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N° 2005

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 1999

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1879) de M. FRANÇOIS GOULARD tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation actuelle des harkis en France et plus particulièrement sur la situation de leurs enfants

PAR

M. Serge BLISKO,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Rapatriés.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Jean-Pierre Foucher, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM.  Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial,  Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mme Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Charles de Courson, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Jacky Jaulneau, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Noël Mamère, Daniel Marsin, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Michel Pajon, Jean-Pierre Pernot, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, André Thien Ah Koon, Mme Marisol Touraine, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Alain Veyret, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

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Pages

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 5

1.- Une histoire dramatique et refoulée 7

2.- Un droit à réparation reconnu par étapes 9

3.- Des mesures spécifiques en faveur des enfants de harkis 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le 21 octobre 1999, MM. François Goulard, Alain Madelin et José Rossi ont déposé une proposition de résolution (n° 1879) visant à créer une commission d'enquête sur la situation actuelle des harkis en France et, plus particulièrement, sur la situation de leurs enfants.

Selon le texte de cette proposition, cette commission d'enquête devrait avoir pour tâche :

« 1° de dresser un bilan général de l'ensemble des mesures économiques et sociales prises en faveur des harkis depuis leur arrivée sur le territoire métropolitain ;

« 2° de faire réaliser un audit sur l'utilisation des sommes versées à la communauté harkie, d'un montant de 6,8 milliards de francs entre 1987 et 1999 ;

« 3° d'étudier les causes du chômage chez les enfants de harkis et engager une réflexion sur les mesures qu'il faudrait mettre en _uvre pour y remédier ;

« 4° d'identifier les difficultés scolaires rencontrées chez les enfants de harkis et en informer les ministères chargés de cette question ;

I.- La recevabilité de la proposition de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première condition de recevabilité est relative à la définition précise qui doit être donnée des faits pouvant donner lieu à enquête. En l'espèce, la proposition de résolution apparaît suffisamment détaillée sur les difficultés spécifiques rencontrées par la communauté harkie en France.

La seconde condition, plus substantielle, concerne la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre du 7 décembre 1999 adressée à M. le Président de l'Assemblée nationale, Mme Elisabeth Guigou, Garde des sceaux et ministre de la justice, a confirmé que les faits qui ont motivé le dépôt de la présente proposition de résolution ne font pas l'objet de poursuites judiciaires.

La proposition de résolution est donc parfaitement recevable.

II.- L'opportunité de la création d'une commission d'enquête est en revanche contestable dans la mesure où une telle commission ne semble pas être le meilleur moyen d'éclairer le Parlement sur ce problème sensible qui fait référence à une période encore douloureuse de l'histoire de notre pays .

Les questions abordées dans l'exposé des motifs de cette proposition de résolution ne sont pas, loin de là, ignorées de l'Assemblée nationale. Correspondant assez largement à la sphère de compétence de la délégation aux rapatriés, elles sont, chaque année, examinées au moyen du rapport spécial de la commission des finances consacré aux rapatriés, ce terme étant entendu au sens large et comprenant donc les français musulmans d'Algérie.

Il n'en demeure pas moins vrai que les conditions d'achèvement du conflit que l'on peut dénommer « guerre d'Algérie » depuis l'adoption de la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, ont été marquées par le drame de la communauté harkie qui, comme l'énonce la proposition de résolution, a été victime de l'ingratitude de la République.

Les pouvoirs publics ne sont néanmoins pas demeurés inertes et insensibles face à cette tragédie, comme en témoignent de nombreuses mesures au premier rang desquels s'inscrit la loi de 1994 qui a très solennellement reconnu la dette de la nation à l'égard des harkis et mis en place un plan d'action en leur faveur dont le dispositif qui venait initialement à échéance à la fin de cette année a fait récemment l'objet d'une prolongation jusqu'au 31 décembre 2000 ainsi que de nombreuses améliorations.

Au delà de ces mesures, destinées aux anciens supplétifs et assimilés, des dispositions réglementaires sont intervenues d'abord par une circulaire du 25 octobre 1994 et très récemment par une circulaire interministérielle du 31 mai 1999 pour améliorer l'insertion économique et sociale des enfants de harki qui ont souffert des conditions d'accueil et d'installation de leurs parents.

Il apparaît aujourd'hui nécessaire de sortir des dispositifs dérogatoires qui stigmatisent les harkis au sein de la communauté nationale au profit d'un travail de mémoire et de reconnaissance historique.

1.- Une histoire dramatique et refoulée

Le terme de harkis, tiré de l'arabe harka  (mouvement), s'applique aux soldats de certaines unités supplétives autochtones d'Algérie engagées avec l'armée française contre la rébellion indépendantiste, de 1954 à 1962. Cette appellation s'est étendue abusivement à tout autochtone ayant pris le parti de la France durant la guerre d'Algérie, qu'il soit civil ou armé, ainsi qu'à sa famille.

Il convient de rappeler que depuis des siècles, la France armait pour son compte des ressortissants locaux dans les pays où elle exerçait son autorité. Selon cet usage, en Algérie, dès le début de la rébellion, les représentants des autorités françaises recherchèrent l'adhésion des musulmans à la lutte contre la subversion. Se fiant aux promesses des dirigeants de l'État, dont celles que fit le général de Gaulle jusqu'en 1960, ces représentants crurent que la France resterait durablement en Algérie. Ils transmirent cette conviction aux musulmans algériens qu'ils enrôlaient.

S'ajoutant aux unités d'autodéfense de villages et aux musulmans appelés ou engagés dans l'armée, trois corps d'autochtones furent créés: les harkas, unités mobiles responsables d'un secteur, jumelées avec les compagnies françaises, les maghzens, groupes statiques de moghaznis (sorte de gendarmes ruraux) placés sous l'autorité des Sections administratives spécialisées de l'armée chargées du développement rural (S.A.S.), et les Groupes mobiles de sécurité (G.M.S.) assimilés aux C.R.S. Le recrutement fut surtout collectif dans les villages, il s'opérait parfois parmi des déserteurs de l'A.L.N (Armée de libération nationale).

Les engagements étaient le plus souvent volontaires. Selon le sociologue Mohand Hamoumou, lui même fils de harki, ils obéissaient à des motivations très variées: patriotiques ou économiques pour certains, elles furent surtout d'ordre sécuritaire, les chefs de village voulant protéger la population contre les opérations de l'armée, et plus encore contre les incursions du F.L.N.

Les supplétifs furent surtout enrôlés de 1957 à 1960, ils perdirent 5 000 hommes, morts au combat ou disparus. Les désertions furent très rares. A la suite de l'infléchissement de la politique française vers l'indépendance algérienne à partir de 1961, commencèrent la démobilisation et le désarmement des supplétifs. Les accords d'Evian signés le 18 mars 1962 laissèrent les « musulmans français » sans protection véritable.

A la date du 19 mars 1962, cessez-le-feu entre l'armée française et l'A.L.N., on peut estimer sur la base du rapport à l'O.N.U. du contrôleur général aux armées Christian de Saint-Salvy, que vivaient en Algérie 263 000 autochtones engagés du côté français ou récemment démobilisés, dont 60 000 militaires, 153 000 supplétifs et 50 000 notables francophiles. Familles comprises, il y avait plus d'un million de personnes menacées sur huit millions de musulmans algériens.

Au printemps de 1962, alors que le territoire était laissé au F.L.N. par l'armée française repliée dans des garnisons d'Algérie, le nouveau pouvoir algérien feignit la clémence envers les pro-Français, alors que le gouvernement français limita à une portion minime leur repli en France. Louis Joxe, ministre d'État aux Affaires algériennes, adressa à l'armée une directive «très secrète», le 12 mai 1962, menaçant de sanctions les militaires français qui organisaient le repli en métropole de leurs alliés musulmans «en dehors du plan général de rapatriement», et ordonnant même le renvoi en Algérie des supplétifs débarqués en France.

En fait, ce « plan » n'existait que sur le papier, et le Gouvernement fut débordé par l'arrivée des rapatriés d'origine européenne.

On estime à 15 000 ou 20 000 le nombre de familles de musulmans pro-Français (environ 91 000 personnes) qui purent de la sorte s'établir en France de 1962 à 1968.

Mais au sein de l'écrasante majorité restée en Algérie, il y eut au minimum des dizaines de milliers de victimes assassinées par le F.L.N.

Ce massacre perpétré parfois par familles entières s'accompagna souvent de tortures, de viols , etc., alors que l'armée française restait cantonnée dans ses casernes et sans que l'opinion publique nationale ou internationale ne s'en émeuve.

Les meurtres de ces musulmans durèrent jusqu'en 1966. En 1965, la Croix Rouge recensait par ailleurs 13 500 pro-Français incarcérés en Algérie.

Comme l'explique l'historien Benjamin Stora dans son livre consacré à la mémoire de la guerre d'Algérie, les harkis vont désormais apparaître comme des témoins gênants des deux cotés de la Méditerranée. En Algérie, reconnaître l'histoire des supplétifs musulmans conduirait à briser le mythe fondateur du peuple uni contre la colonisation, en France l'abandon des harkis provoque un profond malaise auquel succède rapidement le silence de la mauvaise conscience.

A cet abandon, la France ajouta, pour ceux qui avaient pu rejoindre la métropole, des conditions d'hébergement à la fois sommaires et paramilitaires dans des camps tels celui de Bias qui combinaient destruction du système social traditionnel et mise sous tutelle.

2.- Un droit à réparation reconnu par étapes

La reconnaissance de la France à l'égard des anciens supplétifs musulmans s'est effectuée en trois étapes législatives de 1974 à 1994.

La promulgation le 9 décembre 1974 de la loi n° 74-1044 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, témoigne de la volonté d'une part d'assurer une complète égalité des droits entre ces militaires (et leurs ayants cause) et ceux ayant servi à l'occasion des précédents conflits, et d'autre part de considérer les anciens supplétifs ayant servi la France en Afrique du Nord comme étant des militaires auxquels s'applique le code des pensions militaires d'invalidité. Il s'agit de la première étape du processus de réparation qui concerne le harki en sa qualité d'ancien combattant.

La seconde intervention du législateur en faveur de la communauté harkie prend place au sein du processus d'indemnisation des rapatriés.

En effet, l'article 9 de la loi n° 87-549 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés dispose qu' « une allocation de 60 000 F est versée, à raison de 25 000 F en 1989 et 1990 et de 10 000 F en 1991, aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives ayant servi en Algérie, qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-285 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, et qui ont fixé leur domicile en France. »

Les versements au titre de cette allocation forfaitaire se sont élevées à 900 millions de francs pour la période 1987-1994 durant laquelle les différents crédits d'intervention en faveur des français rapatriés d'origine Nord africaine ont quant à eux été de 1,05 milliard de francs, soit au total 1,95 milliards de F (source : délégation aux rapatriés)

Enfin la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie a comme l'indique son intitulé, parachevé le dispositif de mesures spécifiques à la communauté harkie. L'article premier de cette loi adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale constitue un engagement fort de la représentation nationale à l'égard de ceux que Mohand Hamoumou a appelé « les oubliés de l'histoire » :

« Article premier.- : La République française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu'ils ont consentis. »

Le plan prévu par cette loi et par les textes réglementaires en découlant s'est traduit par un ensemble de mesures échelonnées sur cinq années et mises en _uvre à compter du 1er janvier 1995.

Il concrétise la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens membres des formations supplétives, sans oublier la situation particulière de leurs enfants et, dans certains cas, petits-enfants. Le rapport spécial de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2000 de M. Francis Delattre en dresse un bilan quasi exhaustif qui ne sera ici qu'évoqué dans ses grandes lignes. Notons toutefois que le coût global estimé de ce plan était de 2,5 milliards de francs sur lesquels environ 2,350 milliards ont été consommés entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1998.

Le dispositif mis en place pour les anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de guerre repose sur les éléments suivants :

- une allocation forfaitaire de 110 000 francs, en complément de l'indemnité de 60 000 francs accordée par l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987. Les demandes étaient recevables jusqu'au 31 décembre 1997. Au 1er juin 1999, 14 710 dossiers avaient été instruits, pour 17 763 bénéficiaires et une somme totale s'élevant à 1,616 milliard de francs ;

- une aide spécifique de 80 000 francs pour l'accession à la propriété, cumulable avec les aides de droit commun et l'allocation forfaitaire. Les dossier devaient être déposés avant le 30 juin 1999. 793 familles en ont bénéficié entre 1995 et 1998 ;

- un dispositif de résorption du surendettement mis en place au 1er janvier 1995, pour ceux d'entre eux qui sont déjà propriétaires et qui sont confrontés à une situation de surendettement immobilier. La date limite de dépôt des dossiers est également fixée au 30 juin 1999. Cette aide a été versée à 120 familles entre 1995 et 1997. Le 31 mai 1997, ont été publiés un décret et une circulaire portant sur le désendettement immobilier des anciens supplétifs. Une commission départementale, la commission d'aide au désendettement immobilier des anciens membres des formations supplétives et assimilées (COMADEF), a été instituée en lieu et place de la commission centrale compétente jusque là en ce domaine, elle a examiné 124 dossiers pour la seule année 1998.

De plus, pour que le traitement des situations d'endettement immobilier de cette même catégorie de personnes s'effectue sereinement, la mesure de suspension des poursuites adoptée dans le cadre de l'article 101 de la loi de finances pour 1998 tend à éviter la saisie des biens par les créanciers.

- une aide à l'amélioration de l'habitat de 15 000 francs, pouvant être portée exceptionnellement à 50 000 francs pour les propriétaires occupants.

De plus, une attention toute particulière est apportée à deux catégories de personnes :

- une aide spécifique est attribuée aux conjoints survivants des anciens membres des formations supplétives qui ne disposent pas de ressources supérieures ou égales à 4 000 francs par mois ;

- les victimes de la captivité en Algérie bénéficient désormais d'un statut ouvrant droit à pension d'invalidité. Ce statut officiel a été attribué à 852 personnes depuis la mise en _uvre de la mesure.

3.- Des mesures spécifiques en faveur des enfants de harkis

L'accent a tout particulièrement été mis sur les secteurs du logement, de la formation et de l'emploi.

En matière de logement, deux aides non cumulatives sont désormais en vigueur. D'une part l'aide à la réservation de logement d'un montant maximum de 50 000 francs qui est versée aux organismes gestionnaires de logements sociaux ou aux collectivités territoriales et d'autre part une nouvelle aide d'un montant de 10 000 francs destinée à permettre la prise en charge de la caution et des frais liés à l'entrée dans les lieux.

Les aides dans le domaine de la formation sont assez largement diversifiées puisqu'elles consistent aussi bien en dotation de bourses d'études pour les différents niveaux d'enseignement qu'en contrats de qualification et d'apprentissage, en places réservés au sein d'écoles spécialisées ou en stages de formation au permis poids-lourds.

Mais c'est bien entendu le secteur de l'emploi qui constitue le c_ur de ce plan en faveur des enfants de harkis dont l'ambition est de ramener au niveau de la moyenne nationale le taux de chômage de cette population qui était jusqu'alors de l'ordre de 30 % .

Quant aux causes de ce taux élevé de chômeurs, force est de constater qu'elles sont essentiellement au nombre de deux, à savoir le faible niveau de qualification de ces jeunes et l'attitude des employeurs à l'égard des personnes d'origine maghrébine.

Le dispositif de la convention-emploi, amélioré par la circulaire du 31 mai 1999, prévoit le versement de 70 000 francs aux employeurs de Français musulmans rapatriés primo-demandeurs ou chômeurs de longue durée ou en cas de mise en place d'un plan de formation. L'aide à la création ou reprise d'entreprise qui se traduit par une subvention plafonnée à 50 % du coût du projet dans la limite de 80 000 francs. Enfin l'aide à la mobilité qui est désormais modulée selon la distance, à savoir 6 000 francs pour un changement de résidence compris entre 10 et 50 kilomètres et de 30 000 francs au-delà.

Ce caractère prioritaire, qui s'inscrit pleinement dans la politique en faveur de l'emploi menée par le Gouvernement depuis le mois de juin 1997, se traduit également par la fixation d'objectifs en ce qui concerne le recrutement de 1 800 jeunes sur des contrats emplois-jeunes (1 100 recrutés au 30 septembre 1999), ainsi que la création et le développement dans vingt-cinq départements en 1999 de cellules pour l'emploi constituées de professionnels du reclassement dans le secteur marchand et fonctionnant selon les méthodes de suivi des cellules de conversion. Après un an et demi de fonctionnement, un peu plus de 1 300 insertions ont été réalisées dont les trois quarts dans les services marchands, à titre d'exemple les cellules mises en place dans les Bouches du-Rhône ont permis de faire chuter le taux de chômage des plus de 30 ans de 30 à 17 % .

La mise en _uvre de ces mesures nouvelles (janvier 1998), additionnées aux dispositifs antérieurs, ont abouti à plus de 7 000 insertions de cette population dans la vie active, soit une progression de 75 % par rapport aux périodes précédentes.

Aussi pour la période 1999 et plus, les crédits en faveur des harkis se décomposent ainsi :

(millions de francs)

Poursuite du plan sur 1999 et 2000 en application de la circulaire du 31 mai 1999

199

Rente viagère avec effet rétroactif au 1er janvier 1999 (pendant sa durée d'application)

1 200

Plan de l'office national des forêts (embauche 100 jeunes pour assurer la protection de la forêt méditerranéenne)

675

(coût décennal)

Contrats de plan Etat-région

100

Total

2 173

(source : délégation aux rapatriés)

Au terme de ce bref rappel de la situation des harkis et de leurs enfants, le rapporteur ne peut que constater la vacuité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur ce sujet, d'une part parce qu'elle ne ferait que reprendre les éléments dont dispose la délégation aux rapatriés et déjà communiqués au Parlement, et d'autre part parce que les causes du chômage de cette population ne sont malheureusement que trop bien connues. Il faut ajouter, pour répondre au légitime souci des signataires de cette résolution de voir les associations consultées, que la circulaire du 31 mai 1999 crée un comité national de suivi où siégeront les représentants des harkis.

Comme l'a récemment dit la sociologue Dominique Schnapper en introduction à un colloque qui leur était consacré, « depuis 1962, les harkis ont été aidés et assistés, mais ce n'est pas l'assistance qu'ils demandent aujourd'hui, c'est la reconnaissance, dans tous les sens du terme. Comme tous les citoyens d'une société démocratique, autant que tous les autres, ils ont droit à la vérité et à la justice. »

Le rapporteur incline à penser que c'est bien là, à côté de l'ensemble des dispositifs de réparation qui mériteraient sans doute d'être prolongés d'une année supplémentaire, la revendication cardinale qui ressort des différentes manifestations publiques de la communauté harkie et à laquelle répond, par exemple, l'annonce par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité de l'installation prochaine d'une stèle commémorative dans la commune de Bias qui a été pour eux un lieu d'accueil important.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 1879 .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 8 décembre 1999.

Après l'exposé du rapporteur, M. François Goulard a considéré que l'excellent travail du rapporteur permettait de disposer d'un panorama complet et non partisan sur un sujet difficile et humainement douloureux. Pour autant, un malaise demeure au sein de la communauté harkie. Ainsi, le 11 novembre 1999, à l'occasion des manifestations commémoratives sous l'Arc de Triomphe, des incidents ont opposé des associations de harkis avec la police, ce qui est symptomatique de la difficulté pour cette communauté de s'exprimer et se faire entendre. De même, se déroulent encore des grèves de la faim et des occupations de permanences parlementaires, expression d'un malaise latent et d'un manque de reconnaissance.

Il est donc important de faire le point sur la situation des harkis et de comprendre pourquoi il est encore nécessaire, quarante ans après, de prolonger les dispositifs particuliers qui les concernent. Il y a en effet un problème d'efficacité collective, au vu des dysfonctionnements subsistant en dépit des efforts consacrés par les gouvernements successifs. La création d'une commission d'enquête est donc nécessaire.

M. Pierre Hellier a estimé que la situation actuelle des Harkis méritait encore des efforts particuliers.

M. Georges Colombier a souligné la difficulté pour les Harkis de ne pas être considérés comme des Français à part entière.

M. Christian Kert a rappelé quelques actions exemplaires d'intégration des Harkis menées en particulier dans les Bouches-du-Rhône.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a indiqué que la méthode de la commission d'enquête n'était pas la mieux appropriée étant donné la difficulté pour tous les intervenants de trouver des interlocuteurs tout à la fois stables et représentatifs. Les questions posées par la proposition de résolution ont en réalité déjà trouvé leur réponse pour une grande part dans la loi du 11 juin 1994. Le contrôle public, réalisé par l'IGAS, permet d'ores et déjà de vérifier son application.

Le président Jean Le Garrec a indiqué qu'il allait, au nom de la commission, écrire à la ministre en charge du dossier afin d'attirer son attention sur les problèmes soulevés par la proposition de résolution et par l'excellent rapport de M. Serge Blisko.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.