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le 30 mars 1998

776

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mars 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 700) de M. ROBERT GALLEY et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'arrêt de Superphénix,

PAR M. CHRISTIAN BATAILLE

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Énergie et carburants.

La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Patrick Ollier, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Henri d'Attilio, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Michel Delebarre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Laurent Fabius, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Elie Hoarau, Robert Honde, Christian Jacob, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Thierry Lazaro, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Thierry Mariani, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Paul Nunzi, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Ladislas Poniatowski, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Georges Sarre, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Bernard Schreiner, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Alain Veyret, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

MESDAMES, MESSIEURS,

La proposition de résolution (n° 700), déposée par M. Robert Galley et les membres du groupe RPR et apparentés, tend à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'arrêt de Superphénix.

Cette proposition ne pose pas de problème particulier de recevabilité. Rappelons qu'en application des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, l'article 141 du Règlement prévoit que le dépôt de toute proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête doit faire l'objet d'une notification au garde des Sceaux, ministre de la justice, afin que celui-ci indique si des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant justifié le dépôt de cette proposition de résolution.

Or, par lettre en date du 19 mars dernier, la ministre de la justice a informé le Président de l'Assemblée nationale qu'aucune procédure n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition.

C'est donc uniquement au regard de l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête que la demande de M. Robert Galley et des membres du groupe RPR et apparentés doit être examinée.

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Le 2 février dernier, le Comité interministériel sur le nucléaire et les choix énergétiques de la France confirmait l'arrêt de Superphénix annoncé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale du 19 juin 1997. Lors de cette même réunion le Comité interministériel autorisait le redémarrage du réacteur Phénix jusqu'en 2004.

Dire que la décision d'arrêter Superphénix satisfait pleinement votre rapporteur serait méconnaître ses engagements sur la politique énergétique de notre pays. Mais cette décision est prise et il s'agit aujourd'hui d'évaluer et d'examiner les modalités de son application.

Comme tout réacteur nucléaire, Superphénix devait s'arrêter un jour. A l'origine, le terme prévisible de son fonctionnement avait été fixé à 2016, mais les avatars rencontrés par la filière des réacteurs à neutrons rapides au cours des deux dernières décennies laissaient présager depuis quelque temps un arrêt anticipé de Superphénix.

En effet, le recours à la filière de la surgénération pour la production d'électricité a été renvoyé à une échéance plus lointaine en raison de la découverte de nombreux et abondants gisements d'uranium, de la mise au point de combustibles nucléaires plus performants et d'un tassement de la demande dû en particulier à la pause ou à l'abandon de plusieurs programmes électronucléaires.

Quant à l'usage de Superphénix comme outil de recherche sur l'incinération des déchets à vie longue (usage préconisé entre autres par la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs -Superphénix apparaissant comme l'instrument essentiel de la recherche sur la transmutation des éléments radioactifs à vie longue - par le rapport Curien de 1992 et par le rapport de la commission Castaing de 1996 - commission au sein de laquelle siégeaient plusieurs experts étrangers), il ne nécessite probablement pas une expérimentation s'étendant sur une vingtaine d'années.

La probabilité d'un arrêt anticipé de Superphénix était donc forte. Mais ce qui pose problème aujourd'hui et ce qui constituait le fondement des réticences de votre rapporteur face à la décision du comité interministériel, ce sont les modalités techniques du démantèlement du réacteur ainsi que les conséquences sociales et financières de son arrêt.

De ce point de vue, les questions posées par M. Robert Galley dans sa proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sont tout à fait pertinentes.

Mais pour judicieuses qu'elles soient ces questions doivent, aux yeux de votre rapporteur, être complétées par plusieurs autres interrogations.

Pour appréhender dans leur ensemble les problèmes posés par Superphénix, il convient de ne pas focaliser sa réflexion sur la seule question de l'arrêt du réacteur mais de combler également le « déficit d'information » entourant les conditions de création et de fonctionnement du surgénérateur. Dans le même esprit, il faut également élargir sa réflexion à l'ensemble de la filière des réacteurs à neutrons rapides et s'interroger ainsi sur Phénix, sur son rôle et sur les modalités de son redémarrage.

Il y a un peu moins d'un an - le 16 avril 1997 précisément -, M. Robert Galley présentait un rapport sur une proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement de la centrale de Creys-Malville et sur son coût réel pour les dépenses publiques.

Le contexte politique ayant changé, il serait mal venu de la part de votre rapporteur de s'étonner des conclusions de ce document et de chercher une quelconque contradiction entre les termes d'un rapport s'opposant à la création d'une commission d'enquête et le contenu de la proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui. Il est en revanche intéressant de rappeler les quatre questions posées à l'époque par M. Robert Galley car leur actualité n'a pas été démentie :

1° pourquoi avoir construit Superphénix ?

2° Quel bilan peut-on tirer du fonctionnement de Superphénix ?

3° Quel a été le coût de Superphénix pour la collectivité ?

4° Quel est l'avenir de la filière des réacteurs à neutrons rapides ?

C'est pour tenir compte de ces interrogations et afin d'élargir le champ d'investigation d'une éventuelle commission d'enquête que votre rapporteur se propose de modifier le titre et de compléter le dispositif de la proposition de résolution de M. Robert Galley. A cette fin, il propose de faire référence aux conditions dans lesquelles ont été décidés la création, la mise en oeuvre et l'abandon de Superphénix et de s'intéresser également à l'avenir de la filière des réacteurs à neutrons rapides et de la surgénération, ainsi qu'aux enseignements qui ont été tirés de cette expérience dans les domaines scientifique, administratif, financier et politique. Nombre de ces questions sont d'ailleurs posées par l'auteur de la résolution dans son exposé des motifs.

Le temps semble venu de déchirer le voile opaque qui, depuis le début des années 1970, entoure notre politique électronucléaire. La constitution d'une commission d'enquête sur Superphénix peut, de ce point de vue, marquer un virage important dans notre manière de déterminer nos choix énergétiques.

EXAMEN EN COMMISSION

Après que M. Christian Bataille eut exposé les grandes lignes de son rapport, plusieurs députés sont intervenus dans la discussion générale.

M. Ladislas Poniatowski a indiqué en préambule que le groupe UDF était favorable à la création de la commission d'enquête et à l'extension de son champ de compétences proposée par le rapporteur. Il s'est interrogé sur les modalités de fonctionnement de ladite commission, notamment sur l'étendue de ses pouvoirs si elle souhaite étendre à l'étranger ses investigations.

M. Roger Meï a précisé que le groupe communiste approuvait la proposition de résolution et a souhaité que soit fait référence dans l'article unique aux conséquences environnementales du fonctionnement et de l'arrêt de Superphénix.

M. Robert Galley a estimé que la rédaction proposée par le rapporteur était plus précise que celle du texte d'origine et a voulu avoir confirmation que l'expression « conséquences sur la filière des réacteurs à neutrons rapides » incluait le problème de la transmutation des actinides et des produits de fission à vie longue.

Mme Michèle Rivasi est intervenue pour indiquer qu'il convenait de s'intéresser au problème du coût du démantèlement et de voir comment la question de la déconstruction des réacteurs était traitée à l'étranger.

En réponse aux différents intervenants, M. Christian Bataille, rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- conformément au Règlement de l'Assemblée nationale, la commission d'enquête disposera d'un délai de six mois pour remettre son rapport ;

- elle pourra se rendre à l'étranger mais n'y disposera pas des mêmes moyens d'investigation ;

- l'extension du champ d'investigation de la commission d'enquête permettra d'aborder les problèmes liés au démantèlement des réacteurs et à la recherche en matière de transmutation des éléments radioactifs à vie longue.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

Elle a, dans un premier temps, adopté un amendement du rapporteur, sous-amendé par M. Roger Meï, élargissant le champ d'investigation de la commission d'enquête.

Elle a ensuite adopté un amendement modifiant en conséquence le titre de la proposition de résolution.

Elle a enfin adopté la proposition de résolution ainsi intitulée dans la rédaction présentée par le rapporteur.

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En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur Superphénix
et la filière des réacteurs à neutrons rapides

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur les conditions dans lesquelles ont été décidés la création, la mise en oeuvre et l'abandon de Superphénix, ses conséquences sur la filière des réacteurs à neutrons rapides et de la surgénération, ainsi que sur les enseignements qui ont été tirés de cette expérience dans les domaines scientifique, administratif, financier, politique et environnemental.

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N° 776.- Rapport de M. Christian Bataille (au nom de la commission de la production) sur la proposition de résolution (n° 700) de M. Robert Galley et plusieurs de ses collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'arrêt de Superphénix.