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Document mis en distribution le 7 octobre 1998 N° 1102 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er octobre 1998 AVIS présenté AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LES PROPOSITIONS DE LOI : (n° 88) DE M. JEAN-PIERRE MICHEL et plusieurs de ses collègues visant à créer un contrat dunion civile et sociale, (n° 94) DE M. JEAN-MARC AYRAULT et plusieurs de ses collègues relative au contrat dunion sociale, (n° 249) DE M. GEORGES HAGE et plusieurs de ses collègues relative aux droits des couples non mariés, PAR M. Patrick BLOCHE, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Droit civil. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Jean Glavany, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Emile Vernaudon, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann. INTRODUCTION 5 I.- CONCUBINAGE ET HOMOSEXUALITÉ : DE LA TOLÉRANCE À LA RECONNAISSANCE 7 A. LA TOLÉRANCE : UNE EXCEPTION FRANÇAISE 7 1. 1791-1942 : La non-intervention de lEtat dans le domaine de la sexualité 7 2. 1942-1982 : Les discriminations légales 8 B. LA RECONNAISSANCE : UNE REVENDICATION HOMOSEXUELLE QUI INTÉRESSE LENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ 14 1. Lapparition du couple, entre la personne et la famille 14 2. Les premières tentatives de formalisation législative 16 C. LES INITIATIVES PARLEMENTAIRES DEPUIS LE DÉBUT DE LA 11ÈME LÉGISLATURE 19 II.- LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ : LA MATÉRIALISATION DUN LIEN SOCIAL MODERNE 21 A. LE COUPLE ET SON ÉVOLUTION 21 1. Lunion libre, un choix qui se généralise 21 2. Du constat au contrat 22 B. POURQUOI ET COMMENT LÉGIFÉRER 23 1. Une loi nécessaire 23 2. Une loi de portée générale 25 C. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS 27 D. QUELQUES COMPLÉMENTS NÉCESSAIRES 30 TRAVAUX DE LA COMMISSION 33 I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 33 II.- EXAMEN DES ARTICLES : 42 Article 1er : Insertion des articles relatifs au pacte civil de solidarité dans le livre premier du code civil 42 Article 2 : Définition du pacte civil de solidarité 42 Article 3 : Empêchements à la conclusion dun pacte civil de solidarité 43 Article 9 : Dissolution du pacte civil de solidarité 46 Article 13 : Abattement en matière de droits sur les successions et donations 47 Article 20 : Continuation du contrat de location 48 Article 21 : Droit de reprise du bailleur 49 Article 22 : Décret dapplication 49 Article 23 : Compensation des pertes éventuelles de recettes 49 AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 51 ANNEXES 53 I.- LISTE DES AUDITIONS AUXQUELLES MM. JEAN-PIERRE MICHEL ET PATRICK BLOCHE ONT PROCÉDÉ 53 II.- TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS 55 La loi peut-elle bloquer les évolutions de la société et des modes de vie, doit-elle au contraire tenter de les anticiper, ou bien encore se contenter de les accompagner ? La loi peut-elle être par son silence facteur dinégalité et de discrimination, en traitant de manière très différentes des situations humaines identiques ? Doit-elle, au contraire, rétablir légalité ou établir des discriminations positives pour encourager ou du moins faciliter lévolution de la société ? Dun objet en apparence simple, les trois propositions de loi ayant abouti au texte proposé par la commission des lois, texte sur lequel la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est appelée, au-delà des aspects sociaux qui motivent sa saisine pour avis, à émettre un avis densemble, débouchent en fait sur dimportantes problématiques, quil nest pas question déluder. Il faut cependant, demblée, distinguer, au sein des débats suscités par ce texte, les interrogations sérieuses des questions que ce texte ne pose pas. Cette distinction conduit le rapporteur à souhaiter éviter les faux problèmes. Il convient donc déliminer des arguments totalement erronés sagissant des enjeux et des objectifs de ces propositions. Ainsi, il ne sagit pas dinstaurer un mariage au rabais , avec des droits identiques mais sans devoirs. Il ne sagit pas, non plus, de mettre en place un quelconque succédané de mariage, de modifier, en quoi que ce soit, le droit de ladoption ni de porter atteinte à la structure familiale telle quelle existe dans le code civil. Ces critiques sont sans fondement : la volonté de caricature quelles traduisent est telle que la réalité nest plus perceptible. La tolérance, dans le domaine des modes de vie et des choix sexuels, est une exception française. La Révolution a appliqué à ces questions les principes de respect de la sphère privée, hérités des Lumières. Si les conséquences démographiques de la première guerre mondiale ont conduit les Gouvernements qui se sont succédés à partir de 1920 à mener une politique familiale, à vrai dire extrêmement timide, elles les ont, parallèlement, conduit à justifier lencadrement des comportements sexuels et des couples. Ce nouvel ordre moral a culminé sous le régime de Vichy, les dernières mesures discriminatoires étant abrogées au cours des années 1980. Il nest pas inutile, pour éclairer le débat sur le pacte civil de solidarité, den réinsérer la problématique dans cette perspective historique. Il convient, par ailleurs, danalyser le mouvement qui a conduit dune revendication dhomosexuels vivant en couple à une demande générale dun statut pour les concubins, voire les duos ou les paires. Cette dynamique est très perceptible lorsque lon étudie les initiatives parlementaires, dans ce domaine, depuis dix ans. Si lon fait litière des critiques, il importe de se concentrer sur les objectifs réels de ces propositions. En premier lieu, ceux-ci répondent à la volonté de combler une carence, à savoir labsence totale de statut juridique du concubinage dans notre pays. La matérialisation dun lien social moderne apparaît, en effet, particulièrement nécessaire lorsque lon analyse lévolution du couple. Le déclin du mariage est une réalité statistique. Elle na pas porté une atteinte substantielle au modèle quil représente, mais elle implique que cette forme dunion ne soit plus la seule et unique norme : le mariage est un choix de mode de vie à deux parmi dautres. Lunion libre, la cohabitation, qui peut être le prélude à un mariage ou une manière de vivre provisoire ou encore une union durable, est devenue une réalité. Or, le droit quil sagisse du droit civil, fiscal ou social nappréhende que très marginalement lunion libre : celle-ci est un fait de société et non un sujet juridique. Les couples homosexuels, quant à eux, se voient refuser le fait même dêtre considérés comme tels. Cest à cet écart croissant entre les faits, lévolution des modes de vie, des choix des couples dune part, et le silence de la loi, dautre part, que ces propositions de loi entendent remédier. Cet objectif de renforcement de la solidarité des couples non mariés et damélioration de tous les aspects de leur vie quotidienne justifiait pleinement la saisine de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur lensemble du dispositif législatif proposé. I.- CONCUBINAGE ET HOMOSEXUALITÉ : DE LA TOLÉRANCE À LA RECONNAISSANCE A. LA TOLÉRANCE : UNE EXCEPTION FRANÇAISE 1. 1791-1942 : La non-intervention de lEtat dans le domaine de la sexualité Lensemble des textes normatifs issus de la Révolution française sest caractérisé par une réelle indifférence en matière sexuelle, en dehors des relations matrimoniales. La diffusion des écrits des Lumières, libertins et philosophiques, avait répandu la réflexion sur le moral ou limmoral, le naturel ou le non naturel et sur la nécessité ou létendue de lintervention de lEtat dans le domaine des moeurs. Ces questions sont donc progressivement apparues, entre adultes consentants, comme relevant de lexercice de la liberté individuelle, telle quelle est définie par la déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 : La loi na le droit de défendre que ce qui est nuisible à la société (article 5). Ladage repris lors de lexamen du code civil, les concubins ignorent la loi, la loi ignore les concubins , qui a été le fondement, pendant des décennies, du refus dune quelconque prise en compte jurisprudentielle de cette forme de couple, doit cependant être apprécié comme une rupture significative avec les condamnations religieuses antérieures. Cet esprit du temps va donc bien au-delà de la seule intervention de juristes indulgents sur ces questions, comme Cambacérès. Le code pénal, dans ses versions successives de 1791 et de 1810, ne comportait aucune condamnation spécifique de lhomosexualité. La Révolution a, là aussi, réalisé ce que lAncien régime navait pas pu ou pas voulu modifier. Quarante ans auparavant, en effet, au mois de janvier 1750, les gagne-deniers et cordonnier Jean Diot et Bruno Lenoir, pris de boisson, sont surpris par le guet, rue Montorgueil à Paris, en train de commettre ce qui aurait dû être considéré comme un banal outrage à la pudeur, comme il sen produisait régulièrement, passible dune mercuriale. Ils sont cependant condamnés à la peine maximum, sentence confirmée par le Parlement, et brûlés en place de Grève le 6 juillet 1750. Cest, en France, le dernier bûcher de Sodome . Au début du dix-neuvième siècle, en Angleterre, il est arrivé que lon pende, annuellement, plus dhomosexuels que dassassins et lon sait, à lextrême fin du siècle, le sort que la justice victorienne allait réserver à Oscar Wilde. Le paragraphe 175 du code pénal de lEmpire allemand est un autre exemple dune répression spécifique inconnue du dix-neuvième siècle français. Labsence de condamnation légale ne veut pas dire que les jugements nétaient pas aggravés, en cas dactes jugés contre-nature , ni que la société accueillait, sans réserve, le troisième sexe, selon lexpression que reprend Balzac dans Splendeurs et misères des courtisanes , à un moment où la bourgeoisie triomphante redoutait, plus que tout, la liberté sexuelle. On se souvient du mot cruel de la comtesse Merlin sur Custine : Ce pauvre marquis, il est charmant, mais je ne peux pas le toucher, sa main me répugne ... elle colle! . Cette tolérance, fondée, pour les juristes de la Restauration, (Cheveau et Hélie, Théorie du code pénal 1837-1842), sur le fait que la révélation et la sanction dactes commis en privé et nimpliquant que leurs auteurs consentants risqueraient, par lexemple, de répandre ce que lon voudrait réprimer, restait donc toute relative. Le concubinage était, quant à lui, doublement déprécié, moralement et socialement, les classes défavorisées étant les plus concernées par ce type de relations. Cette absence dintervention de la loi aurait dû conduire, dans la continuité des grandes lois libérales de la IIIème République, du respect de la liberté de penser au droit à la libre disposition de son corps. 2. 1942-1982 : Les discriminations légales Or, les bouleversements historiques du vingtième siècle ont profondément perturbé cette évolution souhaitable. Le choc de la première guerre mondiale et la majorité Bloc national de la chambre élue à son issue sont à lorigine de toute une série de mesures restrictives qui culmineront sous le régime de Vichy. Les premières victimes de cette remise en cause sont les femmes, dont la politique nataliste, consécutive aux massacres de la guerre, veut faire, avant tout, des mères. La loi du 31 juillet 1920 réprimant la provocation à lavortement et à la propagande anticonceptionnelle interdit toute propagande dans ce domaine et la loi du 27 mars 1923 modifiant les dispositions de larticle 317 du code pénal sur lavortement, transforme le crime en délit, dans lespoir dune sévérité plus grande des juges professionnels. En effet, les jurés des cours dassises acquittaient dans une proportion de 80 % les inculpées, alors quentre 1925 et 1935, les acquittements ne sont plus que de 19 %. Pour autant, cette régression est avant tout institutionnelle. La comparution dHenriette Alquier, une institutrice qui avait rédigé, au nom des Groupes féministes laïques, un rapport sur la maternité consciente, a suscité un tel mouvement dopinion en sa faveur, quelle fut acquittée. Parallèlement, les services de police renforçaient leur surveillance des murs. Les fichiers ainsi constitués, remis aux nouvelles autorités nationales-socialistes dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle ont constitué la base de centaines de persécutions et de déportations dhomosexuels. En 1942, sous linfluence de cette constitution qui devra garantir le droit du travail, de la famille et de la patrie (loi constitutionnelle du 10 juillet 1940) et pour la première fois depuis la Révolution, une loi introduisant une discrimination fondée sur le sexe des partenaires est adoptée. Darlan, qui en a linitiative, constatait, pour le regretter, que dans une affaire dhomosexualité entre civils et marins, il lui était impossible de sanctionner les civils. Lalinéa 1er de larticle 334 du code pénal est donc modifié par lacte dit loi n° 744 du 6 août 1942 qui porte à vingt-et-un ans la majorité sexuelle pour les relations homosexuelles, requalifiées de contre-nature . Il convient de remarquer, cependant, que le régime de Vichy, qui fait de lavortement un acte de nature à nuire au peuple français et condamne, pour avoir aidé à sa réalisation, 4 000 femmes par an entre 1942 et 1944, dont une qui sera guillotinée, na pas osé incriminé les relations homosexuelles elles-mêmes. Au même moment, lAllemagne hitlérienne du Kinder-les enfants, Kirche-léglise, Küche-la cuisine , pour les femmes, organisait la déportation des homosexuels, les déportés au triangle rose étant particulièrement persécutés. LURSS de Staline, après lémancipation des années vingt, a déjà réintroduit de brutales mesures antihomosexuelles, parallèlement à une politique antiféminine. La survie de lordre moral ambiant a permis à lacte dit loi de 1942 de faire partie des textes maintenus par le Gouvernement de la Libération. Lexposé des motifs de lordonnance n° 45-190 du 8 février 1945 précise : Lacte de lautorité de fait dit loi n° 744 du 6 août 1942 modifiant larticle 334 du code pénal a réprimé les actes homosexuels dont serait victime un mineur de vingt-et-un ans. Cette réforme inspirée par le souci de prévenir la corruption des mineurs ne saurait, en son principe, appeler aucune critique. Mais en la forme une telle disposition serait mieux à sa place dans larticle 331 ... La politique de laprès-guerre ne sest donc pas caractérisée par un retour à une approche de la sexualité plus conforme au respect des droits de lhomme, pourtant fortement réaffirmés dans le préambule de la constitution de 1946. Les débuts de la Vème République se sont signalés par un renforcement de ces mesures discriminatoires. Le 18 juillet 1960, le député UNR de la Moselle, Paul Mirguet, fait adopter un sous-amendement à un amendement du rapporteur, Mme Marcelle Devaud, sur un projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, toutes mesures propres à lutter contre lhomosexualité, assimilée à un fléau social (4° de larticle unique de la loi n° 60-773 du 30 juillet 1960 autorisant le Gouvernement à prendre, par application de larticle 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour lutter contre les fléaux sociaux). Le débat est suffisamment illustratif dun état desprit encore récent pour être rapporté. Lauteur du sous-amendement, après avoir souligné la gravité du fléau quest lhomosexualité contre lequel nous avons le devoir de protéger nos enfants , rappelle quau moment où notre civilisation, dangereusement minoritaire dans un monde en pleine évolution, devient si vulnérable, nous devons lutter contre tout ce qui peut diminuer son prestige. Dans ce domaine comme dans les autres, la France doit montrer lexemple. Après que le président eût demandé, parmi les rires, lavis de la commission, le rapporteur faisait remarquer quil ne trouvait pas lamendement particulièrement drôle. Il y a là une situation que vous connaissez et que je connais aussi. (Nouveaux rires.) Oh! Messieurs, il est trop facile de rire dun problème moral qui devrait vous préoccuper. (...) Nous ne sommes pas ici chez les chansonniers. (Applaudissements.) Soyez assurés que je ne suis nullement gênée de parler de ces choses puisquelles existent. Il est naturel quon en parle pour les combattre. M. Pierre Comte-Offenbach : Bravo, Madame! Le Gouvernement sen remet à la sagesse de lAssemblée. Le sous-amendement, mis au voix, est adopté. Larticle 2 de lordonnance n° 60-1245 du 25 novembre 1960 relative à la lutte contre le proxénétisme (!) complète donc larticle 330 du code pénal par un alinéa prévoyant une aggravation des peines encourues pour outrage public à la pudeur, lorsquil consistera en un acte contre nature. Cette intervention croissante de lEtat dans un domaine considéré, par les républicains, comme relevant de la vie privée et du respect des droits de la personne, atteint là son sommet. En effet, en réponse au développement des mouvements et des luttes pour lémancipation, dans lesquels le Mouvement français pour le planning familial joue un rôle moteur, les femmes obtiennent la reconnaissance du droit à la contraception, par la loi n° 67-1176 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L. 648 et L. 649 du Code de la santé publique ( loi Neuwirth ). La vente ou la fourniture des contraceptifs aux mineurs de dix-huit ans non émancipés et des contraceptifs inscrits au tableau spécial aux mineurs de vingt-et-un ans ne peuvent, cependant, être effectuées que sur ordonnance médicale constatant le consentement écrit de lun des parents ou du représentant légal, les contrevenants étant frappés de peines aggravées. Le droit à lavortement est, pour la première fois, explicitement, reconnu par la loi n° 75-17 relative à linterruption volontaire de grossesse ( loi Veil ). Ces deux textes présentent la particularité dêtre adoptés grâce au soutien de lensemble des partis de gauche, la droite majoritaire se divisant systématiquement sur ces questions. Ce relais apporté aux revendications du droit à la libre disposition de son corps par les organisations réunies par le Programme commun de gouvernement ou par leur soutien à la candidature de François Mitterrand ne se démentira pas. En 1978, le sénateur radical Henri Caillavet dépose une proposition de loi visant à abroger les discriminations légales dont les homosexuels font lobjet. Il sen explique dans un entretien accordé en 1993 à MM. Gérard Bach-Ignasse et Jan-Paul Pouliquen en rappelant que la protection de lindépendance de lindividu lui paraît être le premier des combats à mener dans la société, et que, rationaliste et penseur libre, il a pu constater que la tartufferie et lhypocrisie étaient ce quil y avait de plus fréquent dans nos structures sociales, cette volonté darracher les masques saccompagnant dune prise en compte de linjustice dont certains étaient victimes, à travers leurs moeurs. Il saisit loccasion du long examen par le Parlement du projet de loi relatif à la répression du viol et de certains attentats aux murs, pour engager la discussion sur ce point. Le Gouvernement, après avoir proposé labrogation des dispositions pénales antihomosexuelles, recule devant la pression du groupe principal de la majorité, le RPR, mené par le président de la commission des lois de lAssemblée nationale, M. Jean Foyer. Le libéralisme avancé, ne rencontrant plus beaucoup décho, se replie sur ses bases conservatrices ; le texte de la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 maintient lensemble des dispositions antérieures. Le Conseil constitutionnel, saisi, considère que le principe dégalité devant la loi pénale, tel quil résulte de larticle 6 de la déclaration des droits de lhomme et du citoyen à laquelle se réfère le préambule de la Constitution de 1958, ne fait pas obstacle à ce quune différenciation soit opérée par la loi pénale entre agissements de nature différente. Un tel attendu, dans le domaine de la sexualité, ouvre détonnantes perspectives normatives. On remarquera que sur ce point, les juristes du dix-neuvième siècle tiraient des conclusions différentes des principes définis en 1789. Enfin, ultime soubresaut de quarante ans de discrimination légale, la circulaire dapplication de la loi n° 81-82 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, qui est lun des derniers textes promulgués avant lélection présidentielle, sinquiète de savoir si les dispositions plus dures relatives au sursis doivent sappliquer aux actes impudiques ou contre nature commis avec un mineur du même sexe. François Mitterrand sétait clairement prononcé en faveur de labrogation des discriminations légales : Il ny a pas de raison de juger le choix de chacun qui doit être respecté, aucune discrimination ne doit être faite en raison de la nature des moeurs. Jen ai pris la responsabilité (Choisir du 28 avril 1980). Son élection à la présidence de la République conduit donc la nouvelle majorité à adopter successivement deux projets de loi, présentés par M. Robert Badinter, ministre de la justice, tendant à rendre effectifs les engagements pris. Le 12° de larticle 2 de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie concerne à la fois les outrages publics à la pudeur aggravés pour homosexualité (article 330, alinéa 2 du code pénal) et les actes contre nature avec un mineur de dix-huit ans (article 331, alinéa 3). La circulaire dapplication excluant les infractions contraires aux bonnes moeurs, lhomosexualité expressément amnistiée apparaît donc comme conforme à celles-ci. Mais, cest à lautomne de 1981 que sengage le débat sur labrogation des discriminations légales à légard des homosexuels. Le rapporteur, Mme Gisèle Halimi, rappelle que lintelligence des libertés fondamentales aurait dû conduire les députés à respecter un choix individuel par essence et devant échapper à toute codification qui est celui de la sexualité. Il ne peut y avoir de morale sexuelle de tous qui simpose à la morale sexuelle de chacun. Chacun connaît la nécessité, pour lindividu, de vivre en accord avec ce qui reste le plus profondément inexprimé, par peur, par honte, conditionnement social ou répression, à savoir sa sexualité. Et quil sagisse dhétérosexualité ou dhomosexualité, cette relation à lautre ne peut jouer comme un facteur déquilibre que débarrassée de la clandestinité ou de lautocensure auxquelles contraint bien souvent notre environnement . Le Garde des sceaux, M. Robert Badinter, souligne que lAssemblée sait quel type de société, toujours marquée par larbitraire, lintolérance, le fanatisme ou le racisme, a constamment pratiqué la chasse à lhomosexualité. Cette discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes dun grand pays de liberté comme le nôtre. Il nest que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous ses autres citoyens dans tant dautres domaines. La discrimination, la flétrissure quimplique à leur égard lexistence dune infraction particulière dhomosexualité les atteint nous atteint tous à travers une loi qui exprime lidéologie, la pesanteur dune époque odieuse de notre histoire . Pour lopposition, M. Jean Foyer, à lAssemblée nationale, estime les justifications de la proposition de loi inexistantes et scandaleuses, inexistantes lorsquon invoque de prétendues discriminations dont le Conseil constitutionnel a fait justice, scandaleuses lorsquon essaie de faire croire que lanormal est la même chose que le normal, et que ce qui est contre nature est identique à ce qui est conforme à la nature . Au Sénat, M. Etienne Dailly souligne que le gouvernement prête la main à la suppression de la seule et dernière discrimination qui existe et qui, lorsquelle aura disparu, pourra donner à penser à lensemble du pays que la pratique homosexuelle est devenue une pratique normale . La proposition de loi, adoptée, après échec de la commission mixte paritaire, dans le texte de lAssemblée nationale, devient la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de larticle 331. Ce retour, en 1982, à la situation dindifférence légale à légard de la sexualité, qui avait prévalu de 1791 à 1942 allait entraîner un certain nombre de mesures en matière de législation civile et de réglementation. Dès 1981, le ministre de lintérieur, Gaston Deferre, supprime le groupe de contrôle des homosexuels à la préfecture de police et les fichiers les concernant. Les lois adoptées en 1982 et 1983 sur le logement ou le statut des fonctionnaires font disparaître la notion de bon père de famille ou de bonnes murs, des conditions requises respectivement pour la jouissance dun bien immobilier ou laccès aux emplois publics. Enfin, la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions dordre social complète le code pénal en introduisant des dispositions protégeant les personnes contre les discriminations liées à leurs moeurs et autorisant les associations proposant de les combattre à exercer les droits reconnus à la partie civile. Légalité en droit de lindividu est ainsi reconnue, indépendamment de ses choix sexuels. Les discriminations dont font lobjet les couples fondés sur ces choix vont alors apparaître dautant plus vivement. B. LA RECONNAISSANCE : UNE REVENDICATION HOMOSEXUELLE QUI INTÉRESSE LENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ 1. Lapparition du couple, entre la personne et la famille Le militantisme homosexuel a su trouver, au début des années 70, un écho favorable et un soutien appréciable dans le mouvement pour les droits des femmes. La remise en cause de lordre social patriarcal rassemblait évidemment ceux qui le contestaient. Parallèlement, en admettant lindemnisation de la concubine de la victime dun dommage corporel, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 février 1970, ouvrait la voie à la reconnaissance du concubinage hétérosexuel. En 1971, la création du FHAR, Front homosexuel daction révolutionnaire, par Françoise dEaubonne, Guy Hocquenghem et Pierre Hahn, inaugure des actions spectaculaires et publie un rapport contre la normalité, au contenu volontairement provocateur. Les dissensions caractéristiques de lépoque conduisent assez rapidement à la disparition de ce mouvement. Cependant, si les femmes obtenaient une égalité de plus en plus nette, comme individu et dans le couple, la persistance de discriminations légales et le besoin de reconnaissance du mode de vie homosexuel qui commence à apparaître, voient lapparition successive du Groupe de libération homosexuelle (GLH) et en 1979, parallèlement à la revue hebdomadaire Gai Pied, du Comité durgence anti-répression homosexuelle (CUARH). Ce dernier coordonne lactivité de nombreux groupes disséminés dans toute la France, qui joueront un rôle important dans la prise de conscience par beaucoup de la situation choquante faite aux homosexuels. Il organise de nombreuses manifestations à loccasion des débats sur labrogation des lois discriminatoires. Ces actions connaissent un sommet le 4 avril 1981, à un mois de lélection présidentielle, avec une manifestation, à Paris, de plus de 10 000 personnes, qui annonce les futures Gay Pride , au moins autant que leurs modèles américains. En 1982, le maire de Saint-Lumine-de-Clisson, en Loire-Atlantique, délivre un certificat de concubinage à un couple lesbien, mais celui-ci se voit refuser le bénéfice des dispositions concernant les ayants droit des concubins. Au même moment, les concubins hétérosexuels voient leur reconnaissance accrue par larticle 16 de la loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ( loi Quillot ) qui permet la continuation du bail par le concubin notoire du locataire titulaire disparu ou décédé, sil vivait effectivement avec lui depuis au moins un an. En mars 1983, le journal Homophonies publie un article dAlain Leroi et Vincent Legret, membres de la Rencontre des homosexualités en Ile-de-France (RHIF), sur les gais concubins . Ces militants homosexuels sont les premiers à demander une reconnaissance du lien homosexuel. En novembre 1984, le conseil des prudhommes de Paris assimile le refus dAir France de consentir des billets à tarif réduit au concubin homosexuel dun steward à une discrimination, mais la Cour dappel de Paris le 14 octobre 1985, puis la Cour de cassation le 11 juillet 1989, rappellent dans leurs arrêts que le concubinage ne peut sentendre que pour deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant sunir par le mariage, ce qui ne peut concerner quun couple constitué dun homme et dune femme. Lapparition du Sida, qui va, en France, toucher dabord une population homosexuelle masculine, se fait donc dans un milieu dont lémancipation est récente. Il est concevable de penser que la levée des discriminations a rendu possible le développement visible dun mode de vie en couple que laisse apparaître lenquête menée en 1982-1983 par MM. Cavailhès, Dutey et Bach-Ignasse. Le Sida aura sans doute amplifié un phénomène déjà présent. La perception des homosexuels comme victimes de cette maladie ainsi que leur rôle dans sa prévention ont donné de ce type de relations amoureuses une image différente de celle véhiculée par les lieux communs produits par des siècles de marginalité légale ou sociale. Le livre que vient déditer lassociation de parents, familles et amis de gais et de lesbiennes, Contact, souligne lambiguïté dune maladie refuge, conséquence suicidaire dune exclusion familiale ou sociale, et, à linverse, des actions préventives franches menées, au profit de tous, par les homosexuels organisés. Cest, incontestablement, ce qui fonde la légitimité dassociations comme Aides, Arcat-Sida, Act up, Vaincre le Sida et beaucoup dautres qui ont su ou savent se substituer à tel ou tel moment aux insuffisances ou aux déficiences des réponses sociales. La réalité de lépidémie a brutalement mis en lumière les inégalités de droits de ces couples homosexuels nouvellement émancipés. Un certain nombre de cas concrets ont frappé lopinion, renouvelant dailleurs pour les intéressés, à la fin du vingtième siècle, une situation fréquente, jadis, chez les concubins hétérosexuels. On sait que le dépôt dune première proposition de loi, à lAssemblée nationale, a pour origine lexpulsion du logement commun du partenaire survivant dun couple, par la famille de son ami, le jour même de sa mort. Le droit positif et la jurisprudence ont, progressivement, depuis plus dun siècle, reconnu des droits aux concubins. Les femmes concubines, condamnées légalement à des maternités non désirées, se voient, en contrepartie, accorder parcimonieusement par la jurisprudence, à travers leurs enfants, puis pour elles-même, quelques compensations. Celles-ci seront étendues à leurs compagnons, comme on la vu, encore plus récemment. Pourtant, de nombreuses inégalités demeurent, en matière dimposition des revenus ainsi que pour les donations ou les successions et le rapprochement des partenaires, en même temps que se multiplient les structures familiales complexes. Cest pourquoi, la revendication de groupes homosexuels face aux situations dramatiques créées par le Sida et à limpossibilité dune solution jurisprudentielle assimilant les couples homosexuels aux concubins, a finalement rencontré un écho parmi les couples hétérosexuels dont le concubinage était reconnu, mais les droits difficiles à établir et, de toute façon, insuffisants. 2. Les premières tentatives de formalisation législative En 1990, une proposition de loi relative au partenariat civil est déposée au Sénat par M. Jean-Luc Mélenchon. Elle na pas été discutée. Un groupe de travail réunissant MM. Jan-Paul Pouliquen, Gérard Bach-Ignasse, Pierre Dutey, Vincent Legret et Mme Françoise Renaud est constitué, en 1991, pour élaborer un statut des concubinages homosexuels et hétérosexuels et, plus largement, des cohabitations, qui conduit, sur proposition de M. Bach-Ignasse, à la notion de contrat dunion civile. Un Collectif pour le contrat dunion civile est donc créé en 1992, autour des mêmes personnalités, bénéficiant du soutien du Mouvement français pour le planning familial. A la suite dun article du Monde , la question connaît un premier succès médiatique. Un sondage laisse apparaître 72% davis assez ou très favorables au contrat dunion civile, présenté comme donnant à tous ceux qui vivent ensemble, en dehors du mariage, quel que soit leur sexe, les mêmes droits et leur imposant les mêmes devoirs. En 1992, une proposition de loi, largement inspirée de ces réflexions, est déposée à lAssemblée nationale par MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Pierre Michel, Jean-Michel Belorgey, Mme Huguette Bouchardeau, MM. André Labarrère, Jean-Marie Le Guen, Yves Vidal et Jean-Pierre Worms, tendant à créer un contrat dunion civile. Si elle nest pas discutée en tant que telle, deux dispositions vont être reprises, sous forme damendements, dans le dernier projet de loi portant diverses mesures dordre social de la neuvième législature. La qualité dayant droit dun assuré au titre de lassurance maladie était étendue à la personne qui, sans vivre maritalement avec lassuré, apporte la preuve quelle se trouve à sa charge effective, totale et permanente (article 78 modifiant larticle L. 161-14 du code de la sécurité sociale) dans des conditions fixées par décret, soit depuis au moins douze mois consécutifs (article R. 161-8-1 du même code). Le transfert du bail était assuré, en cas de décès du locataire, à toute personne qui vivait avec celui-ci depuis au moins un an (article 62). Ces deux dispositions visaient à répondre à des situations urgentes et choquantes, touchant, en particulier, des personnes atteintes du Sida. Le Conseil constitutionnel saisi par des sénateurs de la majorité du Sénat censura, pour des raisons liées aux limites inhérentes au droit damendement, les mesures relatives au logement. Lhomosexualité, pour être sortie, depuis dix ans, de la sphère de la condamnation légale, préalable nécessaire, nétait pas encore parvenue, pour certains législateurs, au stade de lindifférence. En effet, la commission des affaires sociales du Sénat, sétait prononcée contre lextension de la qualité dayant droit dun assuré au titre de lassurance maladie. Elle constatait que la mesure sinscrivait dans le projet plus général des propositions de loi tendant à créer un partenariat social et visait à ouvrir à certaines personnes ayant fait le choix de modes de vie alternatifs des droits dans le domaine civil, successoral, locatif et social , dont elle ne contestait cependant pas lexamen plus global. La commission, sans vouloir porter une appréciation qui pourrait être interprétée comme moralisatrice , émettait ses très vives réserves quant aux risques quelle comporte au regard des structures traditionnelles et de la cohésion de notre société . Elle ne souhaitait donc pas quà loccasion de ladoption dune telle disposition, une incitation puisse être donnée à ce quelle considère être une approche fondamentalement nouvelle des principes qui fondent notre droit . Il faut se féliciter que la mesure nait pas été rapportée par la nouvelle majorité de lAssemblée nationale, identique à celle du Sénat, élue trois mois plus tard. Les faits se montraient une nouvelle fois plus têtus que les timidités législatives. Cependant, la demande dadoption dune mesure durgence en matière de transfert de bail, présentée en 1994 au ministre du logement, naboutit pas. La majorité de lAssemblée nationale ayant adopté, en 1996, la suppression de la demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant en concubinage, leur intérêt pour un contrat les autorisant à une imposition commune se trouva renforcé. La dixième législature, dans un contexte politique, on le voit, peu propice, a vu le dépôt successif de trois propositions de loi : lune, en 1993, par les députés du Mouvement des citoyens, relative au contrat dunion civile reprenant les termes de la proposition de loi de 1992 ; les deux autres, en 1997, par les députés socialistes, relative au contrat dunion sociale et par les députés communistes relative aux couples non mariés. Parallèlement, la Gay Pride de juin 1996 réunissait plus de 100 000 personnes autour de la revendication dun contrat dunion sociale comme projet à caractère universel sinscrivant dans la tradition française dintégration . Les propositions ne seront pas discutées mais seront reprises dans les engagements électoraux de lopposition. Par ailleurs, le Garde des sceaux, M. Jacques Toubon, demandait au professeur Jean Hauser un rapport portant sur les conséquences financières de la séparation des couples. La partie concernant les couples non mariés, remise en avril 1998 au directeur des affaires civiles et du sceau développait la notion nouvelle de pacte dintérêt commun (PIC), acte purement privé. En 1997, la gauche redevenue majoritaire à lAssemblée nationale, trois nouvelles propositions de loi étaient déposées par ses trois composantes au moment où elles accédaient ensemble au Gouvernement, dans des textes semblables à ceux de la précédente législature, à lexception de celle présentée par le groupe Radical, citoyen et vert, qui a connu quelques modifications. Dans la perspective dune réflexion plus large, Mmes Elisabeth Guigou, ministre de la justice et Martine Aubry, ministre de lemploi et de la solidarité demandaient à Mme Irène Théry un rapport sur le couple, la filiation et la parenté aujourdhui. Celui-ci, fondé sur la simple constatation de la possession détat pour la reconnaissance de droits sociaux ou fiscaux aux concubins, était présenté en mai 1998. C. LES INITIATIVES PARLEMENTAIRES DEPUIS LE DÉBUT DE LA 11ÈME LÉGISLATURE La proposition de loi n° 249 de M. Georges Hage définit un certain nombre de droits : déclaration unique dimpôt sur le revenu (article 6), droits de mutation à titre gratuit (article 7), baux (article premier). En outre, son article premier va bien au-delà en faisant référence à lensemble des prestations sociales. Toutefois, elle séloigne des autres propositions sagissant de lexistence juridique du pacte et de ses effets et retient lidée de possession détat se prouvant par tout moyen. Cette union de fait , qui, selon larticle premier, peut unir deux personnes par ailleurs mariées, entraîne automatiquement des droits très larges, puisquelle assimile le partenaire au conjoint pour tous les contrats civils, droits de successions, protection sociale, y compris la pension de réversion etc. Cependant, la proposition ne précise ni les conditions de contrôle destinées à éviter des engagements multiples quelle prohibe, ni les effets de la rupture de lunion. En outre, cette proposition concerne largement les enfants nés hors mariage. Ce sujet important risque de voir sinstaurer une confusion des genres : il est question ici des problèmes de la cohabitation de deux personnes, et non de ceux de la famille, fut-elle naturelle . Les deux propositions de loi n° 88 de M. Jean-Pierre Michel et n° 94 de M. Jean-Marc Ayrault, sont beaucoup plus proches, lune et lautre, de lobjectif recherché à travers la création du pacte. Les deux propositions retiennent lidée dun contrat destiné à répondre à un projet commun de vie , ce qui implique une solidarité entre les contractants (article 2) et exclut la passation dun tel contrat entre membres de la même famille (article 5 de la proposition n° 94, article 4 de la proposition n° 88) et, naturellement, les personnes mariées. Cependant, outre la terminologie (qui a son importance et qui a fait préférer le terme pacte au mot contrat , car lidée dun pacte renvoie mieux à celle dun projet de vie commune), il convient de souligner que les deux propositions retiennent lidée dune déclaration devant lofficier détat civil et posent donc la question dune éventuelle répercussion du contrat dans létat civil des intéressés. Si les droits ouverts par lune et lautre des propositions sont définis de manière très large, et méritent dêtre mieux cernés, on observe une nette convergence en ce qui concerne : - le droit au bail (articles 9 de la proposition de loi n° 88 et 10 de la proposition de loi n° 94) ; - le code du travail (articles 10 et 11) ; - lassurance maladie (articles 11 et 12) ; - lassurance vieillesse et lassurance décès (mêmes articles) ; - limposition commune au titre de limpôt sur le revenu (article 13) ; - les dispositions relatives aux dons et legs (articles 14 et 15) ; Par contre, seule la proposition de loi n° 88 de M. Jean-Pierre Michel retient lidée dune durée minimale de contrat pour bénéficier de certains des droits et traite des couples bi-nationaux. Enfin, on notera que ces deux textes sont très proches lun de lautre sagissant des conditions de rupture du contrat, par déclaration commune en cas daccord, par le juge à défaut dun accord des partenaires. Ici encore, les propositions font apparaître une volonté dune distinction nette avec le mariage ; des modalités identiques et simples régissent la passation du contrat et sa cessation. Cest pourquoi, Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois a souhaité que les signataires de ces propositions, relativement proches, puissent parvenir à élaborer un texte commun, MM. Jean-Pierre Michel pour la commission des lois et Patrick Bloche pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales étant mandatés à cet effet, puis nommés rapporteurs, à lissue de leurs travaux, par leurs commissions respectives. Ce texte commun, définissant un Pacte civil de solidarité, a été rendu public au mois de mai 1998 et a servi de base aux discussions préparatoires à lexamen des propositions de loi par chacune des deux commissions. Le 23 septembre, la commission des lois adoptait un texte soumis, pour avis, le 30 septembre et le 1er octobre, à la commission des affaires culturelles qui la, à la demande de son rapporteur, amendé. II.- LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ : LA MATÉRIALISATION DUN LIEN SOCIAL MODERNE 1. Lunion libre, un choix qui se généralise Une approche, même succincte, des données statistiques sur le couple et la famille montrent la rapidité des évolutions observées depuis 30 ans. Le nombre de personnes cohabitant hors mariage passe de 900 000 en 1975 à 1 million et demi en 1982, pour atteindre aujourdhui, sur une population de 30 millions de personnes vivant en couple, près de 5 millions. De même, les naissances hors mariage qui sont constamment restées inférieures à 10 % entre 1960 et 1980, avoisinent aujourdhui 40 % et, pour le premier enfant, dépassent les 50 %. Enfin, le nombre de divorces connaît parallèlement une augmentation sensible, passant de 22,5 % en 1980 à 38,3 % en 1996. Le sénateur Daniel Hoeffel, vice-président de lAssociation des maires de France, rappelait aux rapporteurs, lors de laudition par ceux-ci des responsables de cette association, la rapidité et la netteté des transformations dans ce domaine, dont il était témoin dans sa commune même et quil nétait pas possible dignorer. Une récente étude réalisée dans une ville moyenne du Val-dOise montre ainsi quy sont délivrés annuellement davantage de certificats de concubinage, qui nimpliquent pourtant que des droits limités, que ne sont célébrés de mariages. Les adaptations successives de la législation concernant les couples mariés, quil sagisse des régimes matrimoniaux, de légalité dans le couple, des conditions du divorce, de la fiscalité, au-delà de variations opportunistes qui restent marginales, ne semblent pas convaincre un nombre grandissant de femmes et dhommes, en France, de la nécessité du mariage, même pour élever des enfants. Que lon pense nécessaire daméliorer lattractivité du mariage en en simplifiant les règles ou que lon analyse cette évolution comme la traduction dun couple plus électif, conçu comme la matérialisation dun choix affectif de chaque instant qui serait dénaturé par une contrainte légale, linadaptation des textes législatifs à la situation observée est flagrante. En faveur de labsence de tout formalisme, on trouve principalement lidée selon laquelle un statut apparaît incompatible avec le caractère dunion libre que représente le concubinage, qui nexiste que par la volonté des partenaires et ne persiste pas au-delà de celle-ci. Cette idée de liberté daction est en effet largement incompatible avec tout statut. Cette argumentation, classique chez les civilistes, est notamment reprise par Mme Irène Théry dans le rapport déjà cité. Elle consiste à affirmer que le concubinage est un simple fait, cette possession détat ne pouvant saccommoder dun quelconque contrôle administratif ou dun contrat formalisé, enregistré ou constaté . Dans cette perspective, le concubinage nest défini que par la communauté de vie, en un moment donné, et se prouve alors par tout moyen, sans quil soit besoin den déclarer lexistence. Mme Irène Théry voit dans cette option lavantage d ignorer totalement le droit des personnes et de sen tenir à la seule organisation des biens . Mais on se heurte alors à un autre obstacle : il est difficile dassortir la simple possession détat de la reconnaissance de droits sociaux ou fiscaux si minimes soient-ils sans risque dinciter à la fraude. Il est difficile en outre de dire à quel moment les droits cessent en cas de séparation, car celle-ci ne saurait être plus formalisée que lunion. Il est tout aussi délicat de ne rien prévoir quant au partage des biens. Une telle contradiction entre une conception sociologique du couple naturel et des éventuelles répercussions juridiques na pas échappé à Mme Irène Théry, laquelle propose dassortir louverture du bénéfice des droits sociaux dune condition de durée minimale. Mais comment admettre que ces droits perdurent en cas de rupture de la communauté de vie ? Dès lors, il faut bien se tourner du côté du contrat, qui formalise laccord des volontés. Telle est, par exemple, la position du professeur Jean Hauser, ou encore celle des propositions de loi n° 88 de M. Jean-Pierre Michel et n° 94 de M. Jean-Marc Ayrault. Le principe du contrat laisse évidemment toute liberté à ceux qui souhaitent cohabiter librement , en dehors de tout statut. Mais il permet à ceux qui le désirent de disposer dun cadre juridique adéquat. Ici encore, le débat est largement ouvert. Les propositions du professeur Jean Hauser sapparentent plus au droit commercial quau droit civil. Pour celui-ci, il sagit simplement de permettre la passation de contrats dun nouveau type, très largement ouverts, pouvant unir, par exemple, un frère et une soeur pour prévoir la dévolution dun bien. Dans cette perspective, on se heurte à une double difficulté : certains des droits quil convient de reconnaître à un couple en concubinage par exemple le droit au bail nont de sens que sil existe une communauté de vie. Il en va dailleurs de même de la vieille notion juridique de foyer fiscal . Il faudrait donc définir non pas un mais, en réalité, deux contrats dont les effets seraient très différents selon quexisterait une communauté de vie ou non. Et, naturellement, lécart serait grand entre le contrat du premier type ouvert à des personnes par ailleurs mariées ou à des membres dune même fratrie et le contrat avec vie commune lequel ne pourrait concerner que des personnes vivant un union libre. Cest pourquoi les rapporteurs, au cours du long travail préparatoire quil a pu mener, a résolument opté pour un contrat mieux défini ou plus ciblé , si lon préfère cette expression, ne visant que des personnes souhaitant sunir en dehors de tout lien familial. Plus que dun contrat, il sagit dun pacte. Ceci exclut naturellement les personnes mariées, mais tout autant la passation simultanée de plusieurs pactes dont lobjet serait purement patrimonial. Aucune confusion ne peut ainsi être faite entre mariage et parenté dune part, pacte dautre part : leur objet nest pas le même, leur statut diffère donc. Le rapporteur peut très régulièrement constater, lorsquil célèbre des mariages, combien lattitude des futurs époux, à la lecture quil leur est faite des articles du code civil, traduit une attention insuffisante devant un cadre juridique pourtant extrêmement élaboré. Cest au moment de la crise quune grande majorité des époux ou des concubins, jusque-là assez indifférents aux règles qui leur sont applicables et donc au statut juridique de leur couple, cherche à se réemparer du droit. Tout législateur ne peut que souhaiter un exercice moins passif de la citoyenneté. Ce réinvestissement de la loi par ceux auxquels elle sapplique suppose des adaptations et des créations, afin de répondre aux besoins largement exprimés tout en respectant les choix de chacun dans le domaine de sa vie privée. B. POURQUOI ET COMMENT LÉGIFÉRER La convergence décrite de la revendication de la reconnaissance du couple homosexuel et de la volonté très clairement exprimée de nombreux concubins de voir lunion libre créatrice de droits a conduit à proposer un cadre législatif nouveau pour le couple. En effet, le concubinage reste, on la vu, largement ignoré du droit. Il existe, certes, quelques dispositifs juridiques qui reconnaissent le concubinage, sans dailleurs le nommer. Tel est le cas, rappelons-le, de larticle L. 161-14 du code de la sécurité sociale qui prévoit le cas de la vie maritale ouvrant droit au bénéfice de lassurance maladie en faveur du concubin à la charge de lassuré social, et le cas de la personne qui vit depuis une durée fixée par décret en Conseil dEtat (fixée à douze mois consécutifs par larticle R. 161-8-1 du code de la sécurité sociale) avec un assuré social, et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, à condition den apporter la preuve. . Ce texte ne peut sappliquer quà une seule personne par assuré social et ne vise que louverture des droits à prestations maladie et maternité. On peut, en outre, citer, en matière de droit au bail, les articles 14 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, qui prennent en considération, pour le maintien dun droit au bail comme pour le congé donné au locataire le concubin notoire vivant avec le locataire sagissant du droit au bail ou avec le bailleur sagissant de la reprise du logement depuis au moins un an à la date dabandon du domicile ou du congé. On peut également faire figurer dans cette brève énumération larticle 885 E du code général des impôts, qui fixe lassiette de limpôt de solidarité sur la fortune en cas de concubinage notoire , privilège, on ladmettra, ambigu, mais, il convient de le remarquer, accordé sans délai. On voit, à la lumière de ces exemples, que le concubinage nest pris en compte que de manière très ponctuelle et fragmentaire par le droit. Encore cette présence, presque par effraction, dans le paysage juridique, est-elle interprétée de manière restrictive. Il faut rappeler, en effet, que la jurisprudence considère que les dispositions relatives au concubinage ne peuvent concerner que des personnes de sexes différents. Ainsi en est-il, par exemple, dune disposition du statut du personnel dAir France bénéficiant au conjoint en union libre (C.Cass. 11 juillet 1989) ou de la notion de vie maritale sagissant du droit de la sécurité sociale (C. Cass, même date). Ainsi en est-il, aussi et surtout, du transfert du droit au bail (C. Cass, Vileal c/ Mme Weil, 17 décembre 1997) où la Cour de Cassation juge que le concubinage ne pouvait résulter que dune relation stable et continue ayant lapparence du mariage, donc entre un homme et une femme . La jurisprudence, outre lexclusion totale de lhomosexualité du champ des dispositifs légaux, tend à limiter autant que faire se peut la spécificité de lunion libre par rapport au mariage. Au-delà de ces reconnaissances légales très fragmentaires, il faut surtout insister sur le silence général des lois à légard du concubinage. Le code civil, le code du travail, le droit de la fonction publique ou celui de la nationalité ignorent donc les évolutions des modes de vie et ne font du concubinage homosexuel comme hétérosexuel quun sujet de non droit, vis-à-vis duquel la jurisprudence est très restrictive : elle ne considère pas, par exemple, quil existe une solidarité des dettes dentretien du ménage entre les concubins, auxquels larticle 220 du code civil nest pas applicable (C. cass, 1ère ch. civile, 11 janvier 1984), ou que la rupture du concubinage ouvre automatiquement droit à indemnisation (C. cass, 1ère ch.civile, 31 janvier 1978). Un couple de concubins aux droits restreints, un couple dhomosexuels qui na pas même le droit de se nommer tel : il convenait de légiférer, cest à dire de passer dune situation de fait, réglée marginalement, a posteriori et de façon insatisfaisante par la jurisprudence, à une situation de droit, réglée globalement et a priori par la loi. Les interlocuteurs du rapporteur, quelle que soit, par ailleurs, leur position sur la proposition de loi retenue, ont très largement convenu quil était nécessaire dadapter la législation pour répondre aux discriminations les plus nettes entre couples mariés et non mariés, y compris homosexuels. Les opposants au principe du pacte civil de solidarité les plus résolus admettent en effet laménagement des textes fiscaux, sociaux ou relatifs au logement, afin, en particulier, que le partenaire survivant du couple ne voit pas sa situation matérielle trop fortement bouleversée. Ainsi, lUnion nationale des associations familiales (UNAF), dans une résolution adoptée très majoritairement à son assemblée générale de Perpignan, en juin 1998, reconnaît la nécessité de mieux garantir la protection de chacun lors des ruptures de la vie commune hors mariage. Il convient de remarquer que lintroduction de mesures parcellaires de ce type dans divers textes législatifs risquait, soit de sexposer à la censure du Conseil constitutionnel dont la saisine, en 1993, a été inspirée par ceux-là mêmes qui, aujourdhui, préconisent dadapter un certain nombre de dispositions par ce biais, tout en combattant lélaboration dun cadre nouveau soit de demander beaucoup de temps. Labandon successif par les opposants au pacte de la position de principe visant à laisser au mariage un monopole de droit, puis de largument du caractère marginal ou trop diversifié des situations considérées laisse pour le moins perplexe. Mais il est moins surprenant que confrontés à la description des conséquences de la situation inexistante en droit du couple homosexuel, les mêmes opposants aient, en dernier lieu fait part de leur préférence pour un texte concernant cette seule catégorie de couple. Cette approche rejoint paradoxalement une attitude communautariste assez caractéristique des groupes homosexuels américains. Si elle traduit un sentiment de compassion ambigu, en ce quil assimile lhomosexualité à un handicap, elle ne correspond en rien, ni à lapproche des rapporteurs, ni à celle de la majorité des associations homosexuelles auditionnées. Tout texte spécifique transformerait lhomosexualité de mode de vie choisi, personnel et privé, en appartenance imposée et publique à une communauté, conduisant à une régression vers un ordre corporatiste, à lopposé de la tradition républicaine que la proposition de loi vise à renforcer. En effet, le combat contre les discriminations et les inégalités subies, qui est un combat contre lexclusion, vise précisément à éviter le repli communautaire qui en est le produit. Même sil faut sans doute considérer comme durable que des femmes et des hommes retrouvent ou se réinventent des références, dans un cadre communautaire distinct du cadre républicain et sur des bases culturelles, cultuelles ou territoriales. Cette manifestation de lexclusion qui voit, dans une société sans repères autres quéphémères, la communauté devenir un refuge ou un bouclier, est à lopposé de la volonté de défendre le principe dégalité comme vecteur et comme finalité de laction publique. Cette égalité des droits recherchée pour les couples, entre les droits de la personne et ceux de la famille, est à lorigine de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. Si les rapporteurs ont eu la volonté de resserrer le dispositif sur le couple ayant des liens affectifs, afin de préciser les données du débat, lécriture juridique du pacte civil de solidarité fondée sur une nette séparation de la sphère privée et de la sphère publique envisage, on le sait, un partenariat plus large, paire ou duo, susceptible dintéresser des amis, des personnes âgées ou non souhaitant partager un projet commun de vie. Lexclusion des fratries de laccès au pacte dans le texte de la proposition de loi adopté par la commission des lois nest donc pas la traduction de lesprit du texte, sa dématrimonialisation ayant été la préoccupation principale des rapporteurs, mais est née dun désir den simplifier la lisibilité. Labsence de dispositions concernant ladoption, la filiation ou la procréation médicalement assistée marque tout dabord le souci de ne pas interférer avec le droit de la famille. Louverture de ces droits aux couples homosexuels nécessiterait, par ailleurs, un débat dans la société qui na pas eu lieu. Il est donc logique que le pacte ne concerne pas les enfants. Rappelons que la définition de la filiation exclut tout autre parent que les parents naturels. Pour autant, les séparations, les divorces, les adoptions conduisent parfois à ce que deux personnes de même sexe assument léducation denfants. Le libre épanouissement de lenfant étant une préoccupation essentielle, il est nécessaire de ne pas diaboliser des situations qui sont la conséquence de choix de vie respectables. Lors des auditions, les associations de parents homosexuels ont rappelé que les enfants dont ils avaient la charge nétaient pas issus dun couple de même sexe. Ces familles ne sont, il est vrai, le plus souvent, quun cas particulier de la situation beaucoup plus générale des familles recomposées. La définition de la famille retenue par lUNAF, comme étant une unité de personnes fondée sur le mariage ou la filiation ou lexercice de lautorité parentale englobe dailleurs cet ensemble de situations très diversifiées. Tout le monde saccorde à reconnaître que, sans entraver la liberté individuelle de chacun, ni intervenir dans les rapports de couples, les besoins de lenfant sinscrivent dans une nécessaire durée , souligne Mme Dominique Gillot, dans son rapport au Premier ministre sur la rénovation de la politique familiale. La stabilisation du lien de solidarité à lintérieur du couple quautorise le pacte civil de solidarité, alors que saccentue la précarisation sociale, est, à lévidence, un élément supplémentaire à prendre en compte si lon souhaite réellement renforcer lexistence dun cadre sécurisant pour lenfant lui-même. C. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS Le titre premier de la proposition de loi introduit dans le code civil les neuf articles fixant le régime du pacte civil de solidarité. Cest la traduction de la définition dun pacte comme convention solennelle. Elle répond à la volonté des rapporteurs de proposer une nouvelle définition du couple, qui ne soit plus seulement conçu comme ayant lapparence du mariage , pour reprendre les termes utilisés par la jurisprudence de la Cour de cassation. Larticle premier crée donc, dans le livre 1er Des Personnes du code civil, un titre XII traitant du pacte civil de solidarité. Lacte, simple, ne soppose ni à lunion libre, ni au mariage, mais constitue une voie nouvelle, offrant ainsi aux couples hétérosexuels trois modes de vie commune. Les couples homosexuels se voient, quant à eux, ouvrir, pour la première fois, un cadre de reconnaissance légal, annonçant une modification de la jurisprudence à leur égard, et donc la reconnaissance parallèle du concubinage dans leur situation. En effet, le pacte civil de solidarité est susceptible dintéresser deux personnes, quel que soit leur sexe, qui souhaitent organiser leur vie commune (article 2). Ne peuvent conclure un pacte deux personnes dont lune, au moins, est mariée ou déjà liée par un autre pacte, mais aussi les parents et leurs enfants, les beaux-parents et leurs beaux-enfants, les frères et les soeurs, les oncles et les tantes et leurs neveux et nièces. Ces dernières dispositions sont la traduction du souci de lisibilité qui a animé les rapporteurs lors du rapprochement des différentes propositions de loi. Les membres dune même famille bénéficient dun ensemble de droits et sont redevables dun ensemble de devoirs qui risquent, en effet, dentrer en concurrence avec ceux reconnus par le pacte civil de solidarité (article 3). La déclaration de la volonté de se lier par un pacte civil de solidarité se fait à la préfecture (article 4). Ce lieu a été finalement retenu pour que la neutralité de lEtat permette une application de la loi sans discrimination. A été ainsi pris en compte le souhait exprimé par plusieurs associations homosexuelles et lesbiennes, lors de leurs auditions. Lenregistrement du pacte au tribunal de grande instance, qui aurait pu sembler le mieux adapté à régir ce nouveau type détat des personnes, na rencontré que des oppositions de la part des associations auditionnées par les rapporteurs, quelle que soit leur approche du pacte par ailleurs. Le tribunal leur est apparu, en effet, comme symboliquement trop lié aux notions de conflit et de contentieux pénal. La déclaration est donc remise à la préfecture du département dans lequel les partenaires établissent leur lieu de résidence dun commun accord et est inscrite dans un registre. Elle figure parallèlement dans un registre tenu à la préfecture du lieu de naissance de chacun des partenaires, afin dassurer la publicité et la transparence nécessaires. Le pacte civil de solidarité prend fin par le décès, le mariage ou la volonté de lun des partenaires (article 8). Les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard. A défaut daccord, celles-ci sont réglées par le juge. Mention est portée de la rupture dans les deux registres préfectoraux où est mentionnée la déclaration de conclusion du pacte (article 9). Suivant la volonté des rapporteurs, et afin de renforcer la cohésion du couple concluant le pacte, les droits accordés le sont en contrepartie dobligations légales. Les partenaires se doivent une aide mutuelle et matérielle et sont tenus solidairement, à légard des tiers, des dettes contractées par lun dentre eux pour les besoins de la vie courante (article 5). Limposition commune pour limpôt sur le revenu est prévue à compter des revenus de lannée du troisième anniversaire de lenregistrement du pacte (article 10). Son incidence sur le montant de limpôt, qui sera recouvré lannée du quatrième anniversaire est, évidemment, variable suivant les situations, mais nest pas forcément avantageuse pour les partenaires, en particulier sils nont pas denfants et ont des revenus équivalents et faibles. Les partenaires font également lobjet dune imposition commune, pour limposition sur la fortune, ce qui est déjà le cas des concubins notoires (article 14). Par ailleurs, les partenaires pourront bénéficier de droits nouveaux. Les biens acquis postérieurement à la conclusion du pacte seront soumis au régime légal de lindivision (articles 6 et 7). Cette disposition a pour objet dassurer aux partenaires une réelle sécurité juridique pour la gestion de leurs biens. Le régime de la communauté réduite aux acquêts, initialement envisagé, a semblé, après laudition de différents spécialistes, dont les représentants du Conseil supérieur du notariat, techniquement peu adapté à la souplesse requise par le pacte, et reste réservé aux conjoints. La perception des droits de mutation à titre gratuit, successions et donations, prévoit un abattement de 250 000 francs sur la part du partenaire lié au prédécédé ou au donateur depuis au moins deux ans (article 13), et le tarif des droits de succession est abaissé à 40 % pour la part nette taxable nexcédant pas 100 000 francs et à 50 % au-delà, sous les mêmes conditions de délai (article 12). Enfin, diverses dispositions, applicables aux concubins, sont étendues à tous les couples liés par un pacte, sans distinction de sexe. Il sagit, en cas dabandon de domicile par le locataire titulaire du bail, de la continuation de celui-ci par le partenaire justifiant dun an de pacte, ou en cas de décès, de son transfert, dans les mêmes conditions (article 20). Symétriquement, le partenaire ou ses enfants peuvent bénéficier de la reprise du logement par le bailleur, sous la même condition de délai (article 21). Le partenaire lié par un pacte à un assuré social peut avoir la qualité dayant-droit de lassuré sil se trouve à sa charge effective, totale et permanente, sans délai (article 15). La législation du travail est modifiée afin que les partenaires puissent bénéficier de la prise en compte, pour la fixation par lemployeur de lordre des départs en congés payés annuels, des possibilités de congé de lautre, dans les secteurs publics ou privés, ou du droit à un congé payé annuel simultané pour les partenaires travaillant dans la même entreprise. Il sera possible dobtenir un congé exceptionnel, en cas de décès de lun dentre eux (article 16). Le lien établi par le pacte civil de solidarité est également pris en compte dans un certain nombre de cas. Les fonctionnaires liés par un pacte, séparés pour des raisons professionnelles, se voient reconnaître une priorité de rapprochement de leurs affectations (article 19). Le fait, pour un étranger, davoir conclu un pacte est pris en compte, dans lappréciation de ses liens personnels en France, pour la délivrance dun titre de séjour (article 17). Si son partenaire est Français et que le lien qui les unit a au moins un an, le pacte devient un élément dappréciation de son assimilation à la communauté française sil fait une demande de naturalisation (article 18). Lensemble de ces dispositions devrait permettre aux personnes non mariées qui souhaitent conclure un pacte civil de solidarité de bénéficier dun ensemble de mesures mettant fin aux aspects les plus précaires de leur vie à deux. D. QUELQUES COMPLÉMENTS NÉCESSAIRES Lélaboration commune, par les deux rapporteurs, du texte proposé à la commission des lois puis adopté par elle, a limité lintervention du rapporteur dans son avis devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à suggérer quelques ajustements, sous forme damendements, apparus, au cours des auditions, ou des débats en commission, comme nécessaires. Ces modifications ont visé soit à renforcer la protection du plus faible en cas de rupture, soit à rappeler que le pacte se réfère à la notion de solidarité. Un premier amendement, à larticle 9, concerne la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité. Il prévoit un délai de trois mois au moins entre la notification au partenaire et leffet de la décision de rupture, afin den rendre les conséquences mieux maîtrisables par le partenaire non consentant. Deux amendements aux articles 12 et 13 visent à supprimer le délai de deux ans de pacte pour bénéficier du calcul préférentiel des droits de mutation à titre gratuit pour les donateurs ou les défunts reconnus atteints dune pathologie grave. En labsence de précédent, et afin déviter toute remise en cause du secret médical, la liste retenue est celle des affections de longue durée au sens des 3° et 4° de larticle L. 322-3 du code de la sécurité sociale, cest à dire comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie après avis du haut comité médical (les 30 maladies définies à larticle D. 322-1 du même code) ou lorsque le bénéficiaire a été reconnu par le contrôle médical atteint dune affection non inscrite sur la liste mentionnée ci-dessus, et comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse (la 31ème maladie ). Il a semblé en effet particulièrement souhaitable de ne pas opposer un délai, en matière de succession, à des personnes malades. Le représentant de la Lesbian and gay pride, comme celui dAct up, lors de leurs auditions par les rapporteurs, ont souligné laspect humanitaire quaurait une telle mesure à légard des victimes du Sida. Une série damendements aux articles 20 et 21, enfin, ont pour objet de supprimer le délai dun an pour que le partenaire puisse bénéficier de la continuation ou du transfert du bail en cas de disparition ou de décès du locataire titulaire et, symétriquement, pour lexercice du droit de reprise, par le bailleur, au profit de son partenaire ou de ses descendants. Ces amendements alignent la situation des partenaires dun pacte sur les couples mariés, ce qui, compte tenu de la réalité de lengagement quil matérialise, semble naturel. En outre, les difficultés rencontrées en matière de logement et lexclusion que labsence de solutions entraîne trop souvent, rendent particulièrement souhaitable leur adoption. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, pour avis, les conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République, sur les propositions de loi de M. Jean-Pierre Michel, visant à créer un contrat dunion civile et sociale (n° 88), de M. Jean-Marc Ayrault, relative au contrat dunion sociale (n° 94) et de M. Georges Hage, relative aux droits des couples non mariés (n° 249), au cours de ses séances des mercredi 30 septembre et jeudi 1er octobre 1998. Le président Jean Le Garrec a souligné lintérêt du texte relatif au pacte civil de solidarité (PACS) qui crée un droit nouveau en donnant un statut juridique minimal aux couples vivant en concubinage, cest-à-dire à environ cinq millions de personnes. Le texte proposé par la commission des lois ne vise nullement à remettre en cause le droit du mariage et de la famille et ninterfère en rien avec les droits des enfants. Par contre, il illustre parfaitement le principe de neutralité qui doit guider laction législative dun Etat républicain. En effet, celui-ci na pas à porter de jugement sur des choix individuels de vie privée mais doit régulièrement réfléchir et faire le bilan de lévolution de la société afin dadapter le droit positif. Il est souhaitable, enfin, quà limage de ce qui sest passé lors de lexamen des différentes propositions de loi par la commission des lois, les débats de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur ce sujet se déroulent dans un esprit de tolérance et de sérénité. Le rapporteur pour avis a tout dabord situé historiquement la proposition faite aujourdhui par trois groupes politiques de créer un statut pour les personnes souhaitant voir reconnaître juridiquement leur projet de vie en commun. Au début des années quatre-vingt dix, cette revendication a été portée par des associations homosexuelles qui, confrontées au développement de lépidémie de sida, demandaient que lexistence dun lien de solidarité au sein des couples homosexuels soit reconnue par le droit. Cette démarche pouvait clairement se lire comme un prolongement de la reconnaissance juridique de lhomosexualité opérée durant les années quatre-vingts (consécration du principe de non-discrimination en droit du travail ou du logement notamment). La première proposition de loi relative au contrat dunion civile a ainsi été déposée en 1992. Deux des dispositions de ce texte (le transfert de la qualité dassuré social et le transfert de droit au bail) ont été reprises dans le cadre dun projet de loi portant diverses mesures dordre social (DMOS) et, si le transfert de droit au bail a été annulé par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure, le principe du transfert de la qualité dassuré social a, dès cette époque, été inscrit dans le droit positif. Désormais cependant, la revendication initiée par les associations homosexuelles est reprise par lensemble de la société et concerne tous les couples ayant un projet de vie en commun, ce dont on doit se féliciter. Il a ensuite rappelé quil y a environ six mois, Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, lui a demandé de travailler avec M. Jean-Pierre Michel sur lefficacité et la précision juridiques des dispositifs développés par les différentes propositions de loi, afin de lever toute ambiguïté sur la nature du projet et dapporter une réponse claire à la critique majeure dinstauration dun faux mariage . Ce travail de réflexion juridique a également été mené par la Chancellerie, puisque, dès 1997, M. Jacques Toubon avait demandé au professeur Jean Hauser de conduire une réflexion sur les conséquences financières de la séparation des couples, ce qui a notamment abouti à la présentation dun rapport développant la notion de Pacte dintérêt commun . Par ailleurs, Mme Irène Théry a été chargée par Mmes Elizabeth Guigou et Martine Aubry de la rédaction dun rapport portant sur les évolutions de la famille et les conséquences à en tirer en droit. Ce document, remis en juin dernier, propose notamment lélargissement de la notion de concubinage à deux personnes du même sexe, ce que ne reconnaît pas, jusquà aujourdhui, la jurisprudence de la Cour de cassation. Il ne sagit pas dune révolution, sauf peut-être sur le plan juridique. Le PACS a simplement pour objet de traduire dans le droit des évolutions de la société qui prennent en compte la réalité de la vie quotidienne de quatre à cinq millions de nos concitoyens. Suivant ladage que M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois, aime à reprendre : le fait génère le droit . Le traitement dun sujet de société comme celui-ci par une proposition de loi contribue à revaloriser limage du Parlement. Les conclusions de la Commission des lois sont laboutissement dun long processus de réflexion mené depuis 1990. Si elles nont pas fait lobjet dun avis du Conseil dEtat, elles ont été précédées dune concertation approfondie avec la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice. Il convient par ailleurs dajouter que les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont procédé, depuis le début du mois de septembre, à de nombreuses auditions et organisé une table ronde réunissant les associations familiales représentatives membres de lUNAF, ce qui a permis dajuster les dispositions du texte de la proposition de loi. Refusant toute démarche communautariste contraire au modèle républicain, le texte présenté na pas pour objet de créer un statut spécifique pour les couples homosexuels mais propose un cadre juridique unique applicable à deux partenaires, que ceux-ci soient de même sexe ou de sexe différent et visant à préciser et conforter certaines dispositions sociales applicables aux concubins. Ce faisant, la législation française se mettra en conformité avec le droit communautaire interdisant les discriminations en matière de sexualité. Après ladoption du texte, les couples hétérosexuels disposeront dune liberté de choix entre le mariage, lunion libre ou le pacte civil de solidarité. Il est très probable, parallèlement, que la création du PACS entraînera une évolution de la jurisprudence qui permettra daccorder aux couples homosexuels les mêmes droits que ceux reconnus aux concubins de sexe différent. Il faut également souligner que la proposition de loi ne touche en aucune manière le droit de la famille et les droits des enfants. Mais le PACS constituant un élément de stabilisation du couple, les relations entre parents et enfants sen trouveront renforcées. Le PACS est donc un moyen de reconnaître un nouveau lien social et dorganiser une solidarité active entre deux personnes. Il a enfin rappelé les principales dispositions de la proposition de loi. Larticle premier introduit le pacte civil de solidarité, qui sadresse aux couples composés de deux personnes physiques, dans le livre premier du Code civil. Lenregistrement du PACS sera effectué en préfecture. La proposition de loi énumère les devoirs résultant de la conclusion dun PACS : ils consistent en laide mutuelle et matérielle et en la solidarité à légard des biens pour les dettes contractées par lun des partenaires pour les besoins de la vie commune. La gestion des biens communs est assurée dans le cadre du régime de lindivision, les partenaires du PACS ayant toutefois la possibilité de choisir un autre système par un acte notarié. La rupture du PACS peut résulter du mariage, du décès, de la volonté de lun des partenaires ou bien dune décision commune. Le contentieux de la rupture relève du juge civil. En cas de rupture abusive, le partenaire lésé pourra, en application de larticle 1382 du Code civil et dune jurisprudence bien établie concernant le concubinage, se voir attribuer des dommages et intérêts. Le PACS ouvre droit à limposition commune des revenus des partenaires à compter de limposition des revenus de lannée du troisième anniversaire de lenregistrement du pacte. En matière de droits sur les successions ou les donations, un abattement de 250 000 francs sera effectué, les droits denregistrement sur les 100 000 francs suivants seront imposés au taux de 40 %, et au-delà, au taux de 50 %. Par ailleurs, les dispositions du code du travail relatives au droit aux congés payés sont étendues aux partenaires de PACS. Larticle 17 relatif à la prise en compte du pacte pour lattribution dun titre de séjour ne modifie pas la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à lentrée et au séjour des étrangers et au droit dasile mais a simplement pour objet déclairer son application : la conclusion dun pacte constituera simplement un des éléments dappréciation pour lobtention dun titre de séjour. En outre, des dispositions visent à permettre lattribution immédiate de la qualité dayant-droit par lun des partenaires lorsque lautre est assuré social et la continuation du bail. A la suite de lexposé du rapporteur pour avis, plusieurs intervenants se sont exprimés. M. Bernard Accoyer, tout en reconnaissant une certaine diversité de sensibilités parmi les membres du groupe RPR, a fait part de lopposition de la majorité de son groupe au Pacte civil de solidarité. Plusieurs raisons expliquent cette opposition : - Etant posée la nécessité du respect absolu du droit de chacun à vivre comme il lentend mais aussi de la protection de la famille, de la femme et des enfants, la proposition de loi, en ce quelle a pour objet essentiel de reconnaître juridiquement le couple homosexuel, touche à léquilibre même de la société. - De nombreux sujets de législation concernant notamment le domaine social et la lutte contre la précarité sont bien plus prioritaires que ce texte. - La proposition de loi constitue en fait une remise en cause du mariage qui est un des fondements essentiels de notre société. La volonté de légiférer sur la liberté de chacun à se comporter comme il lentend doit être repoussée. - Le texte fait lobjet dune présentation falsifiée alors que la proposition de loi a pour objectif premier daccorder un statut au concubinage homosexuel, celle-ci est désormais présentée comme un moyen daméliorer la situation des concubins hétérosexuels. - La totalité des autorités religieuses et de nombreuses autorités philosophiques et scientifiques incontestables se sont opposées à la proposition de loi et près de 20 000 maires, consultés par pétition, ont dores et déjà refusé lenregistrement des pactes dans les mairies. - Les conséquences sur les finances publiques et sociales, qui nont pas été évaluées, seront supportées par les couples mariés, les concubins hétérosexuels et les célibataires. - La protection des plus faibles, cest à dire de la femme et de lenfant, nest pas assurée. - Les conséquences du PACS en matière de mutation pour les fonctionnaires et de prise de congé dans les entreprises ne sont pas acceptables. En conclusion, après avoir constaté que les caricatures faites sur les positions des opposants au PACS montraient que lesprit de tolérance nest pas aussi répandu quon le croit, M. Bernard Accoyer a déclaré que si le groupe RPR ne conteste bien évidemment pas le droit à la différence et la liberté de chacun de conduire sa vie comme il lentend, il exprime un avis cependant défavorable à une proposition de loi qui lui apparaît dangereuse pour léquilibre social de la nation. Le président Jean Le Garrec, après avoir rappelé le droit de chacun à exprimer son opinion, a demandé aux membres de la commission de faire preuve de tolérance les uns envers les autres. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a déclaré faire partie du groupe de parlementaires qui sest intéressé à cette question de société depuis longtemps. Elle a indiqué rechercher si ce nouveau texte était en accord avec ses réflexions tant personnelles que partagées avec dautres sur les évolutions de notre société, et en particulier, sil prenait en compte trois types de publics : les couples hétérosexuels qui ne se sentent pas concernés par le mariage, les couples homosexuels et les couples ne fondant pas leur vie commune sur la sexualité ou la procréation. Elle a ensuite formulé différentes observations : - Le PACS et le mariage ne doivent pas être confondus ; bien que lenregistrement en mairie ne la choque pas, la préfecture lui semble une solution raisonnable. - Le PACS doit être ouvert aux frères et surs et aux membres dune même famille afin de satisfaire aux situations du troisième type de public, cela permettrait notamment de créer un nouveau mode de prise en charge des personnes handicapées. - Le PACS ne remet nullement en cause les droits à ladoption ou à linsémination artificielle qui demeurent des droits liés à lindividu. - Les droits corrélatifs aux devoirs ouverts par le mariage et par le PACS doivent être nettement délimités. - Le PACS, en tant que nouvelle structure juridique, est fondé sur un concept global de solidarité de vie, ce que ne sauraient régler des mesures parcellaires répondant à certaines situations de détresse. - Il convient de réfléchir aux conséquences du PACS, en termes de droits sociaux. Le droit aux avantages vieillesse, même si la demande nest pas illégitime, nest pas opportun au moment où les systèmes de retraite sont en voie dexplosion. Pour ce qui est des prestations familiales, le droit à celles-ci étant centré sur lenfant, le PACS na pas à traiter de ce problème. En revanche, la reconnaissance juridique de certains couples est de nature à diminuer les charges de la branche famille. - En dernier lieu, si lentrée dans le PACS est bien délimitée, la sortie mériterait dêtre mieux encadrée, par exemple par lintroduction de la notion de préavis en cas de rupture unilatérale du contrat, comme cest le cas dans beaucoup dautres domaines. Sous réserve de ces observations, Mme Roselyne Bachelot-Narquin sest déclarée favorable à la proposition de loi. M. Pierre-Christophe Baguet sest interrogé sur la protection du partenaire le plus faible dans un tel type de contrat ainsi que sur les risques dinégalité entre les enfants nés dans le mariage et ceux nés dans le PACS. Par ailleurs, le PACS accroîtra certainement les risques de fraude fiscale et de fraude en matière de séjour des étrangers et daccès à la citoyenneté. Ce texte est donc plus porteur de conflits que de solidarité. Mme Catherine Génisson a déclaré quelle voterait avec fierté et sérénité la proposition de loi et a affirmé sa volonté dintroduire, parmi les publics bénéficiaires, les couples de personnes ne partageant pas une vie sexuelle ou affective. M. Bernard Perrut, après avoir rappelé que la déclaration universelle des droits de lhomme de 1948 stipule que la famille est lélément fondamental de la société sest opposé à lidée que le fait génère le droit , en soulignant que, par exemple, si tous les Français se mettaient à rouler à 200 à lheure ou à voler, les règles en matière de limitation de vitesse ou de protection des biens ne devraient pas en être changées pour autant. Il est vrai que la vie affective et privée de chacun doit être respectée mais le PACS crée dans le code civil un sous-mariage et tend à ériger un nouveau modèle de couple. Le professeur Hauser, cité par le rapporteur, a dailleurs déclaré dans la presse sa préférence pour un contrat de droit privé et non un contrat public et officiel. Enfin, le PACS recèle trois inconvénients majeurs : - les fichiers de contractants tenus à la préfecture pourraient représenter une atteinte à la liberté individuelle ; - les enfants sont les principales victimes de ce contrat ; - des risques de fraude existent (fraude fiscale ou de fonctionnaires souhaitant accélérer une mutation). Mme Christine Boutin a indiqué que son groupe avait adopté une position de principe contre ce texte mais quil laissait la liberté de vote à ses membres. Cette opposition est justifiée par le fait que lEtat se doit de protéger le plus faible, à savoir lenfant dans le cadre de la famille. On ne peut pas justifier le PACS par la neutralité de lEtat républicain car lEtat nest jamais neutre même lorsquil décide de lêtre. En fait, le PACS est une nouvelle attaque de la majorité actuelle contre la famille. Mme Dominique Gillot a considéré quil nétait plus possible de parler de la famille uniquement sur une base patrimoniale. Les familles non-mariées sont de fait de plus en plus nombreuses. Il a été reconnu, lors de la conférence nationale sur la famille en juin dernier, que cétait lenfant qui était à la base de la famille. Or le PACS ne concerne pas lenfant. Il vise uniquement à apporter des réponses concrètes à des situations dexclusion de droit commun. Adapter le droit à lévolution des murs au moyen du PACS ne remet en cause ni le mariage ni lunion libre. Il sagit dorganiser une solidarité réciproque sur la base dun projet de vie commune inscrit dans la durée, sans poser le problème de la filiation. Chacun conserve donc sa liberté de vie individuelle et peut choisir entre mariage, union libre ou PACS. A cet égard, la proposition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin visant à nécarter personne du bénéfice possible du PACS doit être soutenue. Il serait également souhaitable que la mairie, qui est le lieu identifié par tous pour lexercice de la vie citoyenne, soit le lieu denregistrement administratif du PACS. M. Noël Mamère a affirmé quil était du devoir de lEtat dadapter le droit à lévolution de la société. Il faut bien reconnaître que le mariage nest plus aujourdhui le seul garant de la famille. Aucune autorité, même religieuse nest par ailleurs incontestable en démocratie et on doit sinscrire en faux contre la prétendue pétition des maires mentionnée par M. Bernard Accoyer car celle-ci sappuyait sur des informations parfaitement erronées. La proposition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin visant à élargir le PACS aux personnes seules ayant des liens de solidarité entre elles, les frères et surs par exemple, est une bonne initiative qui doit être soutenue car elle apportera notamment un élément de cohésion sociale dans le monde rural. Les députés verts souhaitent que le choix soit possible, pour lenregistrement du PACS, entre la préfecture et la mairie. Ils sont également favorables à la suppression des délais nécessaires pour bénéficier dune imposition commune adoptés par la commission des lois. M. Gérard Lindeperg a précisé que la question qui avait été posée aux maires sur le mariage des homosexuels navait rigoureusement rien à voir avec le texte du PACS discuté au Parlement. Il sagit uniquement dune caricature grossière et dune opération de désinformation comme il y en eut sur dautres textes de société comme la contraception ou linterruption volontaire de grossesse. Il ne faut pas perdre de vue la perspective historique qui souvre au législateur aujourdhui de prendre ses responsabilités au vu des évolutions de la société. Le débat doit donc être à la hauteur de lenjeu. Concernant le problème de lenregistrement du PACS, le choix de la préfecture permet déviter tout fantasme fondé sur de telles ambiguïtés et donc davoir un véritable débat de fond. M. Jean-Claude Boulard a évoqué la mémoire de Jean-Louis Bory, professeur à Henri IV, qui lui avait indiqué, il y a déjà de cela vingt ans, combien il était très difficile à des personnes de milieux sociaux défavorisés dexercer leur liberté individuelle et dassumer leur choix de vie différent de ceux de la majorité. Le PACS permet de répondre à ses attentes. Le rapporteur pour avis a ensuite apporté aux différents orateurs les réponses suivantes : - Affirmer que le pacte civil de solidarité ne concernerait que les homosexuels est une erreur dans la mesure où il est expressément prévu quil peut être conclu entre deux personnes physiques, quel que soit leur sexe. La société sest bien appropriée une revendication dassociations homosexuelles. Beaucoup de couples hétérosexuels sont, en effet, à la recherche dun cadre juridique nouveau qui contribue à stabiliser leur relation et dont pourront profiter leurs enfants. Selon le professeur Hauser les couples qui souscriront un PACS acquerront les notions de droits et dobligations qui échappent trop souvent aux couples mariés, malgré la lecture des articles 212 à 214 du code civil par le maire au cours de la cérémonie du mariage. - Il est clair que la mise en place du PACS pourra globalement avoir pour conséquence une diminution de recettes fiscales. En revanche il nen sera pas de même pour les dépenses sociales puisque certaines allocations attribuées sous condition de ressources, voire disolement, pourront ne plus être versées. - On ne peut pas ramener la protection du plus faible à celle de la femme ou des enfants. Les évolutions actuelles du monde professionnel et de la société montrent que cette question est autrement plus complexe. - Le PACS ne traite pas du statut des enfants mais de celui du couple. Il naborde donc ni les questions de filiation ni de lexercice de lautorité parentale, qui est un aspect essentiel de notre vie sociale, Ce sujet cependant, qui peut être rapproché des phénomènes dexclusion et des cas de déshérence familiale mériterait dêtre examiné dans un cadre législatif approprié. - Les mairies semblaient être naturellement linstance privilégiée denregistrement du PACS, ne serait-ce que parce quelles peuvent exercer un contrôle efficace. Toutefois, il apparaît souhaitable déviter que cette question ne devienne un éventuel enjeu de campagne électorale. En outre, les conséquences de la campagne auprès des maires font redouter le risque déventuelles discriminations à légard des couples homosexuels. - Pour ce qui concerne les fichiers, la proposition de loi prévoit que la CNIL sera consultée à leur sujet afin que les libertés individuelles soient totalement respectées. Rendant hommage à Mme Roselyne Bachelot-Narquin pour son engagement personnel sur la proposition de loi, le rapporteur pour avis a ensuite indiqué que lextension du PACS aux fratries mérite réflexion. La proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Michel prévoyait dailleurs den faire bénéficier les collatéraux. Sagissant de lencadrement du droit de rupture unilatérale, cest un sujet auquel il convient de réfléchir afin de ne pas entrer en contradiction avec le droit des contrats, qui privilégie la liberté des parties. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a précisé quil nétait pas question de maintenir le contrat mais, dans le but de protéger le cocontractant qui na pas souhaité la rupture, déviter de mettre brutalement fin au soutien dont il bénéficiait, en prolongeant, pendant une durée limitée, les obligations liées au PACS. II.- EXAMEN DES ARTICLES Article 1er Insertion des articles relatifs au pacte civil de solidarité dans le livre premier du code civil La commission a examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin visant à supprimer larticle premier de la proposition de loi. Le rapporteur pour avis a souligné quun tel amendement tendait à placer le dispositif du pacte civil de solidarité en dehors du Code civil. Or les dispositions du titre premier de la proposition se rattachent toutes au livre premier du code civil qui sintéresse aux personnes, la proposition de loi créant un titre XII à la fin du livre premier spécifiquement consacré au PACS. Il ne saurait être question de remettre en cause cet ordonnancement. La commission a rejeté lamendement, puis a donné un avis favorable à ladoption, sans modification, de larticle 1er. Article 2 Définition du pacte civil de solidarité Le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable sur un amendement déposé par Mme Christine Boutin, visant à supprimer larticle 2, en faisant valoir que celui-ci constituait un dispositif essentiel de la proposition de loi. La commission a rejeté lamendement, puis a donné un avis favorable à ladoption, sans modification, de larticle 2. Article 3 Empêchements à la conclusion dun pacte civil de solidarité La commission a examiné un amendement de Mme Roselyne Bachelot-Narquin supprimant linterdiction de conclure un PACS entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusquau troisième degré inclus. Le rapporteur pour avis a observé que cet amendement visait le troisième public que sont les couples qui ne sont pas fondés sur la sexualité. Il sagit de permettre à des membres dune même famille, y compris aux ascendants et descendants en ligne directe, de bénéficier de la possibilité de conclure un PACS. Cet amendement confère une dimension différente au débat, le dispositif retenu ayant été recentré, dans ce cadre juridique nouveau, sur le couple. Le travail mené avec M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois, a consisté à détacher la discussion du PACS des questions touchant la famille et les enfants. Lamendement présenté par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, en ouvrant le PACS à la famille, conduit à aborder dautres thèmes, comme ceux de ladoption ou de la procréation médicalement assistée, qui nont pas fait lobjet de débats dans la société et qui ne figurent pas dans la proposition de loi. En outre, il introduit un certain nombre de difficultés en matière de droits de succession. Il convient de rappeler que les frères et les surs ont un droit légal à lhéritage. Or les taux des droits de mutation auxquels ils sont soumis sont plus favorables que ceux prévus dans le cadre du PACS. Les frères et soeurs ayant contracté un pacte civil de solidarité pourraient se trouver paradoxalement lésés dans leurs intérêts par rapport aux autres. Mais le débat sur cette question nest pas clos et se prolongera jusquau 9 octobre. La réunion de la commission des lois, saisie au fond au titre de larticle 88 du Règlement de lAssemblée nationale devrait permettre de prolonger et daffiner cette discussion. M. Claude Goasguen a fait remarquer que les arguments invoqués pour sopposer aux amendements consistant à intégrer les fratries dans le dispositif du PACS différaient dune commission à lautre. En commission des lois, largumentaire avancé a dabord porté sur des problèmes de droit pénal et sur la question, pour le moins incongrue, de linceste. Contrairement à ce que certains ont pu affirmer, les membres de lopposition ne sont nullement fermés à lidée de prendre en compte lévolution des rapports sociaux. Le législateur doit donc être capable dadapter les lois aux grandes mutations de la société. Lexclusion des collatéraux au dispositif du PACS ne se comprend pas dans le cadre proposé. Il faut par ailleurs relever que le PACS ne comporte pas dobligations juridiques dassistance entre les contractants ; les droits et les devoirs ne peuvent être assimilés à ceux prévus dans le cadre dun contrat de mariage. Il sagit dun contrat restreint qui permet aux intéressés de bénéficier, notamment, de certains avantages dordre social, fiscal ou en matière de logement. Du point de vue fiscal, il ne serait pas équitable dinterdire à deux éléments dune même famille ayant choisi de vivre ensemble de bénéficier de certains avantages, notamment si ces personnes sont à la fois isolées et financièrement défavorisées, alors que dans le même temps deux individus se connaissant à peine se verraient accorder le droit de signer un PACS et de bénéficier davantages fiscaux après une période de trois ans. Sagissant des droits de succession, il existe deux voies possibles pour remédier à lobstacle soulevé par le rapporteur pour avis : la première consisterait à adopter un amendement visant à ce que les collatéraux ayant passé un PACS ne soient pas lésés dans leurs droits par rapport à la situation qui eût prévalu en labsence de celui-ci. La deuxième résulte de létude de la jurisprudence : déventuelles difficultés en la matière se régleraient en effet aisément devant les tribunaux qui feraient prévaloir les liens familiaux sur le fait davoir contracté un PACS. Ainsi tant du point de vue juridique que du point de vue politique, les arguments développés par le rapporteur pour avis ne sont pas convaincants. M. François Goulard a souligné que si aucune obligation juridique nest prévue dans le texte, les avantages fiscaux apparaissent de fait comme la contrepartie dun certain devoir de solidarité liant les deux contractants. Il nest pas possible de refuser à deux personnes dune même famille, parfois âgées et sentraidant dun point de vue financier, de bénéficier, elles aussi, de ce dispositif. Le fait, pour certaines dentre elles, de vivre ensemble leur permet de bénéficier dune solidarité familiale renforcée, évitant ainsi leur prise en charge par la société. Le refus dintégrer les collatéraux ne sexplique que par le souci du ministre des finances de ne pas étendre le champ dapplication du dispositif pour des raisons budgétaires, mais nest pas justifiable du point de vue de léquité. M. Alfred Recours, après avoir déclaré récuser toute approche idéologique en la matière, a indiqué que le dispositif du PACS tendait à permettre des avancées importantes dans le domaine des droits et des libertés individuelles, en prenant en compte la volonté de vivre ensemble de personnes différentes. La question des collatéraux doit être prise en considération de façon sérieuse et les arguments dordre technique avancés par MM. Claude Goasguen et François Goulard ne sont pas dénués dimportance. Il convient de réfléchir à la façon dont ces obstacles techniques pourraient être levés à lavenir. Au cours des débats, il serait utile dindiquer quelles dispositions du droit de la famille, par exemple, pourraient être amendées afin de prendre en compte tous les aspects de cette question dans la législation. M. Roland Carraz a rappelé que le cas des collatéraux avait été initialement intégré dans les premières propositions visant à créer un contrat de ce type, de M. Autexier en 1992 et du Mouvement des citoyens en 1993, comme dans celle déposée par des députés du groupe RCV en 1997. Le débat est aujourdhui relancé par lamendement de Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Il convient de prendre en compte cette question dans le texte qui sera voté. Le rapporteur pour avis, après sêtre déclaré en accord avec lintervention de M. Alfred Recours, a estimé que le débat ne devait pas être fermé sur cette question et que les divers obstacles de nature technique mentionnés au cours des discussions devraient, à terme, trouver une solution. La proposition de M. Claude Goasguen tendant à résoudre la question des successions par ladoption dun simple amendement au texte sur le PACS ne peut être retenue car le problème posé savère dune grande complexité et implique de traiter très précisément lensemble des difficultés relatives aux taux, aux abattements et aux délais se posant en matière successorale. Le président Jean Le Garrec a indiqué que lamendement de Mme Roselyne Bachelot-Narquin ne pouvait être adopté en létat. Mais son examen a permis damorcer un débat sur cette question essentielle et sensible. Des problèmes techniques doivent être préalablement levés avant denvisager dintégrer le cas des collatéraux dans le dispositif. Le débat nest nullement clos. La commission a rejeté lamendement et a donné un avis favorable à ladoption, sans modification, de larticle 3. Elle a également donné un avis favorable à ladoption, sans modification, des articles 4 - Réception, inscription et conservation du pacte civil de solidarité, 5 - Obligations résultant du pacte civil de solidarité, 6 et 7 - Régime des biens acquis postérieurement à la conclusion dun pacte civil de solidarité, et 8 - Dissolution du pacte civil de solidarité. Article 9 Dissolution du pacte civil de solidarité La commission a examiné, en discussion commune : - un amendement de Mme Roselyne Bachelot-Narquin prévoyant que la décision du partenaire qui souhaite rompre unilatéralement le pacte civil de solidarité prendra effet, non plus dès sa notification, mais après un délai de trois mois pendant lequel les partenaires restent tenus à laide mutuelle et matérielle prévue par le PACS ; - un amendement de conséquence du même auteur précisant que pendant le délai précité le mariage des anciens partenaires nest pas autorisé ; - un amendement du rapporteur pour avis prévoyant que la rupture unilatérale du PACS doit avoir été notifiée au partenaire qui nen na pas pris linitiative trois mois au moins avant quil ninforme les services de la préfecture de sa décision. Le rapporteur pour avis, après avoir souligné que Mme Roselyne Bachelot-Narquin souhaitait, à juste titre, protéger le partenaire le plus faible , cest-à-dire celui qui ne prend pas linitiative de la rupture unilatérale, a souligné que la solution quelle proposait équivalait à maintenir lobligation daide qui lie les partenaires pendant les trois mois qui suivent la rupture du PACS ; or cette solution se concilie mal avec la nature contractuelle du PACS et le principe qui veut quun contrat cesse de produire ses effets dès sa rupture. Il a estimé que son amendement prenait en compte la préoccupation de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, tout en respectant le principe précité, en précisant que la formalité déjà prévue de la notification à lautre partenaire ait lieu au moins trois mois avant la prise deffet de la rupture du PACS. Par ailleurs, lamendement de conséquence présenté également par Mme Roselyne Bachelot-Narquin ne paraît pas opportun en tant quil crée un nouveau cas dempêchement au mariage. M. Claude Goasguen a souligné la complexité de la situation patrimoniale quentraînerait la rupture dun PACS suivie dun mariage, notamment du point de vue de lépouse, mal informée, de lancien partenaire. Par ailleurs, il a estimé souhaitable que la notification de la rupture du PACS se fasse par acte authentique afin déviter que certains puissent prétendre navoir pas reçu ladite notification. Le rapporteur pour avis, après avoir souligné que le problème évoqué par M. Claude Goasguen existait déjà en cas de divorces successifs ou de rupture dunions libres et que les juges étaient en mesure de le traiter sans innovation jurisprudentielle, a indiqué que la procédure de notification dune rupture unilatérale serait définie par décret. Le président Jean Le Garrec a estimé que lamendement du rapporteur pour avis paraissait mieux adapté pour atteindre lobjectif de protection du partenaire le plus faible poursuivi par Mme Roselyne Bachelot-Narquin et quen conséquence celle-ci devrait pouvoir sassocier au dit amendement. La commission a adopté lamendement du rapporteur pour avis rendant ainsi sans objet les deux amendements de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, puis elle a donné un avis favorable à ladoption de larticle 9, ainsi modifié. Elle a également donné un avis favorable à ladoption, sans modification, des articles 10 - Imposition commune au titre de limpôt sur le revenu, 11 - Application générale des règles liées à limposition commune en matière dimpôts directs et 12 - Tarif des droits sur les successions et donations. Article 13 Abattement en matière de droits sur les successions et donations La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis prévoyant que les dispositions réservant le bénéfice de labattement de 250 000 francs sur les droits de mutation à titre gratuit au partenaire survivant dun PACS conclu depuis au moins deux ans ne sappliquaient pas pour les donateurs ou les défunts reconnus atteints dune affection de longue durée visée aux 3° et 4° de larticle L. 322-3 du code de la sécurité sociale. Le rapporteur pour avis, après avoir rappelé quil navait pas été jugé possible de faire droit à la demande de prise en compte générale de la durée de vie commune antérieure à ladoption de la proposition de loi pour la computation des délais ouvrant droit à certains des avantages du PACS, a souligné quil paraissait en revanche justifié de ne pas soumettre au délai applicable à labattement sur les droits de mutation les personnes atteintes dune affection longue et coûteuse au sens du code de la sécurité sociale. M. Roland Carraz a souligné que, fort heureusement, toutes les personnes atteintes dune telle affection nétaient pas appelées à disparaître à brève échéance. Le rapporteur pour avis a estimé que la formule retenue avait lavantage de préserver le secret médical. La commission a adopté lamendement et a, ensuite, donné un avis favorable à ladoption de larticle 13, ainsi modifié. Elle a également donné un avis favorable à ladoption, sans modification, des articles 14 - Imposition commune au titre de limpôt de solidarité sur la fortune, 15 - Droits dérivés en matière dassurance maladie, 16 - Droits à congés, 17 - Prise en compte du pacte civil de solidarité pour lattribution dun titre de séjour, 18 - Prise en compte du pacte civil de solidarité dans lexamen dune demande de naturalisation et 19 - Priorité de mutation des fonctionnaires. Article 20 Continuation du contrat de location La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à ouvrir au partenaire lié au locataire par un PACS le droit à la continuation du bail en cas dabandon du domicile par le locataire, sans exiger un délai dun an de cohabitation, le rapporteur pour avis ayant souligné que ce droit au transfert du bail était déjà ouvert aux concubins hétérosexuels justifiant dun an de vie commune et que la gravité des problèmes de logement actuellement constatés expliquait que le délai dun an ne soit pas appliqué aux personnes liées par un PACS. La commission a ensuite adopté un amendement de conséquence du rapporteur pour avis supprimant le délai dun an de cohabitation pour la continuation du bail par le partenaire, en cas de décès du locataire en titre, puis elle a donné un avis favorable à ladoption de larticle 20, ainsi modifié. Article 21 La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à supprimer le délai dun an de cohabitation exigé pour quun bailleur puisse exercer son droit de reprise du logement loué au profit du partenaire auquel il est lié par un PACS ou de ses enfants, puis elle a donné un avis favorable à ladoption de larticle 21, ainsi modifié. Article 22 La commission a donné un avis favorable à ladoption, sans modification, de larticle 22. Article 23 Compensation des pertes éventuelles de recettes La commission a rejeté un amendement de suppression de larticle, gageant la proposition de loi, présenté par Mme Christine Boutin, le rapporteur pour avis ayant fait remarquer que cet article conditionnait la recevabilité et donc lexamen même de la proposition de loi ; puis elle a donné un avis favorable à ladoption, sans modification, de larticle 23. Sous réserve des amendements quelle a adoptés, la commission a donné un avis favorable à ladoption de la proposition de loi dans le texte adopté par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République. AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Article 9 (Art. 515-8 du code civil) Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, après le mot : procédé, , insérer les mots : au moins trois mois auparavant, . Article 13 Compléter le deuxième alinéa de cet article par la phrase suivante : Toutefois, ce délai ne sapplique pas pour les donateurs ou les défunts reconnus atteints dune affection de longue durée au sens des 3° et 4° de larticle L. 322-3 du code de la sécurité sociale. Article 20 Rédiger ainsi le I de cet article : I.- Après le troisième alinéa de larticle 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, insérer lalinéa suivant : - au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; . Article 20 Rédiger ainsi le II cet article : II.- Après le septième alinéa de larticle 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, insérer lalinéa suivant : - au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; . Article 21 A la fin du I de cet article, après le mot : enregistré , supprimer les mots : depuis au moins un an . I.- LISTE DES AUDITIONS AUXQUELLES MM. JEAN-PIERRE MICHEL ET PATRICK BLOCHE ONT PROCÉDÉ Act Up Paris Aides - Fédération nationale Association des maires de France (A.M.F.) Association des parents gays et lesbiens (A.P.G.L.) Centre Gay et Lesbien (C.G.L.) Collectif pour le contrat dunion sociale et le pacte civil de solidarité Comité pour la reconnaissance sociale des homosexuels (C.R.S.H.) Conférence des bâtonniers Coordination nationale lesbienne Conseil supérieur du notariat (C.S.N.) Contact Parents, familles et amis de gays et lesbiennes Homosexualités et socialisme Lesbian and gay pride - Paris M. Philippe MALAURIE, professeur émérite à lUniversité de Paris II Mouvement français pour le planning familial Ordre des avocats à la Cour de Paris Syndicat des avocats de France (S.A.F.) Union des familles laïques (U.F.A.L.) Union nationale des associations familiales (U.N.A.F.) M. Patrick BLOCHE a également organisé une table ronde regroupant six associations familiales membres de lU.N.A.F. : la Confédération des associations familiales catholiques, les Associations familiales protestantes, Familles de France, la Confédération syndicale des familles, la Confédération nationale des associations familiales laïques et Familles rurales, à laquelle assistait Mme Dominique GILLOT, auteur du rapport au premier ministre Pour une politique de la famille rénovée et rapporteur, pour la branche famille, du projet de loi de financement de la sécurité sociale. II.- TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS PROPOSITION DE LOI relative au pacte civil de solidarité TITRE PREMIER Article premier Le livre premier du code civil est complété par un titre XII intitulé : Du pacte civil de solidarité et comportant les articles 515-1 à 515-8. Article 2 Larticle 515-1 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-1. Un pacte civil de solidarité peut être conclu par deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour organiser leur vie commune. Article 3 Larticle 515-2 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-2. A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité : 1° entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusquau troisième degré inclus ; 2° entre deux personnes dont lune au moins est engagée dans les liens du mariage ; 3° entre deux personnes dont lune au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité . Article 4 Larticle 515-3 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-3. Le pacte civil de solidarité fait lobjet, à peine de nullité, dune déclaration écrite conjointe des partenaires organisant leur vie commune et remise par eux à la préfecture du département dans lequel ils établissent leur résidence dun commun accord. Les services de la préfecture linscrivent sur un registre et en assurent la conservation. Ils font porter mention de la déclaration sur un registre tenu à la préfecture du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à létranger, à la préfecture de Paris. Linscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au pacte. Les partenaires annexent au pacte une copie de leur acte de naissance et un certificat de la préfecture de leur lieu de naissance attestant quils ne sont pas déjà liés par un pacte. Les modifications du pacte font lobjet dun dépôt, dune inscription et dune conservation à la préfecture qui a reçu lacte initial. A létranger, la réception, linscription et la conservation du pacte, liant deux partenaires dont lun au moins est de nationalité française, sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français. Le dépôt, linscription et la conservation des modifications du pacte sont également assurées par ces agents. Article 5 Larticle 515-4 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-4. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sapportent une aide mutuelle et matérielle. Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte. Les partenaires sont tenus solidairement à légard des tiers des dettes contractées par lun deux pour les besoins de la vie courante. Article 6 Larticle 515-5 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-5. A défaut de stipulations contraires de lacte dacquisition, les biens des partenaires acquis postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de lindivision. Les biens dont la date dacquisition ne peut être établie sont également soumis au régime de lindivision. Article 7 Larticle 515-6 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-6. Les dispositions des articles 832 à 832-4 sont applicables au partenaire survivant. Article 8 Larticle 515-7 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-7. Le pacte civil de solidarité prend fin par la volonté, le mariage ou le décès de lun des partenaires. Article 9 Larticle 515-8 du code civil est ainsi rédigé : Art. 515-8. Lorsque les partenaires liés par un pacte civil de solidarité décident en commun dy mettre fin, ils remettent une déclaration conjointe écrite à la préfecture du département dans lequel lun dentre eux au moins a sa résidence. Les services de la préfecture linscrivent sur un registre et en assurent la conservation. Ils en font porter mention sur lacte initial, en marge du registre sur lequel a été enregistré celui-ci, ainsi quen marge du registre prévu au troisième alinéa de larticle 515-3. Lorsque lun des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il notifie à lautre sa décision. Il informe également de sa décision, ainsi que de la notification à laquelle il a procédé, les services de la préfecture qui ont reçu le pacte pour quil en soit porté mention sur celuici, en marge du registre sur lequel cet acte a été inscrit, ainsi quen marge du registre prévu au troisième alinéa de larticle 515-3. En cas de mariage, il adresse également une copie de son acte de naissance sur lequel est porté mention du mariage. Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de lun au moins des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de lacte de décès à la préfecture qui a reçu lacte initial pour quil en soit porté mention sur celui-ci, en marge du registre sur lequel ce pacte a été inscrit, ainsi quen marge du registre prévu au troisième alinéa de larticle 515-3. A létranger, la réception, linscription et la conservation de la déclaration, de la décision ou de la copie de lacte mentionnés aux premier, deuxième et troisième alinéas ainsi que leur mention en marge de lacte initial sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français. Les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard. A défaut daccord, celles-ci sont réglées par le juge. TITRE II Article 10 I. Le 1 de larticle 6 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé : Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à larticle 515-1 du code civil font lobjet, pour les revenus visés au premier alinéa, dune imposition commune à compter de limposition des revenus de lannée du troisième anniversaire de lenregistrement du pacte. Limposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot : ou . II. Après le 6 de larticle 6 du code général des impôts, il est inséré un 7 ainsi rédigé : 7. Chacun des partenaires liés par un pacte civil de solidarité est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé lannée au cours de laquelle une déclaration de rupture du pacte est enregistrée à la préfecture dans les conditions prévues à larticle 515-8 du code civil. Lorsque les deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune contractent mariage, les dispositions du 5 ne sappliquent pas. En cas de décès de lun des partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune, le survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. Article 11 Les règles dimposition et dassiette, autres que celles mentionnées au dernier alinéa du 1 et au 7 de larticle 6 du code général des impôts, les règles de liquidation et de paiement de limpôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du 1 de larticle 6 du code général des impôts sappliquent aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui font lobjet dune imposition commune. Article 12 I. Il est inséré, après le tableau III de larticle 777 du code général des impôts, un tableau IV ainsi rédigé : TABLEAU IV Tarif des droits applicables entre non-parents
II Dans lintitulé du tableau III de larticle 777 du code général des impôts, les mots : et entre non-parents sont supprimés. Dans la dernière ligne de ce tableau, les mots : et entre personnes non parentes sont supprimés. Article 13 Larticle 779 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé : III. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 250.000 F sur la part du partenaire lié au défunt depuis au moins deux ans par un pacte civil de solidarité défini par larticle 515-1 du code civil. Article 14 I Après le quatrième alinéa de larticle 885 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par larticle 515-1 du code civil font lobjet dune imposition commune. II Au II de larticle 885 W du code général des impôts, après les mots: Les époux , sont insérés les mots: et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par larticle 515-1 du code civil . III A larticle 1723 ter-00 B du code général des impôts, après les mots: Les époux , sont insérés les mots: et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par larticle 515-1 du code civil . TITRE III Article 15 Le premier alinéa de larticle L. 161-14 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante : Il en est de même du partenaire lié à un assuré social par un pacte civil de solidarité lorsquil ne peut bénéficier de la qualité dassuré social à un autre titre . TITRE IV Article 16 Les dispositions des articles L. 223-7, L. 226-1, troisième alinéa, et L. 784-1 du code du travail sont applicables aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Article 17 La conclusion dun pacte civil de solidarité constitue lun des éléments dappréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de larticle 12 bis de lordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions dentrée et de séjour des étrangers en France, pour lobtention dun titre de séjour. Article 18 Le fait pour un étranger dêtre lié à un Français depuis au moins un an par un pacte civil de solidarité, tel que défini par les articles 515-1 à 515-8 du code civil, est pris en compte pour apprécier son assimilation à la communauté française au sens de larticle 21-24 du code civil. Article 19 I. Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa de larticle 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de lEtat, après les mots : raisons professionnelles, , sont insérés les mots : aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité . II. Dans le deuxième alinéa de larticle 54 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après les mots : raisons professionnelles , sont insérés les mots : , les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité . III. Dans larticle 38 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, après les mots : raisons professionnelles , sont insérés les mots : , les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité . Article 20 I. Dans le quatrième alinéa de larticle 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, après le mot : ascendants, , sont insérés les mots : du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité, . II. Dans le huitième alinéa de larticle 14 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, après le mot : ascendants, , sont insérés les mots : au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité, . Article 21 I. Dans la deuxième phrase du premier alinéa du paragraphe I de larticle 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, après les mots : bailleur, son conjoint, , sont insérés les mots : le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré depuis au moins un an à la date du congé, . II. Dans la deuxième phrase du premier alinéa du paragraphe I de larticle 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, après les mots : ceux de son conjoint , le mot : ou est remplacé par les mots : , de son partenaire ou de son . Article 22 Les conditions dapplication de la présente loi sont fixées par décret en Conseil dEtat, après avis de la Commission nationale de linformatique et des libertés. Article 23 Les pertes éventuelles de recettes pour lEtat engendrées par les dispositions prévues ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Les pertes éventuelles de recettes pour la sécurité sociale engendrées par les dispositions prévues ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création dune taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 885 U et 575 A du code général des impôts affectée aux organismes de sécurité sociale. ________________
N° 1102. Avis de M. Patrick Bloche (au nom de la commission des affaires culturelles), sur les propositions de loi : |