LE RÔLE DES TRÈS GRANDS ÉQUIPEMENTS DANS LA RECHERCHE
PUBLIQUE OU PRIVÉE, EN FRANCE ET EN EUROPE

PREMIÈRE PARTIE - LA MONTÉE DES BESOINS EN GRANDS ÉQUIPEMENTS DANS TOUTES LES DISCIPLINES SCIENTIFIQUES (suite)

XVIII - Station spatiale internationale **
1. La Station spatiale internationale, un équipement lourd d'importance politique et stratégique
**
2. Les dépenses déjà effectuées dans la Station spatiale internationale
**
3. Les charges prévisibles à l'avenir
**

XIX - Le système GALILEO de positionnement par satellite **
1. Un équipement stratégique non encore pris en compte
**
2. Les dépenses prévisibles
**

XX - Ecosystèmes terrestres **
1. Les efforts actuels de l'INRA
**
2. Les besoins à l'avenir
**

XXI - Sciences de l'Homme et de la Société **
1. Les Maisons des Sciences de l'Homme
**
2. Les Instituts à l'étranger
**
3. Les bibliothèques, les réseaux de documentation et les bases de données
**

Retour au sommaire général
du rapport

Suite du rapport


 

XVIII - Station spatiale internationale

La Station spatiale internationale (SSI) résulte d'une initiative prise par le Président REAGAN en avril 1983. Il s'agit de l'un des tous premiers projets de coopération technologique mondiale de par son importance stratégique mais aussi son coût.

Les parties prenantes de ce projet sont la NASA (Etats-Unis), ROSAVIACOSMOS (Russie), la NASDA (Japon), l'ESA (Europe), le CSA (Canada), le Brésil et l'Ukraine.

La France est impliquée dans la Station spatiale européenne par l'intermédiaire de sa participation à l'ESA1 (European Space Agency - Agence spatiale européenne).

Cette participation est répertoriée dans la nomenclature des très grands équipements dits techniques. La charge financière annuelle, d'ores et déjà supérieure à 600 millions de francs, devrait rapidement passer à 900 millions de francs, sans compter le coût des expériences scientifiques conduites dans la station.

Il s'agit donc d'une charge importante pour le budget de la recherche alors que ce très grand équipement est principalement à vocation politique, stratégique voire industrielle.

1. La Station spatiale internationale, un équipement lourd d'importance politique et stratégique

Pour l'Europe, l'histoire de sa participation à la Station spatiale internationale a commencé en 1985, dans le prolongement de la coopération de l'ESA avec la NASA pour le programme SPACELAB.

L'apport de l'ESA concerne le laboratoire COLUMBUS, ses installations scientifiques dites " charges utiles " et le véhicule de transfert automatisé ATV (Automated Transfert Vehicule). La décision a été prise par un Conseil ministériel de l'ESA, sur la base d'un programme facultatif. Le montage de SSI a commencé à la fin 1998. Un équipage est à son bord depuis le 2 novembre 2000.

Le financement de la Station spatiale internationale incombe à 75 % aux Etats-Unis. La part de l'ESA est de 6 % du total, soit 3 milliards d'euros pour la période 1995-2004 - près de 20 milliards de francs, et de 700 millions d'euros pour l'exploitation préliminaire de 2001 à 2004, près de 4,6 milliards de francs.

La participation de l'ESA à la Station spatiale internationale s'effectue dans le cadre d'un programme facultatif, qui, comme son nom l'indique, ne s'impose pas aux pays membres mais constitue un engagement irrévocable pour les pays qui y ont initialement adhéré.

La participation française au programme Station spatiale internationale de l'ESA n'a pas été demandée par la communauté scientifique française. En l'occurrence, à l'inverse de la plupart des autres très grands équipements, on se trouve plutôt dans la situation d'une décision " top down " prise pour des raisons politiques et géostratégiques, que dans la situation habituelle d'une décision " bottom up " répondant à un besoin exprimé par la communauté scientifique.

Il s'agit donc désormais de valoriser la contribution financière à ce programme sur le plan scientifique. C'est à quoi s'emploie l'ESA, qui, avec son centre ERASMUS, informe les communautés scientifiques sur les possibilités offertes par la Station spatiale internationale et les moyens d'y accéder. Par ailleurs, des appels à proposition d'expériences sur les applications de la microgravité et sur les sciences du vivant ont été lancés et ont donné lieu à un nombre de réponses satisfaisant. La sélection a été faite par des comités d'experts de tous les pays membres représentant toutes les disciplines. Un processus de sélection complémentaire intervient en outre au niveau national, avec l'aide du CNES, les projets devant au final recevoir un double aval.

En outre, le CNRS, dont 22 laboratoires sont intéressés par les recherches sur les sciences du vivant dans l'espace, s'applique désormais à sélectionner les meilleurs projets d'expérimentations dans la Station spatiale internationale.

2. Les dépenses déjà effectuées dans la Station spatiale internationale

La contribution financière de la France à la Station spatiale internationale, via l'ESA, a commencé en 1996. Le total versé, sur la période 1996-2000 atteint 2,515 milliards de francs.

Tableau 56 : Evolution des dépenses de la Station spatiale internationale2

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Station spatiale internationale

(TGE scientifique)

personnel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

exploitation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

construction

 

 

 

 

 

 

297

389

545

624

660

total

0

0

0

0

0

0

297

389

545

624

660

Il s'agit d'une dépense en forte croissance, dont il faut toutefois observer qu'elle n'est pas propre à la France. S'agissant du programme de développement, si la contribution française est de 27,6 % du total du programme de l'ESA, celle de l'Allemagne est de 41 %.

Figure 34 : Evolution des dépenses annuelles relatives à la Station spatiale internationale

Il convient de rappeler à cet égard que le précédent ministre de la recherche avait cherché, à diminuer cette participation mais que les obstacles juridiques sont rapidement apparus insurmontables.

On citera pour mémoire le TGE EURECA (European Retrievable Carrier).

Tableau 57 : Dépenses relatives au TGE Eureca3

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Eureca

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(TGE scientifique)

personnel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

exploitation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

construction

45

16

39

19

5

 

 

 

 

total

45

16

39

19

5

0

0

0

On trouvera également pour mémoire les dépenses correspondant à ETW (European Transsonic Windtunnel).

Tableau 58 : Evolution des dépenses relatives à ETW4

millions de francs

dépenses

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

ETW

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(TGE scientifique)

personnel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

exploitation

 

 

 

 

 

20

12

 

 

 

 

 

construction

58

64

67

37

18

 

 

 

 

 

 

 

total

58

64

67

37

18

20

12

0

0

0

0

Le graphique suivant présente l'évolution des dépenses relatives à la station spatiale internationale. Si l'on doit garder en mémoire le fait qu'il s'agit d'un engagement irrévocable, il faut également prendre la mesure de la croissance rapide de ces dépenses et de leur part dans les dépenses relatives aux TGE.

Figure 35 : Evolution des dépenses relatives à la Station spatiale internationale, par rapport aux dépenses totales des TGE scientifiques et techniques

La part prise par la Station spatiale internationale dans les dépenses relatives aux TGE atteint en effet 14,3 % en 2000.

3. Les charges prévisibles à l'avenir

Les coûts de construction de la Station spatiale internationale, à la charge de l'ESA sont de 3 milliards d'euros.

Or la contribution française est de 26,9 %. La dépense atteindra donc au total 5,4 milliards de francs pour la période 1995-2004.

Par ailleurs, s'agissant des coûts d'exploitation, la France prendra à sa charge 27 % des coûts fixes et 17 % des coûts variables de la contribution européenne. La charge correspondante s'élèvera en conséquence à 1,15 milliard de francs pour la période 2001-2004.

En supposant constante la répartition des charges au cours du temps, on peut donc établir le tableau suivant pour les quatre années à venir.

Tableau 59 : Prévisions de dépenses pour la Station spatiale internationale

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

développement

600

600

600

600

600

600

600

600

600

600

exploitation

 

 

 

 

 

 

288

288

288

288

total

600

600

600

600

600

600

888

888

888

888

Pour autant, la charge pour les années à venir pourrait bien être supérieure aux chiffres ci-dessus, dans la mesure où la France semble avoir bénéficié d'un décalage de trésorerie favorable. Il s'agirait alors de rattraper le retard de versement dans les quatre prochaines années.

Enfin, il ne semble pas non plus que les dépenses d'exploitation indiquées ci-dessus couvrent le coût des expérimentations scientifiques prévues dans la Station spatiale internationale.

On trouvera ci-après un programme prévisionnel d'activité scientifique dans la Station spatiale internationale, tel qu'il a été communiqué par l'ESA.

Tableau 60 : Programme Horizons 2000 pour la science dans la Station spatiale internationale

2005 : ACES - métrologie temporelle

SPORT - étude de la polarisation du rayonnement cosmologique

SOVIM/SOLSPEC/SOLACES - contrôle continu de la constante solaire

2010 : EUSO - détection des rayons cosmiques à très hautes énergies et des neutrinos

LOBSTER - cartographie et variabilité du ciel en rayons X

MOSS - oscillateurs micro-ondes et supraconducteurs

? : XEUS - observatoire international pour l'astronomie X

Il est donc probable que les dépenses de mise au point et d'exploitation des instruments correspondants soient à rajouter aux dépenses déjà répertoriées.

En tout état de cause, ces dépenses sont indispensables pour rentabiliser les investissements déjà faits.

Mais on peut se demander s'il ne s'agit pas là des seules dépenses à imputer au budget de la recherche.

Dans la mesure où la Station spatiale internationale répond à des objectifs essentiellement politiques et géostratégiques, il peut sembler logique que d'autres budgets, notamment celui de l'économie, des finances et de l'industrie, et de la défense, soient mis à contribution pour la construction et l'exploitation de cet outil.

XIX - Le système GALILEO de positionnement par satellite

Le système de radionavigation ou de positionnement GPS, développé pour les besoins de l'armée américaine, apparaît aujourd'hui comme une infrastructure stratégique, dont l'importance s'accroît de mois en mois avec la multiplication de ses applications.

En raison des performances insuffisantes du système russe GLONASS équivalent, il s'est établi de fait un monopole mondial américain auquel de nombreux pays européens et la Commission elle-même souhaitent mettre fin par la construction du système GALILEO.

Les dépenses engagées jusqu'à aujourd'hui pour la définition de GALILEO ne représentent qu'un montant modeste. Mais il n'en sera pas de même à l'avenir si une décision positive est prise, comme on peut l'espérer, dans les prochains mois.

1. Un équipement stratégique non encore pris en compte

Les applications principales d'un système de positionnement comme GPS ou GALILEO sont bien sûr la navigation aérienne, la navigation maritime, le transport routier ou ferroviaire. Mais il en existe bien d'autres, par exemple la géodésie, l'exploration off shore mais aussi l'utilisation de références de temps précises pour les applications bancaires et la synchronisation des réseaux de transmission de données. De plus les applications scientifiques d'un système de positionnement sont considérables dans la mesure où la précision peut atteindre le millimètre et ouvrir le champ de nombreuses applications en sismologie, en climatologie et en géophysique.

En tout état de cause, les économies générées par un système GALILEO autonome sur la période 2008-2020 ont été évaluées par la Commission européenne à 158 milliards d'euros pour la réduction des temps de transport routier ou aérien, à 50 milliards d'euros en terme d'indépendance économique, à 25 milliards d'euros d'économies d'énergie dans le transport routier, à 12 milliards d'euros pour la diminution de la mortalité due aux accidents de la route, à 1,5 % d'économies d'émissions de CO2 et à 170 millions d'euros en termes de rationalisation de certaines infrastructures pour l'aviation.

La démarche de l'ESA pour la mise en place d'un système de radionavigation par satellite comprend deux volets.

Le premier volet, qui s'étale sur la période 1995-2003, correspond à la définition, au développement et la validation du système EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay System), outil complémentaire au système américain GPS améliorant sensiblement les performances de ce dernier.

Le deuxième volet, qui porte sur la période 1999-2008, correspond au développement et au déploiement d'une constellation complète de 30 satellites, intitulée GALILEO, offrant un service de radionavigation au moins aussi performant que le système américain GPS dans sa version améliorée.

C'est en mai 1999 que les Conseils ministériels de l'ESA et de l'Union européenne ont autorisé l'évaluation du système, évaluation qui sera achevée fin 2000 et qui devra être suivie d'une autorisation pour la suite des opérations, le développement proprement dit devant se dérouler entre 2001 et 2005.

Au vrai, il existe un consensus au sein de la Commission européenne sur la nécessité de réaliser le système GALILEO et un accord pour prendre la moitié de la charge financière du projet, à égalité avec l'ESA. Il reste que ce sont les ministres des transports de l'Union européenne qui devront voter le lancement définitif du projet. Les pays membres de l'Union sont favorables au projet, à l'exception du Royaume-Uni et des Pays-Bas, qui pourraient refuser leur participation dans un premier temps mais rejoindre peut-être le projet ultérieurement.

2. Les dépenses prévisibles

La dépense de développement, de validation et de déploiement du système GALILEO a été évaluée à 3,25 milliards d'euros, soit plus de 21 milliards de francs, partagés à égalité par l'ESA et l'Union européenne. On trouvera ci-après les estimations de coût et de financement établies par l'ESA.

Tableau 61 : Estimation des coûts de GALILEO5 et hypothèses de financement

         

étape

période

coût

(millions

d'euros)

Financements (millions d'euros)

Union européenne

ESA

Secteur

privé

Définition

1999-2000

80

40

40

 

Développement et validation

2001-2005

1 100

550

550

 

Déploiement

2006-2007

2 150

à déterminer

à déterminer

1 500

Exploitation

2008 -

220/ an

non

communiqué

non

communiqué

non communiqué

Un vote de principe sur l'engagement de la phase de développement et de validation devait intervenir à l'ESA en décembre 2000. Le calcul précis des coûts devait ensuite être effectué de décembre 2000 à novembre 2001. Un nouveau vote sur les coûts valant autorisation définitive devrait intervenir à l'ESA en novembre 2001.

Si l'on prend pour hypothèse que la contribution française atteindra 30 % du total, soit un peu plus que sa contribution moyenne en raison de l'intérêt limité de certains pays membres pour ce projet, la charge financière devrait représenter un peu plus de 3 milliards de francs sur une période de 7 années, soit 420 millions de francs par an.

La question de la répartition du financement correspondant est là encore posée. Les applications scientifiques d'un tel système devraient être importantes, surtout si les demandes de la communauté des chercheurs sont prises en compte, au niveau de la définition de la forme des satellites, du choix de trois fréquences et d'un réseau au sol de qualité.

Mais les utilisations scientifiques ne seront pas majoritaires, ce qui pose le problème de la répartition des charges entre ministères.

Par ailleurs, des services commerciaux pourront être développés, ce qui suggère une participation privée au financement du système.

Il reste que ces questions pourraient recevoir une réponse, avec un engagement fort de l'Union européenne, dans le cadre éventuel de structures internationales comme EUTELSAT ou EUMETSAT qui gèrent avec succès des systèmes spatiaux de télécommunications ou de météorologie, et dont l'on envisage même la privatisation.

XX - Ecosystèmes terrestres

La surveillance et l'étude de l'environnement correspondent à des préoccupations montantes de la société dans les années récentes. De nombreuses actions sont conduites, on l'a vu, par les organismes de recherche dans le domaine de l'océanographie, de la météorologie et de la recherche atmosphérique, actions qui nécessitent la mise en oeuvre de moyens matériels considérables.

La surveillance et l'étude des écosystèmes terrestres représentent un nouveau défi pour les années à venir, non qu'aucun dispositif n'existe mais parce qu'un effort de systématisation des mesures et d'extension des recherches est requis pour répondre à des questions fondamentales pour la société, comme la protection des eaux, des sols et des forêts ou bien encore la conservation de la biodiversité.

La poursuite de tels objectifs nécessite la mise en réseau des dispositifs existants et futurs et l'intégration de l'ensemble des recherches dans une approche plus globale qu'actuellement.

Aucun dispositif d'observation et d'expérimentation des écosystèmes terrestres n'est actuellement recensé parmi les très grands équipements.

L'INRA, qui depuis quelques années a ajouté la recherche environnementale à son activité traditionnelle de recherche agronomique, pourrait faire partie d'un réseau avec d'autres organismes.

L'investissement financier correspondant et les frais de fonctionnement de ce réseau sont de l'ordre de grandeur d'autres très grands équipements.

1. Les efforts actuels de l'INRA

Les missions de l'INRA, établissement public à caractère scientifique et technologique, sont de contribuer au développement d'une agriculture performante et durable, à l'essor d'activités et d'industries agroalimentaires compétitives et respectueuses de la santé, et à la surveillance et aux recherches sur l'environnement et les écosystèmes terrestres.

Le budget de l'INRA en 1999 s'est élevé à 3,46 milliards de francs. Les dépenses de personnel ont représenté 72,8 % du total, les dépenses de fonctionnement 24,3 % et l'investissement 2,9 %.

Les effectifs de l'INRA comprennent environ 8700 permanents, chercheurs, ingénieurs et collaborateurs, auxquels s'ajoutent environ 2000 personnes en accueil temporaire. Les trois quarts des effectifs de l'INRA sont implantés en dehors de la région parisienne.

Comme un certain nombre de grands organismes de recherche français, l'INRA va connaître dans les années prochaines, une vague de départ à la retraite considérable, encore que son personnel soit en moyenne plus jeune que celui des autres organismes de recherche. D'ici à 2010, ce sont malgré tout 45 % de ses personnels qui seront à renouveler pour cause de départs à la retraite, avec les risques correspondant de perte d'expertise si la transition n'est pas planifiée en détail.

L'INRA comprend 21 centres de recherche régionaux, 256 unités de recherche et 85 unités expérimentales, dont 50 exploitations agricoles représentant 12 000 hectares. La recherche à l'INRA est conduite dans 17 départements, appartenant à quatre grandes catégories : végétal, animal, alimentation-nutrition, sciences sociales.

Le financement du budget de l'INRA est assuré à 84,4 % par des subventions du ministère de l'éducation nationale et du ministère de la recherche et à hauteur de 0,5 % du ministère de l'agriculture.

Les contrats de recherche qui ont représenté une recette de 278,4 millions de francs en 1998, proviennent à 25 % de l'Union européenne et de 23,9 % des collectivités territoriales.

L'INRA comprend plusieurs animaleries couvrant les bovins, les porcins, les ovins, la volaille, les poissons d'eau douce et les rongeurs. Ces animaleries sont accessibles aux équipes de recherche des autres organismes. Récemment, l'INRA a proposé d'utiliser dans un cadre de la réglementation des laboratoires confinés P3, son animalerie de gros bovins de Nouzilly près de Tours, pour les pathologies bovines et en particulier pour les recherches sur l'ESB (encéphalopathie spongiforme bovine).

Ces animaleries ne sont pas répertoriées dans les très grands équipements de la direction de la recherche du ministère de la recherche. Cette situation pourrait être modifiée à l'avenir.

Au demeurant, avec un montant de 99 millions de francs HT en budget prévisionnel pour 1999, les capacités d'investissement propres de l'INRA en matériels lourds et en immobilier apparaissent limitées.

Ceci justifie que l'INRA fasse émerger en tant que très grand investissement à doter d'un soutien spécial, un projet de " réseau d'observation et d'expérimentation agri-environnementales " dont il serait l'un des principaux partenaires.

2. Les besoins à l'avenir

Le projet de réseau agri-environnemental vise essentiellement trois objectifs.

Le premier objectif est la surveillance et le suivi de l'environnement, afin de détecter les évolutions, progressives ou brutales affectant les ressources physiques (eaux, sol, air) et les écosystèmes. Le deuxième objectif est d'analyser les processus d'évolution de ces derniers. Le troisième objectif est d'expérimenter des techniques et des systèmes d'agriculture et de sylviculture durables.

S'agissant du premier objectif de surveillance et de suivi de l'environnement, si la France possède d'ores et déjà des réseaux de surveillance de la qualité des eaux, il est nécessaire de mieux les articuler les uns avec les autres. Il s'agit par ailleurs, de rattraper un retard spécifiquement français pour la surveillance de la qualité des sols, domaine dans lequel la France possède 11 sites seulement, contre 5000 au Royaume-Uni.

L'objectif est donc de fédérer les éléments existants et d'aller plus loin en tirant parti des implantations locales de l'INRA.

A cet égard, le schéma idéal pour l'observation des sols correspond, d'une part à quelques milliers de sites légers pour la surveillance et le suivi, et, d'autre part, à une cinquantaine de sites plus lourds jouant le rôle de centres de coordination et d'exploitation des données. Les dépenses d'investissement correspondantes sont évaluées à 150 millions de francs, avec un coût de fonctionnement de 5 millions de francs par an.

Pour le deuxième objectif d'analyse des processus d'évolution des milieux et des écosystèmes, l'INRA évalue l'enveloppe financière à 5 à 10 sites-ateliers dotés de moyens lourds.

Pour le troisième objectif d'expérimentation agricole, plusieurs dizaines de sites d'un coût unitaire d'installation de 2 à 3 millions de francs seraient nécessaires, avec des coûts de fonctionnement de 0,5 à 1 million de francs par an.

Le réseau proposé reste à définir avec précision à plusieurs niveaux. En premier lieu, il s'agit de détailler les nombres de sites et les moyens expérimentaux nécessaires et de déterminer en quoi les sites et les équipements actuels de l'INRA sont utilisables. En deuxième lieu, l'articulation avec les partenaires naturels que sont l'INSU-CNRS, le CEMAGREF, l'IRD, le CIRAD mais aussi le CEA et l'INERIS reste à définir. Enfin, la place du réseau dans un ensemble européen et l'évolution des financements, notamment les politiques européennes mises à contribution, sont à déterminer.

XXI - Sciences de l'Homme et de la Société

Des changements considérables sont d'ores et déjà intervenus dans les méthodes de travail des sciences de l'homme et de la société. L'interdisciplinarité et l'usage croissant des nouvelles technologies de l'information et de la communication ont commencé de bouleverser ces disciplines.

La mise en place des Maisons des Sciences de l'Homme et le rôle des Instituts à l'étranger assurent déjà une nouvelle structuration de la recherche. Ces nouveaux outils jouent un rôle capital dans la programmation des recherches à grande échelle, le développement des échanges interdisciplinaires, la généralisation du traitement de données quantitatives et le recours aux méthodes de la modélisation et de la simulation.

Par ailleurs, les bibliothèques numérisées et les bases de données commencent à apporter des solutions aux problèmes d'archivage et d'accès aux données.

Pour amplifier ces premières évolutions, les Sciences de l'Homme et de la société ont besoin d'une politique cohérente, coordonnée et pérenne. D'où le souhait des responsables de ces disciplines de voir les équipements correspondants appartenir à la catégorie des très grands équipements, contrairement à la situation actuelle.

1. Les Maisons des Sciences de l'Homme

La première Maison des Sciences de l'Homme (MSH), installée boulevard Raspail à Paris, a été créée à la fin des années 1960. Si le concept n'a essaimé en région qu'au début des années 1990, il s'agit d'une orientation fondamentale de la structuration de la recherche dans les sciences de l'homme et de la société. En 2000, les MSH sont au nombre de douze, trois unités supplémentaires étant en projet.

L'installation dans un même lieu d'au moins une dizaine de laboratoires comprenant plusieurs centaines de chercheurs a pour premier avantage de favoriser les échanges entre disciplines et les approches pluridisciplinaires. Ce regroupement produit également un effet de masse qui améliore la visibilité des travaux scientifiques, la capacité de négociation avec les collectivités territoriales et plus généralement les contacts avec le monde socio-économique. Enfin, une rationalisation des choix budgétaires peut être trouvée dans cette nouvelle organisation, en particulier pour les investissements en équipements de traitement de l'information.

Le CNRS a mis en place une contractualisation avec les Maisons des Sciences de l'Homme afin de leur garantir une pérennité, le département des sciences de l'Homme et de la société y consacrant environ un tiers de son budget annuel.

Le réseau des Maisons des Sciences de l'Homme bénéficie d'un concours supplémentaire du Fonds national de la science (FNS) à hauteur de 27 millions de francs en 1999, notamment pour la réalisation des projets retenus à Lille, Strasbourg et Paris-Nord.

2. Les Instituts à l'étranger

Les recherches sur les cultures et les pays étrangers dans le domaine des sciences de l'Homme et de la société sont conduites soit par le canal de coopérations internationales directes entre laboratoires français et laboratoires étrangers, ce qui n'exige pas d'équipement spécifique, soit par des travaux sur le terrain, dont les Instituts à l'étranger, un réseau représentant un grand investissement, assurent le support.

Les Instituts à l'étranger sont sous la responsabilité soit des ministères chargés de l'éducation nationale et de la recherche, comme la Casa Velazquez, l'Ecole française de Rome, soit du ministère des affaires étrangères, soit de ce dernier et du CNRS conjointement. Les instituts à l'étranger sont au nombre d'environ trente, répartis sur tous les continents. Les objectifs sont à l'avenir de regrouper des implantations dans certaines zones géographiques et d'élargir les champs disciplinaires de la plupart des instituts.

Ce dispositif, d'une importance capitale pour la recherche, pour la formation et pour le rayonnement de la France, doit faire face à une insuffisance de moyens humains et matériels et à des barrières institutionnelles diverses qui limitent le rôle des instituts dans la formation, ainsi que les possibilités de circulation des chercheurs et qui, donc, nuisent à leur efficacité.

Une réforme, élaborée afin de remédier à ces problèmes, est en cours d'adoption par les ministères concernés.

L'importance des instituts à l'étranger pour la recherche en sciences de l'Homme et de la société, pour la connaissance des sociétés étrangères et, partant, pour l'influence culturelle et économique de la France est mise en avant par les responsables de ce réseau pour solliciter des efforts accrus en sa faveur.

3. Les bibliothèques, les réseaux de documentation et les bases de données

La numérisation constitue un chantier d'une exceptionnelle importance pour les sciences de l'Homme et de la société.

Outre son intérêt essentiel de permettre un accès décentralisé aux ouvrages et aux documents de base, la numérisation limite les conséquences d'une disparition physique des originaux, renforce l'autonomie des laboratoires tout en opérant une unification des bibliothèques, des archives et même des collections d'objets, et a aussi pour effet de développer la coopération entre les disciplines et les institutions.

En réalité, les difficultés de cette entreprise sont considérables. Les laboratoires doivent être à la source des initiatives, tout en adhérant à des méthodologies compatibles sinon communes. La coopération des laboratoires avec la Bibliothèque nationale de France ou le ministère de la culture nécessitent que des problèmes institutionnels nombreux soient surmontés.

Au reste, différentes difficultés matérielles et d'organisation doivent recevoir d'urgence des solutions. Les nouvelles technologies de l'information révolutionnent les méthodes de classement, permettent l'accès décentralisé aux représentations numérisées des objets originaux mais ne suppriment pas les besoins d'archivage des collections d'objets, de cartes, de sons et donc de fonds physiques d'archivage scientifique.

Par ailleurs, l'accès aux bibliothèques universitaires ou aux bibliothèques des laboratoires, limité aux heures ouvrables traditionnelles, est une question fondamentale qui traduit un retard français insupportable pour les étudiants et les chercheurs et doit trouver une solution rapide.

Un autre problème technique et un blocage juridique sont à traiter en urgence.

Le problème technique est celui de la lenteur des méthodes utilisées actuellement pour la numérisation. Les chaînes de traitement actuellement utilisées sont trop lentes et exigent sans doute d'être externalisées, en particulier pour les fonds documentaires de grande taille. Ainsi, la Bibliothèque nationale de France n'a numérisé pour le moment que 70 000 ouvrages sur plusieurs millions.

Par ailleurs, le verrou juridique des droits des éditeurs empêche la numérisation des publications ayant moins de soixante dix ans d'antériorité. Des accords particuliers avec les éditeurs doivent être trouvés pour un paiement des droits en fonction des usages informatiques. Au reste, les bibliothèques constituent des moyens économiques d'accès à l'information, à condition de voir leurs collections et leurs plages horaires d'ouverture considérablement élargies.

La question des bases de données en sciences humaines et sociales représente un autre point fondamental pour l'avenir.

Les données d'enquêtes constituent les observations des sciences sociales et sont la base des interprétations et de la théorisation. La France a eu un rôle pionnier dans ce domaine, avec des institutions comme l'INSEE et l'INED. Aujourd'hui, son retard est considérable dans la constitution de bases de données informatisées. Ainsi, les premières bases de données d'enquêtes ont été constituées en 1961 à l'université de Michigan aux Etats-Unis, en 1962 à Cologne en Allemagne, en 1964 au Royaume-Uni et seulement en 1981 en France à Grenoble et ce pour les seules sciences politiques. Or les données produites par les administrations publiques, comme les ministères des affaires sociales, de la culture, de l'agriculture, de l'économie et des finances ou de l'équipement, ne sont pas accessibles aux chercheurs, de même d'ailleurs que les données des instituts de sondage. Une conséquence déplorable de cet état de fait est que la France, n'ayant pas de données à échanger, est en situation très délicate pour participer aux grandes enquêtes internationales menées sur la base de contributions nationales équivalentes.

Un récent rapport pour les ministères chargés de l'éducation nationale et de la recherche a défini des axes de progrès, bientôt traduits dans un arrêté ministériel, pour créer un dispositif d'archivage et de documentation des données produites par les administrations publiques, pour organiser la présence française dans les enquêtes internationales en prévoyant un comité de décision, une organisation et des financements, et, enfin, pour assurer la formation de chercheurs capables d'utiliser et de produire des données d'enquête.

Les coûts de fonctionnement d'un tel dispositif, en dehors des investissements en bâtiments et en moyens matériels, sont actuellement estimés à un million de francs par an pour les missions d'archivage et de formation et à sept millions de francs par an pour la participation aux enquêtes internationales.

Comme dans d'autres disciplines, la pérennité des résultats d'observation apparaît comme cruciale. Le manque d'ouverture des administrations et l'absence de moyens de traitement automatisés de l'information expliquent dans une certaine mesure les difficultés rencontrées jusqu'alors pour la conservation et la documentation des données. Leur intérêt apparaissant désormais clairement ainsi que les moyens de les valoriser, il importe de faire sauter les verrous administratifs, de mettre en place les moyens humains et techniques de récupération de l'existant, de prévoir des processus réguliers d'archivage et de documentation pour les données produites et surtout d'organiser à long terme la pérennité des mesures prises.

Au total, les sciences de l'Homme et de la société suivent la voie des sciences exactes, en requérant des moyens matériels plus importants que ceux dont ils disposent actuellement et en particulier des grands équipements.

Ces grands équipements sont nécessaires aux sciences de l'Homme et de la société, pour approfondir leurs méthodes de travail notamment dans le domaine quantitatif, pour structurer les recherches et accroître les échanges interdisciplinaires et la pluridisciplinarité, et en définitive pour renforcer leur visibilité et la reconnaissance de leur rôle par la communauté nationale.

1 Les pays membres de l'ESA sont ceux de l'Union européenne, à l'exception du Luxembourg, de la Grèce et du Portugal, auxquels s'ajoutent la Norvège et la Suisse. Le Canada est par ailleurs un Etat coopérant.

2 Source : direction de la recherche, ministère de la recherche, juin 2000

3 Source : direction de la recherche, ministère de la recherche, juin 2000

4 Source : direction de la recherche, ministère de la recherche, juin 2000

5 Principales hypothèses : prix moyen de marché des lanceurs de la gamme Ariane 5 ou du lanceur Proton ; coûts d'EGNOS intégrés ; non prise en compte du coût de développement des applications et des récepteurs.