSU concernées sont l'Institut de Physique du Globe de Paris, l'Observatoire de Clermont-Ferrand, l'Observatoire Midi-Pyrénées, l'Observatoire de Grenoble et l'École et Observatoire de Physique du Globe de Strasbourg.

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Le RéNaSS a deux objectifs scientifiques majeurs : d'une part un suivi, si possible en temps réel, de la sismicité observée par ces réseaux et stations, d'autre part la constitution d'une collection, si possible exhaustive, de sismogrammes de qualité à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Afin de remplir cette mission, les événements sismiques enregistrés par les stations sismologiques universitaires françaises fédérées par le RéNaSS -69 actuellement sont centralisés et exploités au site central de Strasbourg en temps réel, quasi réel ou différé.

Une informatique ad hoc est dédiée à ces objectifs tant au niveau du site central de Strasbourg que des sites éloignés. A Strasbourg, le site central du RéNaSS s'identifie avec le Centre de Traitement des Données Sismologiques (CTDS), qui est un service scientifique de l'Ecole et Observatoire de Physique du Globe de Strasbourg. C'est une unité opérationnelle de localisation d'événements sismiques, qui s'occupe principalement de la collecte et du traitement, soit en mode routinier, soit en mode urgence, des sismogrammes collectés par le Réseau National de Surveillance Sismique.

Le projet RéNaSS a démarré en 1981. Les choix matériels et logiciels ont été redéfinis en 1987 par une nouvelle équipe. En 1990, tous les objectifs initiaux furent atteints. Une nouvelle politique a été définie et acceptée pour le RéNaSS en 1991 après une étude de la situation courante : coûts prohibitifs des télécommunications, vieillissement technologique et hétérogénéité des systèmes, retard dans l'équipement accélérométrique et large bande du territoire métropolitain.

La politique actuelle a les buts essentiels et prioritaires suivants :

1- améliorer sensiblement la valorisation scientifique du dispositif RéNaSS,

2- rattraper notre retard technologique et mieux intégrer le RéNaSS dans un contexte européen,

3- réduire sensiblement les coûts des télécommunications.

Ceci se traduit par:

- la réalisation d'un réseau français large bande RéNaSS,

- la réalisation d'un réseau national accélérométrique permanent,

- le renforcement du rôle de centre serveur du site central et la lisibilité des centres régionaux au sein de la Fédération,

- la limitation des déterminations rapides en France aux séismes de magnitude supérieure à 4.5, et dans le monde aux séismes de magnitude à 6.5.

Les réseaux fédérés par le RéNaSS sont le réseau du Fossé Rhénan (10 stations sismologiques gérées par Strasbourg), le réseau de Provence (8 stations - EOPG Strasbourg), le réseau de l'Arrière Pays Niçois (7 stations - EOPG Strasbourg), le réseau des Pyrénées Orientales (11 stations - OMP Toulouse), le réseau des Pyrénées Occidentales (9 stations - IPG Paris), le réseau d'Auvergne (7 stations - OPG Clermont-Ferrand) et le réseau des Alpes (5 stations - OSU Grenoble). Le réseau de surveillance du champ de gaz de Lacq (7 stations - Strasbourg) contribue quelquefois aux localisations. Quelques stations isolées émargent également à la fédération : Brest (Bretagne), Moulis (Pyrénées), Dompierre et Mencas (Nord de la France).

A ce jour, trois réseaux de surveillance sismique (Fossé Rhénan, Arrière Pays Niçois et Auvergne) fonctionnent suivant un nouveau système d'acquisition moderne permettant une acquisition en continue, et donc l'archivage du sismogramme complet, progrès important pour la valorisation scientifique du dispositif.

Depuis 1992, le BCSF assume la responsabilité de la définition et de la mise en place d'un réseau de stations sismologiques large bande sur le territoire métropolitain. A terme, afin de doter le territoire d'une instrumentation moderne et au niveau des réalisations étrangères, entre 10 à 15 stations de très haute technologie équipées d'un sismomètre STS2 et d'une acquisition de 120 dB de dynamique seront déployées. Une telle station sismologique est capable de détecter des mouvements du sol de quelques microns. Les finalités d'une telle instrumentation recouvrent le domaine de la recherche fondamentale (source, tomographie, ...) et le domaine du traitement d'observatoire proprement dit (moments sismiques, mouvements basses fréquences, ...).

La phase d'installation de ces stations LB est maintenant initiée : les sites de Nice, Clermont-Ferrand et de Moulis sont opérationnels depuis l'automne 1994, ceux des sites de Bretagne et de Grand-Maison (Alpes) sont en cours d'installation.

L'activité du site central du RéNaSS peut donc être ainsi définie :

- le site central collecte actuellement environ 2 500 séismes par an, incluant la sismicité locale et la sismicité lointaine. Les informations relatives à ces séismes sont diffusées à la communauté scientifique nationale et internationale sur support télématique, par messagerie électronique et support papier ;

- le site central travaille à la réalisation d'une banque de données. Cette banque est l'évolution du système actuel qui offre à la communauté l'accès en temps réel des données collectées par le ReNaSS et mise à jour quotidiennement ;

- le système de réponse automatique à des requêtes extérieures est prévu. Le but est d'assurer une réponse la plus automatisée possible à des demandes de sismogrammes ou de données paramétriques ;

- le site central est consulté afin de répondre à des demandes particulières en provenance de collectivités (communes principalement), d'organismes nationaux (Sécurité Civile, BRGM, ...), de sociétés civiles ou de particuliers (expertises, écoles) ;

- le site central procède à la détermination rapide de paramètres hypocentraux.

Dans le cadre du BCSF, il remplit son rôle de coordonnateur au niveau national et propose les orientations qui lui semblent nécessaires en matière d'instrumentation et d'acquisition de données.

Concrètement, des nouveaux systèmes d'acquisition en continu sont opérationnels depuis l'été 1994. Les conséquences en seront une diminution significative des coûts de fonctionnement liés aux télécommunications, une collecte de sismogrammes la plus exhaustive possible et l'abandon de la surveillance en temps réel de l'Auvergne. L'installation du réseau de haute technologie doit se poursuivre.

      4-1-2 - les réseaux régionaux métropolitains

Les réseaux régionaux sont indispensables pour la connaissance de l'aléa local, mais nécessitent des investissements que peu de collectivités sont disposées à effectuer. Quelques exemples existent heureusement dont deux que votre Rapporteur a pu observer.

        4-1-2-1 - les réseaux du BERSSIN/IPSN

Les travaux réalisés par le Bureau d'Evaluation du Risque Sismique pour la Sûreté des Installations Nucléaires de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaires (IPSN/BERSSIN), en matière d'évaluation de l'aléa sismique en France, en collaboration avec de nombreux scientifiques français et étrangers, ont pour objectif une meilleure prévention des risques sismiques, notamment lorsqu'il s'agit d'implanter un site nucléaire. Ces travaux servent de base à la mise au point de méthodes d'évaluation de l'aléa sismique à l'échelle régionale et surtout locale (définition d'un mouvement de référence adapté au site).

Un des buts essentiels de cette évaluation consiste à déterminer le mouvement sismique le plus agressif qui puisse affecter le site. Dans ce but, il est nécessaire d'améliorer la connaissance des phénomènes physiques mis en jeu lors d'un séisme, des sources sismiques et de la propagation des ondes entre la source et un site spécifique (figures B1 et B2). Les outils utilisés dans le cadre de ces travaux font appel à l'observation, l'expérimentation et au développement de méthodes d'analyse et de simulation.

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Deux thèmes d'études principaux sont développés par l'équipe qu'anime M. Bagher Mohammadioun :

- reconnaissance de failles actives et quantification de la déformation en France métropolitaine,

- collecte des mouvements sismiques en France et à l'étranger (le réseau développé par le BERSSIN aux Etats-Unis sera présenté dans ce paragraphe) et méthodologie de calcul du mouvement sismique de référence. Ce mouvement sismique de référence est utilisé ensuite dans le dimensionnement parasismique des installations nucléaires et chimiques.

L'objectif général de la première action est l'amélioration de la connaissance des failles actives et de la sismicité en France, ainsi que l'optimisation de la méthodologie de zonage sismotectonique en support à l'évaluation de l'aléa sismique dans les régions à sismicité modérée.

Ceci nécessite les étapes suivantes :

- recensement des failles actives,

- quantification de l'activité de ces failles, mesure de mouvements verticaux et horizontaux actuels (nivellement, géodésie), étude de la répartition de la déformation et des contraintes,

- étude des grands séismes en France et régions limitrophes (paléosismicité, archéosismicité et sismicité historique),

- évaluation des périodes de récurrence de forts séismes,

- étude des lois de décroissance de l'intensité avec la distance, des effets de site.

Les principaux résultats de ces dernières années sont la mise en évidence de l'existence de ruptures de surface sismiques en France dans le quaternaire (carte B3) et la détermination des caractéristiques (intensité, profondeur focale, magnitude) des principaux séismes historiques.

Une étape importante a été la publication du document "Sismotectonique de la France métropolitaine dans son cadre géologique et géophysique" à la fin de l'année 1993 (Mémoire de la Société Géologique de France, n° 164). Ce document présente une compilation de données géologiques et de tectonique actuelle et récente ainsi qu'une méthodologie de zonage à l'échelle du territoire français.

Les prochaines étapes principales concernent la détermination, dans certaines régions, de zones sources à l'intérieur des zones sismotectoniques définies précédemment, l'étude de nouveaux paléoséismes et archéoséismes pour permettre la quantification de la déformation et l'évaluation des périodes de retour de forts séismes, et la mise en évidence d'effets de site à partir de

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données de macrosismicité. Ces travaux sont réalisés en étroite collaboration avec les équipes universitaires et les divers organismes publics français.

La seconde action a un double objectif : recherche des caractéristiques des mouvements forts en zone épicentrale et détermination du mouvement de référence adapté à un site donné pour utilisation dans le dimensionnement. Ceci nécessite l'élaboration de méthodes de calcul fondées sur l'analyse des données accélérométriques ou sur des modèles physiques.

En France, comme on le verra dans la suite, aucune donnée accélérométrique de mouvements forts n'a été obtenue à ce jour. Ainsi, il est nécessaire de collecter, classer et analyser les données de mouvements forts obtenues à travers le monde lors de séismes importants, d'enregistrer des mouvements faibles (avec une instrumentation appropriée) permettant la simulation de mouvements forts, d'étudier les effets de propagation des ondes sismiques (effets de sites).

Cette activité s'appuie sur des installations expérimentales, les deux principales étant le réseau de surveillance de la Moyenne Durance et le dispositif expérimental de Garner Valley en Californie.

Le réseau de surveillance de la Moyenne Durance (carte B4) en cours d'installation, comprendra à terme 6 à 12 stations équipées pour l'enregistrement de mouvements forts et faibles. Ce dispositif contribuera à la compréhension du fonctionnement d'un système actif dans le contexte français (variation spatiale et temporelle de l'activité microsismique le long d'un accident, détermination du taux de déformation, comparaison avec les données issues de la paléosismicité, ...). Il permettra aussi des études de mouvement sismique : utilisation des mouvements faibles pour la prévision d'un mouvement de référence adapté au site ; étude de la décroissance de l'amplitude en fonction de la distance, étude des effets de source (directivité, influence de la chute de contrainte sur le contenu spectral).

Le dispositif expérimental, que j'ai visité, de Garner Valley en Californie, en collaboration avec la Nuclear Regulatory Commission des Etats-Unis, comporte six capteurs à des profondeurs variables pour l'étude des effets de site. Plus de 1 000 séismes ont été enregistrés depuis le début de l'expérimentation en 1989. Depuis cette année, le dispositif a été complété par un forage de 600 m équipé de divers instruments de mesure (étude des mouvements en profondeur, perturbations du régime hydraulique). Ces données sont indispensables pour l'étude de la sûreté des stockages géologiques profonds de déchets radioactifs.

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Par ailleurs, le laboratoire du BERSSIN est équipé d'appareils d'intervention (accélérographes haute sensibilité) pouvant être déployés rapidement soit en cas d'intervention post-séisme (comme par exemple après les séismes d'Oléron en 1972, du Frioul en 1976, du Jura Souabe en 1978, d'El Asnam en 1980, de Liège en 1983, d'Arménie en 1989, d'Erzincan en 1992), soit dans le cas d'expérimentations spécifiques.

Lors de séismes importants dans le monde, les membres du BERSSIN participent à des missions post-sismiques (organisées notamment par l'Association Française de Génie Parasismique, par exemple à Kobe en janvier 1995). Ces missions contribuent à l'amélioration des connaissances et de la compréhension des phénomènes sismiques, surtout dans les régions épicentrales.

Toutes les données collectées dans ces travaux sont ensuite utilisées pour le développement de techniques d'analyse et de simulation : meilleure évaluation des données sismiques pour la période préhistorique, étude de l'influence des paramètres à la source, prévision des effets de site notamment étude du comportement non-linéaire des sols en cas de sollicitations intenses.

Les résultats de ces travaux sont utilisés pour améliorer la pratique d'évaluation des risques sismiques dans une région intra-plaque comme la France, et pour préparer des textes réglementaires édictés ensuite sous forme de Règle Fondamentale de Sûreté par la Direction de Sûreté des Installations Nucléaires du Ministère de l'Industrie.

        4-1-2-2 - le réseau régional SISMALP

L'opération Isère Département pilote avait également retenu l'attention de votre Rapporteur. J'ai donc tenu a rencontré les principaux protagonistes. Le projet SISMALP lancé en 1987 fonctionne actuellement et les responsables en sont Julien Fréchet et François Thouvenot du Laboratoire de Géophysique Interne et Tectonophysique de l'Observatoire de Grenoble. Ils m'ont exposé l'historique de SISMALP.

Les Alpes françaises, formant une partie de la limite entre les plaques tectoniques européenne et africaine, sont soumises à un régime continu de sismicité qui, bien que généralement modéré, n'en reste pas moins dangereux tous les deux ou trois ans (dégâts immobiliers) et catastrophique au moins une fois par siècle. L'ensemble de la région alpine était cependant très peu instrumenté jusqu'en 1988 -beaucoup moins en tout cas que les versants italien et suisse-, ce qui rendait difficile une estimation du risque sismique. Pour mieux surveiller une sismicité qui apparaissait répartie de façon très diffuse sur plus de 70 000 km², il fallait déployer un réseau le plus dense possible, avec une distance entre stations de l'ordre de 30 à 50 km. La coopération technique entretenue entre l'Observatoire de Grenoble et le LEAS (St-Ismier-Grenoble) pour développer de nouveaux types d'appareillage a permis de disposer de

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balises sismologiques connectées au réseau téléphonique commuté (réseau téléphonique ordinaire), avec le triple avantage d'un coût d'acquisition peu élevé, d'un coût de fonctionnement extrêmement réduit, et d'une maintenance sur site ne nécessitant que des interventions annuelles.

Le projet SISMALP, lancé en 1987 dans le cadre de l'opération Isère Département Pilote pour les Risques Majeurs, visait donc à l'établissement d'un réseau de plusieurs dizaines de ces balises réparties sur l'ensemble du Sud-Est de la France, du lac Léman à la Corse. Le but premier était de surveiller la sismicité régionale, mais le réseau devait aussi permettre une meilleure estimation du risque sismique. Mieux comprendre la sismotectonique régionale et mieux connaître la structure profonde de la lithosphère alpine en étaient aussi deux retombées attendues. La constitution d'une banque de données homogène devait également permettre des études de recherche fondamentale sur la source sismique.

Pour un investissement total d'un million et demi de francs, SISMALP a bénéficié d'un multifinancement du Conseil Général de l'Isère (29 %), de l'Institut National des Sciences de l'Univers (23 %), de la Délégation aux Risques Majeurs (25 %) et du contrat de plan Etat-Région Rhône-Alpes (22 %).

C'est sur la base d'un prototype conçu dès 1982 par Georges Poupinet, actuel directeur du Laboratoire de Géophysique interne, et testé sur le terrain en quatre sites pilotes de 1984 à 1988, que les balises sismologiques téléphoniques qui équipent le réseau SISMALP ont été développées par le LEAS à partir de 1980. Chaque balise acquiert un signal sismique délivré par un sismomètre vertical (1 Hz). Un microprocesseur scrute en continu le signal numérisé, et, dès qu'un critère de détection est atteint, stocke le signal correspondant en mémoire. Bien que cette mémoire soit réduite, ce qui n'autorise que le stockage de 6 détections de 40 secondes, une détection postérieure peut être néanmoins stockée si son amplitude est suffisamment importante. La balise est alimentée par deux batteries qui lui garantissent une autonomie de 18 mois environ. Une fois par nuit, chaque balise est interrogée automatiquement par téléphone depuis une station centrale localisée à l'Observatoire de Grenoble. La ligne téléphonique n'est utilisée que pendant l'interrogation, soit quelques minutes par jour et par balise. Le réseau SISMALP comprend actuellement 44 balises, ce qui en fait l'un des réseaux les plus denses d'Europe. Etalée sur 6 ans de 1988 à 1993, la phase d'installation a nécessité des recherches de sites souvent délicates, mais qui garantissent des signaux de bonne qualité.

En adjoignant aux données du réseau SISMALP celles du réseau de Gênes (Italie) qui comporte une douzaine de stations, les Grenoblois sont

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maintenant en mesure de localiser les hypocentres des séismes régionaux avec une précision de l'ordre du kilomètre si le séisme s'est produit à l'intérieur du réseau et si sa magnitude est supérieure à 2. Ils estiment par ailleurs que tout séisme de magnitude supérieure à 1 survenant dans le réseau peut être détecté et localisé. La précision des localisations est donc considérablement améliorée, ainsi que la possibilité de détecter des événements de très faible magnitude. Deux à trois événements sont ainsi localisés chaque jour.

La carte (figure S1) montre quelques unes de ces localisations pour la période 1989-1993 (symboles noirs). On y remarque la différence d'activité sismique entre les zones proches de la frontière franco-italienne et les zones plus externes (c'est-à-dire plus à l'Ouest). Grâce à la précision des localisations, certains alignements commencent également à apparaître, ce qui conforte l'idée qu'une cartographie des failles sismiques actives est désormais possible. Le principal problème que nous ayons rencontré à ce niveau est la pollution de la base de données par les très nombreux tirs de carrière (vallée du Rhône, Grenoble, Bugey, Toulon, Draguignan, Nice) et les séismes induits par l'exploitation des mines de Gardanne (Bouches-du-Rhône). Une procédure a été mise au point pour identifier maintenant de façon très sûre un certain nombre de sources connues. Un tel travail est indispensable pour pouvoir fournir une carte reflétant strictement la sismicité naturelle.

Des études de détail ont été faites sur certaines crises sismiques qui se sont produites ces trois dernières années. La première de ces études concerne la crise sismique qui a affecté la haute vallée de l'Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence) en janvier 1989. Cette crise s'est déroulée en l'espace de quatre à cinq jours, avec plusieurs centaines de microsecousses, dont une demi-douzaine ont atteint la magnitude 2.5 à 3. Ces événements plus importants ont été bien enregistrés par les stations du réseau SISMALP dont les premières stations venaient à l'époque d'être installées. L'étude de la forme d'onde des différents sismogrammes enregistrés montre que les différents foyers sont en fait situés à moins de 100 m les uns des autres (la zone active est pratiquement ponctuelle).

Deux séismes de magnitude 4.5 et 4.2 se sont produits au large de Monaco en décembre 1989 et avril 1990, séismes largement ressentis par la population tout le long de la Côte d'Azur et de la Riviera italienne. L'étude de leurs mécanismes au foyer indique, dans les deux cas, que les contraintes tectoniques qui leur ont donné naissance correspondent à une compression. Ce résultat est tout particulièrement intéressant dans cette région qui se situe en bordure du bassin liguro-provençal où l'on s'attendrait plutôt à de l'extension ; il remet en question un certain nombre de concepts géodynamiques dans cette région de la Méditerranée.

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Enfin, les fortes secousses qui ont ébranlé la région de Briançon en février 1991 (choc principal de magnitude 4.7 suivi, deux jours plus tard, par deux répliques de magnitudes 3.6 et 3.8) ont été très rapidement l'objet d'un travail de détail. L'étude des mécanismes au foyer montre cette fois-ci que la faille qui a joué a fonctionné en coulissage, avec un déplacement du domaine piémontais par rapport au domaine briançonnais.

Les valeurs de magnitude locale calculées par SISMALP (magnitude ml) ont été comparées, pour un certain nombre d'événements, avec celles obtenues par le Laboratoire de Détection Géophysique. Si les valeurs semblent assez comparables pour les séismes de magnitude supérieure à 4, les magnitudes calculées par SISMALP sont en revanche nettement plus faibles que celles du L.D.G. pour les magnitudes inférieures à 4. La différence peut atteindre, voire dépasser 1, ce qui est considérable puisque cela correspond à une amplitude 10 fois moins forte. La compréhension de l'origine de cette surestimation, qui a été également constatée par d'autres organismes, a des implications importantes pour le risque sismique et doit faire l'objet d'une étude exhaustive. Pour la magnitude des téléséismes (magnitude mb ), les calculs sont en accord avec ceux des organismes internationaux, à 0,2 près.

L'importante densité de stations du réseau SISMALP permet maintenant d'utiliser les téléséismes pour sonder la lithosphère alpine. Lorsqu'on se trouve à grande distance de l'épicentre, les rais sismiques atteignent en effet les stations en traversant la lithosphère pratiquement verticalement, et les hétérogénéités rencontrées induisent des différences de temps de propagation. L'analyse de ces différences permet de procéder à une tomographie des Alpes jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres de profondeur. Une étude préliminaire montre l'existence d'une ancienne zone de subduction, avec un plongement de la plaque européenne sous la plaque adriatique. Des études plus complètes sont en cours avec les laboratoires suisses et italiens.

Une coopération de longue date avec les centres de Gênes et de Barcelone s'est trouvée renforcée lorsque ceux-ci ont fait l'acquisition, à partir de 1989, de plusieurs balises téléphoniques et d'une station centrale d'interrogation. Le même matériel est également utilisé par plusieurs organismes à Monaco, Nice, Clermont-Ferrand et Strasbourg. Par ailleurs, depuis 1991, dans un but de surveillance de l'activité sismique induite, neuf sites proches des champs d'exploitation de gaz naturel de Lacq sont instrumentés avec des balises téléphoniques interrogées depuis l'Observatoire de Grenoble (réseau SISLACQ, J.-R. Grasso). Les logiciels développés à Grenoble sont également utilisés par de nombreux instituts en France et à l'étranger (Europe, Russie, Chine, Indonésie, Philippines, Amérique Latine).

Dans sa configuration actuelle, le réseau SISMALP permet une surveillance précise de la sismicité du Sud-Est de la France. Outre le rôle d'information lors de séismes ressentis, il permet l'établissement de cartes sismotectoniques qui pourront être améliorées au fur et à mesure de l'acquisition des nouvelles données. Un certain nombre d'études ne peuvent pas être correctement effectuées avec le matériel actuel du fait de la faible capacité d'acquisition, de la faible dynamique, de la précision en temps encore insuffisante (quelques millisecondes), et du fait que les stations n'enregistrent que la composante verticale du mouvement du sol. Pour pallier ces limitations, le L.E.A.S. vient d'achever le développement d'une balise beaucoup plus performante (trois composantes, grande dynamique, 20 fois plus de capacité, vitesse de transmission multipliée par 10) qui sera prochainement installée en quelques sites (financement du Contrat de Plan Etat-Région 1993). Sur le plan européen, le programme InterReg -en collaboration avec Gênes- doit également permettre de financer quelques nouveaux points de mesure équipés de capteurs large bande (au lieu des sismomètres 1 Hz actuels), ce qui donnera accès à tout un nouvel éventail d'études.

Les nombreux séismes qui ont été ressentis dans les Alpes ces dernières années (l'un d'eux, près de Briançon, a occasionné des dégâts immobiliers ; certains étaient situés à proximité immédiate de centrales nucléaires) nous rappellent la vigilance dont nous devons faire preuve vis à vis du risque sismique. L'occurrence d'un séisme catastrophique dans notre région est une certitude, sans que l'on puisse en préciser la date (quelques années ou quelques dizaines d'années). L'étude du risque sismique à l'aide des données sismologiques, géophysiques et géologiques doit donc être développée, en particulier pour les zones urbaines et les sites industriels à risque.

      4-1-3 - réseaux de surveillance dans les DOM-TOM

Dans les DOM-TOM, deux réseaux existent :

- celui de la Polynésie française, implanté pour des raisons stratégiques et de sécurité liées au centre d'expérimentation nucléaire du Pacifique,

- celui des Antilles, région considérée comme la plus sismique du territoire national.

Le réseau régional des Petites Antilles est constitué depuis 1978 de 11 stations sismologiques réparties sur les îles d'Antigua (1 station), de la Guadeloupe et dépendances (5 stations), de la Dominique (2 stations) et de la Martinique (4 stations).

L'Observatoire volcanologique de Martinique voudrait se doter d'une station VAN améliorée, permettant également d'enregistrer les signaux électromagnétiques. Ce projet a été accepté, mais avec un financement à 0 % par le Conseil Régional.

La surveillance sismologique des Antilles dépasse les frontières de chaque île ; la coopération est bonne avec les îles voisines anglophones, Antigua, Trinidad notamment, même si les moyens de recherche de ces pays sont faibles. En outre, les 2 stations sismiques sous-marines fixes à 5 000 m de profondeur entre la Martinique et la Guadeloupe sont particulièrement utiles. Mais, ainsi que le soulignait M. Viodé, Directeur de l'Observatoire de la Montagne Pelée, le problème du financement, surtout dans un contexte international, est primordial.

L'observatoire volcanologique de la Soufrière existe en Guadeloupe depuis 1950. Le nouvel observatoire du Houelmont que dirige M. Michel Feuillard a été inauguré le 15 décembre 1993 et participe aux travaux du réseau d'observatoires gérés par l'IPG de Paris. Ses actions en matière sismologique concernent l'étude de la sismicité de l'arc des Antilles et l'étude de la subduction, en collaboration avec l'Observatoire de la Martinique, en coopération avec les îles anglaises, et plus difficilement avec le Costa-Rica. 1000 séismes environ sont détectés par an dont 60 % donnent lieu à une détermination de l'épicentre, 2/3 sont situés dans la plaque Caraïbe, 1/3 dans la subduction.

M. Serge Lallier, Directeur du BRGM-Antilles, me faisait remarquer que figurait au IXème Plan un essai de typologie des séismes aux Antilles, avec une identification des lieux où le phénomène peut être amplifié compte tenu de la nature des sols. Cette étude qui pourrait être du domaine universitaire n'a pas été entamée à ce jour.

L'Université Antilles-Guyane de Guadeloupe voulait et veut implanter un réseau VAN mais rencontre des difficultés, même si un de ses responsables, M. Jean-Jacques Jérémie, Directeur du Laboratoire de Volcanologie et Géochimie, n'est pas certain que cette expérimentation puisse donner, dans le cas d'une zone de subduction, des résultats probants. M. Christian Asselin de Beauville, Directeur du Laboratoire de Physique Atmosphérique, propose lui d'expérimenter sur des animaux, mais le financement estimé à 600 000 francs pour l'installation et à 1 million de francs pour le fonctionnement n'est pas trouvé.

La Région a déjà fait un effort important en finançant pour 500 000 francs un réseau sismique mobile.


    4-2 - les réseaux accélérométriques

La surveillance globale du territoire semble possible par ces réseaux, pour les événements les plus forts tout au moins.

Par contre, les réseaux accélérométriques sont quasiment inexistants. Les seuls accéléromètres installés dans les installations nucléaires ne sont pas très performants à cause de leur répartition géographique et de leur manque de sensibilité (ils ne se déclenchent au mieux que pour des séismes proches et de magnitude supérieure à 4 !).

Dans ces conditions, si un séisme destructeur survenait en France, il n'y aurait que très peu de chances de recueillir des mouvements forts et probablement pas dans la zone épicentrale. Il ne pourrait donc en résulter aucun progrès dans l'estimation quantitative de l'aléa sismique.

Ce manque a été dénoncé par la Délégation aux Risques Majeurs en 1989, mais rien ne semble avoir bougé depuis.

Les effets d'un séisme sont modifiés par la nature du sous-sol. L'effet mécanique peut-être aggravé par les conditions hydriques du sol, notamment lorsque les sédiments sont gorgés d'eau. Il s'ensuit, outre des tassements, le redoutable phénomène de liquéfaction qui déstabilise totalement les fondations des immeubles.

Que ce soit M. George Housner, professeur d'ingénierie sismique à l'Université privée Cal'Tech, le Dr. Helmut Krawinkler, Directeur du John A. Blume Earthquake Engineering Center de l'Université de Stanford ou M. Gabriel Auvinet, professeur de géomécanique à l'ENSG Nancy et à l'Université de Mexico, tous le confirmaient en utilisant quasiment les mêmes termes : "La nature des sols est très importante, surtout si le sous-sol est mou. L'exemple de Mexico, construit en partie sur un ancien lac de 5 km de diamètre est le plus parlant. Le sol s'est comporté comme un bol de gélatine".

Depuis 1989, plusieurs rapports concernant la nécessité pour la France de se doter d'un réseau accélérométrique ont été déposés.

Le premier rapport "Propositions pour un Réseau Accélérométrique Permanent", écrit à la demande de la Délégation aux Risques Majeurs, soulignait les points suivants :

- la France est un pays à la sismicité modérée mais au Risque Sismique non négligeable, les conséquences économiques et humaines d'un séisme de magnitude 5 (il peut y en avoir 20 par siècle) peuvent être catastrophiques.

- la prédiction du mouvement du sol lors d'un séisme est fondamentale pour évaluer l'aléa sismique et ainsi réduire le risque.

- il est plus efficace et plus facile de prédire le mouvement du sol que de prédire le séisme lui-même.

- les paramètres qui ont une influence sur le mouvement du sol sont nombreux et complexes, seules des mesures "in situ" permettent d'acquérir les données caractéristiques d'une région donnée.

- ces données peuvent être ensuite injectées dans des modèles numériques qui ont fait de très grands progrès cette dernière décennie. Il est alors possible de travailler à l'aide de petits séismes pour prévoir les effets des gros séismes.

- seul un réseau dense, sensible et performant permettra d'acquérir de telles données.

- la France est le seul pays du pourtour méditerranéen à ne pas être doté d'un réseau accélérométrique permanent national.

Les Recommandations pour le Développement de l'Accélérométrie en France, deuxième rapport, établi par le Bureau Central Sismologique Français, reprenaient la plupart de celles formulées dans le rapport précédent en y ajoutant les suivantes :

- disposer d'une instrumentation performante, distincte des "réseaux sismologiques" car elle ne doit pas saturer, et elle concerne un domaine de fréquence étendu,

- distribuer l'information recueillie de manière publique,

- prévoir un Centre National, rattaché à un organisme public de recherches, chargé de la centralisation des données,

- mettre en place un Comité Scientifique inter-organismes,

- prévoir le personnel indispensable à la bonne marche d'un tel réseau.

Le troisième rapport "Réseau d'Accélérométrie Sismique à implanter en France" réalisé par le Conseil Général des Ponts et Chaussées reprend l'argumentaire des rapports précédents en montrant les intérêts que le Ministère de l'Équipement pourrait en tirer. On y trouve aussi une proposition de création d'un Centre de Recherches sur les Tremblements de Terre, dont la localisation proposée à cette époque était à Nice. Ce rapport proposait d'encourager le financement d'un Réseau Accélérométrique Permanent à un niveau élevé, et suggérait une subvention de 2 MF dès 1992.

A la suite des ces différents rapports, la Direction de la Prévention des Pollutions et des Risques du Ministère de l'Environnement décidait de lancer une opération "pilote" pour montrer l'intérêt et la faisabilité d'un réseau.

La DPPR a chargé Denis Hatzfeld de l'Observatoire de Grenoble, d'animer cette phase pilote en :

- convoquant une réunion rassemblant les différents partenaires (CEA, LCPC, BRGM, Universités), qui a remis des propositions le 8 février 1993,

- développant une instrumentation française adaptée. Ce qui a été fait durant l'année 1993-1994, par la société AGECODAGIS,

- démarrant la phase pilote, installant un réseau régional dans les régions Rhône-Alpes et PACA, ce qui a commencé en octobre 1994 et devrait se poursuivre en 1995.

Cette opération pilote reçoit un financement annuel de 900 kF TTC, ce qui est raisonnable pour une opération pilote, mais ne permettra pas un développement rapide du réseau. A ce jour, il ne semble y avoir aucun financement du Ministère de l'Équipement.

Par ailleurs, la DRM a été mise en garde sur le fait qu'un tel réseau allait fournir des Giga-octets de mesures, ce qui nécessitait des procédures d'archivage sérieuses, mais qui vont induire des coûts de fonctionnement.

Enfin la maintenance technique du réseau, ainsi que la gestion des données, nécessite un personnel spécifique qui n'existe pas pour l'instant, et sans lequel le réseau ne fonctionnera pas.

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