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N° 995

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LES PROJETS DE LOI, ADOPTÉS PAR LE SÉNAT :

— (N° 29) autorisant la ratification du protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996 (protocole II, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996), annexé à la convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination ;

— (N° 964) autorisant la ratification de la convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.

PAR M. Robert GAÏA,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 326, 355 et T.A. 106 (1996-1997).

424, 454 et T.A. 149 (1997-1998).

Assemblée nationale : 29, 964 et 990.

Traités et conventions.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, François Bayrou, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Eric Besson, Bernard Birsinger, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Hervé de Charette, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Roger Franzoni, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, François Hollande, François Huwart, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Pierre-Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Marius Masse, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jacques Peyrat, Robert Poujade, Gilles de Robien, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LA NÉCESSAIRE ABOLITION DES MINES ANTIPERSONNEL 7

A. —  UN USAGE PROLIFÉRANT ET INDISCRIMINÉ 7

B. —  L’INSTRUMENT D’UN DÉSASTRE HUMANITAIRE AUX COÛTS INSUP-

PORTABLES 8

II. —  LE PROTOCOLE II À LA CONVENTION DE GENÈVE SUR L’EMPLOI DE

CERTAINES ARMES CLASSIQUES (CCAC) : UN DISPOSITIF INSUFFISAM-

MENT AMBITIEUX 9

A. —  LA CONVENTION DE GENÈVE DE 1980 ET LE PROTOCOLE II 9

B. —  LES DISPOSITIONS DU PROTOCOLE II RÉVISÉ 10

III. —  LA CONVENTION D’OTTAWA : UNE NORME D’INTERDICTION TOTALE 12

A. —  L’ÉLABORATION DE LA CONVENTION 12

B. —  LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION 13

IV. —  DEUX RATIFICATIONS INDISPENSABLES 15

A. —  UNE DÉMARCHE CONTINUE DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE 15

B. —  L’URGENCE DE LA RATIFICATION PAR LA FRANCE DE LA CONVENTION

D’OTTAWA 16

C. —  L’INTÉRÊT NOUVEAU DU PROTOCOLE II 18

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

Le 24 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi d’interdiction des mines antipersonnel que lui présentait sur mon rapport la Commission de la Défense nationale et des Forces armées statuant à partir d’une initiative du groupe socialiste.

Cette proposition de loi s’inscrivait dans le cadre des multiples et tenaces actions menées de par le monde pour obtenir l’abolition universelle de cette catégorie d’armes.

Aujourd’hui, alors que la proposition de loi revient devant elle, pour examen en deuxième lecture, l’Assemblée nationale est en même temps saisie par le Gouvernement d’une demande d’autorisation de ratification des deux conventions successivement élaborées pour répondre à la mobilisation internationale en faveur de l’abolition des mines antipersonnel, le Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996, annexé à la convention de Genève sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (CCAC) et la convention d’Ottawa du 3 décembre 1997 sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.

En se saisissant pour avis de ces deux projets de loi de ratification, la Commission de la Défense, qui a soumis à l’Assemblée nationale, en première lecture, la proposition de loi relative à l’élimination des mines antipersonnel s’est ainsi trouvée en situation d’analyser l’intégralité du dispositif international auquel elle a incité la France à s’associer en instituant dans son droit national l’interdiction absolue de ces armes.

I. —  LA NÉCESSAIRE ABOLITION DES MINES ANTIPERSONNEL

Votre rapporteur se contentera ici de reprendre dans ses grandes lignes l’analyse qu’il a formulée dans son rapport n° 853 relatif à sa proposition de loi tendant à l’abolition des mines antipersonnel.

A. —  UN USAGE PROLIFÉRANT ET INDISCRIMINÉ

Les mines antipersonnel étaient une arme traditionnellement utilisée pour empêcher le mouvement des forces d’infanterie au moindre coût en effectifs. Du fait des évolutions de la technique militaire et notamment du développement de systèmes d’ouverture rapide de corridors au sein des zones minées, elles ont progressivement perdu cette fonction pour ne plus garder que celle de garde statique contre l’intrusion clandestine. C’est ainsi que, dûment signalées entre deux rangs de barbelés, les mines entourent des bases militaires, comme celle de Solenzara en Corse, où, à beaucoup plus grande échelle, assurent la garde des longues frontières russes ou de la ligne de démarcation entre les deux Corées.

En même temps, les mines antipersonnel sont des armes extrêmement simples, donc très faciles à produire et d’un coût très bas. Les éléments de base qui les constituent sont des produits courants. Les modèles les plus classiques sont très faciles à copier. On peut même en fabriquer de façon artisanale : en Bosnie-Herzégovine, on relève des mines élaborées avec des boîtes de conserve ou des bouteilles de lait.

Cette fonction d’interdiction de zones étendues jointe à la simplicité de l’arme a conduit, dans le cadre de guerres civiles ou de lutte contre les guérillas, à un emploi non classique et nouveau, contraire à toutes les doctrines admissibles, l’usage massif des mines pour rendre inutilisables, voire inhabitables, des régions entières. Ce type d’emploi a été observé au Cambodge, au Salvador et en Angola dans un contexte de guerre civile et en Afghanistan, où les Soviétiques ont déversé des millions de mines par hélicoptère, dans un contexte de lutte antiguérilla.

Or, parallèlement, l’évolution technique a rendu les mines de moins en moins détectables, voire totalement indétectables. Ainsi, nombre de modèles ne comprennent plus aucune pièce de métal, et peuvent échapper désormais au repérage au moyen des classiques “ poêles à frire ”.

De ce fait, aujourd’hui, de par le monde, des dizaines de millions de mines antipersonnel sont dispersées dans les campagnes ou les forêts, toujours actives des années après la fin des guerres au cours desquelles elles ont été répandues, et impossibles à détecter.

Les ordres de grandeur sont bien connus : 100 à 120 millions de mines seraient disséminées, dont 65 millions auraient été posées depuis 1980. Il y aurait notamment entre 10 et 30 millions de mines sur le sol afghan, 20 millions en Angola, 10 millions en Irak, 8 millions au Cambodge, 3 à 6 millions en Bosnie-Herzégovine, 3 millions en Croatie, ...

B. —  L’INSTRUMENT D’UN DÉSASTRE HUMANITAIRE AUX COÛTS INSUPPORTABLES

Des populations entières se trouvent ainsi sous la menace permanente, oppressante, invisible et omniprésente, de ce qu’on a appelé au Cambodge des “ sentinelles éternelles ”, et ce pour une période indéterminée.

On considère que les mines antipersonnel font aujourd’hui, dans les zones où elles ont été disséminées, une victime toutes les vingt-deux minutes. De leur fait, selon un rapport de l’UEO, le Cambodge compterait un amputé pour 384 habitants, l’Angola un pour 334 alors que les Etats-Unis en comptent un pour 22 000.

A ces souffrances humaines s’ajoute, pour la société des pays victimes des mines antipersonnel, un coût financier énorme. Les morts laissent des orphelins, qu’il faut secourir ; les blessés réclament des soins, alors même que les pays touchés sont des pays pauvres, manquant de moyens médicaux et de matériel ; les mines font aussi des invalides non seulement incapables de travailler désormais mais demandant une assistance permanente.

Enfin, des zones fertiles entières ne peuvent plus être cultivées sans risques graves. Les populations doivent donc soit se résigner à les abandonner, et avec elles leur gagne-pain, soit accepter de vivre dans un risque mortel permanent.

Les mines antipersonnel sont ainsi devenues, dans l’indifférence générale, l’instrument de ce qu’un Secrétaire général des Nations Unies a appelé “ un désastre humanitaire ”.

Cette situation est aggravée et pérennisée par la différence entre le coût d’emploi des mines et celui du déminage. Les mines étant devenues difficilement détectables, le déminage suppose l’intervention de démineurs qualifiés, procédant, comme autrefois, par sondages, en enfonçant précautionneusement tous les dix centimètres une tige d’acier à un angle de 30 °. Le rythme du déminage est, dans ces conditions, de 15 m² par démineur et par jour... Pour citer des coûts effectifs, le Koweït a payé en 1992 100 millions de dollars pour enlever 330 000 mines antipersonnel en dix mois. Cette opération a ainsi coûté 330 dollars la mine, un coût hors d’atteinte de la plupart des pays minés, qui comptent parmi les plus pauvres de la planète.

A partir de la fin des années 1980, la prise de conscience de cette situation, sous l’influence des ONG, qui, présentes sur le terrain, ont pu évaluer le drame que vivaient des régions par ailleurs souvent isolées et reculées, a conduit à l’élaboration successive de deux conventions internationales dont le Gouvernement demande aujourd’hui à l’Assemblée nationale d’autoriser la ratification, le Protocole II de Genève révisé et la Convention d’Ottawa.

II. —  LE PROTOCOLE II À LA CONVENTION DE GENÈVE SUR L’EMPLOI DE CERTAINES ARMES CLASSIQUES (CCAC) : UN DISPOSITIF INSUFFISAMMENT AMBITIEUX

A. —  LA CONVENTION DE GENÈVE DE 1980 ET LE PROTOCOLE II

Dans un premier temps, l’effort de réglementation des mines antipersonnel s’est appuyé sur les conventions de Genève du 12 août 1949. Ces quatre conventions ont notamment institué l’obligation, pour les parties à un conflit, d’établir une distinction entre civils et combattants et en conséquence interdit l’emploi d’armes non discriminantes. De même elles ont interdit l’emploi d’armes pouvant entraîner des souffrances disproportionnées à l’objectif militaire recherché.

Déclinant ces principes, le Protocole II sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs annexé à la convention de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de certaines armes classiques (CCAC) encadre strictement l’usage des mines : leur utilisation contre les civils ou sans discrimination est interdite ; des plans des champs de mines doivent être établis ; ceux-ci doivent être déminés après la fin du conflit.

Elaboré dans le cadre consensuel de la Conférence du désarmement, ce Protocole était cependant affecté de plusieurs faiblesses. D'abord, il ne s’applique qu’aux signataires, lesquels sont eux-mêmes des Etats. Les Etats non signataires, les parties à des guerres civiles échappaient donc à ses règles. Ensuite, il ne comportait aucune prescription garantissant un minimum de possibilité de détection des mines. Enfin, il ne prévoyait aucun dispositif ni de contrôle des transferts (et notamment des ventes), ni de vérification des engagements souscrits.

B. —  LES DISPOSITIONS DU PROTOCOLE II RÉVISÉ

A l’initiative de la France, annoncée par le Président François Mitterrand en 1993 lors d’un voyage au Cambodge, une conférence d’examen a donc été convoquée. Après plusieurs sessions, elle a adopté par consensus, le 3 mai 1996, le texte soumis à votre approbation.

La révision a d’abord élargi le champ du Protocole aux conflits armés non internationaux se déroulant sur le territoire des Etats signataires, c’est-à-dire aux guerres civiles. L’article 1er, § 3, dispose en effet que “ Dans le cas de conflits armés qui ne revêtent pas un caractère international et se produisent sur le territoire de l’une des Hautes Parties contractantes, chaque partie au conflit est tenue d’appliquer les interdictions et restrictions prévues par le présent Protocole. ” Dans la mesure où c’est essentiellement dans ce cadre que les mines antipersonnel sont employées aux fins de terreur ci-dessus décrites, c’est là un point majeur.

Le Protocole II révisé définit aussi pour la première fois les mines antipersonnel. Son article 2, § 3, précise qu’on entend “ par "mine antipersonnel", une mine principalement conçue pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes. ”

Le terme “ principalement ” ayant été jugé susceptible de créer trop d’exceptions, vingt pays signataires, dont la France, ont effectué une déclaration interprétative visant à exclure du champ d’application de la convention les seules mines antichar équipées de dispositifs antimanipulation. “ Les mines conçues pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’un véhicule et non d’une personne, qui sont équipées de dispositifs antimanipulation, ne sont pas considérées comme des mines antipersonnel du fait de la présence de ce dispositif. ”

La nouvelle rédaction interdit de plus la fabrication et l’emploi de mines antipersonnel indétectables (article 4), celle de mines se déclenchant sous l’effet d’un détecteur de mines (article 3, § 5), ainsi que la mise en place à distance de mines antipersonnel non dotées de mécanismes d’autodestruction ou d’autodésactivation dans un délai de 120 jours (articles 5 et 6). Elle interdit également le transfert de mines à un destinataire autre qu’un Etat signataire du Protocole (article 8).

Le Protocole II annexé à la convention de 1980, même une fois révisé, n’interdit donc pas l’usage des mines antipersonnel. Même celles à durée de vie illimitée sont autorisées pourvu qu’elles ne soient employées que dans des enceintes signalées, clôturées et surveillées (article 5, § 2) ou de façon provisoire, pendant 72 heures, dans des zones surveillées (article 5, § 6) ; elles doivent simplement être détectables (les règles techniques, auxquelles on pourra se référer, sont très précises). De plus, le Protocole révisé laisse un délai de neuf ans aux Etats signataires pour se mettre en règle avec ses dispositions (annexe technique, article 3). Enfin, il ne prévoit toujours pas de contrôle des transferts ni de vérification des engagements.

Cette révision du Protocole II a suscité des réactions mitigées.

Il faut toutefois reconnaître, puisqu’il s’agit d’armes de guerre, que la doctrine d’emploi qu’il définit est tout à fait honorable. L’autorisation des mines à durée de vie illimitée dans le seul cadre de champs signalés permet de s’assurer que leur utilisation à des fins de veille permanente, pour lesquelles elles gardent une utilité militaire, ne blessera aucune personne entrée involontairement dans leur périmètre de pose. Leur interdiction en opérations garantit que leur usage ne causera pas de dommages abusifs aux populations civiles.

De plus, l’interdiction du commerce avec des Etats non signataires oblige ceux-ci, pour se fournir, à adhérer à la convention et fait donc passer leur territoire dans le champ de la convention, y soumettant les éventuels futurs protagonistes de guerres civiles : c’est là la promesse d’avancées notables.

Le Protocole II révisé impose également aux parties signataires de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer les violations des règles qu’il édicte (article 14). Celles-ci “ comprennent les mesures requises pour faire en sorte que quiconque, intentionnellement, tue ou blesse gravement des civils dans le cadre d’un conflit armé et, contrairement aux dispositions du présent Protocole, soit passible de sanctions pénales et soit traduit en justice. ” (article 14, § 2).

Les parties contractantes “ qui sont en mesure de le faire ”, ce qui inclut les pays riches, s’engagent aussi à fournir une assistance au déminage soit technique, soit financière (article 11, § 2 et 3).

Enfin, le protocole prévoit une conférence annuelle destinée à faire le point sur les actions entreprises par les parties tant sur le plan législatif que pour l’assistance au déminage (article 13).

Cependant, la déception a été grande devant trois éléments du dispositif établi par le protocole : l’absence de vérification des engagements et de contrôle des transferts, le maintien de la licéité de la production et de l’usage des mines à durée de vie illimitée et l’instauration d’un délai de neuf ans pour la mise en règle avec ses prescriptions. Il a été jugé par l’essentiel des observateurs, et notamment les ONG, que la combinaison de ces trois éléments rendait illusoire toute tentative de limiter la prolifération anarchique des armes antipersonnel et leur utilisation aveugle sur des zones entières.

De fait, 62 pays seulement ont consenti à ce jour à être liés par le Protocole II révisé.

III. —  LA CONVENTION D’OTTAWA : UNE NORME D’INTERDICTION TOTALE

C’est ainsi qu’en réaction à l’insuffisance de la nouvelle norme internationale fut lancé, à l’initiative du ministre canadien des affaires étrangères, Lloyd Axworthy, le processus d’Ottawa pour l’interdiction totale de la fabrication et de l’usage des mines antipersonnel.

A. —  L’ÉLABORATION DE LA CONVENTION

Le Premier Ministre canadien s’était fixé, en octobre 1996, l’objectif d’aboutir en un an à l’élaboration d’une convention d’interdiction absolue des mines antipersonnel. Les 3 et 4 décembre 1997, 121 Etats signaient cette Convention.

La rapidité avec laquelle ce succès a été obtenu peut s’expliquer par la méthode suivie. Pour contourner le principe du consensus qui régit le fonctionnement de la Conférence du désarmement des Nations Unies, le processus a été lancé hors de ce cadre. De plus, il a d’abord réuni des puissances toutes favorables à l’interdiction absolue des mines telles que le Canada, l’Afrique du Sud, l’Autriche, la Belgique, la Norvège, puissances moyennes, sur lesquelles ne repose pas habituellement l’essentiel de la charge militaire des opérations de maintien de la paix, mais en même temps nullement puissances médiocres ou négligeables. Enfin, le processus a été constamment soutenu par une coalition des associations humanitaires les plus déterminées. Réunies dans la Campagne internationale pour l’interdiction totale des mines antipersonnel, qui a obtenu le prix Nobel de la Paix à l’automne 1997, ces associations ont exercé une pression continue sur les opinions publiques, à la fois des puissances qui menaient le processus, mais aussi de leurs pays respectifs.

B. —  LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION

Les dispositions de la Convention d’Ottawa sont beaucoup plus radicales et complètes que celles du Protocole II révisé. La Convention interdit totalement, en effet, l’emploi, la mise au point, la production, le stockage, la conservation et le transfert des mines antipersonnel (article 1er).

La définition de ces armes est clarifiée dans le sens de la déclaration interprétative du Protocole II et exclut donc de son champ les seules mines antichar équipées de dispositif antimanipulation. L’article 2 dispose en effet : “ Par "mine antipersonnel", on entend une mine conçue pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes. Les mines conçues pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’un véhicule et non d’une personne, qui sont équipées de dispositifs antimanipulation, ne sont pas considérées comme des mines antipersonnel du fait de la présence de ce dispositif. ”

Les Etats signataires devront détruire les mines antipersonnel stockées ou utilisées sur leur territoire (articles 4 et 5). Les délais retenus, quatre ans pour la destruction des stocks, dix ans pour le déminage des zones minées, demeurent toutefois réalistes, et peuvent être comparés avec les neuf ans du Protocole de Genève.

Contrairement au protocole en revanche, la convention a prévu, à la demande notamment de la France et de l’Allemagne, un mécanisme de vérification du respect des obligations qu’elle institue. Ce dispositif comporte des mesures de transparence (article 7) et autorise, en cas d’allégation de violation de la Convention, l’envoi sur le terrain de missions d’experts chargées d’enquêter sur le respect, par l’Etat incriminé, des dispositions du traité (article 8). Il reste cependant tout à fait souple puisque de telles missions ne seront envoyées que sur décision de la Conférence des Etats parties, et après des échanges de lettres avec l’Etat sollicité, et que celui-ci pourra prendre les mesures nécessaires pour la protection des zones qu’il jugerait sensibles ou le respect de ses obligations constitutionnelles, notamment en matière de droit de propriété.

La Convention d’Ottawa impose aussi aux Etats signataires de prendre toutes mesures pour prévenir et réprimer les activités qu’elle interdit et de prévoir en particulier des sanctions pénales à cet effet (article 9).

Comme le Protocole II, la Convention d’Ottawa comporte également des dispositions visant à renforcer la coopération et l’assistance internationale dans le domaine du déminage humanitaire. Les dispositions prévues par la Convention d’Ottawa en ce domaine sont nettement plus substantielles cependant que celles du Protocole II révisé. En effet, aux termes de la Convention d’Ottawa, chaque Etat partie “ en mesure de le faire ”, et cela inclut tous les pays riches, fournira non seulement une aide au déminage et à la destruction des stocks de mines antipersonnel mais aussi des actions d’assistance pour les soins aux victimes des mines antipersonnel, pour leur réintégration sociale et économique et pour des programmes de sensibilisation aux dangers des mines (article 6). Ainsi se trouve confirmé le principe que les mines antipersonnel sont bien un fléau pour l’éradication duquel les pays victimes ont droit à l’assistance des pays plus épargnés. De fait, les principaux pays victimes sont signataires de la Convention d’Ottawa, alors que certains d’entre eux comme l’Angola, l’Ethiopie, le Mozambique, le Soudan ne le sont pas du Protocole de Genève.

Il y a là un grand espoir pour les pays minés. En effet, si le déminage est actuellement si ardu, c’est que la technologie du déminage n’a pas suivi celle des mines, les pays disposant des moyens de la développer n’étant pas minés. Alors qu’un avion de combat est capable de repérer entre des milliers d’échos instantanés celui d’un départ de missile, on peut s’étonner qu’aucune technique ne permette, par exemple par croisement d’échos radars et de signatures chimiques, de repérer une mine avec quelque sûreté.

Dès lors que les pays industrialisés s’engagent à prêter assistance au déminage et à y consacrer des fonds et qu’ainsi un marché sera effectivement créé, on peut penser qu’un bond très significatif dans les techniques, l’efficacité et les coûts du déminage résultera de l’application du traité d’Ottawa. Ce serait là un résultat très positif pour les pays actuellement victimes des mines.

S’agissant plus précisément de la France, elle dispose, avec ses organisations non gouvernementales et ses entreprises de déminage, des outils pour appréhender dans sa globalité la lutte contre les conséquences de l’usage des mines antipersonnel à grande échelle, qu’il s’agisse du repérage des zones minées, de la prévention des accidents, du déminage proprement dit et aussi des soins, de l’assistance et de l’aide à la réinsertion des personnes victimes des mines.

Cependant une action d’ensemble ne pourra être menée qu’à la condition que les divers opérateurs spécialistes français travaillent ensemble, sous l’égide des pouvoirs publics.

A cette seule condition, la France pourra, avec l’aval des populations des zones minées et l’appui de leurs pouvoirs publics, constituer un pôle d’excellence pour le traitement et la résolution progressive des terribles conséquences de l’emploi aveugle, sans discrimination et à grande échelle, des mines antipersonnel et trouver dans ce domaine une place correspondant à celle qu’elle a tenue dans le processus d’abolition.

IV. —  DEUX RATIFICATIONS INDISPENSABLES

A. —  UNE DÉMARCHE CONTINUE DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

Plus tôt que d’autres, la France a compris à quel point les mines antipersonnel étaient devenues des armes monstrueuses et illégitimes. Dès 1986, alors qu’elle compte alors parmi les producteurs de mines, elle décide de cesser d’en exporter. Le 13 février 1993, elle annonce plus solennellement un moratoire absolu sur les exportations et, la même année, demande, par la voix du Président François Mitterrand, alors en visite d’Etat au Cambodge, la révision du Protocole de Genève.

En 1995, le moratoire est étendu à la production des mines.

Le 3 octobre 1996, la France annonce qu’elle renonce en principe à l’emploi des mines antipersonnel, ne se réservant le droit d’y recourir qu’en cas de nécessité absolue.

Enfin, en se ralliant complètement, à l’été 1997, au processus d’Ottawa, elle a donné une impulsion majeure pour sa réussite.

Cette démarche continue, à peine marquée, au premier semestre 1997, par une hésitation à rejoindre le processus d’Ottawa, doit trouver dans l’autorisation donnée par le Parlement au Gouvernement de ratifier à la fois la Convention d’Ottawa et le Protocole II de Genève révisé son plein accomplissement.

B. —  L’URGENCE DE LA RATIFICATION PAR LA FRANCE DE LA CONVENTION D’OTTAWA

La ratification la plus significative sera bien sûr celle de la Convention d’Ottawa.

En effet, le succès du processus d’Ottawa, aussi grand qu’il soit, n’est pas absolu. Nombre de pays n’ont pas signé la Convention à laquelle il a conduit : aux Etats-Unis, à la Russie, la Chine, membres du Conseil de sécurité, il faut ajouter l’Inde, le Pakistan, la Turquie -alors que la Grèce et Chypre l’ont signée-, l’Iran, l’Irak, Israël et les pays qui l’entourent, les deux Corées, le Vietnam, l’Afghanistan, l’Ukraine, les trois Etats baltes et même la Finlande.

Dans ce contexte, la ratification rapide de la Convention par la France est un élément essentiel de son succès.

En effet, la France, membre du Conseil de Sécurité et l’un des principaux pays contributeurs de forces pour les opérations de maintien de la paix, connaît l’utilité des mines pour protéger les points militaires sensibles et les casernements.

Ainsi, après l’attentat de 1982 contre les forces françaises au Liban, les abords de la Résidence des Pins, siège de l’ambassade de France à Beyrouth, ont été protégés par des mines antipersonnel.

Le Chef d’Etat-major des Armées a déclaré devant la Commission de la Défense qu’en 1995, en Bosnie-Herzégovine, si les positions de l’ONU avaient été protégées par des mines antipersonnel, le pont de Vrbanja à Sarajevo n’aurait pas été si facilement pris par les Serbes. Or sa reprise a coûté la mort de deux soldats français.

Dès lors que la France, en pleine connaissance de cause, placée devant l’alternative de l’interdiction absolue des mines antipersonnel ou du maintien dérogatoire de leur usage à des fins admissibles, choisit délibérément le principe d’interdiction absolue, elle enlève, par ce choix même, toute légitimité à un autre discours.

De fait, pour remplir les fonctions de protection qu’on ne peut plus attribuer aux mines antipersonnel disqualifiées, de nouveaux systèmes simples et pratiques sont en cours d’élaboration et vont être bientôt livrés aux forces. Le Cougar est un radar couplé à des clôtures faiblement électrifiées ; le Moder est un système à dispersion dont les projectiles, qui ne sont pas forcément destinés à blesser, n’explosent qu’une fois armés par une sentinelle.

La signature de la France, comme celle aussi du Royaume-Uni, a fait triompher l’idée selon laquelle les mines antipersonnel étaient devenues des armes, incompatibles avec le concept d’Humanité, et qu’on ne pouvait plus qu’interdire absolument.

C’est pourquoi les pays qui n’ont pas signé la Convention, parce qu’ils considèrent avoir besoin des mines pour un usage raisonnable, ou parce qu’ils savent ne pas pouvoir répondre aux conditions posées dans les délais fixés (notamment en matière de destruction), n’en combattent pas pour autant l’esprit ni les objectifs.

Les Etats-Unis, après avoir tenté, au cours des négociations, d’assouplir le traité de façon à pouvoir le signer, ont finalement déclaré, le 3 décembre 1997 par la voix du représentant spécial du Président Bill Clinton, Karl Inderfurth, partager de “ tout coeur ” ses objectifs et rappelé que seuls les impératifs de protection de leurs 37 000 soldats en Corée les empêchaient d’y adhérer. Pour preuve de leur bonne volonté, ils ont annoncé qu’ils cesseraient en 2003 d’utiliser des mines antipersonnel partout dans le monde sauf en Corée, et en 2006 en Corée même. Ils ont aussi rappelé qu’ils avaient doublé en 1997 le montant de l’aide allouée au déminage, laquelle est passée à 80 millions de dollars, et annoncé une enveloppe de 100 millions de dollars pour 1998.

La Russie, quant à elle, a déclaré qu’elle était prête à signer la convention sur les mines antipersonnel “ dans un délai raisonnable ”. La question est celle de la date à laquelle la Russie sera en mesure de remplacer les mines utilisées pour la défense de ses sites nucléaires et militaires ; le Gouvernement russe a également expliqué que son pays ne pouvait faire face seul à la destruction des 60 millions de mines qui sont posées sur son territoire.

A titre de preuve de bonne volonté, deux décrets du Président Eltsine sont venus prolonger de cinq ans la durée du moratoire sur l’importation de mines antipersonnel, et interdire la vente de mines non équipées de dispositifs d’autodestruction et indétectables.

Enfin, la Chine, dont les mines gardent la frontière nord, commune avec la Russie, a annoncé qu’elle avait entrepris des campagnes de déminage, notamment dans le sud du pays.

La ratification par la France de la Convention d’Ottawa contribuera donc, on peut le penser, de manière décisive à la délégitimation des mines antipersonnel comme arme de guerre justifiable.

C. —  L’INTÉRÊT NOUVEAU DU PROTOCOLE II

Le Protocole II de Genève révisé n’en devient pas pour autant obsolète ni caduc. Il prend au contraire une importance nouvelle. En effet, plusieurs des pays qui n’ont pas ratifié la Convention d’Ottawa ne pourront pas le faire avant longtemps.

Les insuffisances du Protocole II de Genève pour constituer une norme internationale adaptée à la lutte contre la prolifération anarchique des mines antipersonnel provenaient moins de son inspiration générale que de la multiplicité de ses lacunes dans chacun des domaines qu’il aborde : les mines n’étaient pas interdites, les mines indétectables pouvaient encore perdurer neuf ans, aucun contrôle sur les transferts ou le respect de ses dispositions par les Etats signataires n’était institué. En raison de l’effet combiné de ces lacunes, on pouvait pronostiquer que son entrée en vigueur n’aurait eu que peu de conséquences sur les pratiques contre lesquelles il prétendait lutter.

Il ne faut pas cependant négliger les avancées qu’il institue, tant en matière de doctrine d’emploi que d’universalité : son extension aux guerres civiles notamment est un élément fondamental qu’il ne faut à aucun prix rejeter.

Par ailleurs, l’entrée en vigueur de la Convention d’Ottawa lui donnera un intérêt nouveau, ainsi qu’à la Conférence du désarmement de Genève dont il est issu.

On l’a vu, la signature de la Convention d’Ottawa par 125 Etats, le fait que figurent parmi eux plusieurs puissances reconnues pour leur capacité à s’engager dans les opérations de sécurité internationale, au premier rang desquels la France et le Royaume-Uni, mais aussi les autres membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, toutes trois présentes dans la SFOR en Bosnie-Herzégovine, balaie toute possibilité d’une justification de principe des mines antipersonnel.

Les Etats non signataires devront donc justifier des raisons de leur abstention et en prouver la sincérité par leur comportement. La signature du Protocole II ne suffira pas ; une pratique effective des dispositions relatives au déminage, voire des offres unilatérales de vérification dans l’esprit du traité d’Ottawa prouveront seuls leur bonne foi.

Cette action pourra porter sur des révisions complémentaires du Protocole II lui-même. Ainsi, les Etats-Unis, après avoir renoncé à signer la Convention d’Ottawa, ont souhaité une relance rapide de l’interdiction des transferts de mines antipersonnel dans le cadre de la Conférence du désarmement.

L’entrée en vigueur future de la Convention d’Ottawa a ainsi déjà des conséquences positives sur l’évolution souhaitable de la norme à élaborer dans le cadre de la Conférence du désarmement, qui est, elle, universelle et consensuelle.

C’est de ce processus que viendront les avancées prochaines restreignant, de plus en plus, même pour les pays non signataires de la Convention d’Ottawa, l’usage des mines antipersonnel.

CONCLUSION

Les deux conventions dont le Gouvernement demande à l’Assemblée nationale l’autorisation de ratification sont ainsi d’inspiration bien différente : l’une, qui fixe une norme élevée, n’est pas universelle ; l’autre fixe une norme encore peu exigeante, mais a vocation à l’universalité. Après l’entrée en vigueur de l’une, c’est l’évolution de la norme fixée par l’autre qu’il faudra soutenir et encourager.

Pour ces raisons, il convient que la France ratifie aussi bien la Convention d’Ottawa que le Protocole II de Genève modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 18 juin 1998, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Robert Gaïa, les projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification du protocole II d’interdiction des mines, annexé à la Convention de Genève (n° 29) et de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel (n° 964).

Présentant le Protocole II révisé, annexé à la Convention de Genève, M. Robert Gaïa, rapporteur pour avis, a d’abord rappelé que la première version de ce Protocole, élaborée en 1980 dans le cadre consensuel de la Conférence du désarmement, interdisait l’utilisation des mines contre les civils ou sans discrimination et obligeait à établir des plans des champs de mines ainsi qu’à déminer ceux-ci après la fin du conflit, mais qu’elle s’était rapidement avérée inadaptée aux nouvelles conditions d’emploi de ces armes. Après avoir précisé que c’est la France qui, pour cette raison, avait, par la voix du Président François Mitterrand, pris en 1993 l’initiative d’une révision qui avait abouti, le 3 mai 1996, au nouveau Protocole II aujourd’hui soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale, il a exposé que la révision avait d’abord élargi le champ de la convention aux conflits armés non internationaux se déroulant sur le territoire des Etats signataires, c’est-à-dire aux guerres civiles, et estimé qu’il s’agissait d’un apport majeur, dans la mesure où c’est essentiellement dans ce cadre que les mines antipersonnel sont employées à des fins de terreur.

Il a ajouté que le Protocole II révisé interdisait aussi la fabrication et l’emploi de mines antipersonnel indétectables, celle de mines se déclenchant sous l’effet d’un détecteur de mines, la mise en place à distance de mines antipersonnel non dotées de mécanismes d’autodestruction ou d’autodésactivation dans un délai de 120 jours ainsi que le transfert de mines à un destinataire autre qu’un Etat signataire. Il a précisé que les parties s’engageaient également dans le protocole révisé à édicter des dispositions pénales sanctionnant la violation de ses dispositions.

Il a souligné toutefois que le protocole II révisé n’interdisait pas l’usage des mines antipersonnel et qu’il autorisait même celles à durée de vie illimitée pourvu qu’elles ne soient employées que dans des enceintes signalées, clôturées et surveillées et qu’elles soient détectables. Il a également fait remarquer qu’un délai de neuf ans était laissé aux Etats signataires pour se mettre en règle avec ses dispositions et qu’il n’était pas prévu de contrôle des transferts ni de vérification des engagements contractés.

Présentant alors la Convention d’Ottawa, il a d’abord exposé que celle-ci avait pour origine l’action de plusieurs puissances moyennes, parmi lesquelles le Canada, la Belgique et la Norvège, soutenues par une coalition d’associations humanitaires, comme Handicap international, qui entendaient remédier aux lacunes du Protocole II révisé et mobiliser l’opinion autour d’une initiative d’interdiction totale. Il a indiqué que cette convention avait été signée par 121 pays les 3 et 4 décembre 1997.

Analysant les dispositions de la Convention, le rapporteur a d’abord indiqué qu’elle interdisait totalement l’emploi, la mise au point, la production, le stockage, la conservation et le transfert des mines antipersonnel. Il a ajouté que les Etats signataires devraient détruire leur stock de mines antipersonnel dans les quatre ans, prévoir des sanctions pénales pour prévenir et réprimer les activités interdites par la Convention et qu’un mécanisme de vérification permettrait de contrôler le respect par les parties de leurs obligations.

Il a souligné que la Convention d’Ottawa comportait aussi des dispositions très substantielles en faveur des pays minés puisque chaque Etat partie en mesure de le faire devra non seulement fournir une aide au déminage et à la destruction des stocks de mines antipersonnel mais mener aussi des actions de soin et de réinsertion sociale et économique des victimes de ces armes ainsi que de sensibilisation à leurs dangers.

Après avoir rappelé l’ancienneté et la persévérance de la lutte de la France contre les ravages des mines antipersonnel, depuis 1986, date à laquelle elle a décidé de cesser d’exporter ces armes, jusqu’à l’été 1997, où en se ralliant au processus d’Ottawa, elle a donné une impulsion décisive en faveur de sa réussite, le rapporteur pour avis a signalé que même s’il était en retrait par rapport à la Convention d’Ottawa, le Protocole II de Genève révisé n’en devenait pas pour autant obsolète ni caduc mais prenait au contraire une importance nouvelle dans la mesure où, en plus de son extension aux théâtres de guerres civiles, il fournissait un très bon instrument pour amener les Etats non signataires de la Convention d’Ottawa à progresser vers l’interdiction complète. Il a fait remarquer à ce propos que le Protocole restait susceptible de révision dans le cadre consensuel et universel de la Conférence du désarmement.

Mentionnant à l’appui de cette analyse l’évolution des positions des Etats-Unis et de la Russie, non signataires de la Convention d’Ottawa, en faveur d’une relance rapide de l’interdiction des transferts et des cessions de mines antipersonnel dans le cadre de la Conférence du désarmement, il a jugé que les prochains progrès viendraient d’améliorations du protocole de Genève destinées à restreindre de plus en plus la circulation et l’usage de ces armes.

Il a enfin, en conclusion, invité la Commission à donner un avis favorable à la fois à la ratification de la Convention d’Ottawa et à celle du Protocole II de Genève modifié.

La Commission a alors donné successivement un avis favorable à l’adoption des projets de loi (n° 29 et n° 964).

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N° 995.– Avis de M. Robert Gaïa (au nom de la commission de la défense), sur les projets de loi, adoptés par le Sénat,
— (n° 29) autorisant la ratification du protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996 (protocole II, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996), annexé à la convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination ;
— (n° 964) autorisant la ratification de la convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.