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le 12 décembre 1997

N° 511

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 décembre 1997.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION présentée par M. LAURENT FABIUS tendant à créer une commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, et notamment sur les conditions de vie des mineurs et leur place dans la cité (n° 452).

PAR M. Jean-Paul BRET,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Enfants.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Claude Bartolone, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mmes Danièle Bousquet, Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Louis de Broissia, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mme Véronique Carrion-Bastok, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Olivier de Chazeaux, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Christian Cuvilliez, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Anne-Marie Idrac, Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Jean Le Garrec, Pierre Lequiller, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Alfred Marie-Jeanne, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Didier Quentin, Alfred Recours, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 13

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution n°452, présentée par M. Laurent Fabius tend à créer une commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, notamment au regard des conditions de vie des mineurs et de leur place dans la cité.

Comme l'indique l'auteur de la proposition de résolution dans l'exposé des motifs, cette commission d'enquête aura pour objet de faire le point sur l'état réel des droits de l'enfant en France. Le chômage de leurs parents, la montée des inégalités, la précarisation sociale, la fragilisation des structures familiales sont autant de facteurs qui ont des conséquences souvent dramatiques pour ceux qui ont le plus besoin d'être protégés, aidés mais aussi préparés, par le plein exercice de leurs droits, à leur devenir d'adulte.

En outre, cette commission d'enquête ne devrait pas se limiter à dresser un bilan mais aussi, le cas échéant, formuler des propositions sur les mesures qui devraient être prises pour mieux garantir l'exercice effectif des droits qui sont reconnus aux enfants. La convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale le 20 Novembre 1989, a constitué un pas important dans cette reconnaissance en offrant une définition globale et largement admissible de ces droits puisqu'elle a été ratifiée par tous les membres des Nations Unies sauf deux.

En conséquence, l'article unique de cette proposition de résolution prévoit la création d'une commission d'enquête sur les droits de l'enfant en France, tels que les définit cette convention internationale notamment au regard des conditions de vie des mineurs et de leur place dans la cité.

1. Il convient d'abord d'examiner cette proposition sous l'angle de sa recevabilité formelle.

Il ressort des dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance n°58-1110 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale que la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est soumise aux deux conditions suivantes:

- la proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion ;

- les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires

La commission d'enquête n'aura évidemment pas à interférer avec les poursuites pénales qui peuvent être en cours dans des affaires de maltraitance à enfant d'autant qu'elle aura un champ d'investigation bien plus vaste que les seules questions de la protection pénale des mineurs. Une lettre du Garde des Sceaux, ministre de la justice au Président de l 'Assemblée nationale atteste que la condition relative à l'absence de poursuites judiciaires est remplie.

Par contre, la commission d'enquête pourra utilement s'attacher à l'examen de faits qui sont malheureusement faciles à identifier : maltraitance et sévices qui justifient une protection renforcée, délinquance des mineurs et garanties de leurs droits dans la procédure, conséquences de la grande pauvreté et des inégalités, carences sanitaires et médicales, échec scolaire, difficultés d'accès à la culture ou à des loisirs de qualité.

2. En opportunité, il est clair que des problèmes tels que ceux évoqués ci-dessus, ne peuvent être ignorés et justifient la création de cette commission d'enquête, même si la situation des enfants en France peut apparaître comme très largement enviable pour beaucoup d'enfants des pays les plus pauvres.

Force est de constater que, si le statut reconnu à l'enfant en France tend à lui assurer théoriquement un niveau de protection satisfaisant, qui est mise en oeuvre notamment par l'aide sociale à l'enfance, ses droits peuvent être en réalité souvent bafoués parce que la pauvreté est en elle-même une maltraitance.

Il faut préciser que la convention des Nations Unies reconnaît à l'enfant ( c'est à dire au mineur puisque l'enfant y est défini comme « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si cette majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable » ) des droits civils mais aussi culturels, sociaux et même économiques.

Certaines lacunes du droit français ont été mises en évidence par les enfants eux-mêmes à l'occasion du Parlement des enfants qui leur à ouvert la possibilité de formuler des propositions dont certaines ont ensuite été adoptées par le Parlement. C'est ainsi qu'ont été votées deux propositions de loi l'une ayant pour objet d'éviter la séparation des fratries lorsque le placement des enfants s'avère nécessaire, l'autre permettant à l'enfant orphelin, à la suite du décès de ses parents, de participer au conseil de famille.

De même le projet de loi, en cours de discussion, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs s'attache à renforcer la protection des enfants victimes en mettant en place un véritable statut de la victime qui lui ouvre droit à une assistance.

Au-delà même de la protection due à l'enfant et au respect de ses droits en matière civile ou en matière pénale, il faut se préoccuper de l'effectivité du droit à la sécurité, à la santé, à l'éducation, aux loisirs ou à la culture. Dans ces domaines, grandes sont les carences qui affectent les familles se trouvant dans les situations les plus précaires et donc les enfants les plus vulnérables.

Comme le souligne l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) dans son rapport sur l'enfance en danger en 1996, l'influence de la crise sociale se vérifie sur l'augmentation du nombre d'enfant en risque et plus encore sur l'accélération de cette augmentation. L'enfant en risque est défini comme « celui qui connaît des conditions d'existence qui risquent de mettre en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation, ou son entretien, mais qui n'est pas pour autant maltraité. » En 1996, le nombre d'enfants en danger (enfants maltraités plus enfants en risque) a cru de 14 %. Or cette croissance s'explique en quasi-totalité par l'augmentation du nombre de signalement d'enfants en risque qui s'élève à 53 000 alors que le nombre de signalement d'enfants maltraités est resté relativement stable autour de 21 000.

Il faut à cet égard signaler les carences souvent dénoncées dans le suivi médical des enfants de plus de six ans et les difficultés croissantes rencontrées par les jeunes de plus de seize ans qui quittent le système scolaire.

Enfin, au-delà de la mise en oeuvre la plus effective possible des éléments protecteurs du statut de l'enfant, se pose plus largement la question de la reconnaissance du mineur en tant que tel et, en conséquence, de la définition de sa place dans la cité.

A cet égard la proposition de résolution se réfère utilement à la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

En effet, outre le fait que cette convention présente une vision exhaustive et globale des droits des enfants sur laquelle pourront s'appuyer les travaux de la commission d'enquête, elle ne se limite pas à garantir à celui-ci un indispensable statut protecteur autour de la notion clé qui est « l'intérêt supérieur de l'enfant » mais le considère comme un véritable sujet de droit.

Sur des points comme le droit à l'expression, celui de se faire entendre mais aussi celui d'être écouté, y compris devant un juge, comme la liberté de pensée, la liberté d'association, le droit d'accès à la connaissance de ses origines, le droit de bénéficier d'une assistance juridique, une réflexion et des adaptations des règles existantes paraissent nécessaires.

D'autant que, si le Gouvernement français a remis au Comité des experts des Nations-Unies un premier rapport sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant,1 le rapport sur cette question devant être présenté au Parlement, chaque année avant le 20 novembre, en application de l'article 76 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, n'a par contre jamais été produit.

3. Pour ces motifs le rapporteur préconise l'adoption de cette proposition de résolution. Il apparaît toutefois souhaitable d'y apporter les modifications rédactionnelles suivantes :

- la reprise, en partie, dans le titre de la commission d'enquête de la formulation retenue par son dispositif et qui paraît plus adéquate.

- la modification de la date par laquelle il est fait référence à la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Il semble en effet préférable de se référer à la date de l'adoption de cette convention par l'Assemblée générale des Nations-Unies qui a eu lieu le 20 novembre 1989, plutôt qu'à celle du 2 juillet 1990 qui est en réalité la date de l'autorisation de sa ratification donnée au Gouvernement par le Parlement.

- enfin, une formulation faisant appel à la notion de « mineur » plutôt qu'à celle « d'enfant » sachant que, comme cela été indiqué, ces deux notions sont en l'espèce équivalentes.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 10 décembre 1997.

Elle a adopté trois amendements rédactionnels présentés par le rapporteur : le premier portant sur le titre et les deux autres sur l'article unique de la proposition de résolution.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION TENDANT À CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR L'ÉTAT DES DROITS DE L'ENFANT EN FRANCE, NOTAMMENT AU REGARD DES CONDITIONS DE VIE DES MINEURS ET DE LEUR PLACE DANS LA CITÉ

Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement, une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur les droits de l'enfant en France, tels que les définit la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, notamment au regard des conditions de vie des mineurs et de leur place dans la cité.

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N° 511.- Rapport de M. Jean-Paul Bret (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de résolution (n° 452) de M. Laurent Fabius tendant à créer une commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, et notamment sur les conditions de vie des mineurs et leur place dans la cité.

1 Article 44 de la convention : « Les Etats parties s'engagent à soumettre au Comité (...) des rapports sur les mesures qu'ils auront adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la présente convention et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits :

a) dans les deux ans à compter de la date de l'entrée en vigueur de la présente convention pour les Etats parties intéressés,

b) par la suite, tous les cinq ans. »