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le 15 mai 2001

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N° 3043

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 mai 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2930) de M. André ASCHIERI visant à la création d'une commission d'enquête relative aux circonstances dans lesquelles s'est déroulée la campagne de vaccination de masse contre l'hépatite B, à la responsabilité de l'Etat en la matière, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes,

PAR M. Philippe NAUCHE,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Santé.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; M. André Aschieri, Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Gautier Audinot, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Danielle Bousquet, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Philippe Chaulet, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, , M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, M. Guy Hermier, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M. Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Patrick Jeanne, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M. Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri; M. Yves Nicolin, , M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Jean-Pierre Pernot, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, Mme Catherine Picard, M. Jean-Luc Préel, M. Jacques Rebillard, M. Alfred Recours, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Joseph Rossignol, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Patrick Sève, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 7

I.- LE RISQUE MÉDICAL DU VACCIN CONTRE L'HÉPATITE B 9

A. DONNÉES MÉDICALES ET ÉPIDÉMIOLOGIQUES 9

1. L'hépatite B 9

2. La situation épidémiologique 9

B. LA POLITIQUE VACCINALE : OBJECTIFS, RÉSULTATS ET EFFETS SECONDAIRES SUSPECTÉS 10

1. La politique vaccinale en France et en Europe 10

2. L'existence suspectée d'effets secondaires 13

C. RÉSULTATS DES ÉTUDES SCIENTITIFIQUES SUR LES RISQUES LIÉS À LA VACCINATION 14

1. Évaluation du rapport bénéfices-risques de la vaccination contre l'hépatite B 14

II.- LA POLITIQUE DE COMMUNICATION DE 1994 ET 1995 EN FAVEUR DE LA VACCINATION 19

A. AMPLEUR DE LA CAMPAGNE 19

B. ERREURS DE COMMUNICATION OU CHOIX CONDAMNABLES ? 20

CONCLUSION 23

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

ANNEXE  : COMMUNIQUÉ DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ DU 25 MAI 2000 SUR L'INDEMNISATION POUR VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B 29

INTRODUCTION

Le 28 février 2001, M. André Aschieri a déposé une proposition de résolution (n° 2930) visant à créer une commission d'enquête sur les circonstances de la campagne de vaccination de masse de l'hépatite B en France, ainsi que sur les responsabilités de l'Etat en la matière sur la prise en charge et l'indemnisation des victimes.

A l'appui de sa demande de commission d'enquête, M. André Aschieri met en avant ce qu'il appelle une « croisade sanitaire » lancée en 1994 par M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé, ayant conduit vingt-cinq millions de personnes à se faire vacciner et pose la question du lien de causalité entre cette campagne et les maladies observées chez un certain nombre de personnes vaccinées.

Avant d'étudier l'opportunité de créer une commission d'enquête pour répondre à ces questions, il convient en premier lieu d'examiner la recevabilité de la proposition de résolution.

Celle-ci doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première condition de recevabilité est relative à la définition précise qui doit être donnée des faits pouvant donner lieu à enquête. En l'espèce, la proposition de résolution apparaît suffisamment détaillée puisqu'elle fait référence à des campagnes de vaccination ainsi qu'à la situation des 1 800 personnes qui s'estiment victimes de la vaccination. On peut donc considérer que cette condition est remplie.

La seconde condition concerne la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire qui interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre du 21 mars 2001 adressée à M. le président de l'Assemblée nationale, Mme Marylise Lebranchu, garde des Sceaux et ministre de la justice, a indiqué qu'une information judiciaire a été ouverte le 29 mai 1998 au Tribunal de grande instance de Paris du chef d'homicide involontaire, à la suite du dépôt de plainte avec constitution de partie civile d'une famille dont l'enfant est décédé peu de temps après une vaccination contre l'hépatite B. Dans cette lettre, la ministre de la justice laisse à l'Assemblée nationale « le soin d'apprécier si cette procédure est de nature à faire obstacle à la création d'une telle commission d'enquête. »

Dans ces conditions, il appartient à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de se prononcer sur la recevabilité de la présente proposition de résolution. En effet, l'existence de poursuites judiciaires n'est pas à elle seule une cause d'irrecevabilité d'une demande de constitution de commission d'enquête mais il s'agit d'un élément important à prendre en compte pour limiter les pouvoirs d'investigation de ladite commission dans la mesure de l'étendue des faits dont est saisie, pour sa part, l'autorité judiciaire. A plusieurs reprises, l'Assemblée nationale a ainsi décidé de constituer une commission d'enquête malgré l'existence de poursuites judiciaires dès lors que ces faits étaient écartés de son champ d'investigation.

En ce qui concerne le champ d'investigation de la commission d'enquête, il ressort clairement de l'exposé des motifs que celui-ci comprend deux éléments principaux :

1° l'existence ou non d'un risque médical lié à la vaccination contre l'hépatite B,

2° les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la campagne de vaccination de masse contre l'hépatite B en 1994-1995.

La mission assignée à la commission d'enquête serait donc double : définir une politique publique en matière de vaccination contre l'hépatite B ; faire la lumière sur les décisions prises par les responsables de la santé publique en 1994 et 1995.

Il convient d'examiner l'opportunité d'une commission d'enquête sur l'un et l'autre point.

I.- LE RISQUE MÉDICAL DU VACCIN CONTRE L'HÉPATITE B

A. DONNÉES MÉDICALES ET ÉPIDÉMIOLOGIQUES

1. L'hépatite B

Le virus de l'hépatite B (VHB), comme celui de l'hépatite C, est le principal facteur de survenue du cancer du foie. Il se transmet par le sang, par voie sexuelle et par transmission de la mère à l'enfant lors de l'accouchement et est présent dans les autres liquides biologiques. Cliniquement, l'infection n'est pas détectée dans plus de deux tiers des cas, le sujet porteur chronique constituant ainsi une source possible de contamination secondaire sans le savoir.

La primo-infection virale peut donner lieu à des signes cliniques plus ou moins marqués dans 20 à 40 % des cas (forme symptomatique). Plus rarement (1 % des formes ictériques à 1 0/00 du total des primo-infections), la maladie prend une forme fulminante, laquelle s'avère dans 80 % des cas mortelle.

Dans 2 à 5 % des cas, la maladie évolue vers une hépatite chronique ; dans 20 à 30 % des cas, en général après plus de dix ans, une cirrhose survient qui peut se développer en un carcinome hépatocellulaire.

On estime qu'environ 10 % des décès par maladie chronique du foie (cirrhose) et par hépatocarcinome sont liés au virus de l'hépatite B. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), évalue ainsi à près de 1 000 le nombre des personnes qui meurent chaque année en France des complications d'une hépatite chronique à virus B.

S'agissant des traitements, il faut souligner l'absence de solution curative définitive. L'« Interféron alpha » et autres antiviraux en cours d'évaluation ne sont en effet que d'une efficacité partielle. La prévention repose ainsi sur le dépistage de certaines populations (donneurs de sang, dialysés, femmes enceintes), le renforcement des précautions universelles, la sensibilisation des groupes « à risque » (homosexuels, personnes à partenaires sexuels multiples, toxicomanes) et la vaccination.

2. La situation épidémiologique

Les connaissances épidémiologiques sur l'hépatite B sont imparfaites et il faut donc s'en remettre aux estimations sur la prévalence de la maladie. On estime ainsi qu'en France près de 100 000 personnes seraient porteurs chroniques, soit 0,17 % de la population, dont on peut souligner la grande hétérogénéité selon l'âge, le sexe et l'origine géographique. Cependant, le risque de contracter une hépatite B n'est pas uniforme au cours de la vie : très faible dans l'enfance, il croît à partir de l'adolescence, connaît un pic dans la tranche de population âgée de 20 à 29 ans pour décroître ensuite.

La France fait partie de la zone géographique de faible prévalence (inférieure à 2 %) qui comprend l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord (12 % de la population mondiale). La zone de prévalence moyenne (2 à 7 %) regroupe l'Europe de l'Est, le bassin méditerranéen et l'Amérique du Sud (43 % de la population mondiale), tandis que celle de forte prévalence (supérieure à 8 %) se trouve dans le continent asiatique (45 % de la population mondiale).

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS)1, on estime à 4 millions le nombre d'infections aiguës à VHB survenant chaque année dans le monde et à 350 millions le nombre de porteurs chroniques du VHB, dont près de 25 % décéderont d'une cirrhose ou d'un cancer primaire du foie, maladies qui tuent plus d'un million de personnes par an.

En France, les données sur l'incidence proviennent du réseau de médecins généralistes « Sentinelle ». Le nombre d'hépatites aiguës B symptomatiques était estimé à 8 000 en 1994 ; il serait de 2 500 à 3 000 actuellement. On observe une dizaine de cas d'hépatites fulminantes par an mais le profil épidémiologique des malades est mal connu.

B. La politique vaccinale : objectifs, résultats et effets secondaires suspectés

1. La politique vaccinale en France et en Europe

La France a été l'un des premiers pays à développer cette vaccination dès 1981 avec les premiers vaccins issus de plasmas humains, remplacés à partir de 1988 par des vaccins issus du génie génétique.

Durant la décennie 80, les recommandations se sont appliquées aux groupes à risque : professionnels de santé, toxicomanes, sujets à partenaires sexuels multiples. Ces recommandations ont été transformées en obligation vaccinale pour les professionnels de santé des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins « exerçant une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination » avec la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991.

Parallèlement des études menées à l'étranger, en particulier aux Etats-Unis en 1991, concluaient à l'efficacité maximale de la stratégie visant à vacciner l'ensemble des enfants à la naissance associée à un rattrapage chez les adolescents (âge où commencent à s'observer des comportements à risque), ce qui permettrait de réduire l'incidence des infections de moitié en l'espace de dix ans. Les Etats-Unis et le Canada modifièrent en conséquence leur calendrier vaccinal et l'OMS intégra cette stratégie au sein du « Programme élargi des vaccinations ». Il est vrai qu'au niveau mondial, l'hépatite B peut être qualifiée de problème majeur de santé publique. Une résolution fut ainsi adoptée en 1992 au sein de l'OMS recommandant une politique de vaccination large contre l'infection et préconisant la vaccination « universelle » des nourrissons et/ou des préadolescents dans tous les pays.

Aujourd'hui, on compte quatre-vingt-neuf pays qui vaccinent les nourrissons mais les politiques vaccinales restent très différentes, y compris en Europe comme l'illustre le tableau ci-après.

PROGRAMMES DE VACCINATION

CONTRE L'HEPATITE B EN EUROPE

PAYS

NOURISSONS

ADOLESCENTS

Autriche

oui

non

Belgique

oui

oui

Danemark

non

non

Finlande

non

non

France

oui

oui

Allemagne

oui

non

Grèce

oui (98)

non

Irlande

non

non

Italie

oui

oui

Luxembourg

non

non

Pays-Bas

non

non

Portugal

oui

+ / -

Espagne

+ / -

oui

Suède

non

non

Royaume-Uni

non

non

Suisse

non

oui (98)

( Source : ministère chargé de la Santé)

La France a adopté rapidement cette stratégie en 1993 avec pour objectif de diminuer l'incidence de la maladie de 90 % d'ici 2015. Une campagne nationale en faveur de la vaccination, largement reprise par la presse, a été ainsi lancée en 1994 et 1995. La campagne scolaire de vaccination a débuté à la rentrée 1994 à destination des enfants en classe de sixième avec les résultats suivants : 495 000 enfants vaccinés en 1994/1995 (57,2 % de la tranche d'âge), 375 000 en 1995/1996 (44,1 %) et 313 000 en 1996/1997 (37,8 %). La décroissance observée ne traduit pas un fléchissement de la vaccination, puisque parallèlement 15,9 %, 29,4 % et 38,8 % de la tranche d'âge étaient vaccinés par leur médecin traitant.

Au total, selon l'étude conduite en février 2000 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) sur les données et les études de pharmacovigilance concernant l'hépatite B, 83 millions de doses vaccinales ont été vendues en France ; entre 20,7 et 27,5 millions de personnes sont aujourd'hui vaccinés dont environ 8,9 sont des enfants âgés de 15 ans au moins, ce qui place la couverture vaccinale française parmi les plus élevées au monde.

2. L'existence suspectée d'effets secondaires

a) Nature de ces effets secondaires

L'association « REVAHB », dont le sigle signifie « Réseau Vaccin Hépatite B », créée en février 1997 par des personnes qui seraient atteintes d'effets secondaires graves apparus après une vaccination contre l'hépatite B ou leurs proches, a recensé les effets secondaires suivants :

- les principales affections seraient des maladies neurologiques au premier rang desquelles la sclérose en plaques mais aussi plus rarement des myélites (inflammations de la moelle épinière), la maladie de Guillain-Barré (paralysie des nerfs périphériques des membres), une névralgie amyotrophique de l'épaule ou une surdité brusque ;

- pourraient également être recensées des maladies auto-immunes : lupus, périartérite noueuse, polyarthrite rhumatoïde, maladies thyroïdiennes telle que la thyroïdite de Hashimoto selon le Professeur Marcel-Francis Khan, diabète insulino-dépendant ;

- s'y ajouteraient encore des affections ophtalmologiques spécifiques (uvéite, occlusion de la veine centrale de la rétine...) ou des maladies hématologiques telles que le purpura thrombopénique (baisse des plaquettes) ou l'aplasie médullaire (destruction des cellules sanguines de la moelle osseuse parfois mortelle).

b) Importance quantitative de ces effets secondaires

Selon le REVAHB, les déclarations des complications post-vaccinales sont sous-estimées dans le système français de pharmacovigilance ; le croisement des dossiers recensées par l'association avec ceux de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), avec laquelle elle collabore depuis février 1998, a de fait démontré que 70 % des dossiers transmis par le REVAHB n'étaient pas connus de l'Agence et qu'il existait peu de doublons. A ce jour, environ 1 800 personnes ont déclaré à l'association un effet secondaire grave succédant chronologiquement à leur vaccination contre l'hépatite B. D'après une étude statistique menée par le REVAHB sur 850 de ces personnes, deux tiers sont des femmes, plus de 40 % sont de jeunes adultes et la majorité des accidents post-vaccinaux, 41,5 % exactement, sont de nature neurologique avec 17 % de scléroses en plaques.

L'AFSSAPS, dans l'étude précitée en date de février 2000, a pour sa part retenu 636 cas d'affections démyélisantes centrales et 87 cas d'atteintes périphériques.

C. RÉSULTATS DES ÉTUDES SCIENTITIFIQUES SUR LES RISQUES LIÉS À LA VACCINATION

Plusieurs études ont été conduites en France et à l'étranger à la fin des années 1990 pour répondre aux inquiétudes soulevées par des associations de patients, des médecins et des journalistes.

1. Évaluation du rapport bénéfices-risques de la vaccination contre l'hépatite B

a) En 1998

Une comparaison des bénéfices/risques de la vaccination a ainsi été menée par le Réseau national de santé publique (RNSP) en septembre 1998.Cette première étude présentait les conclusions suivantes :

« Chez l'adulte :

La mise en évidence par les enquêtes cas-témoin d'une possible association entre vaccination hépatite B et premier épisode d'atteinte démyélinisante aiguë ne constitue pas un argument suffisant pour modifier la stratégie de vaccination de l'adulte. En effet les indications actuelles pour cette tranche d'âge sont limitées aux sujets à risque d'infection par le virus de l'hépatite B, pour lesquels au niveau individuel, le bénéfice de la vaccination dépasse très largement le possible risque. Ces résultats pourraient cependant conduire à renforcer le message selon lequel la vaccination hépatite B chez l'adulte devrait être limitée, en dehors des obligations vaccinales, aux sujets présentant un réel facteur de risque d'infection.

Chez le nourrisson :

(...) l'absence de signalement d'effets indésirables neurologiques sévères n'apporte pas d'argument en faveur d'une remise en cause de l'intégration de la vaccination hépatite B dans le calendrier vaccinal du nourrisson, (...).Ces résultats pourraient conduire à renforcer le message de l'intérêt d'une vaccination la plus précoce possible, à un âge où elle est parfaitement tolérée et de plus particulièrement immunogène.

Chez le grand enfant et l'adolescent :

En ce qui concerne les enfants entre 7 et 15 ans, il n'est pas possible à ce jour de conclure à une éventuelle responsabilité de la vaccination dans la survenue des quelques accidents neurologiques notifiés (...)

Parmi les remarques finales du RNSP, on peut retenir les considérations suivantes :

· « Les données disponibles plaident en faveur d'un risque qui, s'il existe, est très faible.

· Du point de vue de la collectivité, les risques liés à l'hépatite B apparaissent supérieurs à l'éventuel risque de la vaccination, même pour le niveau actuel d'incidence. Quel que soit le scénario considéré, le risque, dans l'hypothèse possible mais non démontrée d'une association causale entre vaccination et survenue d'une première atteinte démyélinisante centrale, reste inférieur aux bénéfices cumulés de la vaccination pendant 20 ans. (...)

· A moins de remettre en cause l'objectif de contrôle voire d'élimination de l'hépatite B en France, l'interruption de la vaccination des pré-adolescents, cible de la vaccination adoptée conformément aux recommandations de l'OMS, ne devrait être envisagée qu'à la condition que des couvertures vaccinales très élevées puissent être atteintes chez le nourrisson. »

A la suite de cette étude et d'autres documents scientifiques relatifs à la vaccination contre l'hépatite B, le secrétaire d'Etat à la santé, M. Bernard Kouchner, décida de rendre publiques ces études et de modifier la stratégie vaccinale de la France. Dans son communiqué du 1er octobre 1998, il soulignait l'absence d'un lien causal démontré entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'atteintes démyélinisantes du système nerveux central (ADSNC). Cependant, déclarait-il, « on ne peut pas exclure que la vaccination puisse révéler ou faciliter le développement de ces affections chez certains vaccinés ».

S'agissant des données issues de la pharmacovigilance, il observait que le nombre des cas observés était voisin du nombre de cas attendus sans écarter toutefois la possibilité d'un phénomène de sous-notification, « classique en (la )matière ».

Enfin, à propos des données épidémiologiques sur l'hépatite B en France, il estimait comme étant la plus plausible l'hypothèse de 3 000 hépatites B symptomatiques aiguës par an, 200 et 500 hépatites chroniques, conduisant à terme à environ 50 à 120 cirrhoses et cancers annuels.

En conséquence, plusieurs mesures ont été décidées en faveur d'une « stratégie vaccinale mieux ciblée, selon des modalités plus propices à une bonne appréciation du risque individuel à l'égard de l'hépatite B comme de l'éventuel risque vaccinal ». Cette révision a notamment conduit :

- à limiter la vaccination pour les adultes aux personnes « à risque » ;

pour les préadolescents et les adolescents, à suspendre la vaccination systématique en milieu scolaire au collège « sans préjudice des actes de vaccination individuels » ;

- à ne pas remettre en cause la vaccination recommandée chez les nourrissons.

Dans le même communiqué, le secrétaire d'Etat à la santé annonçait par ailleurs la poursuite des études sur le risque vaccinal et la mise en place d'une surveillance épidémiologique et d'un suivi renforcés.

b) En 2000

Une nouvelle réunion rassemblant des cliniciens, des épidémiologistes français et étrangers et des représentants de l'AFSSAPS, de la direction générale de la santé (DGS) et de l'Institut de veille sanitaire (« successeur » du RNSP), a été organisée fin février 2000 avec pour objectif de réexaminer la sécurité des vaccins contre l'hépatite B sur la base de données actualisées de la notification spontanée au système national de pharmaco-vigilance, des observations fournies par l'association REVAHB, et des résultats de nouvelles études épidémiologiques.

Dans le communiqué du 6 mars 2000 présentant les conclusions de cette réunion, on peut retenir les déclarations suivantes :

- « Le réexamen des données tant épidémiologiques qu'issues de la notification de pharmacovigilance ne permet pas de conclure sur l'existence d'une association entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'atteintes démyélinisantes ou d'affections auto-immunes ;

- les résultats permettent d'exclure l'existence d'un risque élevé d'atteintes démyélinisantes ou d'affections auto-immunes associées à la vaccination contre l'hépatite B ;

l'existence d'un risque faible d'atteintes démyélinisantes ou d'affections auto-immunes associées au vaccin contre l'hépatite B ne peut pas être exclue, notamment chez certaines personnes présentant des facteurs de sensibilité particuliers »

Le communiqué notait par ailleurs que sur les 1,8 million de nourrissons2 vaccinés en France, aucune affection neurologique démyélinisante n'a pu être constatée à ce jour dans ce groupe d'âge.

Il concluait qu'« aucun argument nouveau ne remet en cause les stratégies de vaccination qui avaient été adoptées en octobre 1998 » : vaccination obligatoire des personnels de santé exposés ; recommandation de vaccination des personnes qui présentent des risques individuels de contamination soit en fonction de leurs comportements (usagers de drogue intra-veineuse, partenaires sexuels multiples et rapports non protégés), soit en fonction d'une exposition particulière (du fait d'un traitement, d'une activité professionnelle, de voyage en zone de forte endémie...), tels qu'ils sont indiqués dans le calendrier vaccinal. Enfin, il confirmait l'abandon de la campagne collective de vaccination des enfants de classe de sixième, compte tenu de « l'ensemble des éléments disponibles », la vaccination des nourrissons dans la première année de vie demeurant quant à elle « recommandée ».

D'autres études menées notamment au Canada et aux Etats-Unis, où la décision française d'interrompre la campagne scolaire de vaccination avait suscité de nombreuses interrogations de la part des sociétés savantes et des organisations de sécurité sanitaire, ont toutes écarté le lien de causalité directe entre la vaccination et la survenue de maladies démyélisantes du système nerveux central telles que la sclérose en plaques.

*

Il semble donc que l'on puisse à ce jour retenir trois hypothèses qui pourraient expliquer les cas de maladies démyélisantes survenus après la vaccination :

- soit l'hypothèse de la coïncidence en raison du grand nombre de doses du vaccin qui ont été administrées en particulier à des sujets de la tranche d'âge dans laquelle la sclérose en plaques se déclare habituellement ;

- soit l'hypothèse du déclenchement de la maladie par la vaccination, le vaccin pouvant alors agir comme le facteur déclenchant chez des individus prédisposés à la sclérose ou à d'autres maladies démyélisantes, qui auraient de toutes façons développé une démyélinisation ;

- soit l'hypothèse d'effets secondaires pouvant être graves causés par le vaccin.

Il convient à ce stade de rappeler que l'on ne connaît toujours pas aujourd'hui la ou les causes de la sclérose en plaques ; si la thèse de la prédisposition génétique est la plus communément admise, confortée par de nombreuses études génétiques et ethniques, les facteurs environnementaux pourraient favoriser les poussées de la maladie. Ces facteurs n'ont cependant pas été découverts et on soupçonne parmi ceux-ci, selon l'OMS et dans le désordre : les maladies infectieuses -17 virus ont ainsi été mis en cause-, les vaccins, le climat, la latitude, le stress, la grossesse, la cohabitation avec un chien, les risques professionnels, les aliments contaminés et les métaux.

II.- LA POLITIQUE DE COMMUNICATION DE 1994 ET 1995 EN FAVEUR DE LA VACCINATION

A. AMPLEUR DE LA CAMPAGNE

Suivant la recommandation de l'OMS, reprise par le Comité technique des vaccinations et le Conseil supérieur d'hygiène publique de France à la fin de l'année 1993, M. Philippe Douste-Blazy, ministre délégué chargé de la santé auprès de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, annonça en juillet 1994 le lancement d'une campagne nationale en faveur de la vaccination contre l'hépatite B. Les décisions suivantes furent ainsi prises :

- De lancer durant l'année scolaire 1994-1995 un « programme de valorisation de la vaccination contre l'hépatite B dans les collèges », adressé aux élèves des classes de sixième, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale, alors dirigé par M. François Bayrou. Confiée aux services de promotion de la santé en faveur des élèves, l'objectif de cette campagne était d'atteindre dans l'année un taux de vaccination de 60 % de ces classes, en laissant aux familles la liberté du choix du médecin vaccinateur ou la possibilité de ne pas faire vacciner leur enfant dans l'immédiat. Parallèlement aux actions de communication en faveur de la vaccination menées par le ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville, les médecins et infirmières de l'éducation nationale adressèrent à toutes les familles une lettre pour les sensibiliser au risque, pour leur enfant scolarisé et éventuellement leurs autres enfants, de contracter la maladie. De la sorte, de nombreux parents, semble-t-il, ont pensé que cette vaccination avait un caractère obligatoire ;

- D'inscrire la vaccination contre l'hépatite B dans le calendrier vaccinal, ce qui fut concrétisé en janvier 1995 ;

- De préparer une vaste campagne nationale d'information en faveur de la vaccination en partenariat avec la Caisse nationales d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), qui fut effectivement lancée le 10 novembre 1995. Par lettre du 7 mars 1995, le directeur de cabinet de la ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville demanda au Service d'information et de diffusion du Premier ministre (SID) l'agrément pour mettre en _uvre cette campagne, agrément qui fut accordé le 21 août 1995.

La campagne fut donc préparée alors que Mme Elisabeth Hubert assurait les fonctions de ministre de la santé publique et de l'assurance maladie du 17 mai au 7 novembre 1995, M. Hervé Gaymard lui succédant à partir du 7 novembre 1995 en qualité de secrétaire d'Etat chargé de la santé et de la sécurité sociale auprès de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales

Par son ampleur et son impact, cette campagne surprit de nombreux observateurs et acteurs au point que les deux laboratoires pharmaceutiques fournisseurs du vaccin eux-mêmes, l'un américain et l'autre français, se trouvèrent rapidement en rupture de stocks. Le professeur Jacques Drucker, directeur du Réseau national de santé publique (RNSP), notait plus tard que « beaucoup de gens ont compris qu'il était important de se faire vacciner contre l'hépatite B au même titre que contre la grippe. Si bien que cette campagne, qui aurait dû être ciblée, est devenue à tort une campagne de masse ».

La campagne visait en amont les médecins et pharmaciens et en aval l'ensemble de la population : adolescents, jeunes adultes et parents autour du thème «L'hépatite B : se faire vacciner, c'est l'éviter » en ciblant plus particulièrement les adolescents3. Tous les supports furent utilisés : film télévisé de 30 secondes, messages radiophoniques, encarts dans la presse, affiches et dépliants destinés au grand public, « kit pédagogique », forums régionaux d'information et réunions de médecins. Au total, cette campagne coûta 13,9 millions de francs en 1995 qui furent entièrement financés par le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS.

B. ERREURS DE COMMUNICATION OU CHOIX CONDAMNABLES ?

La volonté de « faire peur » sur les risques de contracter l'hépatite B a sans doute été l'un des vecteurs de cette campagne comme le prouve une certaine exagération des données médicales ; les documents officiels de la campagne parlent ainsi de 2 millions de morts par an dans le monde, alors que l'OMS les estime à 1 million, et de 30 000 à 100 000 le nombre de nouveaux cas en France alors que le réseau Sentinelle estimait ce nombre à 8 000 en 1994 ; le nombre de porteurs chroniques était par ailleurs triplé (de 100 000 à 300 000). Suivant leurs impératifs d'une stratégie marketing optimale, les laboratoires pharmaceutiques contribuèrent à renforcer la teneur alarmante de ces messages sanitaires ; un document interne de l'un d'entre-deux d'août 1996 souligne ainsi qu'il faut, à l'égard des adolescents, « dramatiser le danger, le risque encouru à ne pas se faire vacciner » et faire de la vaccination « un rite initiatique moderne de passage à l'âge adulte, une sorte de passeport pour les premiers baisers. »

A ce sujet, la présentation d'un risque de transmission de la maladie par la salive a été sans doute abusivement utilisé. Les documents officiels font état d'un doute en la matière. Dans le document présentant la campagne co-signé par le ministère du travail et des affaires sociales, la CNAMTS et le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), on peut lire : « on ignore encore si l'hépatite B peut être transmise ou non par la salive et la transpiration. Des recherches sont actuellement en cours ». Cet élément d'information a été hélas très vite déformé, de nombreuses brochures et des messages radiophoniques à destination des adolescents présentant la salive comme l'un des modes certains de transmission de la maladie. Ainsi en est-il d'un dépliant remis aux jeunes, établi avec le concours d'une caisse primaire d'assurance maladie, du Service de promotion de la santé en faveur des élèves et d'un collège de l'Isère qui présente les baisers comme un risque certain de transmission de l'hépatite B au même rang que le sang ou l'échange de seringues contaminées.

Plusieurs questions fondamentales peuvent ainsi être posées sur le contenu et le pilotage de cette campagne :

- Les informations erronées sur la maladie et ses modes de contamination ont-elles été sciemment données pour « effrayer » la population ?

- A-t-on transformé une campagne de santé publique en une banale opération de marketing ?

- Un contrôle des supports de communication a-t-il été mis en place ? Les prestataires de service avaient-ils toute liberté sur le contenu des messages sanitaires ?

- Qu'est-ce qui a justifié le lancement d'une politique de vaccination massive qui a touché, par son ampleur et sa teneur, l'ensemble de la population, toutes classes d'âge confondues, alors que la France n'était qu'un pays de faible prévalence de la maladie et qu'une stratégie vaccinale plus ciblée aurait peut-être suffi ?

CONCLUSION

Quelles conclusions peut-on tirer de l'examen des deux questions posées : celle de l'existence d'un risque médical lié à la vaccination contre l'hépatite B et celle de la campagne nationale en faveur de la vaccination menée en 1995, en sachant que seule la première est évoquée dans l'article unique de la présente proposition de résolution, alors que le titre et l'exposé des motifs de cette proposition posent aussi la seconde question.

Sur la première question, les conclusions convergentes des études scientifiques conduites jusqu'à ce jour en France et à l'étranger semblent écarter un lien de causalité directe important entre la vaccination et l'apparition de maladies démyélisantes ; s'il existe un risque, il ne peut être que faible, ce qui ne devrait pas remettre en question le bénéfice même de la vaccination, au moins pour les population à risque. Les victimes d'effets secondaires devraient donc se prévaloir de la reconnaissance d'un aléa thérapeutique. Le Parlement devrait d'ailleurs à ce sujet se prononcer prochainement sur un projet de loi « de modernisation du système de santé » qui devrait mettre en place, ainsi que l'a annoncé le Gouvernement, un fonds d'indemnisation pour toutes les victimes d'un aléa thérapeutique. On peut cependant s'interroger sur le sens du communiqué du 25 mai 2000 de la direction générale de la santé qui annonce la possibilité, pour l'Etat, d'indemniser des professionnels de santé victimes de troubles neurologiques ou rhumatologiques à la suite de leur vaccination obligatoire contre l'hépatite B, suivant l'avis positif du 25 avril 2000 de la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux placée auprès du ministère chargé de la santé4. A ce jour, soixante décisions d'indemnisation auraient été prises sur environ 260 demandes présentées.

Sur la seconde question, force est de constater qu'il y a eu des erreurs de communication que l'on peut qualifier de graves qui mettent en question le fondement, le contenu, la maîtrise et l'éthique des campagnes d'information médicale menées en 1995. On ne peut écarter sur ces questions délicates l'opportunité de la création d'une commission d'enquête. Toutefois, l'existence de procédures judiciaires en cours pose problème.

Selon les informations transmises par l'association REVAHB, on compte notamment aujourd'hui cinq actions au pénal et près de cent-cinquante actions au civil auprès d'une avocate de Franconville dont trois affaires ont été gagnées en première instance par des personnes atteintes de sclérose en plaques à la suite de leur vaccination contre l'hépatite B contre un laboratoire pharmaceutique et sont en cours d'instruction auprès de la Cour d'appel de Versailles. Deux de ces jugements viennent d'être confirmés en appel le 3 mai 2001, les juges considérant que les «présomptions graves, précises et concordantes » de l'existence d'un lien entre la vaccination et l'apparition de la sclérose en plaque des plaignants suffisait à la reconnaissance du préjudice, en l'absence même de preuve scientifique certaine. Le laboratoire incriminé s'est immédiatement pourvu en cassation. Il faut enfin signaler l'existence, à coté de la procédure en pénal enregistrée au TGI de Paris signalée par la ministre garde des sceaux, d'une autre procédure au même chef d'accusation de « plainte contre X » pour administration de substances nuisibles auprès du Tribunal de Sarreguemines, instruite depuis le 9 février 1999 et en cours d'expertises.

Le juge pourrait donc être appelé à se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité directe entre la vaccination et l'état de santé des victimes (il a d'ailleurs cité à comparaître le directeur général de la santé pour qu'il justifie des décisions d'indemnisation prises par le ministère de l'emploi et de la solidarité évoquées précédemment), sur l'indemnisation du préjudice subi si ce lien est prouvé et enfin sur la responsabilité des actes qui ont pu être à l'origine de ce préjudice, éventuellement au plus haut niveau de l'Etat. Dans ce contexte, force est de constater que le domaine et les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête sur le sujet, si elle était créée, seraient sensiblement restreints.

Quelles que soient les réponses à ces questions, force est de constater qu'elles illustrent, une fois de plus, l'extrême faiblesse du dispositif épidémiologique français qui fait figure de « parent pauvre » de la politique de santé publique dans notre pays, alors même qu'il devrait en être l'un des piliers pour en guider les choix et les moyens.

En raison du contexte judiciaire en cours, le rapporteur conclut donc au rejet de la proposition de résolution n° 2930.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 9 mai 2001.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean Le Garrec a souligné la qualité du rapport de M. Philippe Nauche qui a permis d'éclairer utilement la commission sur un sujet compliqué aux incidences multiples.

M. André Aschieri a considéré que le dépôt d'une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête est un moyen pour les députés de s'exprimer et de dénoncer ce qui ne fonctionne pas bien, indépendamment de la création effective d'une telle commission. On peut citer à cet égard la demande de création d'une commission d'enquête sur les amalgames dentaires qui a abouti à la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont le rapport a permis de mettre en exergue le problème plus général des métaux lourds sur la santé.

S'agissant de l'hépatite B, beaucoup de choses inexactes ont été dites qui ont fini par créer un sentiment de peur au sein de l'ensemble de la population, par exemple l'affirmation selon laquelle le virus pouvait se transmettre par les larmes, la salive et la sueur. On peut évoquer à cet égard la « croisade » inacceptable du comité français pour l'adolescence qui a obtenu de laboratoires pharmaceutiques des financements lui permettant de mener une campagne affolante auprès des jeunes. Il faut par ailleurs rappeler que le marché de la vaccination représente en France huit milliards de francs dont 60 % concerne le seul vaccin contre l'hépatite B, tandis que 45 % des parts de marché sont détenues par un seul laboratoire français. On peut s'étonner que la France, pays de faible prévalence de la maladie, ait développé une politique de vaccination de masse alors que d'autres pays, notamment d'Afrique sud-saharienne, où la prévalence est très élevée, ne peuvent vacciner en raison du coût élevé du vaccin.

M. Bernard Kouchner a pris une bonne décision en arrêtant la campagne de vaccination systématique au profit d'une vaccination plus ciblée sur les nourrissons et les sujets à risque : professionnels de santé et toxicomanes. Seize thèses en médecine ont en effet conclu à l'existence d'un lien entre le vaccin et certaines maladies mais il manque des études indépendantes des laboratoires pharmaceutiques, notamment au niveau épidémiologique. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) n'a elle-même disposé que deux millions de francs pour conduire l'étude qui lui a été confiée, ce qui est tout à fait insuffisant.

L'indemnisation des victimes doit être mise en _uvre. Trois procédures ont déjà été gagnées au civil et cinq engagées au pénal. Le 9 juin 1998, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné le laboratoire américain incriminé à indemniser deux victimes. Le 23 mai 2000, la direction générale de la santé a indemnisé en rente et en capital un professionnel de santé atteint.

Aux Etats-Unis d'Amérique, une commission d'enquête parlementaire sur le même sujet a recensé 439 morts du fait de la vaccination et a souligné le rôle du lobbying pharmaceutique dans cette affaire. Il est donc impératif d'éviter tout mélange entre la politique de santé publique et la politique de profits de groupes industriels pharmaceutiques.

M. Jean-Pierre Foucher a constaté que le dérapage de la campagne d'information en faveur de la vaccination contre l'hépatite B a posé problème en transformant cette campagne, au départ ciblée, en vaccination de routine. Il est difficile d'enquêter sur l'indemnisation des victimes car des procédures en justice sont en cours : la Cour d'appel de Versailles a ainsi confirmé les jugements du tribunal de Nanterre dans deux des trois affaires gagnées en première instance par les victimes. Au niveau scientifique et médical, il est prouvé qu'il n'y a pas de lien direct entre la vaccination et certaines maladies, ainsi qu'en témoigne notamment le remarquable travail de l'AFSSAPS. Il ne faudrait pas prendre le risque, en jetant le doute sur les effets secondaires d'un vaccin, de créer une suspicion sur toutes les campagnes de vaccination ou, plus généralement, sur toute utilisation de médicaments. Il existe en effet toujours des effets secondaires ou des risques de réaction qui sont propres à chaque individu et il serait dangereux, pour la mise en _uvre de la politique de santé publique, de ne mettre en exergue que les cas, hélas regrettables, de réactions atypiques. A cet égard, il y a une différence sémantique forte entre le titre de la proposition de résolution, qui vise la campagne de vaccination de masse, et le dispositif de cette proposition qui concerne les conséquences sur la santé de cette vaccination.

M. Edouard Landrain a fait les observations suivantes :

- La vaccination n'entraîne aucun effet secondaire chez le nourrisson alors que chez l'adulte, l'existence d'antécédents ou l'exposition à certains risques durant sa vie l'exposent à des effets secondaires, la vaccination intervenant alors comme le facteur déclenchant d'une maladie latente.

- Il est regrettable et inquiétant que des peurs soient actuellement développées voire entretenues à l'encontre des vaccins même si chacun reconnaît que la vaccination est un progrès incontestable en termes de santé publique. On peut à ce titre déplorer que la vaccination contre la rubéole ne soit plus obligatoire alors que cette maladie connaît aujourd'hui une recrudescence en Afrique.

- Il convient de bien distinguer la politique d'information sur l'existence de risques sanitaires et l'obligation de se faire vacciner contre telle ou telle infection ou maladie.

M. Georges Colombier s'est félicité de la qualité du débat en commission qui permet d'éclairer les commissaires sur les tenants et aboutissants des conditions dans lesquelles s'est déroulée la campagne de vaccination contre l'hépatite B et a déclaré partager entièrement les conclusions du rapporteur.

M. Maxime Gremetz a considéré que le présent débat illustrait l'intérêt des parlementaires à déposer de nombreuses de propositions de résolutions tendant à créer des commissions d'enquête car cette procédure semble être la seule à permettre qu'une véritable réflexion s'engage sur des sujets d'importance que la commission ne peut traiter en temps normal.

M. André Aschieri a rappelé combien il est favorable à la vaccination quand elle est d'un bénéfice certain pour la population dans son ensemble et que le risque à l'égard de certains sujets est peu élevé.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a fait les remarques suivantes :

- Aucune preuve n'a pu être établie s'agissant du lien du cause à effet entre le vaccin contre l'hépatite B et la survenance de graves maladies. Des interrogations légitimes se posent cependant. Ainsi les experts de la direction générale de la santé et de la direction des hôpitaux ont plaidé pour que les professionnels de santé victimes de ces maladies et vaccinés dans l'exercice de leurs fonctions soient indemnisés, même si la cause de leur maladie ne peut être établie de manière incontestable, le doute étant alors considéré comme suffisant.

- La question de l'indépendance de la recherche médicale et scientifique est posée et dépasse largement la seule question du vaccin contre l'hépatite B. Il n'est pas anormal qu'une partie de cette recherche soit financée par des industries pharmaceutiques lesquelles tendent, assez logiquement, à dégager des profits commerciaux.

- Certaines campagnes de vaccination mériteraient d'être mieux ciblées. Cependant, concernant l'hépatite B, il faut se souvenir qu'initialement, l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics était d'éradiquer totalement cette maladie. On peut d'ailleurs aujourd'hui s'interroger sur la pertinence d'un tel objectif.

Le président Jean Le Garrec a estimé que le rôle dévolu à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé permettait désormais que l'évaluation des risques soit faite en toute indépendance.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

ANNEXE  : COMMUNIQUÉ DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ DU 25 MAI 2000 SUR L'INDEMNISATION POUR VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B

Paris, le 25 mai 2000

COMMUNIQUÉ

INDEMNISATION POUR VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B

Le Code de la santé publique prévoit l'indemnisation par l'Etat des dommages liés aux vaccinations obligatoires. La procédure d'indemnisation mise en place en 1978 prévoit une commission de règlement amiable des accidents vaccinaux placée auprès du ministère de la Santé. Cette commission est chargée d'émettre un avis sur le lien entre les troubles observés et la vaccination et, s'il y a lieu, sur l'évaluation des préjudices.

Dans le cadre de cette procédure, le ministère de la Santé avait déjà indemnisé six patients sur la base d'un lien entre la vaccination hépatite B et des troubles observés de nature rhumatologique ou neurologique.

Il vient d'en faire de même, suite à un avis de la commission du 25 avril 2000, pour huit personnes dont trois atteintes de sclérose en plaques et une de névrite rétrobulbaire. Pour ces quatre cas, cette décision a été prise dans l'intérêt des malades, alors même que les experts chargés de réévaluer régulièrement le profil de sécurité d'emploi des vaccins contre l'hépatite B à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n'ont pu conclure jusqu'à présent, sur l'existence d'une association entre cette vaccination et la survenue d'une sclérose en plaques ou d'affections auto-immunes. Ces experts avaient toutefois estimé qu'un risque faible de lien entre le vaccin contre l'hépatite B et ces affections ne pouvait être exclu dans l'état actuel des connaissances.

C'est dans ce contexte que le ministère de la santé a décidé de proposer une indemnisation aux personnes concernées en application de l'avis de la commission.

Ces décisions ne remettent pas en cause l'évaluation du bénéfice risque du vaccin contre l'hépatite B et les recommandations en matière de politique vaccinale.

3043 - Rapport de M. Philippe Nauche: commission d'enquête - campagne de vaccination de masse contre l'hépatite B, à la responsabilité de l'Etat en la matière, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes (AFFAIRES CULTURELLES)

1 Cf Relevé épidémiologique hebdomadaire N°21 du 23 mai 1997.

2 enfants de moins de 24 mois

3 Comme l'illustre le choix des trois stations radiophoniques sélectionnées pour la campagne, de « Fun radio », « NRJ » et « Sky Rock ».

4 Voir l'annexe du présent document.