Document

mis en distribution

le 25 septembre 2000

graphique

N° 2587

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 septembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2469) de M. Pierre MORANGE tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux conséquences pour les assurés, les professionnels de santé et les établissements de soins, des retards de paiement des caisses d'assurance maladie,

PAR M. Claude EVIN,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Assurance maladie maternité : généralités.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Jean-Pierre Foucher, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM.  Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschiéri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial,  Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Michel Charzat, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, René Couanau, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Michel Etiévant, Claude Evin, Jean Falala, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Michel Fromet, Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Marie Geveaux, Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. Francis Hammel, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Serge Janquin, Jacky Jaulneau, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, MM. Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, MM.  Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Mme Catherine Picard, MM. Dominique Paillé, Michel Pajon, Jean-Pierre Pernot, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Marcel Rogemont, Yves Rome, Joseph Rossignol, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, André Thien Ah Koon, Mme Marisol Touraine, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Alain Veyret, Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

INTRODUCTION

Le 13 juin 2000, M. Pierre Morange a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n° 2469) tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux conséquences pour les assurés, les professionnels de santé et les établissements de soins, des retards de payement des caisses d'assurance maladie.

Selon l'auteur de la proposition de résolution, la création d'une commission d'enquête est justifiée par les nombreux dysfonctionnements à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et dans les caisses primaires (CPAM), qui ont entraîné une accumulation de dossiers en instance de liquidation depuis 1999 et en conséquence des retards importants pour le remboursement des soins.

I. - La recevabilité de cette proposition de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première condition de recevabilité est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. La proposition de résolution visant à étudier l'organisation et le fonctionnement d'un établissement public et d'organismes privés chargés d'une mission de service public, on peut considérer que cette condition est remplie.

La seconde condition, plus substantielle, concerne la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution étant peu susceptibles de caractériser une infraction pénale, il est donc possible de considérer cette proposition de résolution comme parfaitement recevable.

II. - L'opportunité de créer une commission d'enquête sur l'organisation et le fonctionnement de la CNAM n'est, en revanche, pas avérée.

Il est indéniable que les assurés ont eu à subir un allongement certain des délais de remboursement depuis le deuxième semestre 1999. La mise en place, à des dates différentes selon les caisses primaires, d'un nouveau logiciel de liquidation a nécessité un certain temps d'adaptation pour les agents et a imposé un jour de travail en plus au niveau des contrôles informatiques. Le passage à l'année 2000 a également eu pour conséquence la suspension de l'activité de liquidation pendant une journée. Il en est résulté des retards exceptionnels de traitement des feuilles de soins, avec 14,2 millions de dossiers non traités en janvier 2000, qui n'ont été rattrapés que partiellement.

En effet, les caisses primaires ont alors eu à faire face au surcroît de travail généré par la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU). Les agents des caisses ont dû recevoir les personnes qui pouvaient en bénéficier pour les aider à remplir les formulaires, vérifier les conditions de ressources pour l'ouverture des droits et mettre à jour les cartes Vitale. Les caisses devront également vérifier, entre octobre et décembre 2000, que les anciens bénéficiaires de l'aide médicale gratuite des départements qui avaient été automatiquement basculés vers la CMU en janvier remplissent toujours les conditions de ressources requises. Elles devront aussi renouveler les droits des nouveaux bénéficiaires affiliés à la CMU en janvier 2000. Au total, les caisses primaires devront donc traiter en trois mois 1,7 million de dossiers CMU, ce qui risque à nouveau d'entraîner des retards de liquidation des feuilles de soins.

Pour résorber le stock de dossiers en instance, les caisses primaires ont été amenées à réduire leurs heures d'ouverture au public, voire à fermer leurs guichets et ne plus répondre aux appels téléphoniques certains jours. Par ailleurs, des recrutements supplémentaires ont eu lieu, après accord de la tutelle ministérielle : 1 400 postes dès octobre 1999 et de nouveau 600 postes (dont 500 emplois-jeunes) en février 2000. En raison de la trop lente montée en charge de la télétransmission des feuilles de soins1, les caisses envisagent également de recourir à la scannerisation pour écluser le stock de dossiers encore en instance.

De ce fait, dès avril 2000, le solde des dossiers restant à traiter en fin de mois est revenu au niveau atteint les années antérieures à la même époque, ce qui traduit un rattrapage important des dossiers en instance de remboursement. Entre décembre 1999 et mai 2000, les soldes de dossiers en instance ont ainsi diminué de l'équivalent de 1,7 jour de liquidation alors que, l'année précédente, ils avaient au contraire augmenté de 1,3 jour durant la même période. Selon les dernières informations statistiques disponibles fournies par la CNAM, le solde des dossiers à traiter à la fin du mois d'août 2000 est équivalent à 5,4 jours ouvrés, ce qui correspond au solde observé il y a un an.

Dossiers en instance dans les CPAM

Soldes en nombre de jours ouvrés de traitement

Jan.

Fév.

Mars

Avr.

Mai

Juin

Juil.

Août

Sep.

Oct.

Nov.

Déc.

1998

4,4

5,1

3,7

6,2

3,6

2,2

4,2

4,4

2,2

2,0

2,0

3,6

1999

3,3

3,4

3,0

5,6

4,9

4,2

5,7

5,5

4,9

5,5

6,0

5,7

2000

7,6

7,0

5,4

6,0

4,0

3,5

5,6

5,4

-

-

-

-

Soldes en nombre de dossiers (en millions) pour l'année 2000

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

14,5

15,3

11,4

11,7

8,7

7,2

9,8

8,5

Il est donc faux d'affirmer que la situation n'est pas contrôlée car la CNAM s'est réellement donnée les moyens de faire face à une situation exceptionnelle. Les agents des caisses ont effectué un travail remarquable, dans des conditions souvent difficiles, pour s'adapter à des tâches entièrement nouvelles pour eux. Il n'y a donc aucune raison de vouloir enquêter spécifiquement sur des problèmes connus, circonscrits et qui relèvent de la gestion normale d'un service public. La CNAM s'est d'ailleurs explicitement engagée, dans le cadre de la « charte de la qualité du service » adoptée en janvier 1998 et qui constitue l'avenant n° 1 à la convention d'objectifs et de gestion, à abaisser le solde moyen de dossiers en instance en fin de mois de 4,1 jours à 3 jours.

En outre, ces problèmes ne doivent pas être étudiés dans le cadre d'une commission d'enquête, mais à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui permet au Parlement de se prononcer chaque année sur le système de santé et l'assurance maladie. Il revient aux commissions chargées des affaires sociales de chaque assemblée d'effectuer le suivi de l'application des lois (loi de financement de la sécurité sociale, loi instituant la CMU), qui relève pleinement de leurs attributions. Il faut rappeler notamment que les rapporteurs de la loi de financement suivent et contrôlent, sur pièces et sur place, son application et peuvent se faire communiquer tout document ou renseignement d'ordre administratif et financier de nature à faciliter leur mission.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 2469.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa première séance du mercredi 20 septembre 2000.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Pierre Morange a considéré que la proposition du rapporteur consistant à rejeter la création d'une commission d'enquête revenait à valider le caractère chronique des retards de paiement dans la branche maladie. Il convient au contraire d'apporter une réponse aux attentes de la population qui refuse une telle institutionnalisation des retards de paiement. Le problème est d'ailleurs loin d'être résolu, en dépit de l'inflexion de tendance relevée par le rapporteur, car les caisses devront faire face au traitement de 1,7 million de dossiers CMU d'ici la fin de l'année 2000.

M. Maxime Gremetz a relevé, en tant que membre du conseil de surveillance de la CNAM, le caractère incontestable des retards de paiement. Il est toutefois hors de question de jeter la suspicion sur le travail des employés des caisses par la création d'une commission d'enquête. Il serait plus utile de s'interroger sur l'application des 35 heures à la sécurité sociale et sur les conditions de création d'emplois permettant d'améliorer la qualité du service rendu.

M. Alfred Recours a constaté que la création d'une commission d'enquête était inutile car les problèmes évoqués sont parfaitement connus.

M. Pierre Morange a fait valoir que d'éventuelles conclusions ne pourraient être dégagées qu'à l'issue de la commission d'enquête et que si les causes sont connues, cela montre l'incapacité d'y apporter des solutions. Il n'est pas évident au demeurant que cette connaissance soit exhaustive.

Le président Jean Le Garrec a fait observer qu'on ne saurait nier l'importance du sujet et que les dysfonctionnements évoqués dans la proposition de résolution sont connus. Toutefois, la situation est très variable selon les caisses. De surcroît, s'il est nécessaire de faire preuve de vigilance, il ne faut pas prendre l'habitude de créer des commissions d'enquête, structure lourde et complexe, sur tous les problèmes. Cette procédure doit rester exceptionnelle pour donner de bons résultats, comme l'atteste le remarquable travail de la commission d'enquête sur les prisons. Les questions soulevées dans la proposition de résolution relèvent du rôle de contrôle du rapporteur pour l'assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui peut effectuer des contrôles sur pièces et sur place. La Cour des comptes a également évoqué ce problème dans son rapport sur la sécurité sociale en 2000 et peut être sollicitée pour approfondir ses conclusions.

M. Jean-Pierre Foucher a constaté que de tels propos sont toujours tenus quand la demande de création d'une commission d'enquête émane de l'opposition. Il est légitime de solliciter les rapporteurs mais les autres membres devraient alors être associés aux travaux des rapporteurs. Mais il est vrai que si le dépôt de cette résolution a permis d'avoir un débat, la création d'une commission d'enquête serait une procédure trop lourde.

M. Maxime Gremetz a rappelé que la CNAM travaille déjà sur ce sujet et a suggéré qu'elle présente un rapport à son conseil de surveillance qui serait transmis au Parlement.

M. Pierre Morange a exprimé son scepticisme quant à l'objectivité de la CNAM.

Le rapporteur a précisé que la convention d'objectifs et de gestion contient un objectif de qualité du service à l'usager et que le conseil de surveillance a vocation à demander des chiffres sur l'application de cette convention. Le Parlement est destinataire des rapports du conseil de surveillance. Si la durée moyenne de traitement des dossiers de liquidation est en baisse, il convient toutefois de rester vigilant sans recourir pour autant à la création d'une commission d'enquête.

Le président Jean Le Garrec a souhaité que le problème soit suivi attentivement par le rapporteur, en relation avec les parlementaires intéressés, et que la commission bénéficie en outre des réflexions de la Cour des comptes et du conseil de surveillance de la CNAM.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

2587 - Rapport de M. Claude Evin tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux conséquences pour les assurés, les professionnels de santé et les établissements de soins, des retards de paiement des caisses d'assurance maladie,

1 Selon un décompte arrêté par la CNAM en août 2000, 50 % des médecins généralistes télétransmettent des feuilles de soins, contre seulement 17,35 % des spécialistes.