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Document mis en distribution le 15 juin 1998 ![]() N° 974 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIEME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juin 1998. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative aux dates douverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, PAR M. LADISLAS PONIATOWSKI, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Sénat : 346 rect., 359 (1996-1997), 135, 177 et T.A. 64 (1997-1998). Assemblée nationale : 638. Chasse et pêche.
La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Patrick Ollier, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Henri d'Attilio, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Michel Delebarre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Laurent Fabius, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Elie Hoarau, Robert Honde, Christian Jacob, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Thierry Lazaro, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Bernard Nayral, Jean-Paul Nunzi, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Ladislas Poniatowski, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Georges Sarre, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Bernard Schreiner, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Alain Veyret, Gérard Voisin, Roland Vuillaume. INTRODUCTION 5 1. Une situation conflictuelle 6 2. Une proposition de loi attendue 9 EXAMEN EN COMMISSION 15 TABLEAU COMPARATIF 25 AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 31 MESDAMES, MESSIEURS, La pratique de la chasse au gibier deau et aux oiseaux de passage est de plus en plus contestée dans notre pays. Sappuyant sur la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, des associations de protection de la nature déposent devant les tribunaux administratifs de multiples recours contre les arrêtés fixant les dates douverture et de fermeture de la chasse. Ainsi, les arrêtés ministériels qui fixent, pour chaque département, les dates douverture anticipée de la chasse, sont systématiquement attaqués depuis le début de la décennie... et annulés pour méconnaissance partielle de la directive précitée. De même, malgré la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les dates de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs qui visait déjà à faire cesser les contentieux en ce domaine, de nombreux recours ont été introduits à lencontre des arrêtés préfectoraux, engendrant une jurisprudence abondante et fort divergente. Pour résoudre ce problème, le Sénat a pris linitiative dadopter une proposition de loi relative aux périodes de chasse des oiseaux migrateurs. Tel est également lobjet de cinq propositions de loi déposées à lAssemblée nationale par des députés issus de différents groupes politiques : il sagit des propositions de loi n° 471 de M. René André, n° 556 de M. Thierry Lazaro, n° 614 de M. Maxime Gremetz, n° 710 de M. Henri Sicre et n° 968 de M. Antoine Carré. Avant den examiner le dispositif, il paraît utile de restituer le problème dans son contexte historique et européen. La qualité du rapport présenté par Mme Anne Heinis au nom de la commission des affaires économiques du Sénat (n° 177-16 décembre 1997) nous permet de nous limiter à quelques observations essentielles. 1. Une situation conflictuelle Le contentieux juridique sur les périodes de chasse trouve son origine dans la difficulté dappliquer la directive 79/409/CEE, plus communément dénommée directive oiseaux . Afin dassurer la conservation des oiseaux vivant naturellement à létat sauvage en Europe, cette directive demande aux Etats membres de sassurer que la pratique de la chasse... respecte les principes dune utilisation raisonnée et dune régulation équilibrée du point de vue écologique des espèces doiseaux concernées... . Cette pratique est cependant strictement encadrée : dune part, la directive fait une distinction entre espèces protégées et espèces chassables ; son annexe II répertorie soixante-douze espèces chassables et la France en compte cinquante-neuf grâce à la préservation de la biodiversité sur notre territoire ; dautre part, larticle 7 de la directive limite lexercice de la chasse à certaines périodes de lannée ; son paragraphe 4 prescrit que les espèces reconnues comme gibier ne doivent pas être chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance . Pour les espèces migratrices, la chasse est interdite pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification . La directive fixe ainsi un objectif général et précise les éléments principaux de lencadrement de la pratique de la chasse mais laisse aux Etats membres le soin de déterminer les moyens de sa mise en oeuvre. Elle ne fixe donc pas de dates douverture et de fermeture uniformes pour le territoire européen. En labsence de définition des termes utilisés dans la directive pour limiter lexercice de la chasse, quil sagisse de la dépendance ou du trajet de retour , la mise en oeuvre de ce texte a donné lieu à des difficultés dinterprétation et des divergences dappréciation. Ainsi la Cour de justice des Communautés européennes a condamné lItalie en 1991, au motif que ce pays ne garantissait pas la protection dune majorité doiseaux (CJCE 17 janvier 1991, Commission c/Italie). Saisie à titre préjudiciel en application de larticle 177 du traité de Rome par le tribunal administratif de Nantes, la Cour a donné une interprétation de larticle 7 allant bien au-delà du texte de la directive. Dans son arrêt du 19 janvier 1994, elle a en effet exprimé lexigence dune protection complète des espèces, ce qui condamne toute méthode fondée sur les dates moyennes des mouvements migratoires dune proportion significative des oiseaux dune espèce. En dautres termes, la chasse serait interdite dès lenvol du premier oiseau de lespèce concernée vers son lieu de nidification. Pour faire face à ces difficultés réelles dapplication, la Commission européenne a proposé en février 1994 de modifier la directive 79/409/CEE dans un souci de clarté juridique et en vue de préciser le pouvoir dappréciation des Etats membres dans le sens dune meilleure application du principe de subsidiarité. Elle leur reconnaît ainsi le pouvoir de fixer des périodes de chasse pour les différentes espèces combinant deux critères : létat de conservation de lespèce et le caractère précoce ou tardif du début de la migration par rapport au 20 février. La Commission européenne a donc admis le principe dun échelonnement des dates de clôture de la chasse par espèce et par pays. Du reste, dans son arrêt précité du 19 janvier 1994, la Cour de justice, tout en condamnant un tel échelonnement, admet quun Etat membre peut déroger à ce principe sil rapporte la preuve fondée sur des données scientifiques et techniques appropriées à chaque cas particulier, quun échelonnement des dates de clôture nempêche pas la protection complète des espèces doiseaux susceptibles dêtre affectées par cet échelonnement . Le Parlement européen, saisi de cette proposition de modification, a refusé de se prononcer selon la procédure durgence. Ce nest que le 15 janvier 1996 quil a examiné le texte ; en adoptant le rapport présenté par Mme Maartje van Putten, au nom de la commission de lenvironnement, il a rejeté la proposition de la Commission et souhaité que la clôture annuelle de la chasse aux oiseaux migrateurs intervienne au plus tard le 31 janvier dans tous les Etats membres, sans possibilité de dérogations. Depuis lors, la situation est bloquée. Cependant, elle pourrait évoluer ; Mme Ritt Bjerregaard, membre de la Commission européenne chargée de lenvironnement, pourrait proposer un compromis sinspirant dun amendement de la commission de lagriculture du Parlement européen. Celui-ci, tout en acceptant le principe dune clôture annuelle de la chasse des espèces migratrices le 31 janvier, prévoyait un régime dérogatoire qui autorisait la chasse dune espèce pendant une période maximale de quatre semaines à compter du 31 janvier lorsquun Etat membre est en mesure de démontrer quune prolongation de la période de chasse naura pas dincidences négatives sur la conservation dune espèce particulière et sous réserve davoir préalablement soumis à lapprobation de la Commission un plan de gestion... . Dans lattente de la modification de la directive, lAssemblée nationale avait pris linitiative en 1994 de fixer les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs par la voie législative ; soutenue par le Gouvernement et adoptée en termes identiques par le Sénat, la proposition de loi votée par la commission de la production et des échanges, devenue larticle premier de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994, prévoit un échelonnement des dates de clôture entre le 31 janvier et le dernier jour du mois de février, selon les espèces. Ce texte, inséré à larticle L. 224-2 du code rural, tient compte des critères proposés à léchelle européenne et prévoit un échelonnement fondé sur les données scientifiques les plus récentes recueillies par le comité ORNIS, comité pour ladaptation au progrès scientifique et technique créé en 1979 pour fournir les informations nécessaires à lapplication de la directive. A la demande du Gouvernement, il avait été complété par la transmission dans les deux ans suivant la promulgation de la loi dun rapport au Parlement afin dévaluer lapplication du dispositif déchelonnement et de ladapter, le cas échéant, en fonction de lévolution des connaissances scientifiques sur les populations doiseaux migrateurs ainsi que de la législation européenne. Contrairement à ce que pensaient ses promoteurs, la loi du 15 juillet 1994 na pas mis fin aux recours devant les tribunaux ; cependant, comme on le verra plus loin dans lanalyse de la proposition de loi du Sénat, ce contentieux porte essentiellement sur la faculté laissée aux préfets de fixer des dates de clôture anticipée de la chasse. En outre, ce texte ne concerne pas les dates douverture de la chasse au gibier deau. Face à limportance du contentieux administratif portant à la fois sur le début et la fin des périodes de chasse, il était nécessaire de réagir. Or, le Gouvernement sest bien gardé de le faire. Alors que la Commission européenne lui a adressé le 13 novembre 1997 une lettre de mise en demeure dans laquelle elle estime, dans létat actuel de son information, que la République française... a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive et notamment de son article 7, le Gouvernement na toujours pas transmis à la Commission les éléments dont elle demandait communication. Ni les deux rapports scientifiques de lOffice national de la chasse (décembre 1996) et du Muséum national dhistoire naturelle (mars 1997) ni le rapport qui aurait dû être déposé sur le bureau des deux assemblées en juillet 1996 aux termes de larticle 2 de la loi du 15 juillet 1994 nont été communiqués. Or, cest sur la base de ces rapports que la Commission européenne pourrait vérifier que léchelonnement des dates de clôture de la chasse au gibier deau correspond, à quelques rares exceptions près, aux critères quelle a elle-même proposés en février 1994. Non seulement le Gouvernement na pas répondu à cette mise en demeure mais encore sest-il prononcé contre la proposition de loi votée par le Sénat le 15 janvier 1998. Ce texte est pourtant le résultat dun travail consensuel réalisé à partir de trois propositions de loi déposées par M. Roland du Luart, M. Michel Charasse et M. Pierre Lefèbvre. La pratique de la chasse est, en effet, une tradition républicaine remontant à la Révolution française, et la remise en cause de ses conditions dexercice est très mal vécue dans de nombreuses régions. Il faut apaiser les tensions très vives de ces derniers mois et se donner les moyens de stabiliser la chasse au gibier deau qui représente une activité importante pour léconomie locale et constitue un loisir populaire. La situation actuelle appelle une réponse urgente. 2. Une proposition de loi attendue Linitiative du Sénat constitue un élément essentiel dans la voie de lapaisement. La proposition de loi votée le 15 janvier dernier poursuit deux objectifs : mettre fin à la contestation systématique de la pratique de la chasse au gibier deau dans notre pays et jeter les bases dune nouvelle discussion pour modifier la directive du 2 avril 1979. A cet effet, elle propose dinscrire dans la loi les dates douverture anticipée de la chasse au gibier deau et modifie le régime de clôture de cette chasse, issu de la loi du 15 juillet 1994 précitée et codifié à larticle L. 224-2 du code rural. · Les dates douverture anticipée de la chasse au gibier deau Le Sénat propose de fixer par voie législative les dates douverture anticipée de la chasse au gibier deau. Ces dates, tout comme les périodes douverture générale de la chasse, sont actuellement fixées par lautorité administrative. Larticle R. 224-6 du code rural prévoit la faculté pour le ministre chargé de la chasse dautoriser la chasse au gibier deau avant la date douverture générale fixée à larticle R. 224-4 et jusquà celle-ci. Cette possibilité douverture anticipée de la chasse pose problème. En effet, les arrêtés ministériels autorisant la chasse au gibier deau, par départements, sont systématiquement attaqués par les associations de protection de lenvironnement et annulés par le Conseil dEtat qui considère que ces dispositions réglementaires sont prises en méconnaissance des objectifs définis par la directive 79/409/CEE au motif quils autorisent la chasse en une période et en des lieux où ces différentes espèces nont pas achevé leur période de reproduction et de dépendance . Le Conseil dEtat a ainsi annulé le 11 mai 1998 les arrêtés du 29 mai 1997 de Mme la ministre de lenvironnement fixant louverture spécifique de la chasse au gibier deau dans seize départements. La lecture de ces arrêts napporte guère de précision sur la motivation du juge administratif. Probablement se fonde-t-il sur lobligation de protection complète des espèces posée par la Cour de justice des Communautés européennes dans sa décision du 19 janvier 1994 et sur labsence de définition de la notion de dépendance. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les dates retenues ces dernières années ne mettent pas en péril les jeunes oiseaux qui sortent de létat de dépendance entre le début du mois de juillet et celui du mois daoût selon les espèces. La proposition de loi tient compte de ces différences puisque les dates quelle envisage varient selon les départements entre le troisième samedi de juillet et le premier dimanche de septembre ; en outre, des dates spécifiques sont prévues pour certaines espèces, comme la nette rousse ou le canard colvert. Le tableau récapitulatif figurant dans la proposition de loi se fonde sur les dates moyennes des derniers envols observés au cours des cinq dernières années, ce qui correspond à lindépendance globale des oiseaux. Signalons enfin que les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ne sont pas visés parce quils sont soumis à un régime particulier fixé à larticle R. 229-2 du code rural qui dispose que la période douverture générale de la chasse est comprise entre le 23 août et le 1er février. Cette exception vaut également pour le régime de clôture de la chasse. · Les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs Comme cela a déjà été indiqué, le législateur est intervenu dès 1994 pour inscrire dans larticle L. 224-2 du code rural le régime de la clôture de la chasse au gibier deau et aux oiseaux de passage. Cependant, les dispositions alors adoptées méritent quelques adaptations. En premier lieu, léchelonnement des dates de clôture doit être révisé pour certaines espèces, compte tenu des observations réalisées par lOffice national de la chasse en décembre 1996. Il est ainsi proposé : davancer la date de clôture du 28 au 20 février pour la nette rousse et du 28 au 10 février pour le fuligule morillon ; dallonger la période de chasse pour deux espèces, lhuîtrier pie et la grive draine, du 20 au 28 février. En second lieu, la proposition de loi supprime le dernier alinéa de larticle L. 224-2 du code rural qui est un véritable nid de contentieux. Cet alinéa permet au préfet davancer les dates fixées par la loi, donc de fermer la chasse avant le 31 janvier. Parmi les nombreux jugements intervenus depuis 1994, deux cas de figure doivent être distingués : soit le préfet sest contenté de reproduire dans son arrêté les dates fixées par la loi, soit il a utilisé le pouvoir que lui confère le dernier alinéa de larticle L. 224-2. Dans le premier cas, les tribunaux administratifs ont rejeté, à trois exceptions près, comme irrecevable le recours pour excès de pouvoir contre larrêté reprenant les dates fixées par la loi. Dans le second, la situation est plus complexe. Les associations nont pas attaqué directement les arrêtés préfectoraux puisquils fixent une date anticipée de la clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, ce qui correspond à leur objectif. Faisant preuve dimagination, les requérants ont eu lidée de demander au préfet de modifier son arrêté et ont attaqué ensuite la décision explicite de rejet, la décision implicite ou, même, la décision contenue dans larrêté , comme le souligne M. Jacques Viguier, professeur de droit public, dans lexcellent article quil a consacré à ce sujet et auquel on renverra pour une analyse plus approfondie (Les tribunaux administratifs face à lapplication de la loi du 15 juillet 1994 relative aux oiseaux migrateurs : bilan jurisprudentiel contrasté ; Revue juridique de lenvironnement n° 3/1997, pages 309 à 340). Les points de vue ont été rarement aussi dissemblables dans une jurisprudence donnée : les jugements des tribunaux administratifs sopposent, en effet, tant sur la question de la compatibilité de la loi avec la directive oiseaux que sur le degré du contrôle exercé par le juge ou sur la charge de la preuve que les circonstances locales justifiaient de déroger aux dates de clôture fixées par la loi. La suppression du dernier alinéa de larticle L. 224-2 du code rural permettra sans nul doute de mettre fin au contentieux dans ce domaine puisque le préfet perd la faculté danticiper ces dates. Cependant, cette disposition introduisait un élément de souplesse car elle permettait de privilégier une approche locale, tenant compte de lévolution des populations doiseaux observées dans chaque département. Consciente de la nécessité de favoriser cette approche, la commission des affaires économiques du Sénat, a complété le dispositif de fermeture échelonnée de la chasse par la mise en place de plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant pas dun état favorable de conservation. Comme le précise Mme Anne Heinis dans son rapport, cette proposition sinspire très directement de lamendement proposé par la commission de lagriculture du Parlement européen en mars 1996, qui pourrait dailleurs constituer la trame des nouvelles propositions de modification de la directive faites par la Commission européenne . Cette initiative fort intéressante a pour double mérite de sinscrire dans le processus européen à venir et de favoriser une gestion dynamique des espèces. Un plan de chasse existe déjà pour les cerfs, biches, daims, mouflons et chevreuils sur lensemble du territoire national, aux termes de larticle L. 225-2 du code rural, et peut être institué pour dautres espèces de gibier. Le texte proposé par la commission des affaires économiques précise lobjet des plans de gestion : ceux-ci visent à rétablir les espèces dans un état favorable de conservation et sont fondés sur létat récent des meilleures connaissances scientifiques et sur lévaluation des prélèvements opérés. Il fournit aussi des indications sur leur contenu ; ainsi les plans de gestion de la chasse pourraient notamment prévoir la fixation dheures de chasse, la détermination de quotas de prélèvement ou encore la mise en oeuvre dun système de suivi des espèces concernées. Il convient de signaler, à cet égard, que des quotas de prélèvements sont en vigueur dans une trentaine de départements pour les migrateurs terrestres que sont la grive et la bécasse. Un tel mécanisme pourrait être étendu au gibier deau. La proposition de loi adoptée par le Sénat reprend pour lessentiel ce dispositif dans une rédaction quelque peu différente, proposée par M. Roland du Luart, qui précise, dune part, que les plans de gestion visent également à contrôler lefficacité de léchelonnement des dates de fermeture et, dautre part, renvoit à un arrêté ministériel les modalités délaboration et le contenu de ces plans, après consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage. La mise en oeuvre de plans de gestion pour les rares espèces en déclin en vue de les rétablir dans un état de conservation favorable montre, sil en était besoin, que la proposition de loi sinscrit dans le cadre dune utilisation raisonnée et dune régulation équilibrée des espèces doiseaux conforme aux objectifs de la directive. Comme cela a déjà été indiqué, cette proposition de loi est le fruit dun travail consensuel. Les cinq propositions de loi ayant le même objet déposées à lAssemblée nationale par des députés membres de différents groupes politiques, de la majorité comme de lopposition, témoignent quil existe un large consensus sur ce sujet. Certes, le Gouvernement sest prononcé contre ces initiatives parlementaires. Désapprouvant la position du Sénat, il a refusé dinscrire la proposition de loi à lordre du jour de lAssemblée nationale, tout comme il sest opposé à son adoption sous forme damendement au projet de loi portant diverses dispositions dordre économique et financier, en utilisant larme du vote bloqué au cours de la séance du 20 mai dernier. Sil est vrai que ce projet de loi nétait pas le meilleur support pour fixer les dates douverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs que le Sénat ny avait introduit que pour un motif durgence il reste que lopposition du Gouvernement à ce texte bloque la navette entre les deux assemblées. Aussi le groupe de lUDF a-t-il demandé linscription à lordre du jour de la proposition de loi adoptée par le Sénat, afin quelle puisse être examinée avant la fin de la session ordinaire, dans le cadre de la séance mensuelle réservée par priorité à un ordre du jour fixé par lAssemblée nationale en vertu de larticle 48, alinéa 3 de la Constitution. Pour des raisons durgence et defficacité, il paraît, en effet, préférable de se rallier au texte voté par la Haute Assemblée. Cest pourquoi votre rapporteur propose dadopter sans modification la proposition de loi du Sénat, même si ce texte ne représente quune solution dattente. Il importe avant tout de ne pas compromettre les prochaines saisons de chasse tout en essayant dobtenir une modification de la directive européenne dans le sens de la clarté juridique et du respect du principe de subsidiarité. La Commission européenne reste ouverte à la discussion et des adaptations sont possibles. Lexpression dun large consensus sur la proposition de loi contribuera à renforcer la position de la France dans la recherche dune solution pérenne, conciliant la protection des espèces et la pratique de la chasse aux oiseaux migrateurs. La commission a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux dates douverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs (n° 638) au cours de sa réunion du mercredi 10 juin 1998. Le rapporteur a exposé les raisons pour lesquelles le Sénat avait adopté cette proposition de loi en rappelant que le contentieux juridique sur les périodes de chasse trouvait son origine dans la difficulté dappliquer la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Ce texte, dont lobjectif est de protéger les espèces, admet la pratique de la chasse tout en la limitant à certaines périodes de lannée. Ainsi larticle 7 de la directive prescrit que les espèces reconnues comme gibier ne doivent pas être chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance . Pour les espèces migratrices, la chasse est interdite pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification . La directive ne fixe donc pas de dates douverture et de fermeture de la chasse uniformes pour le territoire européen et laisse aux Etats membres le soin de déterminer les moyens datteindre ses objectifs. Ceux-ci ont plus ou moins bien appliqué les dispositions de la directive, chacun adaptant sa réglementation en tenant compte de ses traditions. Il est vrai que la France a été le pays non pas le plus laxiste, mais celui où traditionnellement les périodes de chasse sont les plus longues et qui compte un nombre de chasseurs plus important que ses partenaires européens. La France a donc conservé sa réglementation et ses traditions en matière douverture et de fermeture de la chasse. De nombreux recours furent introduits devant les tribunaux administratifs à lencontre des arrêtés ministériels fixant les dates douverture et des arrêtés préfectoraux fixant les dates de clôture de la chasse au gibier deau. Contrairement à ce quaffirment certains, les jugements intervenus ne vont pas tous dans le sens de lannulation de ces arrêtés, les avis étant partagés en raison de limprécision des termes de la directive. Saisie à titre préjudiciel par le tribunal administratif de Nantes, la Cour de justice des Communautés européennes a donné une interprétation extensive de larticle 7, puisquelle exige une protection complète des espèces, dans son arrêt du 19 janvier 1994. Cest à partir de cette date quune double démarche fut entreprise. Dune part, la Commission européenne a proposé une modification de la directive dans un souci de clarté juridique et dans le sens dune meilleure application du principe de subsidiarité. Dans le texte quelle a transmis au Conseil le 1er mars 1994, elle reconnaît le principe dun échelonnement des dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs par espèce et par pays, en fonction de deux critères : létat de conservation de lespèce et le caractère plus ou moins précoce du début de la migration. Cette proposition se rapprochait du système pratiqué en France mais le Parlement européen la rejetée en janvier 1996 et souhaité que la clôture annuelle de la chasse aux oiseaux migrateurs intervienne au plus tard le 31 janvier dans tous les Etats membres, sans possibilité de dérogations. Dautre part, lAssemblée nationale a pris linitiative en 1994, sur la proposition de M. Pierre Lang alors soutenue par le Gouvernement et le Sénat, de fixer les dates de clôture par la voie législative. La loi n° 94-591 du 15 juillet 1994, issue de ces travaux, établit un calendrier de fermeture échelonée selon les espèces en tenant compte des critères proposés par la Commission européenne et reposant sur les données scientifiques les plus récentes. Malheureusement, ce texte ne concerne que les dates de clôture de la chasse et comprend une disposition qui permet au préfet de déroger aux dates fixées par la loi en raison de circonstances particulières. Introduite pour conserver un élément de souplesse, cette disposition, inscrite dans le dernier alinéa de larticle L. 224-2 du code rural, est devenue un nouveau nid de contentieux. Aujourdhui, la situation est complètement bloquée. La France a été mise en demeure en novembre 1997 de mettre sa réglementation en conformité avec la directive 79/409/CEE. La Commission européenne est ouverte à la discussion et serait prête à certaines adaptations mais, il ne faut pas se faire dillusions, ce processus sera long ; avant que de nouvelles propositions soient formalisées et soumises au Parlement européen, il se passera plusieurs années. Notre pays reste confronté au double problème de la multiplication des recours contentieux et de labsence de fixation des dates douverture pour la prochaine saison de la chasse au gibier deau qui devrait commencer dans un mois et demi environ, alors que les chasseurs ont exprimé en de nombreuses occasions leur inquiétude, parfois même leur irritation face à cette situation de blocage. Cest pourquoi le Sénat a adopté la proposition de loi dont nous sommes saisis. Celle-ci résulte dun travail consensuel réalisé à partir de trois propositions de loi déposées par M. Roland du Luart, M. Michel Charasse et M. Pierre Lefebvre. Cinq propositions de loi ayant le même objet ont également été déposées à lAssemblée nationale par des députés issus de différents groupes politiques mais, dans un souci defficacité, il paraît préférable dexaminer le texte adopté par le Sénat le 15 janvier 1998. Celui-ci propose, en premier lieu, de fixer par voie législative les dates douverture anticipée de la chasse au gibier deau. Le tableau précisant ces dates tient compte des observations scientifiques de lévolution des espèces doiseaux ; il prévoit une ouverture de la chasse variable selon les départements et des dates spécifiques pour certaines espèces. En second lieu, la proposition de loi modifie larticle L. 224-2 du code rural, tel quil est issu de la loi du 15 janvier 1994. En effet, pour tenir compte de lévolution des données scientifiques, léchelonnement des dates de clôture est révisé pour quatre espèces. En outre, le dernier alinéa de cet article est supprimé pour mettre fin au contentieux quil a engendré ; les associations de protection de lenvironnement attaquant régulièrement la décision de refus de modifier les dates fixées par la loi, il est apparu nécessaire de supprimer cette faculté laissée au préfet. Enfin, la proposition de loi prévoit la mise en place de plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant pas dun état de conservation favorable, qui sinspire des plans de chasse en vigueur pour le grand gibier. Ces plans de gestion pourront prévoir une protection totale pour les espèces menacées, fixer des heures de chasse ou instituer des quotas de prélèvement comme lont déjà fait les fédérations de chasseurs dans une trentaine de départements pour la grive et la bécasse. Après avoir indiqué que ce texte ne permettrait probablement pas de régler tous les problèmes et quil sagissait dune solution dattente par rapport à la modification éventuelle de la directive européenne, le rapporteur a proposé à la commission dadopter sans modification la proposition de loi votée par le Sénat pour éviter que la situation ne devienne explosive. Après lexposé du rapporteur, la commission a examiné lexception dirrecevabilité n° 1 de Mme Marie-Hélène Aubert. M. Guy Hascoët a indiqué que cette motion de procédure, dont il est cosignataire, était justifiée par le souci déviter à la France de se placer en infraction par rapport à la directive européenne en adoptant cette proposition de loi. M. Patrick Ollier a jugé que cette argumentation était insuffisante pour démontrer que la proposition de loi était contraire à la Constitution et que, faute de précisions supplémentaires, il voterait contre lexception dirrecevabilité. M. Patrick Rimbert sest étonné de ce que la proposition de loi supprime la possibilité pour le préfet davancer les dates de fermeture de la chasse si une espèce savérait menacée. M. Jean-Claude Lemoine a indiqué que la proposition de loi prévoyait la mise en place de plans de gestion qui permettraient de limiter les inconvénients liés à la suppression du dernier alinéa de larticle L. 224-2. Le rapporteur a souscrit à cette remarque en soulignant que la suppression de la souplesse introduite par cet alinéa était regrettable mais sexpliquait par le souci de mettre un terme à labondant contentieux qui sest développé sur son application. Soulignant que les chasseurs avaient tout intérêt à organiser la conservation des espèces, il a indiqué que lexpérience positive des plans de chasse, qui avaient permis daccroître la population du grand gibier en France, permettait dêtre optimiste quant aux résultats des plans de gestion prévus par la proposition de loi pour le gibier deau. A lissue de ce débat, la commission a rejeté lexception dirrecevabilité. La commission a ensuite examiné la question préalable n° 1 de M. Guy Hascoët. M. Guy Hascoët a souligné que ce débat avait une dimension historique car depuis près de vingt ans la France na jamais pu adopter une position claire quant à lapplication de la directive de 1979 ; notre pays a, en effet, recherché tous les moyens de ne pas appliquer véritablement ce texte européen, sappropriant en quelque sorte un patrimoine commun, et les ministres de lenvironnement successifs ont demandé avec constance des conditions de mise en oeuvre dérogatoires quils se sont régulièrement vu refuser. Quand on parle de lattitude ouverte de la Commission européenne, il faut aussi prendre en compte le fait que douze des quinze Etats membres respectent la directive et que la France est mise en demeure de trouver une solution pour mettre son droit interne en conformité avec ce texte. Dans ces conditions, lon peut sinterroger sur lopportunité de ce débat et la volonté de conserver cette spécificité française à tout prix. M. Patrick Ollier a rappelé que lobjet dune question préalable était de décider sil y avait lieu ou non de débattre. Il a considéré que la réponse à cette question ne faisait pas de doute car le principe de subsidiarité, qui simpose aux institutions européennes, signifie que, dans le cadre des principes généraux fixés par une directive, il revient aux Etats membres den arrêter les modalités concrètes de mise en oeuvre et que tel était bien lobjet de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Il a également estimé quil convenait de ne pas préjuger des propositions futures de la Commission européenne. Il a conclu en appelant au rejet de cette motion de procédure. M. Guy Hascoët a jugé quune argumentation de ce type pourrait être retenue si les recours introduits contre les arrêtés visant à appliquer la réglementation actuelle nétaient pas systématiquement acceptés par les tribunaux administratifs. Il a, pour illustrer son propos, indiqué quun préfet avait récemment été condamné à payer des dommages et intérêts, à la suite dune de ses décisions portant sur les dates douverture et de fermeture de la chasse au gibier deau. Le rapporteur a souligné que les décisions de justice relatives à la réglementation de la chasse au gibier deau nallaient pas toutes dans le même sens et quil convenait de distinguer plusieurs situations. Sagissant tout dabord des arrêtés ministériels fixant les dates douverture, il est exact que le Conseil dEtat les a annulés au motif quils étaient contraires à la directive européenne. Concernant la détermination des dates de fermeture, les recours directs contre les arrêtés préfectoraux se bornant à recopier sur ce point les dispositions de la loi du 15 juillet 1994 ont, dans la grande majorité des cas, été considérés comme irrecevables. Quant aux arrêtés préfectoraux pris en application du dernier alinéa de larticle L. 224-2 du code rural, qui reconnaît aux préfets la faculté davancer les dates de fermeture, il est bien évident quils nont pas été attaqués directement par les associations de défense de lenvironnement. Ce que ces dernières ont attaqué, cest la décision explicite ou implicite du préfet de rejet des demandes tendant à modifier un arrêté recopiant les dates fixées par la loi et, sur ce point, les jugements sont très variés : certains tribunaux annulent, dautres pas ; il serait donc abusif de dire, en létat actuel de la jurisprudence, que cette question a été définitivement tranchée par le juge administratif. En tout état de cause, la proposition de loi propose de supprimer cet alinéa, pourtant justifié sur le fond puisquil permet aux préfets, en fonction des situations constatées localement, davancer les dates de fermeture de la chasse afin dassurer une meilleure protection des espèces concernées, en raison de lutilisation quen ont faite les associations et de limportant contentieux qui en a résulté. La commission a alors rejeté la question préalable. Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus dans la discussion générale. M. Jacques Fleury a indiqué en préambule quen raison des tensions très vives existant sur ce sujet, il était nécessaire de légiférer rapidement sur les périodes de chasse au gibier deau. Après avoir rappelé quun important contentieux sétait développé du fait de linterprétation de la directive par la Cour de justice des Communautés européennes et quune loi avait été adoptée en 1994, dans un souci de pacification, pour fixer les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il a souligné lurgence de stabiliser également les dates douverture de cette chasse. Il a souligné que ce sujet faisait lobjet dun large accord entre les différents groupes politiques, rappelant que cette proposition de loi avait été votée à lunanimité par le Sénat et que plusieurs députés du groupe socialiste à lAssemblée nationale avaient déposé une proposition de loi très proche de lesprit du texte soumis à la commission. Il a ensuite considéré que la directive de 1979 ne se prononçait pas sur le calendrier douverture et de fermeture de la chasse et quelle autorisait la mise en oeuvre de modalités dapplication différentes selon les pays puisquelle prévoit la possibilité de prendre en compte les exigences économiques et récréationnelles comme les exigences écologiques pour maintenir la population des oiseaux migrateurs. Ces deux précisions sont essentielles. Sur la première dentre elles, limportance économique de la chasse est une réalité dans de nombreuses zones comme, par exemple, en baie de Somme où la chasse constitue une activité touristique majeure, notamment en été, et représente donc un support important pour léconomie locale. Concernant la seconde précision, il faut se souvenir que la chasse au gibier deau, à la différence dautres types de chasse, est une chasse populaire pratiquée par des gens qui sont souvent dorigine modeste. Pour lensemble de ces raisons, il aurait fallu tenir davantage compte du principe de subsidiarité et les députés socialistes, signataires de la proposition de loi déposée par M. Henri Sicre, approuvent les conclusions du rapporteur. M. Daniel Paul, tout en soulignant quil nétait pas lui même chasseur, a rappelé quil était élu dune région très concernée par ces problèmes comme en témoignaient les manifestations de chasseurs organisées à loccasion dune récente visite du Premier ministre à Rouen. Il a indiqué que le droit de chasse était ancien, pouvant même être considéré comme une conquête révolutionnaire, et que tout ce qui tendait à le remettre en cause était très mal perçu dans notre pays. Il a également observé que la perpétuation du système actuel ne pourrait quaggraver une situation déjà difficile, avant de rappeler les trois principales exigences du groupe communiste en cette matière, à savoir : la reconnaissance du fait quau sein de lUnion européenne, la chasse, tant en ce qui concerne les méthodes utilisées que le droit de chasser, doit pouvoir sexercer de façon différente selon les pays ; la prise en compte des spécificités de chaque pays et de chaque région, ces spécificités pouvant être très marquées dans certaines zones, comme les estuaires ; la mise en place de plans de gestion tenant compte des réalités locales et arrêtés après une large concertation, en vue de préserver les espèces car leur extinction signifierait la fin de lexercice de la chasse. Après avoir rappelé que le groupe communiste avait déposé une proposition de loi en ce sens le 7 janvier 1998, il a indiqué que celui-ci se ralliait au texte voté par le Sénat le 15 janvier dernier car il faut chercher à apaiser une situation qui pourrait devenir dangereuse, tout en espérant encore pouvoir trouver un accord au niveau européen sur cette question. En conclusion, et prenant lexemple de la baie de Seine, il a souligné limportance de laction des chasseurs en matière dentretien de la nature, en liaison avec les collectivités territoriales et approuvé la solution proposée par le rapporteur. M. Pierre Micaux, après sêtre déclaré en accord avec les conclusions du rapporteur, a indiqué quil nétait pas lui-même chasseur mais soutenait le monde de la chasse et quil savait, à loccasion, apprécier les vertus gustatives du gibier. Il sest par ailleurs déclaré fatigué des incursions incessantes des institutions communautaires dans des domaines où la liberté des Etats membres et le respect des traditions nationales devraient être la règle. Usant de la faculté offerte par larticle 38, alinéa premier du Règlement, M. René André a tout dabord fait part de la très grande émotion des chasseurs dans les régions concernées par la chasse au gibier deau, qui explique à la fois lintérêt et lurgence de cette proposition de loi. La chasse est une conquête républicaine contre un privilège auparavant réservé à laristocratie et, comme la rappelé un intervenant précédent, tout ce qui tend à remettre en cause ses conditions dexercice est très mal vécu. Les nouveaux aristocrates, ce sont les technocrates de Bruxelles, du moins sont-ils perçus comme tels. La proposition de loi, en soulignant que la chasse doit être gérée au niveau national, participe donc à la tradition républicaine de notre pays. Il convient, en outre, dêtre conscient de deux réalités : les espèces doiseaux migrateurs ne sont pas en danger, il ny a jamais eu autant de canards colverts et de sarcelles pour ne prendre que ces deux exemples ; certains pays européens, qui veulent nous donner des leçons, pratiquent des modes de chasse beaucoup plus destructeurs que les nôtres. Il a conclu son propos en appelant à voter en faveur de la proposition de loi dans le texte du Sénat. M. Jean-Claude Lemoine sest déclaré en accord avec la majorité des orateurs précédents. Il a estimé que ladoption de cette proposition de loi était urgente et que cette adoption ne contribuerait en rien à durcir la position de Bruxelles puisque ce texte est compatible avec la directive de 1979. Ainsi la mise en place de plans de gestion correspond aux objectifs dutilisation raisonnée et de régulation équilibrée des espèces inscrits dans le texte européen. En outre, les périodes douverture et de fermeture de la chasse au gibier deau proposées ne gêneront ni la nidification, ni la reproduction, ni lindépendance des espèces concernées. Il a indiqué que le groupe RPR voterait le texte tel quil a été adopté par le Sénat. M. Léonce Deprez a souligné que le débat sur le projet de loi portant diverses dispositions dordre économique et financier avait permis la manifestation dun large accord politique sur le contenu de cette proposition de loi, ce qui avait incité le groupe UDF à en demander linscription à loccasion de la séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par lAssemblée nationale. Il a demandé que, dans ce domaine, le principe de subsidiarité soit respecté, faute de quoi lEurope se rendrait très impopulaire. Il a enfin estimé quaprès ladoption du texte, il serait possible de rechercher un accord au niveau européen et souhaité que le Gouvernement renonce à sopposer à cette proposition de loi. M. Pierre Cohen, évoquant lopposition exprimée par certains de ses collègues à lencontre des dispositions de la directive de 1979, a considéré que leur engagement à défendre la spécificité française serait plus utilement employé à propos de dossiers plus importants, comme la défense des services publics. Partageant lattachement des chasseurs au maintien de traditions et à la défense dun loisir populaire, il a indiqué que ceux qui sinterrogeaient sur lopportunité de la proposition de loi nétaient pas pour autant opposés à la chasse. Il a considéré que la fixation dune date unique pour louverture et la clôture de la chasse au gibier deau sur lensemble du territoire éviterait les excès de certains groupes de pression, pesant abusivement sur les décisions des préfets. En outre, lexistence de périodes différentes de chasse selon les espèces entraîne un risque de confusion, pouvant créer des dérives en labsence de contrôle efficace, les espèces nétant pas toujours reconnaissables par les chasseurs. Il sest déclaré opposé à ladoption de la proposition de loi pour ces raisons. M. Jean-Paul Charié a souligné la qualité du débat de la commission sur un sujet aussi délicat, bien plus important quil ny paraît. La chasse revêt en effet une dimension culturelle, républicaine et populaire quil convient de préserver, au moment où la société perd ses racines et ses repères. Il a précisé que le risque de confusion était faible, les chasseurs ayant une expérience suffisante pour reconnaître et distinguer les espèces ; en outre, les sanctions à lencontre des contrevenants sont suffisamment dissuasives pour assurer le respect de la préservation des espèces menacées. M. Pierre Ducout a rappelé la place de la chasse dans la culture populaire en Gironde, où la tolérance et le respect des espèces constituent une longue tradition. Il a témoigné du sérieux de limmense majorité des chasseurs, qui ne tirent pas nimporte quoi , et souligné que léchelonnement des périodes de chasse selon les espèces ne posait pas de problème. Il a également observé que la protection de certaines espèces, telles que le héron ou le cormoran, avait conduit à leur prolifération. Après avoir observé à son tour que la directive de 1979 ne fixait pas de dates douverture et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, il a souligné lintérêt des plans de gestion en insistant sur limportance dun comptage plus précis du gibier et la possibilité de prévoir des quotas, par pays ou par région, pour limiter les prélèvements de certaines espèces doiseaux migrateurs qui, par définition, nappartiennent à aucun pays. Puis, il a rappelé que plusieurs membres du groupe socialiste avaient déposé une proposition de loi, dont lobjet était plus large puisquelle prévoyait également la poursuite de certaines chasses traditionnelles au-delà du mois de février, par exemple la chasse aux tourterelles dans le Médoc. Après avoir observé que le vote de la proposition de loi adoptée par le Sénat ne gênerait en rien les négociations sur la modification de la directive de 1979, il a indiqué que la position majoritaire du Parlement en faveur de ce texte démontrait lattachement au respect dun certain mode de vie dans notre pays. En réponse aux intervenants, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a mis laccent sur limportance de la discussion du texte en séance publique et précisé que si la proposition de loi ne visait pas à régler lensemble des questions relatives à la chasse, elle était en revanche dune très grande précision sagissant des espèces doiseaux migrateurs. Il a également souligné la nécessité dobtenir une modification de la directive de 1979, indiquant que le dégagement dun large consensus sur la proposition de loi contribuerait à renforcer la position de la France dans les discussions à venir. Cest pourquoi il était préférable, même si dautres propositions de loi relatives à la chasse contenaient des propositions intéressantes, de privilégier laccord très large qui se dégage sur le texte déjà adopté par le Sénat. M. André Lajoinie, président, a précisé que le rapport pourrait faire utilement référence aux autres propositions de loi déposées. La commission a ensuite examiné larticle unique de la proposition de loi. Suivant lavis du rapporteur, elle a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Marchand proposant une nouvelle rédaction globale de cet article et visant à fixer des dates uniques douverture et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, la clôture annuelle intervenant au plus tard le 31 janvier. Puis elle a adopté larticle unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat. * * * En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande dadopter sans modification la proposition de loi (n° 638), adoptée par le Sénat, relative aux dates douverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. TABLEAU COMPARATIF ___
AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION Article unique Amendement présenté par M. Jean-Michel Marchand Rédiger ainsi cet article : Larticle L. 224-2 du nouveau code rural est ainsi rédigé : Art. L. 224-2. Nul ne peut chasser en dehors des périodes douvertures de la chasse fixées par lautorité administrative. Sur le territoire métropolitain, à lexception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : les périodes douverture de la chasse au gibier deau, à lexception de la chasse maritime, sont comprises entre le 20 août et le 31 janvier, les périodes douverture de la chasse maritime au gibier deau sont comprises entre le 15 août et le 31 janvier, les périodes douverture de la chasse aux oiseaux de passage se terminent au plus tard le 31 janvier. ______________ N° 974. Rapport de M. Ladislas Poniatowski (au nom de la commission de la production), sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux dates douverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. |