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N° 1273

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 décembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1156) de M. DOMINIQUE PAILLÉ tendant à créer une commission d'enquête sur le fonctionnement du groupement mutualiste éligible aux règles fixées par le code de la mutualité

PAR

M. Marcel Rogemont,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Économie sociale.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

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Pages

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 11

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

La proposition de M. Dominique Paillé tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du groupement mutualiste éligible aux règles fixées par le code de la mutualité porte à la fois sur le fonctionnement interne de certaines d'entre elles, sur la fiscalité - comparativement à celle des associations - sur la transposition en droit interne des directives relatives à l'assurance - ou plutôt l'extension de cette transposition déjà en vigueur aux mutuelles - et sur le versement d'indemnités aux administrateurs. L'auteur de cette demande indique qu'il s'agit, face aux mutations du secteur mutualiste, d'un " droit de regard " sur ce domaine. On le voit donc, d'emblée, la demande n'est pas assise sur un fait précis mais vise l'évolution d'un secteur en général.

Il convient en premier lieu de s'interroger sur les questions - classiques - de recevabilité de la demande, puis sur le fond, singulièrement sur la question posée par le droit communautaire.

Conformément à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 :

" Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.

Il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ".

On pourrait s'interroger sur le point de savoir si les faits évoqués par la proposition de résolution sont " déterminés ", au sens de ce texte, avec une précision suffisante. Il s'agit plutôt ici de la gestion d'organismes chargés de gérer un service public. La recevabilité peut cependant poser un problème au regard de l'absence de poursuites judiciaires sur les faits en cause, puisque certains éléments relatifs à la MNEF ou dénoncés par la Cour des comptes font actuellement l'objet d'informations judiciaires. Mais, comme l'indique la Garde des Sceaux, ces poursuites ne sont pas " directement " rattachées à l'objet de la présente proposition et l'on sait que nombre de précédents témoignent, en toute hypothèse, du fait que la création d'une commission d'enquête n'est empêchée que sur les faits précis faisant l'objet d'une instruction judiciaire parallèle.

Mais c'est surtout sur l'opportunité d'une telle demande qu'il faut s'interroger. En premier lieu, le rapporteur observe que l'Assemblée nationale vient de créer trois commissions d'enquête portant sur le département protection et sécurité du Front national, sur les sectes et sur les délocalisations et l'emploi. Il n'est pas exclu qu'une commission d'enquête sur le régime social étudiant - dont le champ recoupe partiellement la présente demande - soit prochainement instituée, la commission ayant adopté une proposition de résolution en vue de cette création. Il convient d'éviter, outre une surcharge pour les travaux parlementaires, une sorte de banalisation des commissions d'enquête, qui doivent demeurer liées à l'actualité et à des faits précis. Le rapporteur n'entend contester ni l'existence ni les modalités du " droit de tirage " en la matière mais souligne qu'il faut garder aux commissions d'enquête un lien avec des sujets précis et actuels. En revanche, la création d'une commission d'enquête est moins adaptée pour résoudre des questions en suspens : la commission d'enquête n'est pas une procédure destinée à " évaluer " l'adaptation d'une réglementation au droit communautaire.

Il convient, en outre, de souligner qu'il n'existe pas de carence de l'information sur l'activité des mutuelles, secteur au contraire caractérisé par l'existence de contrôles permanents. Les activités des mutuelles dans le domaine de la protection sociale complémentaire sont soumises au contrôle de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, créée par la loi du 31 décembre 1989.

Il s'agit d'une autorité administrative indépendante qui publie un rapport annuel. En outre, les mutuelles qui gèrent un régime de base, - par délégation de gestion - relèvent du contrôle de l'IGAS et de la Cour des comptes. Tel est le cas des mutuelles étudiantes ou de celles de fonctionnaires (article L. 712-6 du code de la sécurité sociale). Le contrôle parlementaire existe également : outre la loi de financement sur la sécurité sociale, le Parlement a débattu à de nombreuses reprises de textes sur les mutuelles ou de la transposition des directives communautaires.

Le champ d'application de la proposition de résolution paraît, en outre, extrêmement large. Les mutuelles prennent en charge 11,4 % des dépenses de soins médicaux - hors hospitalisation - et fournissent une protection complémentaire à un Français sur deux. Il y a environ 660 mutuelles " maladie " et 81 caisses d'assurance vie. Un tel secteur s'il n'échappe en rien au contrôle parlementaire se prêterait assez malaisément, compte tenu de sa diversité, à une commission d'enquête.

Sur le fond, il faut admettre que les questions posées sont des questions importantes tout en constatant que ce n'est pas une commission d'enquête qui pourra les résoudre. La commission d'enquête n'est pas un moyen d'investigation destiné à prédire l'avenir.

Si, comme l'observe M. Dominique Paillé, il existe une spécificité fiscale des mutuelles : exonération de la TVA à la taxe d'apprentissage, impôt sur les plus-values des sociétés, exonération de la taxe professionnelle..., ce problème est lié à celui du droit communautaire et à la question de l'application des directives - transposées en droit interne - relatives aux sociétés d'assurances et aux mutuelles.

Les directives n°s 92/49 et 92/96 des 18 juin et 10 novembre 1992, appelées " troisièmes directives " relatives à l'assurance-vie et l'assurance non-vie, sont entrées en vigueur le 1er juillet 1994.

Elles ont pour objet de construire le marché unique de l'assurance, en permettant aux sociétés d'assurances de proposer des contrats dans les différents Etats membres de l'Union européenne. Ces directives instituent un " passeport européen ", délivré à la société d'assurances dans le pays dont elle est originaire, qui lui permettra d'établir des succursales dans les autres Etats membres ou de proposer directement ses services aux entreprises et aux consommateurs. L'Etat membre dans lequel est installé le siège social de la société d'assurances sera responsable du contrôle financier et prudentiel de cette société et délivrera un agrément valable pour tous les Etats membres, selon un principe de licence unique.

Ces directives ont été transposées par les lois n°s 93-1444 du 31 décembre 1993 et 94-5 du 4 janvier 1994 qui concernent les organismes de prévoyance, c'est-à-dire les institutions paritaires régies par l'article 731-1 du code de la sécurité sociale. Les mutuelles ne sont, en revanche, pas concernées par cette transposition législative.

L'économie générale de ces directives est la suivante :

- les institutions de prévoyance peuvent couvrir les salariés et anciens salariés pour l'ensemble des risques liés à la personne humaine : elles peuvent donc couvrir les branches de l'assurance-vie, de l'assurance-maladie et de l'accident et faire appel, dans un cadre collectif, à l'épargne en vue de la capitalisation ;

- elles sont tenues de provisionner intégralement les engagements qu'elles contractent à l'égard de leurs membres ;

- les dispositions relatives à l'agrément administratif, au fonctionnement, au transfert de portefeuille et aux fusions, au redressement, à la dissolution et à la liquidation, doivent dorénavant intégrer les règles prudentielles prévues par les directives européennes relatives aux assurances ;

- les droits des affiliés et des bénéficiaires des couvertures individuelles et collectives sont renforcés, dans le domaine de l'information du participant, comme en ce qui concerne le droit de renonciation pour les couvertures facultatives et individuelles ;

- l'application du principe de spécialisation dans la gestion des organismes d'assurance implique une séparation de gestion pour les activités vie et non-vie, et également entre activités d'assurance et activités sociales, " à l'exclusion de toute activité commerciale ". Les institutions de prévoyance, soumises aux directives, devront créer des structures juridiques séparées pour gérer les _uvres sociales : une telle organisation est déjà entrée dans la pratique ces dernières années. Or, sur ce dernier point, la logique communautaire se heurte à celle de la gestion mutualiste, qui tend précisément à confondre, au sein de la même entité, actions de prévoyance et _uvres sociales. Les exigences communautaires sont donc contraires à la réglementation nationale, notamment à l'article L. 411-1 du code de la mutualité qui prévoit la gestion parallèle d'activités sanitaires, sociales et culturelles par les mutuelles.

Pour contradictoires que soient les deux directives précitées avec les principes régissant le secteur mutualiste, des marges de man_uvre paraissent exister pour transposer en droit interne ces textes communautaires, tout en conservant la spécificité du secteur mutualiste. Ces marges de man_uvre avaient été soulignées par le rapport présenté en mai 1994 par M. Bacquet, alors président de la section sociale du Conseil d'Etat. Ce rapport préconisait les solutions suivantes :

- les dispositions du code de la mutualité devront être modifiées afin de séparer juridiquement la gestion des _uvres sociales et celle des activités d'assurance et de prévoyance des mutuelles, tout en prévoyant une période transitoire. En décembre 1994, la Commission européenne n'a pas exclu cette possibilité, par exemple par le recours à la filialisation. Une personne morale devrait, en conséquence, donner jour à la création de deux personnes morales distinctes, l'une gérant les activités d'assurance et de prévoyance, l'autre gérant les _uvres sociales ;

- le code de la mutualité pourrait maintenir la possibilité de transferts de fonds entre ces deux personnes morales, dès lors que la mutuelle exerçant l'activité d'assurance aura satisfait à toutes les règles communautaires de sécurité financière et aura pourvu aux dotations ou réserves nécessaires.

En décembre 1994, la Commission européenne a cependant réitéré sa volonté de soumettre au libre jeu de la concurrence les transferts de portefeuille et réclamé l'ouverture de ces transferts à l'ensemble des entreprises européennes d'assurance, conformément aux dispositions des directives de 1992. La Commission déclare, en effet, qu'" il est absolument nécessaire, dans l'intérêt même des assurés, que ce portefeuille puisse être repris par une autre entreprise d'assurance, quelle que soit sa forme juridique ". Elle a demandé, à cette date, comme en novembre 1997, l'ouverture des contrats de réassurance à l'ensemble des sociétés d'assurance communautaire.

Le lourd retard pris par la France a valu, au mois de mai 1998, un rejet par la Commission d'une proposition de transposition jugée " incomplète " et l'ouverture d'une poursuite devant la Cour de justice des communautés européennes, le fond du problème étant bien entendu la contrariété existant entre la libre prestation de service en matière d'assurance et le cumul d'activités d'assurance et d'_uvres sociales par les mutuelles, la fiscalité dérogatoire de la mutualité étant l'une des incidences de ce débat de fond.

On voit mal ce qu'une éventuelle commission d'enquête pourrait apporter à un débat déjà complexe, déjà public, qui transcende largement les courants politiques et les Gouvernements successifs, qui, tous, se sont montrés attachés à la défense des mutuelles. Il s'agit d'un problème où les positions nationale et communautaire sont manifestement antagonistes. Mais une commission d'enquête n'y apporterait rien et ne paraît pas la solution adéquate, s'agissant d'un problème de droit communautaire. En outre, le Gouvernement a chargé M. Michel Rocard d'une étude sur ce thème et il paraît donc prématuré de se saisir de ce problème avant que celui-ci n'ait remis ses conclusions.

Le rapporteur propose donc de rejeter la proposition de résolution, non parce qu'elle ne soulève pas une réelle question, mais parce que la solution qu'elle préconise ne peut contribuer à y apporter de réponse.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 16 décembre 1998.

Après l'exposé du rapporteur, M. Dominique Paillé a indiqué que, à la veille d'une transformation juridique d'ampleur et de la possible mise à jour de faits délictueux concernant la gestion de mutuelles, la proposition de résolution avait pour objet de prendre date. La proposition de résolution a également pour objet d'évoquer les risques résultant de l'application du droit communautaire pesant sur les mutuelles. En tout état de cause, il est souhaitable d'être attentif à l'évolution de cette question.

Le président Jean Le Garrec a estimé nécessaire d'attendre la publication du rapport de M. Michel Rocard et considéré que la création d'une commission d'enquête ne constituait pas une solution adaptée pour répondre aux problèmes posés. En tout état de cause, le Parlement sera appelé à se prononcer, vraisemblablement l'année prochaine, lors de l'examen du projet de loi portant transposition des directives européennes.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

N° 1273. - RAPPORT de M. Marcel ROGEMONT (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de résolution (n°1156) de M. Dominique PAILLÉ tendant à créer une commission d'enquête sur le fonctionnement du groupement mutualiste éligible aux règles fixées par le code de la mutualité.