Accueil > Archives de la XIe législature > Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques

N° 1576
--

N° 333
--

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

 

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

_____________________________________________________

________________________________________________

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 5 mai 1999.

Annexe au procès-verbal de la séance
du 5 mai 1999.

      OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
      DES POLITIQUES PUBLIQUES

    ____

RAPPORT

sur

L'ÉVALUATION DU DISPOSITIF PUBLIC DE PROMOTION DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN FRANCE

par
M.Serge VINÇON,
Sénateur

    Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

    Déposé sur le Bureau du Sénat

    par M. Augustin BONREPAUX
    Vice-président de l'Office

    par M. Alain LAMBERT
    Président de l'Office

Politique économique

_________________________________________________________________________
L'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques est composé de :

MM. Alain Lambert, président ; Augustin Bonrepaux, premier vice-président ; Laurent Dominati, Didier Migaud, Guy Poirieux, ..N..., vice-présidents ; Gérard Bapt, Pierre Fauchon, Michel Grégoire, Serge Vinçon, secrétaires ; MMmes Marie-Hélène Aubert, Maryse Berge-Lavigne, MM. Alain Barrau, Jacques Bimbenet, Michel Bouvard, Gilles Carrez, Michel Charasse, Michel Charzat, Mme Martine David, MM. Marcel Debarge, Patrick Delnatte, Charles Descours, André Ferrand, Bernard Fournier, Yves Fréville, , Edmond Hervé, Didier Quentin, Paul Loridant, Philippe Marini, Pierre Méhaignerie, Arthur Paecht, Jean Vila, Jacques Oudin.

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS

INTRODUCTION

I. LE CONSTAT
A. LES ÉVOLUTIONS DE LA NATURE DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX

B. L'ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE NATIONAL : DE TRÈS BONNES PERFORMANCES, MALGRÉ QUELQUES FAIBLESSES

II. L'ÉVALUATION
A. LE SYSTÈME DE PROMOTION DES INVESTISSEMENTS : UN DISPOSITIF ÉCLATÉ, DÉPOURVU DE VISION STRATÉGIQUE

1. Le dispositif développé autour du Ministère de l'aménagement du territoire

2. Le dispositif centré autour du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

3. Les dispositifs régionaux et locaux

B. LES RÉFORMES EN COURS : UN PROJET À INSÉRER DANS UNE RÉFLEXION D'ENSEMBLE

1. Le projet de réforme élaboré par la DATAR

2. L'expérience des pays étrangers

3. Les axes de réflexion et d'approfondissement

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU MERCREDI 7 AVRIL 1999

ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ BIPE & STRATORG INTERNATIONAL

AVANT-PROPOS

Par lettre en date du 22 avril 1998, la commission des finances du Sénat a saisi l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques d'une demande d'étude portant sur le dispositif public de promotion des investissements étrangers en France et de la législation fiscale et sociale française, telle qu'elle est perçue par les investisseurs étrangers.

    Dans sa réunion du 5 mai 1998, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques a désigné M. Serge Vinçon, sénateur, comme rapporteur de l'examen de faisabilité de ladite étude.

    Le 18 juin suivant, le rapporteur a présenté son rapport de faisabilité, qui concluait à la fois à l'utilité de cette étude et à l'intérêt de confier cette étude à un cabinet extérieur.

    Au cours de la même séance, il faisait approuver, après un large débat, le cahier des charges de l'étude, qui a été adapté pour tenir compte des observations des membres de l'Office. C'est ainsi qu'il comporte un volet comparatif plus développé, mettant l'accent sur les politiques d'encouragement aux investissements étrangers menées dans d'autres pays européens.

    Conformément à la législation des marchés publics et compte tenu du coût estimé de l'étude, l'Office a eu recours à la formule simplifiée du marché négocié, prévue à l'article 104 du code des marchés publics. L'opération s'est déroulée dans des délais très brefs, car il avait paru souhaitable de lancer la consultation avant l'interruption de l'été.

    A l'issue de la consultation pour laquelle 8 entreprises ont retiré ou ont demandé un dossier, l'Office a décidé, le 23 juillet, sur proposition du rapporteur, de proposer de retenir l'offre de Price-Waterhouse1, associé au Bipe.

    L'offre, qui pouvait faire état d'une équipe de consultants expérimentés, a paru bien prendre en compte les préoccupations de la commission des finances du Sénat reprises par l'Office tant du point de vue de l'évaluation de l'enjeu que de la nécessaire adaptation des moyens.

Le cahier des charges comportait deux aspects :

· d'une part, à titre principal, une étude de l'efficacité des structures administratives de soutien à l'investissement étranger ;

· d'autre part, à titre complémentaire, une analyse du cadre législatif et réglementaire français, tel qu'il est perçu par les investisseurs étrangers afin de savoir si les aides financières ou fiscales proposées par notre pays constituaient un élément déterminant du choix des investisseurs étrangers.

Les deux aspects sont effectivement complémentaires, car on ne peut faire abstraction, quand il s'agit d'apprécier l'efficacité d'une force de vente, de l'image du « produit » auprès des « consommateurs » potentiels.

                  La méthode proposée par les cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE, qui a été jugée particulièrement adaptée à la question posée, consiste à :

    · Caractériser le dispositif de promotion, en effectuant, notamment, l'inventaire raisonné des outils et des dispositifs sur lesquels reposent nos actions de promotion ;

    · Évaluer l'efficacité du dispositif grâce à une série d'entretiens, au niveau national ou au niveau régional et local parmi lesquelles une dizaine d'entretiens individuels dans trois régions tests avec un examen de la complémentarité des acteurs et un bilan d'efficacité globale ;

    · Établir des comparaisons internationales pour les trois pays retenus - Pays-Bas, Grande-Bretagne, Italie - à partir d'un petit nombre d'entretiens avec les organismes compétents en matière d'attraction des investissements étrangers ;

    · Compléter, en ce qui concerne l'actualisation des études relatives à l'attractivité du territoire national, souhaitée par l'Office, l'enquête intitulée « France Industrie 2000 », que les cabinets choisis ont effectuée à la demande du ministère de l'industrie en 1997, par l'analyse de l'opinion des acteurs institutionnels sur les atouts et les handicaps du territoire national, ainsi que par des études de cas d'investissement pour une série d'entreprises.

    Compte tenu des délais de réponse et d'exploitation des questionnaires adressés aux administrations implantées à l'étranger, il a été décidé par le président de l'Office, sur proposition du rapporteur, de reporter à la fin mars la fourniture du rapport définitif, initialement prévue pour la fin du mois de janvier 1999.

INTRODUCTION

L'investissement est désormais, s'agissant des grandes entreprises, fondamentalement international. Le comportement des firmes évolue. Les choix ont tendance à se faire moins, entreprise par entreprise ou unité de production par unité de production, que fonctions par fonctions : R&D, logistique, comptabilité, services à la clientèle se trouvent ainsi mis en concurrence au niveau européen sans être liés aux localisations choisies pour les sièges sociaux.

La question de l'attraction des investissements étrangers a radicalement changé de nature ces dernières années. La globalisation et les nouveaux types d'organisation industrielle ont modifié les formes d'organisation territoriale des entreprises et les modes de concurrence entre territoires.

De nombreux travaux ont décrit ces phénomènes, notamment du point de vue des entreprises. Mais il était important que ces analyses soient complétées par une évaluation de la capacité des dispositifs publics de promotion des investissements étrangers à prendre en compte les évolutions en cours.

Dans cette perspective, l'étude s'était vu assigner trois objectifs complémentaires :

      1. évaluer l'efficacité des dispositifs oeuvrant pour attirer des investisseurs étrangers ;

      2. dresser un bilan global de la performance de ces dispositifs et de leur impact sur l'économie nationale ;

      3. faire le point sur l'attractivité du territoire.

L'intervention a été menée conjointement par les cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE, entre le 15 octobre 1998 et le 30 mars 1999. Elle a donné lieu à deux réunions d'information et de travail avec le rapporteur, dont le rôle a surtout consisté à expliciter les dispositions du cahier des charges, sans interférence avec le travail des consultants extérieurs.

Cette intervention a reposé sur :

    · l'analyse des données statistiques des performances de la France sur le marché des investissements internationaux ;

    · l'étude des dispositifs mis en place dans trois pays concurrents de la France (Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie) ;

    · l'étude des dispositifs mis en place en France, au niveau national et dans trois régions test (Aquitaine, Lorraine, Rhône-Alpes) ; 35 entretiens individuels ont ainsi été réalisés ;

    · l'étude documentaire de quelques cas d'investissements récents.

    I. LE CONSTAT

Le marché des investissements internationaux est devenu très concurrentiel. Si l'on constate une certaine stabilité dans les pays récepteurs d'investissement sur longue période (les États-Unis, le Royaume-Uni et la France restant les pays les plus attractifs), il faut souligner l'émergence de nouveaux acteurs, la Chine recevant une part toujours croissante des investissements étrangers et les pays asiatiques devenant des investisseurs significatifs.

En 1997, le niveau des stocks d'investissement à l'étranger s'est monté à 3 534 milliards de dollars, en hausse de 14 % par rapport à 1996 ; dix pays ont un stock de plus de 100 milliards de dollars : les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon, la France, les Pays-Bas, la Suisse, Hongkong, le Canada et l'Italie.

Toujours en 1997 et selon les chiffres de la CNUCED, le montant des investissements en termes de zones réceptrices a atteint 3 393 milliards de dollars. Avec 26/27 %, les États-Unis occupent toujours la première place, devant le Royaume-Uni et la Chine, qui, avec un taux de croissance de presque 29 % entre 1995 et 1997, vient de dépasser la France, quatrième.

Le poids de la France a progressé en dix ans, passant de 4,5 % à 5,1 %, selon les mêmes sources ; de plus, si l'on intègre les bénéfices réinvestis par les filiales étrangères, la France se situe au niveau du Royaume-Uni.

L'étude souligne toutefois l'émergence de nouveaux pays cibles : l'Espagne, qui bénéficie des effets de l'intégration au sein de l'Union européenne et l'Allemagne par suite des effets de la réunification.

      A. LES ÉVOLUTIONS DE LA NATURE DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX

Les actions de promotion et de prospection des investissements directs étrangers doivent, pour les auteurs de l'étude, être remises dans un contexte marqué par un ensemble d'évolutions, qui en affectent la pertinence.

D'une part, les développements de l'économie liés à la mondialisation des échanges, à l'internationalisation des marchés, s'accompagnent d'une adaptation des stratégies et des structures des entreprises, qui prennent une dimension internationale marquée.

L'intégration européenne, renforcée par la mise en place de la monnaie unique, relativise la notion de nationalité d'une entreprise et, partant, le caractère étranger d'un investissement.

De plus, les modes d'organisation des entreprises, liés à de nouvelles formes de demande et à l'innovation technologique, accentuent le décalage entre l'espace économique de la firme et l'espace territorial des États ou des collectivités.

En Europe de l'Ouest, les investissements qui participent de cette tendance, portent moins sur la création de nouveaux sites de production («greenfield»), que sur la restructuration des capacités installées, par suite, notamment, d'opérations de fusions et acquisitions.

Pour assurer dans un tel contexte, la pertinence des efforts de promotion des investissements étrangers, il convient, selon les cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE, de mettre l'accent sur deux priorités :

    1. le renforcement des dimensions de l'attractivité qui ne sont pas directement liées à la détection et à l'accueil d'un projet d'investissement particulier : la constitution d'un environnement favorable au développement des entreprises est au coeur des politiques de promotion et de renforcement de l'attractivité des territoires ;

    2. le caractère relatif de la préférence qu'il convient d'accorder aux investissements directs «greenfield», dans la mesure où la concurrence entre territoires doit intégrer l'évolution de la nature des flux d'investissements, qui se situe, en Europe de l'Ouest, dans la suite des restructurations capitalistiques.

C'est dans cette perspective que la performance du territoire national et l'efficacité du dispositif de promotion doivent être évaluées.

      B. L'ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE NATIONAL : DE TRÈS BONNES PERFORMANCES, MALGRÉ QUELQUES FAIBLESSES

Depuis 1990, l'Union européenne est la principale zone d'accueil des investissements étrangers, devant les États-Unis (elle est deuxième si l'on ne comptabilise pas les investissements intra-européens).

Sur longue période, la France se situe au troisième rang des pays les plus attractifs dans le monde, deuxième en Europe, derrière le Royaume-Uni.

L'attractivité du territoire se maintient à un niveau élevé. 1998 marque une année record, avec des performances brutes qui s'améliorent depuis 1992 : 445 projets accueillis au cours de l'année, près de 30 000 emplois créés ou maintenus.

Toutefois, la France n'attire qu'une faible part des investissements émis par les États-Unis (premier investisseur mondial) et les pays émergents (Hong-Kong, Corée, Singapour).

De plus, le territoire national reste mal perçu sur les points suivants :

      · une fiscalité globale lourde (malgré une bonne image du système d'aides financières) et des procédures fiscales compliquées ;

      · le niveau élevé des charges sociales, surtout pour la main-d'_uvre non qualifiée,

      · l'instabilité réglementaire (taux et assiettes fiscales, droit du travail),

      · la législation de l'environnement et celle du travail, jugées trop peu flexibles

      · un déficit d'esprit d'entreprise,

      · une fiscalité de la création d'entreprise devenue dissuasive,

      · une recherche publique difficilement accessible au secteur privé.

    II. L'ÉVALUATION

L'étude est apparue d'autant plus opportune qu'un projet de réforme des dispositifs existants est en cours d'élaboration par la DATAR, en concertation avec les collectivités locales et la Délégation aux Investissements internationaux.

Le rapporteur a estimé qu'il entrait dans la mission de l'organisme chargé de l'étude, d'évaluer, au regard du bilan de l'action passée, certaines orientations de ce projet, telles qu'elles ont été portées à sa connaissance, même si celles-ci n'ont pas encore fait l'objet d'arbitrages définitifs.

      A. LE SYSTEME DE PROMOTION DES INVESTISSEMENTS : UN DISPOSITIF ÉCLATÉ, DÉPOURVU DE VISION STRATÉGIQUE

Le dispositif français de promotion des investissements étrangers est un système diversifié de structures qui relèvent de différents niveaux territoriaux (national, régional, infra-régional) et de divers acteurs (État, collectivités locales, organismes parapublics).

Si l'agrégation des données sur les moyens mis en oeuvre est un exercice vain, il semble que les dispositifs opérant en France constituent un ensemble correctement dimensionné, comparé aux dispositifs concurrents.

Toutefois, il présente trois défauts essentiels :

      · une certaine carence stratégique des structures, au sein de l'État et des territoires ;

      · une insuffisante coordination des acteurs locaux par une tête de réseau structurée ;

      · un déséquilibre (faiblesse des réseaux, du nombre et de l'expertise des agents à l'étranger), qui oriente le dispositif, plus vers la vente des territoires locaux que vers l'écoute des investisseurs et l'aide au choix.

          1. Le dispositif développé autour du Ministère de l'aménagement du territoire

Centré sur la DATAR à Paris et en régions, il comprend l'Association IFN - Invest in France Network - créée en 1992, chargée des fonctions de « back office » (publication de brochures de promotion, animation de clubs d'investisseurs étrangers etc..) et le réseau des agences IFA - Invest in France Agencies - à l'étranger.

Ces organismes, au nombre de 16, centrent leurs interventions sur l'organisation et la mise en oeuvre d'actions de prospection, en appui des acteurs locaux, fédérés au sein de IFN.

Toutefois, cette mission ne donne pas entière satisfaction. De plus, l'orientation des projets vers des régions par les IFA, décidée dans le cadre du Comité de suivi des projets étrangers, COSPE - qui associe les partenaires intéressés qu'ils soient privés ou publics nationaux ou locaux -, est perçue comme opaque par les échelons locaux.

En 1998, le budget des IFA se montait à 40,6 millions de francs à comparer à celui de l'association IFN, qui était de 13,3 millions de francs. Il faut ajouter à ces crédits, pour la même année, 2,2 millions de francs au titre de l'équipe de la DATAR , ce qui recouvre également les frais du COSPE.

          2. Le dispositif centré autour du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Il regroupe la Délégation aux investissements internationaux (D2I), l'association FRIEND (Association Française pour le Développement International des Entreprises), le réseau des PEE, qui intervient marginalement sur la mission de prospection et de promotion des investissements étrangers, dans les pays où le réseau IFA n'est pas implanté.

Le budget de FRIEND est d'environ 1,5 millions de francs ; celui de la D2I est compris entre 4 et 5 MF.

A l'inverse du dispositif « DATAR », qui se concentre dans une optique aménagement du territoire, sur des projets d'investissements, le dispositif du Ministère de l'Économie et des Finances est essentiellement consacré au « hors-projet ».

Il est axé sur la promotion de la France auprès des leaders d'opinion et sur l'amélioration de l'environnement réglementaire et socio-économique des entreprises en France : il s'efforce, notamment, de faire prendre en compte les impératifs de l'investissement étranger en exerçant un pouvoir d'influence sur les politiques publiques élaborées dans l'administration du Ministère.

          3. Les dispositifs régionaux et locaux

Il s'agit de dispositifs très hétérogènes, qui interviennent sur des territoires dont le découpage ne correspond pas aux institutions (vallées, pays, bassins d'emploi, groupements de commune, département, régions, etc.). Il est rare qu'un organisme régional hiérarchise les territoires et les acteurs.

Ils disposent de moyens très divers. En particulier, la présence à l'étranger est rarement coordonnée. Redondance et déperdition de moyens ne sont que partiellement compensées par les bienfaits de la concurrence et de la professionnalisation.

Les acteurs existants allient des fonctions diverses. Ils interviennent généralement à la fois sur le développement endogène et exogène, c'est à dire aussi bien sur l'accroissement de la compétitivité des entreprises déjà implantées que sur la recherche de nouveaux investisseurs, notamment étrangers.

En matière de promotion, ils produisent une gamme de prestations, qui comprend, suivant les cas :

    · la promotion de l'image du territoire,

    · la prospection de projets d'investissements,

    · l'accueil des investisseurs,

    · le suivi des entreprises implantées.

La plupart des opérateurs locaux ne savent intervenir que sur les investissements « greenfields ».

L'étude note également que les opérateurs tendent à contourner la difficulté à atteindre la taille critique nécessaire en menant des actions à géométrie variable tant sur le plan géographique que sectoriel : ainsi, la prospection tous azimuts, pratiquée dans les années 80-90, semble avoir fait place à une prospection ciblée, fondée sur les ressources disponibles (main d'_uvre, sous-traitants, pôles d'excellence).

Il est également souligné dans l'étude que la multiplicité des moyens et des acteurs ne joue pas en faveur d'une optimisation des coûts et des actions : des redondances apparaissent, même si comme dans le cas de VALORIS pour la région Lorraine, des tentatives de coordination se font jour.

      B. LES RÉFORMES EN COURS : UN PROJET À INSÉRER DANS UNE RÉFLEXION D'ENSEMBLE

          1. Le projet de réforme élaboré par la DATAR

En décembre 1998, la DATAR présente un projet de révision du dispositif français. Ce projet, qui peut notamment s'appuyer sur un rapport de MM. Melchior et Sautter de 1995, vise à mettre en place une agence nationale (association loi 1901) à vocation partenariale, composée de représentants de l'État (DATAR / Ministère de l'Économie et des Finances ), des collectivités locales, de certaines entreprises (sociétés de reconversion2, organismes financiers,...).

Cette agence disposerait d'une cellule renforcée au niveau national, au service des membres de l'association, d'un réseau de postes à l'étranger, d'un réseau d'experts qui interviendraient sur des filières stratégiques.

L'agence s'appuierait sur une démarche transparente pour diffuser, sélectionner et orienter les projets en région. L'agence prendrait en compte les éléments de rupture soulignés, puisqu'elle prévoit, notamment, de développer des outils pour mieux répondre aux projets d'investissements indirects (fusions,...) et de promouvoir la France également sur le « hors projet » (environnement culturel,...).

          2. L'expérience des pays étrangers

Les Pays-Bas ont adopté une politique active en matière de promotion des investissements étrangers.

Une stratégie est définie de façon extrêmement claire, et se concentre autour des points forts et des atouts du pays.

Des plans stratégiques sont élaborés et révisés régulièrement afin de mieux correspondre aux évolutions du marché et de la demande. L'État a joué un rôle déterminant dans les actions entreprises. La prospection et l'accueil des investissements sont coordonnés directement par le Ministère de l'Économie.

Au Royaume-Uni, la promotion des investissements étrangers est une priorité de longue date pour la politique économique et industrielle.

Elle s'est traduite notamment par les actions suivantes :

    · la création d'un environnement compétitif et attrayant pour les entreprises et la promotion des avantages du Royaume-Uni comme site d'implantation ;

      · la création d'un guichet unique pour aider les investisseurs étrangers à appliquer les règles de l'investissement au Royaume-Uni ;

      · la création de nouvelles agences de développement régional (Angleterre) et le renforcement des agences existantes (Écosse, Pays de Galles) ;

      · la collaboration entre l'État et les partenaires locaux pour élaborer des stratégies régionales de compétitivité.

En Italie, où la préoccupation de la promotion du territoire à l'étranger est relativement récente, on note que le Gouvernement a décidé, en 1997, la création d'un organisme sur le même modèle que la Welsh Development Agency, le SVILUPPO ITALIA, afin de coordonner les efforts des agences existantes. Cet organisme, qui sera rattaché au ministère du Trésor, doit être constitué avant la fin 1999.

Le rôle de l'État dans la promotion de l'investissement étranger est prépondérant. L'une des caractéristiques majeures des systèmes de promotion britannique et néerlandais est le fait que les organismes ou agences ont une stratégie bien définie. Ainsi, leurs missions sont claires. Chaque organisme a des secteurs cibles, des pays cibles, des objectifs clairs, et une mission propre.

Tous ces organismes, qu'ils soient britanniques, hollandais ou italiens, ont des réseaux à l'étranger, sur lesquels ils peuvent s'appuyer afin de faire de la prospection d'investisseurs, ou encore de l'information et de la publicité. La coordination très efficace qui existe entre les diverses agences, est le garant de la réussite de la politique d'attraction de l'investissement au Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

L'étude souligne que l'un des points forts de l'Invest in Britain Bureau - reconnu meilleure agence de promotion en 1997 par un jury international - concerne l'après vente : attirer l'investisseur étranger ne suffit pas, il faut aussi le retenir et l`encourager à se développer dans le pays.

          3. Les axes de réflexion et d'approfondissement

Le projet DATAR semble répondre aux principales attentes des collectivités locales. Toutefois, il correspond plus à une réforme organisationnelle qu'à un véritable choix au service d'une stratégie de promotion des investissements étrangers.

Les cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE proposent de renforcer la réflexion dans deux directions :

    1. un choix stratégique, qui guide les arbitrages sur l'organisation et les actions à mettre en oeuvre ; aujourd'hui, les choix stratégiques ne semblent pas avoir été faits, au niveau national ; or ils sont structurants et seuls en mesure de donner une cohérence d'ensemble aux actions mises en oeuvre ; de plus, tout en respectant l'autonomie des collectivités locales, ils sont garants des synergies qui doivent se développer entre acteurs nationaux, régionaux et locaux ;

    2. une organisation orientée « clients », c'est à dire sur le terrain (à l'étranger), à l'écoute des prospects et capable de faire évoluer l'offre (par la diffusion de l'information, l'aide à la définition de stratégies locales, la présélection des offres).

    Deux conséquences découlent de cette priorité :

        a) renforcer la place des acteurs de terrain dans l'ensemble du dispositif national, en développant les postes à l'étranger et en orientant le recrutement vers des agents véritables professionnels de la prospection ;

        b) différencier les actions qui portent sur la mise à niveau des territoires locaux (qui participent bien d'une mission d'aménagement du territoire) et celles qui portent sur la vente des produits ainsi élaborés.

          L'articulation entre ces deux missions est une des clés de réussite d'un dispositif national, qui peut trouver dans cette articulation une source de légitimité auprès des acteurs locaux.

L'idée générale de l'étude est que la décision d'investissement, dans un contexte de marchés ouverts, résulte d'un choix rationnel effectué par des opérateurs informés et exigeants.

Face à une décision complexe, lourde de conséquence pour l'investisseur, il est important de rationaliser la démarche de prospection comme s'il s'agissait d'un processus commercial de vente. Pour les projets complexes, la vente s'inscrit, d'abord, dans une relation d'aide. Ce n'est que dans la mesure où le « vendeur » comprendra le besoin du client qu'il pourra, dans une relation de confiance, faire cheminer celui-ci vers une décision judicieuse.

Bref, attirer l'investissement étranger, c'est avant tout identifier le(s) besoin(s) des investisseurs et leur montrer que la France est capable d'y répondre.

L'analyse des cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE est proche de celle qui sous-tend le projet actuel de la DATAR mais s'en distingue en ce qu'elle privilégie un système bicéphale, faisant intervenir, sur le modèle de l'entreprise, une « direction générale », responsable de la stratégie, à laquelle seraient rattachées, une « direction des ventes » et une « direction produit ».

La fonction de « direction des ventes », dont l'action serait orientée « clients », pourrait être dans cette perspective, assurée par le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'industrie.

Il y serait rattaché un réseau de vendeurs professionnels, parlant plusieurs langues, et qui auront tous dans leur cursus professionnel un passage obligatoire en région et devront y retourner régulièrement pour rester en contact avec les réalités de terrain.

Il est intéressant de souligner que l'étude envisage de développer des synergies avec les postes d'expansion économique - PEE - . Cette force de vente aurait pour tâche d'être à l'écoute de l'investisseur étranger auprès duquel elle jouera le rôle d'interlocuteur unique.

La fonction de «  direction produit » pourrait incomber à la DATAR, qui serait chargée de l'évolution et de la mise à niveau des produits vendus. Sa tâche consisterait notamment à animer la réflexion stratégique des acteurs locaux et à organiser la mise en compétition des offres territoriales.

Le lien permanent entre les deux organes du dispositif pourrait s'effectuer, notamment, par l'intermédiaire d'un réseau informatique interne qui permettrait :

· d'actualiser le catalogue de produit ;

· de transmettre les appels à candidature dans des délais très courts ;

· d'avoir une transparence sur les projets en cours ;

· de transmettre les réponses à l'appel d'offres le plus rapidement possible.

L'étude insiste, enfin, sur la nécessité de mettre en place un outil de suivi des résultats, pour parvenir à comptabiliser de façon fine les projets aboutis, non aboutis, avec le montant des investissements, mais aussi des créations ou sauvegarde d'emplois qui en découle, de même que les projets qui sont partis de France.

*

* *

L'analyse des cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE des nouveaux ressorts de l'investissement international vient passablement compliquer les termes du débat sur l'aménagement du territoire, dont le Parlement est aujourd'hui saisi.

L'étude souligne que notre politique actuelle de promotion des investissements étranger est plus critiquable encore du fait de son défaut de vision stratégique que de son manque de coordination entre ses différents échelons.

Si le rapporteur de l'Office veut bien en convenir, il tient aussi à mettre l'accent sur la difficulté qu'il y a à bâtir une stratégie cohérente de l'investissement international, alors que la notion même de frontière tend à s'estomper.

A la limite, on pourrait, à l'issue de cette analyse, se demander si l'on peut encore dire ce que c'est qu'un investissement international, quand la nationalité des entreprises n'est plus toujours clairement définie et quand les opérations de fusions-acquisitions prennent autant d'importance que les investissements directs proprement dits avec création de nouveaux sites de production.

Mais, le problème n'est pas simplement national ; il se retrouve au niveau local. L'élu, responsable du développement économique de sa collectivité territoriale, peut difficilement dissimuler sa perplexité face à une nouvelle logique de l'investissement dans laquelle les facteurs diffus de compétitivité paraissent peser au moins autant que les mécanismes directs d'incitation et qui donne tout son rôle aux actions directes de prospection.

Toute la question est alors de parvenir à mettre en place une structure au niveau national, qui, tout en respectant l'autonomie de gestion de collectivités locales, persuadées non sans raisons qu'elles ne seront jamais mieux défendues que par elles-mêmes, fera une place aux solidarités nationales de nature à promouvoir le produit « France » comme base de développement économique, par delà les intérêts régionaux.

Convaincu de l'importance de la question soulevée par cette étude, le rapporteur vous propose de la transmettre à la commission des finances du Sénat, assortie d'un avis favorable à sa publication

COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES DU
MERCREDI 7 AVRIL 1999

(Extraits)

Présidence de M. Alain Lambert, Président

    Au cours de sa séance du mercredi 7 avril 1999, l'office a alors examiné le rapport de M. Serge Vinçon sur la saisine relative à l'évaluation du dispositif public de promotion des investissements étrangers en France.

    M. Serge Vinçon, rapporteur, a d'abord souligné que, selon l'analyse des cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE, sur laquelle se fonde son rapport, l'investissement est désormais, s'agissant des grandes entreprises, fondamentalement international : de nombreux travaux ont décrit les phénomènes de globalisation et d'internationalisation de l'activité productive, mais il est important que ces analyses soient complétées par une évaluation de la capacité des dispositifs publics de promotion à prendre en compte les évolutions en cours.

    Après avoir rappelé les données statistiques relatives à l'investissement international et précisé que la France était aujourd'hui quatrième pays récepteur juste derrière la Chine, le rapporteur a souligné que notre pays pouvait afficher de très bonnes performances en matière d'attractivité du territoire en dépit de quelques faiblesses. Il a ainsi souligné que le territoire national reste mal perçu sur les points suivants :

    - une fiscalité globale lourde (malgré une bonne image du système d'aides financières) et des procédures fiscales compliquées ;

    - le niveau élevé des charges sociales, surtout pour la main-d'_uvre non qualifiée ;

    - l'instabilité réglementaire (taux et assiettes fiscales, droit du travail) ;

    - la législation de l'environnement et celle du travail, jugées trop peu flexibles ;

    - un déficit d'esprit d'entreprise ;

    - une fiscalité de la création d'entreprise devenue dissuasive ;

    - une recherche publique difficilement accessible au secteur privé.

    M. Serge Vinçon a ensuite mis l'accent sur l'intérêt de l'étude des cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE, qui intervient au moment où est en cours d'élaboration une réforme du dispositif administratif de promotion.

    De ce point de vue, l'étude ne se contente pas de décrire les moyens administratifs au niveau central, qu'il s'agisse de ceux centrés sur la DATAR avec l'association « Invest in France Network » et le réseau des agences « Invest in France Agencies » à l'étranger, ou de ceux déployés par la Délégation aux investissements internationaux du ministère des finances ; elle examine, en outre, les dispositifs en vigueur à l'étranger - en l'occurrence en Grande-Bretagne, en Italie, et aux Pays-Bas - et dans les régions. A cet égard, le rapporteur a souligné que, pour ce qui concerne les régions, redondance et dispersion de moyens ne sont que partiellement compensées par les bienfaits de la concurrence et de la professionnalisation. Il a également insisté sur une des faiblesses du dispositif français, « le service après-vente » : il ne suffit pas d'attirer l'investisseur étranger, il faut aussi le retenir et l'encourager à se développer dans le pays.

    M. Serge Vinçon, rapporteur, a précisé que les deux cabinets adhérents, dans l'ensemble, au projet de réforme, tel qu'il est actuellement connu, mais en privilégiant un système d'organisation bicéphale faisant intervenir, sur le modèle de l'entreprise, une « direction générale », responsable de la stratégie, à laquelle seraient rattachées une « direction des ventes » et une « direction produit ».

    En conclusion, le rapporteur a voulu souligner que le déficit de stratégie souligné par les consultants extérieurs n'était pas facile à éliminer dans la mesure où, contrairement à d'autres pays, le territoire français est divers et ne se prête pas à une stratégie de spécialisation unique ; il a également attiré l'attention sur la nécessité de mettre en place un système transparent de nature à garantir que les arbitrages entre régions seront effectués dans les meilleures conditions ; enfin, il a mis l'accent sur les conséquences, pour les collectivités territoriales, d'un contexte dans lequel les facteurs diffus de compétitivité sont souvent plus importants que les mécanismes directs d'incitation.

    Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

    M. Pierre Méhaignerie a souhaité avoir des précisions sur la nature des 445 projets accueillis en France au cours de l'année 1998.

    M. Gérard Bapt s'est réjoui de l'attractivité du territoire national en matière d'investissements étrangers. Il s'est, par ailleurs, étonné que cette évolution des dispositifs publics en faveur des investissements étrangers en France ne recommande pas la compétence de la région, échelon privilégié d'intervention économique. M. Patrick Delnatte s'est associé à son propos.

    M. Serge Vinçon, rapporteur, a alors indiqué que ces 445 projets devaient être appréhendés globalement et recouvraient non seulement des investissements directs, mais également des investissements réalisés à partir de rachat d'entreprises.

    Le rapporteur a ensuite indiqué qu'en matière d'aide publique aux investissements étrangers, la meilleure stratégie, au regard des comparaisons avec certains pays voisins, se situait au niveau national. Cet échelon d'intervention était le meilleur garant d'une réelle politique d'aménagement du territoire qui n'exclut cependant pas des interventions au niveau local.

    Enfin, M. Yves Fréville a souhaité que soient clairement distingués les investissements directs des autres placements étrangers en France.

    A l'issue de ce débat, l'office a émis un avis favorable à la publication du rapport de M. Serge Vinçon et de son annexe, qui sera en conséquence transmis à l'auteur de la saisine.

______________________

Evaluation du dispositif public de promotion des investissements étrangers en France
Rapport de
BIPE & STRATORG INTERNATIONAL

1 Depuis le 1er juillet 1998, Price-Waterhouse a fusionné avec un autre grand cabinet à l'échelle mondiale, Coopers &Lybrand, pour former Price-Waterhouse-Coopers.

2 Certaines sociétés privées de reconversion ont ainsi externalisé leur activité de prospection à l'association Hexagone qui agit, avec un budget de 6,5 millions de francs, pour les sociétés Rhône-Poulenc, Usinor, EDF, Elf, Thomson Giat EMC