Accueil > Archives de la XIème législature

Document

mis en distribution

le 18 novembre 1998

graphique

N° 1201

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI DE MME RAYMONDE LE TEXIER (N° 1069) visant à interdire l’achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fournitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l’enfant ne sont pas respectés.

PAR Mme Raymonde LE TEXIER,

Députée.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Enfants

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Franck Dhersin, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Yves Fromion, Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Mme Raymonde Le Texier, MM. Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Michel Péricard, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

1. Une proposition de loi issue des travaux du cinquième Parlement des enfants 5

2. Seules des actions au niveau international seront efficaces pour lutter contre le travail des enfants 6

3. Le dispositif de la proposition de loi initiale doit être adapté au regard des engagements internationaux souscrits par la France 11

a) Le dispositif de la proposition de loi initiale 11

b) L’obligation de respecter les engagements internationaux de la France 12

c) Le dispositif proposé par le rapporteur 14

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

Article premier : Indication par les fournisseurs de matériel scolaire de

la provenance des produits vendus 17

Article 2 : Vérification par les écoles que les fournitures scolaires ne proviennent pas de pays où les enfants travaillent 19

Article 3 : Interdiction de l’achat de fournitures scolaires provenant de pays où les droits de l’enfant ne sont pas respectés 20

Titre 21

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 23

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 25

INTRODUCTION

Le 20 novembre 1989 à New York, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. A l’occasion de la troisième journée nationale des droits de l’enfant1, qui permet d’en célébrer l’anniversaire, l’Assemblée nationale va examiner, à l’initiative de son président, M. Laurent Fabius, la proposition de loi n° 1069 dont le rapporteur est l’auteur. Celle-ci est en fait issue de la réflexion des enfants eux-mêmes, puisqu’elle provient directement du dernier Parlement des enfants, et elle concerne le respect des droits de l’enfant dans le monde, notamment l’interdiction du travail des enfants.

1. Une proposition de loi issue des travaux du cinquième Parlement des enfants

Le Parlement des enfants s’est déjà réuni à cinq reprises. Les deux premières années, en 1994 et 1995, les députés-juniors ont travaillé sur le thème de la démocratie et sur le rôle du député. Les trois dernières années, chacune des 577 classes de CM2 participant à l’opération a préparé une proposition de loi sur le sujet de son choix. Un jury composé d’enseignants a choisi pour chaque académie une proposition de loi qui a ensuite été soumise à un jury national, chargé de sélectionner dix textes qui sont soumis au vote des députés-juniors lors de la journée du Parlement des enfants.

En 1996, la proposition de loi retenue par le Parlement des enfants émanait d’une classe de la troisième circonscription du Val-de-Marne. Son député, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, l’a déposée en son nom sur le bureau de l’Assemblée nationale et elle est devenue, au terme d’un examen parlementaire normal, la loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 relative au maintien des liens entre frères et soeurs. En 1997, la proposition de loi des élèves d’une classe de la première circonscription d’Indre-et-Loire a été reprise par son député, M. Renaud Donnedieu de Vabres, pour devenir la loi n° 98-381 du 14 mai 1998 permettant à l’enfant orphelin de participer au conseil de famille.

Lors du cinquième Parlement des enfants, qui s’est réuni au Palais-Bourbon le 16 mai 1998, les 577 députés-juniors ont choisi par un vote, après un travail en commission et un débat dans l’hémicycle, de retenir la proposition de loi (n° 9) présentée par les élèves de la classe de CM2 de l’école Saint-Exupéry-2 de Sarcelles dans l’académie de Versailles, visant à interdire l’achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fournitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l’enfant ne sont pas respectés. Le rapporteur, qui est la députée de la huitième circonscription du Val-d’Oise où est située cette école, a déposé cette proposition de loi dans le texte rédigé par les enfants sur le bureau de l’Assemblée nationale le 17 juillet 1998.

Il faut avant tout souligner le message fort de solidarité et de générosité qu’ont exprimé les enfants en proposant, puis en adoptant ce texte. Plutôt que de souhaiter approfondir leurs propres droits en France, ils ont préféré penser aux enfants qui ont beaucoup moins qu’eux et dont la vie est perpétuellement mise en danger par des conditions de travail souvent inhumaines. Les jeunes sarcellois à l’origine de cette initiative reconnaissent avoir été particulièrement émus par des photos sur le travail des enfants dans le monde. Il leur a semblé fort justement tout à fait honteux que les consommateurs des pays occidentaux puissent acheter des produits fabriqués par des enfants dans des conditions aussi dangereuses pour leur vie et leur santé. C’est pourquoi ils souhaitent que toutes les écoles de France montrent l’exemple et deviennent ainsi des défenseurs actifs des droits de l’enfant dans le monde. A ce titre, cette proposition de loi mérite incontestablement d’être adoptée.

2. Seules des actions au niveau international seront efficaces pour lutter contre le travail des enfants

Lors de son audition par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 7 octobre 1997, Mme Carol Bellamy, directeur général de l'UNICEF, a confirmé qu’il y a 250 millions d'enfants entre cinq et quatorze ans qui font un travail pouvant être considéré comme une exploitation, qu'il s'agisse de produire des tapis, des chaussures de sport ou des ballons de football, sans compter le travail au foyer ou dans les champs. Des dizaines de milliers d’enfants doivent subir le travail forcé dans des conditions inhumaines et portant gravement atteinte à leur santé et à leur dignité.

Pourtant, plusieurs engagements internationaux prohibent ou limitent le travail des enfants. Ainsi, la Convention internationale relative aux droits de l‘enfant traite spécifiquement du travail des enfants dans son article 32. Celui-ci dispose que :

“ 1. Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

“ 2. Les Etats parties prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour assurer l’application du présent article. A cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des autres instruments internationaux, les Etats parties, en particulier :

“ a) fixent un âge minimum ou des âges minimums d’admission à l’emploi ;

“ b) prévoient une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d’emploi ;

“ c) prévoient des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l’application effective du présent article. ”

Cette convention a été signée et ratifiée par tous les Etats membres des Nations Unies, à l’exception de deux pays seulement : la Somalie (à cause de la disparition de toute structure étatique) et les Etats-Unis (par “ tradition ” diplomatique du Sénat américain). Il importe toutefois de noter qu’outre les pays musulmans ayant émis des réserves d’ordre général sur la convention en vertu de la loi coranique, cinq pays ont formulé des réserves spécifiquement sur l’article 32, à savoir la Chine2, l’Inde, la Nouvelle-Zélande3, le Royaume-Uni4 et Singapour. Il faut renvoyer à ce sujet au rapport d’information5 sur la protection des droits de l’enfant dans le monde de M. Jack Lang, président de la commission des affaires étrangères, qui présente un état détaillé de l’application par pays de la convention, notamment en ce qui concerne le travail des enfants.

La convention n° 138 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1973 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi fixe quant à elle les âges limites avant lesquels le travail des enfants est interdit : à quinze ans dans les pays développés et quatorze ans dans les pays en développement pour le travail régulier, à treize ans dans les pays développés et douze ans dans les pays en développement pour le travail occasionnel, et à dix-huit ans dans tous les pays pour le travail dangereux.

Pour prolonger cette convention et donner de nouveaux moyens d’action à l’organisation, le Bureau international du travail (BIT) a été chargé de préparer, pour la 87ème session de la Conférence générale de l’OIT qui doit se tenir en juin 1999 à Genève, une convention et une recommandation concernant l’interdiction et l’élimination effective des pires formes de travail des enfants, sur la base des conclusions adoptées par la conférence sur ce sujet en juin 1998.

De manière plus générale, le débat sur l’introduction d’une clause sociale dans les rapports commerciaux internationaux donne l’espoir de voir enfin effectivement combattu le travail des enfants. Il serait en effet judicieux de mettre en place, dans le cadre des travaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une forme de conditionnalité sociale : soit les pays qui ne respectent pas certaines normes sociales de base, notamment l’interdiction du travail des enfants, se verraient écarter des relations commerciales préférentielles et imposer des droits de douane compensateurs, soit les pays qui respectent ces normes se verraient octroyer des avantages supplémentaires. La France est notamment soutenue dans cette demande par les Etats-Unis, qui ont obtenu l’insertion d’une telle clause sociale dans l’accord de libre échange nord-américain (ALENA).

L’objectif ne doit pas être de remettre en cause les avantages comparatifs des économies à bas salaires (et de créer ainsi de nouvelles barrières commerciales indirectes), mais plutôt de créer les conditions indispensables à la promotion de la croissance de la demande intérieure et d’améliorer les conditions de travail dans ces pays. Cette question doit être explorée dans le cadre de l’OMC, seule institution internationale capable d’imposer au niveau mondial un consensus en la matière, tout en s’appuyant davantage sur l’expertise de l’OIT dans ce domaine. Un groupe de travail a été créé sur ce sujet à l’issue de la réunion de la première conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue à Singapour en décembre 1996. Il est indispensable qu’il aboutisse le plus rapidement possible à des conclusions opérationnelles et acceptables par tous, par exemple en prévoyant que les procédures d’examen des politiques commerciales nationales par l’OMC intègrent les droits fondamentaux de l’homme au travail, et notamment l’interdiction du travail des enfants.

Il faut se garder en ce domaine des résolutions à l’emporte-pièce, qui souvent aggravent le mal plus qu’elles ne le soulagent. Au Bangladesh par exemple, les menaces de boycott par les Etats-Unis des produits fabriqués dans des usines employant des mineurs ont entraîné des vagues de licenciements qui ont contraint les enfants à chercher du travail dans des conditions encore plus sordides, voire à s’adonner à la prostitution. Par contre, il faut souligner l’initiative de la chambre syndicale des industriels du textile de ce pays, importants employeurs de main-d'oeuvre infantile, qui a signé en juillet 1995 avec l'UNICEF et l'OIT un mémorandum d'accord aux termes duquel la branche s'engage à offrir à ses plus jeunes employés une formation scolaire en alternance avec le travail. Environ 8 000 enfants bénéficieraient actuellement de ces dispositions. Celles-ci ne sont toutefois pas sans effets secondaires, tant est forte la pression des familles pour l’utilisation des enfants assurant leur gagne-pain.

On comprend mieux dès lors l’attitude de beaucoup d’organisations non gouvernementales (ONG), associations et syndicats parfois regroupés en collectifs, qui militent plus pour l’amélioration des protections qui entourent l’enfant au travail que pour le relèvement de l’âge minimal requis. Ces mêmes ONG ont entrepris depuis quelques années des actions de sensibilisation sur le travail des enfants. Par des campagnes d’information sur la provenance et la fabrication de produits de certaines filières particulièrement exposées, dans le domaine du textile ou du matériel de sport et de loisirs par exemple, il s’agit de faire prendre conscience aux consommateurs des pays développés de la nécessité d’avoir un comportement de consommation citoyenne. On peut raisonnablement espérer en retour que les entreprises et les grands distributeurs occidentaux feront preuve de plus de vigilance dans le choix de leurs fournisseurs.

Il ne faut pas sous-estimer l’impact des pressions de l’opinion publique sur le thème du travail des enfants. Elles contribuent à sensibiliser les opinions mondiales, à dévoiler crûment certains problèmes et à dégager des moyens de pression. En France par exemple, des sondages concordants6 tendent à montrer que plus de 70 % des consommateurs seraient prêts à acheter des produits plus chers, à condition d’avoir l’assurance qu’ils n’ont pas été fabriqués par des enfants. Le coût supplémentaire en main-d’oeuvre qu’accepterait de payer le consommateur permettrait aux distributeurs d’exiger de leurs fournisseurs la qualité sociale de fabrication demandée. Sur cette base, le collectif “ De l’éthique sur l’étiquette ”, regroupant syndicats, associations de consommateurs et ONG, a proposé à plusieurs grands groupes de distribution français (Auchan, Carrefour, Décathlon,...) d’engager des négociations pour mettre en place de tels critères.

A l’initiative d’une cinquantaine de marques américaines, un accord a été conclu en février 1997 entre les autorités pakistanaises, l’OIT et l’UNICEF pour éliminer l’emploi des 7 000 enfants dans la fabrication de ballons de football cousus main, le Pakistan représentant 75 % de la production mondiale en la matière. De même, la fédération syndicale européenne du textile et de l’habillement a élaboré un code de bonne conduite encourageant les entreprises de ce secteur à respecter les droits sociaux fondamentaux définis par l’OIT. Le BIT a recensé plus d’une centaine de codes de bonne conduite, en vertu desquels de grandes firmes multinationales ayant recours à la sous-traitance dans des pays en développement (Levi’s, Artsana, Ikea ou Gap par exemple) s’engagent à respecter et faire respecter l’interdiction du travail des enfants de moins de quatorze ans, avec parfois la mise en place d’un organisme de contrôle indépendant auquel sont associés les syndicats.

Il faut enfin encourager la mise en place, au niveau de la Communauté européenne7, d’un label social dont les normes seraient précisément définies et concerneraient notamment la main-d’oeuvre enfantine. Sur le modèle du label écologique communautaire, il pourrait être octroyé aux entreprises acceptant le contrôle d’une autorité indépendante accréditée. A la différence du boycott, le label social est une solution se situant non pas à l’origine de la chaîne de fabrication, mais à l’issue de la chaîne de distribution. Il offre ainsi un effet amortisseur et donne du temps aux pays en développement pour s’adapter aux nouvelles dispositions. Le coût supplémentaire de main-d’oeuvre payé par le consommateur - qui serait d’accord pour payer un surcoût s’il a l’assurance d’acheter des produits sans exploitation d’enfants - permettrait aux distributeurs d’exiger de leurs fournisseurs la qualité sociale de fabrication demandée. Il est impératif que les contrôles soient sans faille car, face aux capacités publicitaires des grands groupes commerciaux, les moyens des ONG pour dénoncer le non-respect des engagements pris ont une portée limitée.

A cet égard, il faut soutenir activement l’initiative du Parlement européen qui a adopté en mai 1997 une résolution demandant notamment à la Commission européenne d’élaborer une directive rendant obligatoire l’apposition d’un label social sur les produits textiles, les chaussures et les tapis, indiquant que les droits des travailleurs ont été respectés. Dans cette même résolution, le Parlement européen souhaite également que de nouvelles préférences tarifaires soient accordées aux pays qui respectent effectivement les conventions de l’OIT sur le travail des enfants, dans le cadre du système de préférences généralisées (SPG)8.

3. Le dispositif de la proposition de loi initiale doit être adapté au regard des engagements internationaux souscrits par la France

a) Le dispositif de la proposition de loi initiale

Pour tenter d’apporter une solution au grave problème du travail des enfants dans le monde, les élèves à l’origine de la proposition de loi initiale ont souhaité que “ les écoles de France montrent l’exemple ” en n’achetant pas de matériel fabriqué par des enfants. A cette fin, ils ont proposé un dispositif législatif en trois articles qui constituent une gradation.

Larticle premier contraint les fournisseurs de matériel scolaire à mentionner sur leurs catalogues la provenance des produits vendus. L’intention des auteurs est de permettre aux acheteurs de pouvoir s’informer sur l’origine du matériel, afin de s’assurer (cf. article 2) qu’il n’est pas le résultat du travail des enfants. On doit toutefois s’interroger sur la pertinence juridique des notions utilisées. Il est difficile de définir précisément ce qu’est un fournisseur de matériel scolaire et un catalogue constitue un document de vente sans valeur juridique. Par ailleurs, on voit mal comment une telle obligation pourrait être imposée à des entreprises étrangères.

L’article 2 oblige les écoles ou les mairies à s’assurer qu’elles n’achètent pas des fournitures scolaires provenant de pays où les enfants travaillent pour les fabriquer. La définition des fournitures scolaires est ici plus précise puisque sont visées les commandes passées directement par les écoles élémentaires pour leur fonctionnement pédagogique. Il faut toutefois noter que ces écoles ne sont pas des établissements publics indépendants et que leurs dépenses sont imputées sur le budget de la commune dont elles relèvent9. Le texte de loi devrait donc viser les communes. Un décret pourrait étendre cette obligation aux coopératives scolaires qui sont des associations de droit privé.

L’article 3 enfin est un complément et une généralisation de l’article 2. Il vise à interdire l’achat de fournitures scolaires par les communes lorsqu’elles proviennent de pays où les droits de l’enfant en général, et pas seulement l’interdiction du travail des enfants, ne sont pas respectés. On peut considérer que ces droits sont ceux prévus par la Convention de New York du 20 novembre 1989 précitée. Etant donné que presque tous les Etats membres des Nations Unies ont ratifié cette convention, il semble difficile de trouver un critère juridique garantissant le respect par les Etats de cette convention, sauf pour la France à remettre en cause le principe fondateur du droit international de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat.

b) L’obligation de respecter les engagements internationaux de la France

Au-delà de ces premières observations qui rendent indispensable une adaptation de ce dispositif, il ne semble pas possible pour le législateur d’interdire, comme le souhaitent les enfants, l’achat par des personnes publiques de fournitures scolaires provenant de pays ne respectant pas les droits de l’enfant. En effet, les engagements internationaux de la France ne lui permettent pas d’invoquer un critère de nationalité dans ses relations commerciales et dans la passation des marchés publics.

Au sein de la Communauté européenne, l’article 6 du traité de Rome interdit toute discrimination entre Etats membres à raison de la nationalité. Ainsi la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a-t-elle jugé dans son arrêt Phil Collins du 20 octobre 1993 que “ les dispositions législatives nationales qui entrent dans le champ d’application du traité en raison de leurs effets sur les échanges intracommunautaires de biens et de services sont nécessairement soumises au principe général de non-discrimination posé par l’article 6 § 1, sans qu’il soit besoin de les rattacher aux dispositions spécifiques du traité. ”. Ce problème n’est pas seulement théorique car, ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Royaume-Uni a émis des réserves sur l’article 32 de la Convention de New York. De même, les autorités portugaises admettent qu’un certain nombre d’enfants sont employés dans la confection ou la chaussure et un problème similaire se poserait en Italie du Sud.

Le droit communautaire des marchés publics est ainsi fondé sur la libre circulation des marchandises et la non-discrimination. Les Etats membres restent libres d’édicter des règles nationales, matérielles et procédurales, à condition de respecter le droit commun et notamment les interdictions qui découlent des principes consacrés par le traité instituant la Communauté européenne. Les marchés des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sont soumis aux mêmes règles que ceux de l’Etat.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) repose également sur le principe de non-discrimination à raison de la nationalité, concrétisé par la clause de la nation la plus favorisée et par celle du traitement national, ce qui place en théorie tous les Etats parties sur un strict pied d’égalité. Les aménagements qui peuvent lui être apportés doivent être justifiés par la nécessité de circonstances particulières (avantages consentis à des pays en voie de développement ou accords à caractère régional par exemple). S’agissant de la France, les cas d’interdiction ou de limitation des importations de produits manufacturés sont très limités (pour des motifs de santé publique ou de sécurité nationale). Les marchés publics, intégrés dans le GATT en 1994, sont aussi soumis aux principes de libre concurrence et de non-discrimination10.

Les engagements internationaux de la France n’autorisent pas davantage l’instauration de barrières non tarifaires. Une disposition législative ignorant le critère de la nationalité pour viser le respect par les seules entreprises de l’interdiction du travail des enfants serait susceptible d’être considérée comme un obstacle non tarifaire à la libre concurrence internationale, prohibé en droit communautaire comme en droit international.

Les directives communautaires relatives aux marchés publics, transposées en droit français, prévoient une liste limitative des cas d’exclusion a priori des marchés (infraction à la législation fiscale, infraction à la législation relative aux charges sociales, fausse déclaration,...), ainsi que les moyens de preuve exigibles, de sorte qu’un Etat membre ne peut exiger d’un soumissionnaire établi dans un autre Etat membre qu’il fasse la preuve de ce qu’il remplit des critères autres que ceux énoncés par ces directives.

L’accord du GATT sur les marchés publics conclu à Marrakech en avril 1994 prévoit quant à lui une liste limitative de dérogations susceptibles d’être invoquées par un Etat, sous réserve qu’elles ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée au commerce international. Si le recours au travail forcé figure parmi les cas dérogatoires, il n’en va pas de même pour le travail des enfants.

S’il n’est donc pas possible d’interdire l’achat de produits fabriqués dans des pays où les droits de l’enfant ne sont pas respectés, il peut par contre être envisagé de mettre en place un mécanisme de discrimination positive visant à favoriser, au travers des marchés publics, les entreprises qui s’engageraient à ne pas avoir recours au travail des enfants. Un tel mécanisme pourrait reposer sur une clause incitative constituant un critère additionnel dans les marchés.

L’insertion d’un critère additionnel aux critères réglementaires dans les marchés publics doit être spécifiée dans l’avis d’appel d’offres et justifiée par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution. Si le Conseil d’Etat a pu considérer, dans son arrêt Fédération nationale des travaux publics du 10 mai 1996, que les mentions relatives à un critère additionnel constituent une simple déclaration d’intentions destinée à marquer l’intérêt porté par les cocontractants, sans que cette déclaration d’intentions puisse constituer un critère de choix qui se substituerait aux critères réglementaires ou même se bornerait à compléter ces critères réglementaires, il est loisible au législateur de fixer dans la loi un tel critère additionnel, sous réserve qu’il ne constitue pas un obstacle non tarifaire au sens des engagements internationaux souscrits par la France.

c) Le dispositif proposé par le rapporteur

Il serait ainsi possible de traduire dans la législation l’intention des enfants auteurs de la proposition de loi initiale et de respecter l’esprit de leur texte, qui est de ne plus acheter de fournitures scolaires fabriquées par les enfants, non pas en posant un impossible principe général d’interdiction, mais en incitant les collectivités et établissements publics à ne pas acheter de tels produits, tant pour l’enseignement primaire que secondaire. Elles auraient les moyens juridiques de s’informer sur l’éventuel emploi d’une main-d’oeuvre enfantine, à l’occasion de la discussion des offres et de la passation des marchés. Elles ne sauraient toutefois favoriser sur ce seul critère un candidat par rapport à d’autres entreprises qui auraient présenté des offres équivalentes. Tel est l’objet du nouvel article premier proposé par le rapporteur.

Pour prolonger cette action incitative visant en fait à faire pression sur les distributeurs sans leur imposer d’obligation, il serait également opportun de viser les fournitures scolaires qui demeurent à la charge des familles. Lorsque chaque enseignant présente la liste du matériel d’étude à usage individuel dont chaque élève doit être muni (cahiers, papeterie, vêtements de sport, instruments de musique, outillage de peinture,...), il serait tenu, en vertu du nouvel article 2, d’informer les élèves sur le recours à la main-d’oeuvre enfantine dans le monde pour fabriquer certains produits. Lorsqu’ils iront eux-mêmes effectuer leurs achats avec leurs familles, les enfants seraient particulièrement sensibilisés à ce problème et feraient attention dans leur choix. On peut considérer qu’une telle information s’inscrit pleinement dans le cadre de l’action d’éducation à la consommation que doivent déjà mener les enseignants à l’occasion des prescriptions d’achat de fournitures scolaires.

Les circulaires du ministre chargé de l’éducation n° 82-367 du 27 août 1982 et n° 83-254 du 1er juillet 1983, rappelées par les circulaires n° 88-201 du 10 août 1988 et n° 90-121 du 30 mai 1990, prévoient en effet de faire des élèves des consommateurs éclairés et clairvoyants, en leur apprenant à comparer les prix, à juger des qualités essentielles d’un instrument de travail, à établir un rapport qualité-prix ou à discerner la véritable utilité d’un objet derrière une présentation alléchante. Dans le cadre de cette proposition de loi, les éducateurs apprendraient aussi aux élèves à devenir des consommateurs-citoyens, soucieux du sort souvent moins enviable des autres enfants dans le monde.

Enfin, cette action pourrait être prolongée par la mise en place, dans le cadre de l’enseignement d’éducation civique et à tous les niveaux de la scolarité, d’un enseignement spécifique sur les droits de l’enfant tels que définis notamment par la Convention de New York, et sur la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte.

Les programmes d’éducation civique à l’école primaire, au collège et au lycée prévoient déjà, dans le cadre de la problématique générale des droits de l’homme, que les professeurs doivent sensibiliser les élèves aux droits de l’enfant, au regard notamment du texte de la Convention de New York. Il est à craindre que l’impact réel de cette disposition soit en fait réduit, en raison du temps trop limité qui y est consacré. Le succès de telles initiatives suppose par ailleurs de consentir un effort de sensibilisation et de formation à l’égard des enseignants comme de toutes les personnes amenées à être régulièrement au contact des enfants.

C’est pourquoi la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’état des droits de l’enfant en France11, dont le rapporteur a été membre, a proposé que des plaquettes adaptées aux jeunes enfants puissent être distribuées systématiquement à tous les élèves d’un niveau déterminé. De même un temps de la vie scolaire, bref mais effectif - par exemple peu après la rentrée -, pourrait aussi être consacré à la présentation de la Convention de New York et des droits de l’enfant.

Le nouvel article 3 propose ainsi de généraliser cet enseignement spécifique des droits de l’enfant dans le cadre des programmes d’éducation civique, sur le modèle de l’enseignement des droits de l’homme prévus par l’article 142 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions et des enseignements destinés à faire connaître la diversité et la richesse des cultures représentées en France prévu par l’article 2 de la loi n° 89-548 du 2 août 1989 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Ce nouvel article correspond à la volonté des auteurs de la proposition de loi initiale, qui consiste à viser les droits de l’enfant en général. Il correspond également à l’origine de leur démarche, qui a été d’effectuer “ un travail important sur les droits de l’enfant ” à l’école et de rencontrer de nombreuses personnalités compétentes, notamment des membres d’ONG.

*

Ainsi revu, le dispositif de la proposition de loi pourra s’intégrer dans la législation existante, conformément au droit international, et mettre en oeuvre les intentions des enfants. Ceux-ci auront ainsi grandement contribué à accélérer une prise de conscience de la nécessité de contribuer à l’élimination effective du travail des enfants dans le monde. Le cadre scolaire est particulièrement adapté au développement d’une telle démarche citoyenne.

Au-delà de son caractère largement symbolique, le texte est une invitation à aller beaucoup plus loin dans la défense des droits de l’enfant dans le monde. La France se doit de soutenir résolument cette juste revendication au niveau international. En effet, face à l’universalité du problème, seule une action multilatérale et concertée permettra d’obtenir des résultats tangibles.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de loi au cours de sa séance du mardi 17 novembre 1998.

Après l’exposé du rapporteur, le président Jean Le Garrec a considéré que le texte adopté par la commission devait avoir une dimension essentiellement incitative et un rôle pédagogique davantage que coercitif.

M. Germain Gengenwin a souhaité que le texte puisse être élargi pour prévoir la meilleure information possible des parents. En effet, il convient d’alerter les enfants comme les parents sur la situation des enfants qui travaillent, par exemple dans des usines de textile pour confectionner des vêtements commercialisés ensuite à bas prix. Le fait de sensibiliser les parents à ce problème permettrait d’éviter qu’ils achètent ce type de produits.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard a suggéré de faire connaître dans toutes les écoles de France le texte de la loi, une fois qu’elle sera adoptée, afin de sensibiliser les élèves sur ce sujet et de susciter des débats au sein des classes et des établissements.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, a indiqué que ces préoccupations seraient satisfaites par des amendements proposant la mise en oeuvre d’une action d’éducation sur le thème du travail des enfants.

La commission est ensuite passée à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article premier

Indication par les fournisseurs de matériel scolaire
de la provenance des produits vendus

La commission a examiné en discussion commune un amendement du rapporteur et un amendement présenté par M. Anicet Turinay proposant une nouvelle rédaction de l’article.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, a indiqué que l’article premier proposé par les enfants contraint les fournisseurs de matériel scolaire à mentionner sur leurs catalogues la provenance des produits vendus, afin de s’assurer qu’il n’est pas le résultat du travail des enfants. On doit toutefois s’interroger sur la pertinence juridique des notions utilisées. Il est difficile de définir précisément ce qu’est un fournisseur de matériel scolaire et un catalogue constitue un document de vente sans valeur juridique. Par ailleurs, on voit mal comment une telle obligation pourrait être imposée à des entreprises étrangères.

C’est pourquoi il est préférable de traduire dans la législation l’intention des enfants auteurs de la proposition de loi, qui est de ne plus acheter de fournitures scolaires fabriquées par les enfants, non pas en posant un impossible principe général d’interdiction, mais en incitant les collectivités et établissements publics à ne pas acheter de tels produits. Les établissements scolaires auraient ainsi les moyens juridiques de s’informer sur l’éventuel emploi d’une main-d’oeuvre enfantine, à l’occasion de la discussion des offres et de la passation des marchés. Ils ne peuvent cependant pas favoriser, sur la base de ce seul critère, un candidat par rapport à d’autres entreprises qui auraient présenté des offres équivalentes, en raison des règles du commerce international.

M. Anicet Turinay a déclaré s’associer à la proposition du rapporteur et a retiré son amendement.

M. Jean-Paul Durieux, après avoir considéré qu’il convenait de “ durcir ” quelque peu le sens du texte proposé par le rapporteur, a souhaité que les établissements “ veillent ”, et ne se contentent pas de “ s’efforcer de veiller ”, au respect de l’interdiction du travail des enfants.

M. Alfred Recours a exprimé la crainte que l’amendement, qui fait référence aux établissements publics, ne vise que les écoles des grandes villes car de nombreuses écoles élémentaires ne sont pas des établissements publics. Ce sont leurs directeurs qui achètent les fournitures et non les collectivités locales.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, a rappelé que le terme d’établissements publics recouvrait l’ensemble des collèges et des lycées. Les écoles sont quant à elles rattachées directement aux communes, qui sont des collectivités publiques.

M. Jean-Pierre Foucher a suggéré de ne pas faire référence à la notion d’établissement public pour les établissements scolaires, afin de couvrir sans ambiguïté possible toutes les écoles, collèges et lycées.

Le rapporteur a accepté de modifier son amendement dans le sens proposé par MM. Jean-Paul Durieux et Jean-Pierre Foucher.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur ainsi rectifié. L’article premier a été ainsi rédigé.

En conséquence, un amendement de M. Anicet Turinay prévoyant que les fournisseurs de matériel scolaire indiquent la liste des organisations humanitaires oeuvrant en faveur des enfants et un amendement de M. Pierre Carassus organisant un contrôle indépendant de l’obligation pour les entreprises d’indiquer la provenance des produits vendus sont devenus sans objet.

M. Pierre Carassus a toutefois souhaité marquer l’importance que les organisations non gouvernementales attachent à la question du contrôle des déclarations des entreprises. Pour que la proposition de loi ait un impact réel, il convient de faire en sorte que des organismes indépendants vérifient la fiabilité des informations délivrées par les fournisseurs. En l’absence de contrôle, ceux-ci peuvent en effet facilement contourner la législation en prétendant que les fournitures scolaires ne proviennent pas du travail des enfants, même si tel est bien le cas.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, après avoir souscrit aux intentions exprimées par M. Pierre Carassus, a observé que cette question devait être traitée au niveau communautaire. Le Parlement européen a demandé dans une résolution de mai 1997 qu’un label social soit mis en place. Cela permettrait de renforcer les mécanismes de contrôle, lesquels doivent permettre de contrebalancer les capacités publicitaires des firmes multinationales.

M. Jean-Pierre Foucher s’est interrogé quant aux suites effectives qui pourraient être données si les contrôles réalisés montraient que des fournitures scolaires ont effectivement nécessité le travail des enfants.

Le président Jean Le Garrec a convenu que le texte de la proposition de loi se situait dans un cadre seulement incitatif et qu’il correspondait en fait à une bataille politique devant être menée au niveau international contre le travail des enfants dans le monde.

Article 2

Vérification par les écoles que les fournitures scolaires
ne proviennent pas de pays où les enfants travaillent

La commission a examiné un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction de l’article.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, a indiqué que l’article 2 proposé par les enfants oblige les écoles ou les mairies à s’assurer qu’elles n’achètent pas des fournitures scolaires provenant de pays où les enfants travaillent pour les fabriquer. Cet objectif a été repris dans le nouvel article premier, dans un sens plus incitatif.

Pour prolonger cette action incitative tendant en fait à faire pression sur les distributeurs sans leur imposer d’obligation, il serait également opportun de viser les fournitures scolaires qui demeurent à la charge des familles. Lorsque chaque enseignant présente la liste du matériel d’étude à usage individuel dont chaque élève doit être muni (cahiers, papeterie, vêtements de sport, instruments de musique,...), il serait tenu d’informer les élèves sur le recours à la main-d’oeuvre enfantine dans le monde pour fabriquer certains produits.

Lorsqu’ils iront eux-mêmes effectuer leurs achats avec leurs familles, les enfants seraient particulièrement sensibilisés à ce problème et feraient attention dans leur choix. On peut considérer qu’une telle information s’inscrit pleinement dans le cadre de l’action d’éducation à la consommation que doivent déjà mener les enseignants à l’occasion des prescriptions d’achat de fournitures scolaires.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur. L’article 2 a été ainsi rédigé.

Article 3

Interdiction de l’achat de fournitures scolaires provenant de pays
où les droits de l’enfant ne sont pas respectés

La commission a examiné un amendement de suppression de l’article présenté par M. Anicet Turinay et un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction de l’article.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, a indiqué que l’article 3 proposé par les enfants est un complément et une généralisation de leur article 2. Il vise à interdire l’achat de fournitures scolaires par les communes lorsqu’elles proviennent de pays où les droits de l’enfant en général, et pas seulement l’interdiction du travail des enfants, ne sont pas respectés. Il semble toutefois difficile de trouver un critère juridique garantissant le respect par les Etats de cette convention, sauf pour la France à remettre en cause le principe fondateur du droit international de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat. Par ailleurs, une telle interdiction est contraire à tous les engagements commerciaux internationaux souscrits par la France.

C’est pourquoi il est préférable de mettre en place, dans le cadre de l’enseignement d’éducation civique et à tous les niveaux de la scolarité, un enseignement spécifique sur les droits de l’enfant en général, tels qu’ils sont définis notamment par la Convention de New York de 1989, et sur la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Cet enseignement compléterait utilement la formation aux droits de l’homme prévu par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Tel est l’objet de ce nouvel article 3, qui reprend une proposition formulée par la commission d’enquête sur l’état des droits de l’enfant en France.

M. Anicet Turinay a retiré son amendement de suppression compte tenu de la proposition faite par le rapporteur.

M. Jean-Paul Durieux a suggéré de compléter l’amendement du rapporteur par la nécessité d’assurer une information dans les classes sur le rôle des organisations humanitaires, comme cela avait été proposé par M. Anicet Turinay à l’article premier.

Le rapporteur a accepté de modifier son amendement dans ce sens.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur ainsi rectifié. L’article 3 a été ainsi rédigé.

Titre

La commission a adopté un amendement du rapporteur adaptant le titre de la proposition de loi pour tenir compte de la modification de ses articles.

La commission a ensuite adopté l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI VISANT À INCITER AU RESPECT DES DROITS DE L’ENFANT DANS LE MONDE, NOTAMMENT LORS DE L’ACHAT DES FOURNITURES SCOLAIRES

Article premier

Pour les achats de fournitures destinés aux établissements scolaires, les collectivités publiques et établissements concernés veillent à ce que la fabrication des produits achetés n’ait pas requis l’emploi d’une main-d’oeuvre enfantine dans des conditions contraires aux engagements internationaux.

Les renseignements correspondants peuvent être demandés à l’appui des candidatures ou des offres.

Article 2

Lors de la présentation de la liste des fournitures scolaires, les élèves reçoivent une information sur la nécessité d’éviter l’achat de produits fabriqués par des enfants dans des conditions contraires aux engagements internationaux.

Article 3

L’enseignement d’éducation civique comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation à la connaissance et au respect des droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Dans ce cadre est donnée une information sur le rôle des organisations non gouvernementales oeuvrant pour la protection de l’enfant.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article premier

Amendements présentés par M. Anicet Turinay

· Rédiger ainsi cet article :

“ Les établissements scolaires et les collectivités s’assureront, lors du choix de leurs fournisseurs en matériel et fournitures, que leurs marchandises n’ont pas fait appel à de la main-d’oeuvre enfantine pour leur fabrication. ”

(Retiré en commission)

· Compléter cet article par les mots : “ ainsi que le nom et les coordonnées des organisations humanitaires oeuvrant pour la protection de l’enfant. ”

(Devenu sans objet)

Amendement présenté par M. Pierre Carassus

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

“ Le respect de cette obligation fera l’objet d’un contrôle régulier indépendant selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat ”.

(Devenu sans objet)

Article 3

Amendement présenté par M. Anicet Turinay

Supprimer cet article.

(Retiré en commission)

__________

N° 1201.– Rapport de Mme Raymonde Le Texier (au nom de la commission des affaires culturelles), sur la proposition de loi de Mme Raymonde Le Texier (n° 1069) visant à interdire l’achat par les établissements scolaires et les collectivités locales des fournitures fabriquées par des enfants dans des pays où les droits de l’enfant ne sont pas respectés.

1 Le 20 novembre a été reconnu journée nationale des droits de l’enfant par la loi n° 96-296 du 9 avril 1996.

2 Le gouvernement chinois estimait en 1995 qu’il y avait entre 13 et 24 millions d’enfants entre six et quatorze ans non scolarisés.

3 Le gouvernement néo-zélandais a décidé de ne pas fixer d’âge minimum pour l’emploi car une telle limitation empêcherait les enfants d’acquérir une expérience professionnelle.

4 Le Royaume-Uni n’a toujours pas transposé la directive communautaire du 1er juillet 1994 interdisant le travail des enfants de moins de quinze ans et la presse s’est faite l’écho d’un pourcentage non négligeable d’enfants (jusqu’à deux millions, dont 500 000 de moins de quinze ans) effectuant des petits travaux.

5 Cf. Doc. AN n° 297 (XIème législature) déposé le 7 octobre 1997.

6 Etude du CCFD de 1997 ; sondage du CRC-Consommation de janvier 1998 effectué à la demande de la région Nord-Pas-de-Calais.

7 L’instauration d’un tel label social au seul niveau national n’est en effet plus possible depuis la mise en place du marché unique européen, qui supprime tout contrôle douanier aux frontières intérieures de la Communauté.

8 Il s’agit d’un régime incitatif de droits de douane instauré par la Communauté européenne au bénéfice de certains pays faisant des efforts particuliers dans le domaine social.

9 En vertu de l’article 14 de la loi du 30 octobre 1886 sur l’organisation de l’enseignement primaire et du I de l’article 14 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat..

10 Cf. article 2 de l’accord sur les marchés publics figurant à l’annexe 4 de l’accord instituant l’OMC.

11 Cf. Doc. AN n° 871 (XIème législature) déposé le 5 mai 1998.