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Document mis en distribution le 30 avril 1998 ![]() N° 856 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 avril 1998. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE DEXAMINER LE PROJET DE LOI dorientation relatif à la lutte contre les exclusions (1) (n° 780) TOME I PRÉSENTATION GÉNÉRALE PAR M. Jean Le Garrec, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
Politique sociale. La commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions est composée de : M. George Hage, président, M. Patrick Devedjian et Mme Hélène Mignon, vice-présidents, MM. Pierre Cardo et Jean-Michel Marchand, secrétaires ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Dominique Baert, M. Gérard Bapt, M. Jacques Barrot, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Bur, M. Alain Cacheux, M. Laurent Cathala, M. Henry Chabert, M. Alain Cousin, Mme Martine David, M. Philippe Decaudin, M. Jean-Pierre Delalande, M. Jean Delobel, M. Laurent Dominati, M. Philippe Duron, Mme Nicole Feidt, M. Alain Ferry, M. Yves Fromion, M. Robert Galley, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Gaëtan Gorce, M. François Goulard, Mme Odette Grzegrzulka, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, Mme Muguette Jacquaint, M. Denis Jacquat, Mme Janine Jambu, M. Pierre Lasbordes, M. Jean Le Garrec, M. Pierre Lequiller, Mme Raymonde Le Texier, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Thierry Mariani, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Pierre Méhaignerie, Mme Véronique Neiertz, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, M. Marcel Rogemont, M. André Schneider, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Alain Veyret, M. Alain Vidalies INTRODUCTION 5 I.- LES EXCLUSIONS : BREF ÉTAT DES LIEUX 6 A. LES PROCESSUS DEXCLUSION 6 B. UNE APPROCHE EN TERMES DE NIVEAU DE VIE 7 C. LES DIFFÉRENTS VISAGES DE LEXCLUSION 8 1. La perte du logement 8 2. Labsence demploi et la précarisation du travail 9 3. Lisolement et la précarité des situations individuelles 10 4. La dégradation de létat de santé de la population 11 II.- PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI ET DU PROGRAMME DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS 12 A. ACCÈS A LEMPLOI 13 1. Accès à lemploi des jeunes et des adultes 14 2. Insertion par lactivité économique 15 B. ACCÈS AUX SOINS 17 1. Adaptation du système de soins 17 2. Assurance maladie et couverture complémentaire 19 C. MOYENS DEXISTENCE 20 1. Indexation et revalorisation de lASS et de lAI 20 2. Cumul accru entre les minima et des revenus dactivité 21 D. DROIT A LÉGALITÉ DES CHANCES PAR LÉDUCATION ET LA CULTURE 22 E. LES INSTITUTIONS SOCIALES 23 1. Les travailleurs sociaux 23 2. Laccueil des personnes en difficulté 23 F. FINANCEMENT DU PROGRAMME DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS 25 TRAVAUX DE LA COMMISSION 27 I.- AUDITION DE LA MINISTRE 27 II.- AUDITION DE M. BERTRAND SCHWARTZ, UNIVERSITAIRE 38 III.- AUDITION DE M. SIMON WUHL, PROFESSEUR ASSOCIÉ À LUNIVERSITÉ DE MARNE-LA-VALLÉE 42 IV.- AUDITION DE M. ALBERT JACQUARD, MEMBRE DU HAUT COMITÉ POUR LE LOGEMENT DES PERSONNES DÉFAVORISÉES 46 V.- AUDITION DE MME GENEVIÈVE DE GAULLE-ANTHONIOZ, PRÉSIDENTE DATD QUART MONDE, MEMBRE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL 50 VI.- AUDITION DES ASSOCIATIONS MEMBRES DE LA COMMISSION LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET LEXCLUSION DE LUNION NATIONALE INTERFÉDÉRALE DES OEUVRES ET ORGANISMES PRIVÉS SANITAIRES ET SOCIAUX (UNIOPSS) 57 VII.- AUDITION DES ASSOCIATIONS MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL ET DÉCHANGE INTERASSOCIATIF SUR LE PROJET DE LOI DORIENTATION RELATIF À LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS 67 LISTE DES PERSONNALITÉS ET ORGANISMES AUDITIONNÉS PAR LE RAPPORTEUR 73 Il y a à peine plus dun an, le 21 avril 1997, lAssemblée nationale voyait la discussion du projet de loi dorientation relatif au renforcement de la cohésion sociale brutalement interrompue par lannonce de sa dissolution. Le naufrage inopiné de la loi contre la pauvreté et lexclusion ne pouvait rester sans lendemain. Reprendre le processus législatif, lui donner plus dampleur et de contenu, le mener rapidement à son terme : le Gouvernement de M. Lionel Jospin relève aujourdhui le défi. Le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions, présenté par Mme Martine Aubry, répond donc à lengagement pris par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, de faire une priorité de la lutte contre les exclusions Ce projet saccompagne dun programme de prévention et de lutte contre les exclusions, sur trois ans, et devra être complété par deux autres projets, lun sur laccès aux droits et lautre garantissant laccès des plus démunis aux soins et à la sécurité sociale par la mise en place de la couverture maladie universelle. La volonté ainsi manifestée répond à une forte attente et à une demande depuis longtemps réitérée des différents intervenants et particulièrement des associations qui mènent une lutte sans trêve contre lexclusion, pour la mobilisation et la sensibilisation du plus grand nombre à la situation de nos concitoyens les plus en difficultés. Ce projet et son programme visent donc, dans la continuité des travaux déjà entrepris et des initiatives existantes pour lutter contre lexclusion, à remédier aux problèmes de ceux qui sont confrontés aux problèmes les plus graves, à réparer et à reconstruire. Lapproche retenue se caractérise toutefois par la double volonté daborder la lutte contre les exclusions de manière globale afin de tenter den saisir les multiples aspects et de mener une action préventive pour intervenir le plus en amont possible avant que laccumulation des problèmes ne rende encore plus difficile la réinsertion. En effet, il faut insister sur limportance des processus qui conduisent vers lexclusion lorsque les handicaps ou les difficultés se cumulent, lune entraînant lautre. Pour autant, si la réalité nen est que trop évidente pour ceux qui sy trouvent confrontés, ces processus ne se laissent pas cependant aisément appréhender. I.- LES EXCLUSIONS : BREF ÉTAT DES LIEUX La précarité est labsence dune ou plusieurs sécurités, notamment celle de lemploi, permettant aux personnes et aux familles dassumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. Linsécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de lexistence, quelle devient persistante, quelle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible. Tel est le constat dressé, en 1987, par Joseph Wresinski dans le rapport du Conseil économique et social : Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Et, si actuellement on parle plus généralement dexclusion ou même des exclusions la réalité évoquée par ces différentes notions est bien la même. Laccent est, en effet, aujourdhui mis sur les processus dexclusions, processus tout au long desquels se cumulent une série de handicaps ou de situations de risque, plus que sur la caractéristique dun état qui serait celui dune population dexclus , catégorie sociologiquement individualisée et homogène. Lexclusion recouvre, au contraire, des trajectoires qui aboutissent à des situations individuelles chaque fois singulières et en tout cas hétérogènes. Retraçant lévolution de cette notion M. Serge Paugam1 indique quaujourdhui quand on fait référence à lexclusion il ne sagit plus de désigner un ou des groupes sociaux caractérisés par une exclusion de fait, mais de souligner lexistence de processus pouvant conduire à des situations extrêmes. Pour arriver à cette approche, il a fallu faire le détour par lanalyse des situations précaires et y voir lorigine de lexclusion ou tout au moins une des causes essentielles. Le succès de la notion dexclusion est, par conséquent, en grande partie lié à la prise de conscience collective dune menace qui pèse sur des franges de plus en plus nombreuses et mal protégées de la population. Au-delà de la situation de ceux se trouvant dans la grande pauvreté et lexclusion la plus totale, situation dont la gravité implique la plus grande mobilisation, cest, en effet, une partie de plus en plus large de la population, la plus socialement vulnérable et celle en situation la plus précaire qui est désormais confrontée à ce risque. Par différence avec une zone dintégration et une zone dexclusion M. Robert Castel2 met en évidence lexistence dune zone quil baptise zone de vulnérabilité sociale et dont la marque est la précarité : zone intermédiaire, instable qui conjugue la précarité du travail et la fragilité des rapports de proximité ... Quadvienne une crise économique, la montée du chômage, la généralisation du sous-emploi : la zone de vulnérabilité se dilate, elle empiète sur celle de lintégration et elle alimente la désaffiliation3 ... Ouverte et en extension comme cela est apparemment le cas aujourdhui, la zone de vulnérabilité alimente les turbulences qui fragilisent les situations acquises et défait les statuts assurés. Cette analyse met en évidence quau-delà des réponses toujours indispensables en termes durgence, de réparation et même de reconstruction de ceux qui ont été les plus blessés, la lutte contre lexclusion doit nécessairement se fonder sur une approche préventive pour que la précarité conjuguée à dautres facteurs de fragilité ne conduise à lexclusion à plus ou moins longue échéance. B. UNE APPROCHE EN TERMES DE NIVEAU DE VIE Tenter de mieux cerner lexclusion, ses réalités et son ampleur renvoie inévitablement aux appréciations de la pauvreté. En effet, même sil ny a pas identité entre les deux notions, nul ne niera que pauvreté et exclusion touchent des personnes qui dans leur majorité sont les mêmes et que le risque de précarisation pèse forcément avec plus de poids sur ceux qui ont les ressources les plus faibles. Selon lInstitut national de la statistique, la pauvreté touche un ménage sur dix en France. Cette évaluation4 repose sur la définition usuelle de la pauvreté et sur les conventions retenues par cet organisme : - revenu défini comme le revenu disponible monétaire ; - non-prise en compte des personnes sans domicile ou en hébergement collectif ; - seuil de pauvreté fixé à la moitié du revenu médian cest-à-dire à la moitié du revenu divisant la population française en deux groupes numériquement égaux. Ce seuil est aujourdhui denviron 3500 Francs par mois et par unité de consommation ; Ce pourcentage des ménages pauvres est relativement stable depuis dix ans. Cette stabilité dissimule en réalité une profonde modification de la structure de cette population. En particulier, la pauvreté liée au chômage et au sous-emploi à plus que doublé sur cette période. En 1994, date de la dernière enquête Budget des familles 500 000 ménages ayant à leur tête un chômeur, soit un quart des personnes pauvres, se situent sous le seuil de pauvreté et le revenu moyen des chômeurs se classe parmi les plus bas. De même, plus de 300 000 ménages dont la personne de référence occupe un emploi précaire ou à temps partiel sont aujourdhui des ménages pauvres. Relativement jeunes et diplômés, parfois isolés, ces ménages ont un niveau de revenu à peine supérieur à celui du chômeur pauvre et s'il y a succession de périodes de sous-emploi et de chômage, la pauvreté peut devenir récurrente. Or, quand la pauvreté résulte essentiellement du chômage, cela signifie que la précarité monétaire saccompagne de labsence dautonomie économique et de la désinsertion par léloignement du monde du travail. Cette seule approche en termes de niveau de vie est évidemment insuffisante à cerner les phénomènes dexclusion car ceux-ci nont pas pour seule caractéristique linsuffisance des ressources mais bien de multiples facteurs qui sont autant de témoins dune rupture du lien social ou de signes de précarité. C. LES DIFFÉRENTS VISAGES DE LEXCLUSION On ne pourra ici que dresser des constats, au travers desquels se dessine néanmoins la réalité de ce que vivent aujourdhui tous ceux qui nont pas de toit, pas demploi, ou qui renoncent à se faire soigner faute dargent, ou qui simplement sont seuls et ne savent plus où aller demander ni même quoi demander. Même sil ny a pas une cause unique et aisément identifiable qui expliquerait chacune de ces histoires, parmi les facteurs de risque, perdre son logement, ne pas retrouver demploi ou vivre dans lisolement sont autant de ruptures du lien social qui marquent à un degré ou à un autre les phénomènes dexclusion. Sans logement, il ny a ni sécurité dexistence, ni domiciliation, ni possibilité de promotion, ni droit de cité. 5 La perte du logement est un des éléments clef du basculement dans lexclusion et retrouver une adresse la condition indispensable dun nouveau départ. De plus, le logement décent conditionne largement laccès aux autres droit. Comme la rappelé le rapport pour la préparation du XIe plan : Le logement représente un enjeu de société fondamental, tant il conditionne lensemble des autres aspects de la vie des femmes et des hommes : limpossibilité daccéder à un logement ou laccès à un logement trop médiocre ne permet pas laccès aux autres droits des habitants ; un vrai logement est indispensable à chacun pour vivre dans la dignité ; assurer le droit au logement est ainsi devenu un devoir social dans une société développée comme la nôtre, qui a inscrit ce droit dans la loi ; ... . Malgré les avancées permises par la loi du 31 mai 1990 et en dépit des efforts budgétaires, le droit au logement nest toujours pas pleinement assuré. La précarité croissante, la contraction concomitante de loffre de logement social et son inadaptation, qualitative comme quantitative, aux personnes les plus défavorisées rend difficile aux plus démunis laccès à un logement de droit commun comme le maintien dans un logement décent. Il faut dailleurs à ce propos insister, comme le fait le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, sur labsence dinformations fiables sur les personnes sans domicile, sur le nombre de mal logés ainsi que dune évaluation réelle de la demande non satisfaite de logement social. Enfin, il est impossible daborder la question du droit au logement, sans parler de la mixité sociale dans les quartiers et de la nécessité de mieux répartir le logement social sur lensemble du territoire. Il sagit en effet de questions fondamentales car aucune réinsertion ne sera possible si lon ajoute à lexclusion sociale, lexclusion par le logement. 2. Labsence demploi et la précarisation du travail Les chômeurs de longue durée (inscrits depuis plus dun an à lANPE) représentent 37,4 % des demandeurs demploi et lon constate une augmentation particulièrement forte du nombre de ceux ayant deux à trois ans dancienneté de chômage. Or, et cest malheureusement une évidence, rien nest plus dégradant et socialement excluant que dêtre durablement éloigné de lemploi. Lentrée dans la vie active est elle aussi problématique tout particulièrement pour les jeunes sans diplômes qui sont exposés à un chômage massif : dix ans après leur entrée dans la vie active moins de 60 % des non diplômés occupent un emploi et près de la moitié de ces emplois sont non qualifiés. A ce constat il faut ajouter la vulnérabilisation de tous ceux qui sont en situation de travail précaire : salariés sous contrats à durée déterminés, employés à temps partiel, intérimaires, postes pourvus grâce aux différents emplois aidés ... Robert Castel souligne à ce propos6 que de même que le paupérisme du XIXe siècle était inscrit au cur de la dynamique de la première industrialisation, de même la précarisation du travail est un processus central, commandé par les nouvelles exigences de lévolution du capitalisme moderne . Une partie des salariés jusquici dotée dun statut stable est désormais menacée de basculement et lon assiste à une installation dans la précarité, dautant plus préoccupante quelle concerne les jeunes. Or un type demploi discontinu et littéralement insignifiant, ne peut servir de socle à la projection dun avenir maîtrisable. Cette manière dhabiter le monde social impose des stratégies de survie fondées sur le présent. Cette extension de la précarité touche dabord les moins qualifiés surtout quand ce sont des femmes dont le statut au travail est affecté par ce phénomène. Les inégalités professionnelles subsistent et le temps partiel subi associé à des salaires réduits les affecte en premier lieu (près dune femme sur 3 alors quil ne concerne que 5,2 % des hommes). 3. Lisolement et la précarité des situations individuelles Lexclusion touche dabord ceux qui vivent dans les situations de plus grande vulnérabilité sociale. A ce titre sont particulièrement exposés les mères isolées et les jeunes en rupture avec leur famille. La fragilisation du lien familial a des répercussions sur le niveau de vie des familles, mais au-delà des conséquences financières, il retentit évidemment sur les liens de solidarité entre ses membres. Il est généralement établi une corrélation ce qui ne signifie pas un lien de cause à effet entre les processus dexclusion et les difficultés, les carences ou les ruptures familiales. Mais du seul point de vue des revenus et de la précarité qui en résulte, les familles monoparentales sont aujourdhui tout en bas de la hiérarchie des revenus. Alors quau milieu des années quatre-vingt la pauvreté des enfants était surtout celle des familles nombreuses, aujourdhui près dun enfant pauvre sur cinq vit avec un seul de ses parents alors même que le nombre global de ces familles reste relativement stable7. De même, rejoignant le constat dressé par le Haut comité de la santé publique, selon lequel les jeunes sont les premières victimes de la progression de la précarité, lassociation Médecins du monde dénonce dans la masse des personnes en situation dexclusion ou de précarité, une aggravation particulière de la situation des jeunes plus pauvres, plus seuls et aussi plus malades que leurs aînés alors quils sont dans la force de lâge . Cette aggravation ne se limite pas à la santé, elle se retrouve sur le terrain du chômage ou du logement. 4. La dégradation de létat de santé de la population La dégradation de létat de santé des plus démunis, qui sest accrue au cours de la dernière décennie, illustre les liens complexes existant entre la santé et la précarité. Ainsi que le démontre le dernier rapport du Haut Comité de la santé publique8 : Santé et précarité se conjuguent et contribuent mutuellement à creuser le passif dun individu qui tente de faire face aux exigences dune société où saggravent les inégalités . La santé nest pas un simple déterminant de la précarité et inversement, la précarité nest pas seulement un déterminant de la santé. Labsence de soins en temps utile, les carences sanitaires et affectives dans le développement dun enfant ou encore la précocité de pratiques ou de consommations à risques ont souvent des répercussions tardives sur la santé. En outre, les effets de la déstructuration du rapport dune personne isolée au temps et aux normes sociales et les perturbations de limage de son corps et de sa santé peuvent nuire considérablement à son état physique et psychique. Lindividu en situation de précarité ou dexclusion, souvent replié sur lui-même, est ainsi fortement exposé à des souffrances psychiques intenses et à des fragilités sociales fortes dont on commence seulement à mesurer limportance et les effets. On pourrait multiplier les exemples des effets néfastes de la précarité sur la santé en raison de logements insalubres, dune sensibilisation insuffisante à ces questions, dune histoire familiale difficile à porter ou encore de difficultés à faire reconnaître ses propres droits, dont celui de laccès aux soins. Il en va de même, des conséquences dune santé dégradée ou fragile sur la précarisation : un individu ayant une pathologie lourde ou un état psychologique peu assuré est en situation de grande faiblesse pour rechercher un emploi, acquérir un logement, fonder une famille... Ces quelques constats, même limités, font la preuve que lutter contre lexclusion ou la précarité suppose que soient mises en oeuvre des mesures globales et préventives ainsi que des mesures spécifiques de réinsertion conciliant une logique dégalité, fondée sur la reconnaissance des droits des individus, et une logique déquité permettant, dans un souci de solidarité, de soutenir et daider les plus fragiles et de favoriser leur réinsertion en prenant en compte leurs difficultés dans toutes leurs dimensions. II.- PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI ET DU PROGRAMME DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS Le contenu du projet de loi doit être analysé en liaison avec le programme de prévention et de lutte contre les exclusions qui a été présenté en Conseil des ministres le 4 mars dernier et dont il constitue la traduction législative. Il faut préciser que la présentation qui en sera faite ici nabordera ni les questions du logement, ni celle du surendettement puisque celles-ci font lobjet, au sein de ce rapport, de deux tomes spécifiques (tomes III et IV). En outre, elle a moins lambition dêtre exhaustive lanalyse détaillée des articles du projet de loi figurant dans le tome II que de resituer les mesures proposées dans le cadre du programme et dattirer lattention sur les points et les enjeux principaux. Avant den aborder les différents thèmes il faut évoquer la perspective dans laquelle ce projet de loi aborde la lutte contre les exclusions et qui est clairement celle de garantir aux personnes exclues, en leur qualité de citoyens, le droit daccéder effectivement aux droits fondamentaux de tous. De cette approche en termes de citoyenneté découle la volonté déviter toute stigmatisation des personnes en difficultés même si les situations les plus critiques rendent indispensables des actions de discrimination positive et des mesures durgence. Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz soulignait dans lavis du Conseil économique et social dont elle a été le rapporteur que plutôt que denvisager un traitement particulier des populations pauvres, il convient de prendre en compte leur situation dans les politiques générales et de veiller à rendre cette situation compatible avec laccès aux droits ouverts à tous. Le Conseil est particulièrement attaché à un tel souci qui lui parait la meilleure garantie de prévention de lexclusion, de promotion des plus démunis et aussi de conformité au principe dégalité qui fonde notre République. Il faut ici souligner le rôle joué par les associations daide aux personnes en difficulté dans la reconnaissance de cette approche en termes de citoyenneté et non dassistance. A cette fin larticle premier du projet de loi réaffirme solennellement que cette loi a pour objet de garantir laccès de tous aux droits fondamentaux. On retrouve cette inspiration dans les différentes mesures proposées et notamment lorsquil sagit de rendre au plus grand nombre leur autonomie économique par la mobilisation de tous et de tous les outils en faveur de lemploi. Elle se manifeste particulièrement dans le chapitre du projet de loi consacré à lexercice de la citoyenneté. Il y figure en effet un article tout à fait significatif qui vise à permettre aux personnes sans domicile fixe daccéder au droit de vote en facilitant leur inscription sur les listes électorales. Il sagit bien là de réaliser la citoyenneté, doù découle la qualité délecteur, alors que linscription sur les listes électorales nest quune formalité administrative dont la réglementation empêche laccès effectif aux droits en labsence de domicile. Dans un contexte de reprise de lactivité et de croissance plus riche en emplois, le programme de lutte contre les exclusions a pour ambition de renforcer les moyens dinsertion afin que les personnes les plus éloignées du marché du travail ne restent pas les oubliées de lamélioration durable de la situation économique. En effet, si lensemble des mesures mises en uvre par le Gouvernement, notamment les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail, contribueront à accélérer la diminution du chômage, il est nécessaire en parallèle de renforcer et damplifier les dispositifs daccès à lemploi par la formation ou lactivité. Lampleur de laction programmée en matière de lutte contre lexclusion de lemploi trouve sa traduction dans limportance des financements prévus. Au total, près de 33,5 milliards de francs de crédits supplémentaires seront mobilisés sur les trois ans du programme pour financer les mesures emploi, notamment : 14,9 milliards pour lEtat (9,1 milliards en année pleine en régime permanent), 7 milliards de cofinancements (collectivités locales, entreprises au titre de la formation professionnelle, Fonds social européen ...), 10 milliards au titre des emplois-jeunes dans les quartiers en difficulté. Lobjectif essentiel affirmé par le programme est dassocier la prévention et le traitement du chômage de longue durée et la lutte contre lexclusion en développant des actions de suivi personnalisé favorisant un nouveau départ qui encourage le passage de lassistance à lemploi en améliorant la capacité dinsertion et de réinsertion des jeunes et des adultes. A cet effet, tous les demandeurs demploi avant quils atteignent douze mois de chômage pour les adultes ou six mois pour les jeunes se verront proposer un nouveau départ consistant en un diagnostic devant déboucher sur des propositions individualisées et adaptées aux difficultés rencontrées par chaque demandeur demploi et un suivi personnalisé. Il serait du reste souhaitable de faire figurer dans la loi ces principes novateurs dont lapplication doit permettre daméliorer la qualité du service rendu par le service public de lemploi et daccélérer le retour vers lemploi des personnes qui en sont exclues. La personnalisation de loffre de parcours et daccompagnement est évidemment particulièrement nécessaire pour les personnes les plus éloignées de lemploi. Mais il faut sans doute aller plus loin, car cest bien en agissant le plus en amont possible que lon peut le mieux éviter le basculement dans la spirale de lexclusion de lemploi. Il conviendrait donc daffirmer et dinscrire dans la loi un principe général : le droit pour tout demandeur demploi rencontrant des difficultés particulières à un parcours dinsertion personnalisé. La loi devrait également préciser le contenu de ce nouveau droit : le traitement personnalisé devrait consister en lorganisation dactions daccueil, de diagnostic, dorientation, daccompagnement, de suivi, dévaluation des acquis et la définition de parcours dinsertion personnalisé. 1. Accès à lemploi des jeunes et des adultes En ce qui concerne les jeunes, linstitution du trajet daccès à lemploi (TRACE) constitue une première application du nouveau départ et du principe d'individualisation des parcours. TRACE propose en effet aux jeunes sans qualification de bénéficier dun accompagnement personnalisé renforcé pendant dix-huit mois permettant daccéder à des actions diversifiées et adaptées d'acquisitions des savoirs de base, de formation, de stages ou demploi en vue dune insertion durable dans lemploi. Les jeunes bénéficieront dune rémunération correspondant aux différentes phases du parcours. Ce dispositif devrait concerner 10 000 jeunes dès 1998 et 60 000 jeunes par an au terme du programme. Trois améliorations de nature à réaliser le droit à linsertion professionnelle pour les jeunes en difficulté pourraient être apportées au dispositif. En premier lieu, il serait souhaitable que le parcours puisse être prolongé au-delà de dix-huit mois lorsque cela apparaît nécessaire pour réaliser lobjectif de qualification et dinsertion. En deuxième lieu, il semble opportun de prévoir dans la loi que pendant les périodes où les jeunes en parcours TRACE ne bénéficient pas dune rémunération au titre dun stage, dun contrat de travail ou dune autre mesure, ils bénéficient daides financières versées par les fonds départementaux daide aux jeunes (FAJ). Enfin, dans le cadre de lintervention conjointe de lEtat et des régions pour la mise en uvre du programme TRACE, il conviendrait dassocier les régions à la conclusion des conventions dobjectifs avec lANPE et le réseau daccueil des jeunes. En outre, le programme prévoit, dune part de favoriser laccès des jeunes en difficulté au contrat de qualification qui sera développé (40 000 places supplémentaires d'ici trois ans) et au contrat d'orientation (17 000 places supplémentaires) en particulier dans le cadre de TRACE, dautre part de réserver 70 000 emplois-jeunes (20 % des 350 000) aux jeunes des quartiers en difficulté. En ce qui concerne les adultes, les dispositifs permettant daccéder directement à lemploi et de favoriser la création dentreprise sont également renforcés. Cest dabord lobjet des dispositions du projet de loi relatives aux contrats emploi-solidarité (CES) et contrats emplois consolidés (CEC). Ces contrats dinsertion dans le secteur non marchand voient leurs caractéristiques précisées. Les CES, recentrés sur les publics prioritaires que sont les chômeurs de longue durée et les titulaires de minima sociaux, sont destinés à offrir une solution dinsertion relativement courte pour accéder à lemploi. Les CEC, qui sont désormais ouverts directement aux personnes les plus éloignées de lemploi et non plus réservés à celles qui bénéficient déjà dun CES, procurent quant à eux un parcours dinsertion de plus longue durée, puisquils peuvent bénéficier dune prise en charge financière par lEtat pendant cinq ans. On soulignera, dans le souci de garantir lefficacité de ce dispositif et afin déviter un certain nombre de dérives constatées dans le passé, la nécessité de prévoir, dans le cadre des CES et CEC, un volet formation réellement adapté à lobjectif dinsertion. Ainsi, dans le cas des CES, compte tenu de leur courte durée (sept mois en moyenne), cest sans doute pour leur renouvellement quil convient de prévoir un véritable dispositif de qualification. Quant aux CEC, ils doivent faire lobjet dun mécanisme de formation permettant de préparer dans la durée le retour à lemploi. Le programme prévoit un nombre constant dentrées en CES (environ 500 000 contrats par an) et une augmentation très forte du nombre dentrées en CEC : 50 000 dès 1998 (contre 30 000 prévues initialement en loi de finances), 60 000 en 1999 et 70 000 en 2000. Leffort budgétaire, sur les trois années du programme, sélèvera à 8,5 milliards de francs. 2. Insertion par lactivité économique Le secteur de linsertion par lactivité économique, qui repose sur un tissu associatif très dynamique dont lobjet est daccueillir des personnes en grande difficulté et de leur offrir une première solution de retour à lemploi, est par ailleurs pleinement reconnu par le programme et le projet de loi. Ce dernier procède à une réorganisation des dispositifs juridiques et financiers concernant ce secteur en distinguant entre linsertion dans le secteur marchand - dans laquelle interviendra lANPE - et linsertion dans le secteur non marchand. Dans un souci de mise en cohérence de lensemble des actions dinsertion à léchelon départemental, le projet de loi renforce également les conseils départementaux de linsertion par lactivité économique et institue des fonds départementaux de soutien de linsertion par lactivité économique permettant de financer lingénierie des projets et laide au démarrage. Enfin, les plans locaux dinsertion par lactivité économique (PLIE) sont élargis et deviennent des plans locaux pluriannuels pour linsertion et lemploi, destinés à coordonner lintervention de tous les acteurs publics autour des communes et de lEtat. Lobjectif fixé par le programme est de doubler en trois ans la capacité daccueil des entreprises dinsertion et des entreprises dintérim dinsertion (+ 9 000 équivalents temps plein) grâce notamment à une nouvelle exonération totale de cotisations sociales patronales. Avec les autres organismes concernés : associations intermédiaires, régies de quartier, centres daide à la vie active (CAVA), chantiers-écoles..., le secteur de linsertion par lactivité économique devrait accueillir, en 2000, 45 000 salariés équivalents temps plein contre 28 000 à lheure actuelle. La dynamisation de linsertion par lactivité économique mobilisera, sur trois ans, 1,4 milliards de francs tandis que leffort budgétaire consacré aux plans locaux pour linsertion et lemploi atteindra 1,64 milliards de francs. On ne peut bien évidemment que souscrire aux ambitions du programme en cette matière, tant linsertion par lactivité économique - et les travaux du Conseil national présidé par M. Claude Alphandery le montrent amplement - représente un outil adapté aux aspects multiples de la remise en situation de travail de personnes qui sont parmi les plus éloignées de lemploi. Le projet de loi provoque cependant des inquiétudes légitimes parmi les acteurs essentiels que sont les associations intermédiaires, lesquelles voient leur champ dintervention singulièrement réduit par les dispositions de larticle 8. Les auteurs du projet de loi ont sans doute souhaité, à juste titre, prévenir des dérives qui conduiraient à développer les mises à disposition de personnes dans des conditions non conformes aux règles de libre exercice de la concurrence. Il nen reste pas moins que la nouvelle réglementation applicable aux associations intermédiaires apparaît comme inutilement restrictive. La réécriture de cet article proposée par le Gouvernement et les amendements qui seront examinés permettront de corriger cet aspect du texte. A cela sajoute dailleurs la question, non abordée par le projet de loi, des conditions dintervention des associations intermédiaires dans le champ dactivité des services aux personnes nécessitant un agrément-qualité conformément à la loi du 29 janvier 1996. Or, à compter du 1er janvier 1999, en létat actuel de la réglementation, les associations intermédiaires seront contraintes de se scinder en différentes entités si elles souhaitent poursuivre cette activité. Ce serait assurément une remise en cause de leur existence pour la plupart dentre elles, car ces associations trouvent leur équilibre financier dans la diversité de leurs activités. En outre, en ce qui concerne linsertion en secteur marchand, on peut noter louverture à titre expérimental, jusquau 31 décembre 2000, du contrat de qualification aux demandeurs demploi adultes. Le financement des primes à lembauche et des exonérations de charges sociales sera assuré par lEtat, les coûts de formation devant être pris en charge par les entreprises dans le cadre de leur contribution pour la formation professionnelle. Lexpérimentation qui devrait concerner 5 000 personnes dès 1998 et 25 000 personnes en lan 2000 sera menée en concertation avec les partenaires sociaux. Elle fera lobjet d'une évaluation susceptible déclairer une négociation interprofessionnelle qui devrait fixer les conditions de la pérennisation de cette ouverture. Cette extension pragmatique dun dispositif qui a fait la preuve de son efficacité est de nature à favoriser la réalisation du droit à la qualification pour les adultes et la réinsertion dans lemploi des plus en difficulté. Il conviendra de veiller à la mise en uvre en partenariat de cette mesure pour assurer sa réussite. Enfin, toujours dans la volonté de favoriser le retour à lactivité, le projet de loi prévoit dencourager les bénéficiaires de minima sociaux (ASS, API, RMI) à la création ou la reprise dentreprise. A cet effet, ils pourront bénéficier des mêmes avantages que les jeunes : maintien de la couverture sociale et exonération de cotisations sociales pendant un an, bénéfice dune aide financière dans des conditions fixées par décret et aide au financement dactions de conseil ou de formation avant la création et dactions de suivi ou daccompagnement renforcé et personnalisé pendant les trois années suivant la création. Compte tenu du public concerné, souvent en situation de grande précarité financière, et afin dobtenir leffet de levier maximum pour obtenir les crédits permettant damorcer ou reprendre lactivité, il paraît opportun de préciser dans la loi que laide financière au démarrage versée aux bénéficiaires de minima sociaux peut être une subvention, plutôt quune avance remboursable comme cela est prévu pour les jeunes. La question de la protection de la santé des personnes démunies, recouvre en réalité deux problèmes : celui de ladaptation du système de soins aux besoins spécifiques des personnes en situation de précarité ou dexclusion et celui plus général de lassurance maladie et de légal accès aux soins. 1. Adaptation du système de soins Le présent projet prévoit la création ou la généralisation dun certain nombre de dispositifs qui ont pour but daméliorer la capacité du système sanitaire et social à prendre en charge les personnes les plus en difficultés. En effet les conditions de vie des personnes les plus démunies, a fortiori celles des sans-abri, sont à lorigine de pathologies graves et spécifiques pour certaines dentre elles, parmi lesquelles des troubles psychiatriques intenses, la malnutrition ou la dénutrition, les maux résultant dune exposition prolongée au froid ou au soleil, dune hygiène insuffisante ou dune promiscuité excessive, les maladies liées à lalcoolotabagisme ou encore à la déshydratation. Sy ajoutent des pathologies plus communes détectées trop tard, en labsence de soins suivis ou dun dépistage effectué en temps utile. Le manque de structures de soins adaptées à cette population, la méconnaissance de leurs droits ou la réticence quont certains à accomplir une démarche de soins crainte dêtre mal accueillies, honte ou pudeur, extrême ont pour conséquence daggraver les maux dont ils souffrent et pour lesquels lacte de soins est trop souvent accompli avec retard. Lapproche doit, en outre, être médico-sociale et avant tout humaine. De nombreuses initiatives ont été prises pour organiser un accueil adapté à ces besoins. Certains hôpitaux ont ainsi créé des cellules daccueil où les personnes sont soignées mais également accompagnées dans leurs démarches sociales. Le projet de loi permet de généraliser ces dispositifs, tout en reconnaissant explicitement la mission des établissements de santé participant au service public hospitalier dans la lutte contre lexclusion. Cette mission doit être assurée en concertation avec tous les partenaires intéressés, au premier rang desquels les associations, mais aussi les professionnels de santé et les institutions médico-sociales, dont le rôle est réaffirmé et les moyens renforcés par le présent projet de loi. Lidée maîtresse est en effet dorganiser des réseaux autour de la personne, et non autour dune activité ou dun secteur. De même quil existe des réseaux de soins, se développent des réseaux dinsertion qui peuvent offrir à la personne en situation de précarité ou dexclusion, tant une aide sociale, sanitaire, professionnelle ou financière, que des conseils personnalisés, un réconfort moral et un accompagnement personnalisé jusquà linsertion. Le programme de prévention et de lutte contre lexclusion prévoit, un financement de 234 millions de francs, de 1998 à 2000, pour soutenir de telles initiatives tandis que des actions spécifiques de santé publique à destination des personnes démunies disposeront, sur la même période, dun crédit de 357 millions de francs. Ces deux actions sinscrivent dans le cadre des programmes daccès à la prévention et aux soins qui seront définis dans chaque région afin de coordonner laction de tous les acteurs. Le dispositif proposé devrait cependant être renforcé en réaffirmant que la lutte contre lexclusion constitue lune des priorités des politiques publiques, en soulignant la place des associations qui oeuvrent pour linsertion ou la lutte contre lexclusion, en renforçant le concept de réseaux de soins et de réinsertion à qui serait conféré un contenu plus précis, en insistant sur léducation sanitaire ainsi que sur la santé des enfants et des jeunes et en précisant le rôle des permanences daccès aux soins de santé dans les hôpitaux. Enfin, il sera proposé de renforcer le dispositif de lutte contre lalcoolisme et la malnutrition en renforçant le statut et les moyens des Centres dhygiène alimentaire et dalcoologie (CHAA). 2. Assurance maladie et couverture complémentaire Sur la question plus générale de lassurance maladie et la couverture complémentaire les réponses seront apportées par le projet de loi sur la couverture maladie universelle. En effet on assiste au développement de plusieurs phénomènes qui se cumulent, de manière assez surprenante, voire paradoxale. Linégalité dans laccès aux soins sest aggravée au cours des années quatre-vingts, alors que la progression du niveau de couverture dassurance maladie de la population progressait sensiblement sur la même période. Une récente enquête du Centre de recherche, détude et de documentation en économie de la santé (CREDES) démontre par ailleurs quun quart des Français renoncent régulièrement à des soins de santé pour des motifs financiers. Sagissant de lassurance maladie auprès des régimes de base, on estime à 800 000 le nombre de personnes dépourvues de couverture mais qui peuvent bénéficier dune assurance personnelle et voir leurs cotisations prises en charge par lEtat ou laide sociale des départements. Parmi ces personnes, 100 à 200 000 nont aucun droit, par méconnaissance de leurs droits ou en raison de la complexité des procédures. Le deuxième phénomène, concerne le renoncement croissant dun certain nombre de personnes à certains soins, en dépit de laffiliation à un régime dassurance maladie de base. Celle-ci laisse en effet 30 % des dépenses de santé en moyenne à la charge des ménages. Se pose donc le problème des couvertures complémentaires dont sont dépourvues, pour des raisons évidentes de coût, de nombreuses personnes démunies. Une étude de lINSEE en juillet 19959 indiquait ainsi que 16,4 % des personnes couvertes par la Sécurité sociale ne sont pas affiliées à un régime complémentaire. En nombre, ce pourcentage semble peu élevé mais il représente près de 2,3 millions de personnes, qui forment une minorité résiduelle mais persistante , dont plus dun tiers est constitué de ménages ayant un revenu inférieur à 2 700 F par unité de consommation, ou 5 900 F pour un couple avec enfant. Ce pourcentage, il faut le noter, était égal à 25 % au début des années quatre-vingts, ce qui témoigne de laggravation de la situation des personnes les plus démunies. Il en résulte des inégalités croissantes pour les soins les plus chers ou les plus mal couverts, tels que la dentisterie ou la lunetterie, alors que leur carence est une source supplémentaire de difficultés. Dans un but de prévention et de protection, figure dans le projet de loi un certain nombre de mesures visant à apporter des garanties aux familles : encadrement renforcé des saisies sur les prestations familiales garantie du droit à louverture dun compte de dépôt, garantie du droit à une fourniture minimale dénergie et deau et désormais de téléphone. Le programme prévoit que sur ce dernier point le fonctionnement des dispositifs existants sera amélioré et leur efficacité accrue par une dotation supplémentaire de 250 millions de francs. Des garanties sont également apportées en termes de revenus pour les plus modestes par lindexation et la revalorisation de lallocation spécifique de solidarité (ASS) et de lallocation dinsertion (AI) et par la possibilité dun cumul accru entre les minima et des revenus tirés dune activité professionnelle. 1. Indexation et revalorisation de lASS et de lAI Lindexation de lASS et de lAI sur les prix répond à la nécessité dapporter pour ces deux allocations la garantie existante, directement ou indirectement, pour tous les autres minima sociaux. Le rapport de Mme Marie-Thérèse Join-Lambert met en effet parfaitement en évidence le retard pris par ces deux allocations, puisque lASS navait pas été revalorisée depuis 1989 et lAI depuis 1986. Cet écart vient de donner lieu à un rattrapage. Par un décret du 10 mars 1998, le montant de lASS a été majoré de 6 % par rapport au montant applicable depuis la revalorisation de 2 % intervenue le 1er janvier 1998 avec effet rétroactif au 1er juillet 1997. Son montant est donc passé de 2 220 F par mois (hors majoration pour les chômeurs âgés) avant les deux revalorisations mentionnées, à 2 400 F. Ce montant est applicable rétroactivement au 1er janvier 1998. Le même décret a majoré le montant de lAI de 29 % à compter du 1er janvier 1998. Son montant est désormais de 1 311 F par mois. Ces deux revalorisations représentent un engagement financier annuel de 1 096 millions de francs pour lASS et de 81 millions de francs pour lAI. Figure, en outre, dans le programme daction une disposition de nature réglementaire permettant aux bénéficiaires du RMI de percevoir lallocation pour jeune enfant (APJE) avant la naissance de celui-ci. LAPJE sera exclue des ressources prises en compte pour le RMI mettant ainsi fin à une situation où les parents bénéficiaires du RMI étaient les seuls à ne pas bénéficier de cette allocation. Le coût de cette mesure est évalué à 133 millions de francs en année pleine. 2. Cumul accru entre les minima et des revenus dactivité Un point essentiel du chapitre consacré aux moyens dexistence concerne la possibilité accrue de cumul entre le bénéfice dune allocation tendant à assurer un minimum de revenu et une activité professionnelle. Lensemble des dispositions du projet relatives à laccès à lemploi met ce dernier au cur de la lutte contre les exclusions, dans lobjectif de restaurer lautonomie économique des personnes en difficulté plutôt que de sen tenir à leur égard à de simples mesures dassistance. Il est, en effet, tout à fait essentiel de permettre aux allocataires du RMI, de lASS ou de lAPI (allocation de parent isolé), qui sont exclus du marché du travail alors quils aspirent à retrouver un emploi, de profiter pleinement de toute occasion qui soffrirait à eux de retour à une activité professionnelle. Il sagit de ne pas pénaliser lacceptation dun contrat à durée déterminée, dun temps partiel et évidemment le démarrage dans un emploi plus stable car ceux-ci sont autant de conditions de la transition vers lemploi et donc de linsertion. Comme la montré lobservatoire de laction décentralisée (ODAS) dans son rapport RMI et SMIC un emploi stable à temps complet rémunéré au SMIC est toujours financièrement plus intéressant que le RMI. Par contre, cela nest pas nécessairement le cas pour un emploi à temps partiel même en prenant en compte les effets conjugués de lintéressement et du décalage temporel dans lappréciation des ressources10. Lalternance de périodes de chômage et de périodes dactivité accroît encore ce problème. Les règles actuelles du cumul peuvent, en effet, se révéler pénalisantes parce quelles retentissent sur le montant des allocations versées et aussi parce que leur complexité rend très difficile à lallocataire lanticipation des incidences sur ses ressources à venir dun revenu professionnel supplémentaire. Aussi le programme expose les modifications qui seront apportées aux règles du cumul afin den accentuer leffet incitatif. Celui-ci sera possible tant que la durée de la ou des périodes dactivité nexcéderont pas un an, le cumul sera intégral les trois premiers mois (dans la limite dun demi-SMIC), affecté dun abattement les six mois suivants, cet abattement étant majoré les trois derniers mois dactivité. Le projet de loi étend, en outre, aux bénéficiaires de lAPI la possibilité dexercice dune activité professionnelle qui existe déjà pour les allocataires du RMI et de lASS. Au-delà de cette seule disposition, il serait toutefois important que le projet affirme clairement le principe du cumul et le fasse plutôt par une disposition figurant dans le chapitre relatif à laccès à lemploi. D. DROIT A LÉGALITÉ DES CHANCES PAR LÉDUCATION ET LA CULTURE Le projet de loi comporte un chapitre relatif à légalité des chances par léducation et la culture, aspect qui était absent du projet de loi de cohésion sociale déposé par le précédent Gouvernement. En effet, il faut se souvenir de ce qui disait Jules Ferry en 1870 : Avec linégalité déducation, je vous défie davoir jamais légalité des droits, non légalité théorique, mais légalité réelle . A la lumière de statistiques telles que celle selon laquelle 53 000 jeunes sortent toujours chaque année du système scolaire sans qualification ou quun enfant de cadre a trois fois plus de chances dobtenir le baccalauréat quun enfant douvrier, fixer un tel objectif a toute sa place dans ce texte de lutte contre les exclusions. Le programme daction du Gouvernement prévoit ainsi une relance des zones déducation prioritaire (ZEP). Outre leur consécration par la loi, elles seront dotées de 36 millions de francs supplémentaires dici lan 2000. Il sagit ainsi de répartir plus équitablement les moyens humains et financiers, en donnant plus à ceux qui ont moins . Par ailleurs, les aides sociales aux élèves seront redéployées, afin de permettre un déroulement équitable de la scolarité pour tous : les bourses des collèges sont rétablies et un fonds social durgence pour les cantines, doté de 290 millions de francs par an, est créé. La lutte contre linégalité des chances ne doit cependant pas sarrêter à la sortie des portes des écoles. Il faut inciter les jeunes à aller aux spectacles culturels ou à exercer des pratiques artistiques en amateur et permettre laccès à des activités périscolaires organisées. En labsence de régulation publique, ce temps daccès personnel aux savoirs et à la culture risque de continuer à reproduire les inégalités préexistantes. Le volet culturel et sportif du programme daction du Gouvernement prévoit à cette fin de créer des emplois de médiateurs culturels permanents et de faciliter laccès aux structures organisant les pratiques artistiques et sportives. Cest ainsi, par une approche à la fois globale et directement pratique de la lutte contre les inégalités culturelles, que légalité effective des chances pourra être rétablie. Lutter contre les exclusions suppose en effet que soient réunis les conditions culturelles qui permettent de sintégrer dans un environnement en en comprenant ses valeurs de référence, au besoin au moyen de discriminations positives, consacrées dans ce projet de loi, rétablissant légalité réelle. Au sein du titre du projet de loi consacré aux institutions sociales est abordé, par lamélioration de leur formation, le rôle essentiel que jouent les travailleurs sociaux dans la lutte contre les exclusions. La loi du 30 juin 1975 qui régit les centres de formation doit en effet être modernisée pour clarifier les relations juridiques et financières entre ces établissements à gestion associative et lEtat. Les nouveaux moyens qui leur seront accordés (26 millions de francs en 1998 et 52 millions de francs à partir de 1999) devraient leur permettre de former plus de 1 000 professionnels supplémentaires chaque année. LEtat sengage ainsi à favoriser le développement de formations reconnues, de qualité et accessibles à tous les étudiants. Les travailleurs sociaux ayant le rôle de véritables médiateurs entre les institutions et les personnes en difficulté, la professionnalisation de leur action est devenue une nécessité impérieuse pour faire face à des situations de plus en plus diverses et difficiles. Leur formation doit donc se fonder sur une approche à la fois globale et concrète des situations dexclusion et des personnes visées par les politiques sociales. Pour cela également, lencadrement supérieur du travail social, indispensable pour lorganiser et réfléchir sur son évolution, doit être renforcé par le développement de formations permanentes et supérieures reconnues par lEtat, en coordination notamment avec les filières de lenseignement supérieur. 2. Laccueil des personnes en difficulté Devrait être également abordé dans ce titre la question plus générale de laccueil des personnes en difficulté et de la coordination des acteurs sociaux que celui-ci suppose. Parmi les personnes reçues par les services sociaux figurent en effet, en nombre croissant, ceux dont le principal problème est davoir des ressources instables et insuffisantes. Dès lors quun incident de parcours, même minime, ou une dépense imprévue apparaît, ces personnes en situation de précarité ne peuvent plus faire face et relèvent de lurgence. Or, cette situation peut résulter de dysfonctionnements administratifs évitables. A cette difficulté sajoute le fait que les dispositifs daides financières se superposent : aides de lEtat et du conseil général à travers divers dispositifs, aides des communes (les CCAS sont souvent les premiers financeurs de secours), mais aussi des caisses dallocation familiales ou de mutualité sociale agricole, caisses primaires dassurance maladie, ASSEDIC, fonds durgence des collèges et lycées, associations caritatives, procédures diverses de remise de dettes. Ces dispositifs sont souvent cloisonnés et le maillage du territoire très inégal. Ils ont chacun leurs critères dattribution, leurs barèmes, leurs procédures dinstruction, sans garantir pour autant la couverture des besoins pour toutes les catégories de publics, ni éviter, à linverse, le recours dune même personne à plusieurs dispositifs parallèles. Cest pourquoi il paraît essentiel de pouvoir mettre en place avec les acteurs au plus près du terrain une coordination des politiques sociales et des fonds dintervention ainsi quun accueil personnalisé. Le programme daction du Gouvernement prévoit dans ce but la création dun comité interministériel et la réorganisation des services de lEtat concernés, tant au niveau central quau niveau déconcentré, pour assurer la continuité de laction publique. Il envisage également de prolonger le rôle de la mission durgence sociale instituée en janvier 1998 pour gérer le fonds social durgence. Il reste que la mise en place dun dispositif de coordination générale est absente du projet de loi. Ceci peut sexpliquer par les nécessités de la concertation avec les représentants des différentes institutions concernées. Cette coordination devrait cependant pouvoir sorganiser dans le cadre souple dun conventionnement entre organismes et collectivités au niveau local. Avec la détermination du territoire le plus pertinent pour cette coordination, ces conventions doivent prioritairement porter sur la recherche de cohérence de laccompagnement personnalisé, la mise en réseau des différents intervenants pour permettre une orientation des personnes en difficulté vers lorganisme le plus à même de traiter sa demande et la simplification de laccès aux services concernés. En mettant laccent sur la nécessaire complémentarité des modes dintervention et des initiatives, il sera ainsi possible de favoriser le développement social local. F. FINANCEMENT DU PROGRAMME DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS Le tableau ci-après récapitule les financements affectés, sur trois ans, par le projet de loi et le programme à la lutte contre les exclusions. Le financement dun montant total de 51,4 milliards de francs et réparti de la façon suivante entre les trois années : - 6 milliards pour 1997 - 16 milliards pour 1998 - 29 milliards pour lan 2000 Figurent dans ce total les crédits de lEtat (38,2 milliards) mais également les cofinancements de ses partenaires : le Fonds social européen et les collectivités locales (8,1 milliards). Sy ajoutent également 5 milliards de francs au titre de lassurance maladie et de la protection complémentaire. Sur le total des crédits de lEtat 15,8 milliards sont affectés à des mesures déjà annoncées. Le montant des crédits nouveaux sélève donc à 22,4 milliards, cest à dire : - 2,6 milliards pour 1998 - 7,7 milliards pour 1999 - 12,1 milliards pour lan 2000 Ce tableau regroupes les crédits selon leur nature. Il faut préciser que la ligne action sociale dont lintitulé est peu précis recouvre les crédits nouveaux destinés à la formation des travailleurs sociaux, à lamélioration de laccueil dans les centres dhébergement et de réadaptation sociale ainsi quaux résidences sociales. (en millions de francs)
Le 5 mars 1998 a été constituée une mission dinformation commune à plusieurs commissions sur la prévention et la lutte contre les exclusions, dans le but de préparer lexamen du projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions. M. Georges Hage a été nommé président et M. Claude Bartolone, rapporteur. Cette mission a procédé à plusieurs auditions dont le compte-rendu figure ci-dessous. Le 1er avril, une commission spéciale, créée à la demande du Gouvernement, à la suite du dépôt du projet de loi, a pris le relais de la mission commune, sous la présidence de M. Georges Hage. Trois rapporteurs ont été désignés : M. Jean Le Garrec, M. Alain Cacheux pour les dispositions concernant le logement et Mme Véronique Neiertz pour celles concernant le surendettement. Auditions de la mission dinformation commune sur la prévention et la lutte contre les exclusions La mission dinformation a entendu Mme Martine Aubry, ministre de lemploi et de la solidarité, au cours de sa séance du mercredi 25 mars 1998. M. Georges Hage, président, a observé que le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions de par sa nature se situait au-delà des clivages politiques, sociaux et culturels. Il répond à une profonde attente des citoyens comme le montrent de récentes enquêtes dopinion : plus de la moitié de nos concitoyens craignent dêtre un jour frappés par lexclusion ; mais 81 % dentre eux pensent quune loi ne peut suffire à faire reculer lexclusion et quil faut, avant tout, changer de politique économique. Par ailleurs, les Français font montre dune grande confiance envers les associations caritatives, confiance qui semble toutefois remettre en cause lefficacité de ladministration. Mme Martine Aubry, ministre de lemploi et de la solidarité, a rappelé que le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, en juin 1997, avait fixé comme double objectif au Gouvernement lemploi et la lutte contre lexclusion. La loi sur les emplois-jeunes et le projet de loi sur la réduction du temps de travail se sont inscrits dans cette priorité. Même si de premiers résultats positifs sont enregistrés quil faut considérer avec une grande prudence et même si la conjoncture économique est plus favorable, on ne peut ignorer quen tout état de cause certaines personnes en raison de leur parcours et de leurs difficultés, ne pourront, sans aide, en profiter. En outre, les phénomènes de précarité et dexclusion touchent un nombre croissant de personnes dans notre pays : 10 % des ménages disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté ; deux millions de personnes ne vivent que grâce au revenu minimum dinsertion (RMI) et six millions dépendent des minima sociaux. La précarité saccroît et prend de multiples formes : cinquante mille jeunes sortent ainsi chaque année du système éducatif sans qualification ; un quart de la population renonce à se faire soigner pour des raisons financières ; deux cent mille personnes sont sans abri et deux millions sont mal logées. Le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions sinscrit dans la continuité des travaux initiés depuis plusieurs années par les associations dont le travail sur le terrain permet de contribuer au maintien du lien social. Le rapport du professeur Péquignot en 1978 sur la grande pauvreté, le rapport du père Wresinski en 1987, puis celui du Conseil économique et social sur lévaluation des politiques de lutte contre la grande pauvreté ont mis laccent sur lampleur du problème. Un hommage tout particulier doit être rendu à Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, présidente dATD-Quart monde et membre du Conseil économique et social, pour son travail incessant au service de la lutte contre lexclusion. Il faut rappeler que ce projet sinscrit dans un programme qui sétendra sur les trois prochaines années. Il saccompagnera, en outre, de deux autres textes : lun portera sur laccès aux droits, lautre, pour la préparation duquel M. Jean-Claude Boulard a été chargé dune mission, garantira laccès aux soins et à la sécurité sociale aux plus démunis. Le projet de loi se fonde sur la volonté de rendre aux personnes les plus en difficulté autonomie et dignité afin de redonner à chacun sa place dans notre société. Il est en rupture avec les politiques classiques de lutte contre lexclusion puisquil rejette la logique de lassistanat, dont elles se sont trop longtemps contentées. Le titre premier de la loi consacre donc laccès aux droits fondamentaux des plus démunis. Il est, en effet, primordial que personne ne soit écarté de lexercice effectif de ses droits, que ce soit en matière demploi, daccès aux soins, déducation ou de culture. Une dimension essentielle de la lutte contre lexclusion réside ensuite dans la prévention car attendre lurgence pour intervenir signifie que lon renonce à changer les choses. Cest lobjet du titre II du projet de loi. Il y aura toujours des personnes pour lesquelles des réponses durgence seront indispensables. Celles-ci devront donc être relayées par des politiques structurelles. Pour autant, il est important de ne pas créer de droits spécifiques stigmatisant la pauvreté mais de permettre laccès aux droits de tous. * Larticle premier réaffirme solennellement lengagement de la Nation dans la lutte contre lexclusion. Celui-ci sappuie sur des moyens financiers à la hauteur de lenjeu : cinquante-et-un milliards de francs sur trois ans, dont trente-huit milliards à la charge de lEtat. Le chapitre 1er, titre premier est consacré à laccès à lemploi. Il sagit de prendre en compte la situation des hommes et les femmes qui sont aujourdhui durablement éloignés de la qualification et de lemploi parce quils ont été en situation déchec scolaire ou parce quils sont sans emploi depuis une longue période. Chacun devra pouvoir être accueilli et accompagné dans la durée par un programme dinsertion. Le service public de lemploi qui a retrouvé sa crédibilité auprès des entreprises doit être en mesure daccueillir tous ceux qui ont besoin daide. Les dispositifs existants doivent être complétés pour que ces personnes puissent être conduites par étapes dans un parcours qualifiant et vers lemploi. Les principales dispositions de ce chapitre sont les suivantes : - Les jeunes les plus en difficulté, 60 000 dentre eux en année pleine, seront accompagnés pendant une durée pouvant aller jusquà dix-huit mois par le programme TRACE (trajet daccès à lemploi) qui permettra de définir les étapes nécessaires et adaptées à chacun. Pendant les périodes non couvertes par un contrat ou une formation, ils pourront bénéficier de laide financière du Fonds daide aux jeunes. Pour cela un financement est prévu à hauteur de 200 millions de francs et ce programme dans sa globalité mobilisera 5,1 milliards de francs sur trois ans. - Les adultes non qualifiés pour lesquels une formation classique trop théorique est souvent inadaptée pourront désormais accéder aux contrats de qualification. Cette formation en alternance concernera 25 000 personnes en année pleine pour un coût de 2,2 milliards de francs. - Les contrats emploi solidarité (CES) seront recentrés sur les personnes les plus en difficulté, lobjectif étant quils représentent 75 % des bénéficiaires. Pour éviter que les personnes en CES qui narrivent pas obtenir du fait de leur âge ou de leur formation un emploi soient renvoyées vers le RMI, des contrats emplois consolidés (CEC) dune durée de cinq ans leur seront proposés. Pris en charge à hauteur de 80 % par lEtat, ils devraient pouvoir bénéficier à 200 000 personnes dici deux ans. - Il convient également de dynamiser le secteur de linsertion par lactivité économique et de clarifier les statuts de ces structures. Le nombre de postes sera doublé dans les entreprises intermédiaires qui travailleront en liaison avec lANPE pour quun bon ciblage des publics soit garanti. - Une ampleur particulière sera également donnée à la lutte contre lillettrisme. Le chapitre 2 du titre premier traite du droit au logement. Lamélioration du logement social est indissolublement liée à la politique de la ville. Aussi ce texte sera ultérieurement complété par des projets de loi sur la politique du logement social et sur la politique de la ville. Ce chapitre de ce projet a pour objet plus spécifiquement daméliorer les dispositifs pour les plus défavorisés. Pour garantir le droit au logement, le plan départemental daction pour le logement des personnes défavorisées sera revu. Les moyens du fonds de solidarité logement seront augmentés de 320 millions de francs sur trois ans. Le rôle des associations dans la médiation et la gestion locative sera renforcé. Loffre de logements adaptés pour les personnes défavorisées sera accrue et une taxe sur les logements vacants sera instaurée. Un numéro denregistrement départemental permettra une plus grande égalité daccès au logement social. La prévention et laccès aux soins font lobjet du chapitre 3 du titre premier. Malgré les mesures législatives et réglementaires existantes qui interdisent théoriquement cette situation, 100 à 200 000 personnes nont pas de droits ouverts à lassurance maladie. Dans le cadre de la réforme actuellement étudiée par le Gouvernement toute personne âgée de plus de seize ans disposera dune carte permanente de sécurité sociale et sera affiliée au régime général si elle nest pas prise en charge par un régime obligatoire. Mais il faut aller plus loin pour garantir laccès effectif aux soins de ceux qui nont pas les moyens de se faire soigner. En effet, laide médicale gratuite nest pas accordée systématiquement ou fait lobjet de certains obstacles de nature administrative, des distorsions existent de plus entre les différents départements qui napprécient pas la situation des intéressés suivant les mêmes critères. Une couverture complémentaire sous condition de ressources sera mise en place. Tous ces éléments feront lobjet du projet de loi sur la couverture maladie universelle qui sera discuté à lautomne. Dans le présent projet de loi dorientation, il est prévu de mettre en place pour les plus démunis des programmes régionaux daccès à la prévention et aux soins, en liaison avec les départements. La prévention en direction des jeunes, à commencer par la médecine scolaire devra être renforcée. Enfin, lhôpital doit retrouver la mission sociale qui était la sienne en sadaptant aux besoins spécifiques des personnes en situation de précarité. Le chapitre 4 du titre premier a pour objectif daméliorer les conditions dexercice de la citoyenneté. Les personnes sans domicile fixe auront accès au droit de vote en étant domiciliées auprès dassociations agréées et verront leur accès à laide juridique facilité. * Le titre II a pour objet la prévention des exclusions. Le chapitre premier vise à améliorer le traitement du surendettement en renforçant les droits des débiteurs mais aussi en garantissant le maintien dun minimum vital aux intéressés par létalement du remboursement des dettes sur huit ans au lieu de cinq et par la possibilité de déclarer des moratoires. Le chapitre 2 du titre II a pour objet de réformer la procédure des saisies immobilières et des ventes judiciaires des logements saisis. Le chapitre 3 du titre II vise à prévenir les expulsions des personnes de bonne foi. Aucune expulsion en effet naura lieu sans que les autorités publiques naient été saisies et ceci dès lengagement de la procédure. Il assure également le droit à un habitat décent, en particulier par la lutte contre le saturnisme mais aussi en apportant des garanties contre les marchands de sommeil, la précarité des meublés et des sous-locations. Le chapitre 4 du titre II vise à garantir les moyens dexistence des plus démunis. Les minima sociaux sont une réponse indispensable aux situations les plus difficiles. Pour autant, le bénéfice dun revenu minimum ne doit pas se traduire par lenfermement dans lassistanat. Lobjectif est de redonner à chacun une place dans la société et cela est bien plus ambitieux et bien plus difficile que de créer un RMI jeunes . Le retard pris dans lévolution des minima comme lallocation spécifique de solidarité (ASS) et lallocation dinsertion (AI) a été comblé. Leur montant sera désormais garanti par une indexation sur les prix. Inciter les allocataires à la reprise du travail suppose que les minima sociaux ne soient pas trop proches des plus bas salaires et en même temps que le retour à lemploi ne soit pas pénalisant pour les intéressés. Une personne longtemps attributaire du RMI naccédera très probablement à lemploi quau travers dun contrat à durée déterminée ou à temps partiel. Les règles actuelles dintéressement aboutissant une perte de la moitié des revenus du travail, lincitation à la reprise dune activité nexiste pas. Sy ajoute la peur déchouer dans cette réinsertion et en conséquence de perdre le bénéfice des allocations précédemment servies. Le nouveau dispositif dintéressement à la reprise du travail permettra que toute personne retrouvant un emploi bénéficie pendant douze mois, en plus du minimum social, dune partie de la rémunération supplémentaire et même pendant les trois premiers mois de lintégralité de celle-ci. Il faut ajouter que lensemble des mesures visant à faciliter laccès aux soins, à la culture, aux loisirs ou au logement sont autant de dépenses supplémentaires financées par la collectivité qui viendront réduire les charges pesant sur les personnes à faible revenu. Enfin, légalité des chances repose aussi sur léducation et la culture. Sur ce dernier point le projet prévoit que les actions culturelles bénéficiant de subventions publiques adapteront leurs tarifs aux personnes en difficulté. * Le titre III a pour objet daméliorer et de coordonner laction des acteurs de la lutte contre lexclusion. Cette amélioration passe par une meilleure formation des travailleurs sociaux qui sinspire des mesures prévues par le projet de loi sur la cohésion sociale et par une consolidation des structures durgence. La coordination des acteurs sappuie sur la mise en place dun observatoire national de la pauvreté et de lexclusion sociale. Il disposera, en 1999, dun budget de 5 millions de francs. Les élections cantonales ayant conduit à suspendre les discussions en cours avec les présidents des conseils généraux, un amendement du Gouvernement sera présenté quand cette concertation aura été achevée, afin de revoir lorganisation départementale de la lutte contre lexclusion et pour linsertion pour mieux organiser laction publique avec lensemble des acteurs concernés. En conclusion, la ministre a rappelé que le projet de loi dorientation constituait une première étape. LEtat prend un engagement fort sur trois ans qui devra, bien sûr, se poursuivre au-delà mais les collectivités locales, les conseils régionaux et surtout les conseils généraux ont aussi un rôle majeur à jouer. Les services publics devront également évoluer afin dêtre au service de tous et même daller au devant des exclus. La lutte contre lexclusion devrait donc conduire à la mobilisation de tous en associant lensemble des partenaires, quil sagisse des collectivités, des entreprises ou des associations. Après lexposé de la ministre, M. Claude Bartolone, rapporteur, a observé que le projet de loi actuel avait le mérite de couvrir tous les aspects de lexclusion et de sappuyer sur un financement à hauteur de 50 milliards de francs, dont 38,2 milliards par lEtat, alors que la modicité et la non-pérennité du financement du précédent projet de loi avaient été critiquées. Il faudrait cependant être certain quil y aura bien accompagnement du financement de lEtat par celui des collectivités locales et que les adultes ne se sentent exclus des dispositifs prévus en faveur de lemploi. En ce qui concerne laccès aux soins des plus démunis, on peut sinterroger sur les rôles respectifs de lhôpital et du médecin généraliste. Enfin, lintention annoncée par le Gouvernement de financer la lutte contre lexclusion sur plusieurs années, à budget constant, impliquera des choix budgétaires sur lesquels il serait bon davoir des éléments. En réponse, Mme Martine Aubry, ministre de lemploi et de la solidarité, a apporté les précisions suivantes : - Pour les années 1998, 1999 et 2000, sur un total de 51,4 milliards lEtat sera engagé pour 38,2 milliards mais il sera également fait appel à un cofinancement de différents partenaires à hauteur de 8,1 milliards. Sur ce total, le Fonds social européen (FSE) contribuera pour 2,2 milliards au financement des mesures relatives à lemploi, tandis que les collectivités locales financeront à hauteur de 3,5 milliards essentiellement le développement des plans locaux dinsertion par léconomie (PLIE). Les opérateurs publics ou privés deau, dénergie et de téléphone abonderont à hauteur de 900 millions sur trois ans un fonds consolidé qui permettra que les dettes soient étalées et quaucune interruption de service nait lieu sans contact préalable avec les particuliers concernés. Un financement de 5 milliards sera par ailleurs affecté à la couverture maladie universelle. Sa répartition entre lEtat et les autres partenaires nest pas encore connue puisque le texte nest pas encore voté. - Lannonce de la création de 350 000 emplois-jeunes a pu faire croire aux adultes quils étaient laissés de côté. Dans le programme contre les exclusions, il y a 11 milliards de crédits nouveaux sur des dispositifs daide à lemploi des adultes, au regard des 3,3 milliards de francs affectés aux dispositifs concernant les jeunes. - Des études sur la mission sociale de lhôpital sont en cours. Il serait souhaitable de généraliser le dispositif daccueil médico-social des hôpitaux - les programmes daccès aux soins de santé (PASS) - de manière à ce quun service soit en mesure daccueillir à tout moment les personnes en difficulté, de les aider et de les guider. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a souligné quil serait présomptueux de penser quune loi seule puisse venir à bout de lexclusion, dautant que les problèmes ne sont pas seulement financiers. Il y a beaucoup de bonnes choses dans le projet actuel mais il ne comporte pas de chapitres nouveaux par rapport au texte précédent et il serait important de savoir si les mesures annoncées sont bien des mesures nouvelles ou sil sagit seulement de redéploiement. Le volet concernant léducation nationale et particulièrement la lutte contre lillettrisme mériterait dêtre précisé. Lamendement annoncé sur la réforme du dispositif départemental de lutte contre lexclusion doit avoir comme objectif de prévoir une structure de décision légère et efficace. Il serait également souhaitable de clarifier les dispositions fiscales qui sappliquent aux entreprises dinsertion, car elles sont à lheure actuelle lobjet de redressements importants de la part de ladministration fiscale. M. Pierre Méhaignerie a considéré que la lutte contre les exclusions devait surmonter deux difficultés essentielles : linsuffisante mobilisation des acteurs sur le terrain et la trop grande complexité des systèmes mis en place. Cest pourquoi il faudrait demander aux préfets de réaliser une évaluation des efforts réalisés par les acteurs locaux et faire circuler linformation ainsi recueillie. Au titre de la nécessaire simplification, on peut se demander pourquoi le projet de loi ne prévoit pas dharmonisation des minima sociaux. Il faut enfin souligner le risque que certaines personnes ne sinstallent durablement dans une situation de non-travail, si la différence entre minima sociaux et revenus du travail nest pas assez marquée. Mme Véronique Neiertz a souligné les différences importantes existant entre ce projet de loi et celui présenté par le précédent Gouvernement : en terme de calendrier puisquil intervient rapidement après la mise en place du Gouvernement, en raison aussi de son ampleur sans précédent et de sa logique fondée sur la prévention. Les financements sont assurés, ce qui nétait le cas daucune des mesures du projet de loi de cohésion sociale. Enfin, il comprend un dispositif en matière de surendettement même sil ne va pas jusquà la généralisation de la faillite civile. Mme Janine Jambu, après avoir souligné trois aspects très positifs du texte, un large accord sur la gravité de la situation, la nécessité de sortir de lassistanat et, enfin, le développement dun volet axé sur la prévention, a posé des questions sur : - le coût du dispositif et la nécessité de rechercher des ressources nouvelles notamment en définissant mieux la participation financière des entreprises ; - limportance de la mixité sociale, car le regroupement systématique de populations précarisées accroît les problèmes et retentit sur les conditions denseignement et daccueil ; - les expulsions, qui apparaissent comme une méthode dépassée dès lors que les intéressés sont de bonne foi ; - lextension du bénéfice du RMI aux jeunes de moins de vingt-cinq ans. M. Patrick Devedjian a estimé que la pire inégalité réside actuellement dans la complexité bureaucratique. Les mécanismes dattribution du RMI, par exemple, sont beaucoup trop éloignés des réalités du terrain et de ce fait générateurs dinégalités. Il a ensuite posé des questions sur la manière dont seront financées les dépenses, en particulier la première année. Si ces dépenses ne doivent pas provenir de crédits redéployés, seront-elles financées par lemprunt, par de nouveaux impôts ou par une réduction dautres dépenses et dans ce cas, des économies seront-elles réalisées sur les crédits du ministère de lemploi et de la solidarité ? Quel est le coût exact induit par les mesures nouvelles du projet de loi puisque certaines dispositions existent déjà ? Enfin, quelles seront les modalités de financement de lassurance maladie universelle et quelle participation peut-on attendre des régimes dassurance maladie et des mutuelles ? Mme Paulette Guinchard-Kunstler a posé des questions sur la mobilisation des entreprises et sur le rôle des travailleurs sociaux pour assurer, au-delà de lempilage des dispositifs, la qualité de leurs résultats. Mme Hélène Mignon, après avoir indiqué que dans le département de la Haute-Garonne la mise en place de la carte de santé permettait à chacun dobtenir une couverture sociale maladie dans un délai de huit jours et que les entreprises étaient satisfaites de lextension aux adultes des contrats de qualification, a posé des questions sur le rôle dévolu aux missions locales et sur la nécessité de donner aux travailleurs sociaux plus dinitiative, au besoin en revoyant les règles du secret professionnel. M. Alain Veyret, après avoir souligné lexistence de phénomènes dexclusion dans les zones rurales et insisté sur la nécessité de mener des actions daménagement du territoire pour faire face à ce problème, a dénoncé le caractère précaire des emplois aidés et le risque qui existe de créer des emplois à deux vitesses. En réponse aux intervenants, Mme Martine Aubry a donné les précisions suivantes : - La lutte contre léchec scolaire est un élément du programme daction complémentaire du projet de loi. Ces mesures ne sont en effet pas toutes de nature législative mais nécessitent une action de terrain dans une logique de prévention. Il en est de même pour le programme daction culturelle ou les mesures sur laccès au sport et aux loisirs. Le financement de la lutte contre lillettrisme, qui était passé de 60 millions de francs en 1995 à 25 millions de francs en 1997, sera porté en trois ans à 72 millions de francs par an. Ainsi 45 000 personnes bénéficieront de lensemble du programme contre 5 000 actuellement. - Le financement du projet de loi est assuré pour 1999 et 2000 par un redéploiement de crédits au niveau de lensemble du budget de lEtat, compte tenu des deux priorités fixées par le Premier ministre qui sont lemploi et la lutte contre lexclusion. A la différence du programme de cohésion sociale du précédent gouvernement qui réduisait les crédits destinés à lASS, il ny aura donc pas de redéploiement à lintérieur des crédits destinés aux plus démunis. Les moyens financiers affectés au programme de lutte contre lexclusion pour 1998 sélèvent à 6 milliards de francs. LEtat sengage pour 5,1 milliards de francs, sur lesquels 2,4 milliards de francs sont dores et déjà budgétés. 2,5 milliards de francs de mesures nouvelles sont donc dégagés et 974 millions de francs proviendront du cofinancement des partenaires. Pour cette année aucun redéploiement des crédits nest prévu ni sur les crédits du ministère de lemploi et de la solidarité ni sur les chapitres budgétaires concernés par le projet. Si de tels redéploiements ont lieu dans les années qui viennent ils affecteront des crédits en diminution en raison des succès obtenus dans la lutte contre lexclusion. - Les entreprises dinsertion connaissent des problèmes dordre fiscal mais aussi des difficultés dues aux retards de paiement de lEtat. Sur ce point des instructions ont déjà été données. Le projet de loi clarifie leur statut mais elles doivent viser, dans leur action, un public véritablement en difficulté. - Il est vrai quil faut simplifier les dispositifs multiples existants. Laction de proximité sera facilitée, par exemple, par la création despaces jeunes communs aux missions locales et à lANPE. De même, les cellules durgence ont pour objectif dorienter les personnes en difficultés lorsquelles demandent lapplication dun droit, afin quelles naient pas à sadresser à de multiples services. - La décentralisation de laction sociale ne doit pas se traduire par des ruptures dégalité pour les plus faibles. - Lharmonisation des minima sociaux nest envisageable que dans un cadre plus large prenant également en compte lindemnisation du chômage. Si lASS na pas été revalorisée ces dernières années cest en raison de lafflux massif de jeunes chômeurs précédemment pris en charge par lUNEDIC. - La quasi-totalité des chômeurs sont à la recherche effective dun emploi, le problème de la fraude est marginal et les sanctions existent. Depuis 1992, un chômeur ayant refusé deux emplois est radié doffice des listes de lANPE. - Un pays qui se résigne à donner une allocation dassistance aux jeunes est un pays qui baisse les bras. La solution passera par une réforme de lindemnisation du chômage. - La mixité sociale est un facteur essentiel de lutte contre lexclusion, qui ne peut être appréhendé quà travers la politique de la ville. - Lassurance maladie universelle est susceptible de toucher 500 000 personnes, notamment des personnes qui naccèdent pas actuellement aux soins alors même quelles y ont droit. Le coût de 5 milliards de francs pourra donner lieu à des financements provenant de diverses sources, par exemple une participation des systèmes dassurance complémentaire, ou encore la mise en place de tarifs différenciés de la part des mutuelles. - Il est indispensable de redéfinir les mission des travailleurs sociaux afin quils assurent des actions de proximité et de suivi sur le terrain et ne contentent pas de gérer des dossiers dans leurs bureaux. - Les phénomènes disolement des personnes en situation précaire au sein des zones rurales ne doivent pas être négligées. 20 % des emplois-jeunes doivent sadresser à des personnes provenant de zones défavorisées, de quartiers difficiles mais aussi de zones rurales ou en voie de désertification. II.- AUDITION DE M. BERTRAND SCHWARTZ, UNIVERSITAIRE La mission dinformation a entendu M. Bertrand Schwartz, universitaire au cours de sa séance du mercredi 18 mars. M. Georges Hage, président, a indiqué en préambule que cette séance ne consisterait pas à analyser un projet de loi qui nest pas encore déposé mais permettrait de recueillir lavis des intervenants sur le programme présenté par le Gouvernement le 4 mars et, au-delà, de se pencher dune manière globale sur les problèmes dinsertion qui touchent à léthique, forme suprême de la politique. Le projet de loi contre lexclusion a une histoire dont les épisodes sont connus. Lors de la dernière campagne électorale pour lélection du Président de la République, quatre candidats éminents étaient convenus de lurgence quil y avait à se saisir des problèmes de lexclusion. Cette préoccupation est aujourdhui unanimement partagée dans notre pays comme si lexclusion, voire ses angoisses hantaient la conscience nationale. Dans ce contexte, laudition de M. Bertrand Schwartz simposait, puisquil un spécialiste de la formation professionnelle, quil est à lorigine de plusieurs innovations dans le domaine de linsertion parmi lesquelles la création des missions locales dinsertion et que ses écrits témoignent du refus de la fatalité de lexclusion . M. Bertrand Schwartz a souligné que toute politique destinée à lutter contre le phénomène dexclusion devait partir de deux éléments essentiels : dune part, de mesures cohérentes et globales, dautre part, dune volonté daccompagnement et de suivi. Les dispositions à prendre ne peuvent, en effet, lêtre isolément et ceci est vrai de lemploi, de la formation professionnelle ou encore du logement. Quant au suivi, il est une nécessité absolue. Les travaux des missions locales dinsertion font ressortir les spirales dans lesquelles sont entraînés de nombreux jeunes : labsence de revenu entraîne des difficultés à chercher un emploi, labsence demploi implique la perte du logement, lequel entraîne une dégradation de la santé des intéressés, laquelle à son tour les prive à nouveau de possibilités demploi. Le développement des missions locales proposé par le Gouvernement apparaît à cet égard très positif, puisquelles sont en mesure dappréhender la situation des jeunes dans sa totalité. Le programme présenté par le Gouvernement traduit la nécessité dune approche globale, il devrait cependant, pour réussir, déboucher sur une réforme de lEtat et une évolution du comportement des décideurs et des acteurs. Il faut à cet égard souligner que la première carence est celle de lécoute, sur le terrain. La plupart des personnes en situation de précarité ne trouvent plus dinterlocuteurs. Par ailleurs on ne peut se limiter à lévaluation seulement quantitative des différents outils mais il faut se préoccuper de la qualité des réinsertions auxquelles on parvient. Enfin, il est indispensable de relier les divers acteurs au sein de réseaux, ce que les administrations centrales, trop formalistes, ne font pas. Un animateur, par exemple, qui exerce son travail de façon solitaire est inefficace. Dans le domaine des nouveaux services et nouveaux emplois, les questions quil convient de se poser sont les suivantes : - Quels sont les secteurs où le manque demploi engendre des dégâts ? - Que peut-on attendre du développement dactivités nouvelles ? - Comment les emplois-jeunes, par exemple, peuvent-ils se répercuter sur les structures de travail déjà existantes ? Linstitution des trajectoires daccès à lemploi (TRACE) apparaît positive puisque cette mesure devrait permettre, sur une durée relativement longue, de remédier aux difficultés parfois dramatiques engendrées par la discontinuité temporelle ou spatiale de certaines mesures. Sagissant de la formation en alternance, son efficacité suppose quune très forte articulation soit opérée entre les périodes de travail et la formation. Le jeune en formation doit se rendre compte que lenseignement abstrait quon lui apporte peut lui être utile dans son travail. Il faut aussi quil puisse acquérir un niveau de travail qualifiant. Il convient dailleurs préciser que le niveau de qualification en soi na pas beaucoup dimportance : si une personne, après avoir atteint un certain niveau sarrête de travailler pendant plusieurs années, les bénéfices en seront perdus. En sens contraire, léchec scolaire ne devrait pas être un obstacle car un jeune peut avoir vécu des situations dans lesquelles, pour sen sortir, il a dû faire preuve de capacités qui peuvent être valorisées. On doit enfin se réjouir de la mise en place de contrats de qualification pour les adultes ainsi que des actions projetées pour appuyer les projets de création dactivité car il est prouvé que lintégration de jeunes de faible niveau dans un processus de création culturelle ou sociale permet bien souvent de les sortir de la logique dexclusion, de les former, voire de créer des emplois. M. Claude Bartolone, rapporteur, a demandé quels étaient les moyens à mettre en uvre pour que les différents intervenants prévus dans le projet TRACE travaillent effectivement ensemble et comment éviter une séparation trop forte entre les décisions prises par lEtat et les actions menées sur le terrain par les collectivités locales, les associations et les travailleurs sociaux. M. Gaëtan Gorce a rappelé quun des problèmes récurrents rencontrés dans laction sur le terrain résidait dans la difficulté à coordonner laction des différentes administrations et à mobiliser lensemble des moyens disponibles. On pourrait donc se demander si la réforme de lEtat nest pas un préalable indispensable à la réussite des mesures proposées par le Gouvernement. M. Jean-Pierre Brard a observé que, bien souvent, alors quil suffirait de peu de choses pour sortir des personnes de lexclusion, les circuits institutionnels existants sont inefficaces car incapables de sadapter aux cas concrets. Il convient donc de réfléchir à des modalités dactions fondées, non pas sur des structures, mais sur la réalité vécue par les individus. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a souligné que lefficacité des missions locales était en réalité extrêmement variable. Le projet envisage la création de 900 postes supplémentaires dans ces missions locales. Pour éviter tout gaspillage, il serait souhaitable quil soit procédé au préalable à une évaluation de leur action. Il faut rappeler que les emplois-jeunes ne sont pas censés sadresser aux personnes en situation dexclusion. Il ne faut donc pas confondre les objectifs du texte emplois-jeunes et ceux du présent projet. Enfin, si la situation des jeunes a été très largement évoquée, il ne faudrait pas pour autant oublier le cas encore plus dramatique des personnes plus âgées, sans emploi et arrivées en fin de droits. M. Pierre Méhaignerie a souligné que les travailleurs sociaux étaient tout autant désespérés par la multiplicité des structures existantes que par la multiplicité des cas dont ils doivent soccuper. Il nest pas rare quune même famille soit suivie par dix structures différentes. Il est donc essentiel que le projet sattache à harmoniser et coordonner laction des différents acteurs sociaux, sinon il ne donnera lieu quà un gaspillage de moyens. En réponse aux intervenants, M. Bertrand Schwartz a apporté les éléments suivants : - Le programme prévoit une meilleure formation des travailleurs sociaux, ce dont il faut se féliciter car ceux-ci se sentent souvent laissés pour compte. Toutefois, assurer une meilleure formation aux travailleurs sociaux ne sera pas suffisante pour garantir une véritable collaboration entre les différents acteurs : cest toute ladministration (directions départementales du travail et de lemploi, ANPE, AFPA, etc.) qui devrait apprendre à écouter , afin que tous soient à même de travailler en collaboration sur des cas concrets. - Faire de la réforme de lEtat un préalable serait prendre le risque de limmobilisme. Il est préférable de la mener à travers la mise en uvre de programmes et dinstances de concertation. - Il faudrait sassurer que chaque personne en situation dexclusion soit rencontrée au moins une fois par une personne capable de lécouter et de la mettre en contact avec dautres, plus à même, le cas échéant, de la diriger vers linstitution qui lui correspond le mieux. - On peut en effet considérer quil y a un tiers des mission locales qui fonctionnent mal mais la responsabilité en revient souvent aux élus, puisque ce sont eux qui les président et qui en désignent les dirigeants. Le risque de gaspillage doit être relativisé si lon pense aux sommes colossales dépensées par exemple dans laffaire de la vache folle ou dans dautre secteurs. En ce qui concerne plus particulièrement la multiplicité des structures et leur absence de coopération, ce nest pas la loi qui fera changer les choses, mais bien chacun dentre nous. III.- AUDITION DE M. SIMON WUHL, PROFESSEUR ASSOCIÉ À LUNIVERSITÉ DE MARNE-LA-VALLÉE La mission dinformation a ensuite entendu M. Simon Wuhl, professeur associé à luniversité de Marne-la-Vallée au cours de sa séance du mercredi 18 mars 1998. M. Georges Hage, président, a rappelé que M. Simon Wuhl, socio-économiste, professeur associé à luniversité de Marne-la-Vallée était également conseiller scientifique au Plan urbain, après avoir été rapporteur à la commission nationale dévaluation du RMI et membre de la mission de M. Jean-Pierre Sueur sur la politique de la ville et quil était lauteur de plusieurs livres : Du chômage à lexclusion (1991), Les exclus face à lemploi (1992), Insertion : les politiques en crise (1998), ouvrage dans lequel il sattache à montrer que le chômage dexclusion , celui des personnes en rupture avec le marché du travail, résiste à toute amélioration de la conjoncture économique et se pérennise alors que les politiques dinsertion sont en crise faute dune vision claire de leurs objectifs. M. Simon Wuhl a dabord exposé les principes qui, à ses yeux, devaient guider les politiques dinsertion des chômeurs en difficulté. En premier lieu, doit être établie larticulation la plus étroite entre la sphère de linsertion et celle de lentreprise. Plus globalement, la sphère de linsertion doit sarticuler avec les politiques suivies en matière dorganisation du travail comme, par exemple, la réduction du temps de travail, afin déviter une sorte denclavement de linsertion. Enfin, il est nécessaire déviter, ou du moins de limiter, les solutions qui enferment durablement les intéressés dans un statut périphérique par rapport au cadre général du travail. Il en était ainsi, par exemple, des emplois-ville, assignés à une catégorie bien déterminée, les jeunes de banlieue non qualifiés. Les emplois-jeunes, qui sadressent à un public plus qualifié et qui sinscrivent dans un processus transitoire, nentrent pas dans cette catégorie. Si on procède à lanalyse critique des conceptions actuelles des politiques dinsertion, trois grands pôles de linsertion correspondant à trois catégories de mesures peuvent être définis : - un pôle éducatif/adaptatif , qui est majoritaire. En marge du système de production, il repose essentiellement sur les stages et soulève deux difficultés. Il faut souligner que, dune part, dans une conjoncture aléatoire il est difficile dajuster la qualification des personnes aux besoins des entreprises, alors même que les emplois les moins qualifiés sont ceux qui connaissent les évolutions les plus rapides et, dautre part, que de nombreuses compétences ne peuvent sacquérir quen situation de travail. Aussi, même dans les conjonctures les meilleures en matière de création demploi, comme ce fut le cas à la fin des années 80, les performances de ce pôle restent faibles ; - un pôle social ou dutilité sociale qui a été illustré par le développement de contrats de type emploi-solidarité reposant sur lidée, quil peut exister un nouvel espace économique entre la logique marchande du secteur privé et la logique administrative du secteur public. Il semblait donc possible de dégager des emplois pérennes dans ce secteur intermédiaire. La difficulté réside dans le fait que les chômeurs en difficulté ne semblent pas les mieux placés pour explorer ces nouveaux espaces économiques, même si des résultats intéressants ont pu être obtenus. Les conséquences, outre les faibles créations demplois durables, en sont le développement dactivités périphériques au monde de lemploi, renforçant la séparation entre linsertion et le système de production ; - un pôle économique qui consiste à articuler la formation et linsertion en entreprise, par exemple au moyen de la formation en alternance. Le problème est que les évaluations montrent que les contrats du type contrat de qualification bénéficient prioritairement à des jeunes déjà qualifiés qui en ont pourtant le moins besoin. Cependant, lorsque les moins qualifiés accèdent à ces contrats, et ils sont au nombre denviron 20 %, leur probabilité dinsertion professionnelle est très supérieure à celle offerte par les autres modalités dinsertion. Troisièmement, il faut préciser les raisons de la configuration du chômage français : chômage des jeunes, chômage de longue durée et de précarité. Elle sexplique essentiellement par les rigidités de lorganisation du travail dans les entreprises françaises. Lesprit taylorien perdure et cette rigidité est parfaitement contraire à la souplesse requise par une conjoncture économique aléatoire. Les entreprises, même dans une conjoncture favorable et même lorsquelles déclarent avoir besoin de main-duvre peu qualifiée, font montre dune grande réticence à lembauche. En outre, elles privilégient une embauche surqualifiée qui marginalise les chômeurs les plus en difficulté tout en créant des difficultés de gestion du personnel. On peut constater que certains pays comme lAllemagne, la Suède ou le Japon, résistent mieux aux phénomènes dexclusion en raison dune organisation qualifiante et intégratrice de leurs entreprises. Lorsque ces méthodes sont pratiquées en France, les résultats sont encourageants. Enfin, sagissant des orientations concrètes des politiques de lutte contre lexclusion, il est essentiel dassocier à la politique dinsertion les experts et consultants en organisation du travail plutôt, comme le prévoit le plan du Gouvernement, que de renforcer la sphère socio-administrative sans mobiliser les entreprises. Les contrats de qualification peuvent avoir un effet positif si des mesures daccompagnement social et éducatif sont prises en parallèle avec la situation de travail. Il convient de décloisonner linsertion par rapport à la sphère de la production et tout processus dinsertion doit se traduire par des modifications dans lorganisation du travail, la flexibilité, la sélection des tâches au moment où la reprise de la croissance et la réduction du temps de travail ouvrent des opportunités nouvelles. M. Claude Bartolone, rapporteur, a souhaité connaître la mesure qui permettrait le mieux de favoriser les passerelles entre les entreprises et les structures actuelles dinsertion et sest interrogé sur limpact que pourraient avoir les orientations proposées par M. Simon Wuhl sur les chômeurs âgés qui nont pas de réels espoirs de trouver de travail dans une entreprise. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a relevé que les propos de M. Simon Wuhl sous-entendaient une critique sévère des emplois-jeunes puisque ceux-ci se situent hors de la sphère de production. M. Jean-Pierre Brard a déclaré être en désaccord avec la logique dans laquelle sinscrit M. Simon Wuhl, car demander aux entreprises de mener à bien des actions dinsertion et renoncer aux actuelles structures protectrices, conduirait à labandon des jeunes qui ont besoin de formules adaptées et spécifiques, et en la matière, les rares exemples dinsertion par les entreprises que lon peut citer restent marginaux. Il convient, au contraire, de prévoir des ressources spécifiques pour des jeunes déscolarisés, pour des personnes qui sont sans domicile fixe ou sur le point de lêtre, personnes fragilisées, que les entreprises, en toute hypothèse, nembaucheront pas. M. Pierre Cardo a observé quil nétait pas si évident que lentreprise ait pour fonction de mener des actions dinsertion. Lentreprise est destinée à créer des richesses, lemploi nétant quun moyen de parvenir à cet objectif. Un emploi nest pas créé parce que cette création saccompagne dune prime ; laide à lemploi ne sert quà orienter lembauche. Il convient par contre de modifier les dispositifs actuels dinsertion. Ainsi le système scolaire, qui apprécie la réussite en fonction de critères seulement intellectuels, ne peut être considéré comme pertinent. Il serait bon par exemple de permettre une entrée en apprentissage dès lâge de quatorze ans car actuellement, nombre délèves entre quatorze et seize ans sont déjà, de fait, déscolarisés. Les contrats de qualification peuvent être un moyen dinsertion parmi dautres, mais la mise en place dun processus massif en ce sens viderait de leur utilité une partie des entreprises dinsertion alors quau contraire, il est important de redynamiser les entreprises à but social, qui savèrent être les seules à même de mener une réelle action dinsertion. M. Jean-Pierre Delalande a préconisé de revoir les filières dorientation dans lesquelles sont souvent enfermées les jeunes en fin de scolarité et de prévoir pour ceux-ci un bilan dévaluation permettant une identification de leurs capacités véritables. En réponse aux intervenants, M. Simon Wuhl a fait les observations suivantes : - Une stratégie autour du contrat de qualification dans lentreprise semble la mesure plus intéressante, parce que celui-ci permet de développer des actions dinsertion à long terme. Dans un système comme le TRACE, dès que les intéressés trouvent un travail, fut-il temporaire, ils ont tendance à interrompre le processus. Au contraire, les contrats de qualification se situent dans lentreprise, ils permettent de valider les acquis et donnent une perspective dembauche tout en assurant un accompagnement. - En ce qui concerne les travailleurs âgés dans des zones semi-rurales, il est vrai que des formules se rattachant au pôle social, telles les contrats emplois consolidés, sont utiles. Toutefois, il est possible parfois davoir recours à linsertion par lentreprise. Ainsi, en Haute-Marne, les artisans du secteur du bois ont développé des contrats emploi-solidarité, permettant des formations de chômeurs et faisant évoluer le contenu même du travail en fonction des qualifications acquises au fur et à mesure. - Les emplois-jeunes peuvent servir à développer un nouvel espace économique mais pour cela ils doivent, comme cela est prévu, sadresser à des jeunes qui ont déjà une qualification, et non à ceux en grande exclusion. En effet, nombre de ces emplois impliquent des fonctions relationnelles que peuvent difficilement être assurées par des jeunes en situation psychologiquement précaire. Pour ces derniers, il vaut donc mieux avoir recours aux contrats de qualification. - Il est vrai quon ne peut pas compter uniquement sur lentreprise pour la réinsertion des personnes en difficultés car cette dernière doit être accompagnée de tout un suivi social et éducatif, mais il est impossible de régler lensemble du problème de lexclusion à la périphérie du monde de lentreprise. Il y a place pour un secteur de léconomie solidaire situé entre les entreprises et le secteur public a condition quil ne soit pas réservé aux chômeurs les plus en difficultés. En outre, les entreprises dinsertion nauront toujours que des possibilités limitées et doivent donc avoir pour objectif de redéployer leurs effectifs vers les entreprises. - Il existe déjà des moyens pour reformuler les capacités des jeunes, comme le crédit formation individualisé, mais il serait bon dévaluer leurs véritables aptitudes lorsquils sont en situation de travail dans une entreprise. IV.- AUDITION DE M. ALBERT JACQUARD, MEMBRE DU HAUT COMITÉ POUR LE LOGEMENT DES PERSONNES DÉFAVORISÉES La mission dinformation a ensuite entendu M. Albert Jacquard, membre du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées au cours de sa séance du mercredi 18 mars 1998. M. Georges Hage, président, a rappelé le parcours du professeur Albert Jacquard, généticien, auteur de plusieurs ouvrages, dont récemment, Le souci des pauvres : lhéritage de François dAssise , militant du droit au logement, co-président de lassociation Droits devant et membre du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. M. Albert Jacquard a indiqué que ses prises de position actuelles en matière dexclusion étaient inspirées par ses réflexions de généticien. En effet, au sein du monde vivant, lhomme a la grande particularité de pouvoir être le lieu dune métamorphose qui le conduit de la situation dindividu à celle de personne humaine, à la différence de lanimal qui est déterminé par son patrimoine génétique. Il est seul à pouvoir dire je car il construit son identité par léchange avec les autres, par léducation (dont létymologie nous rappelle la signification : conduire hors de ) et par la société. Lémulation est un facteur positif, mais au contraire la compétition aboutit à la destruction de soi et de lautre. Il ne faut pas regarder lautre comme un obstacle et chaque fois que lon exclut son semblable, on commet un crime car on ne le reconnaît pas comme humain. Notre société ne respecte pas ce principe. Le plan du Gouvernement prévoit la création dun Observatoire de la pauvreté. Il devrait être complété par un Observatoire de la richesse ou bien des inégalités. En effet, celles-ci vont en saccroissant. Au cours des siècles différentes méthodes ont été élaborées pour y remédier alors que notre société na pas bien appréhendé ce phénomène dune richesse qui saccroît de manière automatique. Le peuple juif, ayant compris que plus on est riche, plus lon senrichit, avait ainsi décrété une année jubilaire, tous les cinquante ans, qui permettait de restituer à lEtat et donc de redistribuer les richesses accumulées par un particulier pendant cette période. Dans le Coran, il est de même fait mention dun impôt sur la fortune de 3 % par an. En ce qui concerne lavant-projet de loi de lutte contre lexclusion, on peut regretter le manque délan du texte, alors que quelques phrases-clé pourraient lui donner plus de souffle, à lexemple de celle de Churchill présentant, à ses concitoyens le plan Beveridge pour la sécurité sociale : Le besoin de soins médicaux génère le droit aux soins . Notre société est dans une phase de mutation irréversible et non pas seulement de crise, aussi des mesures conjoncturelles se révéleraient insuffisantes. Il faut modifier les structures et faire une révolution, sans violence, pour changer les esprits. Lévolution de la jurisprudence sur les squats grâce à Droit au logement (DAL) montre quune telle révolution est possible. Alors quil y a seulement quatre ou cinq ans, ceux-ci étaient considérés comme un viol de la propriété et que lon procédait donc à des expulsions avec laide de CRS, aujourdhui, dans laffaire de la rue Marcadet qui oppose le DAL à la Ville de Paris, le tribunal dinstance a estimé que le droit au logement devait être protégé à légal du droit de propriété. Cette évolution est en phase avec lévolution de létat desprit des Français. Machiavel dit dans le Prince : Si tu veux éviter la révolution, fais la . Ladoption de la loi sur lexclusion pourrait être loccasion pour les gouvernants de faire la révolution avant quelle ne leur soit imposée. M. Claude Bartolone, rapporteur, a souligné quil retiendrait de cette audition le message selon lequel la loi ne devait pas être seulement un catalogue de mesures administratives. M. Daniel Marcovitch, observant quau bout dune année, la révolution de la terre autour du soleil la ramenait à son point de départ, sest demandé si celle-ci valait bien la peine et si une simple évolution nétait pas suffisante. M. Albert Jacquard a estimé que la révolution était bien irréversible et quelle ne ramenait en aucune façon au point de départ. Rappelant la théorie des trois corps de Poincaré selon laquelle les trois équations correspondant aux trois attractions de la terre, de la lune et du soleil navaient pas de solution à long terme, il a observé quil était impossible de prédire lévolution du monde dans 100 millions dannées. Le temps est donc créateur et la science étant optimiste, on peut espérer que cette création soit source de progrès. Mme Véronique Carrion-Bastock a rappelé, que grâce à laction dun certain nombre dassociations, le droit au logement a été consacré à légal du droit de propriété. Cependant, les obligations liées à ce droit au logement ne sont aujourdhui applicables quà lEtat et aux collectivités locales. Il serait intéressant denvisager leur extension à lensemble de la collectivité. Mme Janine Jambu a insisté sur lenchaînement des exclusions qui conduit certaines personnes à se retrouver sans domicile. Pour rompre cet engrenage, la construction de logements au rabais nest pas une solution car cela ne fait que maintenir les plus pauvres dans une situation dexclusion. Le président Georges Hage a évoqué la situation de très nombreuses personnes de sa circonscription qui vivent encore aujourdhui dans des logements dont léquipement ne sest pas amélioré depuis le dix-neuvième siècle. Mme Paulette Guinchard-Kunstler a relevé quen province le problème consistait surtout dans la conservation de son logement, les sans-abri étant relativement peu nombreux. Mme Hélène Mignon a regretté que les offices HLM navertissent les travailleurs sociaux des difficultés de paiement de certaines familles que lorsque les dettes atteignent des sommes impossibles à rembourser. Le mauvais équipement des logements est dautre part un problème commun à de très nombreuses circonscriptions et ce sont malheureusement le plus souvent ces logements qui sont proposés aux personnes en difficulté, en raison de leur loyer modique. Enfin, il conviendrait de réfléchir au mécanisme qui veut que les banques récupèrent les logements daccédants à la propriété incapables dhonorer leurs échéances, ces logements demeurant fermés et donc inutiles. Mme Muguette Jacquaint a rappelé que les logements insalubres, loin de sortir les personnes dune situation dexclusion, parce quils génèrent des problèmes dhygiène et de santé, ne font quaggraver leurs problèmes et retentissent sur la famille entière et donc sur les enfants. En région parisienne il nexiste pas suffisamment de logements sociaux accessibles. Les loyers des HLM sont aujourdhui trop chers et les ressources demandées pour y accéder trop élevées pour concerner des familles en situation dexclusion. Cela sexplique par le fait que le logement social est aujourdhui devenu un enjeu marchand, les collectivités locales étant incitées à se comporter comme des propriétaires privés. La logique de la rentabilité conduit donc, pour pouvoir les louer à un prix modeste, à construire des HLM en économisant sur la qualité. M. Pierre Méhaignerie a considéré quil ne fallait pas généraliser la situation de la région parisienne. Dans de très nombreux départements, des initiatives sont prises en faveur des logements des plus défavorisés comme la création de fonds daide aux loyers impayés ou la mise en place de chantiers de réhabilitation de logements anciens par des bénéficiaires du RMI. M. Jean Delobel a rappelé quil existait effectivement des expériences différentes suivants les départements. Si un certain nombre dentre elles sont positives, elles sont le plus souvent parcellaires voire contraires à ce qui est souhaité. En effet, au lieu de réanimer la ruralité, on a tendance à renvoyer les exclus vers les villes centres. Il est nécessaire quune politique de logements sociaux soit mise en place dans les villages où le cadre daccueil de population fragile est plus adapté car plus solidaire. Sagissant des sociétés dHLM, il est souhaitable, quelles mettent en place un vrai politique de prévention des impayés. En outre, elles devraient pouvoir bénéficier de prêts à faible ou sans intérêt et à longue durée. M. Alain Veyret a évoqué le problème du droit à lénergie, en regrettant le peu dimplication dEDF, pourtant entreprise publique, sur cette question. M. Jean-Michel Marchand a souligné que se posait également le problème du droit à leau, que ceux qui consomment le moins payent le plus cher. En réponse aux intervenants, M. Albert Jacquard a fait les observations suivantes : - Lorsque M. Jacques Chirac a reçu le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, la question du droit au logement a été évoquée et le Président de la République a souhaité que les immeubles détenus dans un but de spéculation par de grandes entreprises, puissent faire lobjet dune obligation de collectivisation . Il nest en effet pas acceptable de neutraliser certains biens alors quils sont utiles à la communauté. - Il conviendrait, en effet, de parler du droit à un logement décent, cest-à-dire doté dun niveau de confort minimal. Notre société a, si elle le souhaite, les moyens de garantir un tel droit à tous les citoyens, pour peu que lon envisage des mesures fiscales et de redistribution suffisamment volontaristes. Il sagit aujourdhui de mener la guerre contre lexclusion avec la même énergie que celle déployée, en leur temps, par Georges Clémenceau ou en 1945 par le général de Gaulle. - Sur les questions du logement, le projet présenté par le Gouvernement est cohérent et globalement satisfaisant, même sil peut apparaître comme un peu trop technocratique. En particulier, lidée dune taxe dinhabitation est intéressante et permettrait dagir au niveau de lexercice même du droit de propriété. - Aujourdhui, un certain nombre de produits , essentiels à la société comme lenseignement ou les soins médicaux, sont de fait retirés du système dévaluation marchand. Il faudra bien admettre un jour que le logement décent relève de cette même logique et donc lexclure de la loi du marché. - Couper leau ou lélectricité revient à expulser de fait des personnes de leur logement. Il est du devoir dEDF de distribuer gratuitement un minimum dénergie. Ici aussi, il convient de rappeler aux entreprises de service public quune partie de leur activité contient une dimension non marchande. V.- AUDITION DE MME GENEVIÈVE DE GAULLE-ANTHONIOZ, PRÉSIDENTE DATD QUART MONDE, MEMBRE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL La mission dinformation a entendu Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, présidente dATD Quart-Monde et membre du Conseil économique et social au cours de sa séance du mercredi 18 mars 1998.. M. Georges Hage, président, après avoir évoqué les combats et les fidélités dont Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz porte témoignage, a rappelé que dans sa présentation, à lAssemblée nationale, de lavis du Conseil économique et social sur le projet de loi dorientation relatif au renforcement de la cohésion sociale, elle avait affirmé que la lutte contre la grande pauvreté était un combat pour les droits de lhomme et souhaité que la loi portée par le monde associatif marque un engagement solennel de la Nation qui soit le début dune voie nouvelle pour notre démocratie. On ne peut que partager lesprit de lappel lancé par Mme de Gaulle-Anthonioz à lAssemblée nationale pour que celle-ci procède à un débat contradictoire mais constructif, en ces termes : Les personnes et familles en grande pauvreté qui ont inspiré ce projet souhaitent voir les députés se rassembler pour adopter lorientation de ce texte . Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz a tout dabord rappelé lhistorique de la loi contre les exclusions. Fondée sur lexigence de lapplication des droits de lhomme à la démocratie daujourdhui, celle-ci sappuie sur lexpérience et la pensée des plus pauvres. Cette inspiration a, en effet, été portée, au départ, par une douzaine de familles vivant dans un bidonville de la région parisienne, dans les années cinquante. Ces familles refusaient lassistance mais demandaient le respect de leurs droits. Labbé Joseph Wresinski, lui-même né dans une famille de migrants très pauvres, sest joint à eux. Ensuite, des volontaires sont venus pour écouter et transmettre ce que disaient les plus démunis. Cette nouvelle forme de lutte était peu connue avant que le père Wresinski nentrât au Conseil économique et social. Sa rencontre avec les forces vives de la nation, au conseil, en ont permis le développement. Ce long travail dinformation a connu des étapes successives : le rapport présenté au Conseil économique et social en 1978 par le professeur Péquignot sur la grande pauvreté, puis celui de Joseph Wresinski en 1987. Ce dernier a connu un grand retentissement puisquil a été traduit en plusieurs langues et a constitué un véritable best seller des publications du Conseil. Le premier mérite du rapport de 1987 a été de conduire à lévaluation des politiques publiques contre la grande pauvreté qui a été réalisée en 1995. En effet, jusque là, la connaissance de leur impact était extrêmement imparfaite aussi bien quantitativement que qualitativement. Il existe une politique en direction de la grande pauvreté, mais, celle-ci, inégale et lacunaire, nécessite une remise en ordre afin que les personnes concernées exercent des droits qui ne leur sont pas déniés mais qui leur sont de fait inaccessibles. Aussi ce rapport adopté par le Conseil économique et social a conclu à la nécessité dune loi dorientation prenant en compte lensemble des dispositifs examinés pour garantir les droits des populations concernées et les quatre principaux candidats à lélection présidentielle de 1995 se sont engagés à la faire voter. En 1996, le gouvernement de M. Alain Juppé a soumis un avant-projet de loi au Conseil économique et social. Les remarques formulées par ce dernier ont été partiellement prises en compte, cependant deux reproches pouvaient être adressés au dispositif prévu : dune part, le programme nétait pas vraiment chiffré, dautre part, une partie seulement du gouvernement avait participé à son élaboration, les ministères de léducation nationale, de la justice, de la culture en étant absents. Il est essentiel de rendre effectif laccès aux droits fondamentaux pour tous, sans exception, en application du principe de reconnaissance de la dignité de chaque être humain. Les dispositions législatives doivent être jugées au regard de cette exigence tout en apportant des gages de durée. Un hébergement durgence, un stage, un emploi aidé ne peuvent constituer que des passerelles et non des réponses définitives. En outre, la reconquête de leurs droits par les personnes en difficulté suppose que lon aille au devant delles, les plus démunis devant être considérés comme des interlocuteurs à part entière, les acteurs de leur propre vie. Les travailleurs sociaux doivent recevoir une formation particulière mais aussi, plus largement, les partenaires de la vie sociale, politique et culturelle devraient être sensibilisés à cette approche. Enfin, les dynamiques collectives qui permettent à ceux des plus démunis participant à des expériences de réinsertion dentraîner les autres sont un élément essentiel de tout dispositif. Cest à la lumière de ces principes que les différents thèmes abordés par le programme de lutte contre les exclusions doivent être examinés. Abordant la question du dispositif institutionnel de lutte contre lexclusion, Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz a observé que pour garantir lengagement définitif du pays vers léradication de la pauvreté et de lexclusion sociale, celui-ci doit répondre à quatre fonctions : - lobservation : à cet égard, sil faut se féliciter de la création dun Observatoire national des phénomènes de pauvreté et dexclusion, en relation avec un réseau dobservatoires locaux, celui-ci devrait toutefois être placé auprès du Premier ministre. Il convient, en outre, que ces observatoires prennent en compte, au moins au travers denquêtes, le point de vue des personnes en situation dexclusion. - le conseil : il est indispensable que soit fourni aux responsables lavis dinstances rassemblant les différents acteurs des politiques concourant à la lutte contre lexclusion et des représentants des personnes en situation dexclusion. La composition du Conseil national de la lutte contre lexclusion (CNLE) devrait être élargie et des conseils départementaux mis en place. La consultation du CNLE par le Gouvernement devrait être obligatoire sur les projets de loi, décrets ou circulaires ayant une forte incidence sur la vie des plus démunis. Il convient, en outre, de lui fournir des moyens de fonctionnement et détudier lopportunité de donner à ses membres un statut. - le pilotage : il doit être global et mettre en cohérence le niveau national et local. La mise en place dun comité interministériel est dautant plus importante que dautres ministères que les ministères sociaux sont concernés, cest pourquoi, dailleurs, il avait été souhaité quun secrétariat général de la lutte contre lexclusion soit mis en place. - lévaluation : une évaluation régulière est indispensable pour que les politiques publiques concourant à la lutte contre lexclusion soient en constante amélioration afin que personne ne reste hors du droit. Cette évaluation pourrait être confiée à lObservatoire national relayé par les observatoires locaux et sappuyer sur le point de vue des personnes en situation dexclusion. En ce qui concerne laccès de tous les plus démunis à lemploi, il ne pourra se faire que si le contact est établi entre les plus pauvres et les différents dispositifs, ce qui suppose daller à leur rencontre, tout en assurant aux personnes concernées un suivi et en leur offrant lassurance dune solution durable. Les entreprises devraient être impliquées dans laccueil de ces personnes en grande difficulté. Le premier objectif en matière demploi est le droit à laccueil, à lorientation et à laccompagnement vers lemploi. Le programme prévoit de proposer un nouveau départ à tout jeune, avant quil ait atteint son sixième mois de chômage, et à tout adulte avant quil ait atteint son douzième mois de chômage. Il semble nécessaire que cet objectif soit inscrit dans la loi sous la forme dun droit à linsertion accordé à tous. Le deuxième objectif est le renforcement des dispositifs pour les jeunes les plus éloignés de lemploi. Le dispositif de trajectoire daccès à lemploi (TRACE) est une avancée importante. Il devrait cependant être amélioré en prolongeant de dix-huit mois à trois ans la durée maximum prévue pour les TRACE ou même en supprimant totalement cette échéance, le parcours ne devant sachever que lobjectif une fois atteint. En outre, le programme TRACE doit garantir des ressources régulières et suffisantes pour vivre et donner lieu à une importante mobilisation du service public de lemploi en direction des entreprises. Les contrats de qualification et dorientation que le plan prévoit de rendre plus accessible aux jeunes en difficulté, doivent saccompagner dune remise à niveau des connaissances de base qui sappuierait davantage sur les savoirs acquis par lexpérience et en étroite liaison avec le travail. Le troisième objectif consiste à renforcer les dispositifs en faveur des adultes les plus éloignés de lemploi. Le programme du Gouvernement prévoit lextension des contrats de qualification aux adultes, le recentrage des contrats emplois solidarité (CES) et le développement des contrats emploi consolidés (CEC). Ces mesures sont positives. Cependant pour les adultes les plus en difficulté, il faudrait développer des parcours continus et qualifiants du modèle de ceux prévus dans le programme TRACE. En ce qui concerne la santé, il existe plusieurs obstacles empêchant laccès aux soins, notamment labsence ou les difficultés détablir une couverture sociale et labsence de couverture complémentaire. Laccès à la couverture sociale par la mise en place dune couverture maladie universelle (CMU) ayant pour but déviter les situations dinterruption de droits, annoncé pour lautomne 1998, serait une avancée considérable. Cette couverture pourrait seffectuer par une prise en charge des cotisations de mutuelle ce qui permettrait aux personnes concernées de rester dans le dispositif de droit commun. Une progressivité de la prise en charge devrait être parallèlement introduite afin déviter les effets de seuil, notamment lorsquon passe du RMI à un CES. Enfin, pour assurer leffectivité du droit à la CMU, les caisses primaires dassurance maladie (CPAM) devraient aller au devant des personnes sur leurs lieux de vie, à linstar de la cellule D.E.T.R.E.S. mise en place par la CPAM du Calvados. De façon générale, lobligation de lengagement de tous les organismes dans la prospection des ayant droits devrait être posé, comme avait essayé de le faire larticle 3 du projet sur la cohésion sociale. La précarité doit être prise en compte par le système de santé. Le programme prévoit la mise en place de programmes régionaux daccès à la prévention et aux soins. Dans ce cadre, des formations multidisciplinaires et adaptées pour le personnel de soins doivent être prévues. Dans le domaine du logement, il faut souligner les difficultés que rencontrent les personnes les plus démunies pour accéder au logement, mais aussi pour y rester. Le programme prévoit un développement de loffre de logements à très faible loyer associé à des possibilités daccompagnement. Une solution particulière doit être trouvée pour accueillir les familles en très grande difficulté, en totalité sans exclure donc les pères, pour une durée denviron deux ans. Avec ces familles serait menée une action globale de promotion dans les domaines de la vie où elles souhaitent être épaulées. Le programme prévoit un numéro dinscription départementale. Pour offrir une garantie réelle celle-ci doit être prise en compte dans lordre chronologique. Il prévoit également lengagement des bailleurs sociaux et une instance de médiation en cas dattente de logement anormalement longue. Il conviendrait que le préfet dispose dun pouvoir dattribution doffice pour les situations exceptionnelles. De même les soutiens des Fonds solidarité logement devraient être attribués sur la base de critères objectifs établis au plan national. Enfin il est regrettable que la proposition du Conseil économique et social sur la mise en place dun dispositif de capitalisation de lallocation logement nait pas été reprise. Lallocation serait versée, sur un compte bloqué, et permettrait aux familles concernées de faire face ultérieurement aux frais dinstallation et aux dépenses dacquisition des équipements de base, lors de lentrée dans un logement. Lobjectif en matière de prévention des expulsions est daméliorer linformation des occupants et de mieux mobiliser les acteurs susceptibles dintervenir avant lexpulsion, pour diminuer le nombre de ces procédures. Il serait souhaitable de prévoir quaucune expulsion par huissier ne sera possible sans le concours de la force publique et que cette dernière ne pourra intervenir que lorsquune offre préalable de relogement, et non pas seulement dhébergement, aura été faite aux occupants. Pour ce qui est du volet relatif à la justice, il faut souligner lintérêt dune domiciliation auprès des organismes agréés afin de permettre tant lexercice des droits civiques ou civils tels que linscription sur les listes électorales ou laccès aux bureaux daide juridictionnelle que laccès aux services ou la scolarisation des enfants. De même, lamélioration du droit à la justice passe par lélargissement de la composition, la généralisation et laugmentation des moyens des commissions daide juridictionnelle ainsi quune meilleure formation des acteurs. En ce qui concerne léducation, il faut déplorer que bien que la loi prévoie déjà que lécole a pour mission de lutter contre lexclusion, léchec scolaire frappe trop souvent encore les enfants de milieux défavorisés. On ne pourra se féliciter du programme annoncé de renforcement du partenariat avec la famille et de diminution du nombre des jeunes sortant de la scolarité sans qualification que si les liens entre lécole, le service public de lemploi et la famille sont renforcés. Sagissant de la famille, on ne peut que regretter le trop grand nombre de cas de dislocation des familles, lesquelles ne sont pas assurées dun soutien suffisant et ne peuvent ainsi exercer leurs droits fondamentaux. La non-prise en compte de lallocation pour jeune enfant versée pendant la grossesse pour le calcul du RMI est une bonne mesure mais le principe de linsaisissabilité absolue des prestations familiales devrait être absolu. En outre, il faut veiller au maintien de lintégrité de la famille, fragilisée dès lors quelle ne peut être accueillie en totalité en centre dhébergement social et que le problème du placement des enfants se pose. Les dispositions relatives à la culture, au sport et au tourisme méritent enfin dêtre saluées. M. Claude Bartolone, rapporteur, a insisté sur lintérêt de laudition de Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz, compte tenu de limportance de la participation dATD-Quart monde à lélaboration du projet de loi dont les dispositions détaillées pourront, quand elles seront connues, justifier une seconde audition. Mme Muguette Jacquaint a rappelé les résultats positifs de certaines des expériences par lesquelles des mesures de prévention de léclatement familial ont été mises en uvre. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a demandé des précisions sur lhypothèse dune représentation spécifique des populations en grande pauvreté au sein de certains organismes, notamment du Conseil économique et social, craignant que cette représentation ne conduise à stigmatiser plus encore la spécificité de la grande précarité, alors que le problème de fond est de considérer les populations touchées de la même manière que les autres. Après avoir rappelé que lemploi du mot spécificité ne devait se faire quavec prudence, Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz a jugé nécessaire que les organismes tels que le Conseil économique et social permettent aux représentants des populations en grande pauvreté de faire entendre leur voix. La représentation actuelle des associations au sein de Conseil économique et social nest pas suffisante à cet égard. Lapport que peuvent apporter ces militants du quart-monde est essentiel et leur parole a été fondamentale au moment de la préparation du projet de loi sur la cohésion sociale. Une approche correcte conduit à faire non pas une loi pour les pauvres mais une loi pour la démocratie avec ceux qui sont malheureusement en marge. M. Jean-Pierre Brard a insisté sur le fait que certaines expériences ne pouvaient se vivre par procuration et quune expression directe des populations concernées était nécessaire, au delà du fait que chacun est sensible à la grande détresse. Il est donc nécessaire de procéder à laudition dacteurs de terrain, dautant plus que certaines tendances à lintellectualisation de lapproche de la grande pauvreté ne laissent pas de créer un sentiment de malaise. Mme Hélène Mignon a jugé impératif de rendre aux exclus leur citoyenneté, aussi bien en procédant à laudition de militants dassociation quen prévoyant leur représentation dans certaines institutions. M. Jean-Pierre Delalande a observé que si rien ne remplace la fréquentation du quart-monde, on ne peut pour autant réduire la question de lexclusion à celle de la grande pauvreté. Limportant est darriver à garantir laccès de chacun à lensemble des droits sans pour autant créer une stigmatisation qui résulterait des techniques juridiques utilisées pour assurer leffectivité de cet accès. M. Claude Bartolone, rapporteur, a rappelé que les auditions dacteurs de terrain et dassociations étaient prévues et quelles seraient organisées une fois connu le texte du projet de loi. Le président Georges Hage tout en relevant lintérêt de la proposition de M. Jean-Pierre Brard, a souligné que les parlementaires étaient quotidiennement confrontés aux problèmes de lexclusion et quil était superflu de leur recommander daller à la rencontre des exclus. VI.- AUDITION DES ASSOCIATIONS MEMBRES DE LA COMMISSION LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET LEXCLUSION DE LUNION NATIONALE INTERFÉDÉRALE DES OEUVRES ET ORGANISMES PRIVÉS SANITAIRES ET SOCIAUX (UNIOPSS) La mission a entendu des représentants des associations membres de la commission Lutte contre la pauvreté et lexclusion de lUnion nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) au cours de sa séance du mardi 31 mars 1998. M. Georges Hage, président, après avoir rappelé que ce groupe de quarante associations était plus connu sous le nom de collectif Alerte, a souligné le rôle majeur des associations dans le maintien du tissu social et la confiance que leur font une majorité de Français pour lutter contre lexclusion. M. Hugues Feltesse, directeur général de lUNIOPSS, a indiqué en préliminaire que les associations membres de cette commission étaient à lorigine dun grand nombre de propositions figurant dans le projet de loi et que par conséquent, elles portaient une appréciation positive sur lessentiel des dispositions présentées au Parlement. Toutefois, il faut insister sur la nécessité de mettre fin à toute approche parcellaire des phénomènes dexclusion. Trop souvent, ont été mis en place des dispositifs sectoriels sans vision densemble qui ont parfois conduit à des impasses par manque de cohérence. Il faudrait, en outre, développer des outils statistiques adaptés permettant de disposer de données sur le phénomène de lexclusion. Si la création dun Observatoire national de la pauvreté et de lexclusion sociale est positive, son indépendance devrait être garantie et ses missions mieux précisées. Il est également nécessaire quun comité interministériel soit mis en place de manière pérenne. Enfin, la composition du Conseil national de lutte contre la pauvreté devrait être élargie, ses réunions être régulières et sa consultation obligatoire sur tous les projets de textes concernant ce secteur. Sur le plan de lorganisation locale, une conférence régionale des politiques de lutte contre lexclusion devrait être instaurée et cette priorité intégrée dans les contrats de plan Etat-régions. Au niveau des bassins demplois, des pactes locaux devraient être mis en place. Enfin, il conviendrait de prévoir la création de conseils départementaux de lutte contre lexclusion chargés délaborer des plans globaux. Mme Jacqueline Saint-Yves, présidente de la coordination des associations daide aux chômeurs par lemploi (COORACE), a tout dabord dénoncé lempilement des dispositifs daide à lemploi et les discontinuités qui les affectent. Lobjectif étant dassurer le retour à lemploi durable pour le plus grand nombre, il serait souhaitable de mieux intégrer les acteurs du secteur associatif dans le dialogue que les pouvoirs publics mènent avec les entreprises et les partenaires sociaux. Si la plupart des dispositifs du projet de loi vont dans le bon sens, notamment en ce qui concerne les populations jeunes et les adultes en difficulté, on peut en revanche être sceptique sur les dispositions relatives à linsertion par lactivité économique qui consacrent une fracture entre un secteur marchand et un secteur non marchand alors quau contraire, le lien entre les deux doit être assuré. Le renforcement des entreprises dinsertion et de travail temporaire dinsertion est positif, en revanche les missions des associations intermédiaires et des Centres dadaptation à la vie active (CAVA) apparaissent menacées. M. François Dubin, président de la fédération nationale des PACT-ARIM, a fait part de sa satisfaction devant les avancées que comporte le projet de loi dans la mise en uvre du droit au logement. Des améliorations au projet de loi sont cependant attendues dans trois domaines : - Laccès aux aides personnelles au logement et leur continuité devraient être assurée. Pour cela, il faut prévoir louverture des droits aux aides, dès lentrée dans le logement, pour les ménages hébergés par des tiers, menacés dexpulsion ou logés dans des habitations insalubres. Une meilleure cohérence dans la gestion des aides au niveau départemental doit également être recherchée. - Laccès au logement ordinaire public ou privé doit être privilégié. A cet égard, il faut mettre en place, en cas dexpulsion, des solutions de relogement adaptées à la situation du ménage, et non des solutions dhébergement provisoires. Ceux-ci doivent disposer dun véritable droit de recours auprès du préfet, si la commission de médiation chargée démettre une proposition naboutit pas à une solution. - La place des associations et des organismes agréés devrait être consolidé et plus généralement un partenariat daction développé pour la mise en oeuvre du droit au logement. Cette mesure doit saccompagner dune réaffirmation de lobligation pour toutes les collectivités locales de créer des logements sociaux. M. Gilbert Lagouanelle, directeur du Secours catholique, sest tout dabord félicité que le projet de loi retienne le principe dun minimum vital par la notion de reste à vivre . Différents points mériteraient cependant dêtre précisés, et tout particulièrement le caractère insaisissable des prestations familiales, linterdiction des coupures deau, de gaz ou délectricité aux personnes en situation de grande pauvreté ainsi que lencadrement des prélèvements sur comptes bancaires en cas de dettes. Les minima sociaux devraient par ailleurs être indexés sur le SMIC et non sur lévolution des prix. Lexistence dans ce projet de loi dune réforme des procédures de traitement du surendettement est une très bonne chose. Aujourdhui, 30 % des personnes concernées par les procédures de surendettement sont dépourvues de tout revenu. Pour prendre en compte la spécificité de leur situation, il serait souhaitable que les personnes surendettées disposent dans les commissions de surendettement dune représentation propre. Le reste à vivre devra être évalué par ces commissions en fonction de la situation des personnes en difficulté et devra prendre en compte lintégralité des dettes contractées, quelle quen soit la nature. Enfin, pour être totalement efficace, la lutte contre le surendettement devrait être complétée par des mesures de prévention, les offres commerciales des organismes de crédits étant souvent irrésistibles pour les personnes en difficulté. Les mesures relatives à la citoyenneté et légalité des chances appellent certaines remarques. Le projet prévoit que les personnes sans domicile fixe pourront être inscrites sur les listes électorales de la commune où est situé lorganisme daccueil agréé auquel ils sont liés depuis au moins un an. Cette disposition crée une discrimination entre les citoyens puisque le délai de résidence de droit commun requis pour linscription sur les listes électorales est de six mois. Lobligation faite aux communes dassurer à toute personne une domiciliation est cependant une avancée certaine, ce droit étant à la base de lexercice de tous les autres. Lexonération du droit de timbre pour les cartes didentité devra par ailleurs être posé pour les plus démunis. M. Claude Moncorgé, vice-président de Médecins du monde, a évoqué le volet santé du projet de loi : - Si la création de lassurance maladie universelle doit faire lobjet dun projet de loi distinct, il convient cependant de réaffirmer son principe de façon solennelle et de garantir que celle-ci sera effective au 1er janvier 1999. - La mise en place de dispositifs daccueil médico-social (PASS) en secteur hospitalier est positive mais ceux-ci devraient être généralisés à lensemble des structures médico-sociales et rendus obligatoire par la loi. Ils devront comprendre lensemble des soins somatiques, y compris dentaires, mais également les soins psychiques. - La loi doit poser lobligation de soigner toute personne au moment de la demande de soins, quelle que soit sa situation administrative. Dans la même logique, lhôpital doit être tenu de garantir la continuité des soins, ce qui revient à sassurer que le malade bénéficie de conditions de vie lui permettant deffectuer sa convalescence et à défaut de lui proposer des lits dhébergement pour soins non hospitaliers. - La mission de la médecine du travail devrait être étendue à lensemble des stagiaires accueillis en entreprises ainsi quaux chômeurs inscrits à lANPE. - En ce qui concerne le saturnisme, le projet de loi, en fixant une obligation de relogement, marque une avancée positive qui pourrait cependant être utilement complétée par une interdiction de vente ou de location de tout logement comportant du plomb directement accessible. - Il est par contre regrettable que la médecine scolaire soit totalement absente du texte, alors que la prévention et la promotion de la santé auprès des enfants et des jeunes est un outil essentiel de la lutte contre lexclusion. Il conviendrait donc de favoriser le développement de campagnes de dépistage systématique, de proposer, lorsque cest nécessaire, un accompagnement psychologique aux jeunes exposé à des contextes de violence et dassurer un véritable suivi médical afin de garantir la continuité des soins. Un minimum de trois visites durant la période de scolarité devrait être obligatoire. Le réseau de la médecine scolaire pourrait dautre part être exploité pour réaliser des enquêtes de santé publique sur les moins de seize ans. - Enfin, dans les lieux de rétention et de détention, laccès aux soins doit être garanti dans les même conditions quà lextérieur, ce qui est loin dêtre actuellement le cas. M. Bruno Dubouloz, membre du bureau national de la FNARS, abordant le sujet des institutions sociales, a souligné que laction en direction des personnes en situation durgence exigeait une réponse immédiate et diversifiée qui nécessite la coordination de nombreux moyens. Larticle 81 du projet de loi qui engage la réforme des institutions sociales et médico-sociales montre bien quelle est la fonction fondamentale de la veille sociale, à savoir que toute personne en difficulté doit être repérée, accueillie, informée et orientée. On peut cependant déplorer que cet article traite davantage de lhébergement que des modalités de coordination des différents moyens et dune veille véritablement permanente. Par ailleurs, cet article confirme la diversité des fonctions et des champs daction des Centres dhébergement et de réadaptation sociale (CHRS) mais là encore sans création dun véritable organe de coordination. M. Jean Le Garrec, après avoir souligné la nécessité de la continuité des politiques et de leur cohérence, a formulé les observations suivantes : - La question de laccès aux droits est dautant plus essentielle que les mutations de la société provoquent de nouveaux types disolement. - Il faut être attentif, en matière demploi, au rôle des associations intermédiaires car elles ont pour vocation daccueillir les personnes les plus en difficulté. - Concernant le volet santé, il faut se demander si la responsabilité dassurer la continuité des soins peut effectivement être confiée à lhôpital. Par ailleurs, comme les efforts du Gouvernement pour rattraper le retard en matière de médecine scolaire prendront nécessairement du temps, il faudrait pouvoir envisager des solutions intermédiaires pour faire face à lurgence, par exemple en liaison avec la médecine libérale. M. Hugues Feltesse (UNIOPSS) a souligné que laccès aux droits est une question centrale qui sera traitée pour partie dans le projet de loi présenté par le Garde des Sceaux. Dans le cadre du projet de loi de lutte contre les exclusions, il faut affirmer lobligation faite à tous les services sociaux daller au devant des personnes en difficulté. Le principe doit être quà partir du moment où un besoin daide est reconnu, un accompagnement social doit être assuré en prenant en compte lensemble des difficultés quil convient de traiter. Il faut également rendre les droits les plus effectifs possibles en prévoyant des procédures dappel et de recours : à cet égard, le droit au logement doit être mieux garanti. Mme Jacqueline Saint-Yves (COORACE) a indiqué que lobjectif devant être une insertion dans lemploi de droit commun, même pour les personnes très éloignées de lemploi, il est nécessaire de mettre en place des secteurs dintérêt général permettant de réunir les différents financements, tout en évitant de créer une économie parallèle. Les attaques portées contre linsertion par lactivité économique en raison dune concurrence qui serait déloyale soulèvent en réalité une question très délicate. Face à des trajectoires très douloureuses, qui ne touchent pas seulement des personnes non qualifiées, et qui mènent à une exclusion souvent psychologique avant dêtre matérielle, notre devoir est de respecter la Constitution qui affirme le devoir de travailler et le droit à lemploi. Au lieu dopposer les opérateurs de linsertion, il faut donc faire preuve dinventivité et trouver des partenariats entre les entrepreneurs de léconomie sociale et les entreprises. Les personnes en difficulté ont besoin dun accompagnement au travers de parcours dinsertion dont chaque outil de linsertion par lactivité économique peut être une étape, le but étant dassurer larticulation de ces outils afin que les personnes retrouvent une employabilité dans lemploi de droit commun. Dans ce cadre, les associations intermédiaires constituent souvent la première étape qui conduira de la requalification sociale à la requalification professionnelle. Il sagit dun outil bien adapté puisque ces associations recourent à des mises à disposition sous forme de contrats à durée déterminée dusage qui sont plus souples que les contrats de travail temporaire et permettent ainsi une véritable réponse à lurgence et le début de construction dun parcours dinsertion professionnelle. M. Claude Moncorgé (Médecins du monde) a apporté les éléments de réponse suivants : - Afin déviter linterruption des traitements médicaux et leurs conséquences, il est de la responsabilité de lEtat dassurer la continuité des soins pour les personnes en difficulté. Après les premiers soins qui peuvent être donnés à lhôpital, lextension des dispositifs daccueil médico-social aux centres de soins de proximité et le relais de la médecine libérale de quartier permettraient de garantir cette continuité. - Lamélioration de la médecine scolaire nimplique pas forcément la création demplois de médecins scolaires mais le développement de nouveaux emplois pour assurer laccès au droit à la santé pour les enfants de familles en difficulté ; la médecine scolaire doit assurer en priorité sa mission de dépistage des affections alors que les traitements peuvent être assurés par le secteur de la médecine libérale. M. Pierre Cardo a ensuite formulé les observations suivantes : - Etant rappelé que le département a une compétence de droit commun en matière sociale, on peut sinterroger sur la complexité qui résulterait de larticulation proposée par le collectif entre le niveau régional et le niveau départemental en matière de lutte contre les exclusions; - On peut regretter que les dispositions du projet de loi concernant les CES, les CEC et les contrats de qualification soient insuffisantes ou inadaptées pour assurer la pérennisation des emplois destinés aux personnes en difficulté. Les différents travaux qui ont été menés dans ce domaine tant par le Conseil national de la ville que par le Conseil national de la lutte contre lexclusion montrent pourtant quon ne peut pas répondre à des situations précaires par des mesures précaires. On peut dès lors se demander si leffort important engagé pour linsertion professionnelle des jeunes, notamment par la mise en place les emplois-jeunes, ne devrait pas être complété par des dispositions pour les adultes en difficulté. Dans cet esprit, il serait souhaitable de revoir les objectifs, le statut et le financement des entreprises dinsertion afin de favoriser le développement dun secteur intermédiaire et dy pérenniser les emplois. En réponse, M. Hugues Feltesse (UNIOPSS) a apporté les éléments suivants : - Le projet de loi visant à engager une lutte contre les exclusions dans la durée, il convient dassurer une bonne coordination entre les différents acteurs, non seulement au niveau local ou au niveau du bassin demploi dans le cadre des plans locaux dinsertion économique (PLIE), mais également avec le conseil régional car celui-ci est compétent en matière de formation professionnelle et de développement économique. Le niveau régional devrait être le lieu de consolidation des actions conduites dans les bassins demploi. - Le développement du secteur intermédiaire doit permettre dapporter des réponses à des besoins qui ne sont pas aujourdhui satisfaits. A cet égard, il serait souhaitable que, comme pour les emplois-jeunes, les CEC soient prévus pour un temps plein, ce qui permettrait dassurer aux bénéficiaires de ces contrats au minimum un SMIC plein. Mme Jacqueline Saint-Yves (COORACE) a formulé les observations suivantes : - Il serait effectivement souhaitable que les CEC puissent être conclus pour un temps plein comme les emplois-jeunes. En outre, lextension des contrats de qualification aux adultes, sous réserve que les partenaires sociaux soutiennent cette solution, devrait permettre dapaiser les inquiétudes qui ont pu naître chez les adultes en difficulté au moment de la création des emplois-jeunes. - Il convient de favoriser la mixité des approches et des financements de linsertion afin de faire émerger les besoins nouveaux non encore satisfaits et de permettre la solvabilisation des emplois qui pourront être créés pour y répondre. M. Alain Veyret sest interrogé sur la politique daccès aux droits, le comportement des services administratifs nétant pas adapté au public concerné et a souligné quon ne pouvait se contenter dune simple attribution de moyens de subsistance sans accompagnement social. Il conviendrait, par exemple, de supprimer le délai qui sépare la fin dun CES de lattribution du RMI, car cette période de latence peut être extrêmement difficile à traverser par les personnes les plus en difficulté. En matière de surendettement, on peut regretter que les commissions de surendettement nexaminent pas les dettes de logement et dénergie, alors que lattribution dun minimum dénergie devrait, aujourdhui, être garanti à tous. Sagissant du retour à lemploi, si lon souhaite que les entreprises dinsertion puissent jouer un rôle plus large, il convient den assumer le coût social et de reconnaître leur caractère social spécifique. Dautre part, les emplois consolidés létant souvent à mi-temps, il sagit, en fait, dune consolidation dans la précarité qui tend à constituer deux mondes du travail distincts. Enfin, du fait que bien des personnes nosent plus sadresser aux systèmes de soins, les associations et les médecins généralistes ont un rôle capital à jouer car eux seuls, et non lhôpital, peuvent instaurer une relation de confiance. M. Claude Moncorgé (Médecins du monde) a observé, quen effet, les exclus les plus désocialisés nosaient pas, le plus souvent, consulter les services médicaux, même si ceux-ci étaient gratuits. Cest pourquoi, effectivement, le rôle de lhôpital est, sur ce point, moins important que celui des généralistes ou des associations qui ont la confiance des intéressés et sont à même de leur fournir un interlocuteur dans la durée. M. Hugues Feltesse (UNIOPSS) a fait remarquer que laccès aux droits passait par la formation des travailleurs sociaux mais aussi par celle de lensemble des professionnels et des bénévoles. Celle-ci doit intégrer la formation à la relation avec le public en difficulté afin de limiter, dès lorigine, le phénomène dexclusion des droits. Il convient également daccroître le soutien à la vie associative et lappui au volontariat alors que les crédits du Fonds national au soutien de la vie associative sont très nettement insuffisants. Mme Jacqueline Saint-Yves (COORACE) a fait remarquer que le développement du travail précaire était favorisé par les règles permettant le cumul des réductions de charges sur les bas salaires avec celles sur les emplois à temps partiel. M. François Dubin (Pact-Arim), après avoir souligné que des unions déconomie sociale ayant pour objectif la gestion des logements adaptés avaient constitué une solution intéressante aujourdhui abandonnée, a fait remarquer, quaucun dispositif nétait envisagé pour améliorer la situation des accédants à la propriété lorsque ceux-ci sont confrontés à la précarisation. M. Gilbert Lagouanelle (Secours catholique) a souligné que les délais de réponse des administrations et les délais de mandatement accentuent la précarisation et freinent laccès aux droits. Il faudrait obliger la première administration avec laquelle entre en contact la personne en difficulté à communiquer aux autres structures administratives les pièces nécessaires à létablissement de ses droits. Il est également nécessaire daméliorer la formation des personnels, y compris ceux de léducation nationale, en direction des populations en difficulté. Enfin, sagissant du surendettement, il faut rappeler que la moyenne des endettements devant les commission de surendettement sétablit à 7 152 francs et nest donc pas très élevée. Les commissions de surendettement devraient intégrer les dettes portant sur les minima vitaux et comprendre des représentants des associations de lutte contre la précarité. Enfin, un meilleur partage des risques devrait être établi. Leffort des débiteurs doit être équilibré avec celui des créanciers, comme par exemple en Allemagne où les banques sont présumées assumer une partie des risques au-delà dun certain seuil dendettement dont elles ont connaissance grâce à un fichier central. M. Bruno Dubouloz (FNARS) a insisté sur la formation des intervenants sociaux, les métiers du travail social ayant changé dans le sens dune complexité croissante due à la fois aux situations individuelles de plus en plus difficiles à apprécier mais aussi à lenvironnement social comme à la multiplication des aides et des interventions. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a soulevé les points suivants : - Tous les intervenants ont regretté labsence dune réforme des institutions de lutte contre lexclusion. La ministre a indiqué quune réponse serait apportée par un amendement gouvernemental au terme de la concertation en cours. Il serait intéressant de savoir quels changements devraient être apportés au dispositif institutionnel existant. - Il faudrait envisager une meilleure protection des personnes déjà trop endettées contre les offres excessives de crédits mais on peut sinterroger sur les mesures précises à prendre. - Laccès aux soins des personnes en difficulté relève plus dun problème daccompagnement social que dun problème purement financier. En effet, certains salariés touchant entre une et une fois et demi le SMIC ou certaines familles monoparentales nont pas les moyens de faire lavance des frais ou de payer le ticket modérateur. Par ailleurs, sil faut réaffirmer le rôle central de lhôpital dans la lutte contre lexclusion, pour autant il nest pas la seule réponse ; les médecins généralistes ont leur rôle à jouer et celui-ci peut être indispensable dans les zones rurales. M. Hugues Feltesse (UNIOPSS) a estimé que les conseils départementaux de lutte contre lexclusion devraient être des lieux de proposition et de réflexion présidés par une personnalité qualifiée. Leurs compétences devraient être étendues aux aspects du logement, de la culture, de léducation, de la jeunesse et des sports car la lutte contre lexclusion est globale et ne peut, notamment, se limiter au seul dispositif du RMI. Enfin, pour éviter la stigmatisation et pour des raisons déquité, les aides devraient plus être attachées à la notion économique de niveau de ressource plutôt quau statut administratif des intéressés. M. Claude Moncorgé (Médecins du monde) a constaté que près du quart des personnes en difficulté accueillies dans les centres avaient des droits en matière de sécurité sociale, mais quelles nétaient pas en mesure de faire lavance de frais. La mise en place dune couverture maladie universelle devrait permettre de faire face à ce genre de situations. Audition de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions VII.- AUDITION DES ASSOCIATIONS MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL ET DÉCHANGE INTERASSOCIATIF SUR LE PROJET DE LOI DORIENTATION RELATIF À LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS La commission spéciale a procédé à laudition des associations membres du groupe de travail et déchange interassociatif sur le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions au cours de sa séance du mardi 7 avril 1998. Le président Georges Hage, après avoir rappelé que le groupe de travail et déchange interassociatif représentait dix-huit associations, dont certaines se sont manifestées à loccasion du mouvement des chômeurs ou dans le cadre des opérations doccupation dimmeubles vacants a indiqué que cette audition venait en complément de celle du collectif Alerte . M. Jean-Baptiste Eyraud, président de Droit au logement (DAL), a précisé en préambule que le groupe de travail jugeait nécessaire que soit introduit dans larticle premier la référence aux principes de valeur constitutionnelle et aux conventions internationales ratifiées par la France, tendant à la garantie des droits afin de donner toute sa dimension au projet de loi. Par exemple, pourrait être mentionné la déclaration issue de la conférence Habitat 2 , qui sest tenue à Istanbul en 1996 sur le logement des personnes défavorisées ou bien la convention internationale sur les droits de lenfant ou la Convention européenne des droits de lhomme. Mme Annie Pourre, intervenant au nom de lassociation Droits devant , a tout dabord regretté que la notion dacteur-citoyen soit absente du projet et quil ne soit pas fait référence au rôle des entreprises dans la lutte contre les exclusions. Ceci reflète lambiguïté fondamentale de la démarche du Gouvernement, qui entérine le clivage entre léconomique et le social, au lieu denvisager la responsabilisation des entreprises dans la prise en compte des problèmes sociaux. Le projet de loi aborde avec une tonalité sensiblement différente de celle qui avait présidé à la rédaction du projet de loi sur la cohésion sociale en 1997 la lutte contre lexclusion en refusant de sen tenir à une politique dassistance et en ayant pour objectif que chacun trouve sa place dans la société. On retrouve donc dans le projet de loi une opposition cardinale entre lassistance, à éviter, et lemploi, à promouvoir. Cette orientation qui peut susciter un large consensus ne doit cependant pas dissimuler le risque dune dualisation sociale. Le programme daction sen fait lécho puisquil mentionne léquilibre à trouver entre la spécificité requise pour mieux traiter les problèmes et la généralité des politiques à mettre en oeuvre pour éviter la stigmatisation qui va à lencontre de lobjectif dintégration. Lorganisation dune administration duale représente un déni de droit de même que les inégalités générées par les réponses différentes apportées par les administrations locales. Dans cette perspective, plutôt que de créer un Observatoire des phénomènes de pauvreté et dexclusion, il conviendrait de créer un Observatoire de la richesse et des inégalités afin de quitter une logique insistant de manière permanente sur la compensation de la misère, pour adopter une approche dobservation des inégalités permettant de procéder aux redistributions nécessaires. Abordant la question des partenaires-citoyens , Mme Annie Pourre a dénoncé le fait quaucun moyen dintervention ni de saisine ne soit prévu pour les projets associatifs et les acteurs de la société civile, alors quil est nécessaire de reconnaître un droit dingérence et de représentation aux organismes représentant les personnes victimes dexclusion. Par contre, permettre aux personnes sans domicile fixe dexercer leur droit de vote constitue cependant une avancée réelle. Le projet reste en revanche muet sur le droit de vote des immigrés aux élections locales. De façon plus générale, lamélioration de lefficacité des dispositifs de lutte contre lexclusion supposerait quavant toute décision il soit réalisé une étude sociale dimpact. Il serait notamment intéressant de reconstituer le Centre étude des revenus et des coûts (CERC), cest-à-dire de mettre en place un organe indépendant dont la saisine serait largement ouverte et gérant une banque de données sur les initiatives et les actions des associations. De même, la conclusion de pactes locaux devrait permettre la prise en compte des projets alternatifs des associations de terrains. Parmi ces projets alternatifs, il y a les réseaux déchanges de savoir destinés à lutter contre lillettrisme et à permettre la réappropriation du savoir par des jeunes sortis du système scolaire sans connaissances de base, ce qui impose de rouvrir lécole aux intéressés car, sans cela, ils resteront inaccessibles à tous les dispositifs dinsertion sociale. Enfin, la lutte contre le surendettement, annoncée comme étant un des points forts du projet de loi, débouche sur des dispositions dans lensemble décevantes. Ainsi, les critères daccès sont ambigus et on peut en particulier sinterroger sur le sens exact de lexpression biens saisissables sagissant du moratoire, de leffacement ou de la réduction des dettes. De même, alors que le juge pouvait, jusquà présent, consentir des baisses de taux dintérêt allant jusquà un taux nul, sagissant du moratoire, il sera limité par le taux dintérêt légal. Par ailleurs, les dettes fiscales et sociales ne sont pas prises en compte alors quelles constituent lun des facteurs essentiels de laccélération de la précarisation à la suite d accidents de vie . Les charges qui apparaissent dans le calcul du taux de surendettement doivent être les charges réelles du ménage et, sagissant du reste à vivre , il serait indispensable de prévoir une normalisation visant à mettre un terme à des inégalités territoriales qui sont aujourdhui flagrantes, tous les départements nayant pas, loin de là, la même attitude. Il conviendrait également dinstituer un moratoire des saisies et des expulsions dès louverture dun dossier de surendettement. M. Eric Ducoing, intervenant au nom de Agir contre le chômage (AC), a souligné la déception des associations devant la décision de ne pas relever le revenu minimum dinsertion (RMI) et devant la revalorisation minime de lallocation de solidarité spécifique (ASS). De la même manière, le refus daccorder le droit à un revenu minimal pour les jeunes chômeurs est regrettable, alors même que lexclusion qui frappe cette partie de la population est un facteur de la violence sociale que lon voit se développer. A cet égard, le dispositif Trajet de retour à lemploi (TRACE) est tout à fait insuffisant puisquil ne bénéficie quà 60 000 jeunes, alors que les jeunes chômeurs sont au nombre dau moins 600 000 ; par ailleurs, la durée du parcours est trop courte et aucun revenu nest garanti pendant celui-ci. De manière générale, on peut craindre que ce projet ne relève que dun effet dannonce. Le détail de son financement laisse apparaître que les crédits de certains programmes tels que les emplois-jeunes étaient déjà engagés et ne sont venus nourrir la présentation de leffort budgétaire que de manière artificielle. Le montant des crédits consacrés à la lutte contre lexclusion tels quannoncé par le Gouvernement sélève à 51 milliards de francs. Ce montant est à comparer avec la proposition de relèvement de 1 500 francs de tous les minima sociaux qui avait été chiffrée, sans doute de façon excessive, à 70 milliards de francs. Force est de constater, par ailleurs, que les mesures en faveur de lemploi ne sont pas nouvelles et ont montré leur incapacité à répondre aux phénomènes dexclusion, quil sagisse du contrat de qualification, des contrats emploi solidarité (CES) ou des contrats emploi consolidé (CEC), dont il faut noter que la durée du travail sera inférieure à la durée légale et ne permettra donc pas à leurs bénéficiaires de percevoir un salaire au moins égal au SMIC. Alors que le rapport de lINSEE sur la pauvreté met en évidence une nouvelle population victime de lexclusion, les travailleurs pauvres, de nombreuses mesures sont absentes ou incomplètes. Il en est ainsi de la couverture maladie universelle qui ne peut résoudre ni les problèmes liés à la diminution du remboursement des soins ni ceux résultant de lavance des frais. Au demeurant, limpasse est faite sur lensemble des mesures à prendre pour améliorer la santé des populations exclues ou favoriser leur accès à lemploi, ce qui nécessite, par exemple, dêtre habillé de façon adaptée et de pouvoir emprunter un moyen de transport. Le projet est également silencieux sur des points aussi divers que laccès à linformation compte tenu du coût de la redevance télévision ou de la presse ou laccompagnement dans les démarches daccès aux droits. Ces exemples montrent - a contrario - la nécessité quil y aurait à revaloriser les minima sociaux dont lindexation sur les prix et non sur lévolution des revenus ou sur le SMIC est critiquable. Il faut également noter quil nest pas prévu de mettre fin au forfait logement imputé sur le RMI et sur lallocation de parent isolé (API) lorsque le bénéficiaire est logé à titre gratuit. Il faudrait également que les bénéficiaires du RMI puissent percevoir les allocations familiales en sus de leur allocation et aient la possibilité de reprendre des études. Toute décision de suspension dallocation devrait donner lieu à linstauration dune procédure de recours suspensif. Enfin, le projet de loi ne contient pas le volet démocratique annoncé par la ministre de lemploi et de la solidarité qui avait envisagé la participation des associations de chômeurs dans des comités dusagers auprès de lANPE et de lAFPA, ainsi quauprès des ASSEDIC. Par ailleurs, les associations rencontrent de réelles difficultés matérielles de fonctionnement et attendent donc non seulement une reconnaissance mais aussi des moyens supplémentaires. M. Jean-Baptiste Eyraud (Droit au logement) a indiqué que le volet logement du projet de loi, comportait des avancées significatives. Le problème de fond demeure linsuffisance de loffre de logements pour les ménages modestes en raison de la précarisation des familles, de la hausse des loyers et de la diminution concomitante de la construction de logements sociaux. Le projet prévoit daccroître cette offre par la taxation des logements vacants et une nouvelle réglementation des réquisitions. Ces outils doivent cependant être rendus véritablement efficaces, en ne limitant pas les réquisitions aux seules personnes morales et la taxation aux agglomérations de plus de 200 000 habitants. En ce qui concerne les expulsions, il est souhaitable de réintroduire dans le texte linterdiction de toute expulsion par un huissier non accompagné de représentants de la force publique. Enfin, le dispositif tendant à garantir la mixité sociale dans les HML qui aboutit à loger moins de pauvres en HLM apparaît lourd, peu transparent et au total dun apport limité. M. Jean Le Garrec, rapporteur, a formulé les observations suivantes : - Le texte du Gouvernement est inscrit dans un cadre nécessairement limité et na pas la prétention de proposer de solution à tous les problèmes, même si son souci est de combattre les causes mêmes de lexclusion. - On ne peut que dresser le constat du chemin à parcourir entre la demande des associations dune augmentation généralisée des minima sociaux et les orientations retenues par le Gouvernement, soutenues par sa majorité parlementaire. - La référence aux conventions internationales, particulièrement celles relatives aux droits des enfants, est à prendre en considération dans le cadre de larticle premier du projet de loi. - Lobjectif présidant à la création de lObservatoire de la pauvreté et de lexclusion, est louable mais la définition de ses missions peut apparaître stigmatisante. M. Alain Cacheux, rapporteur sur les dispositions concernant le logement, a exprimé son accord sur le constat dune offre insuffisante de logements sociaux, même si 30 000 logements à loyer minoré ou logements dintégration ont été budgétisés dans la loi de finances pour 1998. De même, on ne peut que souhaiter une répartition géographique et sociale plus équilibrée des logements sociaux. Il a été fait un progrès certain en matière de transparence pour lattribution de logements sociaux avec la création du numéro denregistrement départemental et par lobligation pour les organismes HLM de passer un contrat. Enfin, il devrait être possible daboutir à une solution satisfaisante en matière dexpulsions pour mettre fin à des pratiques souvent excessives. Mme Hélène Mignon a fait remarquer que si les réquisitions de logements pouvaient conduire à une plus grande mixité des populations, les logements réquisitionnés étaient souvent en mauvais état et que se posait, alors, la question de la charge de leur rénovation. Par ailleurs, on constate que dans les quartiers difficiles une part importante du parc de logements sociaux, pouvant atteindre 20 %, reste inoccupée. Y remédier suppose de modifier lensemble des conditions daccueil dun quartier afin dy restaurer le lien social ce qui relève de la politique de la ville. M. Georges Hage, président, sest interrogé sur le moyen de faire disparaître les particularismes communaux en matière de logement social et dimpliquer davantage les entreprises dans la lutte contre les exclusions, dautant que les syndicats sont absents du projet de loi. Mme Annie Pourre (Droits devant) a constaté que lorsquil était fait mention du rôle des entreprises dans le projet de loi, les contours de cette intervention nétaient jamais précisés, par exemple dans le cadre du programme TRACE qui entérine labandon du plein emploi au profit du concept dactivité. Par ailleurs, la distorsion entre loffre et la demande demplois rend peu pertinent le refus dattribuer le RMI aux jeunes sous prétexte de désincitation au travail. Cette question doit au contraire être abordée en terme de ressources quil faut garantir aux jeunes chômeurs en raison de la crise économique. M. Eric Ducoing (AC) a rappelé que face aux difficultés rencontrées par 7 millions de chômeurs et de précaires qui font vivre 11 millions de personnes, il était nécessaire de faire appliquer les droits reconnus par la Constitution qui garantissent à tous des moyens dexistence décents. La volonté politique des élus sera jugée par une population qui attend beaucoup du projet de loi contre les exclusions. Il est nécessaire que soient constitués des comités dusagers comprenant notamment, les associations de chômeurs auprès des organismes déjà cités mais aussi auprès des caisses dallocations familiales ou des commission locales dinsertion. Enfin, les enquêtes montrant que la grande majorité des bénéficiaires du RMI sont locataires dans le parc de logements privés, il y a lieu de sinterroger sur le rôle et la place du logement social. M. Jean-Baptiste Eyraud (DAL) a fait remarquer que les associations de défense des mal logés ne trouvaient pas non plus leur place dans les structures prévues par le projet de loi, alors quil est nécessaire quelles soient associées aux discussions sur les emplacements et les financements des futurs logements ou sur la mise en place des outils intercommunaux disposant du droit de préemption, dexpropriation ou de réquisition, en concertation avec les maires et les préfets. LISTE DES PERSONNALITÉS ET ORGANISMES AUDITIONNÉS PAR LE RAPPORTEUR - Mme Marie-Thérèse Join-Lambert - M. Hervé Serieyx, délégué interministériel à linsertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté (DIIJ) - M. Claude Alphandéry, président du Conseil national de linsertion par lactivité économique - M. Christian Valadou, secrétaire général du Comité national des entreprises dinsertion (CNEI) - Mme Jacqueline Saint-Yves, présidente de la coordination des associations daide aux chômeurs par lemploi (COORACE) - M. Georges Comte, président de lOrganisation nationale des formations au travail social (ONFTS) - M. Patrick Kanner, président de lUnion nationale des centres daction sociale (UNCASS) - M. Jean-Paul Péneau, directeur général de la Fédération nationale des associations daccueil et de réadaptation sociale (FNARS) - M. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française - M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de lObservatoire national de laction sociale décentralisée (ODAS) ______________ N° 856. Rapport de M. Jean Le Garrec, au nom de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi dorientation relatif à la lutte contre les exclusions (n° 780) : Tome I : présentation générale. 1 Serge Paugam, Lexclusion : létat des savoirs. 2 R. Castel - Les métamorphoses de la question sociale. 3 Notion que R. Castel préfère à celle dexclusion car elle insiste sur son caractère de processus. 4 Économie et statistique - Mesurer la pauvreté aujourdhui, N° 308, 309, 310 - 1997 5 Avis du Conseil économique et social.: Évaluation des politiques publiques contre la grande pauvreté. 6 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale 7 Pauvreté des familles, pauvreté des enfants - N. Herpin, Lollier - INSEE - décembre 1996 8 Rapport sur la progression de la précarité en France et ses effets sur la santé - février 1998. 9 Economie et statistique INSEE - n° 282 10 Le calcul de lallocation de RMI repose en effet sur les ressources dont a disposé lallocataire pendant les trois mois précédents. 11 Ces mesures sont : lallocation spécifique dattente pour les chômeurs, allocataires du RMI ou de lASS ayant validé 40 années de contribution au régime vieillesse, la revalorisation de lASS de 2 % au 1er juillet 1997, les emplois-jeunes pour les jeunes des quartiers en difficulté, le Fonds cantine et les PLA-intégration. 12 Cofinancements attendus de la part du Fonds social européen (FSE) et des différents partenaires qui sinscriront dans la démarche proposée. Le Fonds social européen sera sollicité notamment pour le programme TRACE, linsertion par léconomique et les plans locaux pour linsertion et lemploi (PLIE). Les collectivités locales seront également invitées à participer au financement des PLIE et du programme TRACE, notamment sagissant du renforcement des missions locales et des stages de la formation professionnelle. Enfin, différents opérateurs ont dores et déjà accepté de financer les dispositions permettant de prévenir les coupures délectricité, deau et de téléphone. |