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le 8 juillet 1998
N° 1039
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juillet 1998.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :
1. (n° 811) DE M. JEAN-PIERRE BRARD ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission denquête relative aux exigences pécuniaires, aux relations financières internationales, à la situation patrimoniale et fiscale des sectes ;
2. (n° 908) DE M. JACQUES GUYARD ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à créer une commission denquête sur linfluence des sectes dans les milieux économiques,
PAR M. RAYMOND FORNI,
Député.
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.
Droits de lhomme et libertés publiques.
La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Jean-Louis Borloo, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, MM. Léo Andy, Dominique Baudis, Léon Bertrand, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.
MESDAMES, MESSIEURS,
LAssemblée est saisie de deux propositions de résolution proches par leur objet :
la première (n° 811), déposée le 31 mars 1998 par M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues membres du groupe communiste, tend à créer une commission denquête relative aux exigences pécuniaires, aux relations financières internationales, à la situation patrimoniale et fiscale des sectes ;
la seconde (n° 908), déposée le 18 mai 1998 par M. Jacques Guyard et plusieurs de ses collègues membres du groupe socialistes, vise à la création dune commission denquête sur linfluence des sectes dans les milieux économiques.
Ces deux propositions sinscrivent dans le prolongement du rapport de la commission denquête sur les sectes remis en janvier 1996. Ce rapport avait défini la notion de secte en même temps quil proposait une typologie du phénomène sectaire en vue dappréhender sa dangerosité. Il avait par ailleurs formulé une série de propositions dont la création dun observatoire interministériel sur les sectes. Les travaux de cet organisme rattaché au Premier ministre ont montré la diversité des activités des associations sectaires. Certaines de ces organisations développent ainsi des activités lucratives en vue de faire fructifier les sommes versées par leurs adeptes. Dautres créent des entreprises dans lesquelles elles mettent en uvre des méthodes de management inspirées de leur doctrine dans un but de prosélytisme.
Les deux propositions de résolution soumises à la commission des lois visent dans ce contexte à réunir des éléments dinformation précis sur les aspects économiques du phénomène sectaire. Lune sattache à cerner la dimension strictement financière de ce dossier en cherchant à établir un état des lieux des ressources, du patrimoine, de la situation fiscale, des relations financières internationales caractérisant certaines sectes. Lautre sintéresse davantage aux relations de pouvoir que certaines organisations sectaires tentent de développer par lintermédiaire du système économique.
Il nous revient en application de larticle 6 de lordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 de notre règlement dapprécier la recevabilité et lopportunité de ces deux propositions de résolution.
Leur recevabilité doit être examinée au regard de deux critères. Le premier est énoncé par larticle 140 de notre règlement : la proposition de résolution doit déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête. Le second est défini à larticle 141 du règlement : les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas avoir donné lieu à des poursuites judiciaires en cours.
Sagissant du premier critère, les faits définis par les auteurs des deux propositions de résolution sont relativement précis :
M. Jean-Pierre Brard souligne ainsi que les travaux de la commission denquête sur les sectes constituée en 1995 avaient permis de mettre à jour la constitution de véritables empires financiers par certaines associations, telles la secte Moon, léglise de scientologie ou la Soka Gakkaï. Lopacité de leurs comptes favorisée par le caractère international de leur implantation naurait pas permis à la précédente commission denquête de connaître précisément létat de leurs ressources ou de leur patrimoine. En outre plusieurs affaires de contentieux fiscal ont opposé certaines sectes à ladministration, ce qui a conduit lobservatoire interministériel à souligner dans son rapport de 1997 les difficultés juridiques rencontrées par ladministration fiscale face aux associations sectaires, dont certaines multiplient les procédures dilatoires en vue déchapper à tout redressement.
M. Jacques Guyard, pour sa part, souligne lapplication de certaines méthodes de management préconisées par des associations coercitives et totalitaires dans des secteurs de pointe comme ceux de linformatique, des télécommunications, de lénergie atomique ou de la formation professionnelle . Il met en avant lexistence de véritables stratégies de conquête de certaines sectes en vue dasseoir leur influence sur les individus ou daccéder à des marchés privés intervenant dans des secteurs sensibles ou, indirectement, à des marchés publics dont la protection des informations est primordiale pour lavenir de lentreprise et de notre pays .
Sans quil y ait lieu de se prononcer sur la qualification des faits en cause, on peut constater que les éléments cités par les auteurs des deux propositions de résolution correspondent à des situations précises, déjà partiellement relevées par la précédente commission denquête sur les sectes et par lobservatoire interministériel. La presse a par ailleurs abondamment relaté les démêlés fiscaux de certaines associations sectaires, lexistence dentreprises liées aux sectes, voire leur tentative dinfiltration des milieux économiques. Pour ces raisons, la première des conditions de recevabilité doit être considérée comme satisfaite.
Sagissant du second critère, lexistence de poursuites judiciaires en cours relatives aux faits ayant motivé le dépôt des deux propositions de résolution, la garde des sceaux a été saisie par le Président de lAssemblée nationale en application de larticle 141 de notre règlement.
Par une lettre datée du 27 mai 1998, elle a apporté sur la proposition de résolution n° 811 déposée par M. Jean-Pierre Brard les précisions suivantes : un certain nombre de poursuites pénales sont en cours devant diverses juridictions, contre notamment des personnes appartenant à certains mouvements à caractère sectaire cités dans la proposition de résolution .
Saisie de la proposition de résolution n° 908 de M. Jacques Guyard, elle a par ailleurs fait savoir par une lettre du 25 juin dernier, que plusieurs informations judiciaires et enquêtes préliminaires sont actuellement en cours sur les activités des mouvements sectaires ; toutefois, aucune dentre elles ne semble pour lheure et au vu des éléments communiqués concerner lobjet de la proposition précitée .
La garde des sceaux conclut pour chaque proposition de résolution que lexistence de ces procédures ne paraît donc pas faire obstacle à son adoption, étant précisé que les services de la chancellerie se tiendront le cas échéant, à la disposition de la commission denquête pour lui préciser si tel fait précis fait lobjet ou non de poursuites judiciaires . Sous réserve de ces précisions, la recevabilité au titre de larticle 141 de notre règlement est donc également satisfaite.
En matière dopportunité, les éléments plaidant pour la constitution dune commission denquête sur les aspects économiques du phénomène sectaire sont nombreux. Certes ces questions ont dores et déjà été abordées par la précédente commission denquête sur les sectes ainsi que par lobservatoire interministériel mis en place après la publication du rapport de la commission. Mais lampleur du phénomène et la spécificité des questions financières relatives aux sectes justifient la mise en place dune nouvelle commission denquête.
Linsuffisance de larsenal juridique existant, les résistances opposées par les sectes à ladministration fiscale, la nécessité de porter à la connaissance de lopinion publique lexistence de réseaux dinfluence transnationaux agissant sous couvert de sociétés écrans, plaident pour la création dune telle commission. Celle-ci par son travail daudition et par la publication dun rapport pourra à la fois informer les citoyens des dangers quils courent face à certaines associations ou sociétés et proposer le cas échéant des mesures législatives propres à contrer le développement et lenrichissement de ces organisations sectaires.
Proches par leur objet, les deux propositions de résolution soumises à votre commission nen ont pas moins un objet différent : celle de M. Jean-Pierre Brard sintéresse plus à la gestion financière interne des sectes ; celle de M. Jacques Guyard privilégie les actions externes des sectes, à savoir la recherche des réseaux dinfluence quelles développent dans les milieux économiques. Par conséquent, il serait souhaitable de retenir une rédaction de synthèse, qui permette de définir clairement lobjet de la commission denquête.
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Intervenant dans la discussion générale en application de larticle 86, alinéa 5 du Règlement, M. Jean-Pierre Brard a souligné que les infractions des sectes à la loi pourraient faire lobjet de longs débats. Il a regretté que, sécartant du droit, certaines juridictions aient développé des jurisprudences très constructives sur le statut des sectes. Il a cité ainsi un jugement récent du tribunal administratif dOrléans exonérant vingt-neuf associations de la secte des témoins de Jéhovah de taxes foncières, en contradiction directe avec un avis du Conseil dEtat, ainsi quun arrêt récent de la Cour dappel de Lyon attribuant la qualité de religion à léglise de scientologie, en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905. Evoquant une déclaration du fondateur de cette dernière secte, selon laquelle, pour devenir millionnaire, le meilleur moyen consiste à fonder sa propre religion, il a fait valoir que, mues par des intérêts exclusivement financiers, les sectes convoitaient le patrimoine de leurs adhérents. Il a souligné que le rapport de la commission denquête parlementaire déposé le 22 décembre 1995 avait eu le mérite de mettre en lumière la volonté des sectes dinfiltrer les milieux économiques et les centres de décisions administratifs et politiques. Insistant sur la dimension internationale de lactivité des sectes, il sest indigné que le redressement récent de trois cents millions de francs exigé par ladministration fiscale aux témoins de Jéhovah ait pu provoquer une manifestation devant notre ambassade aux Etats-Unis et a estimé que les fonctionnaires des ministères des affaires étrangères et des finances pourraient apporter un concours utile à la commission denquête. Il a observé que certains pays européens menaient également une action résolue à lencontre des sectes, mentionnant notamment lAllemagne, qui lutte très courageusement contre léglise de scientologie, même si, pour des raisons historiques, elle a un comportement plus ambigu à légard des témoins de Jéhovah.
M. Jérôme Lambert a approuvé la synthèse des deux propositions de résolution résultant de la rédaction suggérée par le rapporteur, estimant quil fallait maintenir la pression sur les mouvements sectaires qui représentent un danger, non seulement pour les individus, mais aussi pour la démocratie.
Tout en se déclarant favorable à ladoption de la proposition de résolution dans la rédaction proposée par le rapporteur, M. Henry Jean-Baptiste sest interrogé sur les moyens concrets dont disposerait la future commission denquête pour mener des investigations sur les relations financières internationales des sectes et les trafics internationaux auxquels elles se livrent.
La Présidente a fait état du nombre croissant de personnes sadressant à sa permanence, qui essaient en vain déchapper à lemprise des sectes. Elle a considéré que ladoption dune proposition de résolution attesterait du soutien apporté par la représentation nationale à des individus en profond désarroi.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a reconnu que pour faire la lumière sur lensemble des mouvements financiers et économiques auxquels participent les sectes, la commission denquête serait vraisemblablement amenée à utiliser la plénitude de ses prérogatives.
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Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a adopté la proposition de résolution dont le texte suit.
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CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création dune commission denquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers.
Il est créé, en application des articles 140 et suivants du règlement, une commission denquête de trente membres sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers.
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N° 1039. Rapport de M. Raymond Forni (au nom de la commission des lois), sur les propositions de résolution,
(n° 811) de M. Jean-Pierre Brard et plusieurs de ses collègues, tendant à créer une commission denquête relative aux exigences pécuniaires, aux relations financières internationales, à la situation patrimoniale et fiscale des sectes ;
(n° 908) de M. Jacques Guyard et plusieurs de ses collègues, tendant à créer une commission denquête sur linfluence des sectes dans les milieux économiques.
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