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le 5 juin 1998

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N° 936

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mai 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 520), autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes),

PAR M. JEAN-BERNARD RAIMOND,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Alain Bocquet, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Laurence Dumont, M. René Rouquet, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, Jacques Blanc, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Mme Monique Collange, MM. Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Jacques Desallangre, Paul Dhaille, Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Claude Lefort, François Léotard, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, MM. Jacques Myard, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UN ACCORD FIXANT DES OBJECTIFS AMBITIEUX
  DE GESTION DURABLE
7

A - LA PROTECTION DES FORÊTS TROPICALES : UN DÉFI POUR LES PRODUCTEURS ET CONSOMMATEURS DE BOIS TROPICAUX 7

1) La déforestation : un phénomène inquiétant 7

2) La négociation du nouvel accord : un débat difficile 8

B - UN ACCORD DE PRODUIT RESPECTANT LES PRÉOCCUPATIONS ÉCOLOGIQUES ET LA LOGIQUE COMMERCIALE 9

1) Le bilan de l'accord international sur les bois tropicaux de 1983 9

2) Les innovations de l'accord de 1994 10

II - LE MARCHÉ DES BOIS TROPICAUX : DES ÉCHANGES EN BAISSE AFFECTÉS PAR LA CRISE ASIATIQUE 13

A - DES ÉCHANGES EN BAISSE 13

1) Une production en baisse 13

2) Une demande de bois tropicaux en déclin 14

B - LA PRÉPONDÉRANCE DE L'ASIE SUR LE MARCHÉ
   DES BOIS TROPICAUX
15

1) Les mécanismes de la prépondérance de la zone asiatique 15

2) Conséquences prévisibles de la crise asiatique
  sur le marché des bois tropicaux 16

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE 23

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur un projet de loi adopté par le Sénat et autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux.

Cet accord succède à celui de 1983, entré en vigueur le 1er avril 1985 qui se situait dans le cadre du programme intégré pour les produits de base, inspiré par la quatrième Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) tenue à Nairobi en 1976. Les pays en voie de développement appuyés par quelques pays industrialisés dont la France, avaient recherché des solutions propres à améliorer le commerce international des produits de base jugés essentiels. Ce premier accord, d'une durée de validité de 5 ans, a été prorogé à deux reprises pour une durée de deux ans.

Entre temps, la prise de conscience des conséquences d'une déforestation des pays tropicaux sur l'environnement global ont conduit les Nations Unies à négocier un nouvel accord international aux objectifs plus ambitieux.

En effet les travaux de l'Organisation Internationale des Bois Tropicaux (OIBT) créée par l'accord de 1983, ont mis en lumière la nécessité d'une gestion durable des forêts. Aussi en 1990 "l'objectif 2000" était-il adopté. Il stipule qu'à cette date les exportations de produits dérivés de bois tropicaux devront provenir de sources gérées de façon durable.

Entre 1983 et 1994, date de négociation du présent accord, la question du développement durable s'impose dans nombre de forums internationaux. Elle est au centre des débats Nord-Sud lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui s'est tenue à Rio en juin 1992.

Bien que les textes adoptés lors de ce sommet n'aient aucune valeur contraignante et se contentent d'énoncer des principes généraux, ils ont inspiré certains accords ultérieurs. Tel est le cas du présent accord qui porte sur un produit essentiel pour les économies en développement. Ses objectifs visent la sauvegarde des ressources forestières de la planète sans restreindre les flux commerciaux de bois qui arrivent au troisième rang des échanges mondiaux après le pétrole et le gaz.

Votre Rapporteur examinera d'abord l'économie de cet accord ambitieux et s'interrogera ensuite sur la capacité du marché des bois tropicaux, affecté par l'ampleur de la crise asiatique, à en respecter les objectifs.

I - UN ACCORD FIXANT DES OBJECTIFS AMBITIEUX
DE GESTION DURABLE

Cet accord s'efforce de concilier la protection du patrimoine forestier tropical par une gestion maîtrisée et durable, d'ici l'an 2000.

A - La protection des forêts tropicales : un défi pour les producteurs et consommateurs de bois tropicaux

Sauvegarder les forêts tropicales et favoriser leur gestion maîtrisée, concilier la logique écologique et les impératifs économiques, parvenir à un compromis entre consommateurs (les pays du Nord) et producteurs (les pays du Sud). Telle est l'ambition de cet accord de produits de base.

1) La déforestation : un phénomène inquiétant

Les forêts tropicales couvrent actuellement 1700 millions d'hectares. Cependant, le rythme de la déforestation s'est accéléré sous l'effet de divers facteurs dont l'un des principaux est d'ordre démographique.

L'expansion démographique entraîne un besoin accru en bois de chauffage et une pression plus forte sur la forêt pour des raisons agricoles et alimentaires. Elle accroît les pratiques traditionnelles de cultures sur brûlis qui participent largement à la régression de la forêt africaine.

Le déboisement dépend aussi des modes d'appropriation des sols. L'existence de grandes propriétés dans des zones déjà exploitées contraint une partie de la population à chercher ailleurs des terres cultivables. Ce phénomène est fréquent en Amérique latine.

L'exploitation minière ou pétrolifère génère des déforestations parfois sauvages, sources de graves déséquilibres et de migrations forcées de populations. Au Brésil, les opérations souvent menées dans des conditions clandestines, visent soit à étendre les zones d'exploitation minières, soit à récupérer des terres pour y pratiquer l'élevage du boeuf et coloniser l'Amazonie.

La mise en oeuvre de projets agricoles d'envergure par un réaménagement volontariste de l'espace au Brésil, en Indonésie, voire en Malaisie et en Thaïlande, a provoqué des destructions massives de forêts, d'autant qu'elle s'opère traditionnellement par des mises à feu. Cette pratique habituelle à Bornéo et à Sumatra, conjuguée aux effets pervers de la sécheresse provoquée par El Niño, est à l'origine des gigantesques incendies qui continuent de ravager la région depuis l'automne dernier. Pour les mêmes raisons, de gigantesques feux ravagent l'Amazonie brésilienne, le Guyana, le Vénézuela. Dans l'Etat du Roraima au Brésil, près de 21 % du territoire a déjà brûlé. En Asie, la nature de certains sols - tourbières - aggrave cette catastrophe écologique sans précédent car la maîtrise de ces feux est extrêmement difficile. En Amérique latine, la culture sur brûlis combinée à la négligence des autorités explique l'ampleur du désastre.

L'exploitation des bois tropicaux est loin d'être sans incidence sur la régression de la forêt, même si elle n'entraîne pas immédiatement sa destruction brutale. Elle provoque des disparitions d'espèces végétales et animales, mais surtout modifie les conditions de vie des populations de la forêt. Elle nécessite en effet l'ouverture de travées, l'exploitation des rivières et la construction de routes. La production des bois tropicaux favorise la disparition des forêts primaires, quand elles sont riches en espèces commercialisables comme en Asie du Sud-Est et en Amazonie. Le reboisement s'opère avec des espèces différentes, souvent plus fragiles et les forêts reconstituées sont plus vulnérables aux incendies et plus facilement convertibles en zones agricoles.

La sauvegarde des forêts tropicales qui contribue largement à la protection et à la régénération des sols, souvent impropres à une agriculture intensive et rentable, est essentielle. Les forêts constituent une réserve de formes de vie, car elles conservent des espèces végétales et animales. Près de 12 millions de personnes vivent de la production des bois tropicaux, et 300 millions d'habitants les utilisent chaque année.

Mais les préoccupations écologiques, largement exprimées par les pays du Nord, se révèlent coûteuses à court terme pour les pays du Sud en développement, soucieux d'obtenir une rentabilité immédiate de leurs ressources. Aussi la renégociation de l'accord sur les bois tropicaux fit-elle l'objet d'âpres discussions entre pays du Sud et pays du Nord.

2) La négociation du nouvel accord : un débat difficile

Les clivages entre producteurs et consommateurs furent importants lors de la négociation de l'accord international sur les bois tropicaux.

Les pays producteurs exigeaient que cet accord international s'étende à tous les bois (y compris tempérés et boréaux) car la déclaration de Rio concerne l'ensemble du patrimoine forestier mondial. Ils refusaient d'assumer seuls les coûts liés à l'environnement au motif que les bois tropicaux devenant plus coûteux, seraient moins attractifs que les bois tempérés.

Ils estimaient que les pays d'Europe du Nord, qui s'érigeaient en défenseurs des forêts tropicales, n'avaient strictement rien fait par le passé pour la protection de leurs propres forêts, et exigeaient des pays producteurs de bois tropicaux des taux de reboisement qu'ils ne pouvaient s'appliquer à eux-mêmes. L'objectif 2000, au terme duquel l'ensemble des exportations de bois tropicaux devait provenir de ressources forestières gérées de façon durable en l'an 2000, ne devait donc pas être une norme contraignante.

Les pays consommateurs refusaient, quant à eux, l'extension de l'accord aux bois tempérés et boréaux au motif que l'économie de l'accord, élaboré dans le cadre du programme intégré pour les produits de base, ne devait favoriser que les pays en développement. Ils considéraient que l'objectif 2000 ne constituait pas une mesure discriminatoire, puisque consommateurs et producteurs l'avaient accepté.

Bien que des antagonismes aient subsisté, un compromis fut trouvé et l'accord international s'efforce de prendre en compte les préoccupations de chaque partie.

B - Un accord de produit respectant les préoccupations écologiques et la logique commerciale

L'accord de 1994 qui conforte le bilan du précédent, constitue un compromis et fixe des normes de gestion durable des forêts tropicales.

1) Le bilan de l'accord international sur les bois tropicaux de 1983

Le premier accord sur les bois tropicaux a créé l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) dont le siège est à Kyoto. Structure de dialogue entre producteurs et consommateurs, cette organisation a joué un rôle de premier plan sur le marché international des bois tropicaux, s'efforçant d'assurer sa transparence grâce à des informations statistiques et économiques, même si par rapport à d'autres organisations internationales de produits de base, l'OIBT n'a pu créer un climat de coopération entre producteurs et consommateurs.

Elle a élaboré des critères et des directives précis en matière d'aménagement durable des forêts tropicales qui constituent des références utiles pour l'ensemble des opérateurs du secteur. Par ses actions, elle a largement contribué à la prise de conscience des conséquences d'une déforestation des pays tropicaux sur l'environnement, et fait admettre aux producteurs comme aux consommateurs, la nécessité d'une gestion durable des forêts par l'adoption de l'objectif 2000 dès 1990. Grâce à cette résolution, en 2000, le commerce international des bois tropicaux devrait être limité aux seuls produits provenant de forêts gérées de manière durable. Elle a su, en outre, cofinancer un grand nombre de projets grâce aux contributions volontaires versées sur un compte spécial institué par l'accord de 1993.

Le rôle de l'OIBT se trouve confirmé par le nouvel accord qui ne modifie ni sa structure administrative ni les modalités de décompte du nombre de voix attribué à chaque pays, dépendant de leur poids sur le marché soit en tant que producteur soit comme consommateur.

Le budget de fonctionnement de l'organisation s'élève à environ 4 millions de dollars, et figure au compte administratif. Chaque membre y cotise proportionnellement aux voix dont il dispose. La contribution française en 1997 s'élèvait à 84 700 dollars soit quelques 500.000 F. Le Directeur exécutif de l'OITB M. Freezailah est malaisien ; aucun français n'y travaille.

2) Les innovations de l'accord de 1994

Le nouvel accord international sur les bois tropicaux prend prioritairement en compte les questions environnementales débattues lors de la Conférence de Rio en 1992 et de ce fait n'est pas exempt d'ambiguïtés, qui sont d'ailleurs à l'origine de la déclaration interprétative effectuée par l'Union européenne au nom de ses Etats membres lors de la signature.

Le champ de compétence du nouvel accord paraît flou. Alors que l'accord de 1983 concernait exclusivement les bois tropicaux, son successeur mentionne à maintes reprises les bois sans préciser lesquels, tout en définissant dans son article 2 "ce qu'il faut entendre par bois tropicaux". L'article 35 prévoit d'ailleurs un réexamen du champ d'application de l'accord 4 ans après son entrée en vigueur, clause qui ne figurait pas dans l'accord de 1983.

La principale nouveauté de l'accord de 1994 figure dans son préambule et son article 1. C'est l'objectif juridiquement non contraignant d'une gestion durable des forêts d'ici l'an 2000 qui s'impose aux producteurs comme aux consommateurs, et vise tous les types de forêts. De même, les articles 29 et 30 relatifs aux statistiques, aux études et à l'information s'appliquent explicitement à tous les bois. Autre innovation de l'accord, l'article 36 introduit une clause de non-discrimination commerciale, applicable à l'ensemble des bois. Cette disposition, inspirée par les pays producteurs, a d'ailleurs pour but de lutter contre les tentatives de restriction à l'importation des bois tropicaux constatées dans certains pays d'Europe du Nord.

En outre, pour la gestion durable des forêts tropicales, l'accord crée une structure, le Fonds pour le partenariat de Bali, destiné à inciter les producteurs à investir pour atteindre en 2000 l'objectif de gestion durable de leur patrimoine forestier. Ce Fonds accroît la pression exercée sur les pays consommateurs pour qu'ils fournissent des ressources nouvelles et supplémentaires aux pays producteurs, car il est financé pour moitié par les contributions des membres dont le caractère facultatif n'est pas clairement mentionné. Les revenus procurés par les activités de l'OITB au compte spécial, créé par l'accord de 1983 qui sert toujours aux financements des avants-projets et projets approuvés par l'OIBT, constituent l'autre moitié des ressources de ce compte.

Pour l'instant, le Fonds pour le partenariat de Bali est alimenté exclusivement par le Japon, qui, à lui seul, détient 32% des voix des consommateurs, il commence seulement à fonctionner. La France devrait s'intéresser à ce Fonds. Si elle acceptait d'y contribuer même modestement, elle pourrait influer sur le choix des projets. D'autant que notre pays a su montrer sa capacité à organiser la gestion durable de son patrimoine forestier tropical en Guyane et à la Réunion. Il devrait d'ailleurs jouer un rôle plus à sa mesure au sein de l'OIBT.

Pour lever certaines difficultés d'application de l'accord, l'Union Européenne a assorti sa signature d'une déclaration interprétative. Elle a fixé la position de ses membres, en rappelant que le champ d'application de l'accord est limité aux bois tropicaux et que les contributions au Fonds pour le partenariat de Bali ne sont nullement obligatoires.

Telle est l'économie du nouvel accord sur les bois tropicaux, dont la portée pratique risque d'être perturbée par les contraintes du marché de ce produit de base, largement dominé par des pays asiatiques en crise.

II - LE MARCHÉ DES BOIS TROPICAUX : DES ÉCHANGES
EN BAISSE AFFECTÉS PAR LA CRISE ASIATIQUE

Si le marché du bois vient au troisième rang des échanges mondiaux après le pétrole et le gaz, les bois tropicaux n'y représentent qu'une part, de l'ordre de 25 %. L'offre comme la demande fléchissent, et la crise asiatique qui affecte les principaux producteurs et consommateurs perturbe fortement ce marché.

A - Des échanges en baisse

La vente des bois tropicaux est pour les pays producteurs une source importante de devises, bien que les volumes échangés ne représentent qu'une part limitée de la récolte mondiale de bois tropicaux. Ainsi, 50% de la production alimente les besoins en bois de feu et cette proportion atteint 80% de la récolte des pays en développement.

La diversité des produits échangés, qui vont de la vente de grumes aux placages d'ébénisterie, en passant par les contreplaqués, caractérise les flux d'échanges de ce marché actuellement perturbé.

1) Une production en baisse

La production totale de bois tropicaux destinés au sciage et au placage dans les pays producteurs membres de l'OIBT s'élève à 132 millions de m3 en 1995, soit une diminution de 3% par rapport à 1994, année de l'élaboration du présent accord. En 1996, elle a continué de décliner pour atteindre 127 millions de m3, soit un recul de 4%. L'Asie, notamment l'Indonésie et la Malaisie, les deux premiers producteurs mondiaux, soucieux de rationaliser l'exploitation de leurs forêts, et à moindre degré, l'Afrique, sont responsables de ce déclin.

Troisième producteur mondial, le Brésil est le seul des principaux pays producteurs à avoir augmenté sa récolte. Néanmoins, la région Asie Pacifique représente toujours plus des deux tiers de la production, tandis que la part de l'Afrique s'est stabilisée à 7%, et celle de l'Amérique latine se développe et atteint 26%. Il est probable que cette tendance se poursuivra à moyen terme.

La production des sciages tropicaux est restée stable et s'est située à 40,4 millions de m3 en 1996 (41,1 millions de m3 en 1995). Elle se contracte en Asie, mais elle tend à augmenter en Afrique et en Amérique du Sud. La Malaisie reste un producteur important de sciages (8,2 millions de m3 en 1996) , mais devrait arrêter, d'ici à l'an 2000, ses exportations de sciages pour privilégier des produits à plus forte valeur ajoutée, les meubles notamment. Le Brésil, qui au contraire, a augmenté fortement sa production (11 millions de m3) est devenu le principal producteur de sciages tropicaux.

La production de placages s'est élevée à 3 millions de m3 en 1995, et à 3,21 millions en 1996 soit 7 % d'augmentation. L'Asie et surtout la Malaisie représente la part la plus importante (2,2 millions de m3), suivie par l'Amérique latine et l'Afrique (400.000 m3 chacune).

2) Une demande de bois tropicaux en déclin

Le déclin de la demande au Japon, premier consommateur de bois tropicaux a affaibli les marchés. Cette baisse amorcée en 1996 s'aggrave en raison de la crise qui touche les autres consommateurs importants que sont la Corée du Sud, l'Indonésie et la Malaisie.

Parallèlement, la demande européenne de bois tropicaux est en régression tant en ce qui concerne les grumes, les sciages que les placages avec une grande disparité entre pays importateurs. On constate une forte chute de la demande en Allemagne (25% en dix ans), aux Pays-Bas, et une grande stabilité de la France et de l'Italie. Dans ces pays les bois tropicaux sont fortement concurrencés par les bois tempérés ; on assiste à un effet de ciseaux très net entre la consommation générale de bois qui croît et celle des bois tropicaux qui se réduit.

Inconstestablement, les campagnes écologiques ont pesé sur la consommation des bois tropicaux notamment en Allemagne, en Autriche, aux Etats-Unis, en Belgique et aux Pays-Bas. Dans ces pays, certaines municipalités ont tenté d'interdire l'utilisation des bois tropicaux dans les marchés publics. Pour répondre à l'appréhension des consommateurs, des chaînes de distribution anglo-saxonnes insistent sur l'origine de leurs produits quand ils proviennent de forêts tropicales ou non gérées de façon durable. Ils en font un argument de vente. L'Autriche ayant quant à elle, rendu obligatoire en 1992 la mention "bois tropicaux" sur l'ensemble des produits en bois en provenance du Sud, a dû rapporter cette mesure discriminatoire sous la pression internationale. En France, plusieurs associations ont dénoncé l'utilisation de bois tropicaux en mettant en cause certains projets comme la Grande Bibliothèque et la passerelle de Solférino.

Dans ce contexte la demande européenne de bois tropicaux n'est, semble-t-il, pas appelée à augmenter, et celle émanant de l'Asie risque de continuer à décliner en raison de la crise boursière et monétaire qui frappe cette zone La portée de l'accord international sur les bois tropicaux qui concerne surtout des pays touchés par cette crise pourrait s'en trouver réduite.

B - La prépondérance de l'Asie sur le marché des bois tropicaux

La mondialisation a pris une ampleur particulière sur le marché des bois tropicaux : les compagnies asiatiques japonaises et notamment malaisiennes, exploitent en dehors de leurs zones, et notamment en Amazonie brésilienne et en Afrique, des millions d'hectares de forêts. Elles contrôlent 70 % du commerce mondial des bois tropicaux. La crise monétaire et boursière qui affecte ces pays risque d'affaiblir ce marché.

1) Les mécanismes de la prépondérance de la zone asiatique

Le décalage entre des capacité de transformation surdimensionnées dans plusieurs pays producteurs asiatiques (Indonésie, Malaisie) et des récoltes de bois de moins en moins abondantes fut l'une des forces motrices de l'extension des bassins d'approvisionnement à l'échelle mondiale. La diversification des sources d'approvisionnement permet en effet de répondre à la raréfaction des forêts exploitables de façon rentable et durable en Asie du Sud-Est.

Soucieuses de maintenir intacte leur capacité de production et de transformation de bois tropicaux, la Malaisie, la Thaïlande, et, dans une moindre mesure l'Indonésie, ont pris le contrôle de zones de récolte en Afrique pour assurer l'interface avec l'immense marché chinois, leur expérience de l'exploitation forestière et le capital accumulé ayant fait d'eux des concurrents redoutables pour les exploitants locaux. La modification de la structure des exportations de bois brut, auparavant tournées vers l'Europe, de deux pays africains, le Cameroun et le Gabon, le démontre largement. En 1996 au Cameroun, plus de 50% des grumes ont été exportées vers l'Asie (Thaïlande, Japon et Chine), au Gabon, ce chiffre a atteint 60%, dont un tiers destiné à la Chine. Ce sont des grandes entreprises malaisiennes et japonaises qui sont à l'origine de cette transformation.

Il n'est pas certain que l'exploitation des forêts primaires tropicales en Amazonie brésilienne notamment par ces entreprises asiatiques, ait respecté les objectifs de durabilité de l'exploitation car les opérateurs souvent malaisiens, parfois japonais souhaitaient obtenir un taux de rentabilité immédiat maximum au mépris de la législation brésilienne.

2) Conséquences prévisibles de la crise asiatique sur le marché des bois tropicaux

La crise boursière et monétaire qui affecte une grande partie des pays asiatiques a provoqué une importante baisse de la demande dans ces pays et s'est traduite par une chute moyenne des cours des bois tropicaux asiatiques de près de 30% en dollars. Le poids prépondérant du Japon dans les flux d'échange des bois tropicaux et de leurs dérivés a joué un rôle moteur dans cette baisse. Premiers acheteurs de grumes malaisiennes et de contreplaqués indonésiens, les Japonais ont fait pression sur ces deux fournisseurs dont les monnaies se trouvaient dévaluées.

L'Indonésie, fortement touchée en raison de sa spécialisation quasi exclusive dans l'industrie du contreplaqué qui souffre déjà de surcapacités importantes de transformation, a édicté une réglementation dissuadant ses exportations. Plus de 5 millions de m3 de bois abattu n'y avaient pas été récoltés fin 1997 par les entreprises désorganisées qui avaient arrêté leurs opérations. La Malaisie est, elle aussi, affectée, mais moins gravement ; elle subit également une chute des cours en dollars, mais sa capacité d'exporter est restée intacte. En sera-t-il de même de sa présence en Afrique ?

Les marchés africains, très dépendant des opérateurs asiatiques pourraient eux aussi, être affectés par la contraction de l'activité économique au Japon et en Asie du Sud-Est et la désorganisation des économies malaisiennes et indonésiennes. Ainsi, la production du Gabon et du Cameroun risque de décliner en raison de l'affaiblissement des entreprises asiatiques qui avaient obtenu des concessions dans ces pays.

Dans un tel contexte économique, l'objectif de gestion maîtrisée des forêts tropicales dans moins de deux ans paraît hors de portée, y compris dans les pays comme l'Indonésie et la Malaisie, qui avaient commencé à s'y préparer. Son coût parait élevé pour des pays qui touchés par la crise, souhaiteront sans doute privilégier une vision à court terme de la gestion de leurs ressources.

En effet, il est probable que la chute des cours des bois tropicaux affecte les mécanismes de gestion maîtrisée des forêts tropicales, soit qu'elle génère brutalement une forte demande que les producteurs souhaiteront satisfaire rapidement pour obtenir des devises soit, au contraire, que les principaux pays consommateurs (Japon, Corée du Sud) affectés par la crise ne soient plus en mesure d'acheter des bois tropicaux.

Pour que les objectifs de l'accord international sur les bois tropicaux soient atteints, il sera plus que jamais nécessaire que les pays du Nord acceptent de contribuer plus fortement au Fonds de partenariat de Bali. Or, bien qu'ils aient pour la plupart ratifié ou accepté l'application provisoire de l'accord, les pays consommateurs (Canada, Danemark, Espagne, France, Etats-Unis, Japon, Suède) ne semblent pas, à l'exception du Japon, disposés à financer le Fonds de partenariat de Bali.

CONCLUSION

L'objectif recherché par l'accord international sur les bois tropicaux, la gestion durable des forêts d'ici l'an 2000 paraît difficile à atteindre, malgré les efforts louables des pays producteurs, dont certains sont frappés par une crise économique et financière d'une extrême gravité. Cette échéance est trop proche et il semble difficile d'imposer des surcoûts de production à des pays fragilisés qui ont besoin de devises.

Néanmoins, notre Assemblée se doit de ratifier cet accord pour quatre raisons principales :

- la France s'est toujours montrée attachée à une coopération internationale sur les produits de base, afin de promouvoir un dialogue Nord-Sud ;

- la diplomatie française a exprimé, depuis plusieurs années, un intérêt soutenu pour la protection de l'environnement et la sauvegarde des ressources de la planète ;

- les bois tropicaux constituent une ressource essentielle pour de nombreux pays d'Afrique francophone ;

- notre pays demeure au sein de l’Union européenne, l'un des principaux consommateurs de bois tropicaux, qui représentent entre 5 et 10% de la consommation de bois en France.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 6 mai 1998.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Jack Lang s'est interrogé sur la portée juridique, notamment à l'égard de la France, de la déclaration interprétative de l'Union européenne.

M. Jacques Myard s'est enquis de la teneur exacte de cette déclaration.

M. Pierre Brana a souhaité savoir quelle était la part spécifique des bois tropicaux dans le marché mondial du bois.

Mme Christiane Taubira-Delannon a demandé quelles étaient les obligations françaises en matière de développement durable. Evoquant l'exploitation de la forêt guyanaise, elle a regretté que de nombreuses dispositions du code forestier ne lui soient pas applicables.

Répondant à ces questions, M. Jean-Bernard Raimond a expliqué que tous les membres de l'Union pouvaient se prévaloir de la déclaration interprétative de l'Union européenne, tout en s'interrogeant sur sa valeur juridique.

S'agissant de l'exploitation des forêts tropicales, il a fait valoir que la France respectait les contraintes de la gestion durable.

Par ailleurs, il a indiqué que la part spécifique des bois tropicaux dans le marché du bois est estimée à 25% par les experts, mais ce calcul est aléatoire car le marché des bois est peu transparent.

Le Président a demandé des précisions sur le contenu de la déclaration interprétative de l'Union européenne.

Sur sa proposition, la Commission a souhaité des éléments complémentaires concernant la portée juridique de la déclaration interprétative de l'Union européenne sur cet accord.

Au cours de la réunion du 26 mai 1998, M. Jean-Bernard Raimond a précisé le contenu exact et la portée juridique à l'égard de la France de la déclaration interprétative de l’Union européenne. Cette déclaration a été faite par la Communauté en son nom propre et au nom de ses Etats membres, chacun de ceux-ci étant laissé libre de la déposer lors de la signature de l'accord. La France n'a pas fait usage de cette faculté, considérant qu'elle aurait été superflue, compte tenu de la déclaration communautaire.

Juridiquement, le Gouvernement ne s'estime pas tenu d'annexer cette déclaration au projet de loi. En revanche, il a prévu de la publier au Journal Officiel en annexe de l'accord lorsque celui-ci aura été adopté par le Parlement.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 520).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 520).

ANNEXE

CONSEIL

DECISION DU CONSEIL

du 29 mars 1996

concernant la signature et l'application provisoire de l'accord international
de 1994 sur les bois tropicaux au nom de la Communauté

ANNEXE

Déclaration de la Communauté européenne et de ses Etats membres

La Communauté européenne et ses Etats membres interprètent les termes de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux de la façon suivante :

a) à moins qu'un changement du champ d'application de l'accord n'intervienne en application de son article 35, l'accord se rapporte uniquement aux bois tropicaux et aux forêts tropicales ;

b) toute contribution financière, autre que la contribution au budget administratif prévue à l'article 19 de l'accord, a un caractère entièrement volontaire.

___________

N° 936.– Rapport de M. Jean-Bernard Raimond (au nom de la commission des affaires étrangères), sur le projet de loi (n° 520), autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes).