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le 3 juillet 2001

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N° 3199

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 juin 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 3037) DE MME MARIE-HÉLÈNE AUBERT ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, visant à la création d'une commission d'enquête relative au recensement des sites de stockage de munitions et d'armes chimiques de la Première et de la Seconde Guerre mondiale et aux dangers qu'ils présentent,

PAR MME NICOLE FEIDT,

Députée.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Défense.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. François Fillon, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Louis Mermaz, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

MESDAMES, MESSIEURS,

Les deux guerres mondiales qui ont éprouvé notre pays au siècle dernier affectent encore la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens : des obus, de toute nature, liés à ces événements dramatiques, sont régulièrement mis au jour. Les conditions dans lesquelles ces armes, chimiques ou conventionnelles, sont aujourd'hui stockées, inquiètent la population : l'évacuation, au mois d'avril, de 12 000 habitants de Vimy et des communes avoisinantes, dans le Pas-de-Calais, en raison d'un risque d'explosion et de dégagements toxiques, a choqué l'opinion publique.

Dans ce contexte, Mme Marie-Hélène Aubert et plusieurs de ses collègues ont déposé, le 3 mai dernier, une proposition de résolution (n° 3037) tendant à créer une commission d'enquête pour procéder à un recensement des « sites de stockage » et, corrélativement, évaluer les risques qu'ils présentent, proposer des mesures de précaution et des solutions d'élimination des armes qu'ils contiennent.

Cette initiative doit être appréciée en termes de recevabilité et d'opportunité.

Sur le plan de la recevabilité, il ressort des articles 6 de l'ordonnance n° 58-1110 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et 140 et 141 de notre règlement, que la création d'une commission d'enquête est soumise au respect de deux conditions.

-  Les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires.

En l'occurrence, la Garde des Sceaux a fait savoir au président de l'Assemblée nationale, par lettre en date du 28 mai dernier, qu'aucune procédure n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition.

-  La résolution doit déterminer avec précision soit les faits sur lesquels la commission d'enquête orientera ses investigations, soit les services publics ou les entreprises nationales dont elle examinera la gestion.

De ce point de vue, l'objet de la commission d'enquête dont la création est demandée est dépourvu d'ambiguïté.

C'est donc en termes d'opportunité que la rapporteure est amenée à se prononcer sur les suites qu'il convient de réserver à cette proposition de résolution.

Incontestablement, les enjeux qui motivent l'initiative de nos collègues sont réels. Durant les deux guerres mondiales, des millions d'obus ont été tirés ou entreposés sur notre sol, en particulier dans la zone comprise entre la Somme et les Flandres belges. Dans la seule région Nord-Pas-de-calais, entre 120 et 150 tonnes d'obus (dont 10 à 15 % à charge chimique) sont retrouvées, chaque année, à l'occasion de labours ou de travaux divers ; depuis 1945, les démineurs ont ainsi récupéré plus de 120 000 tonnes de munitions. La France n'est pas le seul pays à être confronté à ce problème : chaque année, les services de déminage belges répondent à 3 500 appels et enlèvent 320 tonnes de munitions non explosées.

Jusqu'au début des années 1990, ces obus, classiques ou chimiques, étaient détruits, parfois par explosion, notamment dans la baie de Somme. L'entrée en vigueur de la convention internationale du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, et des incidents survenus de façon accidentelle, ont mis fin à de telles pratiques (1). Dès lors, le Gouvernement de l'époque a été conduit à prendre plusieurs décisions, tendant à organiser le stockage des armes découvertes et à engager une réflexion sur les modalités de leur élimination.

A cet effet, un programme a été élaboré sous la responsabilité du ministère de la défense : le projet, dit « Sequoia », doit aboutir à la mise au point d'une unité de destruction des armes et munitions stockées ou retrouvées. Sa complexité, du point de vue industriel et sur le plan de la sécurité, fait que son aboutissement demeure, néanmoins, relativement éloigné : selon les indications communiquées à la rapporteure, les premières destructions pourraient intervenir, au mieux, en 2006 ; l'usine atteindrait son rendement maximum l'année suivante. Mais, comme l'a indiqué, récemment, le Premier ministre : « Les événements de ces derniers jours doivent nous conduire à accélérer les décisions pour aller dans ce sens » (2).

Dans l'attente, les lieux d'accueil et de transit ont été transformés en « sites de stockage » et placés sous la responsabilité du ministère de l'intérieur, déjà en charge de l'identification et de la collecte des armes et munitions.

La commission d'enquête dont la création est demandée aurait donc pour objet de recenser ces sites de stockage. Mais ce travail ne paraît pas nécessaire. En effet, le nombre et la localisation des sites sont parfaitement connus : il s'agit de Woippy en Moselle, de Montberault dans l'Aisne, et de Vimy dans le Pas-de-Calais. On peut également faire référence au dépôt de la Chapelle-du-Noyer, en Eure-et-Loire, qui est, toutefois, en cours de dépollution, et ajouter à la liste précitée un lieu d'entreposage : le camp de Suippes, dans la Marne, vers lequel ont été transférées, comme on l'a vu, pour des raisons de sécurité, les munitions précédemment conservées à Vimy. A cet égard, on doit considérer que la gestion de ce dossier par les autorités concernées et le travail accompli par le service des démineurs de la sécurité civile témoignent de la vigilance du Gouvernement, qui a fait prévaloir, à grande échelle, le « principe de précaution ». De surcroît, malgré ces événements, on rappellera que la sécurité du site de Vimy, négligée jusqu'en 1997, avait été renforcée depuis lors, d'autres aménagements étant aujourd'hui programmés pour améliorer la sûreté des différents sites précités (3).

En fait, il serait beaucoup plus utile de procéder, dans chaque département, à un inventaire, aussi exhaustif que possible, non pas des sites de stockage mais de tous les lieux, parfois non identifiés, où des munitions des deux guerres mondiales sont encore susceptibles de se trouver. Le cas du « Lac bleu » d'Avrillé, en Maine-et-Loire, qui contiendrait entre 5 000 et 7 000 tonnes de munitions, en particulier des anciennes grenades datant de la première guerre mondiale, est connu (4). On pensera, également, aux 170 tonnes d'obus découvertes, récemment, près du village du Châtelet-sur-Retourne, dans les Ardennes, dont les 560 habitants ont dû être évacués, durant plusieurs jours, au début de ce mois. Mais cette liste est loin d'être complète : la rapporteure demande, en conséquence, au Gouvernement, d'engager ce recensement.

Cela étant, ce travail ne rentre pas dans le champ défini par la proposition de résolution. Au demeurant, il relève davantage de la compétence du Gouvernement que de celle de l'Assemblée nationale, cette répartition des rôles n'excluant pas, bien au contraire, que le Parlement suive avec attention son déroulement et qu'il soit informé de ses résultats.

En attendant, la création d'une commission d'enquête n'apparaît pas justifiée et la rapporteure ne peut que vous inviter à rejeter la proposition de résolution qui vous est soumise.

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Après l'exposé de la rapporteure et conformément à ses conclusions, la Commission a rejeté la proposition de résolution.

1 () Voir la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de cette convention.

2 () J.O. Assemblée nationale, 2ème séance du 17 avril 2001, pages 1906-1907.

3 () Voir, en ce qui concerne le site de Woippy : J.O. Assemblée nationale, 2ème séance du 15 mai 2001, pages 2879-2880.

4 () J.O. Assemblée nationale, 1ère séance du 5 juin 2001, page 3815.