SOMMAIRE

Les SÉISMES et MOUVEMENTS de TERRAIN :

TOME 1 : CONCLUSIONS du RAPPORTEUR

TITRE I - Les SÉISMES et le RISQUE SISMIQUE

7 - La gestion de crise en cas de séisme : nécessité ou non d'un plan d'évacuation et de secours propre au risque sismique ? 217
7-1 - La gestion des crises lors des séismes de Northridge et de Kobe 217
7-1-1 - La gestion de crise lors du séisme de Northridge 217
7-1-2 - La gestion de crise lors du séisme de Kobe 223
7-2 - L'organisation des secours 227
7-3 - L'organisation des secours en France 232
7-3-1 - L'alerte 233
7-3-2 - La mobilisation 233
7-3-3 - La coordination 234
7-3-4 - Les actions prioritaires 235
7-3-5 - Les unités spécialisée 235
7-4 - Y a-t-il nécessité ou non d'un plan d'évacuation et de secours propre au risque sismique ? 237

7 - LA GESTION DE CRISE EN CAS DE SÉISME : NÉCESSITÉ OU NON D'UN PLAN D'ÉVACUATION ET DE SECOURS PROPRE AU RISQUE SISMIQUE ?

Heureusement la France n'a pas eu à mettre en place de gestion de crise en cas de séisme depuis longtemps. L'organisation parfaite d'un plan sur papier ne résiste pas toujours aux réalités du terrain. Aussi prenons l'exemple d'un plan qui semble avoir bien fonctionné à Northridge et d'un qui fut plus long à se mettre en place à Kobe.

    7-1 - La gestion des crises lors des séismes de Northridge et de Kobe

      7-1-1 - La gestion de crise lors du séisme de Northridge

Dans le rapport de mission de l'AFPS après Northridge, M. J.P. Conoscente traite de l'organisation des secours et des réparations. Je reprends donc ses observations comme illustration d'un plan d'intervention ayant bien fonctionné.

"La région touchée par le séisme regroupe les comtés de Los Angeles et de Ventura et s'étend sur plus de 13 000 km2 (5 000 mile²). Le comté de Los Angeles par lui-même comprend 88 villes, y compris Los Angeles, et une population d'environ 9 millions de personnes (près du tiers de la population californienne). Le séisme du 17 janvier a affecté la région avec des intensités de Mercalli allant de VII à IX. Le bilan des victimes, estimé provisoirement à 38 morts le lendemain du séisme, a été finalement établi à 6l morts. Le nombre des blessés qui se sont faits soigner est d'environ 3 000.

Plans d'Urgence

Pour répondre à une urgence, le comté a instauré un centre de commande d'opérations d'urgence pour coordonner les actions nécessaires. Le centre de commande comprend des responsables du département du Sherif (i.e. gendarmerie), des Pompiers, de Federal Ernergency Management Agency (FEMA), de State of California Emergency Office (EOS), de la Croix Rouge Américaine, du service des Travaux Publics du comté, ainsi que des représentants des compagnes privées de gaz (Southern Gas Edison et San Diego Gas), et d'électricité (Southern California Edison et Los Angeles Department of Mater and Power). Le centre de commande est situé dans les locaux du département du shérif dans le centre de Los Angeles et un nouveau centre est actuellement en construction. Cinq autres centres d'urgences, à savoir Los Angeles, West Los Angeles, Van Nuys, San Pedro et Shatto, sont répartis à travers le comté et servent de point de chute pour les équipes de terrain inspectant les bâtiments endommagés.

Après un séisme dans la région de Los Angeles, le centre de commande peut connaître en quelques minutes la localisation approximative du foyer et la magnitude grâce à un réseau informatique de sismographes et d'émetteurs appelé le CUBE (CALTECH-USGS Broadcast Earthquake). Ce système permet d'avoir un ordre de grandeur immédiat du séisme, ainsi qu'une localisation approximative de la région affectée.

Après un séisme, les départements locaux de sherif répartis de par le comté inspectent leurs circonscriptions, font une estimation de l'intensité de Mercalli pour chaque quartier, et communiquent leurs observations au centre de commande. Si une demande d'aide est formulée, le centre de commande contacte le département correspondant, par exemple le département de police ou de pompiers.

Pour l'inspection de bâtiments, un plan d'urgence prévoit tout d'abord d'envoyer environ 50 ingénieurs et inspecteurs pour évaluer immédiatement neuf installations désignées comme critiques, comme par exemple le centre de commande des opérations d'urgence ou du département de pompiers. Ces équipes sont munies de téléphones cellulaires, et de walkies-talkies à grande portée au cas où les communications téléphoniques ne seraient pas opérationnelles. Ensuite, toutes les stations de pompiers sont inspectées, et plusieurs équipes sont envoyées faire une estimation sommaire de l'étendue des dégâts. Après cela, des équipes de 2 personnes, en général un ingénieur et un inspecteur de bâtiments, sont envoyées inspecter les bâtiments endommagés Les équipes d'inspection utilisent un système expert développe par FEMA et l'état de Californie, intitulé ATC-20, "Procedures for Postearthquake Safety Evaluation of Buildings".

Des fiches d'inspection sur un simple feuillet préimprimé, de la grandeur d'un carnet de poche, sont systématiquement remplies. Le résultat de l'inspection est un rapport et une affiche placardée à l'entrée du bâtiment inspecté :

- une affiche rouge signifie qu'une évaluation rapide a révélé que le bâtiment est sérieusement endommagé et présente un danger immédiat. L'entrée du bâtiment est interdite, même pour retirer des affaires personnelles.

- une affiche jaune signifie qu'une évaluation rapide a révélé que le bâtiment est endommagé mais ne présente pas un danger d'effondrement immédiat. Toutefois, l'effondrement est possible avec des répliques. Les propriétaires sont autorisés à entrer à leurs propres risques pour prendre leurs affaires personnelles, mais ne peuvent pas y rester en permanence.

- une affiche verte signifie qu'une évaluation rapide n'a pas révélé de dégâts structurels. Les propriétaires sont autorisés à occuper les bâtiments concernés.



Cette procédure est adoptée par la grande majorité des communes en Californie.

De plus, pour préparer la population en cas de séisme, le comté passe des messages de sûreté publique à la télévision sur sa chaîne de câble, et organise tous les ans une "kermesse sismique" en coopération avec les départements de police et de pompiers, pour informer le public, donner des recommandations et répondre à toutes questions. L'état de Californie en outre prévoit tous les ans une semaine de prise de conscience de séisme pour sensibiliser et informer la population, et le Gouverneur choisit dans cette semaine un jour où tous les organismes d'Etat concernés font une simulation de secours d'urgence suite à un séisme.

Rétablissement des services

Le jour même du séisme, les gouvernements locaux ont prononcé un état d'urgence pour les villes de Los Angeles, et Hawthome et les comtés de Los Angeles et de Ventura. Le Gouverneur de la Californie et le Président des Etats-Unis ont presque aussitôt déclaré un état d'urgence pour le comté de Los Angeles. Ceci a permis la mise en place immédiate des services d'urgence locaux, d'Etat et fédéraux. La police a envoyé des brigades dans tous les quartiers affectés pour minimiser les vols et un couvre-feu de 23 heures jusqu'à l'aube fut établi dans les villes de San Fernando, Santa-Monica, Glendale, Burbank et Los Angeles.

Bâtiments

Le comté de Los Angeles emploie environ 900 inspecteurs de bâtiments. Après le séisme du 17 janvier, le comté a fait une demande d'aide auprès du département des services d'urgence de l'Etat de Californie (OES) et du corps d'ingénieurs de l'armée, pour inspecter les bâtiments endommagés. Le corps d'ingénieurs de l'armée a envoyé environ 300 ingénieurs dans les jours suivant le séisme, et l'assistance de OES fut pourvue par les volontaires du service d'urgence de désastre (INES) de l'association des ingénieurs de Californie (SEAOC), les volontaires de la société américaine d'ingénieurs civils (ASCE), ainsi que d'inspecteurs de bâtiments d'autres villes des Etats Unis.

Au 7 février 1994, 3 semaines après le séisme, un total de 64 528 bâtiments avaient été inspectés. Sur ce total, 83 % étaient endommagés, pour un total de près de 2 milliards de dollars de dommages structurels. Des 53 376 bâtiments endommagés, 72 % étaient classés vert (OK), 15 % jaune (entrée limitée), 4 % rouge (entrée interdite) et les 9 % restant n'avaient pas encore été entrés dans la banque de données.

Pour les bâtiments affichés jaune ou rouge, la ville demande un rapport d'un ingénieur certifié, analysant la structure et proposant des réparations. La ville examine le rapport, doit l'approuver et envoyer une équipe inspecter les réparations avant que le bâtiment puisse être occupé.

Les bâtiments d'Etat (tels les bâtiments de California State University of Northridge), les écoles publiques, et les hôpitaux sont réglementés par l'Etat et ne sont pas compris dans les chiffres ci-dessus. Ces bâtiments sont inspectés par des équipes d'ingénieurs des services de l'Etat de Californie. Au lendemain du séisme, 22 bâtiments d'Etat ont dû être fermés suite à des dommages sévères. Quatre hôpitaux ont dû être évacués entièrement, 3 partiellement, et 19 autres étaient endommagés mais opérationnels.

Hébergement et Assistance de secours

La Croix Rouge américaine avait établi 25 centres d'accueil, hébergeant environ 5 000 personnes par nuit, opérationnels dès les premiers jours du séisme. L'Armée du Salut avait établi 12 cantines mobiles couvrant la région sinistrée et avait envoyé 6 équipes bilingues d'aide sociale. Le comté estime que dans les premiers jours après le séisme environ 20 000 personnes dormaient en dehors de leur domicile, dans les jardins et parcs publics.

Services utilitaires

Environ 130 000 résidences étaient privées d'eau courante pendant les jours suivant le séisme. De plus, une fuite à l'usine de traitement des eaux de Valencia a entraîné un déversement d'environ 47 millions de litres d'eau à forte concentration en chlore dans la rivière de Santa Clarita, et un pipeline dans la même région a subi trois cassures, déversant environ 16 000 litres de pétrole dans la même rivière.

Le gouvernement local avait demandé instamment à la population de faire bouillir l'eau avant de la consommer. Anheuser-Bush et Coca Cola ont fait don de bouteilles d'eau au comté qui a dû fournir de grandes quantités d'eau par jour, pour subvenir aux besoins des régions affectées. Par exemple, la ville de Santa Clarita avec une population d'environ 70 000 personnes, est restée sans eau courante pendant près de deux semaines, et le comté lui a fourni 350 000 litres d'eau par jour livrés par camion.

Immédiatement après le séisme, de nombreuses résidences étaient privées d'électricité, et de gaz. Il a fallu plusieurs jours pour restaurer ces services.

Incendies

Le jour du séisme, la caserne de pompiers du comté de Los Angeles a enregistré 476 appels non médicaux, comprenant des incendies de bâtiments et des fuites de gaz; et la caserne de Ventura a enregistré environ 300 appels dont une vingtaine pour incendie. Beaucoup d'incendies se sont développés dans des parcs de mobile-homes habitations roulantes) et dans les centres commerciaux dans la région de l'épicentre. D'autres incendies dus au séisme ont été rapportés à Santa-Monica (16) et à Burbank (1).

Conclusion

Le séisme de Northridge est la catastrophe naturelle la plus dévastatrice quant à l'étendue des dégâts, dans l'histoire des Etats-Unis. Toutefois, la réponse des services d'urgence et l'adoption des décisions de déblaiement et de réparation furent si rapides, que l'impact économique a été minimisé, et la vie quotidienne a repris son cours normal pour la grande majorité des habitants, quelques jours seulement après le séisme. L'organisation et la coordination des services locaux, d'état et fédéraux furent remarquables et démontrent bien la valeur d'une préparation mûrement planifiée et réfléchie."

      7-1-2 - La gestion de crise lors du séisme de Kobe

Dans le rapport de mission de l'AFPS après Kobe, Mme Laurence Cret décrit ainsi l'organisation réelle des secours en s'appuyant sur les publications du "Japan Times Special Report" et d'autres organes de presse :

"Le Japon a été largement critiqué, que ce soit à l'intérieur du pays ou à l'étranger, pour la lenteur de la mise en place des secours après le séisme. On peut décrire l'enchaînement des événements de la manière suivante.

Décisions au niveau local

Les responsables de l'administration locale et des organismes de secours (police, pompiers) ont souvent été eux-mêmes touchés personnellement par le séisme, ce qui bien sûr les a empêchés de réagir immédiatement. L'exemple de la mairie de Kobe, dont un des deux bâtiments a perdu un étage dans le séisme, est frappant.

La confusion qui régnait alors rendait difficile toute évaluation de l'ampleur des dégâts au niveau local et retardait d'autant les prises de décision. Il est symptomatique que le 17 Janvier à 9 h, la police de la préfecture de Hyogo ait annoncé un bilan de 17 morts, puis un bilan de 337 morts à 13 h. Pendant les premières heures, et même la première journée du séisme, la seule source d'information permettant d'avoir une vue d'ensemble était la télévision japonaise qui avait envoyé des équipes survoler la zone en hélicoptère et qui diffusait sans interruption des reportages sur le séisme. Mais bien sûr, à cause des coupures de courant, les responsables locaux n'avaient pas accès à la télévision. Cette difficulté à appréhender la situation qui dans une certaine mesure était inhérente à l'ampleur de la catastrophe, s'est répercutée à tous les niveaux de prise de décision.

Comme c'est souvent le cas dans ce genre de situation, il était nécessaire que les secours viennent de l'extérieur.

Décisions au niveau national

Le principal acteur de niveau national pour la mise en place des secours est l'Agence d'Autodéfense (l'équivalent du Ministère de la Défense dans un pays qui, de par sa constitution, s'est engagé à ne pas avoir d'armée). Il lui a été reproché d'avoir beaucoup trop tardé pour intervenir.

En effet alors que, pour l'efficacité des secours, les premières heures sont cruciales, les premiers contingents importants on été envoyés sur le terrain dans l'après-midi, voire la soirée du 17 Janvier, soit 12 h après le séisme.

Interventions des Forces d'Autodéfense après le séisme

17 janvier

5:46

Le séisme frappe la région du Kansaï

 

6:30

La l0ème et la 13ème divisions de Nagoya et Hiroshima sont mise en alerte spéciale

 

7:14

un hélicoptère des Forces d'Autodéfense survole l'île d'Awaji

 

7:58

48 hommes envoyés à la gare d'Itami pour les secours

 

8:20

206 hommes envoyés à Nishinomiya pour les secours

 

10:00

Le gouverneur de la préfecture de Hvogo demande officiellement l'aide des Forces d'Autodéfense

 

10:20

Trois hélicoptères sont envoyés en éclaireurs sur l'île d'Awaji

 

11:00

L'Agence d'Autodéfense met en place un poste de commandement de crise pour l'organisation des secours

 

13:10

215 hommes envoyés de Himeji arrivent à Nagata-ku et Hyogo-ku à Kobe

 

14:00

86 hommes se dirigent sur Ichinomiya sur l'île d'Awaji

 

l5 00

365 hommes de l'infanterie, partent de Fukushiyama, dans la préfecture de Kyoto, pour rejoindre Oji Koen à Kobe

 

16:00

83 hommes partent de Yao, dans la préfecture d'Osaka, pour rejoindre l'île d'Awaji à bord de 4 hélicoptères CH-47

 

Soirée

2 300 renforts sont envoyés sur place

18 janvier

3:00

mobilisation de toutes les troupes de terre disponibles

19 janvier

6:00

9 500 hommes présents sur le terrain

20 janvier

 

13 000 hommes mobilisés

21 janvier

 

16 000 hommes mobilisés au total


L'Agence d'Autodéfense n'avait pas de moyens propres d'évaluer l'ampleur de la catastrophe. Les hélicoptères envoyés en reconnaissance au-dessus de l'île d'Awaji, où était situé l'épicentre, n'ont pas fourni d'information permettant de cibler les endroits où une action était nécessaire. L'Agence d'Autodéfense dépendait donc entièrement de la police locale pour une estimation réaliste des dégâts, or la police locale était dans un état de confusion important.

Il semble également que les exercices de crise impliquant tous les acteurs concernés (Forces d'Autodéfense, police, pompiers, autorités locales) aient été beaucoup trop limités dans la région du Kansaï. Dans les régions du Kanto (autour de Tokyo) et du Tokaï (à 150 km au Sud de Tokyo) où l'imminence d'un séisme important est prédite depuis une quinzaine d'années, 2 000 membres des Forces d'Autodéfense prennent part à des exercices annuels. Pour chacune des 47 autres préfectures en revanche, seulement 25 personnes par an en moyenne sont entraînées aux opérations post-sismiques en coordination avec les autorités locales.

Un autre frein à l'intervention rapide des Forces d'Autodéfense (c'est-à-dire l'armée) est constitué par la loi selon laquelle l'Agence d'Autodéfense est fondée. Cette loi ayant été écrite dans un climat de pacifisme et de défiance à l'égard de l'armée, il y est stipulé à l'article 83 que les Forces d'Autodéfense ne peuvent intervenir que sur demande officielle des autorités locales. Une dérogation n'est possible que si le lieu est très proche (c'est ce qui a permis les interventions à Itami et Nishinomiya).

Décisions au niveau gouvernemental

C'est normalement l'Agence du Territoire (l'équivalent du Ministère de l'Intérieur) qui est chargée de coordonner l'action de secours du gouvernement en cas de catastrophe naturelle. Les informations venant des autorités, de la police et des pompiers locaux sont rassemblées par l'Agence du Territoire avant d'être éventuellement répercutées vers le cabinet du Premier Ministre.

A cause de l'interruption des lignes téléphoniques avec la préfecture (il n'existe pas de liaison hertzienne entre l'Agence et les préfectures) et du manque de personnel, la collecte d'information a été totalement inefficace dans les premières heures. Le premier ministre Tomiichi Murayama était mieux renseigné en regardant la télévision.

Il a fallu attendre presque 36 heures et le rapport du chef de l'Agence du Territoire, Kiyoshi Ozawa, envoyé sur les lieux pour que le Premier Ministre prenne conscience de l'ampleur de la catastrophe. Ce dernier a même été choqué, lors de sa visite sur le terrain le 19 janvier, de constater que les dégâts étaient bien pires que ce qu'il avait pu imaginer.

On évoque aussi d'autres causes moins reluisantes de l'inefficacité du processus décisionnel au niveau gouvernemental, comme les querelles de clochers entre ministères ou l'animosité entre le Parti Socialiste Japonais (dont fait partie Tomiichi Murayama) et les Forces d'Autodéfense.

Conclusion

On peut probablement trouver trois raisons principales au retard constaté dans la mise en place des secours :

        - l'ampleur du sinistre et la difficulté pour les responsables d'en prendre conscience,

        - le système politique de prise de décision,

        -  le manque de préparation dans cette région du Japon.

Malgré toutes les critiques que l'on a pu entendre, il faut bien reconnaître que le séisme de Hyogo-Ken Nambu représente un sinistre d'une ampleur considérable. Quels que soient le pays et la qualité de l'organisation, il est difficile d'être efficace dans de telles circonstances. La difficulté de prise de conscience de l'ampleur des dégâts est certainement une des clefs du retard dans les prises de décision au plus haut niveau. Une meilleure organisation de la collecte et de la centralisation de l'information en cas de crise, qui ne dépende pas de réseaux de communication terrestres vulnérables aux séisme, est nécessaire.

Il est notoire que la culture et l'éducation japonaises, selon lesquelles les décisions sont prises collectivement après avoir obtenu un consensus, ne sont pas favorables à la gestion de crise. S'il s'agit d'appliquer des procédures ou un programme établi après mûre réflexion et prenant en compte l'avis de tous, le système japonais est très performant. Par contre, les responsables japonais ne sont pas formés à prendre des initiatives dans une situation de crise. Un chef de la police ou un général réveillé par un subordonné en plein milieu de la nuit va d'abord se rendre sur les lieux, évaluer la situation, discuter avec ses collaborateurs avant de prendre une décision.

Plus qu'ailleurs, une préparation rigoureuse est donc nécessaire au Japon. Il faut essayer de prévoir l'imprévisible et d'entraîner les secours potentiels aux situations auxquelles ils risquent d'être confrontés en cas de catastrophe naturelle grave.

Ces dernières années, les efforts de préparation s'étaient peut-être trop concentrés sur Tokyo et le Tokaï. Ceci était compréhensible car un pays doit se fixer des priorités dans tous les domaines, et il ne semblait pas réaliste d'organiser des exercices de préparation au séisme dans tout le Japon (il semble d'ailleurs que dans la région du Tokaï, qui est sous la menace d'une épée de Damoclès depuis plus de quinze ans, une certaine lassitude soit apparue dans la population, qui ne participe plus aux exercices annuels avec le même sérieux). Cette stratégie est peut-être à revoir, en considérant non seulement le risque sismique, mais aussi l'importance socio-économique des différentes régions."

M. Jacques Dalbéra, qui était parti dès l'annonce du séisme pour préparer la mission de l'AFPS, en a tiré également des conclusions :

"Un enseignement important de ce séisme concerne les difficultés d'organisation des secours dans les premières heures de la catastrophe. Cet aspect est fortement lié à la destruction partielle des centres de décisions et de secours sur place (exemple : la mairie de Kobe), mais surtout à l'incapacité, pour les responsables locaux ou extérieurs à la zone détruite, d'être informés de la situation réelle. Cette lacune d'information, lors de désastres, a déjà été soulignée à de nombreuses reprises et il est certain que l'amélioration de l'organisation des secours passe par la mise en place de systèmes efficaces de renseignements et de communications. Elle implique également que les postes de commandement soient situés hors de la zone la plus touchée par le phénomène."

Un autre témoin M. Martin Koller, arrivé sur place 30 heures après le séisme, avec l'équipe suisse, a fait le récit (texte intégral dans le tome 2) des incohérences qu'il a pu relever. Le but ici n'est pas de critiquer, mais bien de mesurer l'énorme différence existant entre un scénario comme l'on nous en a décrit lors de la mission en septembre 1994 et la réalité, lorsque tout est désorganisé. Il faut donc là aussi faire preuve d'humilité devant de telles épreuves.

    7-2 - L'organisation des secours

L'efficacité en ce domaine résulte de la rapidité d'intervention de toute la chaîne des sauveteurs, depuis l'approche des ruines jusqu'aux actions médicales, en passant par la détection des personnes ensevelies, leur dégagement, leur désincarcération éventuelle (crush syndrome) et leur transport. Au-delà de 24 heures, les chances de retrouver des survivants diminuent rapidement. Kobe a servi malheureusement d'illustration d'un relatif manque d'efficacité.

Lors de ma mission en Californie, j'ai rencontré un homme qui avait particulièrement réfléchi à l'organisation des secours.

L'Amiral John W. Bitoff, actuel Directeur du "Mayor's Office of Emergency Services" de San Francisco, était le Commandant de la Marine américaine du Pacifique (secteur Nord jusqu'à Hawaii) lors du séisme de Loma Prieta.

Il avait sous ses ordres 65 000 hommes, 2 stations navales, 1 chantier naval, 2 centres de formation et 1 centre médical.

Il eut à résoudre le dilemme habituel : les militaires ne peuvent pénétrer certains domaines civils sans y être invités. Prenant un risque calculé, il a donc décidé d'envoyer un gros hélicoptère qui a pu soulever et déposer sur terre les automobiles en situation précaire sur les chaussées éventrées des autoroutes à étage de San Francisco.

Le nouveau maire de San Francisco, élu après le séisme, a fait appel à l'amiral lorsque celui-ci prenait sa retraite et lui a confié la direction du service d'urgence de la ville et l'organisation des secours.

Les différents services lui apparurent comme de réels fiefs : pompiers, police, travaux publics, santé publique et comble de ces fiefs, aucune communication entre services. Or, chacun a besoin de comprendre les autres ; c'est pourquoi il fallait un intégrateur horizontal !

L'amiral s'est donc installé provisoirement dans un centre pouvant supporter grâce à ses fondations parasismiques un séisme de 8.1 au moins. Un nouveau bâtiment sera construit d'ici 1997.

Le grand incendie d'Oakland a également permis de tirer des enseignements sur la nécessité d'une coordination. Cependant même si la loi lui confie la coordination de tous les services de secours en cas de guerre, désordres civils, inondations, incendies, séismes, l'amiral a rencontré des difficultés majeures avec 2 services en uniformes : la police et les pompiers.

Il a convaincu le maire, le seul à pouvoir lui donner des instructions, de faire de ce centre son bureau en cas d'urgence. Quatre salles dans ces locaux seraient le centre des opérations, chaque participant recevant une jaquette de couleur servant à identifier sa responsabilité :

violet : commandement

vert : logistique

blanc : finance

rouge : opération

orange : communication

jaune : visiteurs

Tous les postes téléphoniques sont doublés et ont un double circuit de transmission, 3 stations de radio équipent le centre.

En période de calme, l'organisation semble rigoureusement parfaite ; qu'en serait-il en cas de crise ?

Comme pour tout organisation aux Etats-Unis, il y a plusieurs niveaux d'intervention sans qu'une parfaite cohérence soit immédiatement lisible. A côté de l'échelon local, il y a le Comté, les services du Gouverneur, de l'Etat et le niveau fédéral.

Mme Vicky Doty est le Directeur du Federal Emergency Management Agency et elle me rappelait les trois domaines essentiels de son action :

- répondre à un accident et remise en état à long terme

- se préparer aux accidents

- atténuer l'impact des accidents.

Les Etats ont la responsabilité première, mais lorsque cela dépasse les possibilités, le Président intervient pour l'aide fédérale : le FEMA intervient alors pour faire respecter les règles fédérales. Il y aura en cas d'aide fédérale un coordonnateur fédéral sur le terrain, souvent membre du FEMA sans que cela soit obligatoire.

Pour Northridge, la station de télévision installée dans les locaux du du FEMA, avait donné les informations (liaisons par satellite), et diffusé un journal télévisé en anglais et en espagnol durant 15 jours dans tout Los Angeles et ses environs.

Les fonds fédéraux permettent d'utiliser des spécialistes, le FEMA contrôle toujours les fonds de secours.

D'autre part, le FEMA doit coordonner et être en bonne intelligence avec toutes les autres agences pouvant intervenir sur un séisme ; il répartit entre les associations caritatives les plus efficaces l'aide pour les différentes communautés. Ainsi le FEMA a été amené à gérer le parc de 1 000 véhicules prêtés par General Motors pour la durée des besoins des secours et de la réparation des dommages.

Si un séisme venait de se produire, la réunion aurait pour but :

        - de contacter toutes les agences avec lesquelles le FEMA travaille,

        - d'organiser la surveillance par satellite, avion et autres moyens de reconnaissance, services de renseignement, car il est très important d'avoir une juste évaluation des dégâts pour ajuster les moyens à la catastrophe.

Chaque Etat a sa garde nationale, qui fait partie de la réserve militaire en temps de paix, sous l'autorité du Gouverneur. Cette réserve peut-être engagée si nécessaire.

En Californie, au moins 30 000 personnes peuvent être mobilisées immédiatement, pour des secours sur place ou dans les hôpitaux.

M. Tomomitsu Fujii, Directeur du "Earthquake Disaster Counter Measures Division, Disaster Prevention Bureau" au "National Land Agency", organisme rattaché au Cabinet du Premier Ministre japonais, définissait ainsi le rôle du NLA.

Le NLA doit coordonner les mesures des 19 ministères concernés par un séisme.

Le "Disaster Countermeasures Basic Act" a été promulgué en novembre 1961. La création du "Central Disaster Prevention Council" dont le Premier Ministre assure la présidence, remonte à 1962 et le "Basic Plan for Disaster Prevention" (BPDP) a été adopté en 1963.

Les grandes lignes de la politique de lutte contre les séismes sont élaborées dans cette agence, les services établissent ensuite leurs plans opérationnels propres (les OPDP), les municipalités les leurs (les LPDP), l'ensemble devant être en concordance.

Les municipalités sont responsables en cas de séismes, c'est à elles d'élaborer les procédures concrètes de secours ; au niveau gouvernemental, c'est un plan de soutien qui est élaboré.

Le séisme de 1923 est encore très présent chez tous les interlocuteurs japonais rencontrés. Ils en ont tiré les leçons suivantes :

- il faut promouvoir des mesures préventives dans les villes ; si on ne peut éteindre les incendies, il faut évacuer les habitants dans des parcs sûrs, et donc établir des circuits de regroupement. Il faut utiliser des matériaux ininflammables. Il faut lotir les quartiers, les routes larges doivent servir de coupe-feu. Il faut des circuits redondants pour le téléphone et l'électricité. Pour le gaz, circuit principal et conduites secondaires doivent être découplées. Dans chaque foyer, il y a un dispositif de coupure du gaz par microprocesseur. La procédure de réouverture du gaz après coupure est très lourde, tous les circuits doivent être vérifiés.

- il faut une meilleure sensibilisation : plusieurs scénarios sont à envisager ; souvent le séisme coupe le système de télécommunications, il faut donc privilégier les radios. Il y a un réseau radio d'interconnexion des ministères concernés, mais cela n'existe pas au niveau municipal (moins de 50 % du territoire est couvert). Chaque maison doit avoir une réserve d'eau et de denrées alimentaires pour 3 jours minimum. Les pouvoirs publics ont du riz stocké dans des entrepôts, une distribution en cas de nécessité est prévue.

Mais l'Agence n'a que 20 ans d'histoire, c'est un organe de coordination, et non de responsabilité d'exécution. L'Agence contrôle les actions menées par les ministères, elle peut empêcher des inégalités entre ministères "riches" et "pauvres", mais elle veille aussi que chaque ministère se prépare à la catastrophe.

M. Katsuhiko Hara, adjoint du Directeur du "National Land Agency", m'a présenté le scénario de crise prévu au Japon :

    Dès la découverte de l'anomalie, le Comité de Prédiction (6 chercheurs ou universitaires désignés par le Directeur de l'Agence de la Météorologie) se réunit. Après observation de l'anomalie, s'ils estiment une forte probabilité de séisme, cette conclusion est rapportée au Premier Ministre. Le Conseil de Cabinet interministériel se réunit et décide de la publication de l'alerte.

    Dès cette publication, la procédure de mise en place des actions d'urgence est déclenchée :

        - pour le gaz, l'électricité et l'eau, premières nécessités pour la vie, on se prépare à couper mais le fonctionnement en est prolongé au maximum,

        - pour le téléphone, l'accès des communications du public est réglementé,

        - arrêt de tous les trains à la gare la plus proche,

        - circulation interrompue sur toutes les autoroutes du secteur,

        - fermeture des services (banques, poste),

        - les parents doivent venir chercher les enfants dans les écoles.

La prédiction est à quelques heures ou 2 à 3 jours : si l'attente se prolonge, il y a problème. Cela a un impact économique et nécessite un réexamen par le Comité de Prédiction. Pour le Tokaï il n'y aura pas de perte de l'alerte, mais la nécessité d'une procédure spéciale pour son arrêt.

Il est évident que ce plan fonctionne si tout se passe comme prévu ; l'exemple de Kobe montre bien que rien ne se déroule comme projeté !

    7-3 - L'organisation des secours en France

La protection des personnes et des biens dépend du ministère de l'Intérieur.

Dans les communes, juridiquement, ce sont les maires qui sont responsables. En fait, dans le cas d'une catastrophe naturelle telle un séisme, ce sera le préfet qui aura à gérer la crise, avec éventuellement et suivant l'importance de la catastrophe le préfet de la zone de défense compétent.

Au sein du ministère de l'Intérieur, la Direction de la Sécurité civile est plus particulièrement chargée de la prévention, des plans de secours et de l'organisation des secours. Son but est une anticipation maximale de la crise.

La préparation se fait davantage sur des fiches réflex que sur des scénarios rigides qui ne se produisent jamais. Toutefois une réflexion est entamée actuellement sur la modernisation des plans ORSEC avec annexe : il pourrait y avoir un plan ORSEC "séisme" pour les Alpes-Maritimes.

A ce jour il n'existe aucun plan d'urgence "séisme", le seul plan qui serait donc appliqué à ce jour, serait le plan ORSEC.

Le plan ORSEC date de 1952, il permet de structurer en 5/6 cellules toute la logistique des secours. La loi 87-565 du 22 juillet 1987, relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs prévoit dans son article 3 des plans de secours spécialisés liés à un risque défini.

Mais le risque sismique n'est pas limité géographiquement. Il est plus difficile à appréhender que l'aléa mouvement de terrain.

L'une des missions de la Sécurité civile est donc la protection des personnes, de l'accident dans la vie courante à la catastrophe naturelle.

Le dispositif s'appuie sur des centres opérationnels ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, à trois niveaux : national, interrégional et départemental.

On retrouve donc :

      - le centre opérationnel de la direction de la sécurité civile à Levallois-Perret (CODISC),

      - les centres interrégionaux de coordination de la sécurité civile à Valabre, Bordeaux, Lyon, Metz, et Rennes (CIRCOSC),

      - les centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours (CODIS).

Cela représente pour la France :

- au niveau national :

        . 2 720 personnels civils et militaires de l'Etat,

        . 1 base d'avions, 20 bases d'hélicoptères, 5 unités de sécurité civile, 4 établissements de soutien opérationnel et logistique, 19 centres de déminage,

        . 950 véhicules terrestres, 34 hélicoptères et 29 avions ;

- au niveau local :

        . 12 653 centres de secours et corps de première intervention,

        . 239 000 sapeurs-pompiers dont 199 500 volontaires, 23 000 professionnels, 8 400 sapeurs pompiers militaires (7 000 à Paris, 1 400 à Marseille), 7 120 médecins, pharmaciens et vétérinaires,

        . un parc automobile comprenant 5 000 véhicules de secours, 3 600 fourgons-pompes, 940 échelles, 5 600 camions citernes pour feux de forêt, 3 875 véhicules de liaison, 4 438 véhicules tous usages,

        . 2 000 000 de secouristes.

      7-3-1 - L'alerte

Le réseau de surveillance sismique français, et en particulier les stations du L.D.G. ou I.P.G. de Strasbourg (réseau RéNaSS), permettent de localiser immédiatement la région touchée par le séisme et d'en connaître approximativement la magnitude.

La responsabilité de l'évaluation de l'information et de sa transmission repose donc sur ces services. Par convention à partir d'un séisme enregistré de magnitude 3.7, ils transmettent l'information à la direction opérationnelle de la Sécurité Civile (CODISC). L'exemple d'une alerte a été développé lors de la description du réseau du L.D.G.

      7-3-2 - La mobilisation

Le plan ORSEC national, au terme de la loi sécurité civile du 22 juillet 1987, en cas de catastrophe majeure, est déclenché par le Premier Ministre à la demande du Préfet après avis du Directeur de la Sécurité Civile et du Directeur des secours.

Un directeur des secours peut être immédiatement désigné au cas où le Préfet du département se trouverait dans l'impossibilité d'exercer ses responsabilités.

La mobilisation des moyens militaires sur réquisition, dans le cadre du plan ORSEC, permet d'effectuer des reconnaissances aériennes, de renforcer les moyens de transmission et de mettre à disposition personnels et engins lourds.

      7-3-3 - La coordination

La coordination des opérations est assurée par le Ministère de l'Intérieur. Chaque département ministériel délègue un ou plusieurs représentants au centre opérationnel de la Sécurité civile.

Les organisations caritatives et non gouvernementales sont appelées à participer activement à l'assistance des sinistrés. Néanmoins, l'afflux des volontaires bénévoles doit être pris en compte de façon à ne disposer que de sauveteurs compétents. Bien encadrés, leur connaissance du terrain est capitale en ce qui concerne la localisation des victimes emmurées.

Mais ainsi que cela fut rappelé lors de l'audition publique par Mme de Vanssay, il pourrait y avoir incompréhension entre bénévoles et sauveteurs professionnels. Reprenons sa déclaration :

"Dans la majorité des cas, on a donc affaire immédiatement à des personnes qui vont se mobiliser, et l'un des problèmes psychologiques que rencontrent les bénévoles est le fait qu'ils se sont tellement impliqués dans le sujet qu'ils ne comprennent pas que des décisions puissent être prises par des secours venant d'ailleurs.

Entre les secours et les bénévoles, un certain nombre de tensions vont alors se créer. La progression va être la suivante : tout d'abord cette solidarité que tout le monde constate et qui dure un certain temps, puis l'arrivée des secours venant de l'extérieur, qui prennent les choses en charge avec beaucoup plus de matériel.

Les sauveteurs officiels vont alors demander aux bénévoles de rentrer chez eux pour se reposer. Prenant en charge les affaires ils ne sont pas impliqués de la même façon dans la situation ; ils vont donc y mettre moins de sentiments et être plus efficaces.

Mais, du fait qu'ils sont plus efficaces, leurs temps de travail vont être différents et les décisions qu'ils vont appliquer vont provoquer la colère et l'amertume des sinistrés.

Ceci n'est pas un discours que j'invente. C'est tiré d'une étude tout à fait intéressante, que j'ai d'ailleurs essayé de présenter à d'autres personnes en charge des sauvetages. Elle est tirée d'études très bien faites aux Etats Unis, après le cyclone Hugo et après le tremblement de terre de Loma Prieta.

Quand on est sauveteur, on attire l'amertume, la colère, le désespoir des sinistrés parce qu'on leur donne brusquement l'impression qu'ils sont obligés de retourner chez eux et de considérer leurs propres dégâts, ce qu'ils évitent de faire en venant au secours de leurs proches."

Cette approche, fort différente de celles des autorités de la sécurité civile, a beaucoup surpris l'auditoire. Toutefois le problème des représentations mentales existe et cette donnée n'est pas ou peu intégrée dans la planification d'urgence des secours. Mais si la question est soulevée, quelle solution peut-on y apporter ?

      7-3-4 - Les actions prioritaires

Lors d'un séisme, des actions doivent être entreprises immédiatement, à tous les niveaux.

Au niveau opérationnel national, il faut rassembler les moyens spécifiques de secours, les acheminer vers les zones sinistrées, informer les populations, et diffuser des consignes aux populations sinistrées.

Au niveau décisionnel local, la synthèse des renseignements doit permettre de mesurer l'ampleur des dégâts et surtout l'état des réseaux de communication et télécommunications.

      7-3-5 - Les unités spécialisée

L'efficacité des secours exige la solidarité, de commune à commune, de département à département. L'Etat dispose de moyens nationaux pour des interventions complémentaires, et notamment de 5 unités militaires qui dépendent de la Direction de la Sécurité civile. D'autres moyens nationaux -les plus lourds- sont mis à la disposition des préfets par la DSC en cas de nécessité.

Les unités de sécurité civile représentent 1 800 hommes.

La France, grâce à sa participation aux opérations de secours lors de séismes à l'étranger, a développé une doctrine originale et des moyens techniques spécialisés basés sur la notion de "chaîne de secours" et de "l'intervention intégrée des moyens" allant de la détection à la médicalisation.

De petites unités, au fonctionnement très souple, autonomes et polyvalentes, c'est-à-dire en mesure d'effectuer des opérations à caractère variable selon les situations rencontrées sont parfaitement autonomes.

Ce principe de l'autonomie s'applique à trois niveaux :

        - autonomie du commandement,

        - autonomie technique (transports, transmissions, matériels et médicaments),

        - autonomie de vie (alimentation, hébergement, habillement).

Il existe donc des détachements d'intervention catastrophe aéromobiles (DICA), qui disposent d'une cellule médicale intégrée.

On trouve aussi :

        - des détachements d'appui médical, issus des éléments d'intervention et de secours (DAM) ;

        - un détachement de soutien en médecine de catastrophe, issu du SAMU 94 ;

        - des chiens et leurs maîtres-chiens qui pratiquent la recherche et la détection en utilisant de façon complémentaire les moyens acoustiques ;

        - enfin des spécialistes de la construction leur seront adjoints pour détecter "les espaces de survie".

Ceci a nécessité aussi la palettisation des matériels médicaux, des médicaments, du matériel logistique, pré-conditionnés pour être rapidement transportés.

Votre Rapporteur a pu visiter l'Unité de Sécurité Civile n°7, basée à Brignoles et qui est la plus ancienne des unités existantes à ce jour, puisque constituée en 1974.

La démonstration effectuée ce jour là par les hommes du Lieutenant-Colonel Moine, et de son adjoint le Lieutenant-Colonel Bastaroli, m'a permis d'apprécier la justesse des éloges flatteurs recueillis partout à l'étranger et en France par ces hommes. L'USC n°1 de Nogent-le-Rotrou, qui ne fut autorisée à intervenir par le gouvernement japonais que 5 jours après le séisme de Kobe, est constituée sur le même modèle et a les mêmes compétences.

Une USC comprend des hommes et des matériels :

Personnels

 

U.S.C.

Carrière

Appelés

Total

 

Officiers

24

13

37

 

Sous-officiers

73

14

87

 

Militaires du rang

22

479

501

 

Total

119

506

625

Matériels techniques majeurs

150 véhicules et 260 appareils de radiotransmission permettent de répondre aux spécialités suivantes :

- incendie, feux de forêts et d'hydrocarbures,

- détection acoustique et sauvetage déblaiement,

- dépollution,

- détection radiologique et chimique,

- secours routier et désincarcération,

- interventions médicales et chirurgicales.

Chaque U.S.C. comprend un Chef de Corps et un Commandant en second, un Etat Major et quatre compagnies dont deux d'intervention, une compagnie d'instruction, une compagnie de commandement et de services.

Une compagnie d'intervention doit être prête à embarquer pour n'importe quel point du monde en moins de 3 heures, avec son matériel d'intervention bien entendu. Elle est la base du Détachement d'Intervention Catastrophe Aéromobile (DICA) ; chaque DICA est composé de 60 hommes, 3 équipes cynophiles de recherche, une équipe médicale et 6 tonnes de matériel de secours. La recherche en matériel est constante, tout gain de poids est une victoire pour le sauvetage.

L'Institut national d'études de la sécurité civile et l'École nationale supérieure des sapeurs-pompiers de Nainville-les-Roches, de renommée internationale, forment 5 000 stagiaires par an.

    7-4 - Y a-t-il nécessité ou non d'un plan d'évacuation et de secours propre au risque sismique ?

L'organisation des secours, pour l'ancien Délégué aux Risques Majeurs, M. Renaud Vié Le Sage, repose sur une incohérence au niveau départemental. La cohérence secours civil/armée doit être privilégiée dans le cas de catastrophe naturelle.

Le Dr Lupéron me disait avoir essayé de mettre en place un plan hospitalier "séisme" en Guadeloupe, mais s'être heurté à une impossibilité. Sur une simulation d'un séisme de magnitude 7, il pourrait y avoir environ 50 000 victimes. Or, les hôpitaux et cliniques ne disposent pas de plus de 15/20 places disponibles. La dotation en secours est pour 25 blessés !!!

L'hôpital pourra-t-il résister ? Malgré les affirmations , on ne peut en être sûr. La nécessité d'un hôpital de campagne pour 300 victimes se fait donc ressentir. La population indemne est le premier secours.

Toujours en Guadeloupe, le Colonel Antenor prépare un plan de cohésion entre les 6 secteurs géographiques qu'il a définis, avec des groupes pouvant être autonomes pendant 72 heures au minimum. L'heure du séisme aura de l'importance :

- de nuit, il y aura moins de victimes du fait de l'habitat diffus, mais les secours seront dispersés ;

- de jour, il y aura plus de victimes, mais les secours seront concentrés.

De toute manière, un plan séisme en commun avec la Martinique doit exister, et une base de secours doit être trouvée. Une base en Guyane, facilement accessible par avions et hélicoptères, présente l'avantage de rester opérationnelle quelle que soit l'île touchée par un séisme.

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