N° 2388
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N° 337
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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 12 mai 2000.

Annexe au procès-verbal de la séance
du 16 mai 2000.

 

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

SUR

les moyens nécessaires à mettre en œuvre pour améliorer la sécurité des
tunnels routiers et ferroviaires français

 

PAR M. Christian KERT,

Député.

__________________

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Jean-Yves LE DÉAUT,
Premier Vice-Président de l'Office

__________________

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.

 

transports

SAISINE 5

INTRODUCTION *

I - LES TUNNELS ROUTIERS *

1.1 - Les points noirs *

1.1.1. - Les " urgences " *

1.1.1.1. - le tunnel " Maurice - Lemaire " à Sainte - MARIE - aux - MINES *

1.1.1.2. - Le tunnel du col de TENDE *

1.1.1.3. - le tunnel du LIORAN *

1.1.1.4. - le tunnel du CHAT *

1.1.2. - Les tunnels à vigilance accrue *

1.1.2.1. – le tunnel des MONTETS *

1.1.2.2. – le tunnel de PUYMORENS *

1.1.2.3. – le tunnel d’ARAGNOUET - BIELSA *

1.2. - les grands tunnels *

1.2.1. - les tunnels étrangers *

1.2.1.1. - les tunnels suisses *

1.2.1.2. - les tunnels autrichiens *

1.2.1.2.1. - la catastrophe du tunnel des Tauern *

1.2.1.2.2. - le tunnel de l'Arlberg *

1.2.1.2.3. – le programme autrichien *

1.2.1.3. - les tunnels italiens *

1.2.2. – les grands tunnels français *

1.2.2.1. – le tunnel du FREJUS *

1.2.2.2. – le tunnel du MONT-BLANC *

1.3. – Les tunnels urbains et péri urbains *

1.3.1. – les tunnels lyonnais *

1.3.1.1. – le tunnel sous Fourvière *

1.3.1.2. – le tunnel de la Croix-Rousse *

1.3.2. – les tunnels marseillais *

1.3.2.1. - le tunnel du Vieux-Port *

1.3.2.2. - le tunnel de Prado Carénage *

1.3.2.3. - le tunnel de la Joliette *

1.3.3. – les tunnels niçois *

1.3.4. – les tunnels parisiens *

1.4. – Les futurs tunnels *

1.4.1. – le tunnel d’ORELLE *

1.4.2. – le tunnel de TOULON *

1.4.3. – le tunnel de FOIX *

1.4.4. – le tunnel du SOMPORT *

1.4.5. – le tunnel de l’A 86 Ouest *

1.4.5.1. – le tunnel Est *

1.4.5.2. – le tunnel Ouest *

1.4.6. – le tunnel de " ROISSY TTC " *

2. - LES TUNNELS FERROVIAIRES *

2.1. - L’inventaire *

2.1.1. – les textes en vigueur *

2.1.2. - les insuffisances récurrentes *

2.1.3. - les mesures générales *

2.2. - Les points noirs *

2.2.1. - Crêt d’Eau, dans l’Ain *

2.2.2. - Blaizy Bas, en Côte d’Or *

2.2.3. - Meudon, dans les Hauts de Seine *

2.2.4. – le tunnel franco – suisse du Mont d’Or *

2.2.5. – le tunnel franco – italien du Fréjus *

2.2.6. - le bilan *

2.3. - Les grands tunnels *

2.3.1. - les grands tunnels à l’étranger *

2.3.1.1. – les tunnels suisses *

2.3.1.1.1. – le nouveau tunnel du Saint Gothard *

2.3.1.1.2. – le nouveau tunnel du Lötschberg - Simplon *

2.3.1.1.3. – le transport combiné *

2.3.1.2. – les tunnels italiens *

2.3.1.3. – les tunnels autrichiens *

2.3.2. – Eurotunnel *

2.3.2.1. – l’historique *

2.3.2.2. – présentation du tunnel *

2.3.2.3. – l’incendie du 18 novembre 1996 *

2.3.2.4. – les enseignements de l’incendie du 18 novembre 1996 *

2.4. - Les futurs tunnels, presque achevés ou encore au stade de projet *

2.4.1. - Marseille TGV *

2.4.2. - Lyon – Turin *

2.4.2.1. – l’ancienne ligne *

2.4.2.2. – les étapes décisives *

2.4.2.3. – les trafics *

2.4.2.3.1. – le trafic voyageur *

2.4.2.3.2. – le trafic fret *

2.4.2.3.3. – l’autoroute ferroviaire *

2.4.2.4. – le tunnel *

2.4.2.4.1. – les caractéristiques *

2.4.2.4.2. – la sécurité *

2.4.2.4.3. – la maintenance *

2.4.2.5. – la réalisation *

CONCLUSION *

Les recommandations *

La loi *

Les aménagements des tunnels *

Les changements de comportement des conducteurs *

Les transports de matières dangereuses *

Vers un rééquilibrage des moyens de transports : l’arrêt du tout camion, le ferroutage et les voies fluviales *

Innovations et recherche *

ADOPTION du RAPPORT *

ANNEXES *

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées *

Annexe 2 : documents techniques *

Annexe 2.1. : Les incendies de tunnels routiers dans le monde *

Annexe 2.2. : Note de M. André GASTAUD, Mission des Transports des matières dangereuses du ministère de l’équipement, des transports et du logement *

Annexe 2.3. : Extrait des propositions à caractère général du rapport du Comité d’évaluation de MM. Michel Quatre et Philippe Sardin, du 2 juillet 1999 *

Annexe 2.4. : Rapport du 6 juillet 1999 de Pierre Duffé, Inspecteur Général de l'Administration, Michel Marec, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Pasquale Cialdini, Chef de l'Inspection Générale de la circulation et de la sécurité routière *

Annexe 2.5. : l’instruction technique interminitérielle (ITI 98-300) *

Annexe 2.6. : Extraits du rapport d’enquête relatif à l’incendie survenu à bord d’une navette poids - lourds le 18 novembre 1996 dans le Tunnel sous la Manche *

REMERCIEMENTS *

 

 

SAISINE

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

Après le dramatique incendie du tunnel du Mont-Blanc, le 24 mars 1999, impliquant de très nombreux véhicules et causant officiellement 39 morts, la commission de la Production et des Echanges décidait de saisir l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Or, avant même que celui –ci puisse en établir la faisabilité de l’étude, un second drame avait lieu en Autriche, le 29 mai 1999, dans le tunnel des Tauern. Ce drame quasi identique, causait 12 victimes.

Dans un recensement effectué par le Centre d’Etudes des Tunnels, sur 21 incendies de tunnels recensés parmi les plus importants au monde depuis 1949 et jusqu’en 1998, 21 ont pour origine un poids lourd au moins, avec collision ou incident matériel. Quatorze de ces accidents ont eu des conséquences mortelles, et en 1999, coup sur coup en 3 mois, deux accidents vont alourdir très nettement le bilan.

A chaque fois, l’incendie a eu lieu dans un tunnel long (11,6 km pour le Mont-Blanc, 6,4 km pour le Tauern) et fut difficilement maîtrisable, la température atteignant plus de 1 000°C pendant plusieurs heures, puisque les alliages de cuivre ont fondu.

Mais les tunnels sont aussi susceptibles de deux autres importantes catastrophes d’origine naturelle : les effondrements et l’invasion d’eau.

Des accidents dans des tunnels routiers ont eu lieu de tout temps et dans tous les pays, y compris les plus industrialisés. Les accidents conduisant à la catastrophe sont essentiellement ceux qui donnent naissance à des incendies.

L’accident catastrophique implique le plus souvent à l’origine un camion ; il est vraisemblable que les choix vers ce mode de transport et la concurrence très sévère qui y règne ont aggravé sensiblement les risques.

Rappelons toutefois que l’augmentation du trafic est de l’ordre de 0,7% par an et que la répartition modale du trafic terrestre de marchandises en France est la suivante (en % des tonnes-kilomètres) : 20,1% pour le fer, 67,7% pour la route, 2,5% pour la voie d’eau et 9,6% par oléoduc.

Si le tunnel sous le Mont-Blanc fut considéré comme un modèle de sécurité il y a 30 ans, et sans vouloir bien sûr interférer avec l’enquête en cours, l’usager qu'en fut votre Rapporteur put constater que toutes les consignes de sécurité avaient peu à peu disparu : le contrôle sur les distances de sécurité entre véhicules n’a pas résisté au souci de rentabilité du concessionnaire, créant ainsi les conditions pour une catastrophe majeure.

Si la libre circulation au sein de l’Union Européenne est une avancée considérable, on peut toutefois déplorer que certains transporteurs transgressent des réglementations importantes en matière de chargement et de leur nature. Le manque de contrôle systématique sur la nature des matières transportées entraîne pour certains une fraude qui, au-delà des réglementations financières, peut accroître la dangerosité du transport routier.

La Suisse et l’Autriche, pionniers en matière de ferroutage, - avec des résultats mitigés toutefois – prouvent que l’on peut avoir une alternative au " tout camion ". Ces résultats viennent essentiellement d’une conception ancienne du ferroutage. Le modèle de ferroutage moderne pourrait être celui d’EUROTUNNEL.

Mais il faut, pour passer à ce mode de transport, qu’une volonté politique forte s’exprime et soutienne le rééquilibrage entre les divers modes de transport par des ajustements financiers appropriés.

Envisager un seul instant d’augmenter les péages des installations routières, pour que les camions participent un peu plus au coût des dégradations qu’ils provoquent - un dérivé de " pollueur - payeur " - entraîne une levée de boucliers de la plupart des entreprises de transport.

Toutefois le tunnel ferroviaire n’est pas exempt d’accident. Le tunnel sous la Manche a déjà connu un incendie spectaculaire le 18 novembre 1996. Si cet incendie du Tunnel sous la Manche ne fit pas de victimes, - c’est une sorte de miracle vu le nombre impressionnant d’erreurs commises ce jour-là - il paralysa l’activité pendant plusieurs semaines.

Le tunnel de Vierzy entre Soissons et Laon sur la ligne Paris – Hirson s’effondra le 16 juin 1972, au passage de 2 autorails, causant l’une des plus grandes catastrophes ferroviaires de l’histoire de notre pays, puisque l’on dénombra 108 morts et 87 blessés.

Il s’agissait là d’une autre cause d’accident, puisque les éboulements n’étaient pas dûs à un incendie, mais à la vétusté du tunnel et à l’onde de choc provoquée par le croisement des trains.

Il faut toutefois remarquer que 3 accidents seulement ont été enregistrés dans un tunnel ferroviaire depuis 1957.

Cependant les tunnels ferroviaires sont pour la plupart très anciens, conçus pour une circulation relativement lente. Les craintes exprimées pour les croisements à grande vitesse sur certaines lignes ont amené les concepteurs des lignes TGV à de très nombreuses études.

De plus, certaines réalisations actuelles ont attiré des réactions des services de sécurité de l’Etat. Ainsi, le tunnel TGV de Marseille est au centre d’une polémique entre d’une part la SNCF et Réseau Ferré de France et d’autre part la Préfecture de Région. S’appuyant sur des données statistiques, la SNCF estime le risque négligeable mais jusqu’où va la notion de risque acceptable ?

L’autre grande cause d’accident dans un tunnel vient du risque d’inondation. Paradoxalement, les tunnels les plus dangereux à cet égard ne semblent pas les tunnels sous-marins ou sous-fluviaux, mais les tunnels de type alpin sous fortes charges d’eau, où une pression supérieure à 100 bars peut s’exercer.

C’est donc plus, en ce cas, un risque naturel qu’un risque technologique quoique la conception du tunnel doit tenir compte de la géologie du terrain. Pour notre étude, cette cause n’est pas à sous estimer, mais la priorité doit cependant se fixer sur les risques liés au trafic, et donc principalement au risque incendie, non pas d’incendie de tunnel, mais bien d’incendie dans un tunnel.

Dans les deux derniers grands incendies dans un tunnel en 1999, les caméras de surveillance ont été très vites inopérantes par suite des forts dégagements de fumées et de la chaleur atteinte.

La surveillance ne suffit pas à la sécurité, il faut qu’elle se double d’une prévention.

De l’avis des pompiers, un feu pouvant se développer pendant plusieurs heures à cause de la présence importante de matières combustibles est quasiment impossible à arrêter après 20 minutes.

Il est donc très important d’envisager une intervention efficace dans les premiers instants, par des professionnels, disposant de matériel pouvant permettre une attaque efficace de l’incendie.

Ceci est aussi valable pour les tunnels routiers que pour les ferroviaires, où les risques sont différents. Si pour les routiers, c’est le nombre de véhicules et la nature des produits combustibles contenus, impliqués dans un accident qui déterminent l’ampleur, le tunnel ferroviaire est plus sensible à l’accessibilité de l’ouvrage, la difficulté d’y pénétrer, avec un manque de matériel de secours ferroviaire criant.

Si la Suisse possède plusieurs trains de secours, la France est dépourvue de cette solution, qui compte tenu également de l’étendue du réseau, serait certainement hors de coût raisonnable. Mais entre un train et quelques équipements type " lorry " à des points stratégiques (longueur d’un tunnel, nombre de trains transportant des matières dangereuses), il y a certainement des solutions réalistes à envisager.

L’accident en tunnel est rare, mais ses conséquences dues au milieu confiné peuvent être dramatiques. Le risque zéro n’existant pas, il faut définir le risque accepté, et donc adopter une réglementation générale au cas particulier qui représente en fait chaque tunnel, par sa longueur, la topographie du terrain, la fréquentation de l’ouvrage.

La réglementation du transport de matières dangereuses est certes volumineuse, complexe et contraignante, mais elle est actuellement insuffisante, particulièrement dans le domaine routier. Pas moins de 5 options sont ouvertes à chaque tunnel :

- interdit à tout transport de matières dangereuses,

- autorisé à tout transport de matières dangereuses,

- autorisé à tout transport de matières dangereuses, sauf aux transports d’explosifs,

- autorisé à tout transport de matières dangereuses, sauf aux transports d’explosifs et de gaz inflammables,

- autorisé à tout transport de matières dangereuses, sauf aux transports d’explosifs, de gaz inflammables et de produits inflammables.

Treize classes et 3 300 catégories de matières dangereuses sont actuellement répertoriées (la liste et la quantité de matières dangereuses font l’objet d’une mise à jour tous les 2 ans).

Les grands incendies du Tunnel sous la Manche et du Mont-Blanc ne concernaient pas des matières dangereuses : les produits incriminés étaient certes facilement liquéfiables (graisse animale et margarine), mais faut-il pour autant les classer dans les matières dangereuses ? Et à partir de là, faut-il différencier le beurre du beurre allégé ? Et que dire des camions transportant des jouets – certes homologués pour résister à certains feux -, mais dans un emballage plastique comportant des réserves d’air importantes et propres à développer un gigantesque incendie et " flash over " ? Plus rien ne pourrait circuler en ce cas, mais il faut cependant garder à l’esprit que ces transports sont potentiellement dangereux.

 

 

 

 

I - LES TUNNELS ROUTIERS

Si la décision du gouvernement de confier à un comité d’évaluation un diagnostic sur la sécurité des tunnels routiers d’une longueur supérieure à 1 000 mètres a été prise très rapidement, on peut toutefois s’étonner du manque criant de surveillance de ce genre d’ouvrage, ouvrage que l’on peut assimiler en dangerosité à un établissement classé, ainsi que la plupart des pompiers auditionnés ont voulu les qualifier.

La longueur prise en compte dans ce rapport était nécessairement arbitraire, ce qui s’est d’ailleurs traduit par une demande d’extension du diagnostic pour certains tunnels très anciens, ou pour des tunnels urbains, ou suite de tunnels et tranchées couvertes.

Il ressort également de cette étude que la longueur de l’ouvrage n’est pas nécessairement l’élément déterminant pour évaluer la sécurité, mais que des paramètres tels l’ancienneté, le type de circulation, le nombre de voies par tube, le trafic journalier et le nombre de poids lourds dans ce trafic, et plus encore de poids lourds transportant des matières dangereuses, sont déterminants pour les mesures à préconiser.

Car là est bien le problème : comment définir le risque acceptable ? Dans les trois derniers incendies catastrophiques en tunnels : Eurotunnel, Mont-Blanc et Tauern, il semble bien qu’il y ait eu accumulations d’erreurs, censées ne jamais se produire en même temps, et qui pourtant ont eu lieu simultanément. Si d’ailleurs il n’y avait pas concours de circonstances exceptionnelles, il n’y aurait pas catastrophe. Mais il est vrai aussi qu’il ne peut y avoir surdimensionnement des ouvrages, surtout si le trafic est particulièrement faible.

L’évaluation menée par le Comité présidé par M. Michel QUATRE, ingénieur général des Ponts et Chaussées et coordonateur de la sous section " prévention et sécurité " du Conseil Général des Ponts et Chaussées et dont le rapporteur est M. Philippe SARDIN, directeur du Centre d’Etudes des Tunnels, est plutôt rassurante sur l’ensemble du parc, tout au moins si l’on s’en réfère aux conditions de sécurité imposées au moment de leur création. Rappelons toutefois que le tunnel du Lioran date de 1848, celui de Tende de 1882, dates où le trafic d’aujourd’hui était impensable.

La circulaire de 1996 qui devait prendre en compte certaines mesures de sécurité a été différée jusqu’à ce jour, ce qui fait qu’elle est partiellement obsolète et doit donner lieu à une nouvelle version qu’il est impératif de signer et d’appliquer avant les départs de vacances estivales.

S’il faut bien évidemment faire une différence entre tunnels sur le réseau routier de l’Etat, sur réseau concédé, sur l’exploitation par des collectivités locales ou leurs concessionnaires, les mesures de sécurité applicables ne peuvent en tenir compte. Les mesures générales qui résultent de l’étude QUATRE – SARDIN ne peuvent toutefois être négligées, faute de moyens financiers. La sécurité a un prix qui ne peut être compressé quelles que soient les circonstances extérieures. Les nouvelles mesures d’exploitation et de surveillance, l’organisation des secours, ne peuvent qu’améliorer la sécurité, mais ne peuvent la rendre absolue sans un profond changement dans le comportement des usagers : respect des vitesses, des interdistances, des signaux.

Le comportement en tunnel change totalement l’attitude des conducteurs. A tel point qu’au récent congrès mondial de la route de Kuala Lumpur d’octobre 1999, la délégation japonaise a présenté – document malheureusement non communiqué par la suite – une vidéo où quasiment aucun automobiliste japonais ne respectait les signaux d’arrêts dans le tunnel au risque de venir s’agglutiner sur des véhicules accidentés et former un bouchon propice à transformer un banal accident en catastrophe.

L’information des usagers est primordiale, mais cette information a besoin d’être claire et identique dans tous les ouvrages.

Votre Rapporteur a visité de nombreux tunnels, tant en France qu’à l’étranger. La situation n’est pas plus catastrophique chez nous que dans les pays voisins, la sécurité est minima dans la plupart des cas. Toutefois, s’il faut noter que la longueur du tunnel influe beaucoup sur les sensations de l’usager, la connaissance des moyens de sécurité mis en place est un facteur non négligeable dans le confort de l’usager.

Le tunnel routier du Saint-Gothard, long de 17 km, le plus long tunnel routier en activité actuellement, bidirectionnel et au trafic important, voit la température intérieure du tunnel monter à 31°C vers le douzième kilomètre, là où la montagne est la plus haute. Néanmoins le fait de savoir que les niches de sécurité débouchent sur une galerie – en fait la galerie de reconnaissance creusée avant le tunnel lui-même – parfaitement étanche vis à vis du tunnel de circulation est un élément très sécurisant pour les usagers habituels de cet ouvrage.

De l’étude QUATRE/SARDIN, des recommandations générales sont exprimées. Elles sont regroupées en sept paragraphes que je crois utile de présenter en annexe.

Sur les 39 tunnels examinés, seuls quelques-uns sont véritablement considérés comme dangereux et nécessitent des mesures d’urgence importantes. C’est bien évidemment ceux-ci qui ont retenu mon attention.

A côté de ces points noirs, les tunnels de grande longueur (plus de 8 km) posent d’autres problèmes, d’accessibilité, de contrôle de son véhicule, d’entretien.

De ces observations, il est nécessaire de tirer des conséquences immédiates, pour les tunnels non encore en exploitation. Ceux qui sont pratiquement terminés (mise en exploitation avant fin 2001) devront néanmoins satisfaire à de nouvelles mesures de sécurité avant leur ouverture. Pour ceux qui sont en début de chantier, ou sont encore en projet, même si une DUP a pu être signée, il est impératif d’éviter tout nouvel ouvrage où un risque quelconque pourrait subsister…

 

1.1 - Les points noirs

Quatre tunnels se distinguent de l’ensemble du parc, soit par leur vétusté, soit par leur étroitesse, soit par leur inadaptation au trafic actuel : il s’agit des tunnels " Maurice - Lemaire ", du col de Tende, du Lioran et du Chat.

D’autres tunnels méritent la vigilance accrue des services mais le très faible trafic peut les dispenser de travaux énormes : les Montets, Puymorens et Aragnouet – Bielsa.

1.1.1. - Les " urgences "

1.1.1.1. - le tunnel " Maurice - Lemaire " à Sainte - MARIE - aux - MINES

Il est symptomatique de noter que l’enquête mise en place en avril 1999 a permis l’arrêt immédiat de l’exploitation du tunnel " Maurice Lemaire " à Sainte - Marie - aux - Mines, le temps de réparer les extracteurs de fumée qui étaient déficients. Mais il est encore plus inquiétant de voir, une fois cette réparation effectuée qu’une seconde interdiction intervienne le 18 février 2000, avec effet au 1er mars à la suite d’une nouvelle expertise. Les poids lourds de plus de 3,5 tonnes sont donc interdits et ce pour une durée estimée à quatre ans. Ne pouvait - on dès l’enquête d’avril 99 procéder à l’ensemble des travaux ?

L’expertise a en effet montré que ce tunnel, initialement ferroviaire et transformé à la demande du ministre Maurice - Lemaire en tunnel routier était bien fragile. Sa voûte ne résisterait pas à un incendie de poids lourd au-delà de dix minutes, et la ventilation serait inefficace, ce qui transformerait ce tunnel en piège mortel pour ses occupants, les abris pressurisés n’étant que programmés actuellement.

Long de 6 950 mètres, le trafic moyen journalier est de 3 390 véhicules, dont environ un millier de poids lourds, ce tunnel souffre de sa conception même. L’étude plus fine qui est entreprise actuellement ne fait pas mystère des solutions à apporter ; comme dans la plupart des cas, une solution a minima consistant à la création d’une galerie latérale d’aération, se contentant donc de pallier le gros accident, ou alors creusement d’un second tunnel permettant de réduire considérablement les risques d’accident, l’accident frontal étant écarté, mais avec un coût de 4 à 5 fois supérieur ! !

Entre l’annonce et la mise en vigueur de l’interdiction des poids lourds, il n’y a eu heureusement aucun accident grave à déplorer. Il est souhaitable que malgré les diverses pressions qui peuvent s’exercer par voie de presse ou autres, cet ouvrage ne soit pas rouvert au trafic poids lourd tant que les mesures préconisées par les différents rapports ne seront pas réalisées. Si des dérogations devaient être accordées pour des trafics locaux, il semble indispensable que ces dérogations fassent l’objet de mesures d’accompagnement strictes, telles une mise en convoi avec escorte, voire un alternat de poids lourds sous escorte de manière à garantir au maximum la sécurité de l’ensemble des usagers. Ceci nécessite la possibilité de stockage de part et d’autre du tunnel et également la présence de service de secours de première urgence à chaque tête de tunnel.

 

1.1.1.2. - Le tunnel du col de TENDE

Votre Rapporteur s’est rendu au tunnel du col de Tende, dans les Alpes-Maritimes, à la frontière franco-italienne, sur la RN 204. Construit en 1882, d’une longueur de 3 186 mètres, dont 1 487 mètres en France, ce tunnel unitube bidirectionnel connaît un trafic moyen journalier de 3 400 véhicules par jour, mais cette moyenne est annuelle. Le trafic estival est beaucoup plus important – jusqu’à 9 000 véhicules/jour - avec de très nombreuses caravanes et " camping cars ". Ce tunnel est particulièrement inadapté à ce genre de trafic, encore plus à celui des poids lourds…les derniers lacets étant à très faible rayon.

L’étude demandée à la Direction Départementale de l’Equipement des Alpes Maritimes et au Centre d’Etude des Tunnels en juillet 1998, suite au rapport Brossier de mars 1998, et rendue en juin 1999 est très explicite, et répertorie les conditions d’amélioration immédiate des conditions d’exploitation. Or, si l’interdiction du transport des matières dangereuses est bien effective depuis août 1999, les autres améliorations prioritaires programmées ne doivent intervenir qu’au courant de l’année 2000.

Votre Rapporteur a été témoin lors de sa mission du genre d’incident fréquent que l’étroitesse du gabarit de ce tunnel provoque, mais qui ne fait pas toujours l’objet d’une signalisation à la DDE si celui-ci n’a pas de suite. Un camion semi-remorque italien, transportant de la verrerie, avait dû se ranger au croisement d’un véhicule sous le tunnel, mais de ce fait avait heurté du côté droit le mur du tunnel, endommageant et déchirant sa bâche. Lors de la sortie côté France et amorçant la descente en lacets vers Tende, le chargement du camion s’est répandu dans le premier virage amorcé par le véhicule. Incident sans autre conséquence que la perte d’une partie du chargement et le nettoyage de la chaussée, mais incident suffisamment marquant pour que des mesures rapides soient prises.

L’alternat mis en place est peu satisfaisant : il ne concerne que les véhicules de plus de 3,5 tonnes, et les véhicules tractant une remorque. La zone d’attente des poids lourds est assez petite, elle ne peut guère stocker plus de 6 véhicules. De plus les feux d’arrêts sont placés à la tête de tunnel, alors que la file d’attente est située sur la droite, la pré signalisation est à améliorer.

Le passage est autorisé pendant 45 secondes toutes les 15 minutes, et ce sans aucune indication du temps écoulé ou restant avant le passage au vert du feu tricolore installé en tête de tunnel. D’où un nombre réduit de passage à chaque fois, de 1 à 5 camions suivant la vitesse de réaction des chauffeurs dans la file d’attente. La vitesse maximum autorisée étant de 50 km/h, nombre d’habitués de ce tunnel enfreignent l’interdiction de pénétrer, au risque toutefois suivant le gabarit de leur véhicule de se trouver en situation de blocage, notamment dans la zone de travaux réalisés en 1995, travaux de confortement de la voûte sans abaissement du niveau de la chaussée.

Pour avoir croisé dans ce tunnel des poids lourds, il n’y a guère d’autre solution actuellement que de réduire très sensiblement sa vitesse, ou même le plus souvent de s’immobiliser pour éviter au maximum les risques d’accrochage.

Les commandes locales (absence totale de télécommande) des équipements sont situées dans un local technique situé à 90 m à l’intérieur du tunnel, tête France. En fait les moyens d’exploitation de cet ouvrage sont extrêmement sommaires, tant sur le plan de la gestion du trafic ou du contrôle/commande des équipements (ventilation essentiellement), le tunnel étant dépourvu de tout local de permanence, et sans moyens de télécommunications de haut niveau.

En cas d’alerte, les quelques postes d’appel d’urgence aboutissent au détachement de gendarmerie de Nice, qui relaie vers le centre d’incendie et de secours de Breil (30 km, soit 35 minutes pour intervenir) ou le centre d’exploitation de l’Equipement à Tende (9 km, soit 15 minutes environ) ; ces délais excluent quasiment toute intervention sur feu naissant, et il n’existe pas de réseau d’eau de lutte contre l’incendie dans le tunnel.

Les projets de travaux urgents à réaliser concernent autant les conditions de circulation dans le tunnel que les conditions d’intervention par l’exploitant ou les services de sécurité.

    • mise au point en commun avec les Italiens d’un plan de secours,
    • améliorer le guidage des usagers par l’aménagement de plots réfléchissants sur les piédroits et d’un bute roues,
    • mise en place d’une information sur la durée d’attente des véhicules arrêtés au feu de l’alternat,
    • couplage des systèmes de ventilation italiens et français,
    • mise en place d’une barrière de fermeture de la circulation aux têtes de tunnel,
    • renforcement de l’équipement des niches de sécurité existantes,
    • construction d’un réseau de défense incendie comprenant un réservoir avec surpresseur à la tête de tunnel, permettant de rendre active la colonne sèche en tunnel pour l’arrivée des pompiers,
    • déplacement du local de commande situé dans le tunnel actuellement vers l’ancien poste de police des frontières situé à l’entrée du tunnel,
    • installer une surveillance du tunnel par caméra,
    • commander l’arrêt de la ventilation longitudinale en cas d’incendie dans le tunnel,
    • aménager en tête de tunnel une zone de stockage de véhicules, pouvant accueillir un hélicoptère.

Afin de lutter contre l’inquiétante insécurité, des mesures simples devraient être immédiatement prises :

    • envisager un alternat complet,
    • l’alternat pour poids lourds doit être plus sécurisé, le trafic devant se faire en convoi sous escorte,
    • installer un poste de premier secours dans les locaux abandonnés en tête de tunnel français, les conditions financières exigées entre services de l’Etat ne devant compromettre plus longtemps la sécurité des usagers.

La solution envisagée de créer un nouveau tunnel bidirectionnel parallèle à celui existant, aux normes d’une circulation moderne, avec des rameaux de raccordement permettant de garder le tunnel actuel comme galerie de secours et d’évacuation est la seule solution vraiment raisonnable pour permettre un maintient de circulation poids lourds entre Nice et Turin par voie directe.

 

1.1.1.3. - le tunnel du LIORAN

Construit en 1848, le tunnel du Lioran traverse les monts du Cantal à une altitude comprise entre 1100 et 1175 mètres. Long de 1414 mètres, ce tunnel est sur la RN 122, seul axe reliant Aurillac à Clermont-Ferrand et l’autoroute A 75.

Le tunnel est doublé d’une route départementale (RD 67) qui, après le franchissement d’un col à 1294 mètres, traverse la station du Lioran, très fréquentée – été comme hiver - et notamment par des enfants.

Le tunnel est parfaitement rectiligne - le fait d’apercevoir la sortie par faible circulation et donc sans une forte pollution atmosphérique est un facteur positif - et présente une section dont la forme demi elliptique et la largeur roulable de 5,30 mètres - prévu pour un charroi - ne permettent pas le croisement de deux poids lourds.

Dès 1973, un régime de circulation des poids lourds par sens alterné a été instauré, en réalisant à chacune des têtes un très petit sas de stockage (3 camions au maximum) et en installant des feux tricolores, dont l’effet est parfois aléatoire.

Le trafic moyen journalier annuel était en 1998 de 5 690 véhicules/jour avec plus de 500 poids lourds (9%), dont plus du tiers transportant des matières dangereuses. Mais il n’est pas rare d’atteindre lors de journées d’affluence, notamment l’été, les 9 000 véhicules/jour, la pointe extrême étant de 11 000 véhicules/jour ! !

Ce tunnel, qui fut éclairé en 1973, a fait l’objet depuis 1993 de travaux de réhabilitation et de modernisation des équipements lourds d’exploitation et de sécurité : feux tricolores de l’alternat (1993), réfection complète de la ventilation (1994), hublots de jalonnement (1996), création d’une colonne sèche raccordée au réseau (1998). Enfin votre Rapporteur a pu expérimenté le 29 mars 2000 la dernière intervention en cours, consistant en la pose de demi barrières automatiques, permettant la déviation immédiate du trafic par la départementale 67, alors que le précédent système de déviation manuel demandait plus d’une heure avant d’être efficace.

Des caméras sont envisagées à hauteur de ces barrières, les essais en cours ayant été retardés par la démolition de ces barres levantes par des véhicules ne respectant pas la signalisation. Un dispositif de surveillance vidéo du tunnel devrait être installé et relié à la subdivision autoroutière de Saint-Flour, où une permanence est assurée en salle opérationnelle. Ceci ne sera efficace que si le câblage du tunnel est revu pour une meilleure résistance au feu, comme le faisait remarquer très justement notre collègue le sénateur BESSE, Président du Conseil Général du Cantal.

Des visites de sécurité sont effectuées tous les 15 jours pendant toute l’année, le trafic étant alors dévié par la station. Avant la saison hivernale et à la fin de celle-ci, une révision plus complète est effectuée nécessitant la fermeture du tunnel pendant une semaine.

Mais l’ensemble de ces travaux ne permet pas de maintenir la continuité du trafic, et la solution alternative par la station est au moins aussi dangereuse – une enquête de dangerosité a été demandée- par le risque encouru par une population de touristes avec les camions transportant des matières dangereuses dans une petite route de montagne, ce que ne peut admettre le Conseil Général. La construction d’un second tunnel, parallèle au tunnel actuel, fait partie des priorités du 12ème Contrat de Plan.

Si le fait d’inscrire ce projet dans le contrat de plan assure une réalisation quasi certaine dans des délais définis, la pierre d’achoppement consiste en son financement. Petit département par sa population – 150 000 habitants – le Cantal ne peut supporter une part de financement trop importante, immobilisant ainsi toutes ses possibilités d’amélioration routière. Le projet de répartition financière présenté lors de ma mission le 29 mars 2000, laissant à la charge des collectivités locales, région et département, près de 140 millions de francs, gèle toute autre opération de voirie pendant sept ans.

Le Président BESSE faisait remarquer que l’Etat intervenait à hauteur de 66% dans les travaux des grandes routes d’Auvergne, alors que pour des travaux liés à la seule sécurité, ce qui est de la compétence exclusive de l’Etat, il ne veut pas dépasser les 50%.

Le nouveau tunnel, aux dernières normes de sécurité en vigueur, avec des galeries de liaison avec l’ancien tunnel qui servirait de galerie de secours - en lui-même sera plus sécurisant. Toutefois cela ne résoudra pas le problème de l’intervention des secours qui sont actuellement situés dans les postes de Vic-sur-Cère et de Murat, soit au minimum à 30 minutes de la tête de tunnel (l’exercice de secours réalisé pendant l’été 1998 indiquait même un temps de 37 minutes).

En cas d’incendie du type " Mont-Blanc ", le premier quart d’heure est primordial. Aussi la proposition de notre collègue Yves COUSSAIN, vice-président du Conseil Général de mettre en place, entre la station et le tunnel, un centre de secours équipé de quelques véhicules, mais disposant surtout de professionnels connaissant parfaitement la zone d’intervention, me semble particulièrement intéressante pour optimiser l’efficacité des secours. De plus, cet équipement sera utile au développement de la station.

Cependant, il est nécessaire de prendre actuellement les mesures de sécurité indispensables pour assurer le trafic avant la mise en service de ce futur tunnel :

    • améliorer l’alternat des poids lourds,
    • envisager un alternat complet si le trafic progresse,
    • établir une surveillance par vidéo caméra,
    • assurer la pérennité des systèmes de communication par la mise en place de câbles résistant au feu.

 

1.1.1.4. - le tunnel du CHAT

Ce tunnel ouvert en 1932, long de 1 486 m, est un monotube à circulation bidirectionnelle sur la RN 504, en Savoie. Avant la fermeture du Mont-Blanc, le trafic était de 9 600 véhicules/jour dont 11% de poids lourds. Le trafic poids lourds est passé à plus de 2 000 véhicules/jour, ce qui compte tenu de l’étroitesse du tunnel (6,50 m de largeur entre trottoirs), de l’absence d’abris et de réseau d’eau pour lutter contre l’incendie justifie amplement l’arrêté préfectoral du 17 février 2000 interdisant l’accès de ce tunnel aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes, d’une hauteur supérieure à 3,50 m ou d’une largeur supérieure à 2,35 m.

L’arrêté préfectoral du 14 mai 1999 ramenait la vitesse autorisée de 70 km/h à 50 km/h et augmentait l’interdistance à 100 m pour les poids lourds de 19 tonnes et plus.

Des mesures d’exploitation avaient déjà été prises le 7 août 1998 par arrêté préfectoral en vue d’interdire le transport de marchandises dangereuses.

L'arrêté préfectoral du 13 août 1999 a rendu obligatoire l'interdistance de 100 m à tous les véhicules de plus de 3,5 t, rétablis l'interdistance de 50 m pour les véhicules légers et étendu la zone de cette restriction dans les 300 m de part et d'autre de l'entrée du tunnel.

D’autres mesures avaient accompagné ces mesures réglementaires comme la mise en place sur la chaussée de chevrons pour permettre aux usagers de mieux apprécier les distances entre véhicules, la commande des feux d'accès au tunnel, la mise en place d'une surveillance en semaine en 2 x 8 dans le local d'exploitation du tunnel qui dispose des images vidéo, et depuis le 1er juillet l999, un plan d'intervention des secours.

Des travaux d’amélioration de la sécurité vont être entrepris à court terme concernant le rapatriement de la gestion technique (alarmes, mesures et images) à OSIRIS (centre de gestion d’Albertville), l'installation de barrières aux têtes de tunnel, la construction d'un réseau d'eau pour la lutte incendie.

Ces mesures immédiates seront complétés très rapidement par la mise en place d'un dispositif de détection automatique d'incident (D.A.I.), le remplacement des panneaux à messages variables à chaque extrémité pour une meilleure lisibilité et une information plus explicite, la réalisation d'une liaison électrique secourue entre les deux locaux techniques et la rénovation complète des systèmes d'alimentation et de transmission interne au tunnel pour assurer une bonne tenue au feu, une expertise générale relative à la tenue au feu des structures internes du tunnel et des systèmes de sécurité ou de secours et de la capacité des installations de ventilation et de désenfumage

La remise à niveau de l'ouvrage, la construction d'une galerie de sécurité, le renforcement de l’étanchéité générale de la voûte par la suppression des tôles parapluie, la mise à niveau générale des équipements sont évaluées à environ 100 MF. La réalisation complète de ces travaux nécessitera la fermeture du tunnel pendant 1 an.

1.1.2. - Les tunnels à vigilance accrue

Ce sont les tunnels, qui par leur fréquentation, demandent une surveillance accrue à certains moments de l’année seulement. Des travaux peuvent y être cependant nécessaires.

1.1.2.1. – le tunnel des MONTETS

Le tunnel des Montets, qui figure dans l’inventaire compte tenu de sa longueur est un cas très particulier puisque c’est un tunnel ferroviaire pouvant servir de tunnel routier en cas de fermeture du col, soit de 10 à 35 jours par an.

Ce tunnel ne fut mis en service qu’en 1985. Ce n’est qu’une utilisation très temporaire, sur des créneaux libérés par la SNCF et en présence de la gendarmerie. Les gendarmes sont donc à même de réguler la circulation afin que tout risque soit écarté.

 

1.1.2.2. – le tunnel de PUYMORENS

Le tunnel du Puymorens est situé sur la RN 20 et assure une liaison internationale Nord-Sud Toulouse - Barcelone. Dans le sens Est-Ouest, il permet d'améliorer les liaisons entre Andorre et Perpignan dans la continuité des projets andorrans du tunnel d'Envalira. Ce tunnel à péage ouvert (un poste situé côté Pyrénées orientales) comprend un seul tube bidirectionnel à deux voies de circulation. La concession pour la construction et l'exploitation du tunnel du Puymorens a été confiée à la société Autoroutes du Sud de la France (ASF).

D'une longueur de 4 820 mètres, le tunnel du Puymorens permet d'éviter le passage par le col de Puymorens situé à 1 915 m d'altitude, d'accès hivernal très difficile, et d'établir des liaisons permanentes, rapides et à haut niveau de service.

Le profil en long du tunnel est en forme de toit penté à 2%vers le Nord et à 0,5% vers le Sud, pour assurer l'écoulement des eaux et faciliter les conditions d'exécution des travaux de creusement par deux attaques simultanées.

Le tube est revêtu de béton coffré et libère une largeur roulable de 7,60 m entre trottoirs de 0,80 m pour un tirant d'air de 4,50 m sous gaines de ventilation et équipements d'exploitation situés en plafond.

Le tunnel du Puymorens est contrôlé à partir d'un poste de surveillance centralisé implanté en tête Sud du tunnel. Le poste de surveillance assure les missions principales suivantes :

- contrôle et surveillance du trafic,

- contrôle de sécurité,

- gestion des équipements d'exploitation,

- intervention en cas d'incidents, à l'aide d'un système centralisé de recueil et de traitement automatisé des informations basé sur la télésurveillance TV, le téléphone d'appel d'urgence, la radiocommunication, la gestion technique centralisée des commandes, capteurs, télémesures, alarmes et états de fonctionnement des équipements d'exploitation.

La ventilation du tunnel est assurée à partir de deux usines de ventilation situées l'une en tête Nord, l'autre en tête Sud. Chaque usine assure la ventilation de la partie du tunnel qui lui est associée. Le tunnel est ainsi décomposé en 4 tronçons de ventilation d'environ 1 200 m de longueur. L’air est insufflé ou extrait dans chacun des tronçons de ventilation par l'intermédiaire d'une gaine de ventilation réversible située au plafond de la section de circulation. Chaque usine de ventilation comporte trois ventilateurs d’environ 2,5 m de diamètre.

En régime normal il n'y a que du soufflage d'air neuf, la dépression se faisant par les têtes. En cas d'incendie, il y a aspiration des fumées, cette aspiration étant localisée au droit de l'incendie au moyen de trappes de désenfumage réparties tous les 200 m. Ces trappes sont motorisées et télécommandées.

Les niches de sécurité, les refuges d'incendie ainsi que la sous-station électrique centrale sont mis en surpression d'air frais par l'intermédiaire d'une conduite d'air située sous le trottoir.

L’alimentation électrique normale du tunnel est assurée à partir de trois arrivées du réseau EDF. L’installation électrique est conçue de façon à ce que chacune des alimentations puisse secourir en totalité l'autre, en cas d'incident sur une des arrivées du réseau EDF. Les installations comportent des batteries onduleurs permettant d'alimenter les équipements d'exploitation dits de sécurité (capteurs, éclairage réduit, télévision, radio, signalisation partielle, alarmes, ... ) avec une autonomie d'une heure.

L’installation d’éclairage en section courante présente un niveau d’éclairement d’environ 60 lux. Pour faciliter le confort de visibilité des automobilistes de jour comme de nuit, les piédroits sont peints de couleur claire et l'éclairage, renforcé aux entrées, comporte des paliers oculaires progressifs. L’effet de "trou noir" en abordant le tunnel est évité.

Les caméras de télévision fixes en tunnel disposées selon un espacement de 200 m environ, permettent la surveillance des conditions de circulation, ainsi que des niches de sécurité et des garages. Les caméras extérieures orientables et munies d'un zoom permettent le contrôle des plates-formes, des accès et des carrefours de raccordement à la RN 20 et RN 320. Les images sont transmises au poste de surveillance.

Le tunnel du Puymorens est doté d'un certain nombre d'équipements de sécurité dont les principaux sont les suivants :

- 5 garages répartis tous les 800 m et situés alternativement à droite et à gauche,

- 3 galeries de retournement,

- 5 refuges à incendie associés à chacun des garages,

- 46 niches de sécurité situées de part et d'autre de la chaussée tous les 200 m,

-1 conduite incendie placée sous trottoir et 23 poteaux d'incendie à intervalle de 200 m.

Ces abris pressurisés ne sont pas reliés entre eux ni à une galerie d’accès permettant aux secours de progresser par un autre chemin que par la chaussée du tunnel. Le tunnel ferroviaire voisin est cependant trop éloigné pour envisager des galeries de liaison.

Les recommandations QUATRE/SARDIN sont toutefois prises en compte puisque la barrière côté Ariège a été installée en décembre 1999 et doit entrer en service au mois de mai 2000, le poste de gendarmerie le plus proche étant situé à 1,5 km de cette tête. La signalisation et les dispositifs favorisant le respect de l’interdistance sont en cours d’étude avec le CETU.

1.1.2.3. – le tunnel d’ARAGNOUET - BIELSA

Tunnel d’altitude, ce tunnel mis en service en 1976, est caractérisé par sa faiblesse de trafic : 786 véhicules par jour en moyenne annuelle, avec toutefois des pointes pendant les vacances estivales dépassant les 3 500 véhicules/jour.

Ce tunnel de 3 070 mètres sur la RD 173 est binational entre les Hautes-Pyrénées (1 772 mètres) en France et la députation d’Aragon en Espagne. La pente moyenne est de 5%, l’altitude à l’entrée française est à 1 821 mètres d’altitude, l’entrée espagnole à 1 664 mètres. Ce monotube bidirectionnel a une bande de roulement de 6 mètres, la hauteur libre sous équipement étant de 4,30 mètres. Un seul garage de 11 mètres existe en position centrale du tunnel.

Compte tenu de l’altitude - qui nécessite parfois la nuit la fermeture d’une porte côté France pour empêcher le gel à l’intérieur - et des difficultés de la route, l’accroissement estival est dû à des voitures particulières, caravanes et camping-cars ayant beaucoup de mal à y accéder. Les poids lourds qui fréquentent ce tunnel sont donc facilement identifiables et le trafic est surtout un trafic de proximité : transport de céréales, de bois et quelques autocars dont une ligne régulière une fois par jour.

Il est nécessaire cependant d’améliorer ce tunnel, sans pour cela créer des équipements qui ne se justifieraient pas. Après étude et suite aux recommandations QUATRE - SARDIN, un programme est mis en route pour éclairer la totalité du tunnel (la partie française ne l’étant pas), équiper les niches de sécurité d’extincteurs, et fiabiliser les réseaux pour l’alimentation électrique et les systèmes d’appel d’urgence.

En accord avec la partie espagnole, l’interdiction de TMD en vigueur côté France sera effective également côté Espagne, et la limite de vitesse uniformisée à 70 km/h contre 50 et 60 précédemment.

Les journées d’affluence, qui correspondent à des journées bien identifiées, feront l’objet d’une surveillance particulière avec présence d’agents et de forces de police qui avec des moyens simples de communication permettront un alternat pour poids lourds et cars éventuels, et un trafic fluide pour le reste des usagers.

 

 

1.2. - les grands tunnels

A chaque Congrès mondial de la route, un groupe de travail est réservé au Comité des tunnels routiers de l’Association Mondiale de la Route (AIPCR). Ce groupe est constitué des meilleurs spécialistes du domaine et représentant les pays où les tunnels sont nombreux : Norvège, Suède, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Suisse, Royaume-Uni, Portugal, Italie, Etats-Unis, Canada et France.

Votre Rapporteur a choisi les pays de proximité, et notamment les pays alpins pour ses missions, les tunnels des pays nordiques étant peu comparables au niveau du trafic. Il s’est aussi inspiré des travaux de l’AIPCR, où le rôle moteur des pays alpins transparaît bien. Il s’est aussi limité dans le nombre de visites à l’étranger puisque les références aux travaux menés en France, et par le CETU en particulier, étaient cités en référence dans la plupart des cas.

 

1.2.1. - les tunnels étrangers

Afin d’établir toutefois une comparaison, votre Rapporteur a souhaité visiter les tunnels en Italie, en Suisse et en Autriche, où l’accident tout aussi dramatique des Tauern deux mois après le Mont-Blanc, donnait tout son sens à ces missions.

1.2.1.1. - les tunnels suisses

La Suisse a, au point de vue routier, un particularisme assez fort puisque longtemps le pays résista à l’invasion des camions de plus de 28 tonnes et imposa l’arrêt du trafic la nuit.

Rappelons cet autre particularisme de la Suisse, d’être avant tout un pays de transit, et de transit sur l’axe Nord-Sud. Pour l’instant, près de 70% des marchandises en transit traversent la Suisse sur le rail.

La recherche d’un consensus européen, après l’accord sur le transit de 1992 et les accords bilatéraux de 1999 entre la Suisse et l’Union européenne, amènera vers 2001 les camions de 34 tonnes et en 2005 la limite sera à 40 tonnes. Cette démarche sera accompagnée cependant de mesures telles la redevance sur le trafic des poids lourds (RPLP), la taxe sur le transit alpin et l’amélioration de l’offre ferroviaire.

La Suisse compte aujourd’hui 170 tunnels, représentant 180 km, dont le tunnel du Saint-Gothard qui a lui seul est long de 17 km. Pour compléter le réseau autoroutier national, il reste 200 km à construire dont 120 km en tunnel. C’est dire si les réflexions après les accidents du Mont-Blanc et des Tauern ont été reprises avec beaucoup de méticulosité.

Monsieur Michel EIGERT, vice-directeur des Routes en Suisse (DETEC), considère cependant que l’infrastructure n’est qu’un aspect de la sécurité ; il en existe trois autres et il établit l’ordre suivant :

- le comportement des usagers. Cela est primordial, mais il faut que ceux-ci aient à leur disposition les informations et le matériel correspondant. Il faut donc en toute circonstance pouvoir prévenir les usagers d’un tunnel de l’actualité : bouchon, accident, incendie. Il faut aussi leur donner la possibilité de réagir à cette information : extincteurs, garage, abri ventilé…Pour fluidifier la circulation, la Suisse recommande la vitesse de 80 km/h. Or la conduite en tunnel est particulière, et dans les tunnels longs du type Saint-Gothard, il est extrêmement fréquent de voir - surtout chez les automobilistes peu habitués - des véhicules entrant à 80 km/h dans le tunnel pour en ressortir à 40 km/h.

- la rapidité d’intervention en cas de sinistre. Les dix premières minutes sont capitales pour maîtriser un incendie. Il faut donc une réactivité à l’événement, et cela ne peut s’obtenir que par des manœuvres et des exercices périodiques. La société gérante de l’ouvrage doit avoir sa propre structure, même légère, mais doit pouvoir au sein d’un commandement unifié, coopérer avec les forces d’intervention et de secours traditionnels.

- les infrastructures. Les solutions techniques à apporter seront bien différentes suivant le type de circulation, le nombre de tubes, le nombre de sorties et la ventilation. La règle absolue dégagée des incendies de 1999 est d’extraire la fumée sans apport d’air frais. Un véhicule léger dégage en brûlant 3 à 4 000 Kjoules, un camion, 50 à 80 000. Un camion citerne d’hydrocarbure peut atteindre 1 500 000 Kjoules. Avec de tels dégagements de chaleur, les revêtements ne peuvent résister longtemps.

- les véhicules. La capacité embarquée de gazole dépasse maintenant les 1 000 litres. La surchauffe des diesels est aussi un facteur important, puisque les risques d’auto-implosion au-delà de 400°C sont réels.

Le trafic de marchandises à travers les Alpes a triplé au cours des 25 dernières années. Depuis l’ouverture du tunnel routier du Saint-Gothard en automne 1980, le nombre des poids lourds traversant les Alpes suisses a quadruplé. En 1994, sur près d’un million de poids lourds sur l’axe Nord-Sud, 80% ont circulé par le Saint-Gothard.

L’exemple du tunnel du Mont Saint-Gothard

Le tunnel routier sous le massif du Mont Saint-Gothard relie les deux localités de Göschenen et Airolo. Sa situation et son tracé au cœur des Alpes centrales sont vraiment uniques dans leur genre : ils suivent la ligne la plus courte joignant directement les grands centres culturels et économiques du nord-ouest de l'Europe avec ceux de l'Italie.

Commencés en juillet 1969, les travaux étaient exécutés sous la régie des cantons d'Uri et du Tessin comme maître d’ouvrage, et sous la surveillance générale de l’Office fédéral des routes de Berne.

Au total, pour creuser le tunnel principal et la galerie de sécurité, il a fallu faire sauter 1 400 000 m3 de roches et les enlever en les acheminant vers les chantiers de la route nationale N 2, en construction à l'époque, pour les utiliser comme matériau de remblai.

Ouvert à la circulation le 5 septembre 1980, la fréquence annuelle est passée de 3 millions de véhicules en 1982 à 6 millions de véhicules en 1989.

D’une longueur de 16,918 km, la largeur roulable de la chaussée n’est que de 7,80 m, la hauteur de l’espace de circulation étant de 4,5 m.

D’une altitude de l'accès de Göschenen à 1 081 m au-dessus du niveau de la mer, l’altitude de l'accès d'Airolo est à 1 145 m, avec un point culminant dans le tunnel à 1 175 m. La pente ascendante du nord au sud est donc de 1,4% ; du sud vers le nord de 0,3%. Sous la couverture maximum de 1 500 m qui se trouve sous le Monte Prosa, la température intérieure du tunnel peut dépasser les 30°C.

Les dispositifs et installations de sécurité les plus importants consistent en des avertisseurs d’incendie tous les 25 m, des extincteurs, des bouches à eau, des téléphones SOS tous les 125 m, 27 appareils de mesure des matières polluantes dans l’air, 14 appareils de mesure de l’opacité visuelle, 85 caméras TV, 14 000 luminaires, 22 ventilateurs et 6 centrales de ventilation. La puissance électrique installée est de 28 000 kW, la consommation d’énergie annuelle étant de 16 millions de kWh. Enfin, des feux tricolores sont installés tous les 250 m.

Des deux côtés du massif du Saint-Gothard, une autoroute à quatre voies mène aux entrées du tunnel. Le tunnel bidirectionnel ne comporte que deux voies et doit être franchi en circulation en file (défense de doubler). La vitesse maximum autorisée (et souhaitée) est de 80 km/h. Des points d’enregistrement de la circulation, des signaux rouge/vert/orange, etc. contribuent à influer sur le flux du trafic et permettent immédiatement d'intervenir.

L’espace du tunnel réservé à la circulation ainsi que les baies d'évitement destinées aux arrêts sont surveillés au moyen de caméras de télévision. Une antenne pratiquée à l'intérieur du tunnel permet la réception sans problème d'un programme autoradio d'information et de réglage de la circulation.

L'éclairage du tunnel consiste en une bande lumineuse ininterrompue comportant 14 000 lampes fluorescentes. Une réglette sur dix est branchée sur un réseau électrique de secours à part. En cas d'incendie, un système d'éclairage de secours pratiqué à proximité de la base du tunnel se déclenche encore automatiquement. De nombreuses installations de sécurité supplémentaires sont à la disposition. Des baies d'évitement permettent d'arrêter les véhicules dans les situations d'urgence. Dans les cas d'urgence, il est possible d'avoir recours à des stations SOS équipées de téléphones, de touches de secours et d’extincteurs portables.

Toute manipulation sur une boîte SOS déclenche une alarme au niveau de la centrale de commande. Le secteur du tunnel concerné devient immédiatement et automatiquement visible par télévision à distance et apparaît sur les moniteurs.

Tous les 250 m, des refuges sont prévus pour les cas d'urgence. Chacun des refuges est relié à la galerie de sécurité. La galerie de sécurité est approvisionnée d'air frais par un système de ventilation indépendant.

Le tunnel routier du Saint-Gothard est surveillé par la police 24 heures sur 24. La sécurité du passage est ainsi garantie à tout moment. D'importants systèmes techniques sont à la disposition pour l'assurer : les centres d'entretien autoroutiers situés aux deux entrées du tunnel à Göschenen et à Airolo sont équipés des dispositifs destinés au service et à l'entretien.

L'ensemble du personnel de service peut être joint à tout moment par liaison radio. Des mécaniciens, des électriciens et des électroniciens répondent de l'entretien du tunnel. À Göschenen et à Airolo, les pompiers de service sont opérationnels à toute heure, stationnant dans les aires aménagées en tête de la galerie de secours. Au cours d'une année, il est nécessaire de venir au secours d'automobilistes tombés en panne quelques 800 fois.

Le système de ventilation compte parmi les installations les plus importantes du tunnel. Des appareils mesurant la concentration des matières polluantes, l'opacité de l'air s'opposant à la clarté visuelle ainsi que des anémomètres surveillent constamment la qualité de l'air ainsi que la direction des courants d'air et les autres influences s'exerçant au niveau de l'espace réservé à la circulation.

Des dispositifs automatiques de commutation et de commande règlent de façon économique le volume d’air nécessaire. Cette quantité d'air est mise à disposition par 22 ventilateurs refoulants et aspirants installés dans 6 centrales de ventilation. En un laps de 15 minutes seulement, il est ainsi possible de renouveler tout l'air se trouvant dans l'espace de circulation par de l'air frais. Celui-ci est amené dans le tunnel par un canal particulier relié aux puits de ventilation et aux accès et insufflé par le côté dans l'espace de circulation à 8 mètres d'intervalle respectivement. Grâce à des ouvertures pratiquées dans le plafond du tunnel à 16 m d'intervalle, l'air vicié est aspiré et mené à l'air frais par les puits de ventilation.

Un document en quatre langues est disponible à l’entrée du tunnel, dont quelques pages de conseils sont reproduites ci-après.

1.2.1.2. - les tunnels autrichiens

En Autriche, les compétences dans le domaine du transport sont partagées entre le ministère fédéral des Sciences et des Transports et le ministère fédéral des Affaires Economiques. Le premier a pour mission notamment l'élaboration du schéma directeur des routes. Le second est chargé de la construction de nouvelles voies fédérales ainsi que de la gestion du réseau routier fédéral existant.

Le réseau routier en Autriche comprend environ 11 000 kilomètres de voies, dont 2 000 kilomètres de voies dites fédérales. Celles-ci comprennent les autoroutes, (Autobahn), les routes à plusieurs voies de grand débit (Bundesschneilstrasse, dénommées également Bundesstrasse B) et les autres routes fédérales (Bundesstrasse).

Le ministère des Transports est partisan d'une politique restrictive dans ce secteur, privilégiant résolument le développement du transport ferroviaire. Ceci justifie que l'actuel schéma directeur ne prévoit aucune construction de voies nouvelles. Le réseau étant complet à 95%, seuls restent à réaliser une dizaine de tronçons.

Schématiquement, le réseau fédéral actuel est constitué par une transversale est - ouest Vienne- Salzbourg (A 1) et de 4 transversales nord - sud. Sur le trajet de la A 1, le nœud routier de Linz, la capitale du Land de Haute - Autriche, permet en empruntant la A 8 vers le nord, de prendre la direction de Passau en Bavière pour gagner Nuremberg et Hambourg.

En ce qui concerne les transversales nord-sud, la première (A2), relie Vienne à Graz puis Klagenfurt, en direction de l'Italie, vers Udine et la Vénétie. La seconde (A 9) relie Linz au nord, à Graz la capitale du Land de Styrie au sud, et rejoint Spielfeld à la frontière avec la Slovénie. La troisième (A 10) relie Salzbourg au nord, à Klagenfurt, la capitale du Land de Carinthie, et traversant le massif des Karawanken, joint la frontière slovène. La quatrième transversale nord-sud part de la frontière bavaroise à Kufstein, pour descendre vers l'Italie. Par le col du Brenner on traverse le sud Tyrol et de là, on rejoint, soit la Lombardie, soit la Vénétie.

Environ 100 kilomètres restent à construire. Leur coût, élevé, est évalué à quelque 40 milliards ATS. Le ministère des Transports estime que ces travaux seront réalisés dans les 10 années à venir. Le ministère des Affaires Economiques est plus circonspect. Pour certains tronçons, le handicap est constitué par des coûts de terrain très élevés, par exemple pour la tangente de l'autoroute sud, au sud de Vienne (B 301). Pour d'autres tronçons, le problème réside plutôt dans le coût des ouvrages d'art : par exemple pour le tronçon du Semmering que traverse la S 6 reliant Vienne à Graz. Les travaux de chantier viennent néanmoins d'y démarrer. Un maillon important manque dans le Vorarlberg, en direction de Bregenz et de la Suisse.

Au cours de ces dernières années, deux principales sociétés prélevaient des péages sur les routes et autoroutes :

    • Alpenstrassen AG, issue en 1992 de la fusion d'Arlbergstrassen AG et de Brenner Autobahn AG, a son siège à Innsbrück. Elle assure l'entretien du tunnel de l'Arlberg (S 16) et de l'autoroute du Brenner (A 13) et perçoit les péages correspondants.
    • Osterreichischen Autobahnen und Schnellstrassen AG (Össag) exploite la concession des autoroutes de Pyhrn (A 9), du Tauern (A 10) et du tunnel du Karawanken (A 11).

Il s'agit de concessions d'ouvrages accordées par la Puissance Publique à des sociétés de droit commercial, mais dont les actionnaires actuels sont uniquement publics, Etat fédéral, Länder du Tyrol et du Vorarlberg, pour Alpenstrassen AG, et Etat fédéral et länder de Styrie, de Carinthie, de Vienne, de Salzbourg et de Haute-Autriche pour Össag. Ces concessions sont qualifiées d'ouverte par le ministère fédéral des Affaires Economiques, car elles ne sont pas à durée déterminée.

Les péages perçus par ces sociétés varient en fonction de nombreux paramètres : caractéristiques du véhicule, durée de validité du ticket ou de la carte de péage. Les décisions d'augmenter de façon répétée les tarifs du péage du Brenner, en juin 1995 et 1996, ainsi que l'augmentation du tarif de nuit applicable aux véhicules utilitaires à partir de février 1996, ont fait l'objet d'une plainte déposée par la Commission européenne devant la Cour de Justice de Luxembourg. La procédure suit son cours.

Dans la perspective de l'élargissement de l'Union Européenne, le ministère des Affaires Economiques souhaiterait vivement la réalisation de voies rapides en direction notamment de la République tchèque. Il se heurte à "l'immobilisme" du ministère des Transports. A l'heure actuelle, en direction des pays mitoyens de l'Autriche, à l'Est, seule existe l'autoroute Vienne - Budapest, construite et mise en service par Transroute et Osterreichische Strabag.

 

1.2.1.2.1. - la catastrophe du tunnel des Tauern

La catastrophe du tunnel des Tauern intervenue samedi 28 mai a grandement affecté la circulation sur l'axe nord - sud reliant par l'Autriche, l'Allemagne à l'Italie. L'impact pour l'Autriche risque d'être sévère en termes financiers en raison d'une nécessaire remise aux normes de nombreux tunnels. En termes de trafic, outre les problèmes potentiels d'ordre logistique et politique, occasionnés par un détournement du trafic de marchandises vers le Brenner, un "chaos" a été évoqué par la presse autrichienne, avec l'arrivée de la saison touristique impliquant un transit massif des touristes vers l'Italie.

L'opinion commune était qu'une catastrophe comme celle "du Mont-Blanc" était impossible en Autriche. Certes les pertes humaines sont comparativement moindres, mais les conséquences, tant en termes financiers, pour un "petit pays" comme l'Autriche, qu'en problématique de transit routier sont très importantes.

Ce tunnel d'une longueur de 6,4 km fait partie, de l'une des deux plus importantes transversales Nord-Sud du pays, - avec celle du Brenner -, qui relie Salzbourg à Villach, en direction, soit de la Vénétie, soit de la Slovénie - Croatie. Il a été construit dans les années 1971-1974 et est constitué d'un seul tube bidirectionnel. En raison d'un chantier ouvert à 700 mètres de l'entrée nord, un feu de signalisation avait été installé par ÖSSAG, la société de gestion de l'autoroute. Vers 4h55 du matin, un camion transportant des laques, régulièrement à l'arrêt, a été percuté par une voiture propulsée par un poids lourd ne respectant pas la signalisation. Le poids lourd qui transportait ces matières dangereuses prenait alors feu. Les sauveteurs - pompiers, gendarmerie, Croix – Rouge, - au nombre de 400 n'arrivaient à maîtriser l'incendie qu'au bout de 15 heures de travail. Bilan de ce sinistre impliquant 13 véhicules de tourisme et 8 poids lourds : douze morts, quarante neuf blessés. Sur un plan matériel, des murs ont été défoncés, la voûte à l'endroit de l'accident s'est effondrée.

En 1988, il avait été question de construire un second tunnel aux Tauern et l'accord paraissait réalisé entre le gouvernement fédéral et le Land de Salzbourg tant sur le projet que sur son financement . Il suffisait cependant d'une opposition des "Verts" pour que le gouverneur du Land y renonce. Depuis la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, la construction du deuxième tunnel était revenue d'actualité. En avril dernier, les composantes au sein du gouvernement du Land s'entendaient sur son principe et un sondage réalisé en mai dans le Salzburgerland a montré qu'une majorité de l'opinion y est maintenant favorable.

Le conseil des ministres qui a siégé le mardi 1er juin a adopté face à la catastrophe, les mesures suivantes :

- construction d'une deuxième galerie pour les ouvrages existants des Tauern et du Katschberg. Les travaux ne démarreraient cependant, selon la presse, qu'en 2001/2002 au plus tôt,

- examen immédiat de l'état du tunnel du Bosruck

- examen de l'ensemble des tunnels en Autriche par une commission d'experts, au regard de la réglementation actuelle sur la sécurité des infrastructures routières.

Le ministre des Affaires Economiques a rappelé que son projet de plan directeur des infrastructures routières, dans son chapitre sur les "maillons manquants" du réseau autrichien de voies rapides prévoyait la construction d’une deuxième galerie pour les ouvrages suivants : tunnels de Selzthalt et Platbutsch en Styrie, Amberg dans le Vorarlberg et Herzogberg en Carinthie.

Ces travaux de construction - en premier lieu ceux des Tauern et du Katschberg - seraient financés par les produits d'un péage qui serait levé sur les poids lourds, quelque soit leur puissance.

Par ailleurs un projet de règlement en matière de transport de matières dangereuses devrait interdire la circulation de TMD sur les routes et autoroutes empruntant un tunnel disposant d'une seule galerie.

Dès le lundi 31 mai 1999, le chancelier Klima avait souligné la nécessité d'avoir une réglementation européenne sur le transport de ces matières et pour la construction des infrastructures de tunnel.

Sur 180 tunnels en exploitation en Autriche, soit environ 264 km, 105 sont constitués d'une seule galerie. Certains " tunnels à problème " sont situés, en termes de transit, sur des axes stratégiques : il en est ainsi des tunnels des Tauern, du Katschberg (5,4 km), et du Karawanken (8 km). Le tunnel de l'Arlberg, par sa longueur - 16 km - peut être comparé en risque potentiel à celui du Mont-Blanc, c’est pourquoi votre Rapporteur a tenu à le visiter.

1.2.1.2.2. - le tunnel de l'Arlberg

En fait le tunnel de l’Arlberg fait partie d’un ensemble de tunnels sur l’autoroute S 16 entre Bludenz et Landeck de 52 km. Si le tunnel de l’Arlberg, entre St Anton et Langen est le plus long, les conditions générales de transport sur cet axe doivent être identiques.

Des tunnels de cet axe sont déjà constitués de 2 tubes, comme le Langener Tunnel (2 433 m pour le tube Sud et 2 280 m pour le tube Nord, avec 10 galeries de liaison) et le Ganderbachgalerie (270 m pour les tubes Sud et Nord) puis le Malfonbachtunnel (370 m pour les tubes Sud et Nord) qui encadrent directement le tunnel de l’Arlberg.

D’autres plus lointains, comme le Quadratscher Tunnel (790 m et 806 m), le Planner Tunnel (698 m pour les 2 tubes) et Gurnauer Tunnel (355 m pour les 2 tubes) offrent les mêmes avantages de sécurité.

Mais le tunnel de l’Arlberg est pour l’instant un monotube bidirectionnel, où le transport de matières dangereuses est permis. Chaque TMD doit spontanément se déclarer à l’entrée du tunnel (nature et quantité de marchandises dangereuses) et mettre en fonction son gyrophare orange, la circulation reste libre après l’accord du poste central de commande, sans escorte ni convoi. Toutefois tous les passages de TMD font l’objet d’un enregistrement à ce poste central de commande, qui peut réguler le trafic et empêcher une concentration de TMD sous le tunnel.

Le tunnel ne comporte que quelques garages et abris, non reliés pour l’instant entre eux.

Parmi les projets de construction d'une deuxième galerie, qui en sont au stade de la conception ou de préparation d'appels d'offre figurent bien sûr l'Arlberg, mais aussi le Steinhaus et le Ganzstein sur la route du Semmering, le Bosruck sur l'autoroute de Phyrn. Globalement la presse évoquait pour la remise aux normes de l'ensemble des tunnels autrichiens un coût de 55 milliards ATS (plus de 27 milliards de francs).

1.2.1.2.3. – le programme autrichien

L'impact du sinistre des Tauern sur les conditions de circulation et de transport au sein de plusieurs Land devrait être significatif. Le détournement de trafic vers le Brenner accentue les oppositions de la population du Tyrol au transit routier, les conditions de transport, avec leurs incidences économiques, aggravent des déséquilibres locaux en Styrie et en Carinthie, voie d'accès à l'Italie du Nord et à la Slovénie.

Lors de l’entretien au Ministère de l’Economie, le 7 décembre 1999, Monsieur Rudolf HÖRHAN confirmait d’ailleurs le début des travaux du deuxième tube (10 km) à Platbutsch.

L’Autriche semble avoir réagi plus vite après l’incendie des Tauern. Selon le directeur technique Gerold ESTERMANN, deux constatations sont devenues flagrantes : l’évolution du trafic a été sous-estimée, le transfert du trafic sur le rail ne se fait pas. Il y a donc une nécessité de revoir les plans de financement, et de prendre des mesures compatibles avec les exigences de l’Union Européenne, qui pour l’instant sont plus favorables à l’économique qu’à la sécurité.

Le Dr. Gustav KAFKA précisait en outre que le trafic de marchandises dangereuses avait été plus encadré dès l’accident des Tauern, la circulation des TMD étant interdite par ordonnance gouvernementale en fin de semaine dès le samedi à 15 heures, et pendant les vacances estivales, soit du 15 juin au 15 septembre, dès chaque vendredi à 13 heures jusqu’au lundi à 8 heures.

Les élections autrichiennes ayant amené un changement de majorité, le nouveau Président de la Commission Transport au Parlement, Monsieur Reinhard FIRLINGER, exposait la position de son parti et les mesures urgentes qu’il comptait prendre en cas d’accession au gouvernement.

Ce catalogue reposait sur les points suivants :

- renforcer les contrôles des véhicules lourds aux points de péage, et notamment les tachygraphes,

- arrêt automatique pour tous les véhicules en surcharge,

- contrôles techniques aux entrées de tunnels (mais combien de contrôles si plusieurs tunnels sur le même axe),

- système de meilleure surveillance, avec identification des véhicules,

- système de contrôle des matières dangereuses, et nécessité d’escorte en tunnel,

- interdiction de circuler pour les poids lourds à partir du vendredi midi jusqu’au lundi matin,

- vérifier la ventilation pour l’ensemble des tunnels,

- équiper l’ensemble des tunnels de niches de sécurité, niches faisant l’objet d’une uniformisation afin de les rendre plus visibles et accessibles aux usagers,

- unicité dans le commandement des secours, des postes de contrôle, et établissement de plans de secours prévoyant l’organisation de ces secours,

- établir des priorités claires dans les projets de création d’un deuxième tube pour les tunnels le nécessitant,

- limiter la longueur des tunnels, en réalisant plusieurs tronçons espacés de quelques espaces libres,

- obtenir un cofinancement par l’Union Européenne, car l’Autriche est le pays le plus touché en Europe par le nombre de tunnels,

- transférer jusqu’à 100% le trafic des matières dangereuses sur le trafic ferroviaire,

- n’admettre dans les tunnels ferroviaires longs que les wagons en bon état,

- mettre fin aux conflits de compétence entre ministères et entre services de secours : un seul ministère compétent pour tous les transports, de la conception à l’exploitation, y compris pour les secours.

 

1.2.1.3. - les tunnels italiens

Lors de la mission en Italie fin novembre 1999, votre Rapporteur a pu s’entretenir avec le Docteur Ingénieur Carlo BARTOLI, responsable des tunnels au sein de la direction générale de l’ANAS.

L’ANAS a entamé suite à la catastrophe du Mont-Blanc, une réflexion sur l’ensemble des tunnels italiens, en vue d’éditer de nouvelles normes. Les normes actuelles sont toutes différentes ; il y a nécessité d’une directive pour les uniformiser.

Dès le 8 septembre 1999 cependant, l’ANAS a sorti des normes provisoires, qui sont les bases du minimum acceptable dans l’immédiat.

Si l’ANAS a un devoir de vigilance sur l’ensemble des autoroutes, son pouvoir réel ne s’exerce que sur les autoroutes nationales. Les " autostrades " sont du ressort de grands groupes privés.

Sur les 712 km de tunnels sur les routes nationales, 326 km sont des tunnels monotube, le reste étant des tunnels bitube. Toutefois, 200 km restent à construire dont 150 km en monotube. La longueur moyenne des tunnels en service est de 1 700 mètres, alors que la moyenne à construire serait de 2 300 mètres.

Le tunnel de Lecco, bitube de 5,2 km, inauguré en novembre 1999, serait la référence pour les tunnels à venir ; malheureusement, nombre de tunnels longs et déjà en construction, sont monotube.

La tendance actuelle voudrait cependant que les nouveaux tunnels dont la longueur sera supérieure à 3 km, soient des tunnels à deux tubes. Cette tendance repose aussi sur des considérations économiques, le bitube en ce cas coûtant moins cher que le monotube dont l’équipement d’extraction et les multiples servitudes qui devront être respectées.

L’absence de plans d’urgence spécifiques aux tunnels est quasi générale, hormis pour le tunnel de Lecco et les tunnels du périphérique de Rome. Les plans de secours sont intégrés dans les plans régionaux de protection civile.

Les premières décisions font références aux normes qui ont été présentées lors du Congrès Mondial de la Route de Montréal en 1995.

Ainsi pour l’extraction des fumées, la norme de l’AIPCR est applicable dans tous les tunnels italiens de plus de 1 000 mètres et dans certains cas particuliers. L’ANAS est responsable de l’ensemble des tunnels hors agglomération. Les normes 95 Montréal, revues en 99 à Kuala-Lumpur sont donc appliquées pour les galeries unidirectionnelles de longueur supérieure à 3 000 mètres et dans les galeries bidirectionnelles de longueur supérieure à 1 000 mètres.

 

1.2.2. – les grands tunnels français

Votre Rapporteur a visité également les deux grands tunnels français à travers les Alpes, tunnels routiers à péage. Il a été très fortement surpris par la différence de coopération entre les personnels de ces deux ouvrages, même s’il est vrai que la fermeture du Mont-Blanc ne favorisait pas les échanges.

 

1.2.2.1. – le tunnel du FREJUS

En service depuis le 12 juillet 1980, le tunnel du Fréjus est long de 12 870 mètres, dont 6 580 mètres en territoire français. Le gabarit maximum autorisé est de 4,30 mètres de hauteur. Cet ouvrage monotube d’une largeur roulable de 9 mètres, permet en fait deux voies de circulation de 3,50 mètres de large. Cinq garages et cinq galeries de retournement, situés en vis-à-vis tous les 2 100 mètres, permettent le stationnement et l’évacuation des véhicules en panne.

La pente est faible (+ 0,54% dans le sens France – Italie, la tête française étant à 1 228 mètres d’altitude, la tête italienne à 1 297 mètres) ce qui facilite d’une part une vitesse régulière limitant ainsi la pollution due aux gaz d’échappement, et d’autre part une évacuation des eaux de drainage par les caniveaux situés en bordure de trottoirs.

La ventilation est assurée par six centrales, une à chaque tête de tunnel et deux centrales souterraines doubles, l’une située côté français à 4 000 mètres de la tête française, l’autre située côté italien à 8 000 mètres de la tête française. Chaque centrale renouvelle l’air d’un canton de ventilation de 2 140 mètres de long, les usines souterraines étant alimentées par des puits débouchant à 2 000 mètres d’altitude environ.

Douze ventilateurs d’une capacité de 1 500m3/s pour l’air frais, de 1 250m3/s pour l’air vicié permettent le désenfumage en cas d’incendie, les trappes d’extraction étant maintenant au nombre de 6, et leur capacité montée à 130m3/s.

Les équipements du tunnel sont très souvent redondants. Ainsi l’alimentation électrique se fait par deux réseaux : réseau italien ENEL côté impair, réseau français EDF côté pair, chaque réseau pouvant prendre le relais de l’autre en cas de défaillance. De plus deux groupes électrogènes de 1 250 kW assurent le maintien en cas de panne des deux réseaux.

3 000 luminaires assurent sur la totalité du tunnel un éclairage de 50 lux.

Des installations de sécurité et de contrôle ont été mises en place, notamment avec les usagers. La barrière de péage en tête de tunnel de chaque côté permet le cas échéant l’interdiction physique d’accès à l’ouvrage.

Des informations sont disponibles à l’entrée du tunnel et en distribution aux péages (reproductions pages suivantes).

L’ensemble du tunnel est surveillé en permanence par un réseau de 65 caméras, dont 56 caméras fixes à l’intérieur du tunnel. Les images sont retransmises aux postes de contrôle sur un réseau de 10 moniteurs, avec enregistrement possible en cas d’incident ou d’accident.

S’il existe bien deux postes de contrôle, un de chaque côté, un est actif, l’autre est auxiliaire. Le poste de contrôle actif est situé sur la plate-forme italienne du tunnel, avec un régulateur français ou italien, ce responsable de la surveillance étant nécessairement bilingue. Chaque équipe de veille est composée de 6 personnes. Le poste auxiliaire situé sur la plate-forme française est identique au poste principal, mais n’assure qu’un rôle de secours dans l’exploitation courante du tunnel, pouvant être activé en cas de besoin, après déconnexion du PC principal.

Le personnel d’exploitation dispose d’un réseau radio qui permet de rester en contact permanent avec le régulateur en poste. La liaison est assurée par un câble rayonnant sur toute la longueur du tunnel (haut du piédroit est), réseau qui permet par ailleurs la réception des stations FM couplées au RDS et permettant ainsi le passage de message d’urgence sur l’ensemble de ces ondes.

Les postes d’appel d’urgence (P.A.U.) sont répartis tous les 265 mètres, sur les deux sens de circulation, le téléphone permet la liaison instantanée avec le régulateur de trafic (liaison enregistrée automatiquement) et disposent de deux extincteurs. Le déclenchement de l’un de ces postes entraîne le passage au clignotant orange des feux de circulation de la zone concernée (500 m en amont et en aval) et la visualisation sur trois moniteurs de la zone " en alerte ". Ce dispositif est complété par des boutons SOS, type " coup de poing ", situés tous les 20 mètres sur chaque piédroit.

Des points d’eau situés tous les 132 mètres complètent le dispositif de lutte contre les incendies.

Huit abris ventilés et pressurisés, espacés d’environ 1 500 mètres, protégés par deux portes coupe-feu, permettent d’accueillir des usagers, chaque abri étant d’environ 20 m2. La signalisation de ces refuges a été renforcée par l’utilisation d’une peinture vive et un éclairage plus fort.

Six abris sont reliés à la gaine d’air frais, située en voûte de tunnel (voir la coupe du tunnel en début de ce paragraphe).

Ce conduit technique permet le passage d’un petit véhicule motorisé - type " quad " - avec remorque pouvant supportée un brancard ou huit passagers (le trajet à pied entre 2 abris est estimé à 25 minutes).

La prise de conscience des risques d’un tunnel bidirectionnel et l’évaluation QUATRE/SARDIN préconisant un refuge tous les 400 mètres, un programme de nouveaux refuges doit être réalisé en 2001, les nouveaux refuges étant construits sur le modèle ci-dessous.

Le dispositif de secours comprend en outre les équipes propres aux sociétés concessionnaires, 4 agents côté français, 4 agents côté italien en permanence.

Les matériels sont positionnés dans les locaux techniques du tunnel, à hauteur de chaque tête. Le matériel actuel est d’ancienne génération et ne pourrait être efficace en cas de dégagement fort de chaleur. C’est pourquoi une recherche est menée avec la nécessité de combiner la meilleure approche possible du sinistre tout en garantissant la sécurité des pompiers. La caméra infrarouge située à l’avant du véhicule devrait permettre cette avancée.

L’expérience menée au péage en tête italienne d’un portique de détection de points chauds sur les poids lourds est trop récente pour donner des résultats probants, mais est le garant du souci permanent – tant du côté de la direction française de la Société Française du Tunnel Routier du Fréjus (SFTRF) que du côté italien de la Società Italiana Traforo Autostradale del Frejus (SITAF) et toujours conjointement – d’une recherche de la meilleure sécurité pour les usagers.

La grande difficulté de ce système repose sur la réalisation d’une banque de données, à partir de tous les véhicules pouvant circuler. C’est donc un très laborieux recensement qui est nécessaire, avant de pouvoir généraliser cette détection supplémentaire aux autres tunnels.

Le trafic de matières dangereuses est permis, mais très encadré. Des véhicules d’escorte avec gyrophare permettent une circulation en convoi à 60 km/h de ces véhicules, le convoi étant formé de 3 à 7 camions, le temps d’immobilisation au péage n’excédant pas le quart d’heure.

De même une signalétique appropriée permet le rappel des règles de circulation : vitesse limitée à 70 km/h et distance de sécurité.

Votre Rapporteur lors de sa visite sur site le 11 février, a été fortement impressionné par le professionnalisme des acteurs et la constante recherche des responsables pour améliorer sans cesse la sécurité. Un accident est certes toujours possible, mais la complémentarité des équipes françaises et italiennes, l’unicité du contrôle, sont des facteurs rassurants. Le parfait bilinguisme des équipes intervenant dans le tunnel devrait être étendu à tous les tunnels binationaux. L’ambiance se dégageant des échanges des agents français s’exprimant en italien, des agents italiens répondant en français était sécurisante, et ô combien appréciable.

Toutefois, ceci n’exclut pas totalement le risque d’accident.

Les véhicules de premier secours actuellement en service, même bien équipés, ne permettent pas d’atteindre un foyer et de l’attaquer si celui-ci a la violence de celui du Mont-Blanc. Il y a nécessité de rechercher un véhicule permettant d’approcher suffisamment près du sinistre en toute sécurité pour les sauveteurs et de se guider dans un environnement particulièrement enfumé.

L’inquiétude persiste aussi chez les techniciens de ce tunnel, quant à l’efficacité d’une galerie de secours qui est avant tout une gaine d’aération. Devant les certitudes des ingénieurs, il est à craindre que ces techniciens soient dans le vrai ; les portes de sas donnant sur cette galerie de secours, où une surpression d’air existera, seront bien difficiles à manœuvrer et risquent de provoquer soit des blessures aux personnes les manipulant – même si ceux-ci sont des agents de l’exploitant du Tunnel – soit s’arrachent en rompant leurs gonds. Une étude plus sérieuse devrait être menée en ce sens, au risque de remettre en cause toutes les solutions d’évacuation par des galeries d’air frais.

Il serait alors véritablement indispensable de créer de véritables galeries de secours ou un deuxième tube si le trafic le nécessite ; l’Autriche avec des moyens financiers moindres que ceux de la France envisage chaque fois que possible un deuxième tube, de taille normale pour la circulation si nécessaire compte tenu du trafic ou une galerie réduite permettant tout de même l’acheminement des équipes de secours et l’évacuation des usagers.

Il convient aussi de s’assurer que la dalle servant de plafond à la partie circulation résiste bien à une température de plus de 1 000°C pendant plusieurs heures.

 

1.2.2.2. – le tunnel du MONT-BLANC

Votre Rapporteur, bien que s’interdisant toute incursion dans l’enquête judiciaire suite au drame du 24 mars 1999, ne pouvait cependant ignorer ce tunnel et les améliorations nécessaires à sa réouverture. Avant de se rendre sur place le 11 février 2000, il avait entendu M. Rémy CHARDON, Président d’Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc et M. Michel MAREC, co-président de la commission d’enquête administrative et technique franco-italienne, puis du comité de sécurité auprès de la Commission Intergouvernementale de Contrôle du Tunnel du Mont-Blanc.

Le tunnel sous le Mont-Blanc était considéré comme sûr, puisque en 34 ans d’activité, 17 incendies seulement avaient été recensés, 12 ayant été éteints par les chauffeurs grâce aux extincteurs, 5 par l’intervention des services de secours des exploitants.

Dès la catastrophe, une enquête administrative avait été demandée. Un rapport d’étape - français - a été rendu le 13 avril 1999, un second rapport d’étape français le 30 juin 1999 et le rapport franco-italien faisant l’objet de 41 propositions étant présenté le 6 juillet 1999. Ces rapports sont consultables sur Internet.

Il ressort de ces rapports une apparente incohérence entre les différentes versions de ces rapports et dans le rapport commun entre des recommandations très importantes et un corps de texte plutôt lénifiant qui pouvait laisser supposer un consensus mou.

Le tunnel du Mont Blanc a été mis en service en 1965 après 8 années de travaux. D’une longueur totale de 11,6 km dont 7 640 mètres en territoire français, la largeur roulable de la chaussée n’est que de 7 mètres pour une largeur hors tout de 8,60 mètres. Le tunnel a un profil en long en forme de toit avec des rampes de 2,4% et 1,8% côté France et 0,25% côté Italie ; le point culminant de la chaussée est à 1 395,50 mètres, pour des altitudes de tête de 1 274 mètres en France et 1 381 mètres en Italie, la hauteur de la couverture montagneuse étant supérieure à 2 000 mètres sur toute la partie centrale du tunnel.

La rampe d’accès du tunnel depuis Chamonix est longue de 4 000 mètres, avec une pente pouvant aller jusqu’à 7%, ce qui provoque un très fort échauffement des moteurs des poids lourds. Aucune zone de stockage n’étant prévue avant l’entrée dans le tunnel, les abords immédiats sont en zone avalancheuse, c’est un facteur très aggravant pour le risque incendie.

Bien que cette catastrophe du 24 mars 1999 soit encore dans toutes les mémoires, je crois important de revenir sur quelques événements rappelés d’ailleurs dans le rapport d’étape du 30 juin 1999 de MM. Pierre DUFFÉ et Michel MAREC, nettement plus sévère que le rapport final.

" La catastrophe survenue le 24 mars 1999 dans le tunnel du Mont Blanc est la conséquence de plusieurs causes concomitantes :

- le camion cause de l’incendie était particulièrement combustible, pour un véhicule qui ne transportait pas de marchandises dangereuses au sens réglementaire du terme. Les fumées émises par la combustion étaient très toxiques.

- les fortes insufflations d'air au niveau de la chaussée et le soufflage en voûte ont contribué, avec le courant d'air longitudinal, à attiser le feu et à destratifier les fumées qui, au lieu de rester en voûte et de laisser un espace libre au niveau des usagers, ont envahi toute la hauteur du tunnel.

- les fumées toxiques et chaudes n’ont pas été extraites en quantités suffisantes ; par suite d’une part des limites des capacités d’extraction propres à ce tunnel, et d’autre part de l’utilisation de conduits d’extraction en mode d’insufflation.

La part qu’a prise chacune de ces causes dans l’ampleur de la catastrophe ne pourra être estimée qu’après que les conditions du déroulement de l’incendie auront pu être reconstituées par le calcul. Ce travail prendra plusieurs mois.

Les véhicules se sont arrêtées à très peu de distance les uns derrière les autres. Ceci a contribué à la propagation rapide de l'incendie et à ce que les usagers aient été très rapidement pris dans le nuage de fumées toxiques.

Dans le tunnel, il existe des feux de signalisation tous les 1 200 mètres. Ils ont été mis au rouge quelques minutes après l'alerte, mais n'ont pas permis de réduire le bilan de la catastrophe soit que certains des feux dans le tunnel n'aient pas fonctionné soit qu'ils n'aient pas été respectés (ces feux sont peu visibles).

Concernant les moyens de secours des exploitants, la configuration de l'incendie a rendu extrêmement difficile l'intervention de ces premiers moyens, qui n'ont pas pu atteindre le feu.

L’analyse des circonstances de l’incendie a mis par ailleurs en évidence de nombreux autres facteurs qui ont eu un effet aggravant, ou auraient pu en avoir un :

- le tunnel ne dispose pas de galerie de sécurité (permettant de faciliter l’arrivée des secours ou l’évacuation de personnels bloqués dans des refuges).

- le tunnel a deux postes de commande distincts, un à la tête Italie et un à la tête France. Leur coordination se fait mal.

- les exploitants n'avaient pas une connaissance, même approximative, du nombre d'usagers présents simultanément dans le tunnel.

- le tunnel est exploité par deux sociétés différentes et leurs actions n'ont pas toujours été bien coordonnées.

- une partie des équipements du tunnel, bien qu’un programme de modernisation ait commencé à être mis en œuvre en 1990, n’était pas au niveau de ceux des tunnels neufs. Cette lenteur de la mise à niveau est due en partie aux divergences entre les sociétés concessionnaires sur les investissements à réaliser.

L'existence de la Commission Intergouvernementale de Contrôle n'a pas réussi à changer cet état de fait.

Les consignes de sécurité qui dataient de 1985, étaient inadaptées aux incendies.

Le nombre d’exercices incendie effectués était tout à fait insuffisant.

Les moyens de première intervention des exploitants étaient insuffisants : du côté Italie, il y avait un véhicule incendie qui ne pouvait être utilisé immédiatement faute de personnel qualifié.

Au-delà de l'analyse des circonstances de l'incendie et des moyens mis en œuvre pour le maîtriser, la mission a proposé en étroite collaboration avec la mission italienne des recommandations pour le tunnel du Mont Blanc qui sont reprises dans le rapport commun.

On ne les reprendra donc pas ici dans le détail. On en rappellera seulement les grandes orientations qui nous semblent applicables à des tunnels du même type.

L'objectif général de ces orientations est d'éviter l'enchaînement tragique des séquences qui vont de l'incident technique à la catastrophe. Leurs applications concrètes seront évidemment à moduler selon les caractéristiques des ouvrages : longueur, bi-directionnalité ou non, trafic, localisation, proximité ou non d'un centre de secours public…On rappellera que des groupes de travail interministériels mis en place après l’incendie du tunnel du Mont Blanc travaillent d’ores et déjà sur ces applications.

1 - Le camion à l'origine de l'incendie du Mont Blanc invite à examiner les possibilités de diminuer les risques potentiels d'incendie des camions. Cela pose notamment la question des réservoirs de carburants (type et contenance), des matériaux constitutifs du tracteur et de la remorque frigorifique. Cela invite également à examiner les possibilités de procéder à une rapide inspection des poids - lourds avant leur entrée dans les grands tunnels de montagne.

2 - Le chargement du camion - margarine et farine - pose le problème d'un réexamen de la liste des marchandises dangereuses. Il faut prendre en considération l'importance de la puissance calorifique et de la quantité des fumées susceptibles d'être produites par des matières alimentaires inflammables. Cette réflexion doit nécessairement s'inscrire dans le cadre aujourd'hui international de la réglementation du transport des marchandises dangereuses.

3 - Un système de détection automatique d'incidents était en cours d'installation dans la partie française du tunnel du Mont Blanc. La généralisation de ce type d'installations apparaît indispensable dans tous les grands tunnels.

4 - L'analyse menée par la mission d'enquête démontre la nécessité d'une exploitation et d'une politique d'investissement uniques pour chacun des tunnels binationaux concédés. Cette unification devrait être assurée par une société d'exploitation unique, filiale des concessionnaires.

5- Pour les tunnels binationaux, il apparaît impératif de mettre en place un poste de commande unique ainsi qu'une gestion unique de l'ensemble des installations.

6 - L'impératif de rapidité dans la réaction de l'exploitant face à une alerte renvoie aux dispositifs techniques d'aide à l'exploitation grâce à un système de contrôle commande qui doit notamment permettre la connaissance permanente du nombre de véhicules présents dans le tunnel et assurer la rapidité et la fiabilité des premières mesures à prendre par l'exploitant.

7 - De façon générale, les équipements du tunnel et spécialement les équipements électriques doivent être protégés des mises hors service en cas d'incendie. La sécurisation des réseaux doit en particulier permettre les communications à l'intérieur du tunnel, indispensables en cas de crise.

8 - Afin d'éviter que les usagers ne viennent se garer derrière le véhicule à l'origine de l'incendie, au risque d'être piégés par les fumées et de voir leur véhicule s'enflammer rapidement ("effet de domino" constaté dans le tunnel du Mont Blanc), il convient d'une part, d'installer des dispositifs permettant d'assurer, au moins dans les tunnels les plus longs, n'ayant pas de congestion récurrente, un espacement des véhicules en marche et à l'arrêt, ainsi qu'une signalisation d'arrêt efficace et d'autre part, de mieux informer, éventuellement par la radio, les usagers en cas de danger.

9 - Confrontés à un incendie, les usagers doivent pouvoir trouver facilement à proximité un abri, protégé, équipé, sonorisé et clairement signalé. Ces installations de secours doivent faire l'objet d'une information préalable des usagers et doivent être si possible reliées à une galerie d'évacuation. De façon générale, il importe de réfléchir à la lisibilité de l’architecture intérieure des tunnels.

10 - L'exploitant doit organiser un service de première intervention identique sur chaque plate-forme, permettant l'intervention possible 24h/24 d'une équipe de 3 à 5 hommes commandés par un pompier professionnel et susceptibles d'intervenir dans les cinq minutes après l'alerte.

11 - Un plan de secours interne doit être élaboré par l'exploitant unique, en s'appuyant sur un diagnostic de sécurité. Pour les tunnels binationaux le plan de secours interne sera composé de fiches réflexes communes et bilingues. Il prévoira les conditions d'alerte des services publics, les formations continues des secouristes et les exercices à réaliser.

12 - Un plan unique des secours publics doit aussi être élaboré pour les tunnels binationaux. Ces plans doivent prévoir au moins un exercice annuel et fixer le principe d'un commandement unique des secours : en principe l'autorité publique territorialement compétente. De façon générale les fortes contraintes de l’intervention des pompiers en tunnel implique un effort spécifique de formation et d’entraînement.

13 - Pour les tunnels binationaux, les Commissions de contrôle intergouvernementales doivent disposer d’un véritable pouvoir réglementaire, voir leur composition stabilisée et surtout se voir adjoindre un comité technique de sécurité composé de techniciens des services centraux et locaux compétents en matière de tunnels, de protection civile et de secours. Ce comité doit être en mesure d'interpeller les exploitants, de s'assurer de la pertinence des investissements de sécurité et de contrôler l'organisation et l'équipement des équipes de secours et d’en rendre compte aux commissions de contrôle. "

14 - Pour les tunnels autres que binationaux, il convient de mettre en place la base juridique permettant le contrôle avant la construction et en phase d'exploitation. Le texte devra prévoir pour les tunnels les plus importants, au vu des diagnostiques de sécurité et compte tenu de l'évolution du trafic, d'organiser un service de première intervention sur chaque plate-forme. Dans tous les cas il devra y avoir obligation d'élaborer un plan de secours interne.

Bien entendu, et quelles que soient les pressions pouvant s’exercer sur les membres des commissions de sécurité, toutes ces recommandations sont à mettre en place avant la réouverture du tunnel du Mont-Blanc.

Or, à la date de notre mission à Chamonix, soit le 11 février, beaucoup d’arguties juridiques étaient avancées pour que rien n’aille vite, hormis la réouverture d’un ouvrage économiquement rentable.

La création d’un GEIE (groupement européen d’intérêt économique) est plus que nécessaire, quand on peut observer le manque de coordination qui a pu exister jusqu’alors. L’unicité de commande sur l’ensemble du tunnel est un élément non discutable pour la réouverture du tunnel.

Cette gestion unique du tunnel est d’autant plus indispensable quand on apprend presque un an après la catastrophe que le système de détection incendie aurait été débranché du côté italien, suite aux difficultés de mise en service d’un système automatique d’extraction des fumées, peu de jours avant le drame, mais sans en avertir le gestionnaire français ? Le Tunnel n’était pas un tunnel, mais 2 tunnels juxtaposés où chacun gérait sa partie sans tenir compte, ou si peu, de l’autre.

Il est dommage que l’étude demandée par les deux sociétés ATMB et SITMB à un bureau d’étude spécialisé n’ait pas donner lieu à une suite moins sommaire quand aux solutions à apporter pour la rénovation du tunnel. Les trois options de cette étude sommaire étaient :

- création d’un deuxième tube,

- création d’une réelle galerie de service sur toute la longueur du tunnel,

- création de deux gaines supplémentaires d’air frais à partir des têtes de tunnel, une gaine de ventilation devenant galerie de secours.

Compte tenu de l’ampleur de ces travaux et de leur coût, elles n’ont même pas été présentées officiellement à la commission de sécurité. Or la solution préconisée par ATMB et SITMB d’utiliser une galerie de ventilation (la 4ème) est une solution plus qu’à minima.

Pour y être descendu, dans l’état actuel, votre Rapporteur peut témoigner que cette solution est un pis aller et ne permet pas une évacuation de masse. Or que se passerait-il si un ou plusieurs cars d’enfants ou de personnes âgées étaient parmi les prochains protagonistes d’un accident ? A défaut de très grands aménagements de cette galerie - largeur au sol minima à 1,40 m, éclairage continu notamment - elle est impraticable sans le secours de spécialistes et pour tout véhicule. Combien de temps faudrait-il à ces spécialistes pour arriver jusque là et pourraient-ils y arriver d’ailleurs ?

Le passage dans cette galerie est plus qu’angoissant et quasi impossible en situation de stress suite à un accident. Cette solution de la galerie de ventilation ne peut être assimilée, notamment par ses dimensions, à une galerie de secours, elle est au plus une échappatoire pour personnes valides. Il est nécessaire, compte tenu des distances, qu’une évacuation par brancard sur un support motorisé existe. Or, pour cela, il faudrait que la galerie soit aménagée, sans rupture de niveaux et soit suffisamment large pour permettre le passage de l’engin.

Le problème reste donc entier pour une réouverture en toute sécurité du tunnel du Mont-Blanc.

Le trafic des poids lourds doit être très surveillé. Pour cela il semble nécessaire de prévoir pour les tunnels longs (plus de 5 km), de manière impérative, un contrôle des ponts chauds avant de laisser s’engager les camions. Ceci implique, en tête de tunnel et en dérivation de la voie principale, un portique thermique du type de celui expérimenté au tunnel du Fréjus ou autre système dont l’efficacité serait équivalente. Or, aux dires de la direction d’ATMB, il est impossible de construire une aire supportant ce type de matériel, la tête française étant en zone avalancheuse. Il faut bien cependant trouver une solution pour éviter que la surchauffe des turbo de ces poids lourds ne soient à l’origine d’une catastrophe future, faute de quoi la position du maire de Chamonix d’interdire les poids lourds dans ce tunnel deviendrait incontournable. Tant que cette difficulté de surveillance à l’entrée du tunnel n’est pas solutionnée, la limitation de l’usage du tunnel aux seuls poids lourds de desserte locale serait souhaitable.

Ce tunnel, après la catastrophe qu’il a connu, doit être exemplaire sur le plan de la sécurité : il ne peut faire l’objet de demi-mesures, ne serait-ce que par respect des victimes et de leurs familles.

Il serait indécent d’avancer des arguments économiques dans le lieu d’une telle tragédie.

1.3. – Les tunnels urbains et péri urbains

La circulation en tunnel urbain n’a rien à voir avec la circulation en tunnel classique. Le trafic y est en effet beaucoup plus important.

 

1.3.1. – les tunnels lyonnais

1.3.1.1. – le tunnel sous Fourvière

Le 16 août 1967 étaient lancés les travaux par la ville de Lyon relayée par la Communauté urbaine en 1969 du tunnel.

Le 8 décembre 1971, le tunnel a été inauguré. Cet ouvrage est devenu un axe routier essentiel pour l'agglomération en assurant deux fonctions :

- l'écoulement du trafic international et national transitant sur les autoroutes A 6 et A 7,

- la desserte de l'agglomération lyonnaise à partir du secteur ouest.

Aujourd'hui, 81 000 véhicules (106 000 en pointe journalière et 8 000 en pointe horaire) dont 13,5% de poids lourds le traversent quotidiennement La gestion du tunnel est assurée conjointement par l'Etat pour la partie sécurité, exploitation et entretien de la chaussée et par la Communauté urbaine pour la partie exploitation et maintenance des équipements.

Le tunnel, d'une longueur de 1 853 m, est composé de deux tubes unidirectionnels. Chaque tube est doté de deux voies de circulation. Le gabarit autorisé est de 4,50 m. L'accès au tunnel est interdit aux transporteurs de matières dangereuses.

A chaque tête de l'ouvrage, des bâtiments abritent les installations techniques nécessaires à la ventilation, à l'alimentation électrique mais aussi à l'éclairage et à la signalisation du tunnel. Le bâtiment de la tête Saône accueille également le poste de commande qui assure la surveillance et la gestion technique centralisée des équipements de l'ouvrage (24h/24). Depuis 1995, 40 radios FM et l'ensemble des téléphones portables sont retransmis dans le tunnel. Le surveillant du tunnel a la possibilité d'envoyer en cas d'événement grave des messages aux usagers via les radios retransmises.

Après 25 ans d'exploitation dans des conditions sévères il est apparu nécessaire de rénover cet ouvrage.

Le 20 novembre 1996 a eu lieu la signature d'un protocole d'accord entre l'Etat et la Communauté urbaine de Lyon pour lancer le grand chantier de rénovation.

Le 12 décembre 1996 a lieu le lancement des premiers travaux. L'Etat entreprend la réfection du génie civil de la dalle supportant la chaussée. A ce jour, la remise en état des dalles est réalisée à 100%. Reste à réaliser l'assainissement de surface de la chaussée avec rétention des liquides en extrémité.

Le 30 novembre 1998, la Communauté urbaine commence la rénovation des équipements dont elle assure la maîtrise d'ouvrage. Cette réhabilitation tient compte de l'évolution des règles de sécurité et des contraintes liées à l'évolution du mode d'exploitation de l'ouvrage.

Les travaux se décomposent en trois parties essentielles :

- les nouveaux équipements. éclairage, ventilation, signalisation, poste de commande,

- le traitement des piédroits,

- la réfection des parties du génie civil liée aux équipements, aux superstructures et à l'aménagement des têtes du tunnel.

Les travaux sont réalisés la nuit de 22 h à 6 h jusqu’en 2003, fin prévisionnelle des rénovations

Suite à l'accident du Mont Blanc, des dispositions immédiates de sécurité ont été prises :

- mise en place de feux rouges clignotants d'arrêt absolu aux entrées (8 juillet 1999)

- messages de sécurité automatisés et traduit en anglais et en allemand, assistance des patrouilleurs de la Société exploitante du périphérique nord (EPERLY)

- renforcement de la communication de sécurité entre l'opérateur de Fourvière et celui de la Croix-Rousse

- mise en œuvre d'un plan d'intervention et de sécurité (P.I.S.) en partenariat avec tous les services de sécurité

Les dispositions complémentaires concernant la création d'un comité de surveillance des grands ouvrages souterrains de l'agglomération présidé par le préfet ont été prises en septembre, de même que l’étude préalable de faisabilité de quatre galeries d’interconnexion entre les tubes tous les 200 m en plus du passage central, afin d’améliorer la sécurité des usagers et l’intervention des secours.

 

1.3.1.2. – le tunnel de la Croix-Rousse

Commencé en 1939, ce tunnel fut mis en service en 1952 ; c’est un tunnel monotube long de 1 752 m et d’une largeur roulable de 12 m, supportant une circulation bidirectionnelle sur 4 voies.

Conçu à l’origine pour une circulation journalière de 40 000 véhicules, avec 4 000 véhicules en pointe horaire, il voit passer aujourd’hui 67 800 véhicules par jour (avec une pointe de 91 000 et de 7 362 véhicules en une heure), avec moins de 5% de poids lourds.

Le système de ventilation adopté est un système transversal classique, air frais admis à la partie basse (bouches tous les 1,28 m sur les trottoirs ), air vicié aspiré à la partie haute (bouches axiales dans le plafond tous les 1,28 m également). Cinq usines assurent la ventilation suivant le schéma suivant.

Indépendamment du trafic très important, le problème de vitesses excessives est patent dans ce tunnel, qui de 1953 à 1998 a enregistré 19 morts, près de 40 accidents y étant recensés chaque année. Les voies étroites avec effet de paroi aggravent encore le risque, aussi le séparateur central pour éviter les chocs frontaux est attendu impatiemment.

Bien que ce tunnel soit interdit aux véhicules TMD, et que le trafic poids lourds soit faible, il semble bien qu’un certain nombre d’infractions soit constaté. Les feux tricolores n’ont pas l’effet souhaité, il y a donc nécessité de renforcer les contrôles et de faire respecter le code de la route de manière plus répressive le cas échéant.

Le comité QUATRE/SARDIN préconise la création d’abris pressurisés à raccorder à l’extérieur par un moyen autre que la chaussée du tunnel. Ces abris semblent bien indispensables, notamment au droit du puits central. Quatre autres abris répartis de part et d’autre de cet abri central seraient très souhaitables.

1.3.2. – les tunnels marseillais

Marseille ne comporte actuellement qu’un seul tunnel d’une longueur supérieur à 1 km, mais l’enfilade Vieux-Port - Prado Carénage justifie largement que l’on regarde l’ensemble, d’autant qu’un autre tunnel est en train de s’allonger, celui de la Joliette.

1.3.2.1. - le tunnel du Vieux-Port

Il a été mis en service en 1967. Long de 600 m, il a un gabarit autorisé en hauteur de 3,20 m, ce qui limite l’accès des poids lourds. D’autant qu’avec le tunnel Prado Carénage, où l’accès est totalement interdit aux poids lourds. Vu l’impossibilité de dégagement entre les deux tunnels, l’axe Nord – Sud du tunnel du Vieux-Port a été également interdit à ce trafic. Le trafic véhicules légers est suffisamment important (77 000 v/j)pour que la principale crainte soit celle de l’embouteillage !

Ce tunnel est un bitube, chaque tube ayant une largeur de 3,50 m pour 2 voies, avec toutefois un trottoir de1,30 m de chaque côté.

Conçu il y a près de 40 ans, ce tunnel dispose de niches tous les 100 m en quinconce, niches non communiquantes avec l’extérieur mais équipées de téléphones reliés au PC du tunnel, d’extincteurs avec déclenchement d’alarme au décrochage et de bouches d’incendie.

S’il arrive que quelques gouttes d’eau arrivent sur les capots de véhicules, ceci n’a rien d’inquiétant car les caissons restent bien étanches et font l’objet d’une surveillance régulière.

Des travaux sont cependant envisagés pour améliorer les conditions d’intervention des services de secours le cas échéant, une étude est réalisée pour la pose d’un câble rayonnant permettant aux marins-pompiers et aux CRS d’avoir un contact radio permanent avec leur PC. La présence d’une équipe de sécurité – et non de simple maintenance – est souhaitable.

1.3.2.2. - le tunnel de Prado Carénage

Le tunnel Prado Carénage a été ouvert en septembre 1993, et il accueille plus de 31 000 véhicules/jour, véhicules légers d’une hauteur et d’un poids inférieurs à 3,20 mètres et 3,5 tonnes. Le tunnel est long de 2 450 m, à 2 voies de 3 m de large chacune par sens.

Ce tunnel est construit à partir de l’ancien tunnel ferroviaire (long de 2 140 m), un " surcreusement " de ce tunnel a été nécessaire pour réaliser la chaussée inférieure, les 2 voies étant superposées.

On peut donc considérer ce tunnel comme neuf vu l’ampleur des travaux, et il ne pose pas de véritables problèmes. La vitesse y est souvent excessive (limitation à 60 km/h), ce qui est le risque principal. S’il est impossible d’établir un péage côté Vieux-Port, il existe des barrières télécommandées pour fermer l’accès au tunnel si nécessaire ; cette manœuvre de fermeture automatique est cependant précédée par l’envoi d’un patrouilleur motocycliste en tête de tunnel, afin de prévenir tout franchissement des feux d’arrêt par un automobiliste imprudent.

Là aussi la pose d’un câble rayonnant est envisagée afin de maintenir les communications avec l’extérieur. une campagne préventive d’information des usagers sur les recommandations de conduite – et du respect des limitations de vitesse - en tunnel est souhaitable.

1.3.2.3. - le tunnel de la Joliette

Actuellement long de 500 m, au gabarit réduit de 3,20 m de hauteur, ce tunnel doit faire l’objet d’un prolongement en direction de la Major d’un kilomètre. Disposant déjà de niches de sécurité avec porte et de deux issues de secours, l’extension se fera conformément aux dernières prescriptions en matière de tunnels urbains.

1.3.3. – les tunnels niçois

Les tunnels du contournement de Nice sont gérés par la filiale des Autoroutes du Sud de la France, la société des autoroutes Estérel Côte d’Azur Provence Alpes (ESCOTA)

Trois tunnels (5 tubes) parmi les 40 tubes gérés par ESCOTA sur l’A 8 ont une longueur supérieure à 1 000 m ; il s’agit des tunnels de l’Arme, de Las Planas et la bretelle de Monaco. Les observations du comité QUATRE / SARDIN étaient les suivantes :

- pour le tunnel de l’Arme, ouvert en 1979, bitube de 1 105 m de long, dont le tube Sud est à 2 voies et le tube Nord est à 3 voies, le trafic moyen journalier est de 10 050 véhicules/jour en 1998, dont 18% de poids lourds, dont des TMD.

La ventilation (système longitudinal) du tube Sud devait être renforcée, une deuxième galerie de communication entre les 2 tubes et un système de caniveau pour recueillir les fuites de produits liquides devaient être construits.

- pour le tunnel de Las Planas, ouvert en 1976 pour le tube Nord, long de 1 108 m et à 3 voies, et en 1983 pour le tube Sud à 2 voies et long de 1 072 m, le trafic moyen journalier est de 28 340 véhicules/jour en 1998, dont 12% de poids lourds, TMD autorisés.

La ventilation (système longitudinal) des tubes est soit à vérifier, soit à augmenter, une deuxième galerie de communication entre les 2 tubes et un système de caniveau pour recueillir les fuites de produits liquides devaient être construits.

Dans le tube Nord, la forte courbe juste après l’entrée du tunnel nécessite un strict respect des limitations de la vitesse, qui ne devrait en aucun cas excéder 90 km/h.

La situation dans le tube Sud est identique, la mise en place d’un système de détection automatique d’incidents (DAI) était plus que nécessaire, compte tenu de la bretelle de sortie en aval du tunnel qui provoquait des remontées de bouchon dans celui-ci.

Ce tunnel de Las Planas est celui qui pose le plus d’interrogations ; les risques de pollution y sont très forts et les solutions à y apporter sont urgentes, il peut d’ailleurs servir de chantier pilote pour les autres ouvrages.

- pour la bretelle de Monaco, ouverte en 1992, et constituée d’un seul tube à circulation bidirectionnelle sur 3 voies de circulation. Long de 1 520 m, ce tunnel enregistre un trafic moyen journalier de 12 150 v/j, dont 7,5% de poids lourds, la traversée par les TMD étant interdite. Deux abris pressurisés reliés à une gaine d’air frais pouvant servir d’accès aux secours sont indispensables.

En fait, d’autres tunnels d’une longueur inférieure à 1 km, s’intercalent entre ces 3 longs tunnels, ESCOTA gérant 40 tubes sur cet axe. Conscient des risques encourus, la société après avoir répondu à l’enquête QUATRE, a décidé d’entreprendre la même démarche dès le mois d’août 1999 sur 15 autres tunnels, 8 ayant une longueur comprise entre 500 et 1 000 m, 4 entre 200 et 500 m mais avec un très fort trafic, et 3 tunnels singuliers. Des propositions d’amélioration sont en cours d’étude pour les tunnels de Canta Galet, de St Pierre de Féric, de Pessicart, de Cap de Croix, de la Baume, de Ricard, de la Coupière, de Castellar et de la Giraude.

Ces tunnels sont situés sur l’A 8, autoroute qui connaît sur les 20 dernières années un accroissement de trafic en progression moyenne de 4% par an. Même si la progression se réduit à 2 à 3%, les périodes de saturation de cet axe vont augmenter dans les 10 années à venir. Une gestion du trafic pour éviter les bouchons sous tunnel est certes envisagée, mais les reports de trafic sur les autres axes amèneront à une quasi-paralysie. Sous l’égide du Préfet, la commission de sécurité nouvellement créée aura ce difficile problème à solutionner. L’abandon du projet d’A 8 bis (ou A 58) enlève donc la solution la plus facile, en sachant que tout nouveau projet mettra au moins 20 ans pour être réalisé. Dès maintenant, il est nécessaire de trouver des solutions. Depuis l’accident du Mont-Blanc, trois incendies importants de poids lourds ont eu lieu dans les tunnels niçois, circonscrits à chaque fois sans que cela ne tourne à la catastrophe, mais en révélant tout de même un fort risque que cela puisse dégénérer. Félicitons les gestionnaires et les services de secours de leur efficacité, mais il est impossible de se fier au concours de circonstances favorables à chaque fois.

Le trafic des hydrocarbures étant interdit dans Nice, tout ce trafic se retrouve sur l’autoroute, autoroute dont le trafic n’a rien à voir avec les trafics des longs tunnels : ici, le système d’avertissement de danger par un véhicule mobile, remontant le courant sur la bande d’arrêt d’urgence, est insuffisant à prévenir le risque de bouchon, il est nécessaire d’avoir plusieurs véhicules très en amont pour espérer réguler un tant soit peu la circulation.

Une amélioration consisterait en limitant le trafic de ces transports d’hydrocarbures, de les limiter aux heures creuses de circulation ; la meilleure solution serait de trouver une alternative pour cette centaine de camions journaliers. Peut-être faudrait-il très sérieusement envisager de prolonger l’oléoduc ayant son terminal à Fréjus jusqu’à l’est de Nice, avec une desserte intermédiaire au niveau de l’aéroport, gros consommateur de kérosène ?

La limitation de vitesse, en imposant une vitesse maximum autorisée à 90 km/h sur tout cette partie du contournement de Nice, amènerait certainement une amélioration, et une exploitation type périphérique parisien, en supprimant la bande d’arrêt d’urgence, permettrait de retrouver pour quelques années une meilleure fluidité. Les autoroutes américaines après tout admettent bien un trafic nettement supérieur aux autoroutes françaises en jouant sur le facteur vitesse, comme plusieurs de nos interlocuteurs le faisait remarquer.

1.3.4. – les tunnels parisiens

La périphérie parisienne compte un certains nombre de tunnels, soit pour le bouclage de Paris, soit d’accès aux autoroutes. Ces tunnels sont donc du type tunnels autoroutiers et connaissent tous un trafic très important. Enfin, dans Paris intra-muros, la voirie souterraine des Halles est un autre cas particulier.

Le tunnel du Landy sur l’A 1, est long de 1 360 m, à deux tubes de 4 voies chacun. Mis en service en 1997, le trafic moyen journalier atteint 205 000 véhicules/jour dont près de 31 000 poids lourds (15%), le trafic des TMD étant interdit.

Le tunnel de Bobigny sur l’A 86, est long de 2 220 m, à deux tubes de 3 voies chacun. Mis en service en 1998, le trafic moyen journalier atteint 68 000 véhicules/jour dont plus de 8 000 poids lourds (12%), le trafic des TMD étant interdit.

Le tunnel de Nogent-sur-Marne sur l’A 86, est long de 1 794 m, à deux tubes de 2/3 voies chacun. Mis en service en 1987, le trafic moyen journalier atteint 126 800 véhicules/jour dont plus de 19 000 poids lourds (15%), le trafic des TMD étant interdit.

Le tunnel de La Défense sur l’A 86 et l’A 14, est long de 4 100 m, à deux tubes de 2 à 4 voies chacun. Mis en service en partie dès 1984, le trafic moyen journalier atteint 100 000 véhicules/jour dont plus de 8 000 poids lourds (8%), le trafic des TMD étant interdit.

Outre les classiques recommandations, il convient de compléter les issues de secours, soit par la création d’escaliers supplémentaires, soit de barreaux de communication entre les deux tubes en raison de l’interdistance de ces issues.

Pour tous ces tunnels, les scénarios de désenfumage doivent être revus en vue de simplification des commandes et un renforcement des débits d’extraction.

La voie souterraine des Halles est une succession de mini-tunnels et de tranchées couvertes, très imbriquée dans les équipements de cette zone : parcs de stationnement, forum des Halles, zones de livraison. Ces équipements disposent de leurs propres systèmes de sécurité qui pourraient être utilisés en cas d’évacuation du public, un balisage plus performant étant certainement à concevoir pour cela. L’exercice de désenfumage prescrit par le Préfet de Police de Paris le 5 octobre et réalisé sous contrôle de l’INERIS a donné des résultats positifs, puisque selon les conclusions du rapport effectué à cette occasion, " la capacité de désenfumage permettrait d’assurer dans de bonnes conditions tant l’évacuation du public que l’intervention des secours ".

L’accidentologie du tunnel est lié à sa configuration particulière et au non-respect des vitesses. La mise en place de contrôles radar par les services de police serait de nature à réduire les probabilités d’accident. l’amélioration de la " lisibilité " des voies et du jalonnement a déjà fait l’objet de travaux, mais il conviendrait de renforcer à nouveau ceux-ci.

La complexité du tissu urbain environnant rend très difficile l’information du public ; un effort en ce domaine, notamment sur l’information du public sur les perturbations possibles dans le voirie souterraine, semble indispensable avec la pose de panneaux à message variable.

 

1.4. – Les futurs tunnels

Votre Rapporteur s’est également intéressé aux futurs tunnels, presque achevés ou encore au stade de projet : Orelle, Toulon, Foix, Somport, A86 Ouest et Roissy TTC.

1.4.1. – le tunnel d’ORELLE

Le tunnel d’Orelle est situé sur l’A 43, en aval du tunnel du Fréjus et devrait ouvrir courant 2000. Ce tunnel long de 3 680 mètres est un tube à trois voies (deux dans le sens montant France vers l’Italie, une dans le sens contraire), un deuxième tube à deux voies devant être construit ultérieurement, lorsque le trafic le nécessitera, c’est tout au moins l’argument avancé lors de la DUP. L’exemple du tunnel de Chamoise où il fallut près de 10 ans pour ouvrir le deuxième tube est inquiétant !

Tunnel de versant, il est parallèle à la galerie EDF qu’il longe à une distance de 60 mètres, avec une pente constante de 2,25%. Sa largeur roulable est de 11,10 mètres et son gabarit est identique à celui du Fréjus : 4,5 mètres sous les équipements fixés au plafond.

Des amorces des futures galeries de liaison constituent actuellement des refuges ventilés. N’ayant pas le débouché normal vers le deuxième tube, il est nécessaire de trouver une solution provisoire, en reliant ces abris à la gaine d’air frais, cette solution pour un tunnel neuf ne pouvant être que très temporaire.

Tant que le deuxième tube ne sera pas en service, les risques d’accident seront accrus, du simple fait de cette troisième voie, propice à des dépassements intempestifs. Il sera nécessaire d’insister sur les conditions de circulation à l’intérieur de ce premier tube, et d’établir de stricts contrôles de vitesse et d’inter distances entre véhicules.

De plus, ce tunnel est situé juste avant celui du Fréjus, où les TMD circulent sous escorte. Il est impossible pour le tunnel d’Orelle d’adopter les mêmes obligations, la mise en formation de convoi nécessitant un espace non disponible. Il semblerait, en outre, que les études de risques tendraient à prouver, dans le cas particulier de ce tunnel, que la circulation en convoi sous escorte serait un facteur aggravant. Par souci de cohérence avec le Fréjus, la solution a minima serait de faire procéder sur l’aire de la barrière de péage de Saint-Michel-de-Maurienne à une vérification de l’état des véhicules TMD. Compte tenu de la distance entre cette barrière de péage et la suivante (entrée du tunnel du Fréjus), soit 13,5 km, il est raisonnable de penser qu’un camion en état à Saint-Michel sera apte à atteindre le Fréjus sans incident grave.

En cas de défectuosité constatée, le véhicule sera immobilisé sur cette aire le temps nécessaire à sa mise en conformité.

1.4.2. – le tunnel de TOULON

La situation du tunnel de Toulon est quasi similaire puisque tunnel autoroutier, la nuance étant cependant qu’il s’agit d’un tunnel urbain hors zone à péage, donc sans le contrôle effectué aux têtes de tunnel. Seul en ce moment le tube nord (1 847 mètres) est en cours de réalisation, 14 mètres restant à creuser lors de la visite du chantier par votre Rapporteur. La mise en exploitation est prévue pour fin novembre 2001. Très long à creuser, les travaux ont commencé en 1994, avec une interruption en mars 1996 suite à un effondrement, la DUP de 1991 prévoit bien deux tubes : un appelé " Nord ", et l’autre dénommé " Sud ", qui lui est parallèle à 53 mètres du premier tube. L’avantage de ce tunnel " Nord " est qu’il sera unidirectionnel dès sa mise en service, évitant ainsi tout le risque d’accident frontal. Conçu également comme un bitube dès l’origine, les rameaux de liaison entre les deux tubes seront construits avant la mise en service du tube " Nord ". Si les dispositifs de sécurité prévus lors de l’arrêté préfectoral reposaient sur la directive de 1981, M. Michel MERMET, directeur adjoint de la DDE du Var et coordonateur du projet, a tenu à préciser que lors d’une réunion d’octobre 1999, il avait été décidé d’aller beaucoup plus loin et de s’aligner sur la directive en cours de réalisation actuellement : connexion entre les deux tubes tous les 200 mètres et relation continue entre toutes les niches parallèlement. Si le premier tube, compte tenu de ses multiples avatars est passé de 1,450 milliard de francs à 2,150 milliards de francs, le second tube est estimé – grâce à une meilleure connaissance du sous-sol – à 1,3 milliard de francs.

La nécessité d’assurer une bonne circulation dans le tunnel, et d’éviter la création de bouchons par effet de reflux des axes de sortie de l’autoroute dans la circulation urbaine nécessite de repenser totalement le plan de circulation des axes conduisant ou débouchant du tunnel, la signalisation par feux pouvant être doublée de barrières physiques à l’entrée de l’autoroute souterraine.

 

1.4.3. – le tunnel de FOIX

Le tunnel du Pech de Foix, long de 2159,36 mètres pour le tube Ouest, comporte quatre refuges ventilés désignés du nord vers le sud par leur Pm : 537, 899, 1 341 et 1 817 et situés côté ouest. Ces refuges sont distants de 400 mètres environ. Les issues du tunnel en cas d'évacuation de piétons sont les deux têtes du tunnel (nord et sud).

A terme, ce dispositif comportera deux tubes conformément à la DUP, reliés entre eux par des galeries de communications soit piétons soit véhicules. A ce jour, seuls ont été réalisés le tunnel ouest et l'amorce du tube est.

Comme pour le tunnel d’Orelle, il serait souhaitable que ce second tube (Est) ne mette pas 10 ans à être réalisé, mais soit mis en chantier dès la mise en service du tunnel Ouest.

La ventilation du tube Ouest est assurée par deux gaines d'air frais (neuf) de 2,5 m2 environ chacune située en plafond côté est et côté ouest et par une gaine de désenfumage de 4,9 m2 située entre les deux gaines d'air frais.

 

Les travaux de génie civil du tube Ouest sont actuellement terminés et ceux des équipements démarrent. La réalisation des communications pourrait se dérouler pendant la pose des équipements. Ces communications consistent en la réalisation de galeries de liaison creusées dans le rocher et la réalisation d'ouvertures dans le revêtement du tunnel d'une part et dans celui des quatre refuges d'autre part.

Ces communications ont pour but de permettre l'évacuation, par la gaine d'air frais vers l'une des deux issues, aménagées dans les stations, donnant sur l'extérieur, des personnes en attente dans les refuges ventilés qui sont accessibles par un sas à partir du tunnel. Cette solution de la gaine d’air frais est ici acceptable puisque solution temporaire, le temps de réaliser le tube " Est "

L'évacuation des personnes serait réalisée sous la direction et avec l'accompagnement des services de secours conformément à la procédure.

Les autres recommandations sur la ventilation et le perfectionnement du dispositif de vidéo surveillance avec détection automatique d’incident (DAI) sont en cours d’étude ou de réalisation.

La DDE de l’Ariège, avec les autres services concernés et sous l’autorité du Préfet, participe à l’élaboration des plans de prévention et d’intervention, un exercice devant être réalisé avant l’ouverture du tunnel, toujours prévue pour Noël 2000.

 

1.4.4. – le tunnel du SOMPORT

Ce tunnel dont la mise en circulation était prévue pour la fin de l’année 2000, mais compte tenu des travaux restant à effectuer plus vraisemblablement en 2002, est un tunnel international de 8 602 mètres, dont 2 848 mètres sur la RN 134 en territoire français et 5 754 mètres sur le territoire espagnol. D’une largeur de chaussée de 9 mètres, avec 2 voies de circulation de 3,5 mètres, ce tube unique bidirectionnel est situé à la tête française à 1116 mètres d’altitude, la tête espagnole étant à 1 183 mètres, ce qui donne un profil en long en forme de toit avec des rampes de 1,65% côté France et de 0,50% côté Espagne.

Le point haut du tunnel est à 1 200 mètres, avec une hauteur de la couverture montagneuse à plus de 400 mètres sur toute la partie centrale, et pouvant atteindre les 800 mètres.

Les prévisions de trafic font état d’environ 20% de trafic poids lourds, dont certains réglementés. Ces prévisions de trafic sont de 1 400 véhicules/jour dès 2003, dont environ 250 poids lourds, pour atteindre en dix ans 2 300 v/j de moyenne journalière annuelle et 470 poids lourds.

Le système de ventilation et de désenfumage de ce tunnel se fait par des galeries réversibles cheminant en faux-plafond, divisées en 7 cantons : 2 par la tête française, 3 pour la station souterraine intermédiaire et 2 par la tête espagnole.

Le système d'éclairage artificiel avec un éclairage de base sur toute la longueur, allumé en permanence (interdistance des appareils sur un même piédroit de 16 m) et un éclairage de renforcement au voisinage des têtes sur environ 400 mètre de longueur

Le dispositif de sécurité mis en oeuvre repose sur des équipements de gestion technique centralisée avec capteurs de contrôle du CO et opacimètres de contrôle des gaz et des fumées.

Les liaisons avec les usagers seront possible grâce à une surveillance télévisée 24h/24h à partir de la tête espagnole où se situera le poste de contrôle/commande de l'ensemble du tunnel, un poste de secours étant situé à la tête française. Le système de radiocommunication pour les services de sécurité s’effectue par l'intermédiaire d'un câble rayonnant sous plafond. Des niches de sécurité sont implantées en face à face tous les 200 mètres environ avec postes d'appel d'urgence, extincteurs et alarmes à l'ouverture des portes. Enfin le système de détection automatique d'incident est couplé avec les caméras de télésurveillance.

Les moyens de lutte contre l'incendie, outre le système de désenfumage, sont constitués par des bornes d'incendie tous les 200 mètres et des regards siphoïdes sur canalisation de recueil des matières dangereuses

Les moyens de protection des usagers consistent en 9 refuges pressurisés répartis en piédroit " Est " tous les 800 à 900 mètres à raison de 3 côté France et de 6 côté Espagne, pouvant accueillir chacun une cinquantaine de personnes. 9 galeries de retournement en vis à vis des refuges permettent notamment le retournement des véhicules de secours. Enfin 4 galeries de connexion avec le tunnel ferroviaire côté Espagne sont situées à l'arrière des 3 abris pressurisés situés à 2,6 km, 3,5 km et 5,3 km de la tête espagnole.

Les recommandations du comité dévaluation des tunnels routiers formulées pour le tunnel du Somport sont actuellement suivies d’effet. Par décision du Directeur des Routes du 8 novembre 1999 les mesures suivantes sont mises en œuvre :

- présence permanente d'agents de sécurité aux deux têtes mais avec une unicité d'exploitation assurée à partir de la tête espagnole et placée sous la responsabilité de l’Etat espagnol dans la mesure où les 2/3 de l'ouvrage sont situés sur son territoire ; cette présence nécessitera en 2001 et avant la mise en service du tunnel la construction au plus près de la tête française d'un bâtiment complémentaire destiné à l'accueil des personnels et matériels de secours,

- création de galeries de liaison entre les 3 refuges piétons français et le tunnel ferroviaire, l'Espagne s'engageant de son côté à relier les 2 refuges non encore raccordés sur les 6 refuges existants sur son territoire. Compte tenu des délais administratifs nécessaires à la mise au point de l'Avant Projet Sommaire (APS) et à la consultation des entreprises, le démarrage des travaux correspondants ne devrait pas intervenir avant le printemps 2001 pour une durée des travaux estimée à un an,

- renforcement de la capacité de désenfumage pour se rapprocher le plus possible d'un débit de 110 m3/s sur une longueur de 600 mètres de tunnel ; cette augmentation de capacité est d'ores et déjà réalisée dans la partie française du tunnel, par obturation des petites bouches d'amenée d'air frais qui avaient été initialement réparties tous les 22 mètres en plafond puisqu'il est désormais retenu que l'insufflation d'air frais se ferait par les grandes trappes disposées tous les 100 mètres.

Ce tunnel qui fait l’objet des soins attentifs de la DDE des Pyrénées atlantiques et d’une bonne coopération avec l’Espagne, devrait donc, grâce à ces derniers aménagements, correspondre davantage aux exigences de sécurité.

1.4.5. – le tunnel de l’A 86 Ouest

La circulation en région parisienne étant très dense, le périphérique parisien étant plus que saturé la plupart du temps, l’idée de voies de contournement pour le trafic de transit ou pour les usagers n’ayant pas de nécessité à entrer dans Paris intra muros a pris corps.

Ce bouclage se fait donc par voie autoroutière, à une dizaine de kilomètres de Paris, suivant les infrastructures existantes ou les possibilités laissées par une occupation des sols très importante. Il ne reste pour réaliser la continuité de cette voie qu’une faible partie à réaliser dans l’ouest parisien. Toutefois, compte tenu des difficultés de tous ordres rencontrées, cette portion de l’A 86 suscite bien des interrogations, dans les variantes présentées ci-dessus.

Le bouclage de l’autoroute A 86 à l’Ouest a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique le 8 décembre 1995,et sa réalisation nécessite la construction de deux tunnels :

- le tunnel EST, unidirectionnel, à 2 fois 3 voies à terme, est réservé aux voitures présentant un gabarit maximum de 2 mètres. D'une longueur de 10 km, ce tunnel relie Rueil-Malmaison à Jouy-en-Josas avec un échange intermédiaire avec l’A 13 à Vaucresson. Si ce principe de séparation des trafics apparaît innovant, les techniques utilisées pour la réalisation sont, elles, classiques et éprouvées.

- le tunnel OUEST, long de 7,5km, bidirectionnel à 2 fois 1 voie, relie Rueil-Malmaison et l’A 12 à Bailly, sans échange intermédiaire. C’est un tunnel classique ouvert à tous les véhicules, et dont les documents antérieurs faisaient référence à la sûreté du tunnel du Mont-Blanc.

La plupart des documents reproduits dans cette partie ont été fournis par COFIROUTE, société qui a reçu la concession de l’exploitation des ouvrages payants sur cet axe.

 

1.4.5.1. – le tunnel Est

Le tunnel Est consiste en fait, suivant le concepteur, en deux tunnels indépendants dans un même tube.

La conception du tunnel Est a été déterminée par une commission interministérielle de sécurité, travaillant sous l'autorité de l'Etat, qui s'est réunie d'octobre 1991 à juin 1992. Les dispositions arrêtées ont été confirmées par une décision interministérielle (Equipement, Intérieur) le 14 avril 1995. Une commission administrative de suivi est chargée de vérifier son application.

Suivant le descriptif fourni par COFIROUTE, ce tunnel est constitué de 2 tunnels, unidirectionnels, soit 2 espaces trafic totalement indépendants et étanches.

Des niches de sécurité sont présentes tous les 200 mètres. Chacune comprend un matériel de lutte contre l'incendie ainsi qu'un téléphone d'urgence relié au Poste de Contrôle et de Surveillance.

Ces niches sont associées, tous les 400 mètres, à des refuges reliant les deux niveaux du tunnel grâce à des escaliers de transfert. Ces refuges, d'une capacité de 50 personnes, sont étanches et pressurisés ; ils sont placés sous vidéosurveillance. Ces refuges sont reliés, tous les 1200 mètres environ, à un puits d'accès de secours (11 puits au total dans le tunnel Est) qui permet, par un ascenseur et un escalier, d'accéder depuis la surface à l'intérieur des deux espaces trafic. En cas de nécessité, il est également possible d'organiser l'évacuation d'automobilistes. Le tunnel Est comprend donc 11 accès de secours.

Le système de désenfumage suit les directives de la décision interministérielle.

La circulation étant unidirectionnelle, le principe est de pousser les fumées vers l'aval et de les extraire par des trappes télécommandées implantées tous les 400 mètres.

La capacité du désenfumage est de 90 m3/s. Des équipements de sécurité permettent une détection et une intervention rapides en cas d'accident ou d'incendie :

- un système de détection instantanée de véhicule arrêté qui permet de détecter en moins de 10 secondes tout arrêt en tunnel et donc tout début d'incendie,

- une détection automatique d'incendie,

- une surveillance vidéo totale du tunnel,

- un système d'aide à l'exploitation et à la décision (système expert) qui permettra à l'exploitant de prendre, en cas d'incendie par exemple, les premières mesures en attendant l'arrivée des pompiers,

- des moyens de communication avec les automobilistes (panneaux à messages variables, incrustation de messages dans les radios retransmises dans le tunnel).

Comme dans le métro ou le RER, les véhicules de secours traditionnels ne peuvent pas circuler dans le tunnel Est. Des véhicules au gabarit de l'ouvrage sont donc mis à la disposition des services de secours, répartis à proximité des échangeurs, soit au total : 6 pour les pompiers, 2 pour le SAMU et 2 pour la Police.

En cas d'accident grave ou d'incendie, les 2 espaces trafic peuvent être fermés à la circulation. Cette mesure permet aux services de secours d'intervenir par le niveau concerné par le sinistre mais également par l'autre niveau alors libre de tout véhicule.

Ce dernier, totalement sécurisé, peut faire office de galerie d'accès ou d'évacuation grâce aux escaliers de transfert le reliant à l'autre niveau tous les 400 mètres. Les puits d'accès, équipés d'escaliers et de monte-charge, constituent une possibilité d'accès supplémentaires pour les secours.

L'exploitation des tunnels de l'A 86 Ouest est centralisée au sein du Poste de Contrôle et de Surveillance situé à Rueil-Malmaison. Ce dernier, relié en permanence à l'ensemble des systèmes de recueil et de diffusion de l'information, permet aux opérateurs de réagir quasiment dans l'immédiat, 24 h/24 h.

L'organisation des secours est placée sous le contrôle d'une autorité unique et permet la mise en œuvre rapide de moyens spécifiques et efficaces.

Des agents de sécurité sont en permanence stationnés aux différentes gares ou en patrouille dans l'ouvrage. Intervenant les premiers sur une panne, un accident ou un incendie, ils sont spécialement formés pour accomplir les premières missions de secours.

L'alimentation électrique est sécurisée par plusieurs arrivée EDF ainsi que des groupes électrogènes et des onduleurs pouvant maintenir en activité, pendant 30 minutes, l'éclairage de secours et les systèmes informatisés de contrôle. Enfin, l'accès aux tunnels est contrôlé par les barrières de péage situées aux entrées des tunnels.

Votre Rapporteur a bien sûr entendu, outre les promoteurs, les services de l’Etat, et les associations s’opposant au projet.

Même si on peut regretter qu’un certain nombre de décideurs ayant participé à ce projet, lors de diverses autorisations, se soient retrouvés juste après leur signature nommés à des postes de responsabilité de sociétés d’autoroutes, seul l’aspect sécurité sera examiné ici.

Il est troublant de voir que dans tous les documents fournis très complaisamment par COFIROUTE, et notamment la note du 14 février sur la " sécurité et secours dans le tunnel est du bouclage de l’A 86 " figurent dans les schémas trois véhicules de front, alors que les autorités de tutelle continuent de parler de 2 voies de circulation et d’une bande d’arrêt d’urgence.

Il est bien dans l’esprit du concessionnaire d’utiliser cette troisième voie, et donc par là même, de réduire la sécurité. Que se passe-t-il en cas d’un simple arrêt pour défaillance d’un véhicule (panne, crevaison ?).

Cet aspect de 3 voitures frontales n’est pas à négliger en cas de collision. En effet, si jusqu’à présent, la hauteur maximum de 2 mètres était mise en avant pour expliquer certaines réticences, la publication au JO du 30 novembre 1999, du décret du 25 novembre approuvant la convention signée entre l’Etat et COFIROUTE pour le bouclage de l’A 86 amène une autre inquiétude

Dans l’article 1 du cahier des charges, il est stipulé "Le présent cahier des charges s’applique au financement, à la construction, à l’entretien et à l’exploitation de l’autoroute A 86 ouest entre Rueil-Malmaison (A 13) et Versailles – Jouy-en-Josas (Pont Colbert) réservée aux véhicules légers dont la hauteur hors tout est égale à 2 mètres, la largeur hors tout inférieure à 1,80 mètre, et le poids total en charge inférieur à 3,5 tonnes ".

La largeur de 1,80 mètres est très restrictive. Rappelons la segmentation du marché selon les constructeurs automobiles :

- gamme économique et inférieure (106, Twingo, Clio…) 31%

- gamme moyenne inférieure (Xsara, 306, Mégane…) 33%

- gamme moyenne supérieure (Xantia, 406, Laguna…) 19%

- gamme supérieure et de luxe (Safrane, 605, Audi, XM…) 13%

- gamme tout terrain, divers, dérivés utilitaires légers 4%

A partir de la gamme moyenne supérieure, les véhicules dépassent le 1,80 m avec leurs rétroviseurs.

Or, la Commission Gérondeau, dans son rapport de novembre 1992, avait défini des normes - encore plus restrictives pour le véhicule - acceptables au plan de la sécurité :

. écartement entre véhicules 1,05 m

. écartement sur les côtés (effet paroi) 1,20 m

Pour une largeur totale de 9,60 m, la largeur des véhicules serait de 1,70 m puisque (3x1,70) + (2x1,20) + (2x1,05) = 9,60 m

Il y a donc déjà entre 1992 et 1999, une différence de 10 cm sur la largeur maximale du véhicule.

Que faire donc des rétroviseurs ? Qui sera responsable et les assurances couvriront-elles longtemps ce risque s’il s’avère que la casse est importante ? Peut-on décemment préconiser de replier les rétroviseurs avant d’entrer dans ce tunnel au mépris du code de la route ?

Rappelons aussi les conclusions du 15 avril 1999 des responsables du SAMU 92 :

" - pour les événements simples et les accidents avec blessés graves mobilisant au plus deux équipes médicales, le nouveau projet COFIROUTE permet d’assurer des conditions d’interventions satisfaisantes des secours médicaux.

- pour les événements exceptionnels, les services médicaux seront pénalisés par les dimensions du tunnel qui rendront les interventions plus difficiles et les usagers seront alors dans une situation de risque supérieur dans ce tunnel. Ceci impose clairement de préciser dès maintenant les responsabilités respectives de chacun.

- le tunnel à gabarit réduit ne doit pas occulter la réflexion sur le risque et sa prévention dans le tunnel "Ouest " utilisé par les camions ".

Dans le rapport final de la Commission Interministérielle de Sécurité de juin 1992, un groupe spécialisé de la Commission avait cherché à chiffrer la fréquence des accidents susceptibles de se produire dans ce tunnel.

Voici l’extrait de ce document :

" En adoptant systématiquement des hypothèses prudentes, celui-ci a abouti aux estimations moyennes suivantes valables lors de la mise en service de l’ouvrage :

- pannes simples 3 par jour

- accidents matériels 1 par semaine

- accidents corporels légers 1 à 2 par mois

- accidents corporels graves 2 par an

- accidents mortels 1 tous les 2 ans

- incendies spontanés d’un véhicule 3 par an

- incendies d’un véhicule à la suite d’une collision 1 tous les 5 ans

- incendies de plusieurs véhicules à la suite d’une collision 1 tous les 20 ans

Encore s’agit-il d’estimations moyennes, et des résultats encore moins lourds ne sont-ils pas à exclure ".

Tous ces événements doivent être détectés par le système de détection automatique d’incidents (DAI). Pour ce faire, COFIROUTE a procédé depuis 1993 à des essais de programmes DIVA (détection instantanée de véhicules arrêtés) à Paris, d’abord au tunnel des Tuileries, puis à la voirie des Halles. Dans la présentation qui en fut faite lors du colloque de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées en décembre 1997, le programme DIVA 3 fut présenté ;il devait donner un taux de détection des incidents supérieur à 99,8% (incidents détectés/incidents) et un taux de fausses alarmes par jour de 0,06%. Les marges de progression entre les diverses étapes de DIVA sont faibles, puisque l’on passe de 1 à 5 caméras. Qu’en sera-t-il dans un tunnel où 250 caméras seront en fonction ?

Tout est donc présenté pour réduire au maximum le risque accidentogène.

1.4.5.2. – le tunnel Ouest

Le projet de tunnel Ouest a été élaboré selon la circulaire 81.109 du 29 décembre 1981 relative à la sécurité dans les tunnels routiers du réseau national. Toutefois, au-delà de la réglementation en vigueur, COFIROUTE déclare prendre d'ores et déjà en compte les recommandations du projet de nouvelle circulaire en cours de préparation pour remplacer celle de 1981 actuellement appliquée.

Le tunnel Ouest offre une hauteur libre minimale de 4,50 mètres et une largeur roulable de chaussée de 9 mètres

Des refuges pressurisés d'une capacité de 50 personnes sont réalisés tous les 400 mètres à l'extérieur du tunnel. Ils sont munis de sas et d'un système de surveillance vidéo.

Des niches de sécurité sont implantées tous les 200 mètres dans chaque sens de circulation. Elles sont équipées d'une arrivée d'eau, d'extincteurs et d'un poste d'appel d'urgence.

Deux puits de secours sont construits respectivement au tiers et au deux tiers du tracé pour permettre un accès complémentaire des secours depuis la surface et une évacuation éventuelle des usagers.

Deux galeries de retournement pour les véhicules de secours sont réalisées au niveau des puits d'accès des secours.

La ventilation et le désenfumage sont conçus suivant les recommandations de la circulaire en préparation. Le désenfumage présente une capacité d'extraction des fumées de 110 m3/s concentrée sur une longueur de 400 mètres, ce qui est largement supérieur au débit prévu dans la circulaire de 1981 qui prévoyait 80 m3/s pour un kilomètre de tunnel.

Des équipements de sécurité permettent une détection et une intervention rapides en cas d'accident ou d'incendie.

Ainsi seront installés :

- un système de détection instantanée de véhicule arrêté permettant de détecter en moins de 10 secondes tout arrêt en tunnel et donc tout début d'incendie,

- une détection automatique d'incendie, une surveillance vidéo totale du tunnel,

- un système d'aide à l'exploitation et à la décision (système expert) qui permettra à l'exploitant de prendre, en cas d'incendie par exemple, les premières mesures en attendant l'arrivée des pompiers,

- des moyens de communication avec les automobilistes (panneaux à messages variables, incrustation de messages dans les radios retransmises dans le tunnel).

A ce jour et après le drame du tunnel du Mont-Blanc, construire a minima un tel tunnel semble de la provocation. Ce tunnel, permettant le passage de poids lourds, est indispensable pour boucler le contournement de Paris à l’ouest. Mais pourquoi le prévoir aussi petit ?

Deux solutions s’offrent en fait actuellement :

- création d’un tunnel bitube, garantissant sur les 7 km une sécurité accrue par des galeries de liaison entre les 2 tubes.

- si l’espace manque vraiment à la réalisation d’un bitube, adjoindre au monotube une réelle galerie de secours, dédiée au secours et à l’entretien, et qui ne soit pas une gaine de ventilation aménagée. Cette galerie, soit parallèle au tube de circulation, soit en dessus ou au dessous de la circulation, pourvu que les dalles de toit ou de sol résistent à un incendie important, devrait permettre le passage d’un véhicule normal de secours, suivant les futures normes européennes. Toute autre solution serait compte tenu de sa fréquentation prévisible prendre un risque insensé et contraire à tout principe de précaution.

Le tunnelier n’étant pas commandé, on ne pourra pas rétorquer que les dédommagements envers le concessionnaire seraient trop élevés !

Il est encore temps de réétudier une solution plus conforme à la nécessaire sécurité des passagers dans un tunnel qui en tout état de cause est indispensable pour faciliter la vie de millions d’usagers de la voirie francilienne.

 

1.4.6. – le tunnel de " ROISSY TTC "

La desserte des aéroports a toujours été une préoccupation, mais peu de solutions satisfaisantes ont pour l’instant été données dans le cas parisien : ruptures de charge, itinéraires embouteillés, confort très approximatif pour les voyageurs, et même sécurité de ces voyageurs.

Aussi les projets de site propre pour la desserte aéroportuaire réapparaissent-ils périodiquement.

Actuellement aucun moyen de transport collectif ne peut assurer la fiabilité des horaires avec les aéroports. C’est pourquoi le projet " ROISSY Tous Transports en Commun " pouvait retenir l’attention, projet innovant certes mais présenté en concurrence avec d’autres projets et dont le premier reproche était d’opposer la SNCF et la RATP sur une desserte qui se doit d’être attrayante.

Le projet ROISSY TTC reposait donc sur un tunnel style A 86 Est, monotube à gabarit réduit et à 2 étages, dédié à un transport sélectionné. Financé sur fonds privés, ce tunnel devait desservir les aérogares de Roissy par une voie à péage dont l’entrée serait située en plein Paris, près de la place Saint Augustin.

Hormis toutes les remarques faites sur ce genre d’ouvrage, et dont la construction aurait commencé avant le moindre retour d’expérience de l’A 86, l’aspect restrictif de l’accès paraît le condamner économiquement. En effet, seuls les taxis, les véhicules à gabarit réduit des hôtels et des compagnies aériennes pouvaient, après avoir satisfait à une formation adéquat, accéder à cette voie.

Les récentes déclarations du ministre chargé des transports semblent écarter pour l’instant ce projet au profit d’une desserte ferroviaire de qualité, qui reste donc à construire.

 

 

 

 

2. - LES TUNNELS FERROVIAIRES

 

 

Parallèlement à la mission QUATRE/SARDIN sur les tunnels routiers, le gouvernement a jugé opportun de procéder également à un examen de la sécurité des tunnels ferroviaires situés sur le réseau ferré national.

Ces travaux ont été menés par un groupe de travail sous la direction du Lieutenant Colonel Jean-Michel VERGNAULT et de M. Pierre DESFRAY, comprenant des représentants :

- de la direction de la défense et de la sécurité civiles (DDSC),

- de la direction des transports terrestres (DTT),

- de réseau ferré de France (RFF),

- de la SNCF.

Du rapport publié le 6 septembre 1999 et de nos entretiens avec la SNCF, retenons quelques idées fortes.

Les tunnels constituent des points singuliers du réseau ferré mais ne créent pas d’accidents spécifiques, hormis l’effondrement de leur propre structure. Ils sont en général équipés d’installations simples (absence de passages à niveau, peu ou pas d’appareils de voie,...) et l’ouvrage en lui-même constitue une protection vis à vis de certains événements extérieurs, en particulier les actes de malveillance tels que des dépôts d’obstacles sur la voie ou les intempéries.

Le réseau ferré national comporte plus de 1 300 tunnels dont la longueur cumulée est de l’ordre de 540 km, soit environ 1,5% de la longueur totale du réseau. Parmi eux, 4 ont une longueur supérieure à 5 km, 15 ont une longueur supérieure à 3 km, 27 ont une longueur supérieure à 2 km et 116 ont une longueur supérieure à 1 km (longueur cumulée : 225 km).

La très grande majorité (80%) de ces ouvrages a été réalisée au siècle dernier.

Moins de 1% des incidents (pannes d’engins, incidents caténaires, ...) répertoriés sur le réseau ferré national se produisent en tunnel (alors que leur longueur cumulée représente plus de 1,5 % de celle du réseau).

Ces trente dernières années, 4 accidents se sont produits, en France, dans des tunnels ferroviaires :

- l’incendie dans le tunnel sous la Manche le 18 novembre 1996. Il faut souligner que la cause de cet accident, qui n’a pas fait de victime, est l’incendie, pour une raison non déterminée, d’un poids lourd sur une navette Eurotunnel ;
- le rattrapage entre deux trains survenu le 20 mai 1977 dans le tunnel de Saint Julien (73 - ligne de Chambéry à Modane). Le mécanicien du train suiveur est décédé ;
- l’effondrement du tunnel de Vierzy le 16 juin 1972. Cet accident a fait 108 morts et 87 blessés. L’importante campagne de contrôle et de rénovation du génie civil de ce type d’ouvrages, qui a été entreprise et poursuivie depuis, permet de considérer que le renouvellement d’une telle catastrophe est hautement improbable ;
- le déraillement d’un train d’hydrocarbures, le 20 mars 1971, dans le tunnel du Crozet (42 - ligne de Saint Germain des Fossés à Roanne) suivi d’une collision avec un train croiseur. Les deux agents de conduite du train croiseur ont péri dans l’incendie qui a résulté de cette collision.

Le danger en tunnel provient en réalité de l’aggravation potentielle de certains incidents (le plus redouté étant l’arrêt d’un train en tunnel avec un feu à bord, mais cet événement n’est pas statistiquement le plus probable) du fait du confinement de l’espace qui peut rendre délicats l’évacuation des voyageurs et l’intervention des secours extérieurs.

A cet égard, l’accident qui s’est produit le 27 juin 1988 dans la gare banlieue souterraine de Paris - Lyon a bien illustré les difficultés qu’éprouvaient les services de secours à assurer leurs tâches en milieu souterrain.

 

2.1. - L’inventaire

Il existe, ainsi que le remarque la mission VERGNAULT/DESFRAY, actuellement très peu de textes de nature législative ou réglementaire traitant, spécifiquement ou non, de la sécurité des tunnels ferroviaires.

 

2.1.1. – les textes en vigueur

La loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) rappelle en son article 9 que " l’Etat définit [...] les règles de sécurité et de contrôle technique applicables aux transports. Il veille à la mise en œuvre de cette réglementation et en contrôle l’application ".

Il faut ensuite descendre au niveau de la décision ministérielle : une lettre cosignée par le directeur de la défense et de la sécurité civiles et le directeur des transports terrestres rend obligatoire, pour les tunnels nouveaux situés sur le réseau ferré national et sur le réseau exploité par la RATP et dont la longueur est comprise entre 400 m et 10 km, les dispositions de l’instruction technique interministérielle (ITI) n° 98-300 du 8 juillet 1998 relative à la sécurité dans les tunnels ferroviaires.

Pour les ouvrages exceptionnels d’une longueur supérieure à 10 km, ou d’une longueur supérieure à 5 km et acceptant l’autoroute ferroviaire (ferroutage), les dispositions (exploitation, sécurité, équipements...) doivent être arrêtées par une commission ad-hoc, nationale ou internationale.

Les tunnels exclusivement utilisés par des trains de fret sont exclus de ce dispositif (pas de transport de voyageurs).

Les tunnels anciens ne sont concernés qu’en cas de réhabilitation lourde.

La publication du projet de décret " sécurité sur le réseau ferré national " actuellement en cours d’examen au Conseil d’Etat et de ses arrêtés d’application permettra de combler ce vide. En particulier, les exigences suivantes seront formalisées :

- pour les ouvrages neufs : études de danger, dossiers de sécurité, explicitation des principes d’exploitation et de maintenance ;
- pour les ouvrages en exploitation : contrôles et inspections.

S’agissant des textes internes à la SNCF, non approuvés par décision ministérielle, on trouve :

- les consignes générales EF9D n° 1, n° 4 et n° 5 relatives à la surveillance et aux inspections dans les tunnels, celles-ci ne concernant que le génie civil ;
- la consigne générale TR1 F4 n° 1 prescrivant des mesures en matière de conception des horaires visant à éviter le croisement en tunnel des trains comportant plus de 9 wagons chargés de matières dangereuses avec des trains de voyageurs.
- la consigne générale SNCF TR4 D1 n° 1 qui prévoit les cas où la SNCF a obligation d’informer l’autorité préfectorale et certains services départementaux (accidents, déraillements, victimes, arrêts de longue durée...). La DDSC est consultée pour avis lors des révisions de ce texte, la dernière datant de 1997.

Il n’y a aucun texte prescrivant des installations ou équipements spécifiques dans les tunnels existants ou prescrivant un contrôle particulier des équipements " standard " en tunnel.

Tous les contrôles et inspections sont assurés par la SNCF.

Les textes " sécurité civile " concernent essentiellement la planification des secours.

Ils prévoient la mise en œuvre des moyens de secours de l’Etat sous l’autorité du préfet de département, directeur des opérations de secours (DOS), lorsque les moyens de l’exploitant sont insuffisants face à l’ampleur du sinistre.

L’organisation des secours dans le cas particulier des tunnels qui, il faut le préciser, ne sont pas des installations soumises à plan particulier d’intervention PPI, relève de la rubrique " Plan de secours spécialisé ou PSS ". Il n’existe pas de texte spécifique au PSS tunnel ferroviaire.

En cas d’accident grave impliquant des trains, l’instruction interministérielle n° 71-456 du 24 septembre 1971 prévoit l’organisation des secours en cas d’accidents ferroviaires (trains de voyageurs uniquement et pour le réseau ferré national dans son ensemble). Elle est plus communément appelée " Annexe ORSEC SNCF ".

Elle n’a pas été retranscrite sous la forme de PSS après l’entrée en vigueur du décret 88-622 du 6 mai 1988.

Rien n’est prévu en matière de sécurité civile pour le contrôle des dispositions de sécurité, la commission départementale de sécurité n’ayant de compétence réglementaire ni pendant les phases d’avant projet et de construction, ni en phase d’exploitation.

En 1995 et 1996, une étude sur la criticité des tunnels ferroviaires a été menée par l’ex direction générale à la sécurité de la SNCF avec le concours de la société " Sector ".

Cinq événements redoutés ont été considérés : arrêt de longue durée, arrêt avec incendie, accident grave sans incendie, accident grave avec incendie, accident de matières dangereuses.

Chacun d’entre eux a fait l’objet d’une décomposition en événements de base par arbre des causes. L’estimation de la probabilité d’occurrence de ces événements a été fondée sur une analyse des incidents passés dont le nombre observé sur l’ensemble du réseau a été ramené soit au km/train, soit au km/ligne.

L’approche déterministe vise à analyser qualitativement la gravité potentielle de chaque événement redouté et les scénarios de récupération possibles.

Cette étude avait abouti - entre autre - à un classement des tunnels ferroviaires par niveau de risque décroissant. Finalement, le groupe VERGNAULT/DESFRAY a décidé, dans une première étape, d’expertiser les 31 ouvrages considérés comme présentant le plus de risques.

Ce diagnostic a permis de confirmer que ces ouvrages, dont la quasi totalité a été construite au siècle dernier, bénéficient d’un niveau d’équipement assez rustique pour la protection des usagers et la lutte contre l’incendie, à l’exception notable du tunnel de La Galaure (Drôme) situé sur ligne à grande vitesse. Ces équipements sont en outre assez disparates, ayant été installés au fur et à mesure de la réalisation de travaux dans les tunnels.

Il n’est apparu pour la mission aucun cas où le niveau d’équipement ou les conditions d’exploitation semblent nécessiter des mesures immédiates et drastiques telles que l’arrêt de l’exploitation ou la séparation totale des trafics fret et voyageurs par exemple.

Toutefois, les analyses menées par le groupe de travail ont permis de mettre en évidence certaines insuffisances récurrentes. Celles-ci sont présentées ci dessous.

 

2.1.2. - les insuffisances récurrentes

L’analyse des renseignements communiqués a fait ressortir des besoins d’amélioration dans les domaine suivants :

- Planification des secours. Les plans de secours spécialisés (PSS) et les plans d’intervention et de sécurité (PIS) sont trop souvent absents.

- Moyens propres d’intervention de la SNCF. Les conditions d’emploi et les délais de mise en oeuvre de ces moyens (wagons de secours de grande intervention, camions de relevage, locomotives diesel,...) paraissent pouvoir être optimisés.

- Couverture opérationnelle. L’implantation des centres de secours des sapeurs pompiers et leur armement ne semblent pas toujours adaptés pour faire face à un accident majeur.

- Accessibilité aux têtes de tunnels. Dans de nombreux cas, il n’y a que des chemins de terre, voire pas de voie carrossable du tout, ce qui impose aux services publics de secours des trajets d’approche à pied trop longs.

- Continuité des communications pour les services de secours. Celle-ci est trop rarement assurée.

- Eclairage. Il s’agit souvent, quand il existe, d’un éclairage ordinaire, non secouru, mis en place pour permettre aux équipes de maintenance de se déplacer ; certains dispositifs ne couvrent pas la totalité de l’ouvrage.

- Balisage. Actuellement, il est constitué de plaques décamétriques qui permettent aux équipes de maintenance de se repérer. Ce dispositif sommaire ne pourrait pas être utilisé efficacement par des personnes non initiées.

- Alimentation électrique. Quand elle existe, elle est inadaptée aux besoins des services de secours : 220 volts pour l’éclairage et 380 volts pour les matériels de désincarcération et de découpage.

- Exercices. Des exercices d’entraînement conjoints services publics de secours/exploitant n’ont que trop rarement lieu.

- Lorrys. Les services de secours n’ont pas toujours de lorrys à leur disposition et quand c’est le cas, il s’agit d’engins inadaptés à leurs besoins.

 

2.1.3. - les mesures générales

D’ici fin 2001, des améliorations doivent être apportées pour tous les points évoqués ci-dessus.

Il est nécessaire que la SNCF et les services préfectoraux se concertent et élaborent, au plus tard avant fin 2000, les plans de secours spécialisés et les plans d’intervention et de sécurité lorsque ceux-ci n’existent pas.

Dans ce même délai, les services départementaux de secours devront étudier, dans le cadre des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR), les redéploiements de couverture opérationnelle éventuellement nécessaires.

Des exercices d’entraînement conjoints devront avoir lieu périodiquement. Leur fréquence est à déterminer au cas par cas, mais ne doit pas être supérieure à 3 ans.

Un décret commun intérieur/équipement du 30 mars 2000, publié au J.O. du 1er avril 2000 vient utilement compléter les dispositions du décret " sécurité du réseau ferré national ", notamment en ce qui concerne le contrôle exercé par l’Etat et l’organisation des secours.

Il convient également, dans les 6 mois, d’actualiser les dispositions de l’instruction interministérielle 71.456 (annexe ORSEC-SNCF ) en fixant le cadre de l’établissement des PSS ferroviaires avec annexes tunnels.

 

2.2. - Les points noirs

Cinq ouvrages présentent des difficultés particulières : le tunnel du Crêt d’Eau (01), le tunnel de Blaisy-Bas (21), le tunnel de la ligne C du RER à Meudon (92) et les binationaux : tunnel franco-italien du Fréjus, tunnel franco-suisse du Mont d’Or. Ils nécessiteront de ce fait des efforts importants.

 

2.2.1. - Crêt d’Eau, dans l’Ain

Le tunnel du Crêt d’Eau sur la ligne électrifiée de Lyon à Genève est un tunnel long de 4 005 m, qui est en pente (4‰), accessible au transport de matières dangereuses et dont le tiers du trafic est constitué de trains de fret. 85 trains passent quotidiennement sous ce tunnel.

Outre les classiques recommandations de mettre ce tunnel en conformité avec l’ITI n° 98-300, notamment dans le domaine électrique - alimentation, éclairage, balisage de secours - et les communications, de créer des accès routiers aux têtes du tunnel, il est nécessaire de pouvoir bénéficier d’un détecteur de boite chaude (DBC) à proximité et d’améliorer notablement le désenfumage. La proximité de la Suisse inciterait à réaliser un accord avec les Chemins de Fer Fédéraux (CFF) pour l’utilisation en cas de besoin d’un de leurs 18 trains de secours, si toutefois un accord financier pouvait intervenir entre les différentes parties prenantes : département, SNCF et CFF.

 

2.2.2. - Blaizy Bas, en Côte d’Or

Le tunnel de Blaizy Bas sur la ligne de Paris à Marseille est un tunnel long de 4 110 m, qui est en pente (4‰), accessible au transport de matières dangereuses. Le trafic mixte - voyageurs/fret - est particulièrement important puisque de l’ordre de 200 trains par jour ouvrable de base dont 55% de fret, et jusqu’à 400 trains en période de pointe, par l’augmentation du nombre de trains de voyageurs pour les départs en vacances.

Il est extrêmement difficile, compte tenu de ce trafic, de respecter la consigne générale de non croisement train de voyageurs/trains de fret ou de matières dangereuses. Rappelons que dans la terminologie SNCF un train comportant un wagon de matières dangereuses est classé TMD.

L’urgence consiste aussi à amener une alimentation en eau dans le tunnel pour le cas d’incendie.

2.2.3. - Meudon, dans les Hauts de Seine

Le tunnel de Meudon sur la ligne C du RER de Paris Invalides à Versailles Rive Gauche est un tunnel long de 3 363 m, à double voie, qui a une rampe de 9‰, réservé au transport urbain. Le trafic voyageurs y est particulièrement important puisque 236 trains par jour circulent, dans des trains " standard ", qui en termes pudiques, soulignent la possible vétusté du matériel.

Le désenfumage, les accès difficiles pour les services de secours, l’alimentation en eau d’incendie sont les points noirs de ce tunnel.

 

2.2.4. – le tunnel franco – suisse du Mont d’Or

Le tunnel franco – suisse du Mont d’Or sur la ligne de Dijon à Vallorbe est un tunnel long de 6 095 m à double voie, dont 5 112 m en France, accessible au transport de matières dangereuses. Le trafic mixte - voyageurs/fret - est de l’ordre de 21 trains par jour dont 30% de fret.

Il est nécessaire que les responsables en charge de la sécurité de part et d’autre d’une frontière coordonnent leurs actions. Un comité de sécurité constitué de représentants des exploitants et des services centraux et locaux des Etats a été constitué sous la présidence du Préfet du Doubs.

 

2.2.5. – le tunnel franco – italien du Fréjus

Le tunnel franco-italien du Fréjus sur la ligne de Culoz à Bardonecchia est un tunnel long de 13 700 m, dont 6 900 m en France. Cependant l’exploitation est confiée totalement aux chemins de fer italiens (FS) depuis la sortie de Modane.

Ce tunnel qui connaît une pente de 28‰ est accessible au transport de matières dangereuses. Le trafic mixte - voyageurs/fret - est important puisque de l’ordre de 109 trains par jour dont 65% de fret.

Là aussi, un comité de sécurité constitué de représentants des exploitants et des services centraux et locaux des Etats doit être créée.

 

2.2.6. - le bilan

Le diagnostic prévoyait pour les 31 tunnels considérés comme les plus délicats qu’un dossier d’initialisation devait être élaboré par les 12 régions SNCF concernées. 31 dossiers sont parvenus, dont un hors liste , seul le dossier concernant le tunnel de l’Alouette étant en retard. Ces dossiers ont été transmis au maître d’ouvrage, Réseau Ferré de France (RFF), le montant total des investissements est évalué à plus de 400 millions de francs. Le programme doit être élaboré par RFF.

Les plans d’intervention et de sécurité pour les 31 tunnels sont en cours d’élaboration par la SNCF, malgré l’absence de référentiel actuellement ce qui a tendance parfois d’entraîner de la part de certains services départementaux d’incendie et de secours des demandes excessives en dotation de matériel par rapport aux risques à couvrir.

Cependant les SDIS des 20 départements concernés devraient se voir doter de lorrys légers autofreinés, à raison de 2 par tunnel d’ici la fin 2000. La SNCF a décidé de financer cette opération compte tenu de l’inadaptation aux secours des " lorrys maintenance " qui subsistent dans certaines emprises.

Les moyens de communication continuent à poser un certain nombre de problèmes. Le système " généphone " ne convient à personne, il est très cher (1 MF/km) mais surtout obsolète. Le câble rayonnant ne résiste pas aux passages des trains, ce qui rend la maintenance hors de prix. Le système GSMR, dont les études bénéficient de fonds européens, ne sera pas opérationnel avant 4 ans au minimum. Des fréquences seront alors préservées pour les services de secours. En attendant, une solution connue et utilisée par les services de la préfecture de police de Paris dans les ouvrages souterrains et par les pompiers de l’Essonne. D’une portée moyenne de 1 500 m, ne permettant qu’une communication à la fois, ce matériel portatif devrait être fourni aux SDIS concernés ; restent cependant à régler le problème de l’achat et de l’attribution de nouvelles fréquences aux secours en 2001. Ce matériel étant un matériel individuel portable, pouvant être utilisé en tout lieu souterrain, RFF ne veut supporter le financement, rejetant cet équipement sur les SDIS. Compte tenu de la modicité de l’investissement - 80 " valises " suffisent pour couvrir tous les besoins en France, à hauteur de 30 000 F l’une - il semble navrant qu’une décision ne puisse être trouvée. Si ce matériel est d’une durée de vie provisoire en attendant la généralisation du GSMR, du faible nombre d’interventions en tunnel ferroviaire, et qu’il est indéniable qu’il peut servir très utilement les différents services de secours, une répartition du coût de cette dépense serait une sage solution : 25% à charge de RFF, 25% à charge de la SNCF, 50% à charge des SDIS.

 

2.3. - Les grands tunnels

Des grands tunnels ferroviaires ont existé de tous temps, la plupart sont centenaires. Ils rencontrent les mêmes handicaps dus à la vétusté, à l’inadaptation des gabarits aux nouveaux modes de transport et à la vitesse. Les longs tunnels se retrouvent naturellement sous des obstacles naturels importants, montagne ou mer.

2.3.1. - les grands tunnels à l’étranger

Les pays alpins, hormis la France, manifestent un intérêt particulier pour le rail. Une sensibilité plus écologique au départ et surtout une volonté de ne pas céder au " tout camion " ont donc amené des pays comme la Suisse, l’Autriche et à un degré moindre l’Allemagne et l’Italie à développer le transport ferroviaire.

2.3.1.1. – les tunnels suisses

En partant du constat de la saturation des axes routiers - le nombre de véhicules a doublé en Suisse entre 1970 et 1995 - malgré une extension du réseau de 60 000 à 71 000 km, et pour répondre aux besoins de l’économie et de l’écologie, un vaste programme de modernisation des chemins de fer a été entrepris. Les citoyens suisses, au cours de deux " votations ", ont approuvé les programmes " Rail 2000 " en 1987 et NLFA (Nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes) en 1992.

" Rail 2000 " est un projet tendant à optimiser l’offre voyageurs sur tout le territoire suisse. Ce projet est planifié en deux étapes et doit être réalisé totalement en 2020.

La première étape dont les travaux doivent être achevés en 2005 au plus tard, vise à améliorer la qualité et la réduction des temps de parcours dans le trafic régional et le trafic national sur des longues distances. Les principaux projets de construction sont :

- nouveau tronçon entre Berne et Olten (Mattstetten – Rothrist)

- aménagement de quatre voies entre Aarau et Rupperswil

- tunnel à double voie entre Zurich et Thalwil

- tunnel à double voie entre Muttenz et Liestal (tunnel de l’Adler)

- tunnel à double voie entre Vauderens et Siviriez

- doublement de la voie le long du lac de Neufchâtel

- troisième voie entre Genève et Coppet

- divers aménagements entre Zurich et St-Gall

Les gares de Bâle, Olten, Aarau, Zoug, Lucerne, Bienne et Lausanne feront l’objet de modernisation.

La deuxième étape consistera à étoffer l’offre sur les lignes à forte demande, augmenter la capacité en comblant les lacunes sur les tronçons à 2 ou 4 voies, à séparer les flux de trafic aux points de bifurcation et dans les gares de jonction, et éventuellement de percer un second tunnel à travers le Jura, voire une nouvelle liaison à grande vitesse entre Lugano et Milan.

La NFLA vise à créer de nouvelles liaisons à grande vitesse qui traverseront les Alpes. Deux axes nord – sud sont concernés, chacun étant doté d’un tunnel de base, l’un au St-Gothard, l’autre au Löetschberg.

Les projets de construction de la NFLA sont donc les suivants :

- un tunnel de 57 km entre Erstfeld et Biasca. Deux tubes relieront le nord et le sud des Alpes au niveau des vallées. La durée de construction sera d’environ 12 années. Après son achèvement en 2012, le nouveau tunnel du St-Gothard serait le plus long tunnel ferroviaire du monde ;

- le nouveau tunnel de base du Ceneri, entre Bellinzone et Lugano, fait aussi partie de l’axe du St-Gothard. Il aura une longueur de 16 km et sera ouvert en 2016 ;

- le tunnel du Löetschberg, d’une longueur de 33 km, reliera Frutigen à Baltschieder. Ce tronçon à haute performance devait être opérationnel dès 2006, mais plus vraisemblablement en 2009 ;

- le tunnel du Zimmerberg, en Suisse orientale, est plus modeste, quoique long de 11 km ;

- enfin une nouvelle liaison par le tunnel de l’Hirzel reliera la rive gauche du lac de Zurich à l’axe du St-Gothard.

L’ensemble de ce programme sur 20 ans est évalué à 13,6 milliards de francs suisses.

 

2.3.1.1.1. – le nouveau tunnel du Saint Gothard

Dans les années quarante déjà, l'on avançait les premières idées visant à creuser un tunnel de base sous le St-Gothard. Les esquisses se succédèrent pour chercher le meilleur itinéraire à travers le massif des Alpes. Au début des années 70, alors que le nombre de trains de marchandises atteignait le point de saturation de la ligne du St-Gothard, un projet parvint à maturité pour construire une ligne de base.

L’on construisit pourtant un tunnel routier pour traverser le St-Gothard, qui fut ouvert en 1980. Le trafic ferroviaire étant réellement engorgé, la ligne du Lötschberg fut mise à double voie. Les travaux furent terminés en 1992.

Actuellement, environ 20% du trafic marchandises à travers les Alpes passe par la Suisse. Ce trafic est en constante augmentation et la Suisse ne pourra pas, à l'avenir, se soustraire à ses obligations vis-à-vis des pays voisins.

Ces nouvelles lignes de base prévues permettront d'écouler la moitié du trafic global à travers les Alpes via la Suisse, par chemin de fer.

Le trafic marchandises ne pourra être transféré de la route au rail que si les chemins de fer sont performants et si des mesures annexes sont introduites, comme par exemple une redevance poids lourds liée aux prestations et une taxe routière de transit.

La ligne de base du St-Gothard présentera des déclivités aussi faibles que les lignes nouvelles du Plateau. Cette ligne culminera à 550 m d'altitude, point le plus bas de toutes les traversées alpines existantes et planifiées. Sur cet axe à performances élevées, les déclivités ne dépasseront pas 12,5‰ et le rayon des courbes ne descendra qu'exceptionnellement au-dessous de 4 000 m. Cela signifie que les trains de marchandises pourront acheminer leur charge à des vitesses jusqu'à 160 km/h et que les trains de voyageurs fileront à 250 km/h à travers le tunnel.

La ligne Bâle-Chiasso, qui comprendra les tunnels de base du Zimmerberg, du St-Gothard et du Ceneri, aura les caractéristiques d'une ligne de plaine avec un point culminant à 550 m d'altitude. Les lignes d'accès se rejoindront à Arth-Goldau au nord et à Bellinzone au sud.

Lors de l'approbation de l'avant-projet, le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur de deux tubes à simple voie. Ce système permettra un avancement rapide des travaux, réduira les risques lors de conditions géologiques difficiles, satisfera les conditions de sécurité et sera avantageux financièrement.

Chacun des tubes aura un diamètre d'environ 9,40 m. Les deux tubes seront distants d'environ 30 m et seront reliés tous les 325 m par une galerie transversale. Deux paires de diagonales de banalisation, installées au pied du puits de Sedrun et au bas du puits oblique de Faido, permettront aux trains de passer d'un tube à l'autre.

A ces endroits seront aménagés des accès indépendants de l'exploitation ferroviaire et des arrêts de secours dotés de galeries parallèles, de galeries de liaison, d'installations d'aération et de locaux techniques. Ces ouvrages particuliers constitueront, avec les diagonales d'échange, des postes polyvalents.

Les issues de secours seront conçues de telle manière qu'il soit possible d'atteindre l'arrêt de secours de l'autre tube sans recourir à des escaliers ni à des ascenseurs, et sans traverser une voie. De l'arrêt de secours, les voyageurs pourront être emmenés hors du tunnel par un train de secours. En cas de besoin, les galeries latérales, les galeries de liaison et les arrêts de secours pourront être alimentés en air frais. Si un train ne peut parvenir à un arrêt de secours, les galeries de liaison établies tous les 325 m permettront de s'échapper par l'autre tube. Les locaux techniques abriteront les installations de commande et de sécurité nécessaires à l'exploitation.

A Sedrun, on travaille depuis le printemps de 1996 à installer le point d'attaque intermédiaire du tunnel de base du St-Gothard. La galerie d'accès, longue d'un kilomètre, et la galerie d'aération aboutissant au Val Nalps ont été achevées en été 1997.

Au printemps de 1998, le creusage du puits d'accès au niveau du tunnel, profond de 800 m, a été entrepris. De là, un puits de 800 m de profondeur est creusé jusqu'au niveau du futur tunnel, ce qui permet de percer vers le nord et vers le sud.

Le point d'attaque intermédiaire de Sedrun comprend les travaux suivants :

- une galerie d'accès, qui va du chantier d'intervention de Las Rueras, au sud de Sedrun, au sommet du puits à 990 m de là ;

- un puits d'aération allant du sommet du puits principal jusqu'au Val Nalps ;

- le puits principal vertical, de 800 m de profondeur, qui reliera la galerie d'accès au point d'attaque intermédiaire du tunnel de base et, plus tard, aux deux tubes du tunnel ;

    • les installations à ciel ouvert, à savoir le chantier d'intervention de Las Rueras, son approvisionnement et l'évacuation des déchets, le raccordement ferroviaire et la gestion des déblais.

Suivant la nature de la roche, et ses caractéristiques, la technique de creusement du tunnel sera différente, les trois techniques illustrées ci-après seront utilisées pour ce tunnel.

La longueur du tunnel, le temps de la traversée sont autant de facteurs d’inquiétude pour les futurs usagers. M. Peter Zbinden, directeur d’" AlpTransit Gothard SA " répondait ainsi à la question de sécurité dans les grands tunnels :

" Le tunnel de base du Saint-Gothard, le plus long tunnel ferroviaire du monde, est en certains endroits jusqu'à 2400 m sous la montagne. Des questions de sécurité d‘une grande importance en découlent. L'objectif premier du chemin de fer consiste à acheminer des grands flux de trafic voyageurs et marchandises de manière rapide et fiable, en respectant l‘environnement, et en toute sécurité pour l'homme et la nature.

Aujourd'hui, les exigences posées aux nouvelles lignes ferroviaires en matière de sécurité sont bien plus élevées que par le passé. L'on peut ainsi, d'une part assurer la sécurité des voyageurs, et d'autre part lutter activement contre les risques particuliers liés à des vitesses plus élevées et à des tunnels plus longs. Non seulement les ferroviaires se sont attachées à améliorer la sécurité de leur propre initiative, mais la législation a également évolué dans le même sens depuis les années 60. Les lois sur la protection de l'environnement ainsi que les objectifs de sécurité définis par les chemins de fer et les autorités ont pour but de mieux protéger la population et l’environnement contre les accidents.

Le tunnel de base du St-Gothard – comme les autres tunnels de base prévus sous l'Arc alpin, à savoir sous le Brenner et le Mont d’Ambin – comprend deux tubes ferroviaires à simple voie avec des stations d’arrêt d’urgence, sans galerie de service. En comparaison, le tunnel de 52 km sous la Manche se compose de trois tubes, deux galeries ferroviaires et une galerie de service et de sauvetage, mais ne dispose d’aucune station de secours.

Dans le tunnel de base du St-Gothard, les deux stations d’arrêt d’urgence sont placées au tiers, respectivement aux deux tiers de la longueur du tunnel, à la hauteur de Sedrun et de Faido. Elles sont équipées de l'infrastructure nécessaire au sauvetage des voyageurs (issues de secours, éclairage, amenées d'eau et d'air frais). Grâce à ce système, on obtient en quelque sorte une succession de trois tunnels d‘environ 20 km chacun, soit la longueur du tunnel du Simplon, ouvrage qui fait ses preuves depuis 75 ans.

En outre, des galeries transversales relient les deux tubes du tunnel de base du St-Gothard tous les 325 m. Pour le cas extrêmement improbable de l’arrêt d'un train entre les stations de secours, les voyageurs utilisent ces liaisons comme issues de secours pour accéder à l'autre galerie. Un grand nombre de mesures de sécurité sont prévues afin d’éviter autant que faire se peut les accidents dans le tunnel de base.

Ainsi, des capteurs détectent d‘éventuelles irrégularités tels qu’une surchauffe des freins sur tous les trains avant leur entrée dans le tunnel. Si un incident se produit malgré tout, les trains suivants sont stoppés avant leur entrée dans le tunnel pour éviter de bloquer l’accès des secours. Le système de gestion du trafic arrête aussi immédiatement les trains qui suivent le train accidenté dans le tunnel, alors que ceux qui le précèdent en sortent. Dans l’autre tube, la vitesse des trains est réduite, et les parcours ne sont établis que jusqu'aux stations d’arrêt d’urgence. La probabilité qu'un train voyageurs en feu parvienne à gagner l'air libre ou la station de secours suivante est largement supérieure à 95%. Ainsi, les chances qu'un train en feu s’arrête entre deux stations sont extrêmement faibles (elles ont été estimées à approximativement un cas tous les mille ans). Dans cette éventualité, les passagers rejoignent l’autre tube par les galeries transversales.

D‘autres éléments contribuent à la sécurité dans le tunnel de base du St-Gothard : un nouveau système de " signalisation en cabine " permet de localiser précisément et en permanence chaque train. L’état des signaux et la vitesse maximale autorisée sont transmis d’une part directement dans la cabine de conduite à l’intention du mécanicien, et d’autre part au système d’arrêt automatique qui est chargé d’arrêter immédiatement le train en cas d’erreur humaine. Le système permet ainsi de contrôler étroitement les trains depuis le centre de gestion du trafic. Le système à deux tubes simple voie permet d'exclure les collisions frontales. Un train voyageurs mettra environ 20 minutes pour traverser le tunnel de base du St-Gothard, soit seulement 5 minutes de plus que pour franchir l'actuel tunnel de faîte entre Göschenen et Airolo.

Afin d’éviter des arrêts intempestifs en tunnel, le matériel roulant qui traversera le tunnel de base devra répondre à des normes précises concernant principalement le dispositif de neutralisation de l’alarme et la capacité à rouler normalement au moins 15 minutes en cas de gros incendie. "

 

2.3.1.1.2. – le nouveau tunnel du Lötschberg - Simplon

Autre maillon d’AlpTransit, le tunnel de base du Lötschberg va de Frutigen jusqu'à la vallée du Rhône ; il est prévu à simple voie sur la moitié de sa longueur.

Au nord, l'accès arrivera du Plateau, par la nouvelle ligne Mattstetten - Rothrist de Rail 2000, et au sud par l'actuel tunnel du Simplon.

Devant le coût de ces travaux - 13,6 milliards de francs suisses pour l’ensemble de NLFA alors que le projet de financement des transports publics atteint 30,5 milliards de FS - et donc la recherche d’économies substantielles, l’idée est venue à certains de renoncer à ce second axe. La réponse du Conseiller aux Etats Peter Bieri est édifiante, quant à la nécessaire complémentarité des deux axes :

Les choses ne sont pas si simples, tant il est vrai que l'abandon d'un axe implique le renforcement de l'autre, en l'occurrence celui du Gothard. Les NLFA ne résultent en effet pas de la seule addition des deux axes. Elles représentent une solution globale optimisée. S'y ajoute le fait que le profit et les nuisances sont répartis sur deux axes avec la formule en réseau. Le chemin de fer, respectueux de l'environnement, ne deviendra en effet pas totalement silencieux, quand bien même des progrès importants seront réalisés en matière de protection contre le bruit, aussi bien sur le réseau existant que sur les nouvelles lignes, à la faveur de ce même projet de financement. Grâce à la répartition du trafic sur deux axes, aucune région ne subira par trop de nuisances. Un nombre aussi important que possible de régions de notre pays pourra tirer profit du projet en matière de politique régionale et économique. La Suisse entière participe finalement au financement des projets d'infrastructure des transports publics. Il importe que toutes les parties du pays tirent profit de Rail 2000 et des NLFA et que les agglomérations de Genève, Lausanne, Berne, Bâle, Zurich et St-Gall soient raccordées de manière optimale au réseau européen à grande vitesse. Des études approfondies ont montré que la formule en réseau présentait le meilleur rapport coûts/utilité; un rapport qui serait passablement remis en question en cas de réalisation d'un seul axe. Les dimensions d'un axe unique devraient en effet être revues à la hausse, ce qui ne manquerait pas d'augmenter les contraintes au niveau de l'espace nécessaire et des nuisances. Avec la formule en réseau, nous sommes de surcroît moins dépendants des décisions prises à l'étranger en matière d'investissements. En concentrant le trafic par exemple sur l'axe du Gothard, nous rendrions nécessaire la construction de nombreuses infrastructures dans la région fortement urbanisée de Milan. Vue sous l'angle de la politique nationale, la variante "réseau" satisfait aux principes qui ont fait leurs preuves en matière d'aménagement du territoire et de politique économique et qui visent un habitat et un développement décentralisé de la Suisse. La planification et les travaux préparatoires s'étant concentrés sur cette variante, la construction peut commencer l'an prochain déjà, à condition bien sûr que les citoyennes et les citoyens acceptent le projet de financement des transports publics à fin novembre. La formule en réseau permet de transférer les transports de fret sur le rail. Une grande partie des trains de marchandises devrait continuer à emprunter la ligne de montagne si un seul axe était construit, d'où un coût supérieur de 20% par rapport à la traversée par le tunnel de base. De plus, la qualité des prestations en souffrirait (détournement du trafic, moins de trains pendant la journée, retards, etc.), ce qui détériorerait considérablement la capacité concurrentielle du chemin de fer. La formule en réseau offre également des avantages dans le secteur du transport des voyageurs, davantage de clients bénéficiant des réductions de temps de parcours entre la Suisse et les métropoles des pays voisins. Qu'en est-il sur le plan purement financier? Selon le conseiller fédéral Moritz Leuenberger, l'abandon du Lötschberg permettrait d'économiser au plus 1 à 2 milliards de francs (ce qui équivaut de 3 à 6% des coûts globaux). La raison en est que les capacités et les dimensions du tunnel sur l'axe du Gothard devraient être augmentées à plusieurs endroits. Le Parlement a de ce fait opté en faveur de la construction des deux axes et de leur mise en service échelonnée, d'autant plus que cette variante constitue également la meilleure solution du point de vue économique. "

2.3.1.1.3. – le transport combiné

Le terme " transport combiné " désigne en fait la technique associant plusieurs modes de transport successifs pour l’acheminement d’une même unité de charge. La directive communautaire 92/106 du 7 décembre 1992 définit ces opérations de transport ainsi : " on entend par transports combinés les transports de marchandises pour lesquels le camion, la remorque, la semi-remorque, avec ou sans tracteur, la caisse mobile ou le conteneur de 20 pieds et plus utilisent la route pour la partie initiale ou terminale du trajet et, pour l’autre partie, le chemin de fer ou une voie navigable,… "

La Suisse a développé ce système de transport en privilégiant d’une part le transport de conteneurs, d’autre part ce que l’on désigne généralement par ferroutage ou route roulante. Alors que dans la plupart des pays européens, le trafic du fret ferroviaire n’excède pas 20%, en Suisse il est proche de 80%.

Le transport par conteneurs ou caisses mobiles nécessite une zone d’embarquement et de débarquement particulièrement efficace. La constitution de trains complets semble la solution la plus rationnelle, compte tenu de l’exploitation en navettes.

Votre Rapporteur a visité le terminal d’une compagnie commerciale suisse (HUPAC), installé entre la frontière suisse et Milan, en territoire italien. La grande maîtrise des grutiers, le système d’exploitation en train complet sur des axes bien définis, font que ce système est séduisant. Il nécessite toutefois aux deux extrémités du transport ferroviaire des transporteurs aguerris à ce trafic, et possédant des porteurs en nombre suffisants. Ceci est interdit pratiquement au petit transporteur individuel ; il faut nécessairement une coordination excellente entre les deux segments terminaux du colis.

Le développement des moyens de communication, les systèmes GPS, facilitent le développement de mode de transport ; l’abandon du wagon isolé, qui obligeait à de longues manœuvres dans les gares de triage, était aussi un facteur indispensable pour le transport combiné.

L’autre variante du transport combiné est le ferroutage, appelé " route roulante " en Suisse ou " autoroute ferroviaire " en France. En fait, il existe une nuance dans la conception dans ce mode, le mode suisse, allemand, autrichien ou hongrois visant à utiliser les infrastructures existantes avec du matériel roulant approprié avec des roues de faible diamètre, le mode français visant un matériel roulant à roues normales, mais utilisant une voie aux ouvrages étudiés pour le gabarit embarqué.

Le système suisse est donc constitué d’un ensemble de wagons plats surbaissés, dont le chargement se fait par l’arrière sans possibilité de tri des camions en dehors du quai de chargement. Ce système a l’inconvénient d’immobiliser toute la caravane en cas de panne technique d’un camion sur le train.

Ce manque de souplesse apparent n’empêche cependant pas cette route roulante de bien fonctionner, même si son entretien est très cher, l’usure des roues étant beaucoup plus importantes compte tenu de leur faible diamètre et la vitesse nécessairement limitée pour tenir compte de l’échauffement.

Toutefois le transport combiné est tributaire du " gigantisme " que cherchent à imposer les partisans du tout routier. On assiste depuis plusieurs années à une recherche constante, tolérée ou même encouragée par la Commission européenne, d’un accroissement des gabarits.

Si les conteneurs ou les camions continuent de grappiller, année après année, des centimètres en largeur et en hauteur, le transport combiné deviendra impossible, le passage sous ou sur un certain nombre d’ouvrages étant nécessairement limité.

Longtemps contenu à 2,50 m en largeur, les engins routiers ont de plus en plus une largeur de 2,55 m. A 2,60m, cela sera extrêmement limite dans certains tunnels, à 2,65 m la route roulante ne pourra plus fonctionner.

De même le passage de 38 tonnes à 40 tonnes est imperceptible, l’échelon suivant est à 44 tonnes ; ceci obligera à revoir la conception des wagons porteurs, de les renforcer et d’inclure un boggie supplémentaire. Sans dire ouvertement son hostilité à cette solution plus sûre au niveau de la sécurité et du confort de la population, le lobby du " tout camion " fait en sorte de rendre toutes les situations alternatives incompatibles avec le matériel en service.

2.3.1.2. – les tunnels italiens

C’est en 1986 que les pompiers italiens se sont préoccupés de l’amélioration de la sécurité dans les Ferrovie dello Stato (FS). Les FS ont alors publié un recueil de normes concernant les tunnels d’une longueur comprise entre 5 et 20 km, pour les conduites d’eau, les itinéraires de secours, les illuminations. Les tunnels de longueur inférieure à 5 km n’ont pas fait l’objet d’étude ni de recommandations, les tunnels de longueur supérieure à 20 km devront faire l’objet d’une étude particulière.

Pour les 35 tunnels de l’étude, des plans d’urgence sont élaborés avec les services d’incendie, en répartissant les rôles entre les différents partenaires : chemins de fer, protection civile, pompiers, police.. Les Ferrovie dello Stato ont établi un document interne pour définir les responsabilités, et l’ordre d’intervention des différents services. Ces tunnels ne possèdent pas de système de désenfumage.

De l’avis de l’ingénieur MELE, un train ne doit rester en aucun cas bloqué dans un tunnel. Ce fut pourtant le cas dans un tunnel de la ligne Lyon – Turin en 1997 où un train a brûlé sans dommage pour le revêtement intérieur du tunnel.

Des modifications dans les consignes données aux conducteurs de locomotives vont donc être formulées. Tout comme doit être entrepris un vaste programme d’accessibilité par voie carrossable pour toutes les têtes de tunnels ferroviaires.

Pour un avenir plus rationnel entre les modes de transport, le problème de gabarit semble primordial à l’ingénieur MELE ; la réussite du ferroutage passe par l’acceptation de la part des transporteurs routiers du respect des gabarits de leurs engins routiers.

Le Président du Conseil supérieur des travaux publics, le professeur MISITI, pense que les traversées alpines ne peuvent se satisfaire d’un seul tunnel ferroviaire supplémentaire. Le tunnel routier sous le Mont-Blanc est techniquement dépassé, et les quelques améliorations qui pourraient y être apportées pour permettre sa réouverture ne seront pas suffisantes pour garantir la sécurité. Les investissements nécessaires à cette mise en conformité acceptable seront équivalents à la construction d’un tunnel neuf. Pour remplacer un tunnel routier, en terme de débit horaire, il faudrait 6 à 7 tunnels ferroviaires.

Compte tenu de l’augmentation des flux, les infrastructures actuelles seront nettement insuffisantes, et la solution la plus pertinente serait de prévoir une coexistence des différents modes de transport.

 

2.3.1.3. – les tunnels autrichiens

Lors des négociations d’adhésion à l’Union européenne, l’Autriche avait pris l’engagement de réaliser cinq grands projets de liaison ferroviaire à grande vitesse suivants :

- l'axe du Brenner

- le " Donauachse "

- le " Pontebbaachse "

- le " Pyhrn-Schoberpassachse "

- le " Tauernachse "

Le projet concernant l'axe du Brenner figure parmi les 14 projets prioritaires d'infrastructures des réseaux transeuropéens sélectionnés par le Conseil européen d'Essen en décembre 1994.

Cet axe ferroviaire reliera Munich à Vérone, par le territoire autrichien. D’une longueur de 409 km, dont 165 km de Munich à Innsbrück, puis 55 km de tunnel de base du Brenner, d'Innsbruck au nord, à Franzenfeste au sud-Tyrol en Italie, ce tunnel sera construit, presque à parité de longueur sur les territoires de l'Autriche et de l'Italie. Enfin le dernier tronçon d'une longueur de 189 km reliera Franzenfeste à Vérone.

La liaison Munich – Vérone sera de 3 heures pour les trains de marchandise avec une vitesse de pointe de 160 km/h et de 152 minutes pour les trains de voyageurs, avec une vitesse maximale de 250 km/h. 58% de la liaison sera constituée par des tunnels, ce qui nécessitera 30 ans de travaux dont 8 ans pour la construction du tunnel de base.

Le coût total des travaux (évaluation 1996) est de 43 milliards ATS pour la liaison Munich – Innsbrück, de 53 milliards ATS pour la construction du tunnel de base, et de 79 milliards ATS pour le tronçon Franzenfeste – Vérone :

Le financement du projet est prévu pour 60% du financement à l’initiative privée, 40% étant à la charge des Etats. Chaque pays supporte le coût des travaux de construction du tronçon réalisé sur son sol : Italie 60%, Allemagne 12% et Autriche 28%. Cependant le financement du tunnel de base reste un sujet de discorde, l’Allemagne étant le grand bénéficiaire du tunnel.

Le " Donauachse " fait partie des magistrales suivantes :

- Paris – Munich – Salzbourg – Wels – Linz - Saint-Polten - Vienne

(au nord : Bratislava, au sud : Budapest).

- Hambourg – Nuremberg – Passau – Wels – Linz - Saint-Polten - Vienne

Ce projet s'inscrit dans le cadre de la politique de modernisation menée depuis les années 1980 par les Chemins de fer autrichiens et qui concerne particulièrement les axes de grande fréquentation, Salzbourg - Vienne et Vienne - Graz qui recueillent plus de 50% du trafic de passagers et de marchandises. L'objectif est d'améliorer les cadences sur le réseau et de rendre possible des liaisons pouvant atteindre 200 km/h.

Il a été décidé de porter le tronçon Vienne - Wels de 2 à 4 voies pour un coût de 65 milliards ATS (en incluant la construction du tunnel de Lainzer devant relier les réseaux ouest et sud à Vienne), cette décision est ferme et financée. Par contre le tronçon Wels - Salzbourg ne bénéficie d’aucune décision de réalisation, ni d'affectation de financement.

Le " Pontebbaachse " est une liaison à grande vitesse reliant le sud de l'Europe au nord- est avec deux variantes terminales : Udine – Tarvisio – Pontebba – Villach – Klagenfurt – Graz - Vienne puis Varsovie ou Prague.

Il s'agit d'un projet à perspective 2015, dont le financement total n'est pas encore assuré. Son coût total est estimé à 75 milliards ATS. Certaines parties, comme le tunnel de base du Semmering dont l’estimation est de 15 milliards ATS devront recueillir des fonds privés. Si pour la région de Vienne, les 10 milliards ATS sont disponibles, il n’en est pas de même pour la ligne de Graz à Villach où il reste 10 milliards ATS à financer.

Le projet de ligne de Pyhrn à Schoberpassachse consiste à mettre aux normes à grande vitesse et à l'horizon 2015, la liaison Prague – Ratisbonne – Graz - Maribor ( en Slovénie), puis vers la Croatie.

De même, le projet " Tauernachs " consiste à mettre aux normes à grande vitesse et à l'horizon 2015, la liaison (Munich- Salzbourg) - Bischofshofen - Villach avec deux variantes, l'une vers l'Italie, l'autre vers la Slovénie.

Dans la plupart de ces projets, des tunnels sont à percer, le plus important étant le Semmering, dont la conception est inspirée de celle du Tunnel sous la Manche. Le Directeur Général des ÖBB Helmut Hainitz rappelait à ce sujet qu’un tunnel dont la longueur excédait 5 km devait nécessairement être un tunnel bitube.

La question en suspens était la possibilité dans ces tunnels qu’un train rapide de voyageurs puissent doubler un train de marchandises. Ceci semble en contradiction totale avec la volonté du ministère des transports, opposé à la présence d’aiguillages dans les tunnels et imposant un aménagement des horaires pour éviter les croisements sous tunnel de rames voyageurs avec des trains comportant des matières dangereuses.

Le calendrier des modernisations des tunnels ferroviaires des Tauern et de l’Arlberg n’est pas fixé, mais il est envisagé de créer les galeries transversales permettant à ces tunnels ferroviaires de communiquer avec les tunnels routiers.

Le ferroutage existe bien sûr en Autriche, mais apparaît aux yeux de dirigeants des OBB comme une exigence " populiste ", la capacité de la " route roulante " telle que conçue actuellement étant trop faible. C’est pourtant près de 90 000 camions par an qui empruntent cette " route roulante " avec la Hongrie, alors qu’en Nord-Sud, le ferroutage absorbe 160 000 camions. Toutefois la performance de la " route roulante " autrichienne est quasiment équivalente à celle du transport non accompagné, entre 9 et 10 millions de tonnes par an.

 

2.3.2. – Eurotunnel

2.3.2.1. – l’historique

En mars 1985, a lieu le lancement par les Gouvernements français et britannique d’une consultation internationale pour la conception, la construction, le financement et l’exploitation d’une liaison fixe à travers la Manche.

Le 20 janvier 1986, le choix du projet de double tunnel ferroviaire fixé par les gouvernements français et britannique est arrêté, ce qui se traduit le 12 février 1986 par la signature du Traité franco-britannique sur le Tunnel sous la Manche (Traité de Canterbury).

Le 14 mars 1986 a lieu la signature du contrat de concession entre les gouvernements français et britannique et France Manche et CTG.

Le 13 août 1986, le groupe Eurotunnel est constitué.

Enfin, le 29 juillet 1987, le Traité de Canterbury est ratifié.

Le 15 décembre 1987, commence le creusement.

Le 1er décembre 1990 voit la première jonction historique sous la Manche entre les équipes française et britannique dans le tunnel de service à 15,6 km de la France et à 22,3 km de l’Angleterre.

Le 28 juin 1991, dernière jonction sur le tunnel ferroviaire nord entre les équipes françaises et anglaises.

Le 10 décembre 1983, " Trans Manche Link " (10 constructeurs français et britanniques) livre l’ouvrage à Eurotunnel.

Le 6 mai 1994 a lieu l’inauguration officielle par la Reine Elisabeth II d’Angleterre et le Président de la République française François Mitterrand.

Le premier train de marchandises passe le 1er juin 1994 dans le Tunnel sous la Manche.

L’ouverture commerciale du service navettes poids lourds a lieu le 25 juillet 1994,tandis que le 14 novembre passe le premier Eurostar en exploitation commerciale dans le Tunnel sous la Manche.

Le 22 décembre 1994 l’ouverture commerciale du service navettes passagers est effective et il faut attendre le 26 juin 1995 pour l’ouverture commerciale du service navettes passagers pour les autocars.

2.3.2.2. – présentation du tunnel

Le système Eurotunnel comporte deux tunnels ferroviaires encadrant un tunnel de service. Ces tunnels sont longs de 50 km environ, dont 37 km sous la Manche. Les tunnels ferroviaires relient les terminaux de Coquelles dans le Pas-de-Calais et de Cheriton dans le Kent.

Des raccordements du système propre à Eurotunnel existent avec les réseaux ferroviaires exploités par la SNCF en France et Railtrack en Grande-Bretagne. Le tunnel ferroviaire nord est normalement dédié au trafic de la Grande-Bretagne vers la France, et le tunnel ferroviaire sud au trafic de la France vers la Grande-Bretagne.

Le tunnel de service, remplit trois fonctions de sécurité principales:

- assurer la ventilation normale des tunnels,

- constituer un refuge sûr pour les voyageurs et les membres d'équipage,

- en toute circonstance, permettre l'arrivée rapide des secours.

Quatre catégories de trains utilisent le tunnel:

- les navettes touristes à double et simple pont transportant respectivement des automobiles et des autocars,

- les navettes poids-lourds transportant camionnettes et camions. Ces deux premières catégories de trafic sont exploitées par Eurotunnel et s'effectuent "en circuit fermé" de terminal à terminal.

- les trains de voyageurs. Actuellement, seuls rentrent dans cette catégorie les trains à grande vitesse, dits Eurostar, assurant les relations Paris-Londres et Bruxelles-Londres;

- les trains de fret entre le chantier de Fréthun en France et celui de Dollands Moor en Grande-Bretagne.

Les trains navettes poids-lourds sont composés de deux rames de wagons et d'une voiture-salon pour les conducteurs de camions encadrées par deux locomotives. Une rame comprend 14 ou 15 wagons porteurs encadrés par deux wagons chargeurs/déchargeurs. Leur équipage comprend 3 personnes : le conducteur et les 2 agents de la voiture-salon.

Les wagons porteurs sont à claire voie. Leurs dimensions sont les suivantes : longueur 20 m, largeur 4,20 m et hauteur 5,58 m. Ils sont capables de transporter des camions d'une masse maximum de 44 tonnes. Les wagons sont équipés de vérins qui s'appuient sur les rails pendant les périodes de chargement et de déchargement pour éviter le renversement ou des mouvements excessifs des wagons chargeurs. Les trains ne peuvent rouler que vérins relevés. Leur position est donc contrôlée ; en cas de discordance, une lampe STOP s'allume en cabine de conduite et commande l'arrêt au conducteur.

Les wagons chargeurs/déchargeurs sont équipés de vérins et de plats-bords rabattables pour permettre le chargement des camions. La position de ces équipements est également contrôlée. Chaque wagon chargeur/déchargeur est muni à une extrémité de deux unités de détection d'incendie, disposant chacune d'une crosse d'aspiration et d'une détection de fumée. Les informations d'état de ce système sont rapatriées sur le pupitre du poste de travail du chef de train situé dans la voiture-salon. Les alarmes y sont également transmises ainsi qu'en cabine de conduite.

La voiture-salon est normalement située derrière la locomotive de tête du train. Elle peut accueillir au maximum 52 passagers. Son équipage se compose d'un chef de train et d'un agent chargé de servir des repas et des boissons aux passagers. Les matériaux de construction de la voiture-salon respectent des normes sévères en matière de résistance au feu, d'émission de fumées, de toxicité et de risque d'inflammation. Les parois d'extrémité de cette voiture sont coupe-feu 30 minutes. Les portes latérales sont munies de joints gonflables. La voiture-salon est climatisée.

Les moyens de communication à bord d'une navette poids-lourds comprennent :

- la radio sol-train en cabine de conduite,

- la radio concession, sur téléphone en cabine de conduite et sur le pupitre du chef de train, ou par radio-portable, à l'usage du chef de train et du conducteur,

- un téléphone d'urgence entre la cabine de conduite et le pupitre du chef de train,

- la sonorisation de la voiture-salon depuis le pupitre du chef du train.

Les trains navettes touristes sont conçus pour transporter les passagers avec leur véhicule (automobile ou autocar) ; les wagons des trains - navettes touristes sont entièrement fermés et climatisés. Un train navette touriste se compose normalement de deux locomotives encadrant deux rames : une rame de wagons double pont et une rame de wagons simple pont. Une rame de wagons se compose de 12 wagons porteurs encadrés par 2 wagons chargeurs/déchargeurs. Les wagons porteurs possèdent, par pont et à chaque extrémité, une barrière coupe feu mobile munie de portes qui est fermée avant le départ du train (résistance au feu de 30 minutes). Chaque pont est équipé d'un système de détection et d'extinction automatique d'incendie.

L'équipage d'une navette touristes comprend 8 personnes au total : le conducteur, le chef de train, 2 agents patrouilleurs dans la rame simple-pont et 4 dans la rame double-pont. Le poste de travail du chef de train est situé dans la cabine de conduite de la locomotive arrière. Il permet notamment le contrôle du système de détection - extinction d'incendie et une surveillance vidéo de l'ensemble des ponts.

Les trois tunnels sont revêtus de voussoirs en béton armé ou en fonte en certains endroits. Le diamètre nominal des tunnels ferroviaires est de 7,60 , celui du tunnel de service de 4,80 m. Dans chaque tunnel ferroviaire existe un trottoir situé côté tunnel de service destiné à l'évacuation des passagers et des équipages en cas d'incident et, en face, un trottoir technique pour la maintenance ou la visite des trains en cas de panne.

Les tunnels ferroviaires sont reliés au tunnel de service par des rameaux de communication tous les 375 m environ. Les rameaux de communication comportent, côté tunnel ferroviaire, une porte coupe feu normalement fermée. Des rameaux de " pistonnement " d'un diamètre de 2 m relient également les deux tunnels ferroviaires tous les 250 m environ pour mieux répartir la pression de l'air au passage des trains et diminuer la résistance aérodynamique. Les rameaux de " pistonnement " comportent un clapet d'obturation normalement ouvert.

Deux communications croisées ferroviaires ont été réalisées sous mer, permettant de passer d'un tunnel à l'autre en cas de travaux d'entretien dans l'un d'entre eux, ainsi que deux communications terrestres. Les communications croisées sous mer sont équipées de portes coupe-feu télécommandées depuis le centre de contrôle ferroviaire. Lorsqu'elles sont fermées, ces portes séparent physiquement les deux tunnels ferroviaires. Chaque tunnel est ainsi divisé en trois intervalles d'une longueur approximative de 17 km.

Les principaux équipements fixes installés dans les tunnels sont :

- une canalisation d'eau, dans le tunnel de service, pour la lutte contre l'incendie raccordée, au droit de chaque rameau de communication, à des bouches d'incendie situées tous les 125 m, dans les tunnels ferroviaires,

- un système de refroidissement consistant en des canalisations parcourues par de l'eau réfrigérée,

- un système d'éclairage, commandé localement ou depuis le centre de contrôle ferroviaire,

- un système de drainage des eaux d'infiltration,

- un système de radio dit radio sol-train permettant aux conducteurs des trains d'être en contact permanent avec le centre de contrôle ferroviaire,

- un système de radio dit radio-concession permettant à tout agent muni d'un téléphone portable d'être en contact avec le centre de contrôle ferroviaire,

- un système de radio dit radio tactique à l'usage exclusif des services de secours,

- le système téléphonique d'exploitation et d'urgence permettant de relier, notamment, tous les rameaux de communication au centre de contrôle ferroviaire,

- le système téléphonique administratif qui relie les bâtiments et les bureaux des deux terminaux, ainsi que tous les locaux techniques,

- un système de sonorisation dans le tunnel de service au droit des rameaux de communication.

Deux systèmes ont joué, par ailleurs, un rôle de premier plan lors de l'accident du 18 novembre 1996 : la ventilation et la détection incendie en tunnel.

Le système de ventilation est en fait constitué de deux systèmes distincts : le système de ventilation normale et le système de ventilation de secours.

Le système de ventilation normale assure notamment les fonctions suivantes :

- alimentation des tunnels en air frais,

- maintien du tunnel de service dans son rôle de refuge sûr en cas de feu ou de pollution d'un tunnel ferroviaire.

Il comporte deux centrales, l'une à Shakespeare Cliff, l'autre à Sangatte. Chaque centrale comprend deux ventilateurs motorisés à pales à pas réglable, chacun étant capable de fournir la totalité du flux d'air requis. Le système de ventilation normale fonctionne en aspirant l'air extérieur par les bouches d'admission pour le souffler vers le tunnel de service par les puits de ventilation. Le tunnel de service est maintenu en surpression par rapport aux tunnels ferroviaires. Il y a un sas à chaque extrémité. L'air frais est distribué sur toute la longueur des tunnels ferroviaires par des unités de distribution d'air à sens unique et à débit réglable installées dans certains rameaux de communication (38 par tunnel ferroviaire). Cette surpression permet également d'assurer l'effet bulle d'air : en cas de fumées dans un tunnel ferroviaire, l'ouverture d'une porte de rameau de communication crée un courant d'air suffisant pour les disperser localement.

Le système de ventilation supplémentaire n'est utilisé que dans des conditions d'exploitation particulières. Il permet d'établir certaines conditions de flux d'air dans les tunnels ferroviaires en configurant le débit et la direction des ventilateurs de chaque centrale. Ses deux principales fonctions sont les suivantes :

- assurer le désenfumage de la zone où se trouvent les passagers en cas d'arrêt d'un train avec feu non confiné,

- permettre aux services de secours d'accéder au site d'un incident en cas de feu dans un tunnel ferroviaire.

Il comporte aussi deux centrales situées l'une sur le site de Shakespeare Cliff, l'autre sur celui de Sangatte. Ces centrales sont physiquement et aérodynamiquement séparées de celles du système de ventilation normale. Chaque centrale comprend deux ventilateurs motorisés avec pales à pas réglable, chacun capable de fournir la totalité du flux d'air requis.

Le système de détection incendie dans les tunnels ferroviaires a pour fonction essentielle de détecter un feu non confiné à bord des trains en mouvement, notamment les trains de fret et les trains de poids lourds. Le système comporte 33 stations de détection par tunnel ferroviaire. Ces 66 stations sont raccordées, deux par deux, une en tunnel nord, l'autre en tunnel sud, à 33 centrales d'analyse locale situées dans des rameaux de communication ; ces centrales transmettent les alarmes aux centres de secours du tunnel et au centre de contrôle ferroviaire.

Chaque station de détection comporte :

- une détection de flamme au moyen de capteurs ultra violet et infra rouge,

- une détection de fumée au moyen de capteurs optique et ionique,

- un système de contrôle du monoxyde de carbone (CO) au moyen d'un capteur de CO et de buses d'aspiration situées en circonférence du tunnel permettant de diriger les gaz sur les cellules d'analyse des stations de détection.

Le système est doté des redondances nécessaires pour pouvoir continuer à fonctionner en cas de défaillance d'une unité de détection. Afin de se prémunir contre les conséquences des déclenchements intempestifs, les alarmes émises par le système ont deux niveaux : alarme simple et alarme confirmée. Une alarme simple est provoquée par le déclenchement d'un détecteur ionique seul ou d'un détecteur optique seul. Une alarme confirmée résulte soit du déclenchement d'un détecteur de flamme, soit du déclenchement conjoint d'un détecteur ionique et d'un détecteur optique. Toutes les alarmes simples sont envoyées simultanément aux centres de secours britannique et français afin que ceux-ci préviennent l'équipe de première ligne de réponse des secours. Afin de ne pas submerger le centre de contrôle ferroviaire d'alarmes intempestives, seules les alarmes confirmées lui sont retransmises.

Chaque tunnel ferroviaire comprend une seule voie ferrée à écartement standard composée de longs rails soudés posés sur une dalle en béton par l'intermédiaire de blochets en béton armé sans entretoise et deux trottoirs (l’un réservé aux travaux d’entretien et l’autre plus large, prévu pour les besoins d’évacuation en cas d’urgence, situé du côté du tunnel de service). La configuration des trottoirs est conçue pour permettre aux navettes de rester d’aplomb et de poursuivre leur trajet en ligne droite en cas de déraillement.

L'alimentation électrique des locomotives, en 25 000 volts, courant monophasé, est assurée par caténaire. Des sectionneurs sont installés tous les 1 200 mètres en tunnel ce qui permet, en cas de besoin, d'isoler électriquement en tout point des sections de caténaire sur une longueur minimale de 1 200 mètres.

Le système de signalisation ferroviaire dans les tunnels ferroviaires et sur les voies principales des terminaux est du type "en cabine", les indications de la signalisation étant présentées au conducteur sur son pupitre. Par ailleurs, un contrôle de vitesse associé permet d'arrêter automatiquement les trains en cas d'erreur de conduite. Le système de signalisation ferroviaire permet également de maintenir automatiquement une distance minimum de 4 kilomètres entre l'arrière d'un train navette poids-lourds et le train suivant afin d'éviter qu'en cas d'incendie ce dernier pénètre dans le nuage de fumée.

Bien qu'il existe un sens normal de circulation, le système de signalisation permet l'exploitation de chaque tunnel ferroviaire dans les deux sens. Ainsi, en cas de travaux dans un intervalle, l'intervalle correspondant dans l'autre tunnel est exploité en mode dit "à voie unique", en faisant passer des batteries de trains alternativement dans un sens puis dans l'autre.

Les terminaux français et britannique relient le système Eurotunnel aux réseaux routiers britannique et français. Ils assurent les entrées et sorties des véhicules routiers, ainsi que leur chargement et déchargement sur et hors des navettes. Ils comportent notamment des zones d'ateliers où est entretenu le matériel roulant d'Eurotunnel, des zones de chantiers où sont formés les trains de travaux, des bâtiments administratifs, les centres de contrôle du trafic ferroviaire, les postes de commandement opérationnel, les centres de contrôle routiers qui assurent la gestion du trafic routier ainsi que des équipements non ferroviaires, et les centres de secours. Pour le traitement des véhicules routiers et de leurs passagers, les terminaux comportent des zones de péages, des zones de contrôles frontaliers et de sûreté, des zones de commerces, des zones d'affectation, où les véhicules sont ordonnancés puis stockés avant l'embarquement, et des plates-formes de chargement.

Il existe sur chaque terminal une voie d'urgence destinée à recevoir les trains en situation d'urgence. Ces voies disposent d'un quai pour l'évacuation, de protections contre les effets d'une explosion et d'équipements pour la lutte contre l'incendie.

L'activité de maintenance des matériels roulants est localisée en fonction de la nature des interventions. Elle comporte :

- une activité de diagnostic et dépannage pratiquée sur les plates-formes de chargement de Coquelles et Folkestone

- une activité de maintenance en navette, qui s'effectue sans désaccouplement ni manœuvre (dans un bâtiment de maintenance spécifique d'une longueur totale de 828 m inauguré en 1998 sur le site de Coquelles : c'est le bâtiment de maintenance ferroviaire le plus long du monde)

- les entretiens préventifs approfondis qui sont effectués sur les véhicules ou triplettes touristes (groupe de 3 wagons porteurs), séparés des navettes.

Le département de la maintenance du matériel roulant d'Eurotunnel emploie directement environ 500 personnes auxquelles il convient d'ajouter une centaine de personnes salariées de fournisseurs et d'entreprises sous-traitantes qui interviennent sur le site.

La fonction de contrôle et de commande centralisés des opérations ferroviaires sur l'ensemble des voies principales est assurée par le centre de contrôle ferroviaire. Le centre de contrôle principal, normalement opérationnel, est installé sur le terminal britannique. Le centre de contrôle de secours est installé sur le terminal français. Chaque centre de contrôle est en outre responsable du contrôle local de sa zone de garage et d'entretien.

Le centre de contrôle ferroviaire dispose de relations radios et téléphoniques avec l'ensemble des opérateurs et gère notamment les deux systèmes fondamentaux suivants :

- le système de gestion du trafic ferroviaire pour effectuer la commande, le contrôle et le suivi des mouvements des trains ; le système permet en particulier d'agir sur la signalisation ferroviaire ;

- le système de gestion des équipements fixes qui permet le suivi de l'état et la commande de tous les autres équipements (ventilation, alimentation électrique des trains, éclairage, portes des rameaux de communication, portes de traversées jonctions).

Le poste de commandement opérationnel (PCO, en anglais : incident coordination center, ICC) se trouve dans le bâtiment abritant les centres de contrôle. Il est activé en cas d'accident nécessitant l'intervention des services publics de secours. Un poste pilote est activé sur le territoire de l'Etat où s'est produit l'accident et un poste renfort est mis en place sur le terminal opposé afin d'assurer un appui et de fournir les renseignements et ressources de renfort nécessaires. Le poste de commandement opérationnel dispose d'équipements de contrôle du système de gestion du trafic ferroviaire et du système de gestion des équipements fixes, ainsi que des ressources en communications nécessaires, tant vers l'extérieur que vers les différents centres d'Eurotunnel et les postes de commandement avancés.

Les centres de secours sont des bâtiments situés à proximité de la route d'accès au portail du tunnel de service. Ils abritent la première ligne de réponse (services internes de secours d'Eurotunnel) et les moyens spécifiques d'intervention en tunnel utilisés par ces équipes ou par les services publics de secours.

Les centres de gestion des équipements de protection incendie sont situés dans les centres de secours. Ils sont dotés des équipements nécessaires pour assurer le contrôle du fonctionnement des systèmes de détection incendie dans les tunnels ferroviaires ainsi que les systèmes d'extinction installés dans les salles techniques. Ils assurent aussi la gestion et le contrôle de tous les véhicules spécialisés autorisés à entrer dans le tunnel de service.

Le Tunnel sous la Manche est contrôlé par un organisme indépendant, dédié à la sécurité du tunnel : la Commission de sécurité, qui conseille et assiste la Commission intergouvernementale (CIG), sur tous les points concernant la sécurité et vérifie que les lois nationales et internationales sur la sécurité sont appliquées sur le lien fixe.

Les principaux risques de fonctionnement ont été considérés comme partie intégrante de l’étude globale de sécurité Eurotunnel. Ce document officiel contient une analyse de risque et une estimation de celui-ci pour toutes les activités de bases. Cette étude est utilisée comme point de référence pour tout changement. Une analyse de risque supplémentaire, est effectuée sur tout projet de changement, afin de s’assurer que ce changement améliorera de manière plus approfondie la sécurité des clients et du personnel. Ainsi le document est continuellement remis à jour à la lumière de l’expérience et des développements technologiques les plus récents.

Le 25 novembre 1991, les gouvernements du Royaume Uni et de France ont signé un protocole qui a notamment établi les principes de coopération dans le domaine de la sécurité publique et de l'assistance mutuelle. Ce protocole requiert que les modalités d'interventions communes des services publics de secours des deux Etats soient fixées par des procédures élaborées par les autorités nationales compétentes. Le plan d'urgence binational, dit BINAT, répond à cette exigence.

L'article 11.3 du traité de Canterbury précise par ailleurs qu'en cas d'urgence il appartient au Président du Comité de Sécurité, ou à son délégué, de prendre les mesures nécessaires à la sécurité des personnes et des biens dans le tunnel. Pour s'acquitter de cette mission, le Président du Comité de Sécurité a donné les délégations nécessaires aux personnes suivantes: au Royaume-Uni, le chef de la Kent Fire Brigade, le chef de la Kent County Constabulary et le chef de la Kent Ambulance NHS Trust, en France, le préfet du Pas-de-Calais. Les responsabilités inhérentes sont décrites dans le plan BINAT.

Par ailleurs, les plans suivants existent :

- plan d'intervention d'urgence d'Eurotunnel,

- plan de secours spécialisé du tunnel sous la Manche des services de secours du Pas-de-Calais

- et les plans d'intervention d'urgence du tunnel sous la Manche de la Kent Fire Brigade, la Kent County Constabulary et la Kent Ambulance NHS Trust.

Ces plans sont mis en œuvre seuls ou conjointement, suivant la nature de l'accident. Les dispositions du plan BINAT entrent en application quand un accident requiert des moyens supérieurs à ceux que peut mettre en œuvre l'Etat où s'est produit cet accident.

La documentation traitant des règles d'exploitation, au regard notamment de la sécurité, est divisée en trois niveaux:

- les dispositions de sécurité,

- les principes d'exploitation

- et les instructions d'exploitation encore appelées procédures.

Les dispositions de sécurité définissent les principes fondamentaux et les paramètres généraux qui gouvernent l'exploitation du système. Elles sont approuvées par la Commission Intergouvernementale. Les principes d'exploitation définissent les bases de l'exploitation des différents systèmes. Les procédures détaillent les actions requises des opérateurs dans la pratique de leur métier.

L'état des différents équipements fixes (ventilation éclairage, portes des rameaux de communication, drainage,...) fait l'objet d'un suivi. Un principe d'exploitation, intitulé " Conditions minimales d'exploitation ", définit précisément pour chaque sous système:

- les conditions nominales d'exploitation;

- les conditions minimales pour une exploitation commerciale normale;

- les modes dégradés d'exploitation acceptables en fonction du niveau de disponibilité ou de performance résiduelle.

Le transit des matières dangereuses à travers le Tunnel est soumis à une réglementation plus restrictive que la réglementation internationale relative au transport de ces matières par voie ferrée ou par route. Certaines matières sont en effet totalement interdites au transit, d'autres sont acceptées sous des conditions soit de limitation de la quantité totale transportée soit, à la fois, de limitation de la quantité transportée et de conditionnement. Cette politique s'applique au transport par route et par rail qu'il s'agisse des camions passant dans le tunnel sur les navettes poids-lourds d'Eurotunnel ou des trains de fret susceptibles de transporter des matières dangereuses.

Concrètement, cette politique s'applique de deux manières. Les réseaux ferrés communiquent, par télécopie, au centre de contrôle ferroviaire d'Eurotunnel, les informations concernant la présence de marchandises dangereuses dans un train (nature des marchandises, quantités et position des wagons dans le train). Pour les véhicules fret, le règlement d'Eurotunnel prévoit une procédure spécifique. Les camions transportant des matières dangereuses doivent présenter, à leur passage au péage, au contrôleur matières dangereuses d'Eurotunnel, leur déclaration du chargement transporté. Le contrôleur vérifie la conformité de ce chargement avec le règlement "matières dangereuses" d'Eurotunnel. Parallèlement, il note les références du véhicule et les caractéristiques des marchandises transportées. Une inspection extérieure du véhicule permettant de vérifier le bon conditionnement du chargement complète ce contrôle des documents. La place affectée aux véhicules transportant des matières dangereuses sur chaque navette fait l'objet d'un relevé systématique, transmis au chef de train et au contrôleur matières dangereuses.

Ces dispositions permettent, en cas d'incident, de connaître rapidement, le type, la quantité et la localisation des matières dangereuses à bord d'un train ou d'une navette poids-lourds.

Pour parfaire la sécurité, la formation du personnel est importante. Tous les employés d’Eurotunnel doivent répondre à certaines exigences rigoureuses en matière de sécurité et de santé. Tous ceux qui sont en poste dans des secteurs sensibles pour la sécurité doivent subir une formation préalable et doivent passer des tests. Ils doivent repasser ces tests au moins tous les trois ans. Les programmes de formation comprennent des tests pratiques. Des simulateurs sont aussi utilisés lors des exercices de sécurité qui sont effectués régulièrement pour s’assurer que l’ensemble du personnel est correctement préparé dans le cas éventuel d’une urgence.

Des exercices réguliers sont menés avec tout le personnel concerné. Par exemple, les équipages des trains s’entraînent régulièrement à l’évacuation d’un seul wagon ou de tout le train. Ceci est souvent fait sans avertissement, et cela implique de vrais passagers afin de s’assurer que l’exercice est aussi réaliste que possible.

Eurotunnel conduit aussi régulièrement d’importants exercices. Parfois, ceci requiert la fermeture du tunnel à tout trafic commercial, afin qu’un scénario complexe et complet puisse être testé convenablement. Les tests sont menés conjointement avec les services d’urgence des deux pays, et sont authentifiés par des membres de la Commission de sécurité, qui par la suite revoient toutes les recommandations découlant des observations faites pendant l’exercice.

Malgré l’importance des mesures venant de la conception originale, Eurotunnel continue à développer et améliorer ses systèmes de sécurité. Les procédures et les exercices sont réévalués à la lumière de sa propre expérience et de celle des autres systèmes de transport, et également en prenant en compte les nouvelles évolutions technologiques.

La société a un système de " reporting " sur les accidents ou incidents, permettant de répertorier et d’analyser tous les accidents intervenus ou les "near misses". Outre le fait de donner à la société des repères par rapport aux autres transporteurs, ces analyses permettent de définir les priorités en matière d’actions et d’investissements futurs.

2.3.2.3. – l’incendie du 18 novembre 1996

Par comparaison avec les incendies ayant eu lieu dans un tunnel routier, et plus particulièrement celui du tunnel du Mont-Blanc, je pense utile de reprendre, sans commentaire, le récit détaillé de celui ayant eu lieu dans le tunnel sous la Manche, le 18 novembre 1996, tel qu’il ressort dans le rapport d’enquête.

2.3.2.4. – les enseignements de l’incendie du 18 novembre 1996

La sécurité est chez Eurotunnel une marque constante d’intérêt. Les 36 recommandations préconisées après l’incendie du 18 novembre 1996 ont été mises en chantier, mais certaines demandent une recherche encore plus active.

Malgré certaines réticences chez quelques membres du personnel, le travail sur simulateur est accru, chaque membre devant s’y soumettre 2 fois par an à terme. Le travail effectué par les équipes de formation semble porter ses fruits.

Il est nécessaire que les personnels destinés au secours puissent acquérir une certaine expérience grâce à la répétition des simulations et exercices divers. Eurotunnel se trouve confronté à un assez fort taux de rotation de son personnel, mais plus inquiétant est la rotation dans les brigades de sapeurs-pompiers du Kent, où le nombre de nouveaux pompiers à chaque exercice est relativement important. Ceci peut nuire à la culture de risque d’un tel ouvrage, et surtout mobiliser des efforts de formation qui pourraient être utilisés plus efficacement dans l’approfondissement des procédures ; recommencer la formation à la base à chaque session de simulation a certes un effet bénéfique quant à l’acquisition de gestes réflexes pour ceux qui connaissent déjà les mesures à prendre, mais ce changement d’un certain nombre de sauveteurs limite certainement la recherche d’une parfaite coordination entre tous les acteurs. Cette amélioration souhaitée ne dépend pas cependant d’Eurotunnel.

La localisation d’un véhicule en feu est toujours délicate. Une recherche plus approfondie, s’appuyant peut-être sur les travaux menés en sismologie, devrait y remédier.

Les recherches qui ont été menées sur les navettes tourisme quand à la brumisation et au compartimentage d’un sinistre, ouvrent certainement de nouvelles voies pour les navettes poids lourds.

La détection visuelle qui s’effectue en bout de quai lors du départ de chaque train est efficace grâce au professionnalisme de l’agent. Mais lorsque les derniers wagons défilent à plus de 60 km/h à son poste d’observation, on peut raisonnablement douter de la pertinence de ce contrôle. C’est un point très net à améliorer. Le passage sous un portique thermique avant l’accès au train, renforcerait certainement les mesures de précaution prises.

2.4. - Les futurs tunnels, presque achevés ou encore au stade de projet

Peu de grands travaux ont été entrepris en dehors des lignes nouvelles à grande vitesse, la tendance étant plutôt à la création qu’à l’amélioration de l’existant.

2.4.1. - Marseille TGV

Ce tunnel a été l’objet de communiqués dans la presse, opposant la SNCF aux divers responsables de la sécurité. En dehors de ces débats médiatiques, plusieurs problèmes se sont fait jour à l’occasion de ce projet, et l’approche du " risque " a été mise en avant dans la réalisation d’un grand ouvrage.

Le tunnel TGV qui constitue la partie finale de la ligne à grande vitesse PARIS- MARSEILLE sera ouvert à la circulation en juin 2001. La vitesse d'entrée par le Nord sera de 230 km/h, la sortie se faisant à la vitesse de 140 km/h. Il constitue l'ouvrage le plus long en France sur ligne TGV.

D'une longueur totale de 7 819 mètres en pente positive N/S de 25‰, il est constitué d’une succession d’ouvrages :

- Tunnel des Pennes Mirabeau : 1 530m

- Tranchée couverte de Bellepierre : 400 m

- Tunnel de Marseille : 5 414 m

- Tranchée couverte de St André : 475 m

Sa section est de 63 m2.

Il comporte deux voies de circulation, et, de chaque côté, en pied droit, une piste de 1,35 m permettant une circulation piétonne.

Une mission mandatée par lettre du 3 septembre 1999 et confiée à M. Alain BODON, inspecteur général de l’équipement et au Colonel Gérard GILARDO, de la DDSC, vient de rendre son rapport en février 2000 et voici leur conclusion : " Il apparaît à la mission que les éléments relatifs à la sécurité des tunnels de Marseille du TGV Méditerranée sont compatibles avec le calendrier de mise en service de la ligne nouvelle à condition que soient prises rapidement les décisions concernant l'équipement des services de secours et que soit mis en œuvre l'essentiel des propositions du présent rapport. Pour l'avenir, il serait souhaitable qu'un dialogue plus étroit et constructif puisse se nouer plus en amont et tout au long de la réalisation d'un ouvrage de cette nature entre les différents services concernés, qui porterait à la fois sur les problèmes liés à l'infrastructure et à l'exploitation, afin que l'ensemble des décisions à prendre en matière de sécurité, qu'elles concernent les équipements ou les procédures, s'effectue d'une manière aussi efficace que possible, au plan technique comme au plan financier. L'exemple des tunnels de Marseille montre bien, en effet, que par delà la conformité globale aux textes existants, il n'est pas possible, seize mois avant leur mise en service, de disposer des plans d'intervention sur la base desquels devraient, en toute logique, être effectués les choix des matériels d'intervention mis à la disposition des services de secours et établies les consignes opérationnelles spécifiques internes à la SNCF. Le calendrier de mise en service des tunnels et les contraintes propres aux commandes d'équipement d'intervention rendent cependant indispensable qu'une décision rapide soit prise sur ce point, alors même que les incertitudes relevées ci-dessus ont sans doute pu conduire les services de secours à retenir une option haute pour se prémunir contre toutes les éventualités susceptibles de survenir lors de la mise en service de l'ouvrage. Le souci du dialogue devra bien sûr se retrouver au niveau de la gestion quotidienne des problèmes liés à l'exploitation et plus encore en cas d'incident ou d'accident, de nombreuses améliorations pouvant encore être apportées en la matière comme en ont témoignées certaines expériences passées. "

Après avoir visité les installations du tunnel à sa tête des Pennes Mirabeau, votre Rapporteur avait tenu à rencontrer les différents protagonistes, SNCF et services de secours. Les services de la Préfecture de Région en charge du dossier avaient donc organiser la réunion de l’ensemble des personnes concernées. Cette réunion a permis de réaffirmer la vocation exclusive " transport de voyageurs " du TGV, les TGV postaux s’arrêtant à Cavaillon, et le TGV fret n’étant pas prévu. Ceci est primordial dans l’appréciation des risques, les rames voyageurs étant très faiblement combustibles en dehors des motrices. La SNCF rappelle que ce tunnel se traverse en moins de deux minutes (230 km/h à l’entrée Nord pour 140 km/h à la sortie Sud), et que du fait des systèmes d’alarme actuels ne bloquant plus le train, le conducteur pourra apprécier l’endroit le plus propice pour s’arrêter, si possible à l’extérieur du tunnel.

Cependant les services de secours maintiennent leurs positions, bien qu’ils reconnaissent certaines avancées. L’inquiétude sur le désenfumage persistera tant que des essais de feu d’un moteur TGV ne sera pas réalisé en grandeur nature, l’évacuation des passagers dans cette fumée restant l’élément primordial.

Il est certainement très regrettable de ne pouvoir disposer en accès de secours des puits d’attaque du tunnel, maintenant comblés, mais le risque d’intrusion malveillante par ces accès était trop important. Plus regrettable est l’impossibilité manifeste de disposer en zone Nord d’un terrain pour y installé un poste médical avancé, d’autant plus que l’intervention des secours et l’acheminement des secours demanderont au moins 20 minutes.

Une réelle étude de danger, à l’instar de celle réalisée pour les ICPE, serait de plus souhaitable, l’analyse des risques réalisée par le bureau d'étude "SECTOR" pour la SNCF en 1995 ne pouvant et ne devant pas être considérée comme l'étude de danger de l'ouvrage. Il s'agit d'une étude à portée générale ayant pour objet d'évaluer de façon probabiliste l'occurrence d'événements redoutés dans les tunnels.

C’est toutefois une base de départ pour une réflexion et il est dommage que cette analyse n'ait été diffusée aux services de secours qu'en juillet 1999.

Ce rapport évalue le risque d'un déraillement, suivi d'un incendie dans le tunnel comme très peu probable mais comme susceptible d'avoir des conséquences catastrophiques. C’est bien à ce type de situation que les services de secours doivent se préparer.

L’absence d'étude réelle sur la sécurité de l'ouvrage et les choix structurels définitifs laissent donc les services de secours devant de grandes difficultés pour concevoir et organiser les opérations de secours dans l'ouvrage.

Dans le cas d'un accident ferroviaire dans le tunnel du TGV Méditerranée, différents paramètres doivent être pris en considération :

- la longueur de franchissement de près de huit kilomètres ;

- le nombre important de passagers ;

- la présence éventuelle d'un incendie, d'une chaleur importante et de fumées toxiques ;

- l'absence de désenfumage.

Les services de secours doivent pouvoir réaliser les opérations de :

- reconnaissance dans un véhicule offrant des conditions de sécurité aux intervenants évoluant dans un milieu hostile ;

- mise à l'abri des personnes impliquées et d'évacuation des blessés ;

- désincarcération, ;

- extinction d'incendie ;

- gestion des phénomènes de panique.

Ni le service départemental des services d'incendie et de secours des Bouches du Rhône, ni le Bataillon de marins-pompiers de Marseille ne disposent de véhicules permettant d'assurer les missions précitées à l'intérieur du tunnel ferroviaire. Les deux organismes ont conduit une étude conjointe où il apparaît nécessaire de prendre en compte certaines différences comme :

- la topographies des sites d'accès,

- la répartition des missions dans le tunnel et sur l'ensemble de la ligne TGV dans les 1es Bouches du Rhône,

- la possibilité de moduler l'emport de matériel.

Deux types de matériel rail-route ont donc été retenus, le SDIS 13 retenant un véhicule sur chenilles, le BMPM optant pour deux véhicules 4 x 4. Les coûts sont très sensiblement différents : 3,9 MF pour le véhicule souhaité par le SDIS et 6 MF pour ceux du BMPM.

Cette différence de matériel peut s’expliquer par la nécessaire complémentarité des interventions, le SDIS intervenant plus en milieu rural, avec donc la nécessité de pouvoir " s’enrailler " à tout endroit accessible, les 4 x 4 le faisant à partir d’une gare ou d’un passage à niveau. Le matériel chenillette peut se déplacer à une vitesse raisonnable sur route, les 4 x 4 sont évidemment plus adaptés à la route.

Or, dans les deux cas, ces engins dont le financement incombe à la SNCF, seront stationnés dans des casernes situées assez loin des têtes de tunnel. Ceci peut paraître incompréhensible quand on sait que les premières minutes sont capitales dans le développement d’un feu. Cette solution paradoxalement semble convenir aux deux parties, la SNCF ne souhaitant pas être dépositaire des engins pour cause de sécurité (risque de malveillance, frais de gardiennage…), les pompiers arguant à juste titre que l’engin doit être disponible pour des exercices fréquents et une surveillance opérationnelle accrue.

Quelle sera la réelle utilité de ces engins s’ils arrivent plus de 30 minutes après le début de l’incendie ? Pour pertinentes soient les réponses fournies, elles ne sont pas convaincantes et il vaut mieux voir dans cette dotation en engins sophistiqués la possibilité d’interventions dans l’ensemble des ouvrages ferroviaires de la région que pour le seul tunnel TGV. Se pose alors la question de savoir si c’est à la seule ligne nouvelle de supporter les frais de ces engins.

2.4.2. - Lyon – Turin

Le projet de nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin est né du constat de la forte croissance du trafic voyageurs et marchandises sur la ligne actuelle et des contraintes qui limitent les performances de la ligne actuelle sur la section entre Saint-Jean-de-Maurienne et Bussoleno.

2.4.2.1. – l’ancienne ligne

L'essentiel du trafic ferroviaire fret qui vient du nord de la France et se dirige vers l'Italie passe par la ligne Ambérieu-en-Bugey - Modane - Turin. Longue de 287 kilomètres, la ligne actuelle Ambérieu-en-Bugey - Modane - Turin se décompose en trois sections qui se différencient principalement par leur profil et leurs caractéristiques géométriques. Entre Ambérieu et Saint-Jean-de-Maurienne (157 km), les déclivités ne dépassent pas 12‰, mis à part en quelques points peu avant Saint-Jean-de-Maurienne (15‰). En revanche, la section de ligne comprise entre Saint-Jean-de-Maurienne et Bussoleno (87 km) est nettement plus pentue. S'inscrivant en fond de vallée (côté français) ou à flanc de montagne (côté italien), elle présente une déclivité équivalente qui, corrigée compte tenu des faibles rayons des courbes, atteint une valeur de 34‰ côté français et 32‰ côté italien. Ce tronçon englobe notamment la traversée de l'arc alpin par le tunnel franco-italien du Fréjus, ouvrage historique de 13,7 kilomètres de long avec un profil en forme de " chapeau de gendarme ". Ce tunnel se caractérise par des rampes qui atteignent 28‰ côté français et 30‰ côté italien. Commencé en 1857 à la barre à mine et à la poudre de guerre, le creusement fut terminé en 1871. Enfin, la section Bussoleno - Turin (43 km) est une ligne de plaine dont la valeur des déclivités ne dépasse pas 11‰.

Ainsi, le tronçon Saint-Jean-de-Maurienne - Bussoleno, très accidenté, conditionne l'exploitation de l'ensemble de la ligne (problème de traction des trains). Outre les passages étroits de la vallée de la Maurienne et du Val de Suse, la ligne doit composer avec les autres voies de communication. De nombreuses courbes et contre - courbes comportent des rayons inférieurs à 400 mètres, ce qui limite la vitesse des trains de voyageurs à 75 km/h et celle des convois de marchandises à 70 km/h. Pour éviter l'échauffement des freins et prévenir l'emballement des trains, ces vitesses peuvent être encore plus faibles dans les fortes pentes. Compte tenu des contraintes liées au relief, la section de ligne Saint-Jean-de-Maurienne - Bussoleno emprunte également de nombreux tunnels. Le gabarit de la ligne est limité par les tunnels situés entre Modane et Bussoleno, dont le tunnel du Fréjus (13,7 km). Même si des adaptations mineures ont permis de dégager un gabarit très légèrement supérieur au gabarit A, celui-ci n'autorise qu'une hauteur totale de 3,90 mètres au-dessus des rails pour 2,50 mètres de largeur.

A partir de Saint-Jean-de-Maurienne, la vallée de l'Arc devient particulièrement étroite. Le faible espace disponible oblige la ligne à progresser en fond de vallée, parfois même le long des versants de montagne.

On note également des installations permanentes de contresens, ce qui permet aux trains de circuler indifféremment sur l'une ou l'autre voie, sauf entre Oulx et Bardonecchia (11 km). Entre Ambérieu-en-Bugey et la gare de Modane, la ligne est électrifiée en 1 500 V continu par caténaire. En un point situé à l'est de Modane, l'alimentation électrique passe en 3 000 V continu, par caténaire également. Les locomotives FS, qui assurent la traction des trains à partir de la gare de Modane, sont donc alimentées en demi-tension jusqu'à une section de séparation 1 500/3 000 V, implantée en sortie est de la gare. Enfin, compte tenu de la longueur utile des voies de garage, la longueur maximale des trains est limitée à 550 mètres. La valeur admise peut néanmoins être réduite, pour certains trains, jusqu'à 400 mètres en raison de la capacité des installations terminales. Ainsi, en gare de Modane, les possibilités de réception des trains sont restreintes. Dans le sens Italie - France, elles se limitent à un faisceau de réception pour les trains venant d'Italie, comportant cinq voies dont la longueur varie entre 410 et 420 mètres, un faisceau de réception pour les trains allant en Italie, situé dans le prolongement, qui se compose de cinq voies d'une longueur variant entre 400 et 580 mètres.

Le tracé en plan et le profil en long de la ligne actuelle sont très contraignants. Il n'est pas envisageable de les améliorer de manière significative. En outre, cette ligne demeure fortement soumise aux risques naturels, ce qui ne permet pas une exploitation performante. En ce qui concerne le gabarit des tunnels, la mise au gabarit B, jugée prioritaire sur l'axe Ambérieu-en-Bugey - Turin, a été réalisée d'Ambérieu à Modane. En 1991, la perspective de réalisation d'une ligne nouvelle entre Lyon et Turin (on parlait d’horizon 2008 !) incitait la SNCF et les FS à stopper le programme envisagé entre Modane et Bussoleno. Seuls quelques aménagements peu onéreux ont permis de passer à un gabarit légèrement supérieur au A (A+).

La section de ligne Saint-Jean-de-Maurienne - Bussoleno présente des déclivités très importantes et des rayons de courbes réduits qui handicapent fortement l'exploitation des trains de fret.

La masse remorquable par une locomotive dépend de sa motorisation et surtout de la limite d'adhérence entre les roues et les rails, même si la masse maximale autorisée de 22,5 tonnes par essieu est utilisée. Par ailleurs, la masse remorquable est conditionnée par la limite de résistance des attelages. Ainsi, la charge maximale admise est limitée à 1 000 tonnes lorsque le profil en long atteint 30‰. En combinant les chiffres de résistance des attelages avec les fortes déclivités qui caractérisent la section, la masse remorquable est actuellement limitée à 600 tonnes pour une locomotive entre Saint-Jean-de-Maurienne et Modane et à 650 tonnes entre Bussoleno et Modane. Au-delà de cette charge, il est nécessaire d'utiliser des locomotives supplémentaires, dont le positionnement en tête ou en pousse est conditionné par la limite de résistance des attelages. Le changement quotidien des locomotives pour chaque train génère par ailleurs de nombreuses difficultés, notamment au début et à la fin de l'itinéraire concerné. Cette situation abaisse la capacité globale de la ligne Ambérieu-en-Bugey - Turin.

En ce qui concerne le fret, le gabarit des tunnels conditionne fortement le type de marchandises transporté et la configuration des wagons qui peuvent être admis sur une ligne ferroviaire. Alors que le dégagement du gabarit B peut être un objectif sur une ligne existante, le gabarit C ne doit s'envisager que sur une ligne nouvelle, ou éventuellement dans le cadre de la reconstruction d'un ouvrage.

En vue d'améliorer les possibilités de la ligne existante Ambérieu-en-Bugey - Turin, Alpetunnel a réalisé une première approche des enjeux relatifs à la mise au gabarit B de l'ensemble des tunnels de la section Modane - Bussoleno.

Les analyses ont fait apparaître que le volume des travaux nécessaires pour dégager le gabarit B engendrait des délais et des coûts très élevés. Ces aménagements seraient par ailleurs très pénalisants pour le trafic (baisse de 30 à 40% durant les travaux)

Pour réduire les temps de parcours et limiter la durée des arrêts, différentes interventions sont possibles. Pour les trains de fret, l'utilisation de locomotives aptes à circuler en France et en Italie (tricourant), en tête ou en pousse, sur tout ou partie du parcours franco-italien, la simplification des formalités administratives à Modane. On estime que les temps de stationnement pourront être réduits dans un premier temps à 15 minutes, et à long terme, grâce à l'élimination totale des contraintes, à 2 ou 3 minutes pour un simple arrêt des trains. Pour les trains de voyageurs, l'utilisation de la technique pendulaire, qui permet de franchir les courbes à des vitesses supérieures à celles des trains classiques avec le même niveau de confort ne permettrait qu’un gain de temps estimé à 5 minutes entre Chambéry et Modane.

Le trafic moyen en jour de pointe (mercredi) est actuellement de 92 trains/jour, 50 dans le sens France - Italie et 42 en sens contraire. Une étude montre que, même avec un espacement très réduit des trains de 4 minutes - qui risque de se révéler irréaliste en pratique compte tenu de la croissance du nombre des différents types de trains (fret, grandes lignes voyageurs, trains régionaux) présentant des caractéristiques de marche très différentes - la ligne sera saturée avant l'horizon de réalisation du projet. Il est donc nécessaire, avant 2010, pour satisfaire à 1a demande, de recourir à l'homogénéisation des vitesse des trains, ce qui implique un allongement du temps de parcours des trains voyageurs jusqu'à 40 minutes et une baisse de la qualité du service. Les simulations effectuées par Alpetunnel conduisent à penser que, à moins que des interventions radicales ne soient faites sur la ligne, les améliorations possibles ne permettront d'augmenter sa capacité, qu'à court terme. Il est donc nécessaire de revoir le profil de la ligne et d’envisager un tunnel de base sur une voie nouvelle.

Ces conditions très difficiles ont d’ailleurs trouvé confirmation après la fermeture du tunnel routier sous le Mont-Blanc. Le transfert du fret sur le fer a été extrêmement faible, et les longues attentes à Modane pour changement de locomotives, pour adjonction de locomotives de renfort à Saint-Jean-de-Maurienne voisinant les deux heures en sont directement responsables.

 

2.4.2.2. – les étapes décisives

Au sommet franco-italien de Nice de juin 1990, les gouvernements soulignent l’intérêt de la faisabilité d’une nouvelle liaison ferroviaire entre la France et l’Italie.

La liaison LYON-TURIN figure parmi les 15maillons-clés du réseau européen de train à grande vitesse, défini le 17 décembre 1990. Les 17 et 18 octobre 1991, au sommet franco-italien de Viterbe, marquent le lancement d’une étude de faisabilité sur la liaison transalpine Lyon-Turin, nécessitant la réalisation d’un tunnel de 54 km.

Le sommet franco-italien de Paris de novembre 1992 décide de la constitution d’un Comité de pilotage ayant pour mission de valider les études.

Au sommet franco-italien de Rome de novembre 1993, les gouvernements donnent leur accord pour la création, par les réseaux ferroviaires respectifs (SNCF et FS) d’un Groupement Européen d’Intérêt Economique (GEIE) pour les études. L’Alpetunnel GEIE est né le 24 novembre 1994.

Lors de la rencontre bilatérale à Rome et du sommet franco-italien d’Aix-en-Provence du 15 décembre 1994, les ministres des transports italien et français décident d’engager un programme d’études de 800 MF, dont une première tranche de 220 MF pour 1995.

La rencontre bilatérale de Paris en mars 1995 décide de la mise en place d’une commission intergouvernementale, chargée de superviser le projet.

Le 15 janvier 1996, cette Commission intergouvernementale (CIG) est créée, sa composition est fixée le 9 juillet 1996, avec deux groupes de travail : l’un est technique et dénommé " Tunnels ", l’autre économique et financier, dénommé " Economie et Finances ".

Le 17ème sommet franco-italien de Chambéry les 2 et 3 octobre 1997 réaffirmait l’engagement des deux Etats et faisait du volet " fret " une priorité. 350 MF sont affectés à un programme triennal d’étude sur :

- la clarification de certaines incertitudes géologiques,

- une étude conjointe franco-italienne des problèmes liés à l’environnement,

- un approfondissement des études de trafic.

Le sommet de Florence des 5 et 6 octobre 1998 instituait un groupe de travail chargé des questions relatives à l’environnement au sein de la CIG.

Lors de son déplacement à Chamonix le 2 avril 1999, pour rendre hommage aux victimes de la tragédie du tunnel du Mont-Blanc, le Président de la République a insisté sur sa volonté de promouvoir le ferroutage. M. Jacques CHIRAC déclarait : " Je veux réveiller le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin. Je viens d’ailleurs de m’entretenir avec les autorités européennes. Il faut faire un effort particulier pour accélérer les travaux ". Il ajoutait : " la réalisation du nouveau tunnel permettra de diminuer sensiblement le nombre de poids lourds qui transitent par les axes routiers des vallées alpines, dont celle de Chamonix ".

Le sommet franco-italien de Nîmes des 23 et 24 septembre 1999 a fixé des échéances précises pour la remise des études du programme triennal, afin que le sommet du deuxième semestre 2000 puisse prendre des décisions définitives.

Au niveau de la CIG, les Présidents de régions Piémont et Rhône-Alpes deviennent membres, ce qui permettra de renforcer la concertation avec les collectivités locales.

Alpetunnel, depuis 1994, a pour mission de conduire les études portant sur le maillon international de la nouvelle liaison transalpine Lyon – Turin. Alpetunnel, en accord avec les réseaux SNCF et FS, a aussi la charge d’effectuer l’ensemble des études techniques, financières et juridiques, et en particulier pour le tunnel de base, d’assurer la cohérence et la coordination des études techniques de façon à élaborer un projet global cohérent entre Lyon, Montmélian et Turin, de définir les structures de financement, de construction et d’exploitation de l’ensemble du maillon international, d’étudier les spécifications du matériel roulant pour ce maillon.

C’est donc essentiellement à partir des documents élaborés par Alpetunnel GEIE que votre Rapporteur a étudié cette future réalisation attendue par de nombreux alpins qui souffrent de l’accroissement du trafic routier.

2.4.2.3. – les trafics

Les différentes hypothèses de travail reposent sur trois variables micro-économiques : la croissance économique des pays concernés, l'évolution des échanges internationaux et la politique de transport en matière d'infrastructure, d'organisation et de tarification.

Dans le cadre du renforcement de l’union européenne et de l'organisation économique mondiale autour de trois pôles - Europe, Asie, Amérique du nord - Alpetunnel a travaillé sur la base d'une hypothèse de croissance du PIB en France et en Italie de 2,3% en moyenne annuelle.

Pour l'Europe, la croissance annuelle en volume des échanges internationaux, prévue à l'horizon 2010, est en moyenne de 4,2% pour les importations et de 4,3 pour les exportations. Pour les échanges internationaux concernant l'Italie, il est prévu une croissance moyenne annuelle de 4,4% pour les importations et de 4,1% pour les exportations. Ces chiffres intègrent un phénomène spécifique aux échanges transfrontaliers appelé " effet frontière ".

Pour 2010, la réalisation d'importantes infrastructures est prévue en Europe, dont les principales sont :

- la traversée transalpine par la Suisse (NLFA),

- la ligne de desserte ferroviaire des ports du nord (Anvers et Rotterdam),

- le T.G.V. Méditerranée, les lignes Lyon - Montmélian et Barcelone - Perpignan,

- la réalisation des lignes à grande vitesse italiennes (Turin - Milan - Venise, Milan - Rome - Naples, Milan - Gênes).

Les études de trafic s'organisent autour de trois situations types :

- la situation dite de base, qui correspond à la photographie de l'état du trafic lors des enquêtes de 1992 (pour les voyageurs) et de 1994 (pour les marchandises).

- la situation dite de référence, qui est la projection de la situation de base à l'horizon 2010, ne prenant pas en compte la réalisation du projet.

- la situation de projet qui intègre la réalisation de la liaison ferroviaire Lyon - Turin et rend compte de son impact sur l'évolution du trafic.

Sur cette base, trois scénarios ont été envisagés : un pessimiste, un optimiste et un intermédiaire. Les informations sur le trafic voyageurs actuel ont été obtenues à partir des résultats de l'enquête menée par les chemins de fer français (SNCF) et italiens (FS), en 1992.

 

2.4.2.3.1. – le trafic voyageur

Afin d'évaluer les flux de trafic entre la France et l'Italie, le groupe de travail SNCF/FS a réalisé, en 1992, une enquête plurimodale. Cette enquête a mis en évidence un trafic annuel de 32,8 millions de voyageurs franchissant la partie occidentale de l'arc alpin. Elle a également permis de connaître les flux de voyageurs par origine et destination. Cette enquête, menée sur un échantillon de 37 000 personnes, représente un taux d'échantillonnage d'environ 2,5‰. Le trafic total concerné par l'étude, se répartit ainsi 24% par avion (pour une distance moyenne de 1 500 km), 11,5% par train (pour une distance moyenne de 950 km), 64,5% par route (pour une distance moyenne de 900 km).

Selon les résultats de l'enquête, environ 64% du trafic total concerne les relations avec Paris et 20% le reste de la France. De la même façon, la zone de Milan génère et attire 30% du trafic total de l'Italie avec la France, l'Espagne, la Grande Bretagne et le Bénélux. Les liaisons Turin - Paris, Milan - Paris, Rome - Paris représentent à elles seules 50% du trafic voyageurs entre les deux pays.

Les gains de temps pour les voyageurs seront donc particulièrement appréciables.

2.4.2.3.2. – le trafic fret

Une analyse des flux actuels de marchandises, sur la partie ouest de l'arc alpin, a permis de créer une base de données fiable, relative aux deux modes de transport ferroviaire et routier. Si les flux ferroviaires ont pu être évalués à partir des statistiques disponibles, pour les flux routiers, une enquête de deux semaines (novembre 95 et mars 96) a été réalisée. Elle a porté sur 40 000 interviews, aux principaux points frontière entre l'Italie d'une part, la France et la Suisse, d'autre part. Les résultats de l'analyse des données routières, par points de passage, donnent un trafic journalier moyen de 9 400 véhicules/jour, avec une charge moyenne de l'ordre de 14,4 tonnes, soit 49 millions de tonnes/an. Les importations en Italie concernent plus particulièrement les voitures et les produits manufacturés, les produits agricoles et les animaux vivants. Pour les exportations, après les voitures et les produits manufacturés, le groupage routier vient avant les produits et les denrées agricoles.

Actuellement, sur l'ensemble des passages, soit environ 29,5 millions de tonnes, plus de la moitié des échanges se fait encore selon le mode traditionnel. Le point de passage de Luino-Pino, où la majorité des marchandises transite par transport combiné, constitue une exception. Au total, le trafic ferroviaire de marchandises importées en Italie (20 millions de tonnes) représente à peu près le double de celui des marchandises exportées (10 millions de tonnes).

Les principales marchandises transportées par train sont les voitures et les produits manufacturés, les minéraux bruts ou transformés, les matériaux de construction

Sur l'ensemble des 78,5 millions de tonnes qui franchissent chaque année la partie ouest de l'arc alpin, on constate une nette prépondérance du trafic routier. En effet, 29,5 millions de tonnes/an de marchandises transitent par le fer pour 49 millions de tonnes/an par la route, soit une part respective de 38% et 62%. Pour le trafic fret France - Italie, la répartition est de 20% pour le fer, et 80% pour la route, alors que la proportion s'inverse (80% pour le fer et 20% pour la route) entre la Suisse et l'Italie.

Les prévisions de trafic de marchandises à l'horizon 2010 sont particulièrement difficiles à faire, d'une part à cause des caractéristiques du transport combiné qui ne permet pas de distinguer les différents types de marchandises transportées, d'autre part à cause de l'importance de l'évolution prochaine des techniques et des réglementations.

En se basant sur l'analyse du transport fret en situation de concurrence elle s’articule en trois points :

- définition des scénarios macro-économiques et évolution du commerce européen),

- séparation entre les trafics qui relèvent du transport ferroviaire de type traditionnel (trains de lotissement et trains entiers) et les trafics qui relèvent du transport combiné, décomposition des trafics par itinéraires (par la Suisse, par Modane et par Vintimille) en fonction des différentes hypothèses d'offre ferroviaire.

L'évolution du trafic fret de 8,7 millions de tonnes en 1994 à 19,5 millions en 2010 est caractérisée par l'importance croissante du transport combiné, dont la part dans le trafic total devrait passer de 40% en 1994 à 60% en 2010.

 

2.4.2.3.3. – l’autoroute ferroviaire

Si le système combiné classique, par conteneur, convient bien au trafic entre zones économiques importantes et éloignées, il se prête mal au franchissement des goulets d'étranglement sur des distances plus courtes. Face à ce constat, l'autoroute ferroviaire, qui consiste à embarquer les poids lourds sur des trains navettes (comme pour le tunnel sous la Manche) a pour objectif d'offrir une alternative aux parcours routiers sans interférer avec le marché du transport combiné.

En pratique, le domaine de pertinence d'un service d'autoroute ferroviaire correspond à une distance maximale entre gares terminales de 200/300 kilomètres environ, en particulier pour le franchissement d'un obstacle naturel comme la Manche ou les Alpes. Appliquée aux passages alpins, l'autoroute ferroviaire permet de réduire les problèmes de congestion et d'environnement. Les terminaux d'embarquement sont installés en dehors des zones urbaines, à proximité des autoroutes auxquelles ils sont reliés. Une analyse multicritères (potentiels de trafic, investissements, service, intérêt des chauffeurs et entreprises de transport, longueur du parcours, environnement) a permis de déterminer trois hypothèses de couples de plates- formes plus ou moins éloignées : Maurienne - Turin ouest, Avressieux - Turin nord, Ambérieu - Turin est.

Afin de connaître la réceptivité des transporteurs à un service d'autoroute ferroviaire sur l'axe Ambérieu - Turin, les sociétés de transport routier européennes concernées par la liaison Lyon - Turin ont été questionnées sur leur trafic, leurs opinions et leurs attentes vis-à-vis de l'autoroute ferroviaire, en fonction des caractéristiques de l'offre. Une seconde étude a déterminé les caractéristiques du service, pour les trois couples d'origine/destination possibles, et en particulier, les zones où il serait possible de placer les gares terminales, les hypothèses de service à offrir, la demande de trafic, les coûts et les recettes, les éléments nécessaires au calcul des bénéfices indirects.

Cette analyse de faisabilité a été développée en référence au scénario intermédiaire. La demande routière annuelle concernée est évoluée dans ce cas à 67 millions de tonnes, soit 5 millions de poids lourds/an en 2010 (pour 49 millions de tonnes, soit 3,4 millions de poids lourds/an en 1994). Cette augmentation de 47% du nombre de poids lourds tient compte d'une diminution du coefficient de chargement des véhicules routiers (- 7%). Selon les prévisions de trafic, la réalisation de l'autoroute ferroviaire entre l'Italie et la France, pour une tarification permettant le meilleur équilibre économique du projet, conduirait à une demande de:

- 3 100 poids lourds/j dans l’option Ambérieu - Turin est,

- 2 700 poids lourds/j dans l’option Avressieux - Turin nord,

- 2 500 poids lourds/j dans l’option Maurienne - Turin ouest.

Si l'intérêt du service croit en fonction de la distance proposée, il convient de noter que le coût d'investissement (infrastructure et matériel roulant) croit également très sensiblement.

Si, en dehors de l'adaptation du tunnel de base, les infrastructures nécessaires à l'autoroute ferroviaire, en amont et en aval, n'ont pas fait l'objet d'études particulières de la part d'Alpetunnel, il n'en va pas de même des plates-formes dont le dimensionnement a été examiné avec attention. Les caractéristiques fonctionnelles principales retenues pour ce dimensionnement correspondent à une hypothèse de développement à long terme de l’autoroute ferroviaire et non aux trafics prévus lors de la mise en service. Elles sont les suivantes :

- une offre maximale calibrée sur 3 000 véhicules/jour par sens,

- 70 véhicules par navette (jumelage de 2 rames de 35 véhicules),

- une fréquence de navette d'au moins une toutes les 30 minutes,

- poids lourds acceptés dans les limites de 44 tonnes, 19 mètres de long, 2,60 mètres de large, 4,20 mètres de haut,

- un temps de chargement ou déchargement de 35 véhicules inférieur à 15 minutes, effectué par les chauffeurs routiers eux-mêmes,

- 20 heures de fonctionnement quotidien.

Les temps de parcours ont été évalués à :

- 3h05 sur la liaison Ambérieu - Turin est (295 km),

- 1h35 sur la liaison Maurienne - Turin ouest (152 km), ce qui correspond à une vitesse moyenne de 96 km/h.

Dans ces conditions, le parc de matériel roulant devrait se composer de :

- 36 rames de 750 mètres chacune pour la liaison Ambérieu - Turin,

- 22 rames pour la liaison Avressieux - Turin,

- 18 rames pour la liaison Maurienne - Turin.

2.4.2.4. – le tunnel

Dès 1989, une expertise géologique a été réalisée pour permettre une analyse comparative des variantes du projet de nouvelle liaison transalpine Lyon - Turin. Cette étude, associant également la SNCF, les FS et le CETU confirmait l'intérêt, tant sur le plan de la topographie que des conditions géotechniques, de privilégier un itinéraire passant par Saint-Jean-de-Maurienne et Susa - Bussoleno. Saint-Jean-de-Maurienne est situé à 540 mètres d'altitude, Susa à 500 mètres environ. En aval des deux villes, la topographie permet de réaliser des lignes performantes, dont les rampes ne dépassent que localement 15‰. Cette condition est nécessaire en vue d'exploiter une ligne fret dans de bonnes conditions. Il n'en est pas de même si l'on progresse plus en amont dans les vallées, les valeurs des déclivités étant beaucoup plus importantes. En outre, un tunnel d'altitude imposerait aux lignes d'accès, au-delà des contraintes de tracé ou de profil en long, des sujétions climatiques propres aux sites de montagne : neige, risques de chutes de rochers d'avalanches, de coulées de boue. A partir de ce constat, les réseaux ferroviaires ont proposé un tunnel de base de 54 kilomètres de long reliant l'est (Saint-Jean-de-Maurienne) à l'ouest de Susa. Entre ces deux têtes, deux hypothèses de tracé étaient comparées.

En juin 1993, les experts français et italiens chargés de formuler un avis sur le projet confirmaient la pertinence du tunnel de base et appuyaient la recommandation visant à retenir le tracé nord. Une inflexion vers le nord de la partie est du tracé était également préconisée pour limiter les hauteurs de couverture. Sur la base de ces recommandations, Alpetunnel a optimisé le tracé et le profil en long du tunnel. L'implantation de la tête est du tunnel, dans le secteur de Susa, a également été adoptée en fonction de 1'urbanisation et des infrastructures nouvelles (autoroute en particulier). La longueur du tunnel de base a été de ce fait ramenée à 52 kilomètres environ.

2.4.2.4.1. – les caractéristiques

Le projet est situé entre les cotes d'altitude 500 et 800 mètres environ, les couvertures de terrain étant supérieures à 1 000 mètres sur 22 kilomètres, 1 500 mètres sur 10 kilomètres, 2 000 mètres sur 3,5 kilomètres. En vue de limiter les convergences de terrain sous forte couverture et ménager la possibilité d'un creusement mécanisé du tunnel à l'aide de tunneliers, il convient de réduire la section des fronts de taille et donc favoriser les tubes ferroviaires à voie unique.

Ce contexte est donc favorable à la réalisation d'un tunnel bitube ; l’option sans galerie de service est toutefois préjudiciable en matière de sécurité.

L'optimisation de la section des tubes ferroviaires dépend :

- du gabarit des circulations empruntant l'ouvrage,

- des bilans énergétiques, ceux-ci étant directement liés à la résistance à l'avancement des convois (ils peuvent être influencés par la présence ou non de rameaux d'anti-pistonnement qui équilibrent les pressions entre les deux tubes),

- des conditions de sécurité et de confort des passagers, en raison des ondes de pression engendrées par l'entrée et la sortie des trains et leur circulation en tunnel.

La résistance à l'avancement des trains a fait l'objet d'essais réalisés dans le cadre des premières études des réseaux ferroviaires. Ils ont été effectués sur maquette en canal hydrodynamique, sur maquette en soufflerie et en grandeur nature. L'option de référence retenue correspond à celle qui permet l'exploitation d'un service d'autoroute ferroviaire, à savoir 2 x 43 m2. Il n'est pas prévu actuellement de rameaux d'anti-pistonnement.

La sécurité et le confort des voyageurs ont fait l’objet d’études en matière de confort tympanique génère une onde de compression générée à l’entrée en tunnel de la partie avant d'un train qui s'éloigne vers la sortie du tunnel à la vitesse du son. De façon similaire, l'entrée de l'arrière du train dans le tunnel génère une onde de dépression (ou détente) qui se propage également à la vitesse du son en direction de la sortie du tunnel. Le bruit, le refroidissement de l'air et la résonance spécifique aux tunnels ont également fait l’objet de nombreuses études et simulations.

Au stade actuel des études, les réflexions relatives aux équipements ont essentiellement porté sur les points suivants :

• la signalisation dans le tunnel, de type embarqué, est réversible. Le contrôle de vitesse des trains pris en compte dans l'étude est assuré par un système de transmission voie/machine. La caténaire est fragmentée en sections de 2 000 mètres environ, isolables séparément ;

• l'écoulement de l'eau de ruissellement à l'intérieur du tunnel est prévu par gravitation, rendue possible par le profil en toit. En cas de besoin, un relevage des eaux peut être effectué au droit d'une descenderie ;

• des détecteurs de gaz et de fumées sont envisagés à l'intérieur du tunnel ;

• l'évacuation des fumées doit permettre dans un premier temps, l'évacuation des passagers et du personnel, ainsi que la mise en œuvre des mesures d'auto-sauvetage dans les toutes premières minutes suivant l'arrêt d'un train avec incendie, dans un deuxième temps, la lutte contre l'incendie par les équipes de secours après l'évacuation ;

• les rameaux de communication sont isolés des tubes de circulation par la présence de portes d'accès normalement fermées à leurs extrémités. Les portes d'accès sont commandées par le poste de commande et de contrôle. Un déverrouillage et une ouverture locale sont possibles ;

• les lignes et les câbles sont protégés à l'intérieur du tunnel. Des extincteurs d'incendie sont en principe disposés à l'intérieur de chaque rameau de communication. Les chemins d'évacuation et les sorties de secours sont signalés. Chaque tube est équipé d'un trottoir latéral avec main courante le long de la paroi du tube, d'une largeur minimale de 1,20 mètre servant à l'évacuation ;

• le tunnel est équipé d'un dispositif d'éclairage normalement éteint, complété par un balisage de sécurité. Le poste de commande, informé de l'arrêt du train dans le tunnel, actionne l'éclairage dans le tunnel. Celui-ci peut par ailleurs être commandé localement ;

• le tunnel est équipé d'une radio sol-train et d'une couverture radio spécifique pour les personnels d'exploitation et de sécurité. La communication est rendue possible entre les rameaux de communication et le poste de commande et de contrôle par l'intermédiaire de téléphones ;

• l'atterrissage d'hélicoptères peut se faire au niveau des têtes de tunnel et de la descendeuse permettant l'accès à la gare intermédiaire de service. Les têtes de tunnel, les accès extérieurs ainsi que l'accès à la gare intermédiaire de service sont desservis par la route ;

• une conduite d'eau est installée sur toute la longueur du tunnel, des postes d'incendie étant régulièrement répartis. Des prises de courant, tous les 100 mètres environ, sont à disposition des services de secours ;

Les installations de traction électrique justifient une étude anticipée du fait de l'importance des puissances concernées (180 mégawatts environ pour le service d'autoroute ferroviaire) et de l'incidence sur la section type du tunnel des installations caténaires. L'étude d’Alpetunnel examine cinq architectures d'alimentation.

 

2.4.2.4.2. – la sécurité

En 1993, les FS et la SNCF ont remis à leurs ministères de tutelle une étude de faisabilité sur la base d'un tunnel bitube sans galerie de service, comportant des accès intermédiaires et une gare de secours située à Modane. Sur ces bases, une étude préliminaire de sécurité a été menée en 1994 afin d'affiner le concept général de sécurité, notamment les conditions d'évacuation des personnes confrontées à un accident ou un incident (accès à l'autre tube, rameaux de communication). Le principe général de sécurité est le suivant :

- un train présentant une dégradation doit être arrêté avant d'entrer dans le tunnel,

- si un incident se produit dans le tunnel, le train doit pouvoir poursuivre sa marche jusqu'à un lieu sûr (extérieur du tunnel ou gare souterraine de secours de Modane),

- à défaut, le train doit être secouru (redémarrage par ses propres moyens, mêmes dégradés, assistance par un autre train... ),

- en dernier recours, le train doit être évacué, la sauvegarde des personnes devant être garantie en le dirigeant vers un lieu sûr.

Les études complémentaires présentées à la Commission intergouvernementale en 1997 ont permis de confirmer le concept initial. Les dispositions constructives sont les suivantes :

- deux galeries séparées pour la circulation ferroviaire. En cas d'accident dans l'une, la circulation est arrêtée dans la deuxième qui sert alors de galerie de secours ;

- un trottoir d'évacuation et de stationnement aménagé dans chaque galerie. Sa largeur n'est pas inférieure à 1,20 mètre ;

- une gare souterraine de service et de secours dans le secteur de Modane ;

- des rameaux de communication transversaux entre les deux galeries. Ceux-ci sont normalement obturés par des portes, de manière à préserver l'indépendance des deux tubes et bénéficier des avantages qui en découlent en terme de sécurité et d'aérodynamisme. Suite aux études menées sur le temps nécessaire au cheminement lors de l'évacuation, l'espacement des rameaux a été fixé à 400 mètres maximum ;

- des accès intermédiaires reliant le tunnel à l'extérieur (accès de St-Martin-la-Porte, de La Praz et de Venous) ;

- des extrémités de tunnel aménagées (côté Susa et Saint-Jean-de-Maurienne).

Une gare souterraine de service et de secours sera construite à Modane, reliée à l'extérieur par une descenderie carrossable de moins de 4 kilomètres, présentant une déclivité maximale de 12%. Les fonctionnalités qui ont été prises en compte sont les suivantes :

- la mise en lieu sûr des passagers,

- l'évacuation des personnes,

- la facilité d'accès des secours extérieurs,

- le traitement d'un incendie sur un train.

La gare souterraine de Modane disposera de deux voies de secours munies d'un quai, une pour chaque sens de circulation, ce qui facilite l'évacuation des passagers et l'extinction d'un sinistre important. Elle constituera le centre de départ de la première intervention et sera, en conséquence, dotée d'un ensemble de véhicules ferroviaires de première intervention. Celle-ci offrira par ailleurs l'avantage de diviser le tunnel en deux tronçons de 26 kilomètres environ. La faible longueur de parcours à effectuer entre les extrémités et la gare de secours diminuera fortement la probabilité de devoir procéder à une évacuation en tunnel proprement dit, et diminuera également les distances d'approche des secours en cas d'intervention en tunnel. La gare souterraine de service et de secours de Modane permettra une exploitation souple du tunnel franco-italien. C'est en effet au cœur de cette infrastructure que les trains à grande vitesse pourront dépasser les trains de fret.

Le fonctionnement du système de ventilation et d'évacuation de fumées reposera sur quatre stations de désenfumage, dont l'une sera située à Modane. Les transferts d'air nécessitant des cheminées ou des galeries entre le tunnel et l'extérieur, les descenderies et accès intermédiaires utilisés pour le creusement de l'ouvrage principal serviront de galeries de ventilation, à moins que des puits spécifiques ne s'avèrent nécessaires.

Les centrales de ventilation seront équipées de ventilateurs qui peuvent assurer les fonctions de soufflage et d'aspiration. La ventilation hygiénique de l'ouvrage sera assurée par le seul effet piston dû à la circulation des trains dans le tunnel, ce qui permettra un renouvellement d'air suffisant en période d'exploitation normale. Lors des périodes de travaux sur voie, en l'absence de circulation normale de trains, il sera possible de recourir, si nécessaire, à l'utilisation à faible régime des stations de ventilation. En cas d'incendie sur un train qui ne peut rejoindre l'extérieur ou la gare de Modane, l'option qui a été retenue consiste à entretenir et renforcer la ventilation naturelle par la mise en service des stations de ventilation en amont et en aval du sinistre, respectivement en soufflage et en aspiration.

Deux aspects principaux de l'incendie ont été analysés :

- le développement de l'incendie et la puissance thermique qu'il peut dégager au niveau de la motrice, ceci en vue d'évoluer ultérieurement les dégâts causés,

- l'état du mélange air - fumées dans la zone d'évacuation des passagers, c'est-à-dire le long du train et dans le tunnel. Il apparaît, avec toutes les réserves qu'il convient de formuler sur ce type de modélisation, que, même dans des cas péjorants, la puissance dégagée par une motrice de rame type T.G.V. ne dépasse pas 15 mégawatts, ce qui, compte tenu de la chaleur emmagasinée par la masse métallique du train et le génie civil du tunnel, correspond à une puissance convectée très en dessous de 10 mégawatts.

Pour des vitesses d'air de 3 à 6 m/s, le seul critère pénalisant pourrait être la visibilité, et non la température ou la toxicité.

Dans le cadre de l'exploitation d'un service d'autoroute ferroviaire, des dispositions spécifiques devront être mises en œuvre afin d'assurer la sécurité des convois. Il est nécessaire d'envisager un système de détection incendie réparti sur l'ensemble des tunnels ferroviaires, des installations permettant de contenir, puis de combattre l'incendie (postes d'incendie, conduite d'eau, extincteurs ... ).

A ce sujet, les zones privilégiées que constituent les accès intermédiaires et la gare souterraine de Modane pourraient bénéficier d'équipements spécifiques.

 

2.4.2.4.3. – la maintenance

Le schéma de conception du tunnel (ouvrage bitube, accès intermédiaires par descenderies carrossables, gare souterraine de service) répond également à la volonté de faciliter les opérations de maintenance.

Les différentes tâches nécessaires à l'entretien des installations ferroviaires (voie, signalisation, caténaire) et non ferroviaires (portes des rameaux de communication, éclairage, ventilation) ont été recensées.

La maintenance de l'ensemble des équipements ferroviaires et non ferroviaires du tunnel de base nécessitera un effectif de l'ordre de 225 agents, ce qui correspond à un coût annuel hors taxes de 75 millions de francs. En incluant les dépenses complémentaires liées au renouvellement des matériels ou à des entretiens exceptionnels, le coût total de la maintenance, hors frais généraux, s'élève à 190 millions de francs par an.

 

2.4.2.5. – la réalisation

Cette liaison est voulue, dans le discours, par tous mis à part le lobby des transporteurs routiers. Les premières études sérieuses remontent à 1990, il faut au minimum 15 ans pour construire les infrastructures nécessaires. Les colloques se multiplient, de grandes décisions sont attendues, mais chaque fois un report de date vient malheureusement contrarier ce beau projet. Ainsi lors des Assises qu’organisait le Conseil Régional Rhône – Alpes le 14 avril dernier, la volonté de tous fut une nouvelle fois réaffirmée, seul le financement du projet reste flou, Bernard SOULAGE, président de la commission " transports et communications " de ce Conseil régional souhaite une participation " multimodale ", alors que le transport routier ne veut même pas s’acquitter de son dû, en matière d’usure des routes et d’atteinte à l’environnement. Ce vœu n’est peut-être pas aussi utopique que cela, car on a pu le voir lors des grèves des années précédentes, la corporation des routiers est fort éclatée et peu unitaire ; ainsi, lors d’un entretien privé avec un chef d’entreprise de transport routier, celui-ci me confiait son intérêt pour cette solution en zone de franchissement difficile. L’incitation financière ne sera cependant pas inutile, le coût réel d’un tel ouvrage - estimé à 70 milliards de francs - ne pouvant être supporté par les seuls usagers. Il ajoutait cependant, et ceci est également vrai pour le fret non accompagné, que le grand handicap du transport ferroviaire actuellement réside dans son manque de fiabilité : trop de trains sont victimes d’arrêts non prévus, ne garantissant nullement le jour d’arrivée, trop d’absences d’informations et de localisation du fret viennent ternir l’image de ce mode de transport.

Le ministre chargé des transports annonçait par ailleurs mettre beaucoup d’espoirs dans la réunion avec son homologue italien prévue le 15 mai à Modane. Cette réunion doit permette de déterminer le lieu de sortie du tunnel en Italie Il comptait lancer également la réflexion sur l’équilibre économique du projet.

Ainsi, et pour ne pas retarder la réalisation de ce projet, faut-il dès l’accord de principe des Italiens - cela pourrait être le 15 mai - commencer les travaux concernant les galeries de reconnaissance. Ces galeries sont indépendantes des ultimes choix de tracé, mais indispensables pour commencer le véritable tunnel ; il faut donc être prêt pour le moment où pourront être engagés les financements de la ligne. M. GAYSSOT a annoncé l’inscription des premières autorisations de programme pour ces galeries dans le budget 2001, il ne faut pas tarder davantage et se laisser distraire par la floraison de tracés alternatifs ou complémentaires qui voient le jour actuellement.

 

CONCLUSION

 

Il n'est, heureusement, pas fréquent que l'Office Parlementaire ait à réagir à la suite d'une catastrophe. C'est pourtant le cas ici et il est évident que la dramaturgie de l'accident du tunnel du Mont-Blanc aura pesé sur la rédaction de ce rapport.

De la même façon, dès les premières visites de tunnels français ou étrangers, nous avons rapidement réalisé que cette étude et nos propositions ne pouvaient s'affranchir de " l'environnement " de la circulation dans les tunnels : accroissement du trafic des poids lourds sur les routes et autoroutes françaises, mécontentement des populations riveraines face à ce qui leur parait être un choix du transport tout routier, mais également absence d'une véritable volonté politique de sortir de l'impasse et de traiter, malgré les contraintes économiques qui sont réelles, les solutions de ferroutage dans une vision européenne et non pas seulement nationale.

Au terme de centaines d'heures consacrées aux visites et aux auditions, le Rapporteur peut, en conscience, se poser la seule question qui vaille après l'accident du mois de mars 1999 : " pourrait - on voir une telle catastrophe se reproduire, quelque part en France, dans l'un des 39 tunnels de plus de 1 kilomètre ? " Et, sans faire preuve de pessimisme, force est de répondre oui.

Oui, car certains de nos tunnels datent du milieu du siècle dernier au moment où l'automobile n'était encore inscrite que dans les rêves fous de ces inventeurs.

Oui, car la démesure des machines et de leur rythme d'utilisation nous ont fait assister, ces dernières années, à une véritable inflation des flux de circulation et qu'elle n'est pas prête de s'éteindre.

Oui, enfin, parce que, tant qu'existeront des tunnels, dans lesquels pourront se croiser, sur une seule voie de circulation dans chaque sens, des milliers de véhicules/jour, nous n'aurons pas résolu l'équation entre le risque acceptable de toute œuvre humaine et le seuil inacceptable, celui qui fait courir aux usagers un véritable péril.

Votre Rapporteur ne peut se satisfaire de ce constat, ni des recommandations qu'il est amené à formuler au nom de l'Office Parlementaire. Il lui reste à tirer une philosophie d'ensemble de cette étude sans laquelle nous passerions tous à côté du signal fort lancé par la catastrophe du Mont Blanc.

Et, tout d'abord, reconnaître que les institutions n'ont pas témoigné d'un grand empressement à répondre aux appels légitimes des familles de victimes. Lesquelles s'efforcent de savoir depuis plus d'un an maintenant comment on a pu lancer les leurs dans le brasier du Mont Blanc sans leur laisser la moindre chance de retour. Dans notre esprit, la Justice n'est pas exempte de reproches, elle dont le juge qui l'incarne a été trop longtemps laissé seul face à cette tâche ; une solitude qui lui a probablement interdit de répondre à notre sollicitation lorsque nous lui avons demandé d'assister, en témoin muet, à la reconstitution de l'accident.

Ensuite dire que, comme trop souvent, il a fallu la catastrophe de 1999 pour que l'on prenne conscience de l'obsolescence du parc français des tunnels. Nous approuvons que des Préfets aient pu prendre la décision de fermer temporairement des tunnels dans l'attente de travaux. Mais cette fermeture post-catastrophe laisse entier le problème fondamental : ainsi donc des tunnels très dangereux continuaient à être utilisés et continueraient donc à l'être si l'accident du Mont Blanc ne s'était pas produit ?

Enfin avec ce type de structures qui permettent de franchir des cols, mais aussi des frontières, on voit bien naître la nécessité d'harmoniser les politiques : au tunnel du Saint Gothard, en Suisse, une vraie galerie de secours longe l'ensemble des 17 km de parcours ; au tunnel du Fréjus, entre la France et l'Italie, on se parle aussi bien en italien qu'en français, ce qui paraît le minimum, mais un minimum qui n'est pas assuré partout. Au tunnel de Tende, toujours entre la France et l'Italie, on reste interloqué que deux Etats aient pu laisser le temps et les habitudes ronger ainsi les conditions minimales de sécurité. Que dire encore des définitions des matières dangereuses, pourtant sans cesse actualisées, mais dont on sait pas encore bien où seront leurs prochaines limites depuis que l'on a découvert qu'un chargement, a priori aussi inoffensif que la margarine, peut se transformer en combustible aussi redoutable que le gazole ?

Harmoniser les politiques nationales au sein de l'Europe, ça veut dire éviter les distorsions de prix du carburant dans les pays de l’Union, afin d’éviter la course au gigantisme des réservoirs de poids lourds. Les transporteurs préféreront toujours charger une tonne de marchandises en plus qu’une tonne de carburant s’il n’y a plus de différences substantielles dans le prix des carburants. Harmoniser les politiques nationales au sein de l'Europe, ça veut également dire que le temps du choix exclusif de la route pour les poids lourds est révolu ; qu'il faut donner la priorité à des liaisons ferrées comme Lyon-Turin et qu'il va falloir apprendre à écouter les élus, les habitants des vallées frontalières qui crient leur " ras le bol ". Et même si leurs cris sont, en l'état, plus des vœux que de possibles réalités d'avant 2015/2020, il faut intégrer cette " citoyenneté de la sécurité " dans nos préoccupations, c'est à dire dans tous nos schémas de développement.

 

 

 

Les recommandations

 

Un tunnel - quel que soit son mode de construction et de fonctionnement, constitue un espace particulier de circulation dans lequel le risque zéro ne peut exister.

Tous les efforts qui seront entrepris pour améliorer la sécurité dans cet espace n’auront donc pour objectif que de minimiser ce risque et de le rendre acceptable.

La circulation automobile en elle même est source de danger, les utilisateurs de véhicules le savent et l’acceptent mais les responsables des ouvrages souterrains doivent tout faire pour qu’à aucun endroit, l’utilisateur puisse être confronté à des risques considérés comme dépassant les normes communément admises.

La circulation sous les tunnels doit faire l’objet d’une réglementation spécifique, tout le monde en est conscient. Encore faudrait-il que cette réglementation soit la même quelque soit le gestionnaire de l’ouvrage : Etat, collectivités locales ou territoriales, sociétés publiques ou privées…

La loi

La première des recommandations sera donc que le projet de loi sur la sécurité des infrastructures de transport vienne en discussion devant le Parlement le plus rapidement possible.

Au-delà de cette recommandation générale, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques propose donc que les points suivants retiennent l’attention des responsables et fassent l’objet de mesures de correction appropriées.

Les aménagements des tunnels

Recommandation 1

Tout nouveau tunnel de longueur supérieure à 1 km devra obligatoirement être constitué de deux tubes unidirectionnels.

Tout nouveau tunnel urbain de fort trafic de longueur supérieure à 300 m doit nécessairement être formé de deux tubes unidirectionnels.

Ainsi, le projet de tunnel " Ouest " sur l’A 86 devrait être revu complètement, de façon à prévoir un ouvrage constitué de deux tubes unidirectionnels. Néanmoins, si la solution actuelle de tube unique bidirectionnel devait être malgré tout maintenue, il conviendrait de prévoir au moins une section plus large ainsi qu’une galerie de secours reliée sur toute la longueur du tunnel, par des barreaux de liaison tous les 400 mètres.

Recommandation 2

Tous les tunnels de grande longueur à un seul tube bidirectionnel existant, et en particulier ceux qui appartiennent à deux nations, doivent être dotés d’un centre d’exploitation unique, un centre auxiliaire étant prévu à l’autre extrémité mais ne pouvant intervenir qu’après transfert des commandes par le centre principal.

Pour les tunnels appartenant à deux pays différents, le personnel - au moins au niveau de la direction et de l’encadrement - doit être obligatoirement bilingue.

Recommandation 3

Les tunnels monotube bidirectionnels de grandes longueurs doivent être dotés d’une galerie de secours suffisamment large pour permettre le passage d’engins de secours motorisés destinés à l’évacuation des usagers et en particulier des personnes à mobilité réduite.

Le projet d’utilisation d’une des galeries d’air frais pour le tunnel du Mont-Blanc ne constitue pas une solution satisfaisante, cette galerie, de par ses dimensions, étant tout à fait inadaptée à l’évacuation d'un groupe de piétons et à fortiori de blessés.

Le tunnel du Mont-Blanc ne pourra être réouvert dans des conditions de sécurité acceptable que si il est doté, sur toute sa longueur, d’une galerie indépendante d’évacuation adaptée à cet usage.

Recommandation 4

Prévoir en tête de tunnel bidirectionnel des aires de regroupement pour les transports de matières dangereuses (TMD) si l’accès du tunnel est autorisé aux camions transportant ces produits.

Recommandation 5

Prévoir en tête de tunnel bidirectionnel pour les tunnels d’une longueur supérieure à 3 km un système de détection des " points chauds " et anomalies sur les poids lourds. Cette condition est impérative pour l’accès des poids lourds dans un tunnel monotube bidirectionnel. L’expérience de détection par portique mise en place au tunnel routier du Fréjus doit être suivie attentivement et étendue aux autres grands tunnels dès que des résultats probants seront obtenus.

Recommandation 6

Pour les alternats de circulation, prévoir à côté des feux tricolores un dispositif lumineux permettant le décompte du temps restant à courir avant libération du passage et assurer ainsi un meilleur confort pour les utilisateurs.

Recommandation 7

Uniformiser la réglementation et la signalétique dans l’ensemble des tunnels, et principalement dans les tunnels binationaux.

Recommandation 8

Généraliser dans tous les tunnels bidirectionnels la possibilité d’intervention en cas d’incident par radio sur les fréquences relayées par câble optique. Ceci nécessite en outre une surveillance par caméra à l’intérieur de tout tunnel bidirectionnel.

Recommandation 9

Eviter toute rupture " de charge " dans l’évacuation des blessés. La préconisation de véhicules spéciaux type ceux prévus dans le bouclage de l’A 86 par le tunnel " Est " est un pis aller qui risque de fragiliser encore davantage qu’ils ne peuvent l’être, d’éventuels blessés graves. Sans cette rupture intervenant en air libre, c’est l’efficacité du système de secours qui est en cause, puisque momentanément le matériel spécial sera en nombre restreint. Que se passe-t-il si plus de 3 véhicules sont concernés dans un accrochage ?

Il est d’autre part indispensable que le matériel de secours embarqué dans ces véhicules spéciaux soit compatible avec le matériel standard des véhicules de secours à gabarit classique.

Recommandation 10

Il est nécessaire que l’exploitant se dote, pour les grands tunnels et notamment ceux concédés, de véhicules de premier secours capables d’attaquer le feu dans des conditions de forte température et d’assurer la survie des sauveteurs.

Les changements de comportement des conducteurs

Recommandation 11

Il faut d’abord faire respecter le code de la route, et notamment limiter la vitesse.

Recommandation 12

Un tunnel impose le même respect des signalisations qu’une route : les feux tricolores et messages divers sont à observer et non à considérer comme une erreur vraisemblable due à un dysfonctionnement de la signalisation.

Recommandation 13

Prévoir dans le code de la route une formation à la conduite en tunnel. Pour les poids lourds, cette formation doit être sanctionnée par un examen spécial.

Recommandation 14

Instaurer un délit de non-respect de l’espacement, en roulant et à l’arrêt. Pour cela prévoir un enregistrement à l’aide des caméras disposées dans le tunnel.

Recommandation 15

Pour tout tunnel équipé d’un câble rayonnant, il est nécessaire d’afficher en tête de tunnel les longueurs d’onde reçues à l’intérieur et d’inciter les usagers à brancher leur radio afin d’entendre les messages d’urgence qui pourraient être diffusés.

Les transports de matières dangereuses

Recommandation 16

Classer en transport de carburant les véhicules dont le réservoir dépasse 700 litres ou ayant des réservoirs supplémentaires.

Recommandation 17

Dans les tunnels bidirectionnels autorisant les TMD, prévoir une escorte de l’exploitant (tête et queue de convoi) comme cela se fait déjà au tunnel du Fréjus. Cette escorte est unique, il ne peut y avoir deux convois de TMD qui se croisent sous le tunnel. La présence de TMD dans le tunnel en même temps que des cars de voyageurs est à proscrire. Il est souhaitable d’instaurer un alternat, dépendant de la présence de TMD dans la circulation, pour les cars.

Recommandation 18

Continuer la recherche sur la nature des matériaux des camions ou remorques isothermes et adopter dès que possible de nouvelles normes en matière de construction de ce type de véhicule. Il est nécessaire de trouver un substitut aux polymères afin d’éviter les dégagements toxiques en cas de combustion.

Recommandation 19

Création d’une nouvelle classe de produits dangereux correspondant aux matières liquides ou facilement liquéfiables et dotées d’un pouvoir calorifique important, classe servant uniquement pour le transit en tunnel. Cette initiative, pour être efficace, doit être validée par les instances internationales et européennes.

Recommandation 20

Faire procéder avant toute autorisation ou interdiction de franchissement d’un tunnel à une étude de danger, inspirée de celle pour les installations classées pour l’environnement (ICPE), et prenant en compte le danger encouru par une circulation dans le tunnel et sur les itinéraires alternatifs.

Vers un rééquilibrage des moyens de transports : l’arrêt du tout camion, le ferroutage et les voies fluviales

 

Recommandation 21

Mieux faire participer le transport routier au prix réel de l’usure occasionnée aux routes.

Recommandation 22

Favoriser un équilibre entre les divers modes de transports, par une politique économique du stockage à fin de réduire les échanges dus aux " flux tendus ".

Recommandation 23

Rééquilibrer en incitant le transport de tous les produits inertes et pondéreux, à faible valeur unitaire et à livraison ne nécessitant pas l’urgence, à utiliser un autre mode de transport, et notamment la voie d’eau. Ceci nécessite cependant une modernisation de certains canaux.

Recommandation 24

Inclure les sociétés de tunnels et autoroutes dans le tour de table des tunnels dédiés au ferroutage.

Recommandation 25

Prendre la décision de réaliser le Lyon – Turin, arrêter son tracé et commencer les galeries de reconnaissance dès cette prise de décision

 

Innovations et recherche

Recommandation 26

Garantir et imposer les crédits de fonctionnement pour l’entretien et la sécurité dans les tunnels.

Recommandation 27

Il est impératif de disposer dans les tunnels de réels détecteurs d’incendie et non d’opacimètres. Les détecteurs précoces mis en place dans les navettes " tourisme " circulant dans le Tunnel sous la Manche, s’ils ne pouvaient être utilisés en l’état, pourraient servir utilement de point de départ d’une recherche en ce sens.

Recommandation 28

Les brouillards d’eau sont actuellement envisagés comme moyen de lutte contre les incendies de très forte puissance (tunnels routiers à fort trafic poids lourds, tunnels pour autoroute ferroviaire) en tant qu'équipement de stations d'intervention spécialement aménagées. D’autres moyens, comme le réseau fixe de pulvérisation d’eau télécommandé en cas d’incendie par l’usager du tunnel ou encore d’aspersion d’eau pressurisée par lance à compression sont expérimentés ou en cours d’expérimentation malgré des premiers avis négatifs de pompiers craignant la destratification des fumées. Les recherches en ce domaine doivent donc être accélérées, et compte tenu de l’extrême nécessité de résultat fiable, le programme européen de recherche en ce domaine devrait faire l’objet d’une absolue priorité.

Recommandation 29

Les installations fixes, ou les navires type ferry, font de plus en plus une place importante au " cantonnement " dans la lutte contre l’incendie. Là aussi, les expériences d’isolation des zones sinistrées par des obstacles " coupe-feu " et cependant franchissables pour des usagers doivent faire l’objet d’une étude plus attentive des divers services de secours.

 

 

 

 

 

 

ADOPTION du RAPPORT

 

 

 

L’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a procédé à l’examen du rapport de M. Christian KERT, député, sur les " moyens nécessaires à mettre en œuvre pour améliorer la sécurité des tunnels routiers et ferroviaires français ", dans sa réunion du mardi 9 mai 2000.

M. Christian KERT, rapporteur, a tout d’abord précisé la méthode qu’il avait suivi pour réaliser son étude : visites sur place de nombreux tunnels français et étrangers, rencontres avec les professionnels du transport, entretiens avec les responsables des services de secours…

A l’issue de cette étude de plusieurs mois, il a estimé être en mesure de dresser un constat peu rassurant sur l’état de plusieurs tunnels et de conclure à la nécessité de repenser l’ensemble de la politique des transports, le " tout routier " actuel conduisant inexorablement à l’augmentation des risques lors des franchissements des ouvrages d’art.

M. Henri REVOL, sénateur, président, après avoir souligné que ce rapport qui aurait pu paraître au départ quelque peu hors du champ de compétences de l’Office, posait bien en réalité des problèmes de choix technologiques qui justifiaient parfaitement cette saisine. Il a regretté qu’il ait fallu la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc pour que des mesures soient enfin prises pour améliorer la sécurité des usagers.

Le rapporteur a tenu à faire part de ses doutes et de ses interrogations sur ce point, estimant que les mesures envisagées pour permettre la réouverture du tunnel du Mont-Blanc lui paraissaient nettement insuffisantes alors qu’elles auraient dû au contraire servir d’exemple pour l’ensemble des autres ouvrages.

M. Claude BIRRAUX, député, a lui aussi déploré que l’Etat majoritaire dans la société du tunnel du Mont-Blanc, n’ait pas eu, à l’occasion de sa remise en état, la volonté d’en faire une réalisation exemplaire.

M. Christian KERT, regrettant également cet état de fait, a néanmoins estimé qu’il n’était peut-être pas trop tard pour que l’Etat exerce pleinement ses responsabilités et s’engage dans un projet pilote en matière de sécurité pour la circulation dans l’ensemble des tunnels.

M. Claude BIRRAUX s’est d’autre part étonné que l’on ait autorisé le développement de deux projets de tunnels sur l’A 86 de natures différentes, mais présentant l’un et l’autre de graves lacunes en matière de sécurité. En ce qui concerne la réalisation de l’autoroute A 86, le rapporteur a estimé qu’il lui paraissait désormais difficile de revoir la conception même du tunnel " est ", mais qu’il était encore temps de faire renoncer le concessionnaire à son projet de transformer la bande d’arrêt d’urgence en troisième voie de circulation. En revanche, pour le tunnel " ouest ", il a estimé qu’il était encore parfaitement possible d’améliorer le projet en prévoyant soit le percement d’un second tube, soit la création d’une véritable galerie de secours.

Le rapport et les conclusions du rapporteur ont été adoptés à l’unanimité des membres de l’Office.

 

 

 

 

 

ANNEXES

 

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées

I. Personnalités entendues à PARIS

le 8 septembre 1999 :

M. Patrick GANDIL, Directeur des Routes, au Ministère de l’Equipement, du Transport et du Logement

M. Michel QUATRE, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Conseil Général des Ponts et Chaussées

M. Pierre DESFRAY, chargé de mission Sécurité auprès du Sous-Directeur des Transports ferroviaires, au Ministère de l’Equipement, du Transport et du Logement

le 13 octobre 1999 :

M. Jacques COUVERT, Directeur Général Délégué Exploitation de la SNCF

M. Jacques DUPRAT, coordonnateur de la démarche " Tunnel " auprès de la direction des infrastructures de la SNCF

M. Stéphane VOLANT, Conseiller du Président de la SNCF

le 26 octobre 1999 :

M. Jean-Pierre GENIN, Président Directeur Général de CHAGNAUD

le 23 novembre 1999 :

M. P. JERUSALEM, Directeur du Développement et des Etudes de CHAGNAUD

le 14 décembre 1999 :

M. Michel QUATRE, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Conseil Général des Ponts et Chaussées, coordonnateur de la section prévention et sécurité

M. Philippe SARDIN, Directeur du Centre d’Etudes des Tunnels

le 15 décembre 1999 :

M. Michel MAREC, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Conseil Général des Ponts et Chaussées, coordonnateur de la Mission d’inspection spécialisée des ouvrages d’art

le 22 décembre 1999 :

M. Pierre CROMBET, Président du Groupement des Associations de l’Ouest Parisien

M. Alain DEMAZIERE, Président d’Ile de France Environnement

le 22 décembre 1999 :

M. Rémy CHARDON, Président d’ATMB

le 11 janvier 2000 :

M. André BROTO, Directeur des Projets et de la Construction de COFIROUTE

M. Michel BARFETY, Chef de Projet A 86

le 12 janvier 2000 :

Dr Pierre CONINX, Praticien hospitalier SAMU 92

18 janvier 2000 :

M. Alain CAIRE, Directeur du Département Environnement et Sécurité de la RATP

M. François TCHENG, Directeur commercial Bouygues Travaux Publics

21 janvier 2000 :

M. Patrick MARGRON, géologue

25 janvier 2000 :

Commandant COUTOU, responsable des tunnels et immeubles de grande hauteur du Bureau Prévention à l’Etat Major de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris

9 février 2000 :

Mme Elisabeth BORNE, conseiller technique au cabinet du Premier Ministre

29 février 2000 :

M. Yves TONDUT, direction régionale de l’équipement, des transports et du logement d’Ile de France

M. BOUNY, direction régionale de l’équipement, des transports et du logement d’Ile de France

M. Michel LEVY, directeur de SETEC TPI

M. Yves DARPAS, responsable pôle équipements de SETEC TPI

8 mars 2000 :

M. Paul-Henri BOURRELIER, Ingénieur Général des Mines,

28 mars 2000 :

M. François BARTHELEMY, Ingénieur Général des Mines,

M. Claude CWIKLINSKI, Délégué Appui Technique à l’Administration de la Direction des Risques accidentels, à Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques

M. Philippe PONS, Chargé d’Affaires à la Direction des Risques accidentels INERIS

4 avril 2000 :

M. André GASTAUD, chargé de mission Transports de matières dangereuses au Ministère de l’Equipement, du Transport et du Logement

M. Pierre DESFRAY, chargé de mission Sécurité auprès du Sous-Directeur des Transports ferroviaires, au Ministère de l’Equipement, du Transport et du Logement

12 avril 2000 :

Mme Anne-Marie IDRAC, Députée des Yvelines, ancienne Secrétaire d’Etat aux Transports

M. Michel DI RUSSO, expert en risques technologiques (société ICARE)

18 avril 2000 :

M. René FEUNTEUN, chef du Bureau des risques naturels et technologiques à la sous-direction de la prévention et de la protection des population de la Direction de la Défense et de la Sécurité Civiles

Lieutenant-Colonel Jean-Michel VERGNAULT, DDSC

M. Hervé GAYMARD, Député, Président du Conseil Général de Savoie

 

 

 

II. Personnalités entendues lors de missions en France

à Lambesc, le23 septembre 1999 :

M. Dominique CROIZAT, Président directeur général de la société Technamm

M. Christian BELMONTE, Directeur commercial de la société Technamm

à Lyon, le29 septembre 1999 :

au Centre d’Etudes des Tunnels

M. Philippe SARDIN, Directeur du CETU

à la Direction départementale de l’équipement

M. Olivier FOIX, Directeur Adjoint de la DDE

M. Patrick de la TULAYE, chef du service Grands Projets de la DDE

M. Jean-Marc GUETEMME, responsable des tunnels à la Direction de la voirie du Grand Lyon

A Coquelles, le 13 octobre 1999 :

Au terminal EUROTUNNEL

M. Philippe LEGUAY, responsable retour d’expérience à la Direction Programmes et Développement d’EUROTUNNEL

M. Bruno DUFOSSE, responsable des navettes fret

à Marseille, le 25 novembre 1999

à la tête nord du tunnel TGV des Pennes Mirabeau

M. Bernard GYSSELS, Adjoint au directeur de la ligne nouvelle TGV Méditerranée (SNCF), directeur du Projet TGV pour les Bouches-du-Rhône

M. Marc LUCAS, Chef du service des infrastructures ferroviaires de la ligne nouvelle TGV Méditerranée (SNCF),

M. Pascal DUMONT, chargé de la signalisation électrique de la ligne nouvelle TGV Méditerranée (SNCF),

au tunnel du Vieux-Port

M. Jean-Pierre CROUZET, Direction de la circulation, Ville de Marseille

au tunnel du Prado-Carénage

M. Gilbert SABY, directeur général de la société marseillaise du tunnel Prado-Carénage

à la Préfecture

M. Louis LE FRANC, Directeur de Cabinet du Préfet de Région

M. Marc LUCAS, Ligne nouvelle TGV Méditerranée (SNCF),

M. Alain HOCQUET, Chef de la division exploitation de la direction régionale (SNCF),

M. Pascal DUMONT, Ligne nouvelle TGV Méditerranée (SNCF),

M. Jean-Pierre CROUZET, Direction de la circulation, Ville de Marseille

M. Bruno EVENAS, Adjoint au directeur du SZTI

Capitaine Henry IZACARD, groupement CRS IX

Brigadier Chef Bernard PRUNARET, groupement CRS IX

Major DESFRANÇOIS, DDSP

M. Christian SEREIN, DDSP

M. Daniel LLOUBES, DDE des Bouches du Rhône

Commandant Marc MOSSE, Chef des services opérationnels du SDIS 13

Commandant Thierry CARRET, Chef des services techniques du SDIS 13

Commandant Pierre SAVOURET, Chef du service prévention du SDIS 13

Capitaine de Corvette Bernard MUSCAT, chef de la Division plans et études amont du Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille

Capitaine de frégate POUEY, Chef du service prévention du Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille

Mme Dominique VAGNEUX, Service Interministériel Régional des Affaires Civiles et Economiques, de Défense et de la Protection Civile, Chef du Bureau des Plans de secours

Mme Christine HOPP, Bureau des Plans de secours

 

M. Jacques MARCILLAT, Directeur de recherche au CNRS, Institut de Recherche sur les phénomènes hors équilibre

M. Alexandre KAIDONIS, Directeur de ZEUS brumisation

M Henri NEYRAND, Directeur commercial de ZEUS

M. Eric DELBOULBE, Directeur d’Optiflow

Dans les Alpes, le 11 février 2000

au Tunnel du Fréjus

M. Pierre CHASSANDE, Président de la Société Française du Tunnel Routier du Fréjus

M. Yves CIPIERRE, Directeur technique adjoint de la SFTRF

M. Joël FAURE, Chef du service sécurité et conduite de la SFTRF

M. Michel MAREC, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées

au Tunnel du Mont-Blanc,

M. Rémy CHARDON, Président d’Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc

M. Jean-Yves LAPIERRE, Directeur des investissements

M. Christian BASSET, Directeur de l’exploitation du Tunnel

M. Pierre MERAND, Adjoint d’exploitation et sécurité du Tunnel

à la Mairie de Chamonix

M. Michel CHARLET, maire de Chamonix, conseiller général de Haute-Savoie

 

 

En Provence – Alpes – cote d’Azur, le 2 mars 2000

à Toulon

M. Michel MERMET, Directeur Départemental Adjoint de la Direction Départementale de l’Equipement du Var

M. Alain CHABERT, ingénieur à la DDE du Var

M. Jacques THEOBALD, Directeur des Infrastructures et des Transports du Conseil Général du Var

à Nice et au Tunnel de Tende

M. Laurent TAPADINAS, Directeur Départemental Adjoint de la Direction Départementale de l’Equipement des Alpes Maritimes

M. Didier CHARRIN, ingénieur à la DDE des Alpes Maritimes

dans le cantal, le 29 mars 2000

au tunnel du Lioran

M Roger BESSE, Sénateur, Président du Conseil Général du Cantal

M. Yves COUSSAIN, député, Vice-Président du Conseil Général

M. Pascal JOLY, Secrétaire Général de la Préfecture

M. Alain LORRIOT, Directeur Départemental de l’Equipement

M. Christian GAÏOTTINO, chef du service des infrastructures routières à la DDE

Lieutenant-Colonel Alain LAFFORGUE, commandant le groupement de gendarmerie départementale

En Avignon, le 14 avril 2000

M. Frédéric CHABAS, Président Directeur Général de CHABAS AVIGNON S.A.

III. Personnalités entendues lors de missions à l’étranger

en SUISSE, les 18 et 19 octobre 1999 :

à berne :

pour tout le séjour en Suisse :

M. Davide DEMICHELI, porte-parole, section de la politique et de la communication de l’Office fédéral des transports

à l’Office fédéral des transports

Dipl. Ing. Auto MIDDENDORP, chef des audits de sécurité des grands projets ferroviaires

Dipl. Bau-Ing. Michel EGGER, vice directeur des routes

M. Georges CROZAT, attaché pour la Science et la Technologie

au tunnel du Saint Gothard

à Chiasso

M. Theo ALLEMANN, directeur HUPAC

au terminal HUPAC de Busto (Italie)

M. Francesco CRIVELLI, directeur du site

 

en ITALIE, les 29 et 30 novembre :

à Rome, pour toute la mission :

M. François COTIER, attaché commercial

à l’ambassade de France

M. Jacques BLOT, Ambassadeur de France

M. René GHESQUIERE, ministre conseiller pour les affaires économiques et commerciales

à l’ANAS, Ente Nazionale per le Strade

Ing. Carlo BARTOLI, directeur général, responsable pour les normes de sécurité dans les tunnels

Ing. OTTAVI

aux Ferrovie dello Stato

Ing. Raffaelle MELE, directeur de la sécurité des infrastructures

au Ministère des Travaux Publics

M. Aurelio MISITI, Président du Conseil Supérieur des Travaux Publics, Président de la Commission spéciale des travaux publics pour la redéfinition des normes en matière de sécurité dans les tunnels

 

en AUTRICHE, du 5 au 7 décembre 1999

pour toute la mission :

M. Jean-Marie DEMANGE, conseiller économique et commercial

à Innsbruck et au tunnel de l’Arlberg

Ing. Peter UNTERHOLZNER, directeur général d’ALPENSTRASSEN AG

à Vienne

M. Philippe ABELIN, attaché commercial

aux Österreichische Bundesbahn

Dipl. Ing. Helmut HAINITZ, directeur général adjoint des OBB, chargé des infrastructures

M. Martin LEIDENFROST, directeur des infrastructures

M. Hermann UNGERSBÄCK, directeur du transport combiné

au ministère des affaires économiques

Dipl. Ing. Dr Gerold ESTERMANN, Chef du département Transport et financement

Dipl. Ing. Friedrich SCHWARZ-HERDA, adjoint du Chef du département Transport et financement

Ing. Rudolf HÖRHAN, responsable de la sécurité

à la Résidence

S. Exc. M. Jean CADET, Ambassadeur de France

M. PARNIGONI, député, ancien Président de la Commission des Transports

au ministère des Transports

Dr Gustav KAFKA, chef du département transport de matières dangereuses

Dipl. Ing. Georg PARRER, conseiller ministériel

au Parlement

Mag. Reinhard FIRLINGER, député, Président de la Commission des Transports

 

 

 

Annexe 2 : documents techniques

 

Annexe 2.1. : Les incendies de tunnels routiers dans le monde

Incendies de tunnels routiers dans le monde, ayant occasionné des victimes ou des dégâts très importants, avec matière dangereuse impliquée

 

 

 

 

 

 

CONSEQUENCES

ANNEE

TUNNEL
Longueur

Localité
PAYS

VEHICULE
A L'ORIGINE DU FEU

CAUSE PROBABLE

DUREE
DU FEU

PERSONNES

VEHICULES

TUNNEL

1949

Holland

2 550 m

New-York

U.S.A

1 camion chargé de 11 t de bisulfure de carbone

Chute du chargement

4h

66 blessés (intoxiqués)

10 PL

13 VL

dégâts importants sur 200 m

1979

Nihonzaka

2 045 m

Shizuoka

Japon

4 camions + 2 voitures

bidons d’éther ?

Collision avant-arrière

4 jours

7 morts

2 blessés

127 PL

46 VL

dégâts importants sur 1 100 m

1980

Kajiwara 740 m.

Japon

2 camions dont 1 avec 3600 l. de peinture en 200 pots

collision avec le piédroit et renversement

 

1 mort

2 PL

dégâts sur

280 m.

1982

Caldecott

1 028 m

Oakland

U.S.A

1 camion citerne

33 000 l d'essence

Collision avant-arrière

2h 40 mn

7 morts

2 blessés

3 PL

1 autocar

4 VL

dégâts importants sur 580 m

1996

Isola delle Femmine

148 m

Palerme

Italie

1 camion chargé de gaz liquéfié

Collision, suite à chaussée humide

Explosion

5 morts

10 blessés

1 PL

1 bus

18 VL

dégâts importants

 

 

 

 

 

Incendies de tunnels routiers dans le monde, ayant occasionné des victimes ou dégâts importants, sans matière dangereuse impliquée

 

 

 

 

 

 

CONSEQUENCES

ANNEE

TUNNEL
Longueur

LOCALITE
Pays

VEHICULEA L'ORIGINE DU FEU

CAUSE PROBABLE

DUREE
DU FEU

PERSONNES

VEHICULES
détruits

TUNNEL

1968

Billwerder-Moorfleet

243 m

Hambourg

Allemagne

1 remorque de camion

14 t de polyéthylène en sacs

blocage des freins

1h 30

néant

1 remorque

dégâts importants sur 34 m

1975

Guadarrama

3 330 m

Guadarrama

Espagne

1 camion chargé de bidons de résine de pin

inconnue

2h 45

néant

1 PL

dégâts importants sur 210 m

1976

raccordement

BP - A6

430 m

Paris

France

1 camion chargé de rouleaux de film polyester

vitesse excessive

-

néant

1 PL

dégâts importants

1978

Velsen

770 m

Velsen

Pays-Bas

2 camions

4 voitures

collision

avant-arrière

1h 20

5 morts

5 blessés

2 camionnettes

4 VL

dégâts importants sur 30 m

1983

Pecorile

600 m

Gênes

Savone

Italie

1 camion

collision suite à ralentissement

-

8 morts

22 blessés

10 VL

dégâts

légers

1983

Fréjus

12 868 m

Modane

France-Italie

1 camion chargé de matière plastique

rupture de la boîte de vitesse

1h 50

néant

PL

dégâts importants sur 200 m

1984

Gothard

16 321 m

Goeschenen-Airolo

Suisse

1 camion chargé de rouleaux de matière plastique

incendie du moteur

24 mn

néant

1 PL

dégâts importants sur 30 m

1984

Felbertassen

5130 m.

Autriche

1 bus

blocage des freins

1h 30

néant

1 bus

dégâts au plafond et aux équipements sur 100 m.

1986

L'Arme

1 105 m

Nice

France

1 camion semi-remorque

dérapage suite à vitesse excessive

-

3 morts

5 blessés

1 PL

4 VL

dégâts importants aux équipements

1987

Gumefens

340 m

Berne

Suisse

1 camion

collision en chaîne chaussée glissante

2 h

2 morts

2 PL - 1 camionnette

dégâts

légers

1993

Serra Ripoli

442 m

Bologne-Florence

Italie

1 voiture

tonneau puis collision avec 1 camion chargé de rouleaux papier

2h 30

4 morts

4 blessés

5 PL

11 VL

dégâts

légers

1994

Gothard

16 321 m

Goeschenen-Airolo

Suisse

1 camion

-

1h 15

néant

1 PL

tunnel fermé 3 jours

1994

Huguenot

6 111 m

Afrique du Sud

1 bus avec 45 passagers

circuit électrique

1h

1 mort

28 blessés

1 bus

dégâts importants

1994

Mersey Kingsway

2 500 m

Liverpool

Royaume Uni

1 bus avec 40 passagers

moteur

1h

néant

1 bus

dégâts

légers

1994

Castellar

570 m

Nice

France

1 camion semi-remorque ballots de papier

éclatement

d'un pneu

1h

néant

1 PL

dégâts importants aux équipements

1995

Pfander

6 719 m

Autriche

1 camion semi-remorque

collision frontale

-

3 morts

4 blessés

4 VL

dégâts

légers

 

Annexe 2.2. : Note de M. André GASTAUD, Mission des Transports des matières dangereuses du ministère de l’équipement, des transports et du logement

La Sécurité du transport terrestre de marchandises dangereuses (TMD)

 

1 - QUELLES MATIERES, QUELS FLUX?

Les marchandises dangereuses - plus de 3000 substances concernées - sont réparties en 13 classes, inégales qu'ils s'agissent des niveaux de risque ou des quantités transportées. C'est l'héritage du passé. En particulier la seule classe 2 regroupe tous les gaz qu'ils soient inertes (asphyxiants) , inflammables, comburants, toxiques, ou corrosifs.

Les flux terrestres de TMD sont depuis une vingtaine d'années de plus en plus déséquilibrés au profit du transport routier, plus rapide, plus rentable économiquement, mais aussi plus générateur de risques.

Répartition du transport terrestre de marchandises dangereuses

hors canalisations, en 1997

Mode

Kt

%

Kt.km

%

Route

83 364

76

8 664 200

54

Rail

17 844

16

6 295 236

39

V.N.

8 290

8

1 111 855

7

Total

109498

100

16 071 291

100

 

Les produits pétroliers (carburants, fioul, GPL) qui représentent la grande majorité du TMD sont de plus en plus " sur la route " notamment du fait de la fermeture progressive des dépôts intermédiaires.

Transport de produits pétroliers finis en 1997

Mode

Mt

%

Caboteurs

3,6

3,7

Chalands

2,7

2,7

Wagons

5,7

5,8

Camions

58,6

59,7

Canalisations

27,6

28,1

Total

98,2

100

Le dramatique accident survenu en mars 1999 au tunnel du Mont-Blanc, même si le TMD n'était pas en cause, remet à nouveau à l'ordre du jour la question du rééquilibrage des modes, qu'il s'agisse des marchandises en général, ou du TMD. Toutefois, cette démarche si elle se confirme sera longue. En effet, les modes de substitution (autoroutes ferroviaires par exemple) sont loin d'être au rendez-vous.

II - UNE REGLEMENTATION COMPLEXE, VOLUMINEUSE, CONTRAIGNANTE

Les textes législatifs fondateurs, souvent anciens : décret-loi TMD de 1942, loi infractions routières de 1975, loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI) de 1982, méritent sans doute un toilettage et une harmonisation.

Le transport international de marchandises dangereuses est réglementé par des accords et conventions pris au sein des instances européennes de l'ONU regroupant plusieurs dizaines d'Etats (l'Europe au sens large, de Dublin à Vladivostok). Ce sont l'ADR depuis 1957 pour la route, le RID pour le rail, l'ADN pour les voies d'eau intérieures. En fait, pour ce dernier mode, la réglementation s'aligne pour l'instant sur celle du bassin rhénan (ADNR) plus opérationnelle.

Au cours des années 1990, des directives européennes relatives à chaque mode de transport terrestre ont imposé l'harmonisation des réglementations, à compter de 1997. Dans le domaine routier, par exemple, l'ADR doit désormais s'appliquer, qu'il s'agisse de transport transfrontière ou de transport intérieur.

Dans la même décennie, d'autres directives ont imposé le renforcement et l'harmonisation des contrôles en matière de TMD routier, et pour le début du millénaire, l'obligation pour chaque entreprise chargeant, déchargeant, ou transportant des marchandises dangereuses de se doter d'un conseiller à la sécurité, clairement identifié, formé et diplômé.

L'ensemble de ces directives a été transposé en droit français par des arrêtés ministériels, à l'exception de la directive contrôle qui a donné lieu à une circulaire aux préfets chargés d'activer les services de contrôle (police, gendarmerie, douane, contrôleurs des transports terrestres).

Cette réglementation construite par de nombreux Etats sur le dernier demi-siècle est forcément lourde (plus d'un millier de pages pour le seul ADR) et complexe. Elle se montre sous certains aspects très contraignante et fait l'objet de nombreuses dérogations nationales ou internationales se traduisant par des accords particuliers. Ces procédures dérogatoires sont instruites par une Commission interministérielle, la CITMD.

En France, le TMD routier est bien évidemment également assujetti aux dispositions réglementant la circulation routière en général (code de la route pour la vitesse et la circulation le week-end,... ) et la législation du travail (temps de conduite).

Cette réglementation malgré son volume, ne couvre pas totalement l'ensemble de l'opération de transport. En effet, si elle réglemente l'identification et le classement de la matière, l'emballage, l'étiquetage, la conception, l'équipement et le contrôle des véhicules et des citernes, la formation des conducteurs, elle ne couvre pas suffisamment la prévention des risques relatifs à l’" environnement " du transport de marchandises dangereuses : nature et qualité de l'itinéraire, présence d'autres usagers, points noirs tels que les tunnels, les agglomérations, les passages à niveau, les zones industrielles à risques.

Enfin, la réglementation européenne interdit aux Etats d'imposer un mode ou un itinéraire, sauf pour des raisons de sûreté nationale, de protection de l'environnement, et de sécurité, et à condition que cela soit limité dans l'espace ou dans le temps.

III - LES ACCIDENTS DE TRANSPORT DE MARCHANDISES DANGEREUSES - UN BILAN ENCORE TROP LOURD

Au cours des 25 dernières années, des accidents routiers meurtriers, St- Amand-les-Eaux (1973); les Eparres (1993); Port-Sainte-Foy (1997) ou ferroviaires spectaculaires, Chavanay, Aix-les-Bains, La Voulte (1990-93) ont légitimement ému l'opinion.

Transport terrestre de marchandises dangereuses

et accidentologie en 1997

Mode

Kt.km

Accidents

Tués

Route

8 664 200

223

35

Rail

6 295 236

0

0

V.N.

1 111 855

0

0

Le rail et la voie d'eau sont à l'origine de peu d'accidents ; les conséquences sont essentiellement matérielles.

Depuis les accidents du début des années 1990, la SNCF a accompli un important travail dans le domaine de la sécurité du TMD ferroviaire :

- mise en place généralisée de détecteurs de boîtes chaudes (DBC) ;

- formation d'experts régionaux TMD,

- étude générale de la sécurité du TMD,

- études locales TMD et plans d'intervention TMD, pour les gares d'expédition et de triage (des PPI pour certaines sont en cours d'élaboration).

Des mesures d'exploitation pour les tunnels ferroviaires fréquentés par des voyageurs et du TMD ont également été mis en place.

Dans les années à venir, une attention particulière devra être apportée aux chantiers multimodaux, à la limite des réglementations installations classées et transport.

Pour le TMD routier, la situation ne s'améliore pas significativement. Depuis 10 ans, la moyenne s'établit annuellement à 200 accidents causant 20 morts, dont 2 décès provoqués par la matière transportée.

L'année 1997 aura été une année noire pour le TMD routier avec 223 accidents, 35 morts, dont 16 tués par la matière transportée. L'accident survenu au passage à niveau de Port-Ste-Foy (Dordogne), en septembre 1997, lors de la collision entre un T.E.R. et un semi-remorque d'hydrocarbures, a occasionné la mort de 13 personnes brûlées vives et des blessures pour 43 autres.

IV - LA DEMARCHE SECURITE-QUALITE DES PROFESSIONNELS DU TMD; CHARGEURS ET TRANSPORTEURS

En complément des mesures contraignantes mais insuffisantes imposées par l'ONU, l'Union Européenne, et les Etats, deux démarches faisant largement appel à l'initiative et à la qualité des entreprises intervenant dans la chaîne du transport devraient, au fil des années, porter leurs fruits en matière de réduction du risque.

Il s'agit en premier lieu de l'obligation de certification du système d'assurance qualité de certaines entreprises de transport (ISO 9000). Cette mesure a été introduite en France en 1997, au titre de la subsidiarité, dans l'attente de normes européennes tardant à venir.

Toutefois, si elle s'applique au transport des substances les plus dangereuses parmi les explosifs, les gaz (GPL), les inflammables, corrosifs et autres toxiques, lorsque celles-ci sont transportées en quantités significatives (citernes de plus de 3000 litres par exemple), elle ne s'applique pas aux marchandises dangereuses les plus transportées (carburants, fioul).

Dans le même domaine, on mentionnera également les obligations de certification de l'assurance qualité pour la fabrication des emballages de marchandises dangereuses.

La deuxième démarche concerne le " conseiller à la sécurité " (CS). Même si celle-ci a été initiée par une directive européenne transposée par arrêté, elle fera, à partir de sa mise en application le 1er janvier 2001, largement appel à l'initiative des entreprises pour les opérations de formation, conseil, concertation, audit au sein des entreprises où tous les acteurs concernés par le TMD (en particulier les conducteurs) seront en contact avec le CS. L'obligation qui est par ailleurs faite au CS de produire un rapport annuel sur ses activités, ainsi qu'un rapport pour tout accident survenu, ne pourra qu'être bénéfique au retour d'expérience.

V - LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DE " L'ENVIRONNEMENT " DU TRANSPORT DE MARCHANDISES DANGEREUSES

Ce secteur, faut-il le rappeler, échappe presque totalement aux réglementations nationales ou internationales. Cette prise en compte doit intégrer les principes suivants :

1 - la sécurité du TMD ne se limite pas à celle de la matière, de l'emballage et du véhicule, mais doit prendre en compte l'intégralité du " process " de transport d'un bout à l'autre de l'itinéraire, avec les points noirs déjà cités : routes escarpées, agglomérations, tunnels, passages à niveaux, sites industriels, ... Elle doit aussi intégrer le facteur humain : comportement du conducteur TMD, des autres usagers, du public.

2 - les difficultés locales spécifiques en matière de risque TMD doivent être analysées dans le cadre d'une démarche de concertation à l'échelon local initiée par les collectivités territoriales traversées et investies du pouvoir de police en matière de circulation.

L'Etat ne doit intervenir ici que comme partenaire en mettant à disposition ses services déconcentrés (DDE/DRE, DRIRE, DDAS, SIDPC, ... ) et en facilitant la diffusion de l'information d'une région à l'autre (harmonisation des pratiques, suggérée, mais non imposée).

Doivent évidemment participer aussi à cette démarche :

%ª les services de police, gendarmerie, douanes,

%ª les services de secours et de lutte contre l'incendie,

%ª les organisations professionnelles représentatives des chargeurs et des transporteurs, les grands opérateurs (SNCF,VNF, ... ),

%ª les associations d'élus, de riverains, de protection de l'environnement,

%ª les relais d'opinion (médias) et enseignants,

%ª des personnalités qualifiées (experts en risques, médecins).

Une structure d'accueil possible pour ce type de concertation semble être les secrétariats permanents pour la prévention des problèmes/pollutions industriel(le)s ou S3PI , présents sur les grands complexes industriels français. Les S3PI sont encouragés à créer des commissions ou groupes de travail TMD.

Certains fonctionnent déjà sur ce mode. Il faut citer l'exemple du SPIRAL du Grand Lyon qui travaille sur ce thème depuis plusieurs années et qui a publié en 1999 un nouveau document sur le TMD dans l'agglomération lyonnaise.

D'autres S3PI ont travaillé sur le thème TMD par le passé (Rouen, Fos - Berre, Strasbourg, Toulouse) ou initient des démarches (Dunkerque - Gravelines). Ces initiatives, souvent le fait de quelques personnes, doivent être encouragées par les autorités locales et bien sûr financées.

Les réflexions et la concertation s'articulent la plupart du temps sur les thèmes suivants :

%ª évaluation des flux TMD (transit, desserte des industries, stations-service, particuliers), cartographie,

%ª proposition d'itinéraires TMD préférentiels,

%ª régime TMD des tunnels urbains et périurbains,

%ª mise en place d'aires de stationnement, lavage, arrêt d'urgence,

%ª mise en place de protections matérielles sur les itinéraires (rails de sécurité,...,'

%ª cartographie des canalisations souterraines en zone urbaine,

%ª information des riverains.

Une fois le consensus acquis, des arrêtés (préfet, maire) peuvent matérialiser certaines dispositions, telles que les itinéraires MD.

Dans le domaine particulier des grands tunnels routiers notamment, qu'il s'agisse de tunnels en rase campagne situés sur les autoroutes et routes nationales ou de tunnels frontaliers (Mont-Blanc, Fréjus, Somport, ... ) l'Etat intervient directement dans la démarche réglementant la circulation des marchandises dangereuses.

Les textes qui demandent aux préfets (ou aux instances binationales), de réglementer sont actuellement en pleine évolution. L'accident du Mont-Blanc, bien que ne concernant pas directement le TMD aura une influence certaine sur cette évolution.

Le principe est de réaliser au niveau de chaque tunnel, une étude quantitative des risques (QRA) comparés dus au transit TMD par le tunnel et par un itinéraire alternatif qui pourrait aussi s'avérer dangereux.

Ces études combinant les deux aspects déterministe et probabiliste sont complexes, longues, et coûteuses. La technique n'est qu'à ses débuts. L'INERIS est actuellement pilote en ce domaine, qu'il s'agisse d'études de tunnels au cas par cas, ou de travaux pour le compte de l'Union européenne et de l'OCDE, en coopération avec le CETU.

La demande pourrait s'accroître fortement dans les mois et les années à venir. D'autres organismes compétents en ce domaine (IPSN, INRETS, cabinets privés) sont invités à se positionner sur ce thème.

La démarche technique initiée pour les tunnels et les itinéraires alternatifs associés, devrait pouvoir ensuite être élargie aux autres types de points noirs rencontrés sur la voirie, voire à l'intégralité de l'itinéraire.

On pourrait aussi comparer les risques occasionnés par le transport de la même matière selon deux modes différents (route et rail par exemple).

Comme cela a déjà été signalé, l'interdiction européenne d'imposer un mode ou un itinéraire autrement que ponctuellement, limite pour l'instant la portée d'une telle démarche.

VI - CONCLUSION

Il est évident que l'arsenal des réglementations européennes et nationales, dont la nécessité cependant ne doit pas être mise en doute, notamment en matière d'harmonisation, n'est pas suffisant pour parvenir à un risque TMD significativement faible, particulièrement dans le domaine routier.

Les acteurs du TMD, chargeurs et transporteurs qui sont associés à l'élaboration des règlements, notamment au sein de la CITMD, ont pris progressivement conscience du rôle qu'ils ont à jouer en matière de démarche sécurité- qualité. Cela contribue aussi à leur image de marque.

En matière d'actions locales, les collectivités territoriales doivent être pilotes pour organiser la concertation devant conduire à des mesures de réduction du risque sur les itinéraires.

Enfin, tous ces efforts, particulièrement en matière de transport routier, doivent s'accompagner d'une plus grande responsabilisation des conducteurs, qu'il s'agisse de ceux transportant des marchandises dangereuses, ou des autres usagers de la route, la plupart des accidents de TMD ayant pour cause première, une faute de conduite.

 

 

Annexe 2.3. : Extrait des propositions à caractère général du rapport du Comité d’évaluation de MM. Michel Quatre et Philippe Sardin, du 2 juillet 1999

L'examen des réponses aux questionnaires fait ressortir un certain nombre d'éléments communs à de nombreux tunnels pour lesquels des propositions d'amélioration à caractère général peuvent être formulées. Ces propositions ont été regroupées de la manière suivante :

    1. Améliorations touchant au génie civil des ouvrages.
    2. Besoins en matière de surveillance, régulation du trafic et information des usagers.
    3. Fiabilité, pérennité, maintenance.
    4. Qualification de l'exploitant et des services de secours.
    5. Répartition des compétences entre les différents intervenants.
    6. D'autre part, il apparaît important de formuler des propositions ayant trait à :

    7. L'action sur le comportement de l'usager en tunnel.
    8. Enfin des propositions, basées sur l'établissement et la tenue à jour d'un dossier de sécurité au cours de la vie de l'ouvrage, seront prochainement mises en forme, en ce qui concerne le :

    9. Contrôle de l'ouvrage et de son exploitation.

1. - Améliorations touchant au génie civil des ouvrages :

1.1. - Accessibilité des secours aux abris de protection des usagers.

Lorsque le tunnel ne comprend qu'un seul tube et ne comporte pas d'issues de secours ou de rameaux de liaison avec l'extérieur, permettant aux usagers de s'échapper de l'ouvrage par leurs propres moyens, une solution consiste à créer des refuges offrant un abri sûr aux usagers dans l'attente de leur évacuation.

L'un des enseignements de la catastrophe du Mont-Blanc est que ces abris doivent être raccordés à une galerie ou à une gaine d'air frais, de façon que les services de secours puissent y accéder sans avoir nécessairement à emprunter la chaussée du tunnel.

Cette règle n'ayant pas été imposée jusqu'à maintenant, même aux ouvrages récemment mis en service ou en cours de construction, des adaptations sont à prévoir sur certains d'entre eux.

Dans le cas de tunnels à faible trafic, notamment de poids lourds, le plus faible niveau de risque joint à une bonne régulation du trafic a pu justifier de ne pas exiger des travaux de raccordement dont la réalisation s'avérerait très difficile.

1.2. - Mise en place de systèmes spéciaux de recueil des liquides déversés sur la chaussée.

Depuis le début des années 90, les tunnels importants sont équipés de dispositifs spéciaux de recueil de liquides, dont l'objectif est de limiter les risques d'incendie et d'explosion en cas de déversement accidentel sur la chaussée. Ces dispositifs comportent des caniveaux à fente continue raccordés à des regards siphon régulièrement espacés et débouchant sur des bassins de stockage des effluents.

La question d'un équipement des tunnels anc1iens avec ce type de dispositif se pose :

- d'une part pour les longs tunnels bidirectionnels comportant un trafic poids lourds significatif, c'est-à-dire les tunnels du Fréjus, du Mont-Blanc et Maurice Lemaire,

- d'autre part pour les tunnels des autoroutes de liaison sur les itinéraires suivants :

. A8 dans les Alpes-Maritimes,

. A43 jusqu'au tunnel du Fréjus,

. A40 jusqu'au tunnel du Mont-Blanc.

Les études à mener doivent s'inscrire dans le cadre d'un programme général de modernisation des tunnels de ces itinéraires, prenant en compte l'importance des trafics, notamment de véhicules transportant des marchandises dangereuses (T.M.D.).

2. - Besoins en matière de surveillance, régulation du trafic et information des usagers :

2.1. - Surveillance et détection.

Le développement des systèmes de détection automatique d'incidents (D.A.I.), basés notamment sur les moyens de vidéosurveillance, est susceptible d'améliorer de manière significative la surveillance des ouvrages.

Cette évolution doit aboutir dans un délai rapproché à l'équipement complet des tunnels urbains, des tunnels surveillés de grande longueur et des tunnels susceptibles d'être congestionnés lors de pointes de trafic.

La bonne organisation de la surveillance reste primordiale. En effet, un opérateur qualifié (cf. point 4) doit être à même de réagir sans délai, et cela même lorsque les informations et alertes sont adressées à un service autre que celui de l'exploitant (cf. point 5).

Des questions comme celles de la détection, à l'entrée en tunnel, des T.M.D. ou des véhicules ayant subi un échauffement anormal relèvent encore du domaine des recherches mais pourraient trouver une application utile dans les tunnels.

2.2. - Régulation du trafic.

Il est essentiel de disposer de systèmes de régulation du trafic performants pour éviter, autant que possible, les situations de congestion remontant en tunnel.

Ceci est particulièrement nécessaire dans le cas des tunnels unidirectionnels à ventilation longitudinale pour éviter de pousser les fumées sur des véhicules situés à l'aval d'un incendie.

La régulation du trafic doit aller jusqu'à la fermeture du tunnel grâce à une signalisation appropriée : feux rouges clignotants et barrières, accompagnés et précédés de messages clairs pour l'usager du type "Tunnel fermé - Incendie" ou "Tunnel fermé - Accident".

En milieu urbain, les tunnels doivent être intégrés dans les dispositifs de régulation générale du trafic en incluant dans ces dispositifs la contrainte de limiter au maximum les encombrements dans les parties souterraines.

A ce titre, il est nécessaire d'équiper à court terme tous les tunnels d'un dispositif de fermeture au trafic à leurs deux extrémités et d'élaborer un plan de gestion du trafic sur les itinéraires à tunnels successifs.

2.3. - Information des usagers.

La régulation du trafic et l'intervention en cas d'accident ou d'incendie doivent s'appuyer sur des moyens performants d'information des usagers :

- communications faciles avec les utilisateurs du réseau d'appel d'urgence, impliquant la fermeture par porte des niches de sécurité, mise en place de panneaux d'information dans celles-ci,

- communications sécurisantes avec les usagers réfugiés dans les abris avec mise en place de haut-parleurs, voire d'écrans de télévision,

- signalisation renforcée des ouvrages de sécurité, et tout particulièrement des abris ou des issues de secours, avec balisage d'accès bien visible, bien entretenu et nettoyé régulièrement,

- incrustation de messages sur les radios retransmises en tunnels (ceci suppose bien sûr que le personnel de surveillance dispose des consignes nécessaires à la délivrance immédiate des messages en cas de besoin),

- mise en place de panneaux à messages variables (P.M.V.) en tunnel, à intervalles réguliers, essentiellement dans les ouvrages les plus longs et dans les tunnels urbains à forte circulation.

Les dispositions à prendre concernant la signalisation fixe et variable doivent être définies avec précision au sein d'un groupe de travail associant des exploitants de tunnels, de façon à obtenir une bonne homogénéité entre les différents ouvrages. L'intérêt d'une normalisation au niveau européen doit être examiné.

2.4. - Transit des véhicules transportant des marchandises dangereuses.

Il est nécessaire de bien prendre en compte les prescriptions des textes régissant le transit des marchandises dans les tunnels routiers (circulaire 76-44 du 12.03.1976 en cours de refonte, notamment), tout au long de la vie de ces tunnels, et dès leur conception.

Le principe des études d'évaluation comparatives des risques "marchandises dangereuses " pour l'itinéraire empruntant un tunnel donné et pour les itinéraires alternatifs, doit être généralisé, qu'ils s'agissent de nouveaux ouvrages ou de tunnels anciens.

3. - Fiabilité, pérennité, maintenance :

3.1. - Fiabilité de l'alimentation électrique et des transmissions.

Dans un certain nombre de cas, les gestionnaires des ouvrages signalent des risques liés à des défauts de fiabilité de câbles de liaison importants, assurant l'alimentation électrique ou la commande de certains équipements, ou bien la transmission des messages.

Ces questions - tout comme celles évoquées en 3.2 et 3.3 - nécessitent que soit effectuée pour chaque tunnel une investigation par un cabinet spécialisé. Ce type d'intervention doit s'inscrire dans les procédures de contrôle qui devront être mises en place.

Enfin, à cette occasion et si ceci n'a pas encore été fait, une attention particulière doit être portée aux dysfonctionnements possibles lors du passage à l'an 2000.

3.2. - Résistance au feu.

Dans la plupart des cas la résistance au feu des structures internes au tunnel (plafonds ou gaines de ventilation…) ou des équipements suspendus (accélérateurs…) n'est pas connue.

Il est indispensable que ces éléments soient précisés après investigation. On veillera tout particulièrement à vérifier la résistance des dispositifs nécessaires à la sauvegarde des usagers (alimentation en air des abris, portes coupe-feu…) ou à l'accès des secours (gaines d'air frais…).

3.3. - Ventilation - Capacité de désenfumage.

Pour les tunnels longs, fréquentés par des cyclistes, il faut veiller à assurer une qualité de l'air suffisante.

La capacité réelle des installations de désenfumage n'a été donnée par les gestionnaires que pour un faible nombre de tunnels. Lorsque la capacité n'est pas connue, une étude est à faire, à partir des caractéristiques des installations et du tunnel, complétée s'il y a lieu par des mesures aérauliques sur l'ouvrage.

Pour les tunnels à ventilation longitudinale, l'objectif est de connaître la vitesse du courant d'air créé par les accélérateurs, tenant compte le cas échéant de l'existence d'un courant d'air naturel contraire.

Pour les tunnels à ventilation transversale, la mesure de la capacité réelle d'aspiration peut être l'occasion de détecter un certain nombre de défauts : fuites d'air importantes, délai de réversibilité excessif dans le cas des systèmes semi-transversaux réversibles…

3.4. - Maintenance.

La maintenance des équipements de sécurité est bien sûr essentielle.

La fréquence des inspections permettant de vérifier le bon fonctionnement des moyens mis à la disposition des usagers (réseau d'appel d’urgence, extincteurs) doit être adaptée à l'importance du tunnel et du trafic.

Les installations ou équipements fonctionnant peu souvent doivent faire l'objet d'essais à intervalles réguliers sur la base de protocoles précis.

Le niveau général de maintenance des tunnels du réseau non concédé apparaît plus faible que celui des ouvrages concédés, ce qui pose certainement le problème des moyens affectés à cet usage.

4. - Qualification de l'exploitant et des services de secours :

4.1. - L'exploitant.

Exploiter un tunnel, c'est un métier qui nécessite une formation pour laquelle il convient de mettre en place des moyens.

La compétence doit être entretenue :

- par l'analyse des incidents ou accidents rencontrés lors de l'exploitation des différents tunnels, ce qui suppose que soit organisé un recueil des données, dont le cadre sera prochainement codifié, l'usage de la D.A.I. étant appelé à se généraliser dans les tunnels à fort trafic,

- par la réalisation d'exercices suffisamment fréquents, renouvelés notamment lors des changements des personnels chargés de la sécurité.

Les thèmes des exercices doivent prendre en compte les différents types de scénarios susceptibles d'intervenir.

Si des personnels de police - au demeurant fréquemment renouvelés - sont appelés à effectuer des manœuvres d'exploitation en cas d'urgence (par exemple déclenchement du désenfumage ou fermeture des entrées), ils doivent recevoir une instruction suffisante à cette fin.

4.2 - Les services de secours.

Les services de secours doivent être préparés à l'intervention sur le tunnel. Il est souhaitable que les conditions et moyens d'intervention des pompiers soient bien définis d'avance, suite à une analyse permettant un classement E.T.A.R.E. (établissement répertorié).

Les plans de secours spécialisés (P.S.S.) doivent être établis rapidement pour les tunnels qui n'en disposent pas encore.

Des exercices de fréquence au moins annuelle doivent associer l'exploitant et les services de secours.

5. - Répartition des compétences entre les différents intervenants :

L'exploitant doit établir un plan d'intervention et de sécurité (P.I.S.) qui répond notamment aux questions suivantes :

- quels sont les moyens propres à l'exploitant ?

- comment est organisée la surveillance de l'ouvrage en exploitation normale, et notamment le partage des tâches entre l'exploitant et les forces de police ou de gendarmerie ?

- comment est déclenché le processus d'intervention dans les différents cas susceptibles d'être rencontrés ?

- quels sont les rôles de chacun ?

- comment sont assurées les liaisons ?

- quelles sont les consignes propres à l'exploitant ?

L'interface entre P.I.S. et P.S.S. doit être bien étudiée de façon à assurer une parfaite cohérence.

6. - Action sur le comportement de l'usager :

6.1. - Formation des conducteurs.

Le programme du permis de conduire devrait inclure un paragraphe sur les dispositifs de circulation et de sauvegarde des usagers en tunnel.

Un volet portant sur le comportement en tunnel pourrait être introduit dans le contenu des formations initiale et continue données aux chauffeurs de poids lourds, en raison du rôle essentiel qu'ils peuvent jouer en cas de sinistre.

6.2. - Campagnes d'information.

Des fiches explicatives sont à fournir aux usagers avant les entrées contrôlées en tunnel.

Les campagnes en faveur de la sécurité routière pourraient inclure des messages portant sur le comportement en tunnel.

6.3. - Respect de la réglementation.

Le contrôle de vitesse par radar et la verbalisation possible du propriétaire du véhicule devraient être introduites en priorité dans les tunnels signalés dans le diagnostic.

Le respect d'une inter-distance minimale entre véhicules, y compris à l'arrêt, est particulièrement important en ce qui concerne les poids lourds. Pour pouvoir faire appliquer facilement cette mesure, il conviendrait de fixer un espacement unique, valable dans tous les tunnels.

 

 

Annexe 2.4. : Rapport du 6 juillet 1999 de Pierre Duffé, Inspecteur Général de l'Administration, Michel Marec, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Pasquale Cialdini, Chef de l'Inspection Générale de la circulation et de la sécurité routière

Introduction

Après l'incendie survenu dans le tunnel du Mont-Blanc, deux missions administratives d'expertise ont été installées, l'une française, par le ministre de l'Intérieur et par le ministre de l'Équipement, des Transports et du Logement, l'autre, italienne, par le ministre des Travaux Publics.

Les deux missions ont rédigé un rapport commun présentant 41 propositions, sur la base des rapports d'investigations de chaque mission. Le rapport français figure en annexe du rapport commun.

RAPPORT COMMUN DES MISSIONS ADMINISTRATIVES D’ENQUETE TECHNIQUE FRANÇAISE ET ITALIENNE RELATIF A LA CATASTROPHE SURVENUE LE 24 MARS 1999 DANS LE TUNNEL DU MONT BLANC

 

Ière PARTIE - LES CIRCONSTANCES DE LA CATASTROPHE

I. LE TUNNEL DU MONT BLANC

I.1. Présentation de l’ouvrage

I.2. Evolution du trafic

I.3. Organisation de la gestion du tunnel

I.4. Les principales caractéristiques techniques du tunnel

II. LES CONSIGNES DE SECURITE A APPLIQUER PAR LES SOCIETES ET LE REGLEMENT DE LA CIRCULATION.

III. ORGANISATION DE LA SECURITE

III.1. Le dispositif institutionnel

III.2. L'organisation des premiers secours des exploitants

III.3. La coordination des secours publics français et italiens

IV. L’ORGANISATION DES SECOURS AU MOMENT DE L’INCENDIE

IV.1. L'alerte et l'intervention des moyens de secours

IV.2. Les phases principales de l'intervention des secours

IV.3. La mise en œuvre des plans de secours

IV.4. L'importance des moyens de secours

IV.5. Les conditions extrêmes d'intervention

V. ELEMENTS D’ANALYSE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L’INCENDIE ET L’AMPLEUR DE LA CATASTROPHE

V.1. Le premier camion en feu

V.2. La ventilation

V.3. Le comportement des usagers et leur formation

VI. LES RAPPORTS D’ENQUETE FRANCAIS ET ITALIENS

IIème PARTIE - PROPOSITIONS

1. L'organisation institutionnelle

1.1 La Commission Intergouvernementale de Contrôle

1.1.1 La création d'un Comité technique de sécurité

1.1.2 L'amélioration du fonctionnement de la Commission intergouvernementale de Contrôle

1.2 Les sociétés concessionnaires

2. Les installations de sécurité et d'exploitation

2.1. Les équipements

2.1.1 Salle de commande

2.1.2 Contrôle commande informatisé

2.1.3 Recueil des données relatives à la sécurité

2.1.4 Installations électriques, réseaux de mesures et de commandes

2.1.5 Signalisation en tunnel

2.1.6 Ventilation

2.2 Le génie civil

2.3 La réglementation de la circulation dans le tunnel

2.3.1 Espacement des véhicules

2.3.2 Contrôle du respect des règles de circulation

2.3.3 Inspection des camions avant l’accès au tunnel

2.4 Les consignes de sécurité

3. Organisation des moyens de secours

3.1 L’exploitant

3.2 Les pouvoirs publics

4. Information et formation des usagers

5. réglementation des véhicules

6. la mise en œuvre des recommandations

 

Après l’incendie survenu le 24 mars 1999 dans le tunnel du Mont Blanc, qui a entraîné la mort de 39 personnes, deux missions administratives d’expertise ont été installées, l’une, française, par le Ministre de l’Intérieur et par le Ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement, et, l’autre, italienne, par le Ministre des Travaux Publics.

La mission française a été mise en place le 26 mars. Elle était présidée par MM. Pierre Duffé, Inspecteur Général de l'Administration, et Michel Marec, Ingénieur Général des Ponts et Chaussées.

Pour le Ministère de l'Intérieur, la mission comprenait en outre MM. Mathias Pestre-Mazières, Inspecteur de l'Administration, le Colonel Gilardo, et le Lieutenant-colonel Vergnault (Direction de la défense et de la sécurité civiles).

Pour le Ministère de l'Equipement, du Transport et du Logement, la mission comprenait aussi MM. François Barthélemy, Ingénieur Général des Mines, Jacques Demoulin, chargé de mission au Conseil Général des Ponts et Chaussées, et Didier Lacroix, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées.

La mission italienne a été installée le 16 avril. Elle était présidée par l’Ingénieur Pasquale Cialdini, chef de l'Inspection Générale de la circulation et de la sécurité routière.

Elle était en outre composée du Professeur Claudio Podestà, département de la Protection civile, l'Ingénieur Guido Parisi, Ministère de l'Intérieur, et de la Dottoressa Clara Ricozzi, Ministère des Transports.

La mission française a remis un premier rapport d’étape le 13 avril, qui a été rendu public. Les deux missions ont pu commencer à travailler ensemble à partir de la mi-mai. Ayant l’une et l’autre à cette date déjà engagé leurs travaux, il a été décidé que tout en s’informant mutuellement de l’état de leurs réflexions, elles poursuivraient chacune la rédaction d’un rapport sur les circonstances de la catastrophe, les causes de leur ampleur et les enseignements à en tirer. Parallèlement, elles rédigeraient un rapport commun qui, d’une part résumerait les principales constatations des deux rapports nationaux et, d’autre part, présenteraient des propositions pour la réouverture du Tunnel.

Le présent texte constitue ce rapport commun. Les deux rapports nationaux le complètent et figurent en annexe.

 

Ière PARTIE : LES CIRCONSTANCES DE LA CATASTROPHE

I. LE TUNNEL DU MONT BLANC

I.1. Présentation de l’ouvrage

Il s’agit d’un des grands tunnels routiers du monde. Il est long de 11 600 m et relève des réseaux autoroutiers français et italiens à travers les Alpes ; 7 640 m se situent sur territoire français, 3 960 m sur territoire italien. Il est constitué d’un tube unique à deux sens de circulation, il est relativement étroit (chaussée de 7 m de large, contre 7, 50 à 9 m pour les autres tunnels bidirectionnels plus récents).

Enfin, il est situé en altitude (1 274 m à l’entrée française et 1 381 m à l’entrée italienne), ce qui a pour conséquence que les camions l’atteignent après avoir gravi de longues et fortes rampes. Les débuts d’incendie y sont plus nombreux que pour des tunnels de plaine.

I.2. Evolution du trafic

Depuis 1965, date de la mise en service du tunnel jusqu’à ce jour, le trafic automobile de voitures légères a plus que doublé, ce qui est modeste pour une période de 36 ans. Le trafic poids lourds a cru beaucoup plus fortement, il a été multiplié par 17. Ceci montre l’importance du tunnel pour les échanges commerciaux entre la France et l’Italie. On peut constater que, pour l'année 1998, le volume de trafic prévu a doublé par rapport aux prévisions (967.600 véhicules prévus contre 1.997.689 enregistrés).

Le trafic moyen journalier est de 5.600 véhicules/jour, ce qui reste relativement modeste si on le compare à d’autre grands tunnels routiers alpins, comme le Saint-Gothard en Suisse (21 000 véhicules/jour) ou le Plabutsch en Autriche (12 900 véhicules par jour).. Pourtant on a enregistré des moyennes journalières de 9 221 véhicules au mois d'août 1992, avec une pointe de 13 043 véhicules en transit (2 janvier 1993). Il importe de souligner la moyenne journalière de véhicules transportant des marchandises qui, en octobre 1993, a atteint 3 157, avec une pointe de 5 849 véhicules le 6 octobre 1993.

I.3. Organisation de la gestion du tunnel

L’ouvrage a été concédé par la France et l’Italie à deux sociétés d’exploitation, la SITMB (Société du Tunnel du Mont-Blanc), devenue ultérieurement l’ATMB (Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc), du côté français et la SITMB (Società Italiana per il Traforo del Monte Bianco) du côté italien. Chacune était concessionnaire pour la moitié du tunnel. Les limites de concession ne correspondent pas aux limites territoriales entre la France et l’Italie.

L’organisation institutionnelle de l’exploitation et de la sécurité du tunnel et notamment les rôles de la commission intergouvernementale de contrôle et du comité commun d’administration seront évoqués plus loin.

I.4. Les principales caractéristiques techniques du tunnel

Le tunnel est constitué d’un tube creusé sous un massif dont l’épaisseur dépasse 2 000 m sur plus de la moitié du parcours. Pour assurer sa ventilation il n’a pas été possible de creuser des puits intermédiaires de ventilation, comme cela est le cas pour les tunnels du Fréjus ou du Saint-Gothard qui lui sont comparables. L’air frais est prélevé uniquement à l’une au l’autre extrémité du tunnel, pour diluer les gaz d'échappement. Il circule dans des galeries, ou gaines, situées sous la chaussée et est distribué par des bouches de ventilation situées tous les 10 m au niveau des trottoirs, sur l’un des côtés de la chaussée.

L’air pollué par la circulation automobile ou les fumées d’un incendie, sont extraits par une autre gaine située sous chaussée et conduits aussi vers l’une ou l’autre extrémité (ou tête). La gaine prélève l’air vicié ou les fumées par des bouches d’extraction d’air situées latéralement sous la voûte du tunnel, tous les 300 m.

Des garages sont implantés tous les 300 m, alternativement d’un côté et de l’autre de la chaussée, pour faciliter l’arrêt des véhicules.

Dès la mise en service, des équipements de sécurité avaient été installés : éclairage, téléphone.

Les deux sociétés concessionnaires ont apporté des modifications significatives aux installations du tunnel depuis 1965, pour en accroître la capacité, le confort et la sécurité.

L’augmentation du nombre de poids lourds les avaient conduites dès 1979 à adapter le système de ventilation pour que la galerie (ou gaine) d’extraction de l’air pollué et des fumées d’un incendie puisse aussi servir à introduire des quantités supplémentaires d’air frais dans le tunnel. Cette galerie était ainsi devenue "réversible", servant soit à amener de l’air frais, soit à extraire de l’air vicié ou des fumées.

Puis, elles ont cherché à concentrer les capacités d’extraction des fumées en mettant en place des systèmes permettant de fermer sélectivement certains orifices d’aspiration dans le tunnel.

Elles ont aussi construit des refuges tous les 600 m.

Elles ont installé des réseaux d’eau sous pression de lutte contre l’incendie et des systèmes de détection automatique d’incendie.

Elles avaient en cours d’étude ou de réalisation en ce mois de mars 1999, une gestion automatisée systématique (GTC) et une détection automatique des incidents.

Mais le tunnel avait toujours deux postes de commande et de contrôle distincts, un pour chaque moitié du tunnel : une capacité d’extraction des fumées inférieure de moitié à celle de tunnels récents comparables ; pas de galerie de sécurité permettant de faciliter l’arrivée des secours ou l’évacuation des usagers. Il faut pourtant noter que de nombreux tunnels routiers bidirectionnels dans le monde ne sont pas mieux équipés. Ils ont en général un faible trafic, mais pas tous.

La Commission intergouvernementale de Contrôle n'a pas attiré l'attention des sociétés concessionnaires sur l'existence de la circulaire française du 22 décembre 1981 qui définit les conditions de sécurité à appliquer dans les projets de tunnels routiers. Celle-ci prévoit que les tunnels anciens doivent voir leurs installations de sécurité adaptées, dans la mesure du possible et en fonction de l’évolution du trafic, aux dispositions qu’elle contient. En Italie, il n’y a pas de texte réglementaire dans ce domaine. Par ailleurs, les accords binationaux qui gèrent l’exploitation du tunnel du Mont Blanc ne font référence à aucun règlement spécifique de sécurité.

Les deux sociétés ont souvent eu du mal à coordonner leurs investissements : ceux-ci ont souvent été réalisés par chaque société à des dates différentes et avec un contenu technique différent. Ni le Comité commun, ni la Commission intergouvernementale, n’ont réussi à l’empêcher même si les projets d’investissements les plus récents (GTC, DAI) avaient été décidés en commun et concernaient l’ensemble du tunnel.

 

II. LES CONSIGNES DE SECURITE A APPLIQUER PAR LES SOCIETES ET LE REGLEMENT DE LA CIRCULATION.

II.1. Les consignes de sécurité à appliquer en cas d’incendie

Elles résultent d’un texte commun remontant à mai 1985.

II.1.1. L’alerte

Pour ce qui concerne l’alerte et le commandement des opérations qui s’ensuivent, les consignes prévoient que le contrôleur (ou régulateur) du poste de commande qui le premier détecte l’incident et déclenche l’alerte, prend le commandement des opérations. En pratique, le 24 mars 1999, les choses ne se sont pas passées ainsi. La première attention de l’opérateur français a été attirée par une alarme donnée par l’opacimètre du garage 18 (à 10h52). Les opérateurs français et italien ont ensuite vu sur les écrans de télévision la présence de fumée à 10h53 pour l’opérateur français et à 10h54 pour l’opérateur italien.

On ne peut dire qu’aucun des deux régulateurs n’ait pris le commandement de l’ensemble du Tunnel, ni, par la suite, qu’aucun des deux Directeurs d’exploitation (français et italien), n’ait non plus véritablement pris le commandement de l’ensemble des opérations de secours relevant des deux sociétés, avant l’intervention des moyens publics, même si le premier opérateur prévenu de l’incendie a été l'opérateur français.

II.1.2. La ventilation

La procédure prévoit que l’arrivée d’air frais doive être mise au maximum. C’est ce qui a été fait par les deux régulateurs. Cette procédure peut être critiquée. L’arrivée massive d’oxygène alimente la combustion. Certes, il faut que les usagers présents dans la zone de l’incendie puissent recevoir de l’oxygène, mais ceci peut se faire avec une arrivée d’air frais à débit réduit. Ce point est développé plus loin.

La procédure prévoit que l’extraction des fumées soit elle aussi mise au maximum. Selon les déclarations faites aux Commissions ceci a été appliqué par le régulateur français, malgré l'absence de preuve certaine, du fait de l'absence d'enregistrement automatique du sens de fonctionnement des ventilateurs ; mais cette consigne n'a pas été appliquée par le régulateur italien. Celui-ci avait aperçu sur les écrans des caméras de télévision au garage 22, (à 300 m de l’incendie, côté italien) des véhicules faire demi-tour et des usagers sur la chaussée. En son âme et conscience il en a déduit qu’il était préférable d’introduire de l’air frais plutôt que d’extraire les fumées, afin de sauver des vies humaines.

Il n’est pas certain que l’application stricte de la procédure en ce qui concerne l’extraction des fumées aurait pu permettre d’éviter la catastrophe. Mais avoir insufflé de l’air frais au lieu d’extraire les fumées n’a pu avoir de façon générale qu’un effet aggravant sur le développement de l’incendie. Dans ce cas spécifique, le soufflage d'air frais par la bouche la plus proche de la gaine réversible, située à une trentaine de mètres de l'avant du camion en feu coté France, n'a pas eu d'effet sensible sur l'incendie de ce premier camion. Ce soufflage a néanmoins contribué au brassage des fumées dans toute la section du tunnel. Ce point est développé plus loin.

Par ailleurs, on constate que le règlement de sécurité n’a pas été mis à jour depuis 1985, alors qu’on aurait du tenir compte des équipements mis en place par les sociétés (en 1980 et en 1997 respectivement) pour permettre de concentrer dans certaines zones les aspirations de fumées.

II.1.3. Autres dispositions concernant les consignes de sécurité

En 1995, la radio avait été installée dans le tunnel. Tout d’abord pour faire passer des communications sur des fréquences de service et de sécurité ; puis pour permettre l’incrustation de messages aux usagers sur 2 fréquences grand public françaises et 2 italiennes. Elle n’a pas été utilisée pour entrer en communication avec les usagers après l’alerte.

II.2. Le règlement de la circulation

Le règlement de circulation prévoit que les véhicules en marche doivent être distants l’un de l’autre d’au moins 100 m. Une signalisation dynamique avait été placée à l’origine dans le tunnel, qui a été retirée depuis par les Sociétés.

Mais rien n’était prévu concernant les distances des véhicules à l’arrêt. Or, pour l’incendie du 24 mars, les véhicules en marche étaient, au moins lors de leur pénétration dans le tunnel, suffisamment distants, en moyenne l’un de l’autre.

Dans le tunnel, il existe des feux de signalisation tous les 1200 m. Lors de l’incendie du 24 mars, ces feux ont été mis au rouge quelques minutes après l’alerte mais n’ont pas permis de réduire le bilan de la catastrophe soit que certains des feux dans le tunnel n’aient pas fonctionné soit qu’ils n’aient pas été respectés (les feux sont peu visibles).

Les véhicules entrés derrière le camion belge se sont finalement rapprochés et arrêtés juste les uns derrière les autres, pour la plupart d’ailleurs, dans une atmosphère déjà enfumée sur les dernières centaines de mètres.

 

III. ORGANISATION DE LA SECURITE

III.1. Le dispositif institutionnel

L'exploitation du tunnel repose actuellement sur la convention franco-italienne du 14 mars 1953. Cette convention confie à une Commission intergouvernementale (art. 8) la mission de contrôler l'exploitation de l'ouvrage, son entretien et sa conservation. La Commission possède aussi une compétence d'avis pour les questions relatives aux péages et pour la révision des normes de sécurité dans le tunnel. La convention prévoyait, parallèlement, que les sociétés concessionnaires confieraient (art. 7) à une société filiale unique l'exploitation du tunnel.

Dès l'ouverture du tunnel cependant, en 1965, une solution provisoire a été mise en œuvre par l'avenant du 25 mars 1965 à la convention de 1953. Repris et détaillé par l'accord de collaboration entre les deux sociétés en date du 27 avril 1966, le nouveau dispositif consistait, dans l'attente de la constitution de la société filiale unique, à confier la gestion du tunnel à une direction unique d'exploitation, sans personnalité morale et constituée d'agents des deux sociétés. Les deux sociétés se reconnaissaient alors solidairement responsables pour l'administration, l'entretien et la conservation de l'ouvrage. L'avenant de 1965 disposait à cet égard que les sociétés devaient s'engager à prendre toutes les mesures nécessaires à l'exploitation de la totalité du tunnel. Un Comité commun d'administration remplissait dans ce contexte le rôle d'organe de coordination entre les deux sociétés. Le directeur d'exploitation était chargé d'en appliquer les décisions.

Cette solution s'est pérennisée jusqu'à nos jours. Plusieurs modifications substantielles ont été apportées à l'organigramme de la direction commune, en 1973 puis en 1979, pour aboutir finalement à la nomination de deux directeurs communs à la tête de la direction unique. Ce compromis institutionnel, proche dans les faits d'un bicéphalisme, a été à l'origine, depuis 1965, de difficultés dans la coordination des travaux de modernisation dans le tunnel, comme il a été déjà dit précédemment

La Commission de contrôle, quant à elle, semble avoir rencontré des difficultés dans l'exercice de ses missions. Ses premières réunions démontrent une attention soutenue portée à la sécurité du tunnel. Par ailleurs, la réglementation du transit des matières dangereuses, pour lequel la Commission doit donner son avis avant toute modification, a régulièrement fait l'objet de délibérations.

Néanmoins, aucun des incendies survenu dans le tunnel et notamment celui de janvier 1990, le plus important avant celui du 24 mars 1999 n'a fait l'objet d'une analyse et d'une délibération de la Commission qui soient consignées au procès-verbal de l'une de ses réunions. Il faut signaler cependant que ces incendies étaient portés à sa connaissance au moyen du compte-rendu annuel d'exploitation présenté chaque année par les deux sociétés à la Commission de contrôle. L'exercice d'incendie organisé en 1973 dans le tunnel, annoncé lors de la dix-huitième réunion cette même année, n'a pas non plus vu ses enseignements abordés lors des réunions de la Commission. Enfin, les procès-verbaux indiquent que la circulaire française de 1981 sur la sécurité dans les tunnels n'a pas été analysée au cours des débats de la Commission.

En 1982, la Commission de contrôle a émis le souhait qu'une convention franco-italienne d'entraide en cas de catastrophe soit élaborée. Cette convention a pu être signée le 10 septembre 1995. Un arrangement administratif entre les services de secours hauts-savoyards et valdotains devait déterminer les modalités d'application de cet accord international. Il était en cours de finalisation lorsqu'est survenue la catastrophe.

III.2. L'organisation des premiers secours des exploitants

Les textes d'origine comportent peu de dispositions expresses à ce sujet. Seul l'article 8 de l'acte de concession prévoit que le concessionnaire doit prendre toute mesure pour assurer la sécurité et la continuité de l'exploitation. En 1971-1972, la nécessité est soulignée en Comité commun d'une amélioration des moyens de secours. Les circonstances locales ont conduit les deux sociétés à mettre en place un dispositif de première intervention sur la seule plate-forme française, prise en charge par moitié par les deux sociétés et valable pour l’ensemble du tunnel.

Ainsi, une équipe de 6 sapeurs pompiers professionnels fonctionnant selon une permanence de 3 x 8 heures et de 6 surveillants motocyclistes travaillant selon le même principe permet la présence continue d'un pompier et d'un surveillant à l'entrée française du tunnel, prête à intervenir pour toute alerte. Ils sont secondés par les péagers, qui portent l'effectif de l'équipe à 4 personnes minimum jour et nuit. A leur disposition, un fourgon pompe - tonne léger avec extincteurs et appareils respiratoires individuels, un véhicule de premiers secours et un véhicule ambulance stationnent en permanence à cette même entrée. A l'entrée italienne, un véhicule tri-extincteurs conduit par un mécanicien et une équipe de 8 surveillants - motocyclistes complètent les premiers secours. Les péagers italiens, pour leur part, ne participent pas à ce dispositif. La Commission de contrôle a eu connaissance de cette organisation et n'a pas exprimé d’opposition à ce sujet.

Les règlements d'exploitation des deux sociétés fixent les procédures d'alerte et les rôles respectifs des régulateurs de la salle de contrôle, des surveillants motocyclistes et du pompier basé à la tête française. Ce dernier coordonne l'intervention de l'ensemble des moyens de première intervention avant l'arrivée des secours publics de Chamonix ou de Courmayeur.

III.3. La coordination des secours publics français et italiens

Il n'existe pas de plan de secours publics commun franco-italien. Un plan de secours spécialisé a été élaboré dans chaque pays, en 1994 pour la Haute-Savoie et en 1995 pour le Val d'Aoste. En l'absence de disposition contraire, l'autorité territorialement compétente prend donc actuellement la direction des secours en cas de nécessité.

Au-delà de la convention d'assistance mutuelle en 1995, la coopération régionale transfrontalière s'est intensivement développée en 1997 et 1998. Deux conventions ont été signées en 1997 et 1999, entre le Préfet de Haute-Savoie, le président de la Région du Val d'Aoste et le président du conseil d'administration du service haut-savoyard d'incendie et de secours en vue d'améliorer les secours dans le tunnel. Des actions d'information et de formations des pompiers français et italiens avec instructions ont commencé d'être mises en œuvre, à partir de l'automne 1998.

 

IV. L’ORGANISATION DES SECOURS AU MOMENT DE L’INCENDIE

IV.1. L'alerte et l'intervention des moyens de secours

Après l'alerte de 10h54 le 24 mars et comme le montrent les tableaux ci-après, les moyens sont entrés dans le tunnel en deux vagues avec des délais de :

1 minute côté France et 2 minutes côté Italie, pour les moyens de secours relevant des exploitants;

16 minutes côté France et 16 minutes côté Italie pour les moyens publics mais respectivement 12 minutes et 8 minutes après l'arrivée de l'alerte aux centres d'appel des pompiers.

Ces délais d'alerte et d'intervention peuvent être considérés comme normaux, de façon générale, et en particulier, au vu des incendies survenus jusque là dans les tunnels et notamment au cours des 34 ans d’exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc où tous les incendies ont été maîtrisés sans victimes.

DELAIS D'INTERVENTION DES MOYENS DE SECOURS DE L'EXPLOITANT ATMB - SITMB

DELAIS D'ALERTE ET D'INTERVENTION DES MOYENS DE SECOURS PUBLICS

10h54 : Alerte déclenchée par le poste de régulation

10h54-10h55 : Alerte déclenché par le poste de " régulatione " après avoir reçu l’appel du régulateur français

10h55 :1 agent d'ATMB (ensuite bloqué à 750 m du camion)

10h57 : 1 engin anti-incendie (4 hommes), ensuite bloqué à 1 200 m du camion.

10h59 : 1 engin de secours (2hommes), ensuite bloqué à 1 200 m du camion

10h57 : 1 agent de SITMB ensuite s'arrête au garage 22 à 300 m du camion, sans le voir du fait d'une visibilité limitée à 150 m

11h00 : 1 agent d'ATMB (présent sur la plate-forme italienne) ensuite pénètre dans la fumée à partir du garage 22 et voit le camion au garage 21

11h01 : 1 engin anti-incendie (1 homme) ensuite s'arrête au garage 22

Les deux agents et le conducteur de l'engin anti-incendie évacuent les usagers vers l'Italie

10h58 : Arrivée de l'alerte aux services publics des pompiers

11h10 : Arrivée des secours publics. 1er véhicule anti-incendie de Chamonix (6 hommes), bloqué rapidement au garage 12 (2700 m du camion)

11h36 : arrivée du 2ème véhicule anti-incendie de Chamonix (5 hommes) bloqué au refuge 5 (4800 m du camion)

11h02 : Arrivée de l'alerte aux services publics des pompiers

11h11 : 1er véhicule anti-incendie de Courmayeur (3 hommes) rapidement bloqué au garage 22 (300 m du camion)

11h40 (estimé) : arrivée du 2ème véhicule de secours d'Aoste (2 hommes) s'arrête au garage 24 (900 m du camion)

On entend dans le présent rapport par alerte les procédures d’urgence engagés par les régulateurs à distinguer de alarme, information sur la situation anormale parvenant à partir de 10h54 à la Salle de Régulation.

IV.2. Les phases principales de l'intervention des secours

Une analyse rétrospective permet de distinguer quatre phases du mercredi 24 au samedi 27 mars :

Le blocage des moyens de secours par les fumées dans la première demi-heure de l'incendie.

Les moyens privés et publics ne sont pas parvenus jusqu'au camion et n'ont donc pu attaquer l'incendie dans la demi-heure de son déclenchement. Les équipes parties de la plate-forme française sont bloquées à 750 m et 1 200 m du camion concernant l'ATMB, et 2 700 m et 4 800 m concernant les pompiers de Chamonix. Les équipes parties de la plate-forme italienne sont arrêtées à 300 m du feu.

L'évacuation des usagers et le sauvetage des pompiers.

L'évacuation des 12 conducteurs de poids lourds présents dans le tunnel, côté Italie est assurée, peu après 11h, par les équipes de SITMB entrées dans le tunnel. Concernant les autres usagers, dans l’après-midi du mercredi, ni les autorités publiques ni les responsables des pompiers ne disposent d'information sur la possibilité d'avoir des usagers encore présents dans le tunnel.

Tous les moyens de secours publics sont donc mobilisés pour le sauvetage des secouristes bloqués. Les cinq pompiers italiens sont évacués sains et saufs de l'abri 24, trois heures environ après s’y être réfugiés. Les 17 secouristes français (6 ATMB et 11 pompiers de Chamonix) sont évacués pour les derniers à 18h35 soit une durée de sauvetage de plus de 5 heures. Quatorze pompiers seront évacués à l'hôpital et un sous-officier du centre de Chamonix décédera peu après son évacuation.

Les tentatives successives d'intervention du mercredi soir au jeudi soir

Du mercredi soir 24 après l'évacuation des derniers secouristes côté France au jeudi soir (22h15), heure du départ d'une colonne franco-genevoise par la route vers la plate-forme italienne, se succèdent les tentatives d'approche de l'incendie par les équipes de pompiers de chaque plate-forme obligées peu après de renoncer face à l'intensité de la chaleur et des fumées. Cependant les pompiers italiens progressent au point le jeudi matin, d’éteindre les camions côté Italie et d’approcher le camion belge. Côté France, le directeur de la sécurité du tunnel d'ATMB tente à de nombreuses reprises d'inverser le sens des fumées pour faciliter l'action des pompiers français.

La maîtrise de l'incendie

Les équipes italiennes, françaises renforcées par une équipe de pompiers genevois maîtrisent l'incendie le vendredi vers 16h et procèdent au refroidissement des voûtes et de l'atmosphère du tunnel notamment à l'aide de brumisateurs.

IV.3. La mise en œuvre des plans de secours

Deux plans de secours sont activés par le préfet de Haute Savoie :

le plan de secours spécialisé du tunnel à 13 h 04

et le plan rouge suite au blocage des secouristes à 13 h 35.

Avant même le déclenchement officiel de ces plans, de nombreux centres ont été alertés :

à 15h, 26 véhicules d'incendie et de secours et 98 sapeurs pompiers sont sur la plate-forme française. Un poste de commandement fixe est mis en place à la préfecture et un poste de commandement opérationnel (PCO) est installé dans les locaux de l'ATMB sous la responsabilité du sous-préfet de Bonneville représentant le préfet, directeur des opérations de secours, auprès de qui se trouve le directeur départemental des services d'incendie et de secours qui assure le commandement des opérations de secours. Le PCO est installé dans des conditions sommaires et ne dispose pas de moyens de communication autonomes directes permettant une liaison avec le commandement des secours italiens.

Du côté italien, le plan spécialisé de secours (piano di emergenza) n'a pas été activé par le président de la Région autonome du Val d'Aoste considérant que l'accident s'est produit sur le territoire français. Le commandement des secours a été assuré par le commandant des pompiers de la province d'Aoste et le chef de centre de secours de Courmayeur.

 

IV.4. L'importance des moyens de secours

Concernant les moyens de première intervention de l'exploitant, faute de pompier professionnel relevant de l'exploitant et disponible sur la plate-forme italienne ainsi que d'agents d'exploitation volontaires et formés, l'approche et l'attaque de l'incendie n'ont pu être tentés entre 11 h et 11 h 10 alors même qu'un agent d'ATMB parvenait, non sans difficultés, dans cette période, à approcher le camion en feu et à le voir. On se doit cependant d’indiquer, que rien ne permet de dire que si cette attaque avait pu être entreprise, elle aurait permis de sauver des usagers vu l’importance des fumées toxiques qui, dès 11 h avaient déjà envahi le tunnel côté France sur plus de 1 kilomètre.

Les différences d'intervention des moyens des deux exploitants, illustrées par le tableau ci-dessus, résultent de la dissymétrie d'organisation évoquée plus haut.

Les moyens publics d'intervention n'ont pas fait défaut même si les multiples tentatives de pénétration dans le tunnel ont été très consommatrices de moyens humains. Côté France, les moyens de quatre départements ont été mobilisés auxquels ses sont ajoutés les renforts en hommes et en matériels des marins-pompiers de Marseille et des pompiers de Genève. Côté Italie, les moyens des centres de Courmayeur et de d'Aoste ont seuls été mobilisés car dotés en hommes et en moyens adéquats.

IV.5. Les conditions extrêmes d'intervention

La priorité légitime donnée le mercredi après midi au sauvetage des secouristes a conduit les pompiers français et italiens à intervenir de façon autonome tout en se tenant informés. Par la suite, faute d'agents de liaison, de pratiques de coopération opérationnelle en l'absence d'exercices communs et sans doute aussi du fait des difficultés de communication déjà évoquées, ils n'ont pas été en mesure d'arrêter une stratégie commune. Ceci est à l’origine d’une partie au moins des délais constatés pour le transfert du maximum de moyens sur la plate-forme italienne à partir de laquelle une approche de l’incendie était moins périlleuse. Ces considérations justifient l'intérêt de l'élaboration d'un plan de secours binational unique et l'organisation d'exercices communs.

Même si les conditions de développement de l'incendie ont été différentes côté France et côté Italie, tous les pompiers français et italiens ont témoigné des grandes difficultés de leurs interventions : visibilité quasiment nulle, chaleur extrême, usage très éprouvant des appareils respiratoires dans un environnement surchauffé, pression psychologique maximum notamment due aux difficultés de communication à l'intérieur du tunnel. Rappelons que 53 heures ont été nécessaires pour venir à bout de l'incendie.

V. ELEMENTS D’ANALYSE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L’INCENDIE ET L’AMPLEUR DE LA CATASTROPHE

Il faut distinguer les principaux éléments suivants :

- le premier camion en feu

- la ventilation

- le comportement des usagers et leur formation

V.1. Le premier camion en feu

Une cause essentielle de l’importance particulière qu’a prise cet incendie et le type du premier camion frigorifique en feu et de son chargement (margarine et farine).

D'après les témoignages recueillis par la partie française, le feu a pris sur le tracteur pour une cause encore inconnue mais que la poursuite de l’examen des débris devra s’efforcer de déterminer. La présence des flammes n’est signalée qu’après que le véhicule se soit arrêté, au garage 21. Il est possible (mais non encore prouvé) que le réservoir d’aluminium se soit rompu et ait libéré brutalement son carburant en feu. La semi-remorque frigorifique était en matériau combustible et a commencé à brûler entre 4 à 5 mn environ après l’arrêt du camion. Cette combustion a dégagé, en sus de l’oxyde de carbone (CO), d’autres gaz très toxiques, dont vraisemblablement de l’acide cyanhydrique.

Les 9 tonnes de margarine contenues dans le camion ont ensuite fondu et ont brûlé, comme le fait de l’huile liquide enflammée, leur combustion a dû durer plus d'une heure.

Au bout de quelques minutes l’incendie a pris des caractéristiques exceptionnelles et sans précédents par rapport aux autres incendies en tunnel intervenus tant en Italie qu’en France.

V.2. La ventilation

Le courant d’air dans le tunnel au droit de l’incendie, bien que probablement limité ce jour-là à environ 1,5 m/s, dans le sens Italie France, apportait de l’oxygène (environ 50 à 70 m3 d’air par seconde). Les arrivées d’air frais au niveau de la chaussée apportaient 50 m3/s/Km soit environ 1 à 2 m3/s d’air au droit du premier camion en feu ; l’insufflation d’air par le plafond apportait environ 10 m3/s d’air, mais par une bouche située en aval du premier camion, par rapport au courant d’air dans le tunnel.

En ce qui concerne le développement et la propagation de l'incendie de véhicules en véhicules, après le premier camion en feu, les arrivées d’air frais par la chaussée (50 m3/s/km) et par les bouches situées vers la voûte (30 m3/s pour les 3 bouches sur 900 m) ont joué un rôle plus prépondérant. En outre, l’oxygène provenant du courant d’air longitudinal, (50 à 70 m3/s), en partie consommé par les premiers véhicules, a aussi alimenté l’incendie. Tout cela, ainsi que la présence d’obstacles, a contribué à destratifier la fumée.

Les occupants des véhicules sont vraisemblablement décédés, par asphyxie, dans les 10 à 15 premières minutes. Il n’est pas possible à ce jour de dire avec certitude si des conditions de ventilation différentes auraient pu les sauver ou si elles auraient permis aux services de secours d’atteindre et d’attaquer le premier camion en feu, à partir de l’Italie, dans les 10 premières minutes. Toutefois on peut estimer que le régime de ventilation adopté coté italien n'a mis en péril ni les usagers ni les équipes de secours, du côté d’où provenait le courant d’air naturel.

Pour essayer d’en savoir plus, il va falloir reconstituer les conditions de l’incendie par calcul sur ordinateur. De cette façon, avec les outils informatiques actuels, il est possible de simuler par le calcul plusieurs hypothèses, en particulier, ce qui nous intéresse ici, les différents modes de ventilation qui ont pu ou pourraient être mises en œuvre ; non seulement avec les possibilités du tunnel dans son état actuel, mais aussi avec des capacités de ventilation plus puissantes.

V.3. Le comportement des usagers et leur formation

En principe, les feux de signalisation du tunnel ont été mis au rouge au moment de l’alerte. Donc, tous les véhicules qui roulaient encore dans le tunnel après 10 h 54 auraient dû s’arrêter. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Nous n’avons pas de certitude que tous les feux aient été effectivement mis au rouge car nous ne disposons pas d’enregistrements de leur position. Par ailleurs, situés sur le côté droit de la voie et distants de 1 200 m les uns des autres, ils ont pu ne pas être remarqués par les conducteurs.

Nous avons vu plus haut que la radio n’a pas été utilisée pour informer ces usagers et leur ordonner de s’arrêter tout de suite.

Le conducteur belge a arrêté son camion sur la chaussée au droit d’un garage situé à sa gauche et non dans un garage situé à sa droite. En ce qui concerne le comportement des autres conducteurs et leurs éventuels passagers, on ne peut que constater que la présence de fumée dans le tunnel ne les a pas dissuadés de poursuivre leur progression, jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent les uns derrière les autres.

Tous ces faits montrent que des informations plus efficaces et une formation des usagers devraient pouvoir contribuer à diminuer l’ampleur et la gravité d’un incendie de ce type.

 

VI LES RAPPORTS D’ENQUETE FRANCAIS ET ITALIENS

Les deux rapports de nos commissions d’enquête datés du 30 juin développent tous les points qui précèdent. Rédigés chacun dans des temps très courts par rapport à la complexité des faits à analyser, ils peuvent diverger sur leur forme et sur certaines appréciations. Mais ils se rejoignent dans leurs conclusions essentielles, qui ont été présentées ci-dessus.

Surtout, il nous a été possible de présenter des propositions communes en ce qui concerne les conditions préalables à une remise en service en sécurité de l’ouvrage. Celles-ci font l’objet de la deuxième partie qui suit.

 

 

IIème PARTIE : PROPOSITIONS

1. L'organisation institutionnelle

1.1 La Commission Intergouvernementale de Contrôle

La Commission franco-italienne chargée, aux termes de l'article 8 de la convention franco-italienne du 14 mars 1953, de contrôler pour le compte des Gouvernements français et italien les conditions d'exploitation du tunnel et les travaux de sécurité a rencontré des obstacles dans sa mission, du fait d'un mandat trop large et trop ambitieux. De plus, le formalisme et l'espacement de ses réunions, sa composition fluctuante et notamment l'absence de responsables locaux de la protection civile et des pompiers, de même que la grande diversité des sujets évoqués en son sein, ont constitué des difficultés supplémentaires pour un contrôle régulier et suivi de la sécurité dans le tunnel.

Il est donc proposé, en s'inspirant de l'organisation retenue pour le tunnel sous la Manche qui a démontré son efficacité, de revoir l'organisation et le fonctionnement de la Commission de contrôle.

1.1.1 La création d'un Comité technique de sécurité

Recommandation n. 1 :

Un Comité technique de sécurité serait placé auprès de la Commission pour assurer le suivi permanent des questions de sécurité dans le tunnel. Il importe de procéder à la création de ce Comité technique dans les meilleurs délais, afin de lui permettre d’être opérationnel dès les premières phases d’approbation du projet de réouverture du tunnel.

Ce Comité aurait un caractère permanent. Il serait à même d’être réuni rapidement, à la demande des Gouvernements, de la Commission ou de la société exploitante.

Il pourrait créer des groupes réunissant des spécialistes des tunnels et des responsables locaux de la protection civile et de lutte contre l’incendie.

Ce Comité pourrait entendre les exploitants, ainsi que les experts, dont l’audition lui paraîtra utile.

Le rôle de ce Comité serait de remplir une mission d'aide et de conseil auprès de la Commission pour toutes les questions de sécurité dans le tunnel.

A cette fin, il aurait en charge les tâche suivantes :

- émettre sur la demande de la Commission intergouvernementale de Contrôle ou de sa propre initiative des avis ou des propositions, notamment en matière d’organisation des secours privés relevant de l’exploitant ;

- participer à l'élaboration de tout règlement applicable à la sécurité du tunnel ;

- contrôler la conformité des installations avec les dispositions relatives à la sécurité dans les règlements d'exploitation ;

- procéder aux investigations nécessaires après tout incident affectant ou concernant la sécurité du tunnel et en faire rapport à la Commission ;

- émettre un avis sur les travaux effectués dans le tunnel et ayant un impact sur la sécurité ;

- plus généralement, assurer, dans son domaine de compétences, toutes fonctions pour lesquelles il aurait reçu délégation de la Commission intergouvernementale.

Le fonctionnement de ce Comité serait financé par la société exploitante, comme dans la configuration retenue pour le tunnel sous la Manche. Les membres du Comité auraient une entière liberté de circulation et d'investigation dans le tunnel et sur chacune des plates-formes.

Recommandation n. 2 :

De composition mixte franco-italienne, le Comité technique de sécurité pourrait comprendre un noyau de spécialistes qui aurait compétence pour l’ensemble des tunnels routiers franco - italiens, (Fréjus, Mont-Blanc et Tende). Cette triple compétence géographique permettrait à la fois d'homogénéiser les conditions de sécurité dans les trois tunnels et de bénéficier d'une expertise croisée de la sécurité sur les trois sites.

Recommandation n. 3 :

Les Commissions d'enquête proposent aussi, dans le même objectif de crédibilité et d'autorité du Comité technique de sécurité, que l'autorisation de remise en service du Tunnel du Mont Blanc n'intervienne qu'après l'avis positif de ce Comité concernant les conditions de sécurité dans le tunnel.

1.1.2 L'amélioration du fonctionnement de la Commission intergouvernementale de Contrôle

Recommandation n. 4:

De même que pour le Comité technique, il semble souhaitable qu'une unique Commission intergouvernementale de Contrôle soit compétente pour l’ensemble des tunnels franco-italiens.

Cette Commission pourrait utilement être présidée, alternativement par la France et l'Italie, par une personnalité dotée d'une compétence technique reconnue en matière d'infrastructures et de sécurité routières.

Recommandation n. 5 :

Il est aussi proposé, dans un souci de stabilité et de cohérence des travaux de la Commission intergouvernementale de Contrôle, que ses membres soient nommés pour 3 ans.

Recommandation n. 6:

Afin de mettre le fonctionnement de la Commission en cohérence avec la création d'un Comité technique de sécurité, il apparaît particulièrement important aux deux missions d'enquête d'organiser les relations entre ces deux organes. Seule la Commission doit disposer d'un véritable pouvoir de décision, tandis que le Comité technique ne doit disposer que d'un pouvoir d'investigation, de réflexion, d’avis et de proposition. La Commission devrait, dans cette perspective, être dotée d'un pouvoir réglementaire spécialisé en ce qui concerne la sécurité dans les tunnels dont elle serait chargée et sur leurs plates-formes.

Ce pouvoir de prescription s'appuierait sur les avis et propositions du Comité technique de sécurité. Il permettrait à la Commission de faire suivre d'effets les recommandations du Comité technique.

Ces propositions exigent que le dispositif juridique originel soit complété pour permettre l'application de ces nouvelles orientations.

1.2 Les sociétés concessionnaires

Sur la base de la Convention passée à Paris le 14 mars 1953 entre l'Italie et la France pour le Tunnel du Mont Blanc, les deux sociétés concessionnaires de l'ouvrage (une française et une italienne) auraient dû confier la gestion du Tunnel à une société unique, chacune souscrivant pour la moitié du capital.

En faits, seul un Comité Commun d'Administration est aujourd'hui en place, tandis que la société unique de gestion n'a pas vu le jour suite à des difficultés de droit privé international et, de surcroît, deux directions d'exploitation distinctes perdurent. Afin d'améliorer les conditions d'exploitation du Tunnel et de mettre constamment à jour les normes de sécurité suivant une stratégie d'intervention commune, les Commissions considèrent qu’il est prioritaire de mettre au point un système d'organisation différent.

Recommandation n. 7 :

Les Commissions signataires du présent rapport estiment qu’il convient de proposer comme objectif la constitution d'une société de gestion unique, filiale des deux concessionnaires.

Toutefois on ne peut pas ne pas tenir compte des difficultés objectives, surtout d'ordre juridique, qui jusqu'à maintenant ont empêché la constitution de cette société unique. Au nombre de ces difficultés, il convient de citer en particulier la nature différente des deux Sociétés (l’une à caractère public pour l’essentiel, l'autre régie par le droit privé) et l’objectif social différent (l’une gère également un tronçon d'autoroute d'accès au Tunnel, l'autre gère seulement le Tunnel). Compte tenu de cela, notre recommandation – qui figure ci-après - s'articule sur un système transitoire, qui permet quand même la réouverture réclamée du Tunnel avec toutes les garanties de sécurité nécessaires, et sur un objectif à moyen terme, visant à la création d'une structure de gestion commune.

Recommandation n. 8 :

Une étude minutieuse doit être engagée sans délai par les deux Sociétés concessionnaires pour la constitution d’une Société unique de gestion. Les deux Sociétés feront périodiquement rapport à ce sujet à la Commission intergouvernementale de Contrôle.

Recommandation n. 9 :

Dans l'immédiat, et pour une phase transitoire, il convient d’instituer une direction d'exploitation unique mise en place par les Sociétés concessionnaires ainsi qu’une direction technique unique, chargée d’élaborer des projets unitaires d’investissements pour l’ensemble du tunnel. Les dépenses d’investissements relatives au tunnel seront partagées à égalité entre les deux Sociétés concessionnaires.

Si la constitution d’une Société unique d’exploitation devait continuer à se heurter à des obstacles d'ordre juridique et opérationnel, on pourrait envisager l'hypothèse de mettre en place une forme juridique différente.

Les deux concessionnaires du Tunnel du Mont Blanc, au vu des autres expériences existantes de coopération (G.I.E. du Tunnel du Fréjus et autres) devront rendre compte périodiquement à la Commission intergouvernementale de Contrôle de l’état d’avancement du projet de constitution de l’organisme commun de gestion du tunnel.

2. Les installations de sécurité et d'exploitation

Le Tunnel du Mont Blanc, mis en service en 1965, avait bénéficié alors des meilleures techniques disponibles pour un ouvrage de caractéristiques exceptionnelles. Depuis son ouverture, le maintien d’une double structure n’a pas facilité les réflexions qui auraient été nécessaires pour suivre l’évolution du trafic et surtout l’évolution des connaissances en matière de sécurité. La Commission intergouvernementale de Contrôle n’a pas donné aux Sociétés concessionnaires les indications relatives à l’application, totale ou partielle, de la circulaire française applicable à la sécurité des tunnels routiers publiée en 1981. Les améliorations qui ont été apportées à la sécurité du tunnel ne l’ont pas toujours été de façon suffisamment concertée entre les deux exploitants.

Les améliorations qui devront être apportées à la sécurité et aux conditions d’exploitation du tunnel devront d’abord bénéficier de la création d’une structure unique d’exploitation comme cela a été indiqué plus haut.

2.1. Les équipements

2.1.1 Salle de commande

Actuellement il existe deux salles de commande, une pour chacune des deux sociétés exploitantes. Le régulateur de chaque côté ne dispose pas d’une information complète sur la situation dans l’ensemble du tunnel. Les deux postes de commandement risquent de prendre des décisions différentes et contradictoires. Face à une situation d’urgence cette situation peut-être source d’incompréhensions et de retards préjudiciables quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres.

Recommandation n. 10 :

L’exploitation du tunnel devra être dirigée à partir d’une seule salle de commande. Une salle de commande de secours devra être équipée à l’autre extrémité du tunnel et être susceptible d’être activée dans un délai très court. Des vérifications du bon fonctionnement de la salle de secours seront effectuées annuellement.

2.1.2 Contrôle commande informatisé

Le système de contrôle commande des installations est ancien, et sa modernisation était commencée au moment de l’incendie. Un nouveau système est indispensable. Il devra tenir compte des modifications qui seront apportées et notamment de la mise en place d’une salle de commande unique (voir ci-dessus). Il devra pouvoir traiter une grande quantité d’information en cas d’incident et être en mesure de conserver un fonctionnement fiable même en situation dégradée.

Le régulateur devra disposer sous une forme bien hiérarchisée de toutes les informations nécessaires à la conduite de l’exploitation en situation normale mais également en situation d’urgence. Ces informations devront être accompagnées d’aides à la décision proposant au régulateur de façon automatisée les actions correspondantes prévues par les consignes.

Ce système devra conserver un enregistrement informatique des mesures observées et des actions réalisées.

Recommandation n. 11 :

Un système de contrôle et de commande informatisé des installations du tunnel, importantes pour la sécurité, est indispensable. Il devra fournir à l’opérateur une information pertinente et des aides à la décision en cas d’urgence. Ce système devra notamment permettre de déceler et de localiser un incendie potentiel. Les décisions prises par l’opérateur devront être mises en œuvre automatiquement selon les procédures prévues. Le système devra conserver en mémoire les mesures relevées et les actions réalisées.

2.1.3 Recueil des données relatives à la sécurité

Le système de contrôle commande doit recueillir un ensemble de données relatives à la sécurité, dont un certain nombre existe déjà. Ces données devront être complétées notamment en ce qui concerne la détection automatique des incidents de circulation (véhicule roulant à une vitesse trop rapide ou au contraire trop lente, véhicule s’arrêtant, véhicule trop proche du véhicule qui le précède), la vitesse, le nombre, l’espacement et le type des véhicules, la vitesse longitudinale de l’air en divers points du tunnel, l’opacité de l’air, la détection incendie etc.

 

Recommandation n. 12 :

L’ensemble des dispositifs de mesure des données relatives à la sécurité dans le tunnel devra assurer au régulateur, par l’intermédiaire du système de contrôle commande, une information fiable et pertinente sur la circulation et sur le fonctionnement du tunnel.

D’une manière générale (le récent accident dans le tunnel du Tauern a fait apparaître le même problème) il serait nécessaire que l’on connaisse en permanence, à défaut du nombre de personnes, le nombre et le type (véhicule léger, poids lourd, transport en commun de personnes etc.) des véhicules présents dans le tunnel.

Recommandation n. 13:

L’exploitant devra disposer d’un système de contrôle permettant de connaître le nombre et le type des véhicules présents dans le tunnel.

2.1.4 Installations électriques, réseaux de mesures et de commandes

Dans le tunnel il y a de nombreux câbles : alimentations électriques, mesures et commandes. Lors de l’incendie, ces circuits ont rapidement été détruits, faisant perdre certaines alimentations électriques (notamment une partie de l’éclairage, les radiocommunications mais aussi d’autres installations indispensables à la sécurité) et générant de fausses informations.

Avant la remise en service du tunnel, il sera nécessaire de revoir la conception et la position de ces circuits. Il faudra probablement transférer la majorité d’entre eux dans une gaine d’air frais pour les mettre à l’abri d’un incendie éventuel.

Plus généralement, la conception du système vis à vis de l’incendie devra être revue (par exemple pour éviter qu’un court circuit en aval ne fasse disjoncter l’alimentation en amont).

Recommandation n. 14 :

La conception, la disposition et la résistance à l’incendie des circuits d’alimentation électrique, de mesures et de commande dans le tunnel devront être revues pour limiter les risques de pannes notamment en cas d’incendie. Toutes mesures devront être prises pour éviter que la perte locale d’un câble ou d’un circuit n’entraîne la perte d’autres circuits non directement touchés par l’incendie.

2.1.5 Signalisation en tunnel

La circulation en tunnel est soumise à des règles particulières destinées à limiter les risques d’accidents de circulation, mais qui doivent également en limiter les conséquences en cas d’incendie (voir ci-dessous au 2.3.1). Ces règles de circulation doivent être accompagnées de dispositions pour en faciliter le respect par les usagers: messages variables, signaux lumineux et acoustiques.

Dans le tunnel, il existe des feux de signalisation tous les 1200 m. Lors de l’incendie du 24 mars, ces feux ont été mis au rouge quelques minutes après l’alerte mais n’ont pas permis de réduire le bilan de la catastrophe soit que certains des feux dans le tunnel n’aient pas fonctionné soit qu’ils n’aient pas été respectés (les feux sont peu visibles).

Dans le tunnel les usagers ne peuvent écouter que les stations radio qui sont réémises par l’exploitant, il est donc possible et souhaitable de diffuser les consignes générales de circulation dans le tunnel et en cas d’urgence de leur adresser des messages.

 

Recommandation n. 15 :

Les règles de circulation et d’arrêt dans le tunnel devront être accompagnées de la mise en place de signalisations bien adaptées pour en faciliter le respect : panneaux à messages variables, signaux lumineux et acoustiques, messages radio...

Recommandation n. 16 :

Pour limiter les risques de transmission d’un incendie, et pour limiter le nombre de personnes simultanément présentes dans la même zone, on devrait étudier la possibilité de mettre en place pour les poids lourds et les transport en commun de personnes un système de feux de signalisation répartis uniformément permettant de maintenir un espacement minimum entre les véhicules poids lourds, entre eux et avec les véhicules de transport en commun de personnes, analogue au système du cantonnement ferroviaire.

2.1.6 Ventilation

Le tunnel du Mont blanc, du fait de la grande épaisseur de couverture (plus de 1500 m sur la plus grande partie de la longueur) ne dispose pas de cheminée de ventilation intermédiaire. La ventilation se fait exclusivement à partir des deux extrémités par des galeries situées sous la chaussée. Il y a des galeries d’air frais qui alimentent des bouches de soufflage situées tous les 10 m en bas du parement latéral du tunnel. Une autre galerie équipée de gaines montant en partie haute au niveau de chaque garage (soit tous les 300 m) peut, soit aspirer de l’air vicié, soit souffler de l’air frais. Selon les cas, une partie de l’air vicié ou tout l’air vicié sort du tunnel par les extrémités de la galerie de circulation.

Il existe, en France, un projet de circulaire relative à la sécurité des tunnels routiers; ce projet est destiné aux tunnels à construire mais il est recommandé de l’appliquer dans la mesure du possible aux tunnels anciens faisant l’objet d’une réhabilitation, cas du tunnel du Mont Blanc après l’incendie du 24 mars.

Pour ce qui concerne la ventilation en cas d’incendie, ce projet de circulaire, définit un incendie de poids lourd de référence lorsque le transport des marchandises dangereuses est interdit. Pour cet incendie, il est demandé un débit minimal d’extraction de 110 m3/s sur une longueur de 600 m au maximum. Pour que cette extraction ait la plus grande efficacité, il est recommandé que l’extraction se fasse en plafond et que les trappes ne soient pas espacées de plus de 100 m. Le tunnel du Mont Blanc ne dispose pas actuellement, de telles capacités d’extraction.

En outre, en cas d’incendie, le même projet de circulaire exige que la vitesse du courant d’air longitudinal soit assez faible pour limiter l’apport d’air à la combustion et pour que la fumée reste stratifiée en partie supérieure de la voûte de manière à maintenir une zone saine et claire à hauteur d’homme, et à faciliter l’extraction en voûte.

Dans le cas du tunnel du Mont Blanc, si l’on veut éviter de construire une galerie supplémentaire d’extraction des fumées, il sera probablement nécessaire de revoir complètement les équipements d’extraction et de maintenir en permanence la galerie réversible en extraction.

Recommandation n. 17:

Avant la remise en service du tunnel, les installations de ventilation devront être profondément modifiées en vue d’obtenir un débit minimal d’extraction de 110 m3/s sur une longueur de 600 m par des trappes télécommandables situées en plafond tous les 100 m au maximum et de limiter, dans un délai de quelques minutes après l’alerte, la vitesse du courant d’air longitudinal dans la zone de l’incendie afin de favoriser autant que possible la stratification des fumées.

2.2 Le génie civil

La solution idéale pour la sécurité de la circulation serait de construire un second tunnel qui permettrait le transit en parfaite sécurité d'un seul courant de trafic dans chaque tunnel avec un système efficace de ventilation longitudinale et des sections adaptées aux dimensions actuelles des véhicules.

Mais compte tenu des financements considérables que cela nécessiterait et des positions déjà exprimées par les populations des Vallées intéressées, ainsi que des orientations prises par les deux Gouvernements qui visent à transférer une grande partie du transport des marchandises sur rail, nous recommandons les mesures qui suivent lesquelles devraient garantir un niveau de sécurité suffisant, y compris pour le trafic de marchandises.

Recommandation n. 18 :

Avant la mise en exploitation du tunnel il faudra non seulement procéder à la reconstruction du tronçon endommagé par l’incendie (environ un kilomètre) mais encore exécuter simultanément d’importants travaux complémentaires.

Le tunnel possède des garages distants de 300 m et situés alternativement d’un côté et de l’autre de la chaussée. Les refuges ne peuvent être raisonnablement construits que sur un seul côté, car ils doivent être reliés à une même galerie d’évacuation. Il n’existe pour cette raison, jusqu’à présent, qu’un refuge tous les 600 m, c’est-à-dire tous les deux garages. Afin de rendre la lisibilité des refuges beaucoup plus claire, il apparaît nécessaire que les usagers puissent en trouver au droit de chaque garage. Pour ce faire, il faut en doubler le nombre. La surface doit être de 25 m² au minimum. Enfin, ils ne doivent pas, par leur présence, réduire la surface des garages.

Recommandation n. 19 :

Des refuges de 25 m2 au minimum chacun doivent être construits au droit de chaque garage de façon à en porter le nombre de 18 à 36. Ils seront capables de résister au feu pendant au moins deux heures et seront équipés d’une ventilation idoine, de prises d’eau, d’équipements d’aide adaptés et de secours rapide, de communications efficaces (sonore et visuelle) avec la salle de commande; tous les refuges devront être signalés de façon appropriée et uniformisée et être numérotés tout au long du tunnel avec des systèmes bien visibles et reconnaissables y compris par le biais de signaux acoustiques.

Recommandation n. 20 :

Une liaison devra être réalisée entre chaque refuge et les deux extrémités du tunnel, de façon à créer une voie d’échappement, pour permettre une évacuation facile de tous les occupants et un itinéraire utilisable par les sauveteurs; pour ce faire, on pourrait utiliser une gaine de ventilation d’air frais dotée d’un éclairage et d’une signalisation adéquats et pourvue de portes; il sera nécessaire aussi de creuser un passage à travers la cloison de séparation disposée au milieu du tunnel.

Par ailleurs, la largeur roulable du tunnel est limitée à 7,00 m et il n’est pas possible de l’augmenter significativement. Pourtant, certaines améliorations peuvent être envisagées pour pallier autant que possible cette limite :

- augmenter le nombre des garages, mais ceci exige un long délai si le nombre de garages à construire est important ;

- élargir la chaussée au maximum de ce qui est envisageable : il est possible de la porter à 7,40 m, tout en conservant des largeurs de trottoir acceptables ; il faudra pour cela réaliser des engravures dans la voûte afin de conserver la hauteur libre actuelle de 4,50 m.

Dans le délai qui nous était imparti, nous n’avons pas eu la possibilité de faire un choix entre ces deux solutions. Il faut pour cela en approfondir la faisabilité technique, les coûts et les délais et en comparer les efficacités relatives.

Recommandation n. 21 :

Pour pallier la relative étroitesse de la chaussée roulable, il faudra procéder à une étude comparée des possibilités de construire des garages complémentaires, en particulier dans le centre du tunnel, ou d’élargir la chaussée pour la porter à 7,40 m, avec les différentes variantes possibles. On s’efforcera de quantifier l’efficacité comparée des diverses solutions. L’étude devra être faite par le gestionnaire, dans un délai de 2 mois.

Il faut ajouter à ce qui précède les travaux de génie civil qui résultent de la modification des systèmes de ventilation recommandés au point 2.1.6.

2.3 La réglementation de la circulation dans le tunnel

2.3.1 Espacement des véhicules

La circulation en tunnel est soumise à des règles particulières, destinées à limiter les risques d’accidents de circulation. Celles-ci doivent, également, limiter les conséquences en cas d’incendie. C’est pourquoi, même à l’arrêt, il faut maintenir des distances entre véhicules, pour limiter les risques de transmission d’un incendie, ralentir cette transmission, faciliter l’évacuation des usagers et éviter qu’un trop grand nombre de personnes ne se trouve à proximité d’un accident éventuel.

Ces règles devront tenir compte des dangers particuliers à chaque type de véhicules : poids lourds. Elle devront également tenir compte du risque d’implication de nombreuses personnes dans un accident (transports en commun de personnes).

Recommandation n. 22 :

Des conditions d’espacement entre véhicules doivent être fixées à l’entrée du tunnel, en circulation et à l’arrêt pour les différentes catégories de véhicules (véhicules légers, poids lourds, transport en commun de personnes) en tenant compte de l’importance des risques présentés.

Ces règles de circulation doivent être accompagnées de dispositions pour en faciliter le respect et signaler aux usagers les anomalies (voir ci-dessus au 2.1.5).

2.3.2 Contrôle du respect des règles de circulation

Recommandation n. 23 :

Le contrôle du respect de ces règles et de la répression des infractions sont indispensables. Les moyens techniques devront faciliter la constatation des infractions. Les services de police, habilités à dresser procès verbal devra être en nombre suffisant. Ils seront éventuellement pour partie pris en charge financièrement par l’exploitant, dans le cadre d’une convention ad hoc. Les autorités compétentes informeront la Commission intergouvernementale des conditions de contrôle des règles de circulation et de leur résultat.

2.3.3 Inspection des camions avant l’accès au tunnel

Les tunnels de montagne sont accessibles par des routes d’accès comportant de longues rampes ce qui peut conduire à un échauffement élevé pour certains véhicules. Les véhicules poids lourds devraient faire l’objet d’une inspection à l’entrée du tunnel pour déceler certaines anomalies (température anormalement élevée, dégagement de fumée, fuites). Cette mission pourrait être confiée au personnel permanent chargé des premières interventions.

Recommandation n. 24 :

L’exploitant devra mettre en place des mesures de contrôle des poids lourds pour éviter de laisser entrer dans le tunnel des véhicules présentant des risques anormaux notamment d’incendie, dans l’esprit de ce qui est fait pour le tunnel sous la Manche.

2.4 Les consignes de sécurité

A la lumière de ce qui s'est passé au cours de l'incendie du 24 mars 1999, il apparaît nécessaire de procéder à la rédaction de nouvelles consignes de sécurité dans la mesure où les consignes actuelles se sont révélées inadaptées face au scénario hors du commun dans lequel s’est déroulé cet incendie.

Les raisons qui ont entraîné l’inadaptation des consignes de sécurité sont diverses, mais nous noterons en particulier :

- une description défaillante des procédures à mettre en place;

- l'absence de plusieurs niveaux d'urgence et l’imprécision des mesures d'intervention prévues;

- le commandement unitaire des opérations d'urgence prévu au niveau du régulateur d'une des deux salles de contrôle, sans préciser comment, de fait, ce commandement doit être réalisé ;

- l'absence d'automatisme dans la mise en place des mesure d'urgence.

Recommandation n. 25 :

Les nouvelles consignes de sécurité devront être élaborées au terme d'une évaluation des risques basée sur une analyse historique des accidents dans les tunnels routiers. Elle se fondera, entre autres éléments, sur une analyse probabiliste des événements accidentels prenant en compte les systèmes destinés à gérer la sécurité, y compris de type informatisé, qu’il convient d’installer dans le tunnel. Cette étude des risques devra prendre en compte les graves événements survenus en tunnel, tels ceux récents du Mont Blanc et du Tauern.

Le manuel, contenant les nouvelles consignes de sécurité, devra fournir les instructions nécessaires sur le comportement du personnel face soit à des situations normales soit à des situations anormales qui peuvent être à l’origine de conditions de danger pour les personnes ou de dommage pour les installations ou le milieu environnant. Le manuel devra prévoir divers scénario de référence classant les types d’intervention du personnel de la société en fonction de plusieurs niveaux opérationnels :

- ordinaire, pour un trafic limité, moyen ou dense

- d'attention, pour des travaux de manutention ordinaire ou spéciale

- d'alerte, pour une urgence limitée ou générale.

Les consignes de sécurité devront comporter au moins les fonctions suivantes:

- individuation des objectifs et des finalités

- définition des scénarios de référence

- description des procédures opérationnelles standards

- définition du système des communications internes et externes

- indication des ressources disponibles et leur emploi

- classification du type d'urgence et description des procédures de secours

- spécification du plan de sécurité interne pour les divers scénarios d'intervention

- description des tâches individuelles devant être accomplies par le personnel impliqué dans la gestion de la sécurité et dans l'urgence (responsable de la sécurité, coordinateur d'urgence, opérateurs en salle de contrôle ou au poste de commandement, équipe anti-incendie et sauveteurs, etc.)

- procédure d'activation et de cessation du plan de sécurité interne depuis le poste de commandement ou la salle de contrôle (en cas d’impossibilité de fonctionnement du premier nommé)

- gestion et révision des consignes de sécurité

Recommandation n. 26 :

Il est souhaitable que les procédures opérationnelles standard de sécurité et les mesures d'urgence soient mises en œuvre le plus souvent possible sous forme automatisée. Dans les faits, l'efficacité de l'intervention dans le tunnel dépend de l’à-propos des actions et donc de l’automatisme de la mise en œuvre des décisions. Cela réduira la possibilité d’erreur humaine.

Il est rappelé que, pour précis que puissent être les systèmes de prévention et les moyens mis en œuvre, il existera toujours une probabilité d’intervention d’un événement accidentel, lequel comporte, de toute façon, au minimum des conséquences nuisibles et il est donc nécessaire d’éliminer toute forme d'improvisation à travers l’accomplissement de simulations programmées d'événements accidentels à la charge des Sociétés, desquelles on pourra tirer des informations utiles pour la mise à jour des consignes de sécurité.

 

Recommandation n. 27 :

Le personnel responsable de l'exécution des consignes de sécurité devra être mis en situation de les connaître parfaitement grâce à des actions de formation et à des exercices périodiques d'urgence.

Recommandation n. 28 :

Enfin, la rédaction du manuel devra être faite dans un livret unique bilingue pour favoriser une meilleure compréhension et une meilleure intégration des consignes de sécurité.

3. Organisation des moyens de secours

3.1 L’exploitant

La responsabilité de l'exploitant en matière de première intervention doit être clairement établie.

Dès l'instant où un début d’incendie est présumé et indépendamment de la gravité a priori de l'incident ayant donné lieu à l'alerte, les moyens de secours de l’exploitant doivent entrer dans le tunnel à partir de chaque plate-forme. L'intervention de motocyclistes - surveillants permettant de s'assurer de l'origine de l'alerte est, dans ce cas, à éviter dans la mesure où elle est de nature à faire perdre de précieuses minutes.

Recommandation n. 29 :

Il est proposé que chaque plate-forme dispose d'un service de première intervention privé, identique en hommes et en matériels, composé d’une équipe de 3 à 5 hommes dirigée par un pompier professionnel secondé par des volontaires, tous dûment formés pour des interventions en milieu confiné et en mesure d'accéder au site d’un accident ou d’un incendie dans le délai de 5 minutes maximum après l'alerte. Le nombre de pompiers professionnels et d'agents d'exploitation volontaires doit permettre l'intervention de l'équipe vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Recommandation n. 30 :

De plus, il est proposé que l’organisation et les moyens de première intervention figurent dans un plan de sécurité interne à élaborer par l’exploitant unique en liaison avec les secours publics.

Recommandation n. 31 :

Il sera essentiel de définir avec précision le rôle et les compétences de chaque intervenant dans le cadre du plan d’urgence.

Il est fondamental que le plan de sécurité interne fixe le responsable de sa mise en œuvre. Chaque employé devra suivre scrupuleusement les instructions contenues dans ce plan, qui ne pourront être modifiées que par le responsable qui supervise les opérations d’intervention.

Ce plan devra comprendre les " fiches – réflexes " bilingues pour les pompiers du tunnel et les agents d'exploitation volontaires susceptibles, détailler les équipements, les effectifs, les conditions de formation continue et la fréquence des exercices associant professionnels et volontaires de l’exploitant d'une part et pompiers du service public de chaque pays d'autre part. Il indiquera également les conditions d'information des services publics en cas d'alerte, grâce à des lignes directes partant de la salle de commandement unique vers les systèmes d'appel des services de secours français et italien. Dès qu’il y a présomption d’un début d’incendie, les secours publics doivent être alertés.

Le Comité technique de sécurité du tunnel proposé plus haut aura à se déterminer sur le dispositif de plan de sécurité interne élaboré par l'exploitant. Il veillera notamment à s'assurer que le plan de secours interne répond à tous les scénarios prévus par l'étude de risques que les Commissions d'enquête proposent dans le présent rapport.

Il sera agréé par les autorités publiques compétentes en matière de sécurité civile qui examineront les conditions d'articulation entre le plan interne de l'exploitant et le plan de secours binational proposé au point suivant.

3.2 Les pouvoirs publics

Les plans de secours du tunnel du Mont Blanc, publiés en 1994 pour le plan français et en 1995 pour le plan italien ne sont pas identiques. Les deux plans ne disposent pas de fiches réflexes. Par ailleurs les deux plans n'ont pu intégrer le dispositif d'appel des renforts prévus à la convention franco-italienne publiée en 1995 et à l'arrangement administratif et aux conventions INTERREG qui ont suivi.

Recommandation n. 32 :

Il est proposé qu'un seul plan de secours publics, binational soit élaboré sous forme de fiches - réflexes bilingues et adoptées dans les mêmes termes par le Président de la région autonome du Val d'Aoste et le Préfet de la Haute-Savoie.

Le plan binational affirmera le principe que la direction des opérations de secours appartient à l'autorité sur le territoire de laquelle se situe le sinistre sauf demande contraire expresse de sa part, justifiée par une situation exceptionnelle, par exemple le sens des fumées empêchant dans un premier temps l'intervention de ses moyens de secours et justifiant l'installation du poste de commandement sur l'autre plate-forme.

L'autorité publique compétente aura autorité sur l'ensemble des moyens de secours. L'autorité publique de l'autre pays participe ou se fait représenter par des officiers de liaison au poste de commandement des secours.

Recommandation n. 33 :

Le plan précisera son articulation avec le plan de secours interne de l'exploitant notamment au niveau de la première information à fournir au moment de l'alerte, de l'harmonisation des moyens et des équipements de secours, ainsi que des conditions d'organisation d’exercices annuels avec ou sans fermeture du tunnel. Le plan indiquera les conditions d'installation de la salle mise à disposition du poste de commandement opérationnel des secours et de son équipement en moyens de communication.

Recommandation n. 34 :

Le plan de secours binational devra comprendre au moins un exercice commun annuel avec fermeture du tunnel, dont le compte-rendu sera adressé au Comité technique de la Commission intergouvernementale.

En dehors de cet exercice, les moyens de secours publics français et italiens seront formés par équipe franco-italienne dans le futur centre de formation des pompiers pour les interventions en milieu confiné prévu à Chamonix et financé notamment par des crédits communautaires.

4. Information et formation des usagers

La formation et l'information des usagers sont indispensables pour prévenir les incidents et pour réduire leur gravité.

Recommandation n. 35 :

Dès avant la réouverture du tunnel il faudra que soit menée simultanément en Italie et en France une campagne spécifique destinée à tous les usagers potentiels des tunnels routiers, de façon à favoriser les comportements efficaces en cas d’accident ou d’incendie. La campagne devrait être répétée périodiquement.

Parmi les principaux thèmes de cette campagne, citons:

- respect de la vitesse autorisée et, en dehors de cas de congestion récurrente caractérisée, de la distance de sécurité qui, dans les tunnels, devrait non seulement permettre de s'arrêter sans entrer en collision avec le véhicule qui précède, mais encore de s'arrêter en conservant une distance d’au moins 100 m par rapport au véhicule de devant;

- en cas de panne mécanique ou de malaise physique, la conduite du véhicule jusqu’au premier garage, s’il en existe. Dans tous les cas, le véhicule doit dégager le plus possible la chaussée;

- en cas d'urgence l’utilisation sans délai de tous les dispositifs d'alarme disponibles de façon à signaler en temps voulu à la salle de commande ses propres besoins ou ceux d'autres usagers ou encore des situations de danger pour la circulation;

- en cas d’immobilisation du véhicule arrêt du moteur ;

- la nécessité de s’arrêter en présence de fumée.

Recommandation n. 36 :

Il devra être fourni aux usagers qui se présenteront à l’entrée de tous les grands tunnels, outre les indications générales de sécurité faisant l’objet de la campagne (évoquées ci-dessus), des instructions spécifiques sur la façon de se comporter en cas d’incendie, d’accident, de panne mécanique, de ralentissement, de files d’attentes, d’arrêt de circulation etc.… Il devra aussi être fourni à tous les usagers un plan à jour du tunnel avec les indications utiles pour localiser les refuges, les systèmes d’alarme, les systèmes de lutte contre l’incendie etc.… en particulier ces informations pourraient être envoyées aux nombreux usagers abonnés, en même temps que leur seraient transmis leurs extraits de compte périodiques.

Pour ce qui concerne l'information, on peut envisager d’augmenter la capacité des systèmes de communication par radio avec possibilité pour le personnel de la salle de commande de lancer de flashs périodiques avec les informations utiles. A l’entrée des grand tunnels, les usagers devraient être invités, à garder la radio allumée durant toute la traversée du tunnel sur une fréquence leur permettant de recevoir des informations émises par le poste de commandement de l’ouvrage. Il faudrait donc examiner l’opportunité d’installer tout au long du tunnel des systèmes d’alarme sonore appropriés, reliés à des feux de circulation et en plus à des haut-parleurs eux-mêmes relié à la salle de commande.

Recommandation n. 37 :

Pour les tunnels dont elle a la charge, la Commission intergouvernementale de Contrôle devra vérifier que la formation et l’information des usagers apparaissent suffisantes.

5. REGLEMENTATION DES VEHICULES

Compte tenu du développement de la circulation des poids lourds en tunnel où les incendies peuvent avoir des conséquences particulièrement graves, il serait souhaitable de revoir les dispositions relatives à la prévention des incendies des poids lourds.

Recommandation n. 38 :

Il conviendrait de réexaminer les règles relatives à la prévention des incendies de poids lourds : abaissement de la quantité maximale de carburant pour un ensemble routier, règles relatives à la tenue des réservoirs de carburant en cas d’incendie, risque d’incendie des systèmes de réfrigération et caractéristiques au feu des matériaux utilisées notamment pour les isolants des véhicules frigorifiques.

D’une façon générale, il faut noter que l’évolution des règles relatives aux poids et dimensions des véhicules (véhicules plus lourds, plus larges, plus longs) est de nature à réduire les marges de sécurité dans les infrastructures existantes et en particulier les tunnels.

Recommandation n. 39 :

Nous attirons l’attention des autorités compétentes sur les risques que peut faire courir à la sécurité la tendance actuelle à l’augmentation des dimensions et poids autorisés de certains véhicules routiers.

Comme nous l’avons vu, dans le cas du tunnel du Mont-Blanc, la largeur de la chaussée n’est que de 7 m. Ceci est plus faible que pour tous les autres tunnels bidirectionnels modernes. La largeur maximale des camions était de 2,50 m jusqu’en 1997, où elle a été portée à 2,55. Pour les véhicules frigorifiques, elle a été portée à 2,60 m.

Il apparaît qu’il n’est pas possible d’augmenter la largeur roulable du tunnel du Mont Blanc. Dans ces conditions il apparaît potentiellement dangereux d’accepter des véhicules de plus de 2,55 m.

Recommandation n. 40 :

La largeur maximale des véhicules autorisés dans le tunnel du Mont-Blanc devrait être limitée à 2,55 m. Les véhicules de gabarit supérieur seront traités comme transport exceptionnels.

Si la plupart des marchandises dangereuses sont interdites au transit dans le tunnel du Mont-Blanc, cette catastrophe (comme l’incendie du 18 novembre 1996 dans le tunnel sous la Manche) montre qu’il y a des matières qui ne sont pas classées dangereuses au sens de la réglementation (ADR) qui présentent néanmoins de graves dangers en cas d’incendie. Les matières qui ont un pouvoir calorifique élevé comparable à celui des carburants et qui sont liquides ou facilement liquéfiables devraient être inscrites dans la réglementation des marchandises dangereuses. Leur transport serait alors soumis à des exigences de signalisation des véhicules qui permettraient de les soumettre à des règles particulières en tunnel, de façon facile à contrôler.

Recommandation n. 41 :

Il faudra étudier le classement dans le règlement du transport des marchandises dangereuses (ADR) de certaines matières liquides ou facilement liquéfiables qui ont des pouvoirs calorifiques comparables à celui des hydrocarbures.

6. LA MISE EN OEUVRE DES RECOMMANDATIONS

A partir des décisions qui seront prises par les Gouvernements français et italien comme suite à nos recommandations, il appartiendra, pour ce qui concerne le tunnel lui-même, aux Sociétés concessionnaires de présenter dans les délais les plus brefs les dispositions et projets qui y répondent. Ces propositions devront être élaborées par la direction technique, définie plus haut, et approuvées par la Commission intergouvernementale de Contrôle après avis du Comité technique de sécurité.

 

 

Annexe 2.5. : l’instruction technique interminitérielle (ITI 98-300)

Pour des raisons techniques, cette annexe, publiée dans le document imprimé, n’est pas disponible en ligne.

Annexe 2.6. : Extraits du rapport d’enquête relatif à l’incendie survenu à bord d’une navette poids - lourds le 18 novembre 1996 dans le Tunnel sous la Manche

 

CHAPITRE 1 : PRESENTATION DU SYSTEME EUROTUNNEL

(ce chapitre a été repris dans la description dans le corps du rapport)

 

chapitre 2 : ETAT OPÉRATIONNEL DU SYSTeME AVANT L'ACCIDENT

 

Les agents en poste

Les agents les plus particulièrement concernés par l'accident, en poste à 21h20 (heure de début du chargement du train sinistré) sont énumérés ci-après :

- dix agents étaient affectés au chargement du train : deux positionneurs, deux cadenceurs, quatre caleurs, un agent de liaison et le conducteur du bus qui mène les conducteurs de poids-lourds à la voiture salon ;

- trois personnes composaient l'équipage de la mission n°7539 : le conducteur, le chef de train et l'agent chargé de la restauration ;

- neuf personnes composaient l'équipage de la mission touriste n°6518, qui a été utilisée comme train d'évacuation, soit l'équipage normal pour ce type de mission plus un agent de réserve ;

- six personnes étaient au centre de contrôle ferroviaire principal et une autre au centre de contrôle de secours ;

- les équipes des premières lignes de réponse étaient au complet, à savoir 14 sapeurs-pompiers côté français (première ligne de réponse d'Eurotunnel) et 8 sapeurs-pompiers côté britannique (brigade de sapeurs-pompiers du Kent) ;

- les centres de gestion des équipements de protection incendie étaient normalement dotés en personnel, à savoir un agent dans chaque centre ;

- un inspecteur, un sergent et cinq agents étaient de garde au poste de police de Longport, l'inspecteur et quatre agents formant l'équipage du véhicule spécialisé chargé d'assurer les communications des services publics de secours britanniques dans le tunnel de service ;

- deux agents sûreté (stationnaires) étaient en poste dans un bâtiment proche du portail français, un troisième patrouillait avec son chien et un quatrième contrôlait les accès au tunnel de service.

Les trains

A 21h20, heure de début de chargement du train n°7539, 4 trains étaient à quai côté britannique, 2 trains navettes touristes et 2 trains navettes poids-lourds. Côté français, 7 trains étaient à quai, 3 touristes et 4 poids-lourds. Deux trains, un train de voyageurs à grande vitesse "Eurostar" et un train navette poids-lourds, se trouvaient dans le tunnel ferroviaire nord et deux autres, un "Eurostar" et une navette touristes, dans le tunnel ferroviaire sud.

Les équipements fixes

Le 18 novembre 1996 lors du changement d'équipe au centre de contrôle ferroviaire à 15h, l'opérateur sortant du système de gestion des équipements fixes n'a mentionné, dans son rapport d'état des équipements fixes, aucune défaillance, pour quelque système que ce soit, nécessitant des restrictions opérationnelles. Il faut souligner que les portes des deux communications croisées ferroviaires sous-marines étaient en position ouverte, alors que leur état nominal est la position fermée.

Le train sinistré

Le train n°7539 avait la composition suivante :

- une locomotive de tête ;

- la voiture-salon ;

- une rame de tête composée de quinze wagons porteurs encadrés de deux wagons chargeurs/déchargeurs ;

- une rame de queue composée de quatorze wagons porteurs encadrés de deux wagons chargeurs/déchargeurs ;

- une locomotive de queue.

Le matériel composant ce train avait subi, aux dates normales, les opérations de maintenance prévues par les règles d'entretien et ne faisait l'objet d'aucune restriction d'utilisation. Toutefois, le 15 novembre 1996, il avait été noté sur le carnet de bord de la locomotive de tête de ce train qu'une fuite d'air importante au niveau supérieur du pare brise de la cabine de conduite avant existait et provoquait des douleurs aux tympans, à la traversée des communications croisées.

Le train d'évacuation

Le train utilisé comme train de secours (mission touristes n°6518) avait une composition standard, à savoir:

- une locomotive de tête ;

- une rame simple-pont ;

- une rame double-pont ;

- une locomotive de queue.

Tous ces matériels avaient subi, aux dates prévues, les opérations de maintenance préventive applicables et étaient en ordre de marche.

Le tunnel de service et les véhicules de secours

Une voiture électrique avec deux agents de maintenance à bord se trouvait dans le tunnel de service quand l'incendie s'est déclaré. L'ensemble du parc de véhicules spécialisés de secours (sur chaque terminal: 4 véhicules pompiers, 2 véhicules ambulances, 1 véhicule communications) était opérationnel.

Les Services Publics de Secours

Dans le Kent, tous les engins de secours et équipages de la brigade des sapeurs-pompiers, nécessaires à la mise en application des réponses prédéterminées en cas d'accident dans le tunnel, étaient disponibles, de même que les ambulances et les forces de police. Dans le Pas-de-Calais, les gardes d'incendie étaient au complet. Par ailleurs, le service d'aide médicale urgente (SAMU) disposait de 5 équipes de services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) réparties sur les sites de Calais, Boulogne, Saint-Omer et Dunkerque.

 

CHAPITRE III - DEROULEMENT DE L'ACCIDENT

Les opérations ferroviaires : le chargement et le départ du train

Les 29 poids-lourds qui constituaient le chargement du train n°7539 ont passé le péage du terminal français de 19h28 à 20h32, le 18 novembre 1996. En raison d'un arrêt de travail de certains agents d'Eurotunnel sur le terminal français, entre 19h et 21h, ces camions ont dû stationner un long moment (de 57 à 112 minutes) sur le parking. L'affectation de ces véhicules sur la mission 7539 a débuté à 21h19 et s'est terminée à 21h32. Le chargement des camions sur les wagons a duré 20 minutes de 21h20 à 21h40.

Le départ du train n°7539 a eu lieu à 21h42. Le train a atteint la vitesse de 66 km/h puis s'est arrêté après avoir parcouru 1 500 m environ, conformément aux indications de la signalisation, afin de respecter l'intervalle minimum avec le train précédent (train navette poids-lourds n°7533, parti à 21h38). L'arrêt a duré 32 secondes. La mission 7539 a ensuite redémarré et a pénétré dans le tunnel ferroviaire sud à 57 km/h. Il était 21h48.

Deux agents de sûreté en poste dans un bâtiment situé à environ 600 m de l'entrée du tunnel ont constaté, au passage du train n°7539, un incendie sous un camion chargé sur un wagon du milieu de la rame de queue. Ces agents ont immédiatement signalé ce fait à leur chef de poste qui a retransmis l'information au centre de contrôle routier du terminal France, lequel l'a retransmise au centre de contrôle ferroviaire. Il était 21h49, soit plus d'une minute après l'entrée du train en tunnel. Deux autres agents de sûreté, un maître-chien et un contrôleur d'accès au tunnel de service ont également constaté cet incendie et fait un rapport.

Le trajet en tunnel

A 21h49, toujours, la station de détection incendie en tunnel, située au point kilométrique 59.13, déclenche une alarme simple renvoyée au centre de gestion des équipements incendie du terminal britannique. Le train a alors parcouru environ 2 200 m dans le tunnel sud. Entre 21h50 et 21h52, quatre autres stations de détection incendie sur les cinq successives situées entre les points kilométriques 58 et 51 délivrent au même centre quatre alarmes simples supplémentaires.

A 21h51, suite à l'information reçue du centre de contrôle routier français, le centre de contrôle ferroviaire informe le conducteur du train n°7539 d'une possibilité d'incendie à bord de son train et qu'en conséquence celui-ci sera dirigé vers la voie d'urgence du terminal britannique. Au même moment, le conducteur constate l'allumage d'une alarme en cabine de conduite indiquant un incendie "non confirmé"' sur la locomotive de queue de son train. A ce moment, le train n°7539 roule à 140 km/h et le train navette touristes n°6518 qui sera utilisé comme train d'évacuation rentre dans le tunnel nord.

A 21h52, le train n° 4899 entre dans le tunnel ferroviaire sud derrière le train en feu. Il s'agit d'une locomotive seule, avec à son bord le seul conducteur. A la même minute, le centre de contrôle ferroviaire avise le centre de gestion des équipements incendie du terminal britannique de la possibilité d'un feu sur la mission n°7539 et, en conséquence, de la décision de l'envoyer sur la voie d'urgence du terminal britannique. Quelques minutes plus tard, le conducteur de la locomotive n°4899 constatera la présence de fumées en tunnel, dont l'opacité l'obligera à ralentir.

A 21h53, une alarme confirmée indiquant la détection d'un feu sur la locomotive arrière de queue du train n°7539 se déclenche au pupitre du chef de train. La première alarme confirmée délivrée par la station de détection en tunnel située au point kilométrique 50,15 parvient au centre de contrôle ferroviaire. La mission n°7539 a alors parcouru environ 10 km dans le tunnel sud. A la réception de cette alarme, le centre de contrôle ferroviaire lance un appel général par la radio sol-train ordonnant à tous les conducteurs de ralentir leurs trains à 100 km/h et commande la fermeture des clapets des rameaux de pistonnement. Le rameau situé au point kilométrique 35,31 restera toutefois ouvert, ce qui provoquera, par la suite, la venue de fumées dans le tunnel nord.

A 21h54, le train navette touristes n°6523 rentre dans le tunnel sud. Le centre de contrôle ferroviaire demande au conducteur du train n°4899 d'effectuer un arrêt contrôlé, c'est-à-dire de s'arrêter, en freinage de service, au droit d'une porte de rameau de communication et met en place la limitation de vitesse à 100 km/h dans l'intervalle 2. Cette action a pour effet d'afficher cette limitation de vitesse dans les cabines de conduite des trains circulant dans cet intervalle. Cette commande provoque, par action du contrôle de vitesse, un freinage d'urgence sur le train navette touristes n°6518 qui circulait à 139 km/h. La mission n°7539 roule toujours à 140 km/h. Le centre de contrôle ferroviaire allume l'éclairage principal dans le tunnel sud.

A 21h55, le train n°4899 s'immobilise au point kilométrique 56,85. Le centre de contrôle ferroviaire interdit l'accès des deux tunnels à tout nouveau train et met en place la limitation de vitesse à 100 km/h dans les intervalles 4 et 6. La mission n°7539 ralentit à 100 km/h et, à 21h56, son conducteur constate sur son pupitre l'ouverture du disjoncteur principal sur la locomotive arrière du convoi. Ce train se trouve environ à 1 km après la communication croisée française. Peu après, la mission n°752 (rame navette poids-lourds vide qui regagnait la France par le tunnel nord) franchit la même communication croisée dont les portes sont encore ouvertes et, à cette occasion, traverse une épaisse fumée qui pénètre dans la voiture-salon. La limitation de vitesse à 100 km/h est mise en place sur les intervalles 1 et 3.

A 21h57, le centre de contrôle ferroviaire commande la fermeture des portes de la communication croisée britannique. Au même instant, le chef du train n°7539 reçoit une alarme indiquant un défaut sur les vérins ou les plats bords rabattables, ainsi que l'indication d'autres défaillances. Simultanément, le conducteur constate l'allumage de la lampe STOP sur son pupitre. Le centre de contrôle ferroviaire lance un appel général informant tous les conducteurs de trains de l'incendie et leur demandant de limiter les conversations avec le centre de contrôle ferroviaire au strict minimum.

Le stationnement du train en feu dans le tunnel sud

A 21h58, le train n°7539 s'immobilise au droit du rameau de communication situé au point kilométrique 41,31. Le conducteur est dans l'impossibilité d'identifier le numéro de la porte du rameau à cause de la fumée épaisse qui a presque aussitôt enveloppé la locomotive de tête. L'alimentation en courant de traction est interrompue 4 secondes après l'arrêt du train. Le chef de train informe le centre de contrôle ferroviaire des alarmes qu'il a reçues et de l'arrêt du convoi.

A 21h59, le centre de contrôle ferroviaire demande au premier train devant le train en feu (mission poids-lourds n° 7533) de réduire sa vitesse à 30 km/h. Ce train se trouve alors au droit de la communication croisée britannique. La rame navette touriste n°6527 et l'Eurostar n°9059, plus proches du portail britannique, poursuivent leur route à 100 km/h. Le conducteur du train n°7539 informe le centre de contrôle ferroviaire de son arrêt et de la perte du courant de traction. Le conducteur de la mission n°6523 s'arrête à 2 km derrière le train n°4899, conformément aux indications de la signalisation.

Le conducteur du train n°7539 tente de quitter sa cabine de conduite mais en est empêché par l'épaisseur de la fumée. A 22h01, il avise le centre de contrôle ferroviaire qu'il n'a pu quitter sa cabine de conduite pour organiser l'évacuation des passagers en raison de la fumée. Une deuxième tentative de sortie du conducteur cette fois muni de son appareil respiratoire échoue également. De la fumée commence à pénétrer dans la voiture-salon. Le chef de train ouvre la porte arrière pour tenter de repérer le rameau de communication, ce qui a pour effet de faire pénétrer une grande quantité de fumée dans la voiture-salon. Devant l'impossibilité d'apercevoir l'itinéraire d'évacuation, il referme immédiatement la porte et décide de rester à bord du train pour attendre les secours.

A 22h02, le téléphone administratif entre la Grande-Bretagne et la France est interrompu à cause de l'incendie. La radio concession subsiste mais elle est saturée. Le centre de contrôle ferroviaire ordonne au conducteur du train n°6523 de rejoindre la cabine de conduite de la locomotive arrière en vue de se préparer à rebrousser vers le terminal français.

A 22h03, le conducteur du train n°7539 informe directement le centre de gestion des équipements incendie français, par la radio concession, qu'il est dans la cabine, qu'il y a trop de fumée dehors, que les passagers sont dans la voiture-salon et qu'il ne sait pas le point d'arrêt exact de son train..

A 22h04, le centre de contrôle ferroviaire commande la fermeture des portes de la communication croisée française que le train navette poids-lourds n°7532 vient de dépasser. Ce train traverse une épaisse fumée qui pénètre dans la voiture-salon. L'Eurostar n°9059 sort du tunnel sud. Deux minutes plus tard, le train n°752 sort du tunnel nord. A peu près au même moment, le conducteur du train n°6518 signale des fumées dans le tunnel nord vers le point milieu. A 22 h 08, le train n°6527 sort du tunnel sud.

A 22h09, le conducteur du train incendié appelle à nouveau le centre de contrôle ferroviaire pour demander la position des secours. Le centre de contrôle ferroviaire reçoit une alarme feu "confirmée" en provenance de la station de détection incendie située au point kilométrique 47,46 du tunnel ferroviaire nord, ainsi qu'une alarme de commande non exécutée pour les portes de la communication croisée française. Le centre de contrôle ferroviaire commande la fermeture des unités de distribution d'air dans le tunnel ferroviaire nord.

A 22h10, le contre de contrôle ferroviaire demande au conducteur du train n°4899 de gagner le tunnel de service. Le conducteur du train n°6523 informe le centre de contrôle ferroviaire qu'il est dans la locomotive arrière, que la signalisation en cabine autorise une vitesse limite de 100  km/h mais qu'il n'y a pas de courant électrique de traction.

A 22h11, le centre de contrôle ferroviaire commande l'ouverture des portes des rameaux de communication situés aux points kilométriques 56,89 et 56,51 pour permettre l'évacuation du conducteur du train n°4899 vers le tunnel de service.

A 22h13, le centre de contrôle ferroviaire commande la mise en marche du système de ventilation supplémentaire dans le tunnel sud, dans le sens Grande-Bretagne - France, mais en laissant les pales des ventilateurs au pas nul. Cette configuration n'a aucun effet sur les mouvements de fumée. Le train n°7532 sort du tunnel nord.

A 22h15, le centre de contrôle ferroviaire demande au conducteur du train n°6518 de procéder à un arrêt contrôlé devant le rameau de communication situé au point kilométrique 41,32, afin que son convoi puisse être utilisé comme train d'évacuation. Le centre de contrôle ferroviaire referme les portes des rameaux de communication 5689 et 5651 et remet sous tension la caténaire dans l'intervalle 5.

A 22h16, le centre de contrôle ferroviaire ferme les unités de distribution d'air sur la zone incidentée du tunnel ferroviaire sud (entre les points kilométriques 36,87 et 55,39) et, à 22h17, il met hors tension la caténaire dans l'intervalle 5.

A 22h20, le centre de contrôle ferroviaire reconfigure le système de ventilation supplémentaire en orientant les pales des ventilateurs au pas 7. A 22h21, le centre de contrôle ferroviaire ouvre les portes des rameaux de communication 4101 et 4131 et demande au conducteur du train n°6523 de rebrousser dès que le courant de traction sera rétabli.

A 22h22, le chef du train n°7539 aperçoit, à travers une fenêtre de la voiture-salon, la flèche de direction du rameau de communication puis de la lumière. Il décide alors, en accord avec l'agent chargé de la restauration, d'évacuer les passagers en profitant de l'effet bulle d'air. Le système de ventilation supplémentaire fonctionne normalement à 22h22 et commence à chasser les fumées du tunnel sud dans le sens Grande Bretagne – France.

A 22h32, le train n°7533 sort du tunnel sud, côté Grande-Bretagne, puis à 22h39 le train n°6523, côté France. A ce moment, il ne reste plus que 3 trains dans les tunnels ferroviaires : le train d'évacuation dans le tunnel nord, le train en feu et la locomotive n°4899 à quatre kilomètres de l'entrée dans le tunnel sud.

L'évacuation

A 22h42, 26 passagers et le conducteur du train n°7539 embarquent dans le wagon n°3 du train d'évacuation dont le conducteur signale qu'une odeur âcre de fumée règne dans le tunnel nord. Le chef de train remarque qu'un peu de fumée s'échappe d'un rameau de pistonnement. A 22h52, la porte du wagon est refermée. A 23h04, le train d'évacuation démarre, après autorisation verbale du centre de contrôle ferroviaire. A 23h11, son conducteur rapporte que, au franchissement de la communication croisée française, une épaisse fumée rend la visibilité nulle et qu'une odeur de fumée pénètre dans la cabine de conduite. Des fumées pénètrent dans le wagon chargeur de tête, adjacent au wagon où se trouvent encore des personnes évacuées. Ces fumées déclenchent une alarme incendie et conduisent l'équipage à accélérer le transfert de ces personnes dans le wagon n°4. A 23h24, le train d'évacuation est reçu sur la plate-forme n°7 du terminal français.

Les opérations de lutte contre l'incendie : mise en alerte et réponses initiales

A 21h50, le centre de contrôle du trafic routier sur le terminal français avertit le centre de gestion des équipements incendie du terminal français qu'un feu a été observé sur le dernier train ayant pénétré dans le tunnel sud. Le centre de gestion des équipements incendie britannique reçoit une information similaire à 21h52 via le centre de contrôle ferroviaire qui l'informe également de l'envoi du train sinistré vers la voie d'urgence britannique. Le centre de gestion des équipements incendie français est avisé de ceci à 21h53.

La première ligne de réponse d'Eurotunnel est informée de l'incident par les opérateurs du centre de gestion des équipements incendie et l'officier de permanence en France donne l'ordre aux équipes de se rendre au point milieu du tunnel où elles seraient mieux positionnées au cas où le train sinistré devrait procéder à un arrêt d'urgence. Une équipe de huit sapeurs-pompiers commandée par un sergent quitte le centre de secours français à 21h56 à bord de deux véhicules spécialisés.

Au centre de gestion des équipements incendie britannique, le synoptique des alarmes feu indique le déclenchement de plusieurs stations de détection fixes consécutives depuis le portail français en direction du Royaume Uni. L'équipe de la première ligne de réponse n'a pas été mobilisée immédiatement du côté britannique puisqu'il était prévu que le feu devait être traité par les sapeurs-pompiers du Kent sur la voie d'urgence. Cependant, suite à la discussion entre l'opérateur du centre de gestion des équipements incendie britannique et le centre de contrôle ferroviaire sur le nombre d'alarmes activées, la décision est prise d'envoyer également la première ligne de réponse britannique au point milieu. Cette équipe, comprenant huit sapeurs-pompiers placés sous le commandement d'un sous-officier suppléant, pénètre dans le tunnel de service à 22h03.

A 22h02, l'équipe de la première ligne de réponse française, qui vient seulement de pénétrer dans le tunnel de service en raison du trajet de 1 km à couvrir et de l'obligation pour chaque sapeur-pompier d'insérer une carte magnétique dans le système de sécurité, est dirigée par le centre de contrôle ferroviaire vers le rameau de communication 4101, considéré comme le plus proche de la locomotive avant du train sinistré. Cette information a été confirmée par le centre de contrôle ferroviaire, une première fois à 22h08 puis à 22h16.

Conformément aux procédures d'Eurotunnel, l'opérateur du centre de gestion des équipements incendie britannique envoie un imprimé par télécopie au centre de contrôle du trafic routier du terminal britannique et au centre de gestion des équipements incendie français indiquant le détail des actions de mise en alerte et de mobilisation à entreprendre. Puis à 22h12, ce même opérateur demande, par téléphone, de ne pas tenir compte de la dernière phrase qui ordonnait au centre de contrôle du terminal de faire appel à la deuxième ligne de réponse britannique.

A 21h57, le centre de gestion des équipements incendie français informe la direction départementale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins (DDCILEC), le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) et le centre opérationnel départemental des services d'incendie et de secours du Pas-de-Calais (CODIS 62). Cette mise en alerte est également transmise à l'officier des sapeurs-pompiers en charge du centre de secours français, responsable du tunnel sous la Manche, qui demande le déclenchement du plan de secours spécialisé du Pas-de-Calais pour le tunnel sous la Manche à 22h05. Ce faisant, le déploiement prévu dans ce plan des services médicaux, de la police, des sapeurs-pompiers du Pas-de-Calais est activé. Le centre de gestion des équipements incendie britannique est avisé de cette décision à 22h06.

L'équipe de la première ligne de réponse française est informée du lieu présumé de l'arrêt de la navette sinistrée par des messages radio du contrôleur du système de gestion des équipements fixes et du centre de contrôle ferroviaire. La première ligne de réponse britannique a eu des difficultés pour entrer en contact avec le centre de contrôle ferroviaire et a dû s'en tenir aux messages relayés par l'opérateur du centre de gestion des équipements incendie britannique. La première ligne de réponse française a rencontré des problèmes similaires pendant le trajet dans le tunnel de service et après son arrivée sur les lieux.

A leur arrivée au rameau de communication 4201, situé à 1 125 m environ du rameau de communication 4101, à 22h17, les membres de la première ligne de réponse française, à bord du second véhicule, remarquent un tourbillon de fumée dans le rameau de communication. Ils s'arrêtent et demandent au centre de contrôle ferroviaire s'ils doivent poursuivre leur route. Le centre de contrôle ferroviaire confirme l'ordre de rejoindre le rameau de communication 4101 à 22h18. Dès leur arrivée, à 22h20, la porte de ce rameau de communication est ouverte à distance, révélant la présence de fumée, mais non celle du train sinistré.

A 22h24, le centre de contrôle ferroviaire envoie un message radio à l'équipe de la première ligne de réponse française lui demandant de retourner au rameau de communication 4201, puis à 22h25 modifie l'instruction et envoie l'équipe au rameau de communication 4131 et confirme cet ordre à 22h27.

Position des victimes

A son arrivée au rameau de communication 4131, à 22h28, la première ligne de réponse française trouve des personnes dans le tunnel de service et notifie au centre de contrôle ferroviaire l'évacuation du train sinistré. Sur les informations de l'un des chauffeurs de poids lourds, le chef de la première ligne de réponse informe le centre de contrôle ferroviaire de la présence éventuelle à bord du train sinistré d'un camion chargé de polystyrène expansible. Il indique également que le conducteur du train sinistré est toujours dans sa cabine. Ce dernier est mis en sécurité dans le tunnel de service à 22h29. A 22h30, après avoir inspecté la locomotive avant et la voiture aménagée, le chef de la première ligne de réponse française signale au centre de gestion des équipements incendie qu'il ne reste plus personne à bord du train sinistré. Toutes les personnes impliquées ayant été placées en sécurité dans le tunnel de service, l'équipe de la première ligne de réponse française referme manuellement la porte du rameau de communication 4131, à 22h34.

Tous les efforts se portent alors sur les passagers et l'équipage du train sinistré dont beaucoup sont choqués et souffrent des effets de la fumée. La première ligne de réponse française met sous oxygène les personnes présentant les difficultés respiratoires les plus graves. Elle est assistée dans cette tâche par la première ligne de réponse britannique, arrivée sur les lieux à 22h30.

Avant de se rendre sur les lieux du sinistre, le commandant des sapeurs-pompiers français demande au centre de contrôle ferroviaire de s'assurer que le système de ventilation supplémentaire est bien configuré de manière à refouler le flux d'air de la locomotive avant et de la voiture aménagée pour le diriger vers la France. A 22h25, il rend compte de la situation au sous-préfet de Calais.

Les réponses aux dispositions initiales de mobilisation en France ont permis à une équipe médicale du SMUR de Calais, composée d'un médecin, d'un infirmier et d'un conducteur, de pénétrer dans le tunnel de service à 22h40 à bord d'un véhicule spécialisé. A 22h42, les 27 passagers et membres d'équipage les moins affectés, embarquent à bord du train d'évacuation.

A 22h45 environ, après avoir attendu pendant 5 à 6 minutes les policiers de la DDCILEC, trois autres véhicules spécialisés (deux incendie et un communications) quittent le centre de secours français avec à leur bord, 22 sapeurs-pompiers dont trois officiers, placés sous l'autorité d'un commandant des sapeurs-pompiers.

Le train d'évacuation repart vers la France à 23h04. Les sept victimes les plus gravement affectées restent dans le tunnel de service où l'équipe française continue à leur prodiguer les premiers soins. Il est décidé de donner à la première ligne de réponse britannique la responsabilité de diriger les opérations de lutte incendie et de ventilation.

Première reconnaissance de l'incendie

Après avoir demandé des informations sur la configuration du système de ventilation et la caténaire, le chef de la première ligne de réponse britannique décide d'effectuer une reconnaissance pour déterminer la position et l'ampleur exacte du feu à bord du train sinistré. Deux membres de la première ligne de réponse britannique, équipés de masques respiratoires et emportant avec eux une lance incendie et une caméra à imagerie thermique, pénètrent dans le tunnel sud via la porte du rameau de communication 4131 à 22h53. Ils se dirigent d'abord à droite, vers la tête du train et découvrent l'avant de la voiture-salon et la locomotive de tête entourées d'une fumée épaisse. Puis ils cheminent vers l'arrière du train sinistré où l'air, moins enfumé après la porte du rameau de communication 4131, leur permet dans un premier temps de progresser facilement. Cependant, après la porte du rameau de communication 4163, ils prennent conscience de l'augmentation du niveau sonore et des dégâts évidents subis par les équipements fixes. A 100 m environ de ce point, le feu est visible, et se trouve à première vue à proximité de la porte du rameau de communication 4201.

L'équipe de reconnaissance estime qu'il y a environ cinq wagons impliqués dans l'incendie à l'arrière du train sinistré. Elle a alors perdu son contact radio et le feu se trouve hors de portée de sa lance incendie. L'équipe revient donc à la porte du rameau de communication 4131 pour effectuer un compte rendu à son chef d'équipe. Avant de quitter le tunnel sud, elle effectue, par prudence, une autre inspection de la voiture-salon mais ne peut pas pénétrer dans la cabine de conduite de la locomotive de tête dont la porte est verrouillée. La cabine sera inspectée, sans résultat, peu de temps après par une deuxième équipe appartenant à la première ligne de réponse britannique.

Simultanément à l'entrée de l'équipe de reconnaissance dans le tunnel ferroviaire sud, le chef de la première ligne de réponse britannique demande la présence de la deuxième ligne de réponse britannique dont il pense qu'elle se tient prête au portail britannique. Ce message est reçu par le centre de gestion des équipements incendie britannique à 22h58 puis retransmis au centre de contrôle du trafic routier britannique. La demande est répercutée dans la salle de commande de la brigade des sapeurs-pompiers du Kent à 23h02, qui prend donc, à cet instant, connaissance pour la première fois de l'accident.

Après avoir consulté ses chefs d'équipe, le chef de la première ligne de réponse britannique décide d'attaquer le feu à partir de la porte du rameau de communication 4163. Avant que cette action ne commence, la deuxième ligne de réponse française est arrivée sur les lieux à environ 23h07. Le commandant des sapeurs-pompiers français prend alors la direction des opérations.

 

Lutte contre l'incendie et activités associées

Le commandant des sapeurs-pompiers français organise ses forces afin de porter assistance aux victimes encore sur place et de monter deux autres équipes de reconnaissance devant pénétrer dans le tunnel ferroviaire sud à partir des portes des rameaux de communication 4163 et 4201. L'équipe envoyée à la porte du rameau 4201 n'est pas en mesure de pénétrer dans le tunnel ferroviaire sud en raison de la violence du feu à cet endroit, mais l'équipe se trouvant à la porte du rameau de communication 4163 peut rapporter avoir entendu des explosions et avoir vu un feu significatif, décrit comme produisant "beaucoup de flammes" en direction de la France. Ces informations sont transmises au poste de commandement opérationnel (P.C.O.) et au centre de gestion des équipements incendie à 23h29.

A 23h39, les sept victimes encore présentes sont évacuées vers la France dans deux véhicules spécialisés ambulances. Les médecins du SMUR sont remplacés par deux médecins des sapeurs-pompiers. A 23h39, le commandant des sapeurs-pompiers est en mesure de rapporter au P.C.O. les résultats de la deuxième reconnaissance dans le tunnel ferroviaire sud qui a permis de confirmer que le feu est bien situé entre les portes des rameaux de communication 4163 et 4201 mais que son étendue en direction de la France ne peut qu'être estimée même s'il est possible de voir le front de l'incendie. Il ordonne ensuite aux équipes de sapeurs-pompiers français d'attaquer l'incendie avec trois lances de 45 mm de diamètre via la porte du rameau de communication 4163, et une lance de 70 mm, via la porte du rameau de communication 4201, l'objectif étant d'éteindre le feu entre ces deux portes.

A 23h45, le commandant des sapeurs-pompiers français confirme au P.C.O. que le feu se situe entre les portes des rameaux de communication 4163 et 4201 et précise que le feu peut avoir pris dans un camion transportant 25 tonnes de polystyrène, que l'équipe de sapeurs-pompiers à la porte du rameau de communication 4163 peut voir cinq camions en feu et que 2 véhicules spécialisés ambulances partent en direction du centre de secours français avec sept blessés à bord. A peu près au même moment, la police britannique arrive sur les lieux dans le véhicule spécialisé communications et établit le contact avec le commandant des sapeurs-pompiers français.

Deux véhicules spécialisés avec à leur bord 24 sapeurs-pompiers de la brigade du Kent, placés sous le commandement du senior divisional officer, pénètrent dans le tunnel de service à 23h19 et 23h21. Ils arrivent sur les lieux de l'accident à environ 23h52.

Le Kent Ambulance NHS Trust est averti de l'accident par la brigade des sapeurs-pompiers du Kent à 23h20 et envoie des ambulances et des officiers en des points prédéterminés. Un véhicule spécialisé ambulance transportant deux ambulanciers et deux techniciens, pénètre dans le tunnel de service à 23h51.

A l'arrivée sur les lieux de l'accident du commandant des sapeurs-pompiers britanniques, les deux commandants procèdent à une évaluation conjointe de la situation dans le tunnel ferroviaire sud et décident que le commandant des opérations (français) dirigerait les opérations à partir de la porte du rameau de communication 4163 et que le commandant britannique jouerait le même rôle à partir de la porte du rameau de communication 4201.

Les véhicules spécialisés, communications et ambulance britanniques reçoivent l'ordre de se rendre à la porte du rameau de communication 4201 en soutien des opérations britanniques. L'équipage du véhicule spécialisé communications a préparé son équipement pour servir de poste de contrôle avancé aux services de secours du Royaume Uni en assurant une liaison par radio tactique et téléphone entre le lieu de l'accident et l'incident coordination centre (I.C.C.). Le véhicule spécialisé ambulance est à disposition prêt à accueillir le personnel se trouvant dans la zone en cas d'accident ou de blessure.

Les deux équipes de sapeurs-pompiers ont mis en oeuvre cinq lances incendie. Des explosions continuent à se faire entendre et le tunnel ferroviaire présente des dommages graves. Cette situation conduit le commandant des sapeurs-pompiers français à demander l'assistance d'un expert en génie civil.

Au cours des cinq heures environ qui ont suivi, le feu a été attaqué par des équipes de sapeurs-pompiers qui se relayaient. Il y avait peu de place pour se déplacer, l'accès déjà restreint étant rendu encore plus dangereux par la chute de débris provenant des équipements fixes. Il était très difficile de progresser, l'espace d'un mètre de large entre la paroi du train sinistré et celle du tunnel étant couvert de gravats. L'accès au train sinistré n'était possible que d'un seul côté. Après avoir combattu le gros du feu entre les deux portes de rameaux de communication, les sapeurs-pompiers ont fait converger leurs lances sur les wagons de queue et la locomotive. Le foyer principal a été éteint à 5h00 environ. Des foyers mineurs ont été éteints aux premières heures de la matinée, mais il a fallu continuer à combattre un feu couvant dans les débris jusqu'à 3h00 le 20 novembre 1996.

Pendant un moment, les efforts des sapeurs-pompiers ont été entravés par une alimentation en eau aléatoire et déficiente suite à la rupture de la canalisation d'eau et à des fuites au niveau des brides sur les joints situés à proximité du feu. Dans les premiers stades de l'attaque du feu, il a fallu, en raison de ce problème, réduire le nombre de lances à deux jusqu'à l'arrivée d'un ingénieur d'Eurotunnel. Celui-ci a alors reconfiguré le réseau d'eau d'incendie pour éviter la zone la plus endommagée.

Opérations de soutien

Les polices française et britannique ont assuré une assistance opérationnelle au cours de l'accident en garantissant les routes d'accès et en établissant des liaisons de communication entre le lieu de l'accident et le centre de commandement. En France, le Procureur de la République a été prévenu de l'accident à 00h48, le 19 novembre 1996, et un représentant de l'identité judiciaire s'est rendu sur les lieux à 2h45, ce même jour.

Les équipes de secours dans le tunnel ont été soutenues par les structures de commandement stratégique et tactique établies aux termes du plan BINAT. Par conséquent, l'Etat où s'est produit l'accident, la France, a pris la responsabilité de la direction générale de l'opération, en demandant de l'aide, en fonction des besoins, à la nation de soutien, dans ce cas, le Royaume-Uni.

En France, les représentants de tous les principaux services de secours placés sous l'autorité du sous-préfet de permanence, qui était le sous-préfet de Calais dans la nuit du 18 novembre 1996, se sont rendus au P.C.O. Ils ont dirigé la réponse tactique à l'accident à partir du poste en mettant en place des communications avec les services de secours dans le tunnel, les centres locaux de secours, la préfecture (Arras), les centres de gestion d'Eurotunnel et l'ICC. Le P.C.O. a été ouvert à 22h13 et il était en mesure, à compter de 23h, d'adopter la stratégie opérationnelle nécessaire pour traiter les victimes et le feu ainsi que les demandes d'assistance logistique formulées par le commandant des sapeurs-pompiers dans le tunnel. Le directeur départemental de la protection civile est arrivé d'Arras à 23h55 environ et a rempli les fonctions de chef d'état major du P.C.O. Le Directeur du SMUR et le Directeur départemental de la sécurité publique sont arrivés d'Arras à 00h20. L'officier en chef des sapeurs-pompiers du Kent se trouvait fortuitement à Calais au moment de l'accident et a donc pu jouer le rôle d'officier de liaison pour les services de secours britanniques entre 00h55 et 03h35.

Les commandants en chef de la police, des sapeurs-pompiers et des services ambulanciers se sont retrouvés à l'ICC pour diriger les opérations britanniques en liaison avec le coordinateur d'astreinte d'Eurotunnel et le centre de contrôle ferroviaire. Ils avaient pour mission de fournir les ressources demandées par les autorités françaises et d'assurer le soutien des forces britanniques engagées dans la lutte contre l'accident en mettant à leur disposition des ressources et des équipements supplémentaires. La police du Kent et les représentants d'Eurotunnel ont été les premiers à se rendre à l'ICC. Ils ont été rejoints peu de temps après par des équipes de la brigade des sapeurs-pompiers du Kent et du Kent Ambulance NHS Trust. L'ICC a été activé à 22h00 environ le 18 novembre et était complètement opérationnel à compter de 23h45. En raison de la perte du téléphone administratif, il y a eu quelques difficultés de contact avec le P.C.O. Le centre de contrôle ferroviaire a su très tôt que le téléphone administratif était indisponible mais n'a averti le PCO de ce fait que beaucoup plus tard. Le premier contact a été réalisé à 00h06 le 19 novembre 1996 et un autre à 00h48, lorsque le P.C.O. a fait savoir que le Royaume-Uni n'aurait pas à fournir de ressources supplémentaires. La communication a été complètement établie à 01h00. L'ICC n'a pas été en mesure d'obtenir des informations sur l'écran du système de gestion des équipements fixes installé dans cette salle.

L'Etat pilote a établi un poste de commandement fixe à la préfecture du Pas-de-Calais (Arras) et l'Etat soutien, à l'état major de la police du Kent (Gold Command). Le poste de commandement fixe, sous l'autorité du directeur adjoint du cabinet du préfet a eu la responsabilité d'informer les autorités nationales ainsi que le public et les médias.

A 00h30, le 19 novembre 1996, les ressources de lutte incendie disponibles au Royaume-Uni comprenaient 10 engins de lutte incendie, 40 pompiers, dont 4 gradés. A 00h49, quatre engins de lutte incendie et deux ambulances ont été chargés à bord d'un train de secours, mis à disposition par Eurotunnel, prêt à se rendre sur les lieux de l'accident via le tunnel ferroviaire nord. Comme le P.C.O. n'a pas exprimé le besoin d'utiliser ces ressources, le gradé des sapeurs-pompiers dans l'ICC a décidé, à 00h49, de les faire décharger du train de secours et de les transférer au centre de gestion des équipements incendie. D'autres systèmes de transport plus légers avaient déjà été mobilisés dans ce centre pour acheminer des hommes, du petit équipement et des rafraîchissements sur le lieu de l'accident en empruntant le tunnel de service. 16 sapeurs-pompiers britanniques et deux officiers sont entrés dans le tunnel de service avec les équipements et les fournitures, à 02h05, à bord de véhicules électriques et de véhicules spécialisés de maintenance. Ils sont arrivés sur les lieux de l'accident à 02h51.

A 01h52, le P.C.O. a demandé à l'ICC de faire avancer le train de secours. Le train a donc été à nouveau chargé, puis est parti à 02h48, avec à son bord, 6 engins de lutte incendie et 24 sapeurs-pompiers. Il a rencontré des problèmes d'alimentation électrique et n'a pu parvenir sur les lieux de l'accident qu'à 03h42. Il a été déchargé quelque temps après En France, environ 37 sapeurs-pompiers de renfort sont entrés dans le tunnel entre 02h30 et 05h30, le 19 novembre 1996, pour relayer les premières équipes.

Ressources engagées

Pendant la durée totale de l'incident, quelques 233 membres des services de secours français ont été mobilisés dans 31 centres de secours.

L'engagement du Royaume-Uni, en tant que nation soutien, a également été considérable avec un total de 209 sapeurs-pompiers, 24 ambulanciers et 50 policiers.

 

LE CHAPITRE IV - CONSEQUENCES DE L'ACCIDENT

Conséquences humaines

Les passagers et les membres d'équipage du train n°7539 ont inhalé, pendant une vingtaine de minutes, des fumées toxiques, dont la concentration allait croissant, qui ont pénétré dans la voiture salon et la cabine de conduite. Ils ont par ailleurs été soumis à un stress important dans l'attente de l'évacuation et de l'arrivée des secours. Certains d'entre eux ont été pris de nausées.

A l'arrivée de la première ligne de réponse des secours, sept de ces personnes ont été soumises à une oxygénation intensive sur place puis évacuées hors du tunnel de service par véhicules spécialisés ambulance. Les 27 autres ont utilisé le train d'évacuation.

Après leur sortie du tunnel, les passagers et membres d'équipage du train sinistré ont été transférés par route dans différents centres hospitaliers du Pas-de-Calais, à l'exception de deux personnes jugées plus gravement intoxiquées qui ont été transportées par hélicoptère au centre hospitalier de Lille. Ces hospitalisations ont été de courte durée. La personne dont l'état inspirait le plus d'inquiétude a quitté le centre hospitalier de Lille le 19 novembre à 22h50.

Conséquences sur l'ouvrage : génie civil

Au titre du présent point, on entend par génie civil : le revêtement du tunnel, les rameaux de communication et de pistonnement, les trottoirs et le béton d'assise de la voie ferrée. Le train en feu s'est immobilisé dans le tunnel sud, à 19 km environ de l'entrée côté France. Outre la pollution due aux fumées (dépôts de suies) qui ont affecté plusieurs kilomètres de tunnel, l'incendie a provoqué des dégâts notables sur une distance de 480 m environ..

Le tunnel est généralement revêtu de voussoirs en béton armé d'une épaisseur de 40 cm. La zone la plus affectée par l'incendie est longue de 50 m environ. Dans cette zone, en de nombreux endroits, l'épaisseur du béton a été réduite à 17 cm en moyenne. En certains points, l'épaisseur résiduelle n'était plus que de 2 cm, la totalité des aciers des armatures étant visibles. Ni le béton de l'ouvrage qui avait été injecté, à la construction, entre les voussoirs et la roche naturelle, ni a fortiori la roche elle-même, n'ont été attaqués. La surveillance exercée n'a mis en évidence aucun mouvement de terrain mais des cintres métalliques ont été installés par mesure de précaution provisoire. L'ensemble de cette zone a fait l'objet d'un renforcement et d'une reconstruction..

De part et d'autre de cette zone, sur 70 m environ côté Grande-Bretagne et 170 m côté France, le revêtement du tunnel a été assez fortement endommagé. Le béton s'est délité par endroits, laissant apparaître la première nappe d'armatures métalliques. Ces dégradations atteignent une profondeur de 5 à 20 cm selon les endroits. Dans cette zone, le revêtement a pu être réparé, sans renforcer les armatures métalliques.

De part et d'autre de cette zone, 190 m environ au total ont été légèrement affectés par l'incendie. Des dégâts superficiels du béton ont été constatés par endroits, sans que les aciers des armatures apparaissent.

Les autres éléments de génie civil, les structures du rameau d'évacuation et celles des rameaux de pistonnement les plus près de l'incendie, ont peu souffert. Il en va de même pour les trottoirs et le béton d'assise de la voie qui n'étaient pas directement affectés par l'incendie et ont en outre été protégés soit par les éclats de béton en provenance de la voûte, soit par le plancher des wagons.

Equipements fixes et équipements ferroviaires

L'incendie a causé des dégâts importants aux installations fixes qui ont nécessité de gros travaux de remise en état. Les principaux sont les suivants:

- pour le système d'alimentation électrique, 1500 m de câbles (21 kV, 3,3 kV et 0,4 kV) ont été remplacés ainsi que, sur 800 m, les boutons poussoirs, boites de jonction et boîtiers lumineux du système d'éclairage ;

- la crosse d'aspiration et 4 détecteurs de la station de détection d'incendie située au point kilométrique 42.01 ont été changés ;

- s'agissant du système de contrôle et communications, il a été nécessaire de remplacer 2 100 m de câbles rayonnants pour la radio sol-train et la radio-concession et 3 900 m de câbles en fibre optique ;

- de nombreux travaux de remplacement, sur une distance de 1 500 m environ, ont été également nécessaires pour le système de signalisation ferroviaire. Ils concernent en particulier les émetteurs de circuits de voie, les repères, les émetteurs ponctuels d'informations ;

- la voie ferrée a dû être reconstruite sur 500 m et la caténaire sur 800 m;

- s'agissant des équipements électromécaniques, les mécanismes de 4 portes de rameaux de communication et de 5 rameaux de pistonnement ont été remplacés ainsi que 800 m de canalisation de refroidissement.

Conséquences sur le matériel roulant

La locomotive de tête et la voiture aménagée n'ont pas souffert. Seul un nettoyage poussé s'impose suite aux dépôts de suies dus aux fumées de l'incendie. Les composants électroniques de cette locomotive et de la voiture salon ont été déposés pour être décontaminés.

La rame de tête a très peu souffert. Les wagons la composant ont subi un nettoyage poussé. Seules quelques réparations mineures semblent nécessaires

La rame de queue, par contre, a subit des dégâts sévères :

- les deux véhicules de tête, le chargeur et le premier porteur, semblent récupérables sous réserve de quelques réparations;

- les trois wagons porteurs suivants sont sérieusement endommagés. Leur remise en état éventuelle dépendra des conclusions de l'expertise en cours opérée conjointement par Eurotunnel et le constructeur Breda - Fiat;

- les dix wagons porteurs suivants et le wagon chargeur de queue sont irrécupérables. Les châssis et les superstructures de ces wagons sont déformés à un point tel qu'il est impossible de les réparer. Seuls quelques organes de roulement pourraient éventuellement être réutilisés pour des mouvements en atelier;

- la locomotive arrière a énormément souffert. Il est à remarquer que la cabine de conduite arrière, adjacente au wagon chargeur de queue, a moins souffert que la cabine principale située à l'opposé.

Conséquences sur l'exploitation

A la suite de l'accident, tous les services commerciaux du tunnel sous la Manche, ont immédiatement été interrompus. A l'appui de ses demandes de reprise des trafics fret (trains de marchandises) et voyageurs (Eurostars et navettes touristes), Eurotunnel a soumis des dossiers techniques complets comportant notamment les mesures transitoires nécessaires pendant la durée des travaux de reconstruction dans l'intervalle 3. Après un examen attentif de ces propositions et, s'agissant des Eurostars, après la réalisation d'un exercice d'évacuation depuis l'intervalle 4, le Comité de Sécurité a estimé que le niveau général de sécurité offert par le système permettait la reprise de ces services commerciaux. Le trafic fret a repris le 20 novembre en soirée, le service Eurostar le 4 décembre et celui des navettes touristes le 10 décembre pour les automobiles et le 6 janvier 1997 pour les autocars.

La nécessité d'exploiter l'intervalle 4 en voie unique pendant les travaux de remise en état de l'intervalle 3 réduit toutefois considérablement la capacité du tunnel, de 12 à 6 trains par heure et par sens. Ainsi, le nombre d'allers et retours quotidiens en Eurostar entre Paris et Londres est passé de 14 à 13, et de 8 à 7 entre Londres et Bruxelles tandis que la fréquence des services navettes touristes a été divisée par deux.

 

LE CHAPITRE V - L'INCENDIE

Développement , propagation, origine de l'incendie

Il n'a pas été possible de déterminer l'origine exacte du feu à bord du train sinistré sur la base des éléments de preuve existants. Selon les déclarations des témoins, l'origine du feu se situe soit dans le wagon 7 soit dans le wagon 10 de la rame arrière. La défaillance du sectionneur caténaire entre les wagons 7 et 8 pourrait faire penser que le feu a démarré dans l'un de ces wagons. En fait, on peut simplement en déduire qu'un feu significatif s'était déjà propagé à ces wagons au moment de l'arrêt du train sinistré. L'absence de dégâts importants dus au feu sur les poids lourds des wagons 1 à 4 suggère un départ dans les wagons 5, 6 ou 7, dans la mesure où il est improbable qu'un feu significatif ait progressé vers l'avant alors que le train était encore en mouvement.

Développement initial avant l'entrée dans le tunnel

Selon le témoignage des agents de sûreté, des flammes de 2 m de largeur sur 2 m de hauteur, ont été observées juste avant l'entrée du train sinistré au portail français. La fumée était suffisamment importante pour dépasser la hauteur du pont routier emprunté par la RN1, au-dessus de la tranchée de Beussingues. On peut donc penser que le feu était, à ce moment, compris entre 1 et 1,5 MW. Si l'on tient compte de l'arrêt du train sinistré avant l'entrée dans le tunnel, il apparaît que le feu a atteint cette taille six minutes environ après que le train ait quitté le quai.

Développement dans le tunnel et taille avant l'alarme confirmée

Le train sinistré a pénétré dans le tunnel avec un feu à bord, ce qui a déclenché les détecteurs ioniques en tunnel. Cependant, le conducteur du train 4899 suiveur a déclaré qu'il n'a aperçu la fumée qu'après avoir parcouru 2 à 3 km dans le tunnel, près du point kilométrique 56.85, point auquel il a rencontré un mur de fumée. L'absence de réaction, à ce moment, des détecteurs optiques de fumée et de flamme en tunnel peut avoir deux explications:

- le feu était en deçà des seuils de détection ;

- les caractéristiques des détecteurs ne sont pas suffisamment sensibles à ce type de feu ou de fumée.

Exceptés quelques dépôts de suie, le tunnel n'a pas souffert pendant cette phase de l'incendie. Le train roulait au minimum à 100 km/h et les équipements en tunnel ont donc eu une exposition très limitée à la chaleur. Le feu n'excédait sans doute pas 4 MW, à ce stade; dans le cas contraire, il aurait certainement déclenché une alarme confirmée.

De l'alarme confirmée à l'arrêt du train

Lorsque la première détection de flammes, confirmée, est survenue à 21h53, le feu devait atteindre au moins 1,5 MW. Dans la mesure où le tunnel a subi peu de dommages pendant que le train était encore en mouvement, il est possible d'estimer la taille maximale du feu susceptible de laisser intacts les équipements ayant un faible taux de fusion comme les fixations en polyéthylène. A 50 km/h, seul un feu supérieur à 200 MW aurait pu affecter ces fixations. Mais juste avant l'arrêt, c'est-à-dire à une vitesse très lente, un feu de 5 à 10 MW aurait déjà pu provoquer certains dégâts. Des dommages aux pièces à faible point de fusion ont été constatés dès le rameau de communication 4239, mais il est impossible de savoir s'ils ont été causés au passage du train sinistré ou après l'activation du système de ventilation supplémentaire. Il est impossible de donner une estimation précise de la taille du feu à ce stade de l'accident en raison des incertitudes concernant le wagon d'origine et son chargement ainsi que les effets du régime aérodynamique sur le développement du feu. Néanmoins, on peut raisonnablement supposer que le feu s'est développé au cours de cette phase. Il est évident qu'après l'arrêt du train sinistré, le feu avait une taille suffisante pour affecter l'infrastructure du tunnel et produire une quantité significative de fumée.

Croissance du feu à l'arrêt du train

Avec le ralentissement et l'arrêt du train sinistré, l'inertie de l'air en mouvement a poussé la fumée vers l'avant du train. Cette progression a été très rapide. Entre le moment où le conducteur s'est arrêté au repère du rameau de communication et celui où il a tenté de localiser la porte du rameau de communication, il n'y avait plus de visibilité. Par conséquent, la fumée provenait déjà d'un feu conséquent au moment de l'arrêt du train sinistré; elle ne pouvait pas venir uniquement d'un feu qui se serait développé après l'arrêt du train. Le conducteur a parlé d'une fumée si épaisse qu'il ne pouvait pas voir le trottoir à 1,5 m et après la pénétration de la fumée dans la voiture-salon, la situation a continué à se dégrader et la visibilité était inférieure ou égale à 0,5 m. Ces observations permettent de conclure que le feu se développait malgré le peu d'éléments indiquant la présence d'une fumée "chaude".

C'est après le wagon 8 de la rame arrière, transportant un poids lourd chargé de graisse surgelée, que les dégâts subis par les véhicules, les wagons et le tunnel sont les plus importants. A l'avant de ce wagon, le dommage du revêtement du tunnel intéresse principalement deux bandes de chaque côté du tunnel. On peut donc supposer qu'avant le déclenchement de la ventilation supplémentaire, le confinement du feu a été tel que les flammes ne pouvaient s'échapper que par la structure latérale à claire-voie des wagons chargeurs pour venir frapper le revêtement du tunnel; il n'y a donc pas eu de flammes au-dessus ou autour des wagons. D'après les pièces à conviction, l'élévation la plus forte de la température s'est produite autour du wagon 8 et la graisse surgelée n'a donc pas alimenté le feu de manière significative avant la mise en marche du système de ventilation supplémentaire.

Au cours de cette phase de croissance du feu à bord du train à l'arrêt et avant l'activation de la ventilation supplémentaire, l'incendie a intéressé au moins les poids lourds des wagons porteur 5, 6 et 7 de la rame arrière. Les wagons 5 et 6, transportant des ananas, ne semblent pas avoir contribué au feu de manière significative, à l'inverse des structures des remorques réfrigérées. D'autres poids lourds, situés plus à l'arrière de la rame, étaient peut-être également en feu au cours de cette phase mais sans implication de la graisse surgelée. A l'avant du wagon 5, il y a sans doute eu une certaine combustion des structures des poids lourds (bâches, fibres de verre et contreplaque), mais les dégâts les plus importants ont été provoqués par la chaleur et se sont atténués en fonction de la progression des gaz chauds de l'incendie vers l'avant du train sinistré. Cependant, le toit en aluminium du semi-remorque du wagon 4 a partiellement fondu, à une température approximative de 660°C, même si le chargement et la cabine ne présentent que des signes marginaux de combustion. On peut donc en déduire que le flux thermique à l'avant du wagon 7 était substantiellement élevé.

Il est également possible d'estimer la taille du feu sur la base de la densité de fumée qui a entouré la voiture-salon. Le feu, à ce stade, a atteint au moins 10 MW et peut-être 50 MW et n'aurait donc probablement pas pu être limité par la quantité d'oxygène disponible dans le tunnel. Il est impossible de déduire une valeur plus précise sans savoir quels types de matériaux brûlaient à ce moment ou quelles étaient les caractéristiques aérodynamiques du flux d'air autour du foyer.

Croissance du feu après le déclenchement du système de ventilation supplémentaire

Après le déclenchement de la ventilation supplémentaire, le feu est devenu beaucoup plus important. Le tunnel a subi les dommages les plus sérieux autour du train sinistré et en particulier autour des wagons 9 et 10 de la rame arrière. Il semble donc probable que le feu se soit propagé vers l'arrière à partir du wagon 8 et ait alors atteint les autres wagons. Dans la mesure où le tunnel a subi des dégâts sur 150 m environ à l'arrière de la locomotive de queue et vu le peu de matière combustible dans la locomotive de queue et le wagon chargeur, on peut en déduire que des flammes d'une longueur substantielle se sont développées à partir des poids lourds en feu. La taille du feu a cependant été probablement limitée par l'alimentation en air assurée par le système de ventilation supplémentaire.

Les cabines des poids lourds et leurs réservoirs ont participé à l'incendie. La plupart des chargements n'étaient pas particulièrement combustibles, mais les remorques pourraient également avoir alimenté le feu. Seuls les chargements composés de graisse surgelée et de vêtements constituaient des sources significatives de matériaux combustibles et les 20 tonnes de graisse surgelée ont sans doute représenté la principale source de chaleur. Au cours de cette période de combustion (plus de 3 heures), le feu ne s'est pas fortement propagé à l'avant du wagon 7 de la rame arrière du train sinistré.

En supposant que la totalité de l'oxygène fourni par le système de ventilation supplémentaire ait été épuisé par l'incendie, la ventilation supplémentaire aurait alors pu alimenter un feu d'une taille maximale de 350 MW. Cependant, il est peu probable que le dégagement de chaleur ait été maintenu à ce niveau pendant très longtemps. Le tunnel a surtout souffert autour du train à l'arrêt et les dégâts sont moins importants après la locomotive de queue, ce qui implique que les flammes n'ont pas excédé 200 m, ou n'ont pas dépassé 350 MW pendant une très longue période. Il est également possible d'estimer le dégagement moyen de chaleur sur la base de la quantité de combustibles et de la durée du feu. En supposant une durée d'incendie de 3 heures, le dégagement moyen de chaleur a dû atteindre environ 150 MW. Il est donc logique de supposer que le feu a atteint un maximum de 350 MW à un moment donné.

Avec l'élévation de la température dans le tunnel au cours de l'incendie, la production de pyrolysats volatiles à partir des matériaux combustibles existants a probablement dépassé la quantité d'air disponible. Cet excédent aura alors été entraîné sous forme non brûlée dans le flux de gaz et n'a donc pas alimenté les flammes. Avec le refroidissement des gaz de l'incendie, ces pyrolysats se sont déposés sous forme de suie ou ont été dilués dans l'atmosphère. La température globale du tunnel au cours de l'incendie semble avoir atteint 800°C mais certaines zones autour du poids lourd transportant la graisse surgelée sont montées à 1 300°C. En d'autres points, les déformations des tuyaux de cuivre et des câbles suggère des températures de l'ordre de 1 100°C. Le délitage du revêtement en béton du tunnel a dû se produire à une température proche de 800°C mais le dommage des voussoirs a probablement été provoqué par la taille globale du feu et l'effet de confinement dans le tunnel.

Mouvement des fumées dans le tunnel ferroviaire sud

Le train sinistré a pénétré dans le tunnel avec un feu à bord. Les alarmes fumée des détecteurs ioniques se sont déclenchées dès l'entrée du train mais le conducteur du train suiveur 4899 dit ne pas avoir vu de fumée avant d'avoir parcouru 2 à 3 km dans le tunnel. Cela montre que la fumée produite par le feu au moment de l'entrée a été entraînée par le train sinistré sur une courte distance à l'intérieur du tunnel en raison du mouvement de l'air autour du train. Le conducteur du train 4899 a déclaré qu'il avait rencontré un mur de fumée approximativement à hauteur du point kilométrique 56,85. La fumée s'est partiellement dissipée et il lui a été possible de trouver son chemin jusqu'à la porte de rameau de communication la plus proche (56,89). Comme il venait de passer devant la station de ventilation du puits de Sangatte (située au point kilométrique 57,05 et 57,44), il est possible que la fumée ait été diffusée par l'admission du système de ventilation supplémentaire. On a retrouvé des dépôts de suie dans le puits de Sangatte.

Après l'arrêt du train sinistré dans le tunnel ferroviaire sud, la fumée dégagée par le feu a continué de progresser sur 6 km au moins en direction du Royaume Uni jusqu'à ce que le fonctionnement de la ventilation supplémentaire n'en inverse le sens. La fumée est alors vraisemblablement ressortie au puits de Sangatte et au portail français mais aucun rapport n'a permis à ce jour de le confirmer.

Mouvement des fumées dans le tunnel ferroviaire nord

La principale voie de pénétration de la fumée dans le tunnel ferroviaire nord semble avoir été la porte ouverte de la communication croisée française. La fumée a également pu emprunter les rameaux de pistonnement avant et après la fermeture de leurs clapets. La porte de communication croisée française ne s'est pas refermée complètement et tous les clapets des rameaux de pistonnement ne se sont pas refermés correctement ou hermétiquement. Le Chef de Train à bord du train d'évacuation a vu de la fumée "sourdre" du rameau de pistonnement situé près de la porte du rameau de communication 4132.

Une odeur de fumée était également perceptible autour du train d'évacuation pendant la montée à bord des passagers et membres de l'équipage du train sinistré. Comme aucune observation n'a fait état de la présence de fumée dans les rameaux de communication ou le tunnel de service autour de cette zone du point kilométrique 41,32, cette odeur avait probablement pour origine la fumée qui s'échappait du rameau de pistonnement visé au point 16.

Le tunnel de service

La seule indication d'une entrée de fumée dans le tunnel de service a été donnée par la première ligne de réponse française qui a rapporté la présence de fumée dans le rameau de communication 4201. Cependant, le film vidéo tourné au cours des opérations de lutte contre l'incendie montre clairement que la surpression maintenue par le système de ventilation normale dans le rameau de communication a repoussé efficacement la fumée à proximité du foyer de l'incendie.

 

LE CHAPITRE VI - FONCTIONNEMENT DES EQUIPEMENTS FIXES

Système de détection de la fumée

Il comprend un système de prélèvement d'air, de fabrication spéciale, qui effectue l'échantillonnage à partir d'un tube d'aspiration ayant la forme d'une crosse placée sur le tiers supérieur du tunnel ferroviaire. Cette disposition permet normalement de garantir un mélange suffisant de fumée et d'air pour que la fumée parvienne au système de prélèvement au fur et à mesure que le train se déplace dans le tunnel. Ce mélange est filtré puis passe dans une chambre contenant des détecteurs ponctuels de fumée optiques et ioniques et un détecteur de monoxyde de carbone (CO).

Les détecteurs de fumée optiques et ioniques sont des capteurs à seuils de détection fixes étalonnés selon la norme EN 54 du test de sensibilité de détection de fumée. Les détecteurs ioniques sont particulièrement sensibles aux petites particules presque invisibles telles que celles qui sont typiquement produites par des feux "propres". Les détecteurs optiques sont particulièrement sensibles aux particules de fumée de plus grande taille, de préférence légèrement colorées, telles que celles produites par les feux avec fumée ou couvants.

Le déclenchement de l'un des types de détecteurs provoque l'émission d'une alarme simple dans le centre de gestion des équipements incendie. Il faut que les deux types de détecteurs soient activés pour produire une alarme confirmée au centre de gestion des équipements incendie et la transmission de cette alarme confirmée au centre de contrôle ferroviaire. Par conséquent, ce système suppose la production d'un spectre suffisamment large de taille de particules pour qu'une alarme confirmée soit émise.

 

Contrôle du monoxyde de carbone

Les capteurs de monoxyde de carbone, installés dès la phase de construction, contrôlent la qualité de l'environnement. Des signaux analogiques sont transmis au centre de gestion des équipements incendie et ils sont affichés lorsque la teneur en CO atteint le seuil de 50 ppm (parties par million) et 100 ppm mais ils ne déclenchent pas spécifiquement le système d'alarme incendie.

Détection de flamme

Des unités de détection de flamme, de fabrication spéciale, sont montées en paires dos-à-dos de chaque côté des tunnels ferroviaire. Elles sont orientées de façon à avoir une vue longitudinale horizontale à environ 2,5 m au-dessus du trottoir. La détection associe des capteurs ultra violet (UV) et infra rouge (IR) à visibilité directe. Selon la logique de déclenchement lorsque les capteurs IR sont activés, il faut que le capteur UV voie un rayonnement UV suffisant dans une fenêtre de 0,5 seconde pour qu'une alarme soit émise. Ce système ne produit que des alarmes confirmées. Les capteurs IR sont des dispositifs pyroélectriques qui ne répondent qu'à la vitesse de variation. Ils ne peuvent donc pas détecter un feu qui ne se propage pas ou ne se développe pas. et leur sensibilité dépend à la fois de la taille et de la vitesse de déplacement du feu dans leur champ de vision.

Les essais effectués en France au Centre national de prévention et de protection (CNPP) avec un feu statique et des détecteurs mobiles ont démontré que ces derniers détectaient immédiatement la taille "fixée" du feu de 5 MW et pouvaient également détecter de manière fiable des feux de 500 kW. Il n'a pas été possible de réaliser des essais dynamiques à grande échelle dans le tunnel. On avait également conçu une procédure d'essai de fonctionnalité pour tester la sensibilité. Un petit montage placé devant les détecteurs les exposait brusquement à une flamme de type gaz standard. La Fire Research Station a estimé que ce montage pouvait correspondre à un feu de 500 kW vu à 10 mètres.

Les rayons ultra violet et infra rouge subissent une opacification et une atténuation importante lors de leur passage à travers la fumée. Par conséquent, les détecteurs de flamme répondent beaucoup mieux à un feu propre qui produit suffisamment d'infra rouge, par exemple du type métal chaud, qu'aux feux qui dégagent une quantité importante de fumée qui obscurcit les flammes.

Chronologie de la détection et réponse du système

D'après les déclarations des témoins qui ont vu le feu avant l'entrée dans le tunnel, il devait atteindre 1 à 1,5 MW. Les détecteurs ioniques de fumée ont répondu rapidement à l'exception de la station de détection 57. La première réponse a été obtenue environ une minute après l'entrée du train dans le tunnel. Mais cela a simplement donné lieu à la réception d'une série d'au moins cinq alarmes simples au centre de gestion des équipements incendie durant une période de quatre minutes. La première alarme confirmée et, par conséquent, la première alarme reçue par le centre de contrôle ferroviaire, a été une alarme flamme confirmée émise, à 21h53, suivie par d'autres alarmes flamme et par une alarme feu au rameau de communication 4856 à 21h53.

Bien que les détecteurs en tunnel aient répondu individuellement au feu dans la minute qui a suivi l'entrée du train dans le tunnel, la configuration du système et sa logique sont telles que les alarmes confirmées ne sont parvenues que cinq minutes après environ. Il ne fait aucun doute que le système a bien fonctionné en lui-même, mais il faut améliorer sa logique pour permettre le suivi automatique de toutes les indications des détecteurs en tunnel, y compris celles concernant les alarmes simples ou l'élévation des niveaux de CO. On pourrait ainsi obtenir le déclenchement d'une alarme feu suite à l'activation de n'importe quel type de détecteur.

Les autres équipements fixes

D'une manière générale, les équipements fixes ont fonctionné d'une manière satisfaisante, à l'exception des portes de la communication croisée française, de quelques rameaux de pistonnement et de la caténaire. Les autres dysfonctionnements constatés résultent des actions des opérateurs, qui sont analysées au chapitre VIII.

Les portes des traversées jonctions doivent être fermées en situation normale. En raison d'une insuffisante fiabilité du système d'ouverture et de fermeture des portes des communications croisées sous marines, les tunnels ferroviaires sont exploités depuis plusieurs mois en régime "portes ouvertes", leur fermeture étant normalement commandée à distance depuis le centre de contrôle ferroviaire. Une mauvaise application des procédures a toutefois entraîné une fermeture incomplète de la porte de la communication croisée française. Ce dysfonctionnement a été lourd de conséquences.

 

Le centre de contrôle ferroviaire a commandé la fermeture des clapets des rameaux de pistonnement à 21h53. Le clapet du rameau situé au point kilométrique 35,31 est resté ouvert, permettant ainsi la venue de fumées dans le tunnel nord. Le chef du train d'évacuation a par ailleurs constaté qu'un peu de fumée s'échappait du rameau de pistonnement, situé au niveau de la locomotive de queue. De plus, l'analyse des enregistrements du système de gestion des équipements fixes montre que, dans les minutes qui ont suivi la commande de fermeture, 177 clapets sur 196 étaient signalés "fermés". Pour les 19 autres, en raison probablement d'un temps de fermeture trop lent, le système indiquait que, soit la commande n'avait pas été exécutée, soit que le clapet était en panne. Ceci s'est traduit par une avalanche d'alarmes sur l'écran de l'opérateur. Ce taux de défaillance est excessif.

Quelques secondes seulement après l'arrêt du train en feu, une disjonction s'est produite, interrompant l'alimentation en courant de traction dans le tunnel sud entre le point milieu et le portail français. La cause exacte de cette disjonction n'est pas connue. Il est vraisemblable que celle-ci résulte d'un amorçage consécutif soit à l'ionisation de l'air par les fumées, soit à une mise en contact du tunnel ou d'un wagon avec un câble sous tension dont une soudure aurait fondu. Une des principales conséquences de cette panne a été qu'il n'était plus possible de désaccoupler la voiture-salon du reste du train pour tenter de l'éloigner du feu avec la locomotive de tête.

Le fonctionnement des systèmes de radio appelle deux remarques . Beaucoup d'acteurs se sont plaints de la qualité insuffisante de la réception et, surtout, de la saturation du système de radio concession durant l'accident.

Au cours de l'accident, le réseau téléphonique d'urgence a fonctionné de manière satisfaisante. Par contre, l'incendie a endommagé les câbles à fibres optiques installés dans le tunnel sud, ce qui a entraîné la perte de deux des quatre voies de transmissions entre les terminaux et la perte vers 22h00 du téléphone administratif interne entre la France et la Grande-Bretagne, le système ne s'étant pas reconfiguré automatiquement comme il aurait dû, en utilisant les câbles en fibre optique installés dans le tunnel nord. Ceci a compliqué la tâche des opérateurs du centre de contrôle ferroviaire, qui ont éprouvé des difficultés à rester en contact avec le centre de contrôle routier français.

La chaleur intense, à proximité de 'l'incendie, a provoqué des dommages au réseau incendie. Des fuites sont apparues qui ont perturbé l'approvisionnement en eau des sapeurs-pompiers, jusqu'à la reconfiguration du système.

 

LE CHAPITRE VII - COMPORTEMENT DU MATERIEL ROULANT

Le train sinistré

Le système de détection incendie embarqué aspire l'air par deux tubes de prélèvement montés sur le pourtour extérieur des cabines des wagons chargeurs. Chaque tube de prélèvement fait passer l'air dans des filtres pour éliminer les grosses particules de poussière puis dans deux détecteurs/compteurs de particules optiques à haute sensibilité qui utilisent un flash xénon pour illuminer et compter les particules de fumée. Deux unités de détection, chacune munie de deux têtes, garantissent un certain niveau de redondance. Elles renforcent également la fiabilité de la détection et réduisent le nombre de fausses alarmes. Les têtes de détection du système embarqué sont utilisées très largement dans le monde entier pour les bâtiments en raison de leur haute sensibilité à la fumée des feux naissants. Elles fonctionnent sur le mode analogique et ont un seuil de détection préétabli, mais variable, qui est facilement réglable. Ce système est en général réglé en fonction de son environnement d'utilisation.

La sensibilité et le temps de réponse du système dépendent du réglage du seuil, de la durée pendant laquelle la valeur seuil doit être dépassée et de la vitesse du flux d'air dans les tuyaux d'aspiration. Les essais effectués avec de la fumée froide et les valeurs analogiques données par les capteurs en présence d'un brouillard ou d'une fumée artificielle produite sur un wagon porteur à l'avant de la rame, ont démontré que leur temps de réponse était en général de trente secondes, entre la libération de la fumée et le déclenchement. Bien que les capteurs soient des dispositifs optiques, les essais réalisés à la Fire Research Station ont montré que les capteurs n'avaient pas une discrimination aussi fine des types de fumée que les détecteurs optiques à point unique mais répondaient cependant mieux à la fumée "propre" que les détecteurs ioniques.

Les alarmes déclenchées par le système de détection embarqué arrivent dans la cabine du Chef de Train dans la voiture-salon. Elles se traduisent par un signal sonore continu et par une lampe pour chaque chargeur où de la fumée a été détectée. Il est estimé que le système de détection embarqué a déclenché sur le pupitre du chef de train une alarme feu relative au chargeur 4 (wagon chargeur arrière) vers 21h53, soit 4 minutes environ après la première alarme simple d'un détecteur ionique fixe.

Le système de détection incendie des locomotives

Ce système a pour objet la protection du conducteur et du matériel roulant. Il peut activer un système d'extinction au halon. Les cabines de conduite, le vestibule et les compartiments techniques sont équipés de détecteurs de fumée (ioniques) et de détecteurs thermiques. Une alarme incendie se traduit par l'allumage d'un voyant en cabine de conduite. Dans chaque local, les détecteurs sont câblés sur deux boucles. Si un ou plusieurs détecteurs d'une même boucle sont activés, une alarme se déclenche en cabine de conduite. Si des détecteurs sont excités sur les deux boucles, la locomotive va alors s'isoler et l'extinction au halon va être déclenchée.

Le système de détection incendie des locomotives ne fait pas partie intégrante du système de détection embarquée des navettes poids-lourds mais le 18 novembre 1996, c'est lui qui a délivré la première information en provenance du train. A 21h51, le voyant orange signalant un feu "non confirmé" dans la locomotive de queue s'est allumé en cabine de conduite. Les dommages subis par la locomotive de queue ne permettent pas d'établir avec certitude l'origine de cette alarme qui peut avoir été provoquée en différents endroits possibles soit par une détection de chaleur dans le compartiment moteur, soit par une détection de fumée dans la cabine de conduite. En tout état de cause, le déclenchement de ce système n'a rien d'anormal vu les circonstances.

Cinq minutes plus tard, la locomotive de queue s'est isolée automatiquement, c'est à dire que son disjoncteur principal s'est ouvert. Là encore, l'état de destruction de cette locomotive ne permet pas d'affirmer avec certitude l'origine de cette mise en protection : conséquence de l'incendie ou panne aléatoire.

Circuit de contrôle des vérins et plats-bords rabattables

L'allumage de la lampe STOP qui s'est ensuite produit en cabine de conduite peut résulter:

- soit d'une panne aléatoire sur le circuit de contrôle de position des vérins et des plats bords rabattables, comme on a pu en constater souvent au cours des mois précédents;

- soit d'une panne de ce circuit consécutive à l'incendie.

Les dégâts considérables subis par le wagon chargeur/déchargeur de queue ne permettent pas d'établir avec certitude la cause exacte de l'allumage de cette lampe.

Conduites pneumatiques

Le conducteur du train a indiqué avoir constaté, 10 à 15 minutes après l'arrêt, une chute de pression de 9 bars à 0, dans la conduite pneumatique alimentant le frein et certains auxiliaires. Cela signifie vraisemblablement qu'un flexible d'accouplement situé entre deux wagons a fondu au bout de ce laps de temps.

La voiture-salon

Aucune constatation n'a pu être effectuée sur la voiture-salon, celle-ci étant toujours sous scellés pour les besoins de l'enquête judiciaire. Toutefois, les témoignages recueillis auprès des passagers et des membres d'équipage permettent de tenir pour avéré le fait que de la fumée a pénétré dans cette voiture, après l'arrêt du train, autrement que par la porte entrouverte brièvement par le chef de train.

Divers

L'examen du matériel le plus endommagé montre que les équipements situés sous les châssis, en particulier les coffres d'appareillages, les organes de roulement ou les attelages ont beaucoup mieux résisté au feu que les superstructures. Tous les véhicules composant le train n° 7539 ont pu être tractés du lieu de l'accident jusqu'aux voies d'atelier de Coquelles sur leurs propres organes de roulement. Ceci démontre un bon comportement de la part des planchers coupe-feu.

Le train d'évacuation

Le conducteur du train d'évacuation a vu de la fumée en tunnel au niveau du point kilométrique 35,31, à l'endroit où un clapet de rameau de pistonnement est resté ouvert et a appuyé sur le bouton "feu en tunnel", ce qui a commandé la fermeture des clapets de ventilation. Le pupitre de contrôle du chef de train a indiqué que cette fermeture n'était pas réalisée dans les wagons 3, 8 et 21. Le chef de train a ordonné un contrôle visuel local. Les clapets de ventilation des wagons 3 et 21 ont été constatés ouverts. Par mesure de précaution, le chef de train a ordonné une évacuation longitudinale de ces wagons, vers les wagons adjacents.

Pour aider l'équipage de la rame simple-pont à accueillir les passagers évacués du train en feu, le chef de train a demandé à un agent de la rame double-pont, qui avait des notions de secourisme, de rejoindre la rame avant de la navette. La porte d'extrémité du wagon chargeur qui permet la communication interne avec la rame de tête ne pouvant pas être ouverte, cet agent a dû sortir du train et utiliser le trottoir.

 

 

LE CHAPITRE IX - CONCLUSIONS - RECOMMANDATIONS

Conclusions : historique de la conception des navettes poids-lourds

L'histoire de la conception des navettes poids-lourds a été marquée par les préoccupations relatives au traitement d'un incendie éventuel devant les difficultés techniques liées à la construction de wagons fermés susceptibles de transporter des camions d'un poids maximal de 44 tonnes. En définitive, Eurotunnel décide de développer un système de sécurité incendie qui autoriserait l'utilisation de navettes à claire-voie.

Le Comité de Sécurité a étudié les propositions, en ce sens, d'Eurotunnel et a indiqué, en 1992, que le système devait avoir pour objectif général de garantir l'évacuation sûre des passagers de la voiture-salon, en cas de feu à bord d'une navette poids-lourds, et d'assurer la protection des passagers des autres trains. Les préoccupations du Comité de Sécurité concernaient:

- la taille du feu au moment de sa détection;

- la vitesse de développement et de propagation d'un feu;

- la taille du feu susceptible de rendre inopérant le système de ventilation supplémentaire;

- les conditions de température, de visibilité et de toxicité qui permettraient une évacuation sûre de la voiture-salon.

Eurotunnel a présenté un vaste programme d'expérimentations et d'essais dont les résultats ont été présentés au Comité de Sécurité. Les éléments clés étudiés à l'époque faisaient suite aux préoccupations initiales du Comité de Sécurité, exprimées dès 1992, et concernaient notamment:

- la capacité des systèmes de détection incendie à détecter un feu suffisamment tôt pour autoriser une évacuation sûre;

- la vitesse de développement du feu à bord d'une navette poids-lourds;

- la capacité des systèmes de ventilation du tunnel à contrôler le flux d'air à proximité d'un feu;

- l'efficacité des procédures de traitement des situations d'urgence dans le tunnel, y compris celles relatives à l'évacuation du train sinistré et à la circulation des autres trains présents dans le tunnel;

- la capacité du système de gestion du trafic ferroviaire à maintenir, en toutes circonstances, la distance minimale nécessaire entre les navettes poids-lourds et les trains suivants.

En mai 1994, le Comité de Sécurité est arrivé à la conclusion que les équipements et les procédures proposés par Eurotunnel étaient de nature à permettre, en toutes circonstances, l'évacuation sûre des passagers de la voiture-salon et la protection des passagers à bord d'autres trains, sous réserve de l'application correcte des procédures par des personnels formés de façon adéquate. En cas de feu à bord, les trains concernés tenteraient, en premier lieu de sortir du tunnel de sorte que l'incendie puisse être combattu sur une voie d'urgence. Si cette sortie s'avérait impossible, le train serait arrêté, la locomotive et la voiture-salon désaccouplés et sortis, en abandonnant le reste du convoi. Au cas où le désaccouplement échouerait, le système de ventilation serait alors utilisé pour refouler les fumées loin de la voiture-salon pour permettre une évacuation en sûreté des passagers vers le tunnel de service.

En conséquence, le 14 mai 1994, la Commission Intergouvernementale a autorisé le démarrage de l'exploitation commerciale du service des navettes poids-lourds.

Critères de sécurité fondamentaux

Chaque point exposé au paragraphe 3 ci-dessus peut être considéré en fait comme un critère de sécurité. Une analyse du fonctionnement du système Eurotunnel, dans la nuit du 18 novembre 1996, est résumée ci-dessous.

Système de détection incendie

Quatre agents de sûreté ont vu des flammes de 1 à 2 mètres de hauteur à bord d'un wagon d'une navette poids-lourds avant son entrée dans le tunnel. Sur les six premiers détecteurs incendie en tunnel, cinq seulement ont émis des alarmes "simples" et l'alarme déclenchée par les détecteurs incendie embarqués du wagon chargeur arrière est intervenue tardivement. Compte tenu de la stratégie de sortie des trains du tunnel adoptée par Eurotunnel, tout retard supplémentaire dans la mise en état d'alerte du centre de contrôle ferroviaire a un impact considérable sur les trains suivants. En l'espèce, quatre minutes ont été perdues avant le début des opérations de mise en configuration du tunnel pour cette situation d'urgence.

Vitesse et propagation du feu

L'incendie du 18 novembre 1996 a cependant démontré qu'il n'existait pas uniquement des problèmes techniques liés à la logique du système de détection et au recalibrage des détecteurs mais également un besoin général de réévaluation de la politique en matière d'alarme incendie. Les inquiétudes que suscite le niveau important des fausses alarmes et leurs conséquences doivent conduire Eurotunnel à revoir sa philosophie actuelle d'alarmes simples et confirmées. L'objectif de déceler un feu aussi rapidement que possible semble avoir été contrarié de deux façons. Le système de détection a réagi mais pas suffisamment tôt pour donner une indication immédiate sur le développement d'un feu important ; par ailleurs les procédures existantes laissaient finalement le choix aux opérateurs du centre de contrôle ferroviaire de considérer l'alarme simple comme une fausse alarme ou l'annonce d'un feu de faible importance.

La stratégie de sortie du train a été appliquée et l'incendie s'est développé de façon importante pendant que le train roulait toujours. Après l'arrêt du train, le développement du feu s'est rapidement accéléré, d'abord vers l'avant du train puis vers l'arrière à partir du moment où le système de ventilation supplémentaire a été activé. En fait, près de la moitié du convoi, la locomotive arrière et le chargement de camions ont été sévèrement endommagés ou détériorés. La stratégie de sortie du train a échoué au moins pour deux raisons. Très probablement, le feu a causé des dommages à certains équipements critiques de sécurité et entraîné une alarme qui a conduit le conducteur de la navette à effectuer un arrêt contrôlé. La perte de la caténaire est intervenue quelques secondes après l'arrêt du train et a interdit le dételage et la sortie de la locomotive de tête et de la voiture-salon. Elle est peut-être la conséquence d'un amorçage dû à un phénomène d'ionisation en raison de la présence de fumées chaudes, cela sans doute selon un schéma non prévu lors de la conception, ou de la défaillance d'une connexion soudée lorsque cet équipement a été soumis aux effets du feu de la navette immobilisée.

La propagation de l'incendie soulève également des questions sur les conséquences potentielles d'un feu qui aurait pris dans le poids-lourd situé sur le wagon de tête de la rame avant. On est également en droit de s'interroger sur les effets d'un tel feu si la voiture-salon s'était trouvée en queue de convoi comme c'est le cas lors de l'exploitation "en tiroir" telle qu'elle se pratique les jours de grands vents.

Les dommages subis par la structure du tunnel et les équipements fixes sont importants et démontrent clairement la taille et l'intensité atteintes par le feu. Les opérations de lutte contre cet incendie ont posé d'énormes problèmes aux services de secours de France et du Royaume-Uni.

Le système de ventilation

En cas d'arrêt d'une navette poids-lourds avec un feu non confiné à bord, la stratégie d'Eurotunnel impose l'utilisation du système de ventilation supplémentaire pour éloigner les fumées et les gaz de la voiture-salon afin que les personnes puissent atteindre la porte du rameau de communication et trouver refuge dans le tunnel de service. Lors de l'incendie du 18 novembre 1996, l'activation du système de ventilation supplémentaire n'a pas été suffisamment précoce et son rôle dans l'évacuation des passagers et de l'équipage reste incertain. En revanche, la surpression du tunnel de service et la bonne ouverture, quoique tardive, de la porte du rameau de communication ont créé l'effet bulle prévu et permis l'évacuation.

L'aptitude de la ventilation supplémentaire à contrôler le flux d'air a été clairement démontrée comme en ont témoigné les sapeurs-pompiers sur place et, par la suite, les analyse techniques.

Efficacité des procédures de secours et de la gestion du trafic ferroviaire

Dès que le centre de contrôle ferroviaire a su que le feu était confirmé, les contrôleurs auraient dû arrêter les trains suiveurs pour prévenir leur entrée dans une zone de fumée. Dès lors que le train sinistré s'était arrêté, le centre de contrôle ferroviaire aurait dû stopper tous les trains précédents pour réduire le déplacement des fumées et des gaz vers l'avant, en direction de la voiture-salon. Les procédures ne sont pas en cause, mais elles n'ont pas été correctement appliquées : les effets ont été aggravés par le retard dans le déclenchement de la ventilation supplémentaire.

Au cours des premières minutes de l'accident, les opérateurs du centre de contrôle ferroviaire, n'ont pas eu le temps d'exécuter toutes les actions nécessaires et ont été submergés par une avalanche d'informations et d'alarmes. Le nombre et la complexité des procédures, combinés à la formation insuffisante des opérateurs du centre de contrôle ferroviaire, ont entraîné des erreurs et des retards dans la mise en oeuvre des actions nécessaires. Le nombre de personnes impliquées dans l'incident et le manque de discipline dans l'utilisation de la radio ont provoqué la saturation de la radio-concession ; les difficultés de communication, déjà considérables, ont été aggravées par la perte du téléphone administratif interne entre les terminaux britannique et français. Seule, une augmentation du nombre des opérateurs qualifiés dans le centre de contrôle ferroviaire permettrait d'en dégager un nombre suffisant pour permettre une formation efficace. Quoiqu'il ait été précédemment constaté qu'il n'existait pas un nombre suffisant de contrôleurs pour permettre un programme complet de formation continue, aucun recrutement n'avait été constaté au moment de l'accident.

Les conditions étaient telles que le chef de train n'a pu voir et donc identifier la porte du rameau de communication, si bien que le centre de contrôle ferroviaire ne pouvait pas savoir si la porte, qu'il manoeuvrait à distance, était la bonne. Le chef de train a ouvert la porte de la voiture-salon pour évaluer la situation et une quantité significative de fumée y est entrée, provoquant une gêne physique et une angoisse considérables pour les passagers. Selon les passagers de la voiture-salon, la fumée a également pénétré par d'autres voies. Si le feu avait pris dans la rame avant, la concentration des produits de combustion aurait été bien supérieure et la pénétration de la fumée dans la voiture-salon aurait pu avoir les conséquences les plus graves.

Le conducteur du train s'est arrêté correctement devant un repère de sorte que la voiture-salon s'est trouvée au droit d'un rameau de communication. Si tel n'avait pas été le cas, il est clair que, compte tenu des circonstances, l'équipage du train et les passagers auraient couru un risque plus grand. Dans le cas où la ventilation supplémentaire n'aurait pu être activée, les passagers auraient pu avoir à marcher, jusqu'à 150 mètres peut-être, dans la fumée épaisse pour trouver la sortie.

Au moment de l'accident, les portes de communications croisées étaient ouvertes et elles ont été fermées plus tard qu'elles n'auraient dû. Cela a permis l'entrée de la fumée dans le tunnel ferroviaire nord et a compliqué la tâche de l'équipage du train d'évacuation. Normalement ces portes doivent rester fermées.

La distance de 4 km suivant une navette poids-lourds a été établi en pratique et maintenue par l'ordinateur du système de gestion du trafic ferroviaire et le système de signalisation. Les preuves de la propagation de la fumée et les difficultés des opérateurs à gérer l'incident souligne l'importance de cette disposition de sécurité dont la pertinence doit être confirmée.

D'une façon générale, le comportement du système Eurotunnel au regard des critères majeurs de sécurité illustre parfaitement la nécessaire complexité des éléments qui le composent et l'importance primordiale des actions entreprises par les différents opérateurs. Bien que l'on puisse considérer que les navettes poids-lourds, dans leur conception actuelle, peuvent être utilisées d'une façon qui assure la sécurité des passagers et des équipages, il n'en demeure pas moins que tout matériel est susceptible d'évolution grâce aux progrès technologiques. A l'avenir, Eurotunnel ne devra pas s'abstenir d'explorer d'autres options.

Actions des personnes

Les équipages des trains aussi bien celui du train accidenté que celui du train d'évacuation ont été confrontés à une situation très difficile qu'ils ont, de façon globale, bien traitée. Un tel accident aurait constitué une sévère mise à l'épreuve pour n'importe quel membre d'équipage et, nonobstant le manque de préparation ressenti par certains d'entre eux, les actions qu'ils ont menées ont démontré leur sang-froid et leur professionnalisme.

Les équipes de la première ligne de réponse d'Eurotunnel ont répondu avec rapidité. Elles ont organisé, avec l'équipage du train, l'évacuation des personnes incommodées, garanti un refuge sûr dans le tunnel de service, dispensé les premiers soins aux blessés, effectué la reconnaissance et la localisation du feu et informé le centre de contrôle ferroviaire et le centre de gestion des équipements incendie de leurs actions. D'une façon générale, le comportement des équipes a été parfaitement adapté aux circonstances et reflète leur formation et leur discipline.

La tactique de lutte contre l'incendie adoptée par les forces combinées des équipes française et britannique de la deuxième ligne de réponse s'est révélée pertinente et efficace. Les deux commandants ont travaillé conjointement et adapté leurs stratégies pour faire face à l'évolution de la situation et aux contraintes sévères dues à l'environnement du tunnel. L'opération de lutte incendie s'est caractérisée par la détermination et l'engagement personnel important des sapeurs-pompiers, surtout pour ceux qui, soit britanniques soit français, se trouvaient au rameau de communication 4201 et qui ont dû ouvrir et maintenir le passage dans le tunnel ferroviaire sud créant inévitablement deux fronts de flammes, dont l'un avançait sur eux sous l'action du système de ventilation supplémentaire. Le fait qu'aucun sapeur-pompier n'ait été sérieusement blessé au cours de l'engagement doit être porté au crédit de leur efficacité et de la tactique choisie. Il faut rendre hommage aux Commandants des deux pays pour la façon dont ils ont accompli leur mission dans cette situation difficile.

Gestion de la sécurité par Eurotunnel

Il n'est pas possible, dans le cadre de cette enquête, de traiter complètement la question de la gestion de la sécurité par Eurotunnel, ou de discuter de la culture de la sécurité de cette entreprise. Cependant, il est évident qu'Eurotunnel devra, au plus haut niveau, identifier et traiter les causes fondamentales des faiblesses révélées par l'incendie du 18 novembre 1996, car ces faiblesses affectent la structure même du dispositif général de sécurité et ne sauraient être confondues avec de simples défaillances ponctuelles de certains acteurs ou de certains équipements. Le personnel en poste s'est montré incapable d'appliquer les procédures d'urgence qui se sont révélées trop complexes et exigeantes, et pour lesquelles il n'avait pas reçu la formation idoine. Une plus grande attention dans la mise au point de ces procédures aurait mis en évidence, beaucoup plus tôt, les contraintes excessives imposées aux personnels de la salle de contrôle.

Eurotunnel représente sans doute un cas unique dans son évolution en tant qu'entreprise de transport. L'équipement des tunnels et le matériel roulant sont très complexes et le personnel a une origine très diverse, pas uniquement ferroviaire. Après une longue phase de mise en service et la gestion d'un trafic important, le personnel d'Eurotunnel a certes acquis une certaine expérience d'exploitation mais cette entreprise est encore jeune. La gestion des situations d'urgence reste caractérisée par le manque d'expérience de beaucoup d'employés, les difficultés inhérentes à la complexité de l'exploitation d'Eurotunnel et la nature des procédures d'exploitation et des technologies qui ont été développées. De plus, la nature binationale de cette entreprise et la nécessité de travailler dans deux langues ne facilitent pas les choses.

La Direction Hygiène Sécurité Qualité d'Eurotunnel réalise des audits systématiques du comportement du personnel, toutes disciplines confondues. Elle a effectué l'audit du centre de contrôle ferroviaire en juillet 1996. Les résultats de cette Direction illustrent particulièrement bien les difficultés rencontrées par l'entreprise. Eurotunnel est une jeune entreprise avec ce que cela suppose encore de manque de maturité en termes de culture d'exploitation, mais il n'en demeure pas moins qu'elle rencontre les difficultés de toute entreprise en matière de formation continue et de renouvellement des personnels au Centre de Contrôle Ferroviaire ou ailleurs. Le rapport d'audit a mis en lumière plusieurs sujets de préoccupation, assortis des actions correctives qui s'imposent. D'une manière générale, l'audit a révélé les faiblesses sous-jacentes du centre de contrôle ferroviaire qui sont devenues patentes dans la nuit du 18 novembre 1996. Il est regrettable que la direction générale d'Eurotunnel n'ait pas mis en oeuvre, avant l'accident, les actions correctives nécessaires.

Les leçons de l'incendie du 18 novembre 1996

On pourrait avancer, au moins à première vue, que les équipements de sécurité, le personnel et les procédures ont fonctionné de façon suffisamment correcte pour atteindre l'objectif majeur d'éviter tout dommage sérieux aux personnes. Cependant, une analyse plus fine du comportement des personnels responsables des équipements et des modalités d'application des procédures d'urgence, soulève des questions sérieuses quant à la sécurité générale du système dans des circonstances identiques ou similaires. Nous dressons ci-dessous la liste des recommandations résultant de cette enquête qui, sous réserve de leur application, devraient améliorer des éléments importants de la sécurité du système.

Recommandations

Les recommandations qui suivent s'adressent à Eurotunnel. Le Comité de Sécurité considère qu'elles doivent être prises en compte au plus haut niveau et mises en œuvre à tous les échelons de décision et d'exécution.

Fonctionnement des équipements fixes

Recommandation n° 1

Eurotunnel doit revoir la logique du système de détection incendie en tunnel et abandonner la notion "d'alarme simple" afin de donner des avertissements plus précoces au centre de contrôle ferroviaire.

Recommandation n° 2

Eurotunnel doit résoudre les problèmes de fiabilité des portes des communications croisées sous-marine. Celles-ci doivent être maintenues fermées pendant les périodes d'exploitation normale. Pendant les périodes d'exploitation à voie unique, Eurotunnel doit s'assurer qu'elles peuvent être fermées, par commande à distance, en cas d'urgence. Toute panne d'une porte de communication croisée, en position ouverte, confirmée localement, doit entraîner la suspension du service poids-lourds.

Recommandation n° 3

Eurotunnel doit revoir le programme de maintenance des clapets des rameaux de pistonnement ainsi que leur système de fermeture en urgence afin d'améliorer la fiabilité de ce dispositif.

Recommandation n° 4

Eurotunnel doit examiner les mesures propres à diminuer les risques éliminer, dans le cas d'un incendie, les procédures relatives aux navettes poids-lourds prévoyant le désaccouplement de la voiture-salon et sa sortie du tunnel avec la locomotive adjacente.

Recommandation n° 5

Eurotunnel doit améliorer la qualité des liaisons radio et dispenser une formation complémentaire à l'usage de ses utilisateurs. Une attention particulière doit être apportée à la discipline d'utilisation, à l'usage de messages-types, et à l'usage du bouton d'appel d'urgence de la radio concession. Le nombre d'utilisateurs de la radio concession devrait également être revu à la baisse.

Recommandation n° 6

Eurotunnel doit vérifier que le niveau de disponibilité des systèmes de radio et de téléphones est conforme aux spécifications. Un basculement automatique du système de téléphone administratif interne sur les réseaux publics doit intervenir en cas de panne.

Recommandation n° 7

Eurotunnel doit tirer les conséquences de la perte de puissance du réseau d'eau d'incendie et prendre les mesures nécessaires pour minimiser les effets d'un incendie sur ce système essentiel.

Fonctionnement du matériel roulant

Recommandation n° 8

Afin d'assurer une détection plus précoce du feu, Eurotunnel doit, soit revoir l'étalonnage du système de détection embarqué, soit remplacer le type de capteurs. Ces modifications devront être validées par des tests réalistes réalisés dans le tunnel.

Recommandation n° 9

Afin d'assurer une détection précoce d'un incendie, Eurotunnel doit prendre en compte les alarmes délivrées par le système de détection des locomotives qui doivent être traitées de la même manière que les autres alarmes incendie.

Recommandation n° 10

Eurotunnel doit fiabiliser le circuit de contrôle de position des vérins et des plats bords rabattables des wagons chargeurs/déchargeurs pour limiter le nombre d'arrêts intempestifs en tunnel.

Recommandation n° 11

Eurotunnel doit abandonner l'actuelle procédure consistant à faire sortir un train poids-lourds en feu du tunnel. Dans ses autres procédures, il doit notamment prendre en compte les possibilités suivantes:

- défaillance d'une locomotive ;

- défaillance du circuit de contrôle des vérins et plats-bords rabattables ;

- défaillance du circuit de freinage ;

- défaillance de la caténaire ;

- risque provenant de la fumée pour les voyageurs du train suivant ;

- risque dû à l'importance du feu au moment de l'arrêt (contrôlé ou non contrôlé) pour les passagers du train incidenté.

Recommandation n° 12

Afin de prévenir la pénétration de fumées en cas d'incident, Eurotunnel doit procéder à une vérification exhaustive de l'étanchéité des voitures-salon et des cabines de conduite des locomotives, et corriger tous les défauts qui pourraient apparaître au cours de ces vérifications. Tout nouveau matériel de ce type, qui viendra à être mis en service, devra présenter les mêmes caractéristiques d'étanchéité aux fumées.

Recommandation n° 13

Eurotunnel doit revoir la procédure de maintenance des clapets de ventilation des wagons touristes afin de s'assurer de leur fonctionnement correct.

Recommandation n° 14

Afin de permettre dans de bonnes conditions le passage d'une rame à l'autre, Eurotunnel doit revoir ses procédures de maintenance afin de s'assurer du fonctionnement correct des portes d'extrémité des wagons chargeurs touristes.

Comportement du personnel

Recommandation n° 15

Eurotunnel, avec l'assistance du comité de planification des secours (CPS), doit revoir les priorités et les procédures d'alerte des services publics de secours.

Recommandation n° 16

Afin de réduire les délais d'intervention, Eurotunnel doit améliorer la procédure d'entrée de la première ligne de réponse dans le tunnel de service depuis le terminal français. Les procédures d'acheminement sur le lieu d'intervention du véhicule spécialisé "communications" et des moyens de secours du deuxième échelon doivent être réexaminées. Eurotunnel et le CPS doivent revoir l'entraînement conjoint des premières lignes de réponse et des deuxièmes lignes de réponse en matière de gestion des incidents, de mise à disposition d'appareils respiratoires et de toutes les procédures opérationnelles qui s'y rapportent.

Recommandation n° 17

Eurotunnel doit revoir la formation de tous ses agents en matière de gestion des situations d'urgence et élaborer un programme de formation basé sur des exercices pratiques.

Recommandation n° 18

Eurotunnel doit enregistrer toutes les conversations radio et téléphoniques en provenance ou à destination des centres suivants : centre de contrôle ferroviaire, centres de contrôle routier, centres de gestion des équipements incendie, PCO, ICC, y compris la ligne directe entre ces deux derniers centres.

Recommandation n° 19

Les agents qui, de par leurs fonctions, sont susceptibles de constater des feux ou de la fumée sur un train avant son entrée en tunnel doivent être équipés d'un moyen de communication direct avec le centre de contrôle ferroviaire. Une telle information doit être traitée de la même manière que les autres alarmes incendie. Les procédures applicables par ces agents doivent être complétées sur ce point.

 

Recommandation n° 20

Tous les membres d'équipages des trains d'Eurotunnel ou de tout autre opérateur ferroviaire utilisant le tunnel doivent recevoir une formation complémentaire de sensibilisation aux situations d'urgence. Cette formation doit s'appuyer sur des exercices pratiques. En particulier, une maquette reproduisant l'environnement d'un tunnel ferroviaire au droit d'un rameau d'évacuation doit être construite. Celle-ci doit permettre la production de fumées afin d'accoutumer les équipages à un environnement enfumé.

Recommandation n° 21

Eurotunnel doit améliorer la visibilité des repères rétroréfléchissants d'arrêt contrôlé, et les nettoyer régulièrement.

Recommandation n° 22

Le programme de formation des équipages d'Eurotunnel (voir recommandation n° 2) doit comporter une familiarisation à l'utilisation des appareils respiratoires qu'ils peuvent être appelés à utiliser. Eurotunnel doit par ailleurs améliorer l'éclairage au droit des portes des rameaux de communication et doter les équipages de lampes portables puissantes.

Recommandation n° 23

Les procédures d'évacuation de la voiture salon doivent être complétées et préciser que les portes d'évacuation ne peuvent être ouvertes que si le chef de train a eu un contact visuel avec le conducteur ou a pu préalablement s'assurer que la visibilité sur le trottoir est suffisante et repérer le rameau de communication.

Recommandation n° 24

Eurotunnel doit compléter les procédures et la formation de ses agents relatives à l'information des passagers. En outre, les consignes de sécurité doivent être commentées aux passagers avant le départ du train. Des messages - types pour rassurer les passagers en, cas d'incident doivent être prévus.

Recommandation n° 25

Eurotunnel et les autres opérateurs ferroviaires utilisant le tunnel doivent veiller à ce que des messages types préétablis ,destinés aux passagers, soient prévus et mis à jour pour répondre aux situations d'urgence. La possibilité d'une évacuation dans un autre train doit être prise en compte dans ces messages.

Recommandation n° 26

Eurotunnel doit revoir sa politique de formation aux premiers secours. Eurotunnel doit s'assurer que tous ses membres d'équipages ainsi que ceux de tout opérateur ferroviaire utilisant le tunnel disposent d'un niveau suffisant pour que les mesures élémentaires de préservation de la vie soient prises en cas d'urgence. Eurotunnel doit en outre intégrer une formation "premiers secours" dans la formation de ses équipages, dans les six prochains mois de sorte que soient qualifiés "premiers secours":

le chef de train d'une navette poids lourds;

un membre au moins de l'équipage d'une navette touristes.

Recommandation n° 27

Le système de retour d'expérience doit être renforcé. Les incidents d'exploitation doivent être analysés et commentés par l'encadrement, de même que les modifications aux procédures d'exploitation.

Recommandation n° 28

Eurotunnel doit reprendre et compléter la formation des opérateurs du centre de contrôle ferroviaire. Le programme de formation complémentaire devra comprendre un entraînement aux situations d'urgence et des visites sur site des installations. Il devra être sanctionné par un certificat attestant que le niveau de compétence requis est atteint. Des stages d'entretien des compétences devront avoir lieu périodiquement. Tout agent qui échouerait à un de ces stages devra être retiré du service et suivre un cours de remise à niveau suivi d'une nouvelle évaluation.

Recommandation n° 29

Les procédures relatives à la mise en place des limitations de vitesse doivent être améliorées afin d'éviter le freinage d'urgence intempestif d'un train par action du contrôle de vitesse.

Recommandation n° 30

Le système de gestion des équipements fixes doit être modifié pour permettre aux contrôleurs de faire face à une surcharge de travail inopinée lors d'une situation d'urgence. Eurotunnel doit aussi développer et mettre en place un système de gestion des alarmes.

Recommandation n° 31

Le logiciel du système de gestion des équipements fixes doit être modifié afin que l'opérateur puisse aisément, identifier les zones endommagées et reconfigurer la caténaire en cas de besoin.

Recommandation n° 32

Les procédures relatives aux échanges d'information entre les conducteurs et le centre de contrôle ferroviaire doivent être complétées.

Recommandation n° 33

Eurotunnel doit reprendre la formation des opérateurs du centre de contrôle ferroviaire afin de leur faire acquérir, "par cœur", pour de tels cas rares mais potentiellement dangereux, la connaissance des réponses standard nécessaires à la mise en sécurité des personnes et du système, sans avoir recours à la documentation écrite. Des exercices périodiques devront avoir lieu pour vérifier et maintenir cette connaissance.

Recommandation n° 34

Eurotunnel doit revoir en profondeur les procédures concernant le centre de contrôle ferroviaire dans le but de les clarifier, de les simplifier et de rendre leur emploi par les opérateurs plus aisé. Eurotunnel doit se donner les moyens, en terme de personnel qualifié, pour mener rapidement à bien cette tâche essentielle, et prendre des engagements en terme de délais. Eurotunnel doit procéder à une analyse des tâches des différents opérateurs du centre de contrôle ferroviaire pour s'assurer que celles-ci peuvent être effectuées de manière satisfaisante en toute circonstance.

Recommandation n° 35

Eurotunnel doit compléter les procédures relatives à l'arrêt contrôlé, et préciser que, sauf impossibilité, le point d'arrêt doit être convenu au préalable entre le conducteur et le centre de contrôle ferroviaire. Afin de pallier une défaillance éventuelle, Eurotunnel doit examiner la possibilité d'installer un système amélioré pour repérer la position d'un train à l'arrêt en tunnel. Eurotunnel doit tirer parti des améliorations ainsi procurées et commander l'ouverture de la porte du rameau approprié au moment où le train s'arrête.

Recommandation n° 36

Un des moyens de remédier aux surcharges de travail serait la présence permanente d'un quatrième opérateur au centre de contrôle ferroviaire, ayant les qualifications "gestion des équipements fixes" et "gestion du trafic ferroviaire" qui, en cas d'urgence, pourrait prêter assistance à l'un ou l'autre de ces opérateurs, qui resterait bien entendu seul responsable des tâches à effectuer. En dehors des périodes de surcharges de travail, cet agent pourrait suivre sur place des séances de formation ou remplacer pendant quelques minutes l'un ou l'autre des agents en poste qui souhaiterait se détendre.

 

 

REMERCIEMENTS

Votre Rapporteur tient à remercier pour leurs contributions :

M. Jacques FRAGNIER, ingénieur TPE

M. Bruno LAFEUILLE, consultant

Me Monique PELLETIER, ancien ministre

M. Jean PONCET, ingénieur sécurité

M. Guy ROULETTE, société DATURA Ventilation

M. THEVENOT, président de l’association des parents des victimes du tunnel du Mont-Blanc,

et pour la documentation photographique et iconographique qui permet d’illustrer ce rapport :

  • la DDE des Alpes Maritimes
  • la DDE du Cantal
  • la DDE de Savoie
  • la société du tunnel routier du St Gothard
  • la direction des routes du ministère des affaires économiques autrichien
  • Alpenstrassen A.G.
  • La Société Française du Tunnel Routier du Fréjus
  • La Société des Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc
  • la DDE du Rhône
  • La Société Marseillaise du Tunnel Prado-Carénage
  • ESCOTA
  • la DDE de l’Ariège
  • la DDE des Pyrénées atlantiques
  • COFIROUTE
  • L’Office Fédéral des Transports suisse
  • La société HUPAC
  • Eurotunnel
  • SNCF – Ligne nouvelle TGV Méditerranée
  • La société Technamm
  • SNCF, mission Lyon – Montmélian – Turin ; Alpetunnel GEIE