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SOMMAIRE Pages Document mis en distribution le 20 novembre 1998 N° 1212 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 1998. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (n° 1072) modifiant larticle 88-2 de la Constitution, PAR M. HENRI NALLET, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Union européenne. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Vincent Burroni, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 I. UNE PIERRE DACHOPPEMENT : LA COMMUNAUTARISATION DUNE PARTIE DU TROISIÈME PILIER 7 A. APERÇU DES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITÉ 7 B. UN NOUVEAU STATUT POUR DES MATIÈRES RELEVANT DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES INTÉRIEURES 11 a) Une communautarisation partielle 12 b) Une communautarisation progressive 13 II. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ATTENDUE 16 A. UNE JURISPRUDENCE ÉVOLUTIVE 16 B. UNE DÉCISION PRÉVISIBLE 19 III. UNE RÉVISION CIBLÉE QUI MÉRITE DÊTRE COMPLÉTÉE 24 A. UNE RÉVISION À LA CARTE POUR UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ 24 B. UNE IMPLICATION ACCRUE DU PARLEMENT DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE 29 AUDITIONS de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice et de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes 35 DISCUSSION GÉNÉRALE 45 EXAMEN DES ARTICLES 51 Avant larticle unique 51 Article unique : Modification de larticle 88-2 de la Constitution 52 Article additionnel après larticle unique : Modification de larticle 88-4 de la Constitution 53 Après larticle unique 53 TABLEAU COMPARATIF 55 AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 57 ANNEXE : Linformation des parlements nationaux sur les projets dactes de lUnion européenne 61 MESDAMES, MESSIEURS, Traité de Rome, Acte Unique, Traité de Maastricht et, depuis peu, Traité dAmsterdam : quatre engagements internationaux qui scandent quarante ans dhistoire de la construction européenne et qui expriment, chacun à leur manière, la volonté des Etats signataires de construire, ensemble, non seulement une solidarité dintérêts mais, surtout, une communauté de destin. Bien sûr, tout sépare ces textes. Quoi de commun, en effet, entre le volontarisme enthousiaste que semble traduire le pacte fondateur de 1957 et le foisonnement technocratique, dune lisibilité politique incertaine, dun Traité dAmsterdam qui reflète si clairement les laborieux compromis ayant préludé à son adoption ? Pourtant, au-delà de limpatience des uns et des réticences des autres, en dépit de ses lacunes trop évidentes, le traité clôturant la conférence intergouvernementale ouverte à Turin le 29 mars 1996, signé le 2 octobre 1997, franchit néanmoins un nouveau degré dans lapprofondissement de la construction européenne. De fait, à côté de nombreuses mesures de simplification et de dispositions certes utiles mais peu mobilisatrices, cet accord principalement technique emporte aussi quelques améliorations de fond, quil sagisse de laffirmation des droits fondamentaux, du fondement juridique de la politique étrangère et de sécurité commune (P.E.S.C.) ou de la légitimation des politiques de coopération renforcées. Il prévoit aussi des potentialités de transferts de compétences au profit des institutions européennes, dans un domaine où les Etats membres se montrent habituellement sourcilleux, à savoir celui du franchissement des frontières, de la libre circulation des personnes et des politiques connexes, telles que celles ayant trait à lasile ou limmigration. Bien que déjà coutumier de ce que certains ont judicieusement appelé lhybridation juridique entre le droit communautaire dérivé et le droit interne, conscient, par ailleurs, que larticle 88-1 de la Constitution consacre la participation de la France à lUnion européenne, comment le législateur pouvait-il appréhender cette intrusion dans un registre intuitivement perçu comme un avatar de laction régalienne et de la souveraineté nationale ? Invité conjointement par le Président de la République et le premier ministre à se prononcer sur la compatibilité entre le Traité dAmsterdam et la Constitution en application de son article 54, le Conseil constitutionnel, confirmant une jurisprudence élaborée à loccasion de la décision concernant le Traité de Maastricht, a considéré sans que cela constitue au demeurant une surprise que les dispositions rendant possible la communautarisation des règles concernant le franchissement des frontières intérieures et extérieures et de la politique dasile et dimmigration portaient atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté . En conséquence, pour la deuxième fois depuis 1958, il a estimé quune révision de notre loi fondamentale était un préalable indispensable à la ratification dun engagement lié à la construction européenne. Tel est lobjet du projet de loi constitutionnelle qui nous est aujourdhui soumis. Daucuns verront dans cette option une preuve tangible de la dévalorisation de la Constitution, celle-ci étant adaptable au gré de lélaboration dun nouvel ordre juridique qui semble simposer à elle. Plus sûrement, la décision du Conseil constitutionnel permet avant tout de prévenir les obstacles juridiques à la ratification dun Traité qui a déjà, à cette date, été effectuée par neuf de nos partenaires (1). Mais aussi, elle place le souverain devant ses responsabilités, comme ly invite, dailleurs, larticle 54 de la Constitution. Somme toute, la caractéristique de lEtat souverain nest-elle pas la capacité de posséder la compétence de ses compétences ? A lévidence, le débat entourant la révision constitutionnelle ne peut être intellectuellement isolé de celui portant sur le fond du Traité puisque la modification de la Constitution est rendue nécessaire par la nature même des dispositions que celui-ci contient. Pour autant, il faut se garder de tout mélange des genres pour sen tenir à la problématique juridique soulevée par les juges constitutionnels et à la réponse qui lui est aujourdhui apportée par le présent projet. Même si cet équilibre peut apparaître instable, votre rapporteur et votre Commission des Lois nentendent pas outrepasser leurs compétences en saventurant sur le terrain de lopportunité du Traité. Un tel choix, auquel certains ne pourront évidemment se résoudre, ne pourrait que biaiser et affaiblir lintérêt du débat qui accompagnera lexamen du projet de loi autorisant sa ratification, au cours duquel chacun - quil soit thuriféraire, contempteur ou simplement réaliste - pourra à lenvie exprimer son point de vue. I. UNE PIERRE DACHOPPEMENT : LA COMMUNAUTARISATION DUNE PARTIE DU TROISIÈME PILIER Non-événement pour certains, fossoyeur de la souveraineté nationale pour dautres, moment décisif de la construction européenne pour quelques rares europhiles viscéralement optimistes, rarement texte jalonnant la construction européenne aura suscité autant dinterprétations contradictoires. Sil passe sans aucun doute à coté de lessentiel, cest-à-dire une véritable réforme institutionnelle préalable à lélargissement notamment en ce qui concerne la pondération des voix et la composition de la commission sil ne suinte pas dans toutes ses lignes lambition politique, le Traité dAmsterdam existe et ne doit cependant pas être négligé pour autant. Pas plus quun autre, ce document na jamais été présenté comme lapothéose de la construction européenne. Lexpérience montre, au contraire, que celle ci se dessine par touches successives au sein dun processus continu. Pour sen convaincre, il suffit de noter combien les orientations évoquées lors du sommet informel de Pörtschach peuvent être porteuses pour la dynamique de lintégration politique et économique de lEurope alors quon ne sy attendait guère. A. APERÇU DES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU TRAITÉ Si on laisse de côté les mesures de simplification et de consolidation des traités, les principales avancées peuvent être regroupées autour de cinq grands thèmes. Le premier traite des libertés, de la sécurité et de la justice. A ce titre, le Traité dAmsterdam enrichit celui sur lUnion européenne par le rappel des droits fondamentaux sur lesquels celle-ci est fondée et par le renforcement de limplication de cette dernière en faveur de la défense de ces mêmes droits. Parmi les principes explicitement mentionnés, figurent les droits sociaux fondamentaux, labsence de discrimination basée sur le sexe, la race, lorigine ethnique, la religion, les croyances, un handicap, lâge ou lorientation sexuelle ainsi que légalité entre hommes et femmes et labolition de la peine de mort. Mais, sagissant des droits fondamentaux, le plus intéressant est sans doute la mise en place dun double mécanisme de protection des droits. Le premier permet de sanctionner un Etat membre coupable dune violation grave et persistante des principes réaffirmés dans le Traité. Dans ce cas, le Conseil, réuni au niveau des chefs dEtat, statuant à lunanimité, constate linfraction et peut décider, à la majorité qualifiée, de priver lEtat incriminé de tout ou partie des droits quil détient en vertu du Traité. Le second mécanisme confirme la compétence de la Cour de justice des communautés européennes pour contrôler le respect des droits fondamentaux par les institutions de lUnion. Notons, par ailleurs, que le transfert du troisième pilier vers le premier des règles relatives au franchissement des frontières extérieures, aux conditions de délivrance des visas, à lasile et à limmigration (cf. infra), a pour conséquence de faire tomber ces matières dans lescarcelle de la Cour, sous certaines conditions. De même, sous réserve de laccord des Etats, celle-ci pourra connaître, par la voie de recours préjudiciels, de la validité et linterprétation des instruments juridiques adoptés dans le cadre du troisième pilier, cest à dire de la coopération policière, douanière et judiciaire en matière pénale. Les modalités de cette intervention sont toutefois définies par les déclarations effectuées par le Etats membres. Outre ce rappel des droits fondamentaux, le Traité se propose détablir progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice. Il sagit, tout dabord, de ce quil est convenu dappeler la communautarisation partielle du troisième pilier sur laquelle on reviendra spécifiquement. Il sagit, ensuite, de la rénovation du troisième pilier dont le champ est désormais limité à la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Certes, ces matières continuent à relever de la coopération intergouvernementale mais le Parlement européen est désormais consulté, la commission dispose dorénavant dun droit dinitiative partagé avec les Etats membres et la Cour de justice, selon des modalités particulières, devient compétente. Bien que le plus souvent formalisée en termes prudents, cette coopération bénéficie de deux outils juridiques nouveaux, la décision-cadre , sorte de directive qui fixe une obligation de résultat et la décision , obligatoire mais sans effet direct, utilisée pour des actes ne visant pas au rapprochement des normes. De surcroît, sont prévues les actions en commun, mesures de coopération concrètes, aussi bien en matière de police que de droit pénal ; à cet égard, le traité prévoit la possibilité dadopter des règles minimales communes relatives à la qualification des infractions et des peines. Soulignons, en outre, quEuropol, loffice européen de police, est sensiblement conforté et devient de jure loutil privilégié de la coopération policière. Enfin, cet espace de sécurité et de justice est mis en place grâce à lintégration de lacquis de Schengen dans le cadre de lUnion européenne, par le truchement dun protocole annexé au traité. Rappelons que les accords de Schengen, composés de laccord du 14 juin 1985 et de la convention dapplication du 19 juin 1990, ont été signés par tous les Etats membres, à lexception de la Grande-Bretagne et de lIrlande, un accord spécial ayant en outre été conclu avec lIslande et la Norvège. Lacquit de Schengen prévoit un régime de libre circulation des personnes entre les signataires, assuré par la suppression des contrôles aux frontières communes et des mesures compensatoires pour lutter contre limmigration clandestine et renforcer la sécurité (franchissement des frontières extérieures, visa, asile, coopération policière et judiciaire, système dinformation commun le S.I.S. ...). Pour éviter lempilement des normes Schengen et communautaires, le protocole précité procède à une intégration à la carte de cet acquis, certains éléments ayant vocation à figurer dans le pilier communautaire, dautres devant rejoindre le domaine de la coopération policière et judiciaire au sein du troisième pilier rénové. Plus réaliste quune communautarisation totale, plus efficace quune intégration globale au troisième pilier, cette option est cependant susceptible de soulever des difficultés, dès lors que tous les Etats membres ne sont pas parties au dispositif Schengen ; en outre, la ventilation des acquis entre troisième et premier piliers doit tenir compte du fait que ce dernier comprend désormais des éléments concurrents, tels que les modalités de franchissement des frontières intra-communautaires. Le deuxième thème majeur du Traité concerne lUnion et le citoyen. Le Traité de Maastricht ayant déjà abordé le concept de citoyenneté européenne, celui dAmsterdam sattache davantage à préciser les contours de certaines politiques. Il en est ainsi de lemploi, lUnion se fixant comme objectif un niveau demploi élevé, se dotant dune procédure pour la coordination de la politique de lemploi, adoptant en codécision des actions dencouragement et instituant un comité consultatif de lemploi. Au chapitre de la politique sociale, ressort surtout lintégration du protocole social et ladoption à la majorité qualifiée de mesures visant à encourager la coopération afin de lutter contre lexclusion. En matière denvironnement, le Traité incorpore parmi les objectifs de lUnion le principe du développement durable. Sagissant de la santé publique, le conseil pourra adopter, par la procédure de codécision, des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des organes et substances dorigine humaine, du sang et de ses dérivés, des mesures dans le domaine vétérinaire et phytosanitaire et des actions dencouragement. Après avoir affirmé le principe de la promotion des intérêts des consommateurs, le Traité prévoit ladoption selon la procédure de codécision et à la majorité qualifiée, de mesures de lutte anti-fraudes, sans sanctions pénales puisque celles-ci relèvent des Etats membres. Soulignons, enfin, que sollicité par la France, un nouvel article du Traité de la communauté européenne sauvegarde lexistence des services dintérêt économique général et que ce même traité reconnaît la spécificité des régions ultra-périphériques. Troisième axe du Traité, la politique étrangère et de sécurité commune (P.E.S.C.), est dotée dinstruments plus précis, à savoir les stratégies communes, les actions et positions communes, et les accords internationaux. Par ailleurs, les rôles de chacune des institutions sont clarifiées, le Conseil européen conservant sa place centrale alors que le conseil est confirmé dans sa responsabilité pour la mise en oeuvre de la P.E.S.C. Si le consensus reste le mode de décision au sein du Conseil européen, la majorité qualifié étend sa portée au Conseil dans le cas dactions prises dans le cadre dune stratégie commune, étant entendu que les Etats membres conservent le droit de veto pour raisons de politique nationale. En contrepartie, lorsque les décisions sont prises à lunanimité, un Etat peut désormais sabstenir sans empêcher ladoption de la mesure. Le quatrième thème est relatif aux institutions. Une fois rappelé que là résident les lacunes les plus criantes du Traité, force est de constater que les quelques avancées consenties lont été essentiellement au profit du Parlement européen. Celui-ci voit ainsi son organisation précisée, il renforce son contrôle politique sur la commission dans la mesure où il approuve désormais officiellement la nomination de son président. Mais surtout, il bénéficie dun élargissement très substantiel du champ de la procédure de codécision, prévue à larticle 189-B du Traité sur lUnion européenne (T.U.E.), procédure de surcroît simplifiée par la suppression de la troisième lecture Rappelons que cette modalité de décision, instituée par le Traité de Maastricht, conduit à ce quun acte communautaire ne puisse être adopté quavec laccord du Conseil et du Parlement ou en labsence dopposition de celui-ci. Désormais, la codécision se substitue à la procédure de la coopération, sauf en ce qui concerne lunion économique et monétaire. Elle a donc vocation à sappliquer en matière de non discrimination, de droit de circulation et de séjour, de sécurité sociale des travailleurs migrants, de politique des transports, de politique sociale, de formation professionnelle, de décisions relatives aux fonds européens de développement régional, de programmes cadres pluriannuels de recherche, et, pour certaines mesures, en matière denvironnement, de coopération et de développement. Au Conseil, le champ de la majorité qualifiée nest que marginalement étendu. Plus de 60 articles, en particulier au sein des deuxième et troisième pilier, nécessitent encore lunanimité. Le dernier thème abordé par le Traité est celui des coopérations renforcées. Pour lessentiel, le Traité institutionnalise le mécanisme des coopérations renforcées pour les Etats qui désirent approfondir une collaboration mais uniquement dans le cadre des premier et troisième pilier. B. UN NOUVEAU STATUT POUR DES MATIÈRES RELEVANT DE LA JUSTICE ET DES AFFAIRES INTÉRIEURES Le Traité sur lUnion européenne signé à Maastricht comporte trois parties : la première, qui amende le Traité instituant la communauté européenne, est dénommée premier pilier ou pilier communautaire ; la deuxième concerne la politique étrangère et de sécurité commune, cest le deuxième pilier ; la troisième régit la coopération entre les Etats membres en matière de justice et daffaires intérieures et est communément appelée troisième pilier. Seul le premier pilier englobe les mesures régies par le droit communautaire dans toute sa plénitude, cest-à-dire adoptions de règlement ou directives, décisions associant, selon des degrés divers le Parlement européen, compétence de la Cour de justice, etc. En revanche, les deuxième et troisième pilier relèvent de la coopération intergouvernementale, plus ou moins approfondie. Lapport le plus notable du Traité dAmsterdam est sans doute le changement de statut de certaines des matières figurant jusqualors dans le troisième pilier, illustration tangible des progrès réalisés dans lintégration des espaces nationaux. De fait, il est proposé dinsérer dans le Traité instituant la communauté européenne (T.C.E.) un nouveau titre III-A intitulé visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes , regroupant les articles 73-I à 73-Q (2). Ce sont précisément létendue et les modalités de cette communautarisation qui ont conduit le Conseil constitutionnel à juger que la ratification du Traité exigeait une révision préalable de la Constitution. a) Une communautarisation partielle Dune manière générale, le rattachement au premier pilier concerne cinq domaines : la suppression des contrôles aux frontières intérieures de lUnion, la détermination de règles communes concernant le franchissement des frontières extérieures, lasile, limmigration et la coopération judiciaire en matière civile. Toutefois, au sein de ces domaines, le plan de charge de lUnion distingue un certain nombre dactions prioritaires qui doivent être entreprises plus rapidement que dautres. En ce qui concerne la libre circulation des personnes (art. 73 J), le Conseil doit, dans les cinq ans qui suivent lentrée en vigueur du Traité, prendre quatre types de mesures : décider de la suppression de tout contrôle aux frontières intérieures ; définir des règles communes pour assurer le contrôle aux frontières extérieures ; mettre en place des règles communes pour les visas de moins de trois mois (liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis au visa, procédure de délivrance, modèle type, visa uniforme) ; arrêter les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays tiers peuvent circuler librement sur le territoire des Etats membres pendant une durée maximale de trois mois. Toutefois, cette libre circulation est subordonnée à ladoption de mesures daccompagnement concernant le contrôle aux frontières, lasile ainsi que la prévention et la lutte contre la criminalité. Sagissant de lasile et de limmigration (art. 73 K), le Conseil arrête, dans les cinq ans, les mesures suivantes : celles relatives à lasile (critère de détermination de lEtat membre chargé de lexamen de la demande, normes minimales daccueil, conditions doctroi et de retrait du statut de réfugié) ; certaines concernant les personnes déplacées (octroi dune protection temporaire) ; celles, enfin, relatives à limmigration clandestine. En revanche, ne sont pas soumises à ces conditions de délais les décisions afférentes à léquilibre des efforts consentis par les Etats membres vis à vis des personnes déplacées, les mesures relatives aux conditions dentrée et de séjour des étrangers et celles concernant les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière dans un Etat membre (par exemple les règles du regroupement familial) et les conditions dans lesquelles ils peuvent séjourner dans les autre Etats membres. Il convient dinsister sur le fait quen matière dimmigration, les Etats membres peuvent maintenir ou introduire des dispositifs compatibles avec le Traité. Au chapitre de la coopération judiciaire civile (art. 73 M), sans être soumis à une condition de délai, le Conseil arrête des mesures permettant daméliorer la signification transfrontière des actes, la reconnaissance et lexécution des décisions et de favoriser la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres en matière de procédure civile et de conflits de compétences. b) Une communautarisation progressive Effective dès lentrée en vigueur du Traité, la communautarisation dune partie du troisième pilier connaît cependant une montée en régime progressive. En effet, larticle 73 0 du titre III-A nouveau du T.C.E. organise une procédure originale pour accompagner lincorporation de ces matières dans le premier pilier. Pendant une période transitoire de cinq ans qui suivent lentrée en vigueur du Traité, qui correspond au délai dans lequel doivent être adoptées lessentiel des mesures relatives à la libre circulation des personnes, une partie de celles concernant lasile et celles concernant limmigration clandestine, le Conseil statue à lunanimité, sur proposition de la commission ou à linitiative dun Etat membre. Cependant, dès lentrée en vigueur du Traité, la liste des pays dont les ressortissants doivent fournir un visa et le modèle-type sont déjà décidés à la majorité qualifiée sur proposition de la commission en application du T.U.E. Passé cette période transitoire, la Commission a seule linitiative des propositions mais elle doit examiner toute demande dun Etat membre tendant à faire examiner une proposition par le Conseil. Ensuite, deux cas de figure peuvent se présenter : pour la plupart des mesures, le Conseil peut, à lunanimité, décider dappliquer la procédure de codécision à tout ou partie des matières transférées au premier pilier : les propositions sont alors adoptées dans les mêmes termes par le Parlement européen et le Conseil statuant à la majorité qualifiée ; a contrario, le défaut de décision unanime conduit, pour ces matières, à pérenniser la procédure applicable pendant la période provisoire ; sagissant des conditions de délivrance des visas de court séjour et des règles en matière de visas uniformes, le Conseil statue automatiquement à la majorité qualifiée avec application de la procédure de codécision. Le tableau ci-après croise les dispositions des articles 73-0, 73-J et 73-K afin dillustrer leffet combiné de ces dispositions sagissant de la libre circulation des personnes et des politiques qui lui sont liées.
II. UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ATTENDUE Le 4 décembre 1997, le Conseil constitutionnel a été saisi conjointement par le Président la République et le premier ministre - situation sans précédent dans lhistoire de la Vème République sur la base de larticle 54 de la Constitution afin de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, lautorisation de ratifier le Traité dAmsterdam modifiant le traité sur lUnion européenne, les traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes , signé le 2 octobre 1997 doit être précédé dune révision de la Constitution. Bien que la saisine ne le mentionnât pas, contrairement au précédent de 1992, le Conseil a parcouru lensemble de lengagement international, cest à dire le traité lui-même, mais aussi les annexes dont les protocoles qui ont la même valeur normative. Conformément à sa jurisprudence, il a procédé à un examen exhaustif de la constitutionnalité portant sur lensemble des dispositions dont il était saisi, ne motivant toutefois que les décisions de contrariété. Cette modalité du contrôle de constitutionnalité exercé à cette occasion explique que la décision rendue soit aussi intéressante par ce quelle dit que par ce quelle ne dit pas. Pour en terminer avec lenvironnement procédural de la décision, rappelons que, lorsquil statue en application de larticle 54, le Conseil ne se livre à aucune réserve dinterprétation. Dans le délai dun mois qui leur était imparti, les juges constitutionnels ont conclu que certaines dispositions prévues dans le titre III-A nouveau étaient contraires à la Constitution. Cette décision, qui accentue lancrage de la France à la construction européenne, précise les contours des normes de référence à la lumière desquelles se prononce le Conseil. Pour autant, elle nest pas surprenante et consolide une jurisprudence longtemps incertaine. A. UNE JURISPRUDENCE ÉVOLUTIVE De 1970 à 1992, la définition des critères à laune desquels la constitutionnalité dun traité pouvait être appréciée a été incertaine et laborieuse. Bien quayant recouru précocement à la notion de conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale, le Conseil constitutionnel a mis un certain temps à lui donner une consistance stable. En lespèce, rappelons que deux principes sopposent. Dun côté, celui de la souveraineté nationale, fondement du pacte constitutionnel comme le rappelle le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 selon lequel le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de lhomme et aux principes de la souveraineté nationale tels quils ont été définis par la déclaration de 1789 ... , cette même déclaration affirmant que le principe de souveraineté nationale réside essentiellement dans la Nation. Pour sa part, la Constitution de 1958 décline ce principe au travers de ses articles 3 selon lequel la souveraineté nationale appartient au peuple qui lexerce par ses représentants et par la voie du référendum et 4, qui impose aux partis et groupements politiques de respecter les principes de la souveraineté nationale . Concomitamment, la France confirme son insertion dans lordre juridique international par le préambule de la Constitution de 1946 qui admet que sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à lorganisation et à la Défense de la paix . De son côté, la Constitution de 1958 permet de conclure des traités ou accord relatif à lorganisation internationale, sous la seule réserve quils soient ratifiés ou approuvés en vertu dune loi, tout en prévoyant que cette ratification ou approbation est subordonnée à une révision constitutionnelle si lengagement comporte des clauses contraires à la Constitution. Chargé une première fois de concilier ces deux blocs de principes, le juge constitutionnel sest borné, dans une décision du 19 juin 1970 (70-39 DC), à considérer que le texte qui lui était soumis ne pouvait porter atteinte ni par sa nature ni par son importance aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté . Saisi une deuxième fois en 1976 à propos de lélection du Parlement européen au suffrage universel, le Conseil a, cette fois, assis son contrôle sur la différence entre les limitations de souveraineté admises et les transferts de souveraineté proscrits (76-71 DC du 30 décembre 1976). Cette distinction se révélant peu convaincante et de nature à freiner toute avancée de lintégration européenne, le Conseil constitutionnel recourt une nouvelle fois à la formule prétorienne des conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale dans une décision du 22 mai 1985 relative au protocole additionnel à la Convention européenne des droits de lhomme sur labolition de la peine de mort (85-188 DC). Cependant, la formule demeurait ambiguë, sans être davantage précisée par la décision du 29 juillet 1991 relative aux accords de Schengen (91-294 DC). A cette occasion, le Conseil a considéré que la convention dapplication ne portait pas atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale et quelle nentraînait pas de transferts de souveraineté, formule qui renouait partiellement avec la jurisprudence de 1976 tout en semblant opter pour un cumul des deux critères. Cest en fait avec la décision du 9 avril 1992 (92-308 DC), dite Maastricht I , que le Conseil constitutionnel a jeté les bases dune jurisprudence élaborée lui permettant de procéder au test de constitutionnalité dans des conditions plus rigoureuses. Tout dabord, rappelant les normes de référence concernant la souveraineté nationale et la participation aux engagements internationaux, le Conseil en dégage un principe général de conciliation. Dans un considérant de principe, il affirme ainsi que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de 1946, le France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création et au développement dune organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par leffet de transferts de compétences consentis par la France . Autrement dit, le Conseil opte sans détour pour une conception ouverte de la souveraineté et admet explicitement que tout transfert de compétences nest pas, en lui-même, contraire à la Constitution. Cependant, une fois cette règle de principe établie, le Conseil fixe les limites de la compatibilité entre la norme constitutionnelle et le traité : une révision constitutionnelle devient nécessaire, soit lorsquune de ses clauses est directement contraire à la Constitution, soit lorsquelle porte atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale. Notons que cette démarche ne conduit aucunement à conférer une quelconque valeur supraconstitutionnelle à la notion de souveraineté nationale contenue dans la Constitution, le Conseil ayant rappelé, dans la décision Maastricht II du 2 septembre 1992, que, sous réserve de la forme républicaine du gouvernement, le pouvoir constituant est souverain ; quil lui est loisible dabroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelles dans la forme quil estime approprié . le raisonnement tenus par les juges constitutionnels leur permettent simplement de mettre en oeuvre une grille danalyse plus fine, mais aussi plus empirique, notamment eu égard à la spécificité de la Construction européenne. De fait, la décision de 1992 fournit un certain nombre dindications sur la manière dont le Conseil entend mettre en oeuvre, au cas par cas, cette construction jurisprudentielle. En loccurrence, un transfert de compétences résultant dune clause dun traité doit être examiné non seulement en fonction du domaine dans lequel il intervient mais aussi du point de vue des modalités selon lesquelles il sopère. Ainsi, il est manifestement porté atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté lorsque le transfert concerne lensemble dun domaine qui, par essence, participe directement de cet exercice ou se trouve au coeur de laction régalienne. Le Conseil constitutionnel a décidé que tel était le cas de la clause prévoyant le passage à la monnaie unique dès lors quun Etat membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale . Cette solution peut sembler logique, mais on notera quelle confirme lassimilation traditionnellement opérée par le Conseil entre la souveraineté de lEtat, dune part, et la souveraineté nationale, dautre part. Cependant, cette approche matérielle du transfert de compétences est enrichie par un examen de ses modalités. Autrement dit, le Conseil envisage quun transfert puisse concerner un domaine touchant de très près à la souveraineté nationale mais que ses modalités en préservent néanmoins les conditions essentielles dexercice ; inversement, un transfert dampleur limitée peut sopérer selon des modalités susceptibles de porter atteinte à ces mêmes conditions. Par exemple, sagissant de la détermination du régime des visas aux frontières extérieures, il a décidé que labandon de la règle de lunanimité à compter du 1er janvier 1996 pouvait conduire à ce que se trouvent affectées des conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale . Cette formule mérite, par ailleurs, dêtre soulignée car elle semble monter que le Conseil se contente dune atteinte potentielle aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté sans exiger une atteinte avérée. La décision du 31 décembre 1997 sinscrit dans le droit fil de celle de 1992. En particulier, elle consacre le raisonnement selon lequel latteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale est une donnée subjective qui dépend aussi bien du domaine dans lequel intervient le transfert de compétences que de ses modalités . Cela étant, le Conseil ne se contente pas de décalquer les considérants de sa décision précédente ; il apporte également quelques précisions complémentaires qui lui permettent daffiner sa jurisprudence. Rappelons, demblée, que, pour cette décision, le Conseil constitutionnel se trouvait dans un environnement juridique différent. En effet, à la suite de la décision de 1992, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a inséré dans la Constitution le titre XV Des Communautés européennes et de lUnion européenne , dont larticle 88-1 constitutionnalise lappartenance de la France à lUnion européenne, composée dEtats qui ont choisi dexercer en communs certaines de leurs compétences. Par ailleurs, larticle 88-2 du même titre prévoit que la France consent aux transferts de compétences nécessaires à létablissement de lunion économique et monétaire ainsi quà la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures de lUnion. Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel a tout dabord logiquement repris les normes de référence fixées dans la décision de 1992, quil complète toutefois de larticle 88-1 précité, puis a réaffirmé la conclusion de principe quil en avait alors tiré. (cf. supra). Confrontant ensuite les dispositions du Traité dAmsterdam à ces normes de référence, tout en prenant en compte lhabilitation résultant de larticle 88-2 précité, le Conseil en déduit quappellent une révision de la Constitution, les clauses du traité qui opèrent des transferts de compétences mettant en cause les conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale, soit que ces transferts interviennent dans un domaine autre que celui de lunion économique et monétaire ou que le franchissement des frontières extérieures communes, soit que ces clauses fixent dautres modalités que celles prévues par le traité de lUnion européenne pour lexercice des compétences dont le transfert a déjà été autorisé par larticle 88-2. A partir de cette grille danalyse, le Conseil sattarde sur les dispositions prévues dans le nouveau titre III-A du T.U.E., lequel organise la communautarisation des mesures concernant la libre circulation des personnes et les autres politiques qui lui sont liées. Compte tenu des prémices jurisprudentielles posées en 1992 et de la nature des dispositions contenues dans ce titre, la décision rendue par le Conseil était assez largement prévisible. · Les questions concernant lasile, limmigration et le franchissement des frontières intérieures Dans ces domaines, le Conseil fait jouer à la fois le critère matériel les domaines transférés et celui tenant aux modalités du transfert de compétences. A lévidence, si les transferts prévus par les premier et troisième paragraphes de larticle 73-J et par larticle 73-K nentrent pas dans le champ couvert par larticle 88-2, ils nen intéressent pas moins lexercice de la souveraineté nationale. Appliquant les principes posés en 1992, le Conseil nen déduit pas automatiquement une inconstitutionnalité de principe et va donc examiner les conditions procédurales de ces transferts. A cette occasion, et il sagit dune innovation, il soulève opportunément la question du principe de subsidiarité selon lequel la communauté nintervient que si les objectifs quelle poursuit ne peuvent être réalisés de manière satisfaisante par les Etats membres. Logiquement, le Conseil nen tire aucune conséquence pratique et estime que ce principe ne fait pas obstacle à ce que les transferts de compétences prévus par le traité aient une ampleur telle quils portent atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté. Ces observations préliminaires faites, le Conseil a observé que les transferts de compétences accompagnés du maintien de lunanimité et de linitiative des Etats pendant la période transitoire de cinq ans ne sont pas contraires à la Constitution. Cette première appréciation est intéressante car, aux termes de la décision de 1992, il semblait que le maintien de lunanimité à lui seul nentraînait pas ipso facto la constitutionnalité du transfert. Il est possible de considérer que le Conseil a, en lespèce, tenu compte de la combinaison de linitiative étatique et de lunanimité pour fonder son raisonnement, mais le reste de la décision semble plutôt militer en faveur de la primauté de cette dernière, dont la connotation interétatique constituerait, aux yeux du Conseil, un verrou au regard des exigences constitutionnelles. En revanche, le jugement porté sur les transferts intervenant après cette période transitoire est radicalement différent. Dans cette hypothèse, le Conseil fait valoir que les conditions essentielles dexercice de la souveraineté pourraient être affectées par la conjonction de trois éléments : la perte de linitiative des Etats membres, le passage à la majorité qualifiée sur décision unanime du Conseil de lUnion, le recours à la procédure de la codécision. Ici encore, la décision innove puisque, comme on la vu, le passage à la majorité qualifiée est une simple faculté, subordonnée à une décision unanime du Conseil de lUnion. En fait, les juges constitutionnels ont estimé que cette caractéristique nest pas déterminante, dès lors que cette décision de lUnion ne sera soumise ni à approbation, notamment du Parlement, ni à contrôle de constitutionnalité, ce qui est peu contestable sagissant dun acte de droit communautaire dérivé. Notons que cet argument se trouve au coeur du raisonnement du Conseil et quil convient de le garder présent à lesprit au moment où certains plaident en faveur dune nouvelle approbation lors du passage éventuel de lunanimité à la majorité qualifiée. A cet égard, le Conseil constitutionnel na pas considéré contraire à la Constitution larticle K-14 relatif à la coopération policière et judiciaire qui dispose que le passage à la majorité qualifiée et à la codécision est subordonné à une décision des Etats membres prise conformément à leur règles constitutionnelles. Linsertion dune clause équivalente à larticle 73-O aurait donc sans aucun doute conduit le Conseil constitutionnel à en admettre la conformité à la Constitution. En outre, comme il la fait en 1992, le Conseil ne cherche pas à savoir si les modalités du transfert de compétences incriminé constituent une atteinte effective aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté. Par lemploi du conditionnel, il se contente dune atteinte potentielle pour justifier sa décision de contrariété. Au total, dans la rédaction actuelle de la Constitution, lunanimité constitue donc bien le garde-fou assurant la préservation des conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale. Il convient de noter quen la matière, le juge constitutionnel se satisfait, en définitive, dune garantie défensive de la souveraineté : dans les matières communautarisées, la France peut en effet sopposer à une décision mais, par contre, elle ne peut en imposer une quelle estimerait conforme à ses intérêts. · Les mesures relatives au franchissement des frontières extérieures Pour ces matières, le Conseil se trouvait dans une situation différente. Ces mesures entrant dans le champ dapplication de larticle 88-2 de la Constitution, il sest borné à vérifier que les modalités des transferts nétaient pas différentes de celles prévues par le T.U.E. En lespèce, sagissant de la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à visa et la définition dun modèle type de visa, excipant de lautorité de la chose jugée, il na pas remis en cause lapplication immédiate de la majorité qualifiée, déjà prévue par le T.U.E et validée par lui dans la décision dite Maastricht II du 2 septembre 1992 précitée. En revanche, pour les autres mesures, le Conseil constate que les modalités décisionnelles diffèrent de celles prévues par les T.U.E. et applique, en conséquence, les principes déjà dégagés : sagissant des procédures et conditions de délivrance des visas de court séjour et des règles concernant les visas uniformes que le Traité soumet automatiquement à la majorité qualifiée au bout de cinq ans, il transpose directement les appréciations portées en 1992 conduisant à linconstitutionnalité ; pour les autres dispositions, soumises par le Traité dAmsterdam à la majorité qualifiée sur décision unanime, cest à dire les normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats pour effectuer les contrôles aux frontières, il reprend le raisonnement tenu pour lasile, limmigration et le franchissement des frontières intérieures. Importante par ses considérations expresses, la décision du 30 décembre 1997 est également essentielle par ses déclarations implicites de constitutionnalité, bien que celles-ci ne soient pas motivées. A cet égard, il ne faut pas se méprendre sur la portée de cette décision. Linvalidation prononcée par le Conseil ne concerne que quelques clauses, certes importantes, dun Traité qui en comporte de très nombreuses. Ce faisant, il a amplifié la portée de larticle 88-1 et une nouvelle fois entériné la vocation européenne de la République Française. Ainsi, le Conseil a notamment admis la constitutionnalité : de la procédure de sanction en cas de violation grave et persistante par un Etat membre des droits fondamentaux ; cette position nest pas étonnante puisque la Constitution consacre explicitement ces mêmes droits ; de lélargissement de la procédure de la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres sagissant de certaines décisions dans le domaine de la P.E.S.C. ; ici encore, cette appréciation est logique puisquil ne peut sagir que de mesures dapplication de décisions prises à lunanimité et que le Traité lui-même prévoit, par ailleurs, une clause de sauvegarde ; des décisions-cadre prises pour la coopération policière et judiciaire en matière pénale ; même si celles-ci sont adoptées à lunanimité, force est de reconnaître quelles concernent le coeur de la souveraineté nationale et de laction régalienne ; pour autant, le Conseil a sans doute justement considéré quil sagissait de décisions privées deffet direct et nécessitant, compte tenu des sujets abordés, des transpositions législatives à loccasion desquelles le Parlement pourrait sexprimer ; du protocole sur le droit dasile pour les ressortissants des Etats membres de lUnion européenne, lequel établit une quasi présomption en vertu de laquelle la demande est manifestement infondée ; cette présomption peut apparaître peu compatible avec la protection constitutionnelle du droit dasile, mais le Conseil a dû estimer que le droit dasile nétait pas affecté en réalité car ce même protocole dispose que le pouvoir de décision de lEtat daccueil nest affecté en aucune manière. III. UNE RÉVISION CIBLÉE QUI MÉRITE DÊTRE COMPLÉTÉE Dans la mesure où la renégociation des clauses litigieuses est évidemment inimaginable, le présent projet de loi constitutionnelle propose, à linstar du précédent de 1992, de modifier la Constitution pour la rendre compatible avec le Traité dAmsterdam. Bien sûr, la révision qui nous est aujourdhui proposée est moins ambitieuse que la précédente, ne serait-ce que parce que lappartenance de la France à lEurope est déjà constitutionnalisée par larticle 88-1. Par ailleurs, lampleur des mesures déclarées contraires à la Constitution est bien moindre, de sorte quun ajustement du texte de larticle 88-2 suffit pour répondre aux observations du Conseil Constitutionnel. Cela étant, si le dispositif, calibré au plus juste, proposé par le projet de loi est satisfaisant, loccasion est ainsi donnée de rendre plus effective limplication du Parlement dans la vie communautaire en améliorant les dispositions de larticle 88-4 qui, tout en étant globalement satisfaisantes, restent néanmoins perfectibles. Une telle démarche peut contribuer à atténuer le trop fameux déficit démocratique dont souffre une Union européenne qui reste encore, pour beaucoup de nos concitoyens, lEurope des bureaux et des services. A. UNE RÉVISION À LA CARTE POUR UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ Le présent projet de loi adopte, ni plus ni moins, la forme dun amendement à larticle 88-2 de la Constitution. Il sagit, en pratique, détendre le champ de lhabilitation constitutionnelle afin de valider les transferts de compétences pouvant survenir en application du titre III-A nouveau du T.U.E., et eux seuls. Le I de larticle unique du projet propose de limiter la portée de la rédaction de larticle 88-2, de sorte que ne soient mentionnés que les transferts de compétences nécessaires à létablissement de lunion économique et monétaire. Actuellement, larticle 88-2 couvre également les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la communauté européenne . Ces dispositions étaient destinées à rendre compatible le Traité de Maastricht et la Constitution, sagissant de la détermination de la liste des Etats dont les ressortissants sont soumis à visas et des modèles types de visas, décisions prises à la majorité qualifiée à compter du premier janvier 1996 en application de larticle 100-C de ce même Traité. On a vu que le Traité dAmsterdam se réapproprie ces mesures, intégrées désormais dans le titre III-A, la procédure de décision prévue par le T.U.E. restant au demeurant inchangée. Dans la mesure où le projet de loi propose une rédaction globale visant lensemble des mesures tenant à la libre circulation des personnes et aux politiques qui lui sont liées, une mention spécifique au franchissement des frontières extérieures napparaît plus justifiée. De fait, le II de larticle unique complète larticle 88-2 dun alinéa nouveau qui étend lhabilitation constitutionnelle au profit des transferts de compétences dont le Conseil constitutionnel a considéré quils pouvaient affecter les conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale. Avant de lexaminer plus en détail, notons que ce nouvel alinéa tranche le débat de létendue de la révision constitutionnelle proposée au Parlement. Comme lont proposé certains, il eut été possible denvisager une réforme de la Constitution qui aurait anticipé les éventuels transferts de compétences auxquels pourraient procéder les traités futurs. Une telle clause européenne générale , qui figure dans les constitutions de plusieurs Etats membres, dont lEspagne, lItalie et lAllemagne, peut en effet apparaître séduisante de prime abord : elle tient compte dune évolution inéluctable de la construction européenne, les futurs traités ayant de fortes chances de comporter de nouvelles dispositions considérées comme inconstitutionnelles et, partant, elle facilite le processus de ratification tout en le dédramatisant . Le projet de loi ne suit pas cette logique et, comme son prédécesseur, sen tient à une révision strictement limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la compatibilité entre le Traité et la rédaction actuelle de notre loi fondamentale. Cette option est justifiée à plus dun titre. Tout dabord, lorganisation de révisions à la carte donne loccasion au souverain et à ses représentants de suivre, au plus près, les progrès de la construction européenne et dy consentir à chaque étape importante. Au moment où chacun déplore les lacunes démocratiques de la construction européenne, cette solution présente incontestablement des avantages. Ensuite, linclusion dune clause générale dans la Constitution aurait une portée telle quune révision par voie parlementaire ne serait pas forcément la formule la plus adaptée, au risque de rouvrir, au travers dun référendum, un débat parfois simplificateur sur lEurope. Notons, de surcroît, que rien ne garantit que cette clause couvre toutes les hypothèses et quune autre révision ne savère, à lexpérience, nécessaire. Enfin, un tel choix pourrait susciter des demandes en vue de modifier la procédure actuelle de ratification, ce qui pourrait conduire à altérer léquilibre de nos institutions. Mises à part ces observations dordre général, le dispositif proposé appelle plusieurs remarques, tant sur la forme que sur le fond. En premier lieu, sont évoquées la même réserve et les modalités prévues par le Traité instituant la communauté européenne . Ces mentions décalquent celles figurant dans la rédaction actuelle de larticle 88-2 ; il sagit dune part de la réserve de réciprocité et, dautre part, de celle tenant aux modalités prévues par les traités en vigueur. Autrement dit, les clauses dun futur traité prévoyant de nouvelles procédures de décision pour des matières transférées en application du Traité dAmsterdam pourraient ne pas être, le cas échéant, couvertes par lhabilitation constitutionnelle. En deuxième lieu, contrairement à la rédaction du premier alinéa de larticle 88-2 qui dispose expressément que la France consent aux transferts de compétences, celle du deuxième emprunte une formulation passive selon laquelle peuvent être consentis les transferts de compétences... Au sein du même article, ce choix peut surprendre, voire laisser penser que le Gouvernement et le Président de la République sengageraient avec prudence dans la logique ouverte par le Traité. En fait, cette rédaction se justifie par le fait que la plupart des transferts de compétences susceptibles de porter atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté ne sont que potentiels et dépendent dun vote unanime du Conseil. Cest donc un souci de parallélisme des formes qui a guidé les rédacteurs du projet de loi, les termes de celui-ci étant calés sur le texte du Traité. Une difficulté pourrait être soulevée quant à la pertinence de cette rédaction sagissant des transferts de compétences donnant lieu à un passage automatique à la majorité qualifiée à lissue de la période transitoire, procédure prévue pour les règles afférentes aux visas de court séjour et au visa uniforme. A lexamen, cette ambiguïté est de peu de portée car si elles ne rend pas littéralement obligatoires ces transferts, la nouvelle formule ne les interdit pas. Dans le même esprit, que se passe-t-il pour les domaines actuellement couverts par lhabilitation de larticle 88-2, pour lesquels la France a déjà consenti des transferts ? Désormais englobées dans les règles relatives à la libre circulation des personnes, ces mesures sont, en principe, régies par la nouvelle rédaction. Ici encore, la difficulté nest quapparente puisque les transferts ont déjà été opérés. En revanche, il est patent que lexpression peuvent être consentis ne peut être interprétée comme une éventuelle fenêtre constitutionnelle autorisant, le cas échéant, la mise en place dune procédure préalable à labandon de la règle de lunanimité et au transfert effectif des compétences du point de vue du Conseil constitutionnel. Personne nignore que certaines voix militent pour linsertion dun dispositif conditionnant le passage éventuel à la majorité qualifiée à une nouvelle autorisation parlementaire. Les tenants de cette proposition font ainsi observer quen le signant, les Etats membres se sont bornés à accepter une procédure organisée par le Traité. En précisant que le passage à la majorité qualifiée résulte dune décision prise à lunanimité, celui-ci laisse donc à chaque Etat membre la faculté de sy opposer, pour des raisons et selon des modalités qui lui sont propres. Rien nempêcherait donc, en théorie, un Gouvernement dexciper dun défaut dautorisation préalable. Ce raisonnement nest pas totalement dénué de logique, mais il se heurte à deux arguments. Tout dabord, sur le plan juridique, il est contradictoire avec celui suivi par le Conseil constitutionnel qui, en lespèce, justifie la révision constitutionnelle à cette phase de la procédure par le fait que labandon éventuel de la règle de lunanimité constitue un acte de droit dérivé qui ne donnera lieu ni à autorisation préalable, ni à contrôle de constitutionnalité. Inversement, rappelons quil a validé des dispositions prévoyant un passage à la majorité qualifiée moyennant une décision prise conformément aux règles constitutionnelles propres à chaque Etat membre. La démarche des partisans de cette option consiste donc, ni plus ni moins, à profiter des conséquences résultant du raisonnement des juges constitutionnels pour le retourner au service de leur thèse, ce qui semble pour le moins curieux sur le plan de la logique. Mais surtout, une telle option apparaît manifestement contraire à lesprit de la Vème République et à léquilibre des institutions qui en résulte, ce qui ne laisse pas de surprendre de la part de ses promoteurs qui se présentent souvent, par ailleurs, comme les garants de lhéritage institutionnel. De fait, la décision du Conseil décidant du passage à la majorité qualifiée est un acte communautaire de droit dérivé, mais elle procède aussi de la négociation entre Etats membres puisquelle sopère à lunanimité. Conditionner la marge de manoeuvre du Gouvernement dalors à laune dune autorisation préalable du Parlement conduirait donc à encadrer les compétences traditionnelles de lexécutif, en contradiction avec les principes posés par la Constitution de 1958 en la matière. Lhabilitation consentie par le nouvel alinéa de larticle 88-2 concerne la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. Comme on la vu précédemment, cette formule permet denglober non seulement le franchissement des frontières intérieures de lUnion mais aussi celui des frontières extérieures, ce qui permet de faire léconomie dune mention ad hoc dans le premier alinéa. Par ailleurs, elle fait directement référence au titre III-A du T.U.E. intitulé visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes . En fait, les termes de cet intitulé ne sont pas très pas heureux car, en pratique, le Titre III-A regroupe des matières afférentes à la libre circulation des personnes stricto sensu la suppression des contrôles aux frontières internes et dautres qui constituent davantage des mesures compensatoires contrôles aux frontières extérieures, visas et des politiques daccompagnement immigration, asile. Dans ces conditions, la rédaction proposée par les rédacteurs du projet de loi constitutionnel semble, sous une forme ramassée, juridiquement plus adéquate. On ajoutera cependant quelle doit être nécessairement dinterprétation stricte, le champ de lhabilitation constitutionnelle ne pouvant en aucun cas excéder celui du titre III-A. B. UNE IMPLICATION ACCRUE DU PARLEMENT DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE Après une longue période dapathie, le Parlement sest doté, par la loi du 6 juillet 1979 créant les Délégations pour les communautés européennes, devenue depuis lors les Délégations pour lUnion européenne, dun premier instrument lui permettant dassurer une veille parlementaire sur lélaboration des normes communautaires. Face à la prolifération du droit communautaire dérivé et aux critiques sur le déficit démocratique de lEurope, la fonction uniquement informative des Délégations, même dopée par la loi du 10 mai 1990, qui font de celles-ci les destinataires de tous les projets dactes communautaires, est cependant vite apparue insuffisante. Il faudra attendre 1992 et la réforme constitutionnelle rendue nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel relative au Traité de Maastricht pour que limplication du Parlement dans la vie communautaire franchisse une étape décisive et change de nature. Larticle 88-4, inséré à cette occasion dans notre loi fondamentale, donnait ainsi à lAssemblée nationale et au Sénat le moyen de faire connaître leur position sur certains projets dactes communautaires par le biais du vote de résolutions. Explicité par plusieurs circulaires successives du premier ministre (31 juillet 1992, 21 avril 1993, 21 mars et 19 juillet 1994), mis en oeuvre par des modifications des règlements des Assemblées (18 novembre 1992, 26 janvier 1994 et 10 octobre 1995 pour lAssemblée nationale), le dispositif de larticle 88-4 na pas été modifié depuis son adoption, même si des améliorations pratiques ont permis den préciser lapplication. A cet égard, et pour sen tenir à notre Assemblée, on citera le rôle dinstruction générale vis-à-vis de tous les projets dactes communautaires confiés à la Délégation, conjugué à son droit dinitiative qui sexerce au travers de ses rapporteurs pour déposer des propositions de résolutions, lequel sexerce concurremment à celui dont disposent individuellement tous les députés. Lexamen des statistiques montre que le rôle moteur de la Délégation est une réalité : deux tiers des propositions déposées et neuf dixièmes des résolutions adoptées sous la précédente législature en émanent, cette prépondérance étant encore plus manifeste depuis juin 1997. Le deuxième terrain où des précisions utiles ont été apportées est celui des délais laissés au Parlement pour mener à bien sa tâche, de sorte que ce dernier ne soit pas placé devant le fait accompli. Ont participé de cette démarche laccélération des délais de transmission des documents et, surtout, la reconnaissance, par la circulaire du premier ministre en date du 19 juillet 1994, du mécanisme dit de la réserve parlementaire qui laisse au moins un mois aux assemblées pour manifester leur désir de se prononcer sur un projet dacte, délai pendant lequel le Gouvernement sengage à différer la décision définitive au sein du Conseil, prorogé, le cas échéant, en cas de dépôt dune proposition de résolution. Ainsi précisé, le dispositif de larticle 88-4 peut afficher un bilan quantitatif flatteur. Pour la législature précédente, 763 propositions dactes ont été soumis, donnant lieu, à lAssemblée nationale, au dépôt de 122 propositions de résolution ; depuis juin 1997, 336 projets dactes ont été transmis, occasionnant 25 nouvelles propositions de résolution. Au plan qualitatif, le bilan est sans doute plus nuancé. A lactif, il faut relever limplication désormais incontestable du Parlement dans la vie de lUnion européenne et, plus particulièrement, dans le processus délaboration de normes qui ont vocation à pénétrer de manière croissante dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Par ailleurs, ces années de pratique ont permis aux assemblées de définir une règle du jeu et de cerner la marge de manuvre dont elles peuvent bénéficier. En particulier, chacun a compris que le dispositif original retenu par le constituant en 1992 na pas pour vocation de remettre en cause les équilibres constitutionnels traditionnels. Dépourvues de portée normative, les résolutions adoptées par le Parlement participent de ses missions de contrôle et seulement delles et, partant, dune finalité politique. Le Gouvernement y trouve loccasion de recueillir le point de vue du Parlement, et, le cas échéant, de sen prévaloir lors des négociations avec les autres Etats membres. Pour autant, comme toute construction juridique, ce mécanisme globalement satisfaisant reste perfectible. Au delà des lourdeurs inhérentes à la répartition des tâches entre commissions permanentes et délégations, de nombreuses réflexions, que se soit à lAssemblée nationale ou au Sénat, mettent en exergue, depuis quelque temps, les lacunes dun dispositif dont la rédaction est considérée comme excluant de trop nombreux projets dactes ou documents du champ de compétence du Parlement. De fait, beaucoup de ces travaux militent en faveur dun élargissement du champ dapplication de larticle 88-4, jugé en létat trop restrictif. Votre rapporteur partage ce point de vue. Lanalyse du vécu de larticle 88-4 atteste que celui-ci comporte quelques faiblesses. Sans en remettre en cause la finalité, sans altérer léquilibre de nos institutions, une réforme est possible et souhaitable, de sorte que loutil mis à disposition du Parlement devienne encore plus efficace au regard des objectifs qui lui sont assignés. On sera dautant plus conforté dans cette démarche que le ministre délégué aux affaires européennes et le premier ministre ont récemment admis que le souci de lamélioration des conditions dans lesquelles le Parlement peut connaître des projets dactes émanant de la communauté ou de lUnion est légitime. Lexamen du présent projet de loi constitutionnelle le rend, de surcroît, opportun à plus dun titre. Dabord, le Traité dAmsterdam innove puisque un de ses protocoles, qui a la même valeur normative, est relatif au rôle des parlements nationaux dans lunion européenne . Il prévoit ainsi linformation accrue des parlements et, de manière plus substantielle, la mise à disposition dun délai minimum de six semaines entre le moment ou un projet est transmis au parlement européen et au Conseil et son inscription à lordre du jour de ce dernier. Il assure, en outre, la reconnaissance et le renforcement de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (C.O.S.A.C.), laquelle peut désormais soumettre aux institutions toute contribution aux projets dactes transmis et, de sa propre initiative, examiner toute proposition dacte législatif relatif à la mise en place de lespace de liberté et de justice. Ensuite, rappelons, pour mémoire, que ce même traité comporte des avancées non négligeables sagissant du deuxième et troisième pilier, matières qui concernent bien souvent les Parlements nationaux. Dans ce contexte, votre rapporteur suggère deux pistes de réflexion visant à étendre la portée de larticle 88-4, moyennant le respect de deux préalables intangibles. En premier lieu, cette réforme ne saurait saffranchir de la distinction entre la loi et le règlement assurée par les articles 34 et 37 de notre loi fondamentale. De fait, beaucoup dobservateurs contestent la pertinence de la rédaction actuelle de larticle 88-4, lequel limite la compétence du Parlement aux propositions dactes communautaires de nature législative. Reconnaissons que les arguments quils invoquent ne sont pas toujours infondés quil sagisse de la relativité de la séparation prônée par la Constitution dès lors que le Parlement légifère souvent en matière réglementaire, de linapplicabilité de ce critère à lexercice dune fonction consultative, de son absence de pertinence à légard de la législation communautaire ou encore des limites inhérente aux avis du Conseil dEtat, chargé dassurer le filtrage des documents en application des circulaires du premier ministre. Pour autant, ces jugements ne suffisent pas à justifier le bouleversement constitutionnel que représenterait la remise en cause de la summa divisio sur laquelle repose actuellement la séparation des pouvoirs. En second lieu, une modification de larticle 88-4 ne peut pas servir de prétexte pour porter atteinte à la prépondérance de lexécutif dans la gestion des relations internationales. Cette position de principe conduit à sopposer non seulement à toute immixtion du Parlement dans les négociations relatives à la modification du droit originaire mais aussi dans lélaboration du droit dérivé lorsque celui-ci continue à relever, quelle que soit la modalité particulière de prise de décision, de la négociation interétatique. Une fois ainsi dessinées les limites de lépure, la marge de manoeuvre reste cependant très significative. Lextension du champ dapplication de larticle 88-4 par la transmission aux assemblées des actes des deuxième et troisième pilier, dans la mesure où ils sont de nature législative, apparaît un point acquis. Précisons toutefois que lessentiel des propositions relatives au deuxième pilier ne sera pas de nature législative et que les mesures du troisième pilier transférées dans le premier constitueront des actes communautaires. En revanche, le Parlement sera ainsi étroitement associé aux projets concernant la coopération policière, douanière et judiciaire dans le domaine pénal, matières essentielles qui lui échapperait en labsence de réforme. Reste pendante la question des autres catégories de projets : propositions dactes à caractère réglementaire ; documents qui ne portent ni sur des actes communautaires ni sur des actes de lUnion documents de consultation de la commission, accords interinstitutionnels , exclus de la saisine du Parlement puisque la rédaction actuelle ne vise que les actes transmis au Conseil. Sagissant de cette dernière catégorie, votre rapporteur nignore pas que nombreux sont ceux qui plaident en faveur de leur soumission au fin dadoption de résolutions. Certes, les documents de consultation de la commission, qui interviennent très en amont du processus de décision, constituent souvent lébauche de programmes daction essentiels de lUnion, comme ce fût le cas du document intitulé Agenda 2000 . Il faut souligner que le Parlement est cependant destinataire de ces projets depuis 1994, mais il est vrai quil ne peut se prononcer par des résolutions. Faut-il pour autant les inclure doffice dans le champ des soumissions systématiques ? On peut en douter compte tenu de la nature de ces actes, par définition prospectifs, et de la difficulté à isoler ceux qui relèvent du domaine législatif. Mutatis mutandis, ces observations sont valables pour les accords interinstitutionnels, étant entendu que ces derniers participent souvent, de surcroît, dune logique interétatique. Aussi, pour concilier ces points de vue, votre rapporteur propose de sen remettre à une formule facultative. Quelle que soit la nature juridique de ces propositions dactes ou de ces documents, quel que soit leur mode de transmission, le Gouvernement aurait ainsi la possibilité de les soumettre aux assemblées, lesquelles pourraient alors se prononcer par le truchement dune résolution. Une telle option permettrait de contourner les obstacles juridiques et pratiques sopposant à une transmission systématique de ces projets tout en en conservant lintérêt politique. * * * de Mme Elisabeth Guigou, et de M. Pierre Moscovici, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a demblée indiqué que le Gouvernement souhaitait la ratification par le Parlement du Traité dAmsterdam signé le 12 octobre 1997 qui, sil napportait pas toutes les réponses souhaitables, notamment en matière institutionnelle, constituait une avancée significative, spécialement en matière de coopération policière et judiciaire dans le cadre du troisième pilier . Mais elle a rappelé que, préalablement à cette ratification, la Constitution devait être révisée, comme lavait jugé le Conseil constitutionnel, le 31 décembre 1997, sur saisine conjointe du Président de la République et du Premier ministre en date du 4 décembre 1997. Elle a précisé que le Conseil avait considéré que constituaient des transferts de compétences pouvant porter atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale contraires à la Constitution, dune part lapplication éventuelle, dans cinq ans, de la procédure de codécision au profit du Parlement européen et de la majorité qualifiée au sein du Conseil, pour les règles de franchissement des frontières intérieures, les modalités de contrôle des personnes aux frontières extérieures, ainsi que les politiques dasile et dimmigration, dautre part, lapplication de plein droit de la codécision aux règles relatives aux visas. La garde des sceaux a indiqué quen conséquence, le présent projet de loi constitutionnelle proposait de modifier et de compléter larticle 88-2 de la Constitution, afin que puissent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés . Elle a signalé que cette rédaction ne concernait pas seulement le franchissement de frontières et renvoyait très directement à lintitulé du titre III A du Traité dAmsterdam, dans lequel figurent les articles considérés comme portant atteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté par le Conseil constitutionnel. La ministre de la justice a ensuite évoqué les probables initiatives parlementaires tendant à introduire, par amendement à larticle 88-2, des conditions à lacceptation ou au refus du passage à la procédure de codécision dans cinq ans, que ce soit en prévoyant un référendum ou une autorisation préalable par une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Elle a annoncé que le Gouvernement sopposerait à de telles propositions, dont elle a souligné quelles rendraient inutile et inopérante la révision constitutionnelle actuellement en cours. Elle a insisté sur le fait que le Conseil constitutionnel avait justement considéré que le passage de la règle de lunanimité à celles de la majorité qualifiée ou de la procédure de codécision ne nécessiterait, le moment venu, aucun acte de ratification ou dapprobation. Envisageant ensuite diverses autres modifications constitutionnelles qui pourraient être susceptibles dêtre proposées par voie damendement à loccasion de la présente révision, elle a affirmé que les équilibres institutionnels définis par la Constitution seraient la seule référence guidant le Gouvernement, estimant quil ne pouvait être question de les modifier, quil sagisse des rôles respectifs du Gouvernement et du Parlement ou, encore, du contenu du domaine de la loi énoncé à larticle 34 de la Constitution. Sagissant de lamélioration des moyens dinformation du Parlement, elle a considéré que rien ne sopposait à ce quune modification de larticle 88-4 de la Constitution permette au Parlement de se prononcer sur les propositions dactes portant sur lensemble de la construction européenne, y compris le deuxième et le troisième pilier, tout en insistant sur la nécessité de respecter le champ des compétences respectives de la loi et du règlement. Evoquant ensuite lidée dinscrire dans la Constitution un mécanisme de délai minimum dexamen, par exemple dun mois, des propositions dactes communautaires par le Parlement, elle a indiqué que le Gouvernement considérait suffisantes les règles prévues par la circulaire du 19 janvier 1994, la fixation de délais impératifs dans la Constitution lui semblant, non seulement une rigidité peu opportune, mais surtout une profonde altération des équilibres constitutionnels, comme en avait jugé le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 12 janvier 1993 relative au règlement du Sénat, avait considéré que le Gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation , devait pouvoir recueillir lavis du Parlement dans un délai éventuellement inférieur à un mois. Elle a enfin annoncé que le Gouvernement ne pourrait quêtre opposé à des amendements tendant à permettre au Conseil constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des actes communautaires dérivés, pour au moins deux raisons : dune part, une telle procédure risquerait de remettre en cause lédifice juridique communautaire permettant à chaque Etat membre de déférer ces actes devant la Cour de justice des Communautés européennes, dautre part, conformément au Traité dAmsterdam notamment, et sous le contrôle de la Cour, les actes de droit dérivés ne peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux formulés dans la Convention européenne des droits de lHomme et aux principes généraux résultant des traditions communes aux Etats membres. En conclusion, la ministre de la justice, tout en rappelant que le Gouvernement ne serait pas opposé à déventuels amendements étendant les pouvoirs de contrôle et dinformation du Parlement dans le respect du domaine actuel de la loi, a insisté pour que soit écartée toute remise en cause des équilibres constitutionnels, concernant les pouvoirs du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement. Après avoir rappelé que la perspective de la ratification du Traité dAmsterdam était à lorigine de la présente révision constitutionnelle, M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, a considéré que ce traité, signé il y a plus dun an et dores et déjà ratifié par la plupart de nos partenaires, nétait pas entièrement satisfaisant, compte tenu de labsence de réforme institutionnelle. Il a estimé quil sagissait à la fois dun complément et dune correction au traité de Maastricht qui, en créant le troisième pilier, avait intégré dans les questions dintérêt commun des sujets faisant auparavant lobjet dune coopération intergouvernementale assez limitée et maintenue en dehors des structures communautaires. Il a rappelé que lévolution de limmigration et de la criminalité ayant montré que les instruments et les procédures existants ne permettaient pas au Conseil dapporter une réponse efficace à ces phénomènes, le Gouvernement français avait donné son accord de principe à la communautarisation de ces matières, souhaitée par lAllemagne, tout en insistant sur la nécessité den définir précisément les modalités, notamment en ce qui concerne les conditions permettant dassurer la sécurité au sein de lespace Schengen . Il a indiqué que la France avait souhaité quun lien juridique fort et concret soit établi entre liberté et sécurité, lespace de libre circulation ne pouvant se réaliser que si les mesures indispensables à la sécurité étaient mises en uvre par les Etats membres et les contrôles aux frontières intérieures ne pouvant être supprimés que si les contrôles aux frontières extérieures étaient dûment assurés et la coopération judiciaire et policière renforcée. A cet égard il a rappelé que la suppression des contrôles aux frontières ne pourrait être décidée par le Conseil quà lunanimité et à partir dun rapport détaillé sur leffectivité des dispositifs mis en place, le Conseil disposant de cinq années après lentrée en vigueur du traité pour mettre en uvre les mesures nécessaires. Il a souligné que la Constitution était révisée afin de permettre à la France, au terme de ces cinq années, dêtre en mesure de participer à la définition dune politique commune à la majorité qualifiée. Il a souhaité que cette échéance ne soit pas considérée comme un risque ou une menace dêtre mis en minorité, mais comme le seul moyen de progresser au sein de lUnion en constituant des majorités autour des positions françaises. Il a considéré que, même si tous les Etats membres navaient pas la même appréciation des phénomènes dasile et dimmigration pour des raisons culturelles et historiques, lUnion européenne était perçue comme un ensemble homogène et une zone dattraction par les pays démigration. Il a souhaité que la réflexion sur lélaboration dune politique commune en la matière soit engagée dès à présent, sans attendre que les cinq années se soient écoulées. Enfin, insistant sur les avancées contenues dans le Traité dAmsterdam, il a souligné que, parallèlement aux travaux menés dans les matières liées à la libre circulation, la sécurité serait renforcée grâce au développement de la coopération judiciaire et policière, la coopération judiciaire civile étant également communautarisée dans la mesure où elle est liée à la libre circulation au sein du marché intérieur. Abordant les domaines autres que ceux relevant du troisième pilier, le ministre délégué a estimé que des correctifs puissants, dans le sens dune Europe prenant mieux en compte les préoccupations quotidiennes de ses citoyens, avaient été introduits dans le Traité dAmsterdam. Il a ainsi évoqué le chapitre consacré à la lutte pour lemploi, mise sur le même plan politique que la stabilité économique, le chapitre social prévoyant notamment le rapprochement des législations, des dispositions relatives à la santé et à lenvironnement, la reconnaissance de la spécificité des services publics et, enfin, le renforcement des dispositions relatives aux droits de lhomme, à la non-discrimination, au principe dégalité entre hommes et femmes et aux droits sociaux fondamentaux. Evoquant le domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune, il a estimé que lUnion sétait dotée de moyens lui permettant de renforcer sa capacité dagir sur la scène internationale, tant dans le domaine de laction humanitaire que du maintien de la paix, grâce à la désignation dun Haut représentant et à lamélioration des procédures résultant dun nouvel instrument adopté à linitiative de la France, la stratégie commune, dont les mesures dapplication pourront être adoptées à la majorité qualifiée. Considérant que labsence de véritable réforme institutionnelle densemble justifiait que le Gouvernement soit attentif aux propositions damélioration émanant des parlementaires,. le ministre délégué a estimé que, malgré cette lacune, des progrès avaient été enregistrés à Amsterdam, quil sagisse de la faculté de mettre en place des coopérations renforcées entre les Etats membres souhaitant aller plus avant dans la construction européenne, de la possibilité pour le Conseil de statuer sur un plus grand nombre de sujets à la majorité qualifiée, de lapprobation de la nomination du Président de la Commission par le Parlement européen ou du renforcement du rôle de celui-ci. Concernant les Parlements nationaux, il a rappelé que le Traité dAmsterdam contenait un protocole sur leur rôle à ladoption duquel la France avait beaucoup contribué parce quil lui paraissait fondamental de les associer plus étroitement aux travaux communautaires qui prévoyait, notamment, une amélioration des délais de transmission et de consultation. Il a indiqué que le Gouvernement était néanmoins ouvert à une amélioration du contrôle du Parlement français sur les textes européens, larticle 88-4 de la Constitution méritant dêtre complété. Il a estimé tout à fait normal que les assemblées puissent se prononcer, à lavenir, sur les questions touchant à la sécurité et à la justice, y compris sur les dispositions demeurant dans le troisième pilier, ainsi que sur certaines décisions relevant du domaine de la politique étrangère et de la sécurité commune. En conclusion, le ministre délégué a estimé que, malgré quelques lacunes, le Traité dAmsterdam comportait des avancées concrètes dans le sens dune Europe plus respectueuse des droits et des aspirations des citoyens, plus présente sur la scène internationale et constituant un espace commun de liberté, de sécurité, de justice et de solidarité. Il a invité les parlementaires, une fois la Constitution révisée, à autoriser la ratification du Traité dAmsterdam, estimant quaucune raison ne justifiait de refuser ce quil contenait. Le rapporteur a indiqué quil souhaitait exprimer deux points daccord avec le Gouvernement et lui poser une question. Sagissant du premier point daccord, il a estimé que la révision constitutionnelle soumise au Parlement relevait dune démarche connue. Rappelant que le Traité dAmsterdam avait été négocié par le Gouvernement dAlain Juppé, et quil était présenté au Parlement par la nouvelle majorité, il a fait observer que la saisine du Conseil constitutionnel préalable à cette révision avait été le fruit dune démarche conjointe du Président de la République et du Premier ministre. Il a souligné que la décision du juge constitutionnel était de même nature que celle quil avait rendue en 1992 à propos de la conformité à la Constitution du Traité de Maastricht, rappelant quune révision de la Constitution était nécessaire chaque fois quun traité prévoit ou organise un transfert de compétences portant atteinte à lexercice des conditions essentielles de la souveraineté nationale. A cet égard, il a expliqué que la communautarisation du troisième pilier, au même titre que la mise en place de lUnion économique et monétaire, entrait dans ce cadre. Sagissant du second point daccord avec le Gouvernement, il a considéré que la révision constitutionnelle rendue nécessaire par le passage à un système de majorité qualifiée en matière de déplacement des personnes, de délivrance des visas et de droit dasile, ne devait pas être loccasion de modifier les équilibres généraux de la Constitution. Il a ainsi jugé que la mise en place dune veille constitutionnelle en matière de droit communautaire dérivé et que lexigence dune seconde ratification du Traité nétaient pas recevables. Il a en effet remarqué que le contrôle du droit dérivé par le Conseil constitutionnel nétait pas pertinent dans la mesure où il revenait à la Cour de justice des communautés européennes de contrôler la conformité de ce droit aux traités, eux-mêmes soumis au contrôle de constitutionnalité au titre de larticle 54 de la Constitution. Dans le même temps, il a estimé que la généralisation dune telle réserve de constitutionnalité à légard du droit communautaire dérivé chez lensemble de nos partenaires aboutirait à remettre en cause le principe même de lUnion. Il a également noté quen matière de défense des droits fondamentaux, le Traité dAmsterdam invitait au respect des stipulations de la Convention européenne des droits de lhomme. Il a par ailleurs expliqué quune décision du Parlement liant lexécutif dans la conduite des relations internationales nétait pas envisageable et remettait en cause léquilibre institutionnel de la Vème République. Poursuivant ce propos, il a fait observer quune résolution pourrait être adoptée par le Parlement afin dobtenir du Gouvernement quil précise sa position au sein du Conseil des ministres de lUnion européenne. Enfin, il a interrogé le Gouvernement sur le point de savoir sil convenait daméliorer la procédure de contrôle des actes communautaires prévue par larticle 88-4 de la Constitution, ayant fait observer que le protocole n° 13 du Traité dAmsterdam invitait les Etats membres à accroître linformation des parlements nationaux. Il a manifesté le souhait que lensemble des actes communautaires des premier, deuxième et troisième piliers relevant du domaine législatif, soient soumis au contrôle du Parlement. Observant que le partage des actes entre le domaine législatif et le domaine réglementaire, tel quil était défini par le Conseil dEtat, conduisait à écarter certains actes politiquement importants du contrôle parlementaire, il sest demandé sil ne serait pas possible que le Gouvernement ait la faculté de transmettre au Parlement dautres actes que ceux relevant strictement du domaine législatif. Soulignant quil nétait pas dans son intention de bouleverser léquilibre des institutions à loccasion des révisions constitutionnelles et se félicitant que nombre danciens détracteurs de la Constitution se rallie à léquilibre des pouvoirs quelle a institués, M. Robert Pandraud sest tout dabord étonné que le Gouvernement puisse demblée manifester son opposition à des amendements qui navaient pas encore été déposés. Il a ensuite interrogé M. Pierre Moscovici sur le point de savoir si le Gouvernement réitérerait son attachement au compromis de Luxembourg, comme il lavait fait, lors de la révision constitutionnelle précédant la ratification du traité de Maastricht. Evoquant la question de linstauration éventuelle dun contrôle de constitutionnalité du droit communautaire, il a rappelé que les propositions formulées par certains parlementaires tendaient à assurer un contrôle, non seulement du droit dérivé, mais aussi des projets ou propositions dactes avant leur adoption par les institutions européennes. Enfin, abordant lextension du champ dapplication de larticle 88-4, il a estimé que les résolutions adoptées par chaque assemblée devaient être comprises comme un moyen daider le Gouvernement à faire prévaloir le point de vue national dans la négociation européenne, considérant quil ny aucun inconvénient à conférer aux assemblées des Etats membres un pouvoir davis, celui-ci participant du nécessaire contrôle démocratique des institutions européennes. A cet égard, il a contesté la distinction opérée selon que les projets dactes soient de nature législative ou réglementaire, rappelant que le Parlement ne se privait pas de légiférer dans des matières réglementaires. Tout en soulignant que le groupe communiste était hostile au Traité dAmsterdam, M. Jacques Brunhes, rappelant que le pouvoir constituant sapprêtait à réviser pour la douzième fois la Constitution de 1958, a admis que celle-ci devait sadapter aux changements mais a souhaité que cette révision, à linverse de celle de 1992, ne donne pas lieu à ladoption de véritables cavaliers sans rapport avec le projet de loi constitutionnelle. Intervenant en application de larticle 38 du Règlement, Mme Nicole Ameline a estimé que lAssemblée nationale devait profiter de la révision constitutionnelle pour élargir le contrôle du Parlement et aller au-delà des propositions formulées par M. Henri Nallet en instituant un véritable droit de communication des actes communautaires au profit des délégations européennes. Après avoir rappelé que lEurope devait commencer à Paris, elle a fait valoir quune meilleure intégration de la dimension européenne dans lordre juridique interne était un moyen de réduire le déficit démocratique que tout le monde déplore. M. Henri Plagnol a dabord exprimé son accord sur les propos liminaires des ministres. Puis il a demandé des précisions sur la déclaration interprétative relative à la réforme institutionnelle que la France pourrait formuler à loccasion de la ratification du Traité et a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur la réforme de la pondération lors des votes à la majorité qualifiée. En réponse aux intervenants, la garde des sceaux a apporté les précisions suivantes : Le Gouvernement considère que la Constitution de 1958 nest pas intangible mais il estime inopportun dengager un vaste débat densemble sur les équilibres institutionnels au détour dune révision constitutionnelle limitée, uniquement destinée à permettre la ratification dun traité européen. Dans la mesure où le gouvernement dalors a accepté, en 1992, que le Parlement puisse se prononcer sur les actes ressortissants au premier pilier, il ne serait pas illégitime quil en fasse aujourdhui de même pour ceux relevant des deuxième et troisième piliers, domaines qui sont renforcés par le traité dAmsterdam. Sagissant de la possibilité donnée au Gouvernement de soumettre aux assemblées les propositions dactes de nature non législative ou les documents de consultation, il est possible dy réfléchir, étant entendu que la loi n° 90-385 du 10 mai 1990 oblige déjà lexécutif à transmettre tous les projets dactes et de documents aux fins dinformation. On ne peut établir une distinction entre les fonctions consultatives et normatives du Parlement pour motiver une extension du champ dapplication de larticle 88-4 vis-à-vis des projets dactes de nature réglementaire car, en définitive, les assemblées émettent des votes sur les projets de résolution. Par ailleurs, les dérogations au partage des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution à loccasion du vote des lois suppose laval du Gouvernement qui est toujours en mesure de faire respecter le domaine réglementaire. Le Gouvernement ne peut donc que sopposer aux amendements qui tendraient à permettre au Parlement de procéder à des votes sur des propositions dactes de nature réglementaire. Sil est effectivement souhaitable de sen tenir à la révision constitutionnelle nécessaire pour la ratification du Traité, un aménagement éventuel de larticle 88-4 à cette occasion est logique, compte tenu de son objet même. Puis, le ministre délégué aux affaires européennes a apporté les précisions suivantes : Le Gouvernement ne souhaite pas fuir le débat sur le compromis de Luxembourg, étant entendu quil sagit dun accord politique dont la portée juridique demeure imprécise, assimilable à un accord sur un désaccord , permettant déviter que la majorité du Conseil nimpose sa volonté à un Etat membre qui considère que ses intérêts vitaux sont en jeu, ce texte nayant dailleurs jamais été appliqué depuis lentrée en vigueur de lActe unique. Il convient, cependant, de souligner que le Traité dAmsterdam contient expressément un certain nombre de dispositions qui participent de la même logique, notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune et de mesures relevant du troisième pilier. Le Gouvernement actuel a toujours stigmatisé les lacunes du Traité sagissant des réformes institutionnelles, sachant que celles-ci sont dores et déjà indispensables en dehors même de toute perspective délargissement. De ce point de vue, il pourrait approuver léventuelle adjonction dun article additionnel au projet de loi de ratification, aux termes duquel la République indiquerait solennellement quelle estime insuffisantes les modifications apportées par le Traité au fonctionnement des institutions de lUnion. Certaines réformes, telles que celles touchant au fonctionnement de la commission ou à lamélioration des conseils spécialisés, ne nécessitent pas une modification des traités. En revanche, le débat majeur concerne la réforme de la commission qui apparaît trop nombreuse et insuffisamment hiérarchisée et la modification de la procédure de vote à la majorité qualifiée. Sur ce dernier point, le Gouvernement, tout en étant partisan de la généralisation de cette procédure, estime primordiale une amélioration des règles actuelles de pondération des voix, les réflexions pouvant, par exemple, porter sur lexigence dune double majorité politique et démographique. * * * Après lexposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. Après avoir rappelé que le débat ne portait pas sur le contenu et lopportunité du Traité dAmsterdam, Mme Nicole Catala a souhaité insister sur la modification proposée par le rapporteur pour renforcer les prérogatives du Parlement en matière dexamen des propositions dactes communautaires. Soulignant quen la matière, le Parlement français exerçait une fonction de contrôle, non de législation, seuls le Conseil et le Parlement européen disposant du pouvoir dédicter des normes communautaires, elle sest demandé pourquoi le Parlement français devrait se cantonner aux dispositions de nature législative à lexclusion de celles à caractère réglementaire, au sens des articles 34 et 37 de la Constitution. Ayant fait observer à cet égard que la summa divisio établie par ces articles était dénuée de toute pertinence en droit communautaire, elle a constaté que le principe actuel dune saisine ne portant que sur les projets dactes à caractère législatif conduisait parfois le Parlement à se prononcer sur des textes de faible portée, alors que des actes aussi fondamentaux que les accords de partenariat en vue de ladhésion à la Communauté ne lui étaient pas transmis. Elle a également rappelé que les actes adoptés par la Commission en vertu de ses pouvoirs propres nétaient pas transmis au Conseil des Communautés et nétaient donc pas soumis au Parlement, et a souligné, pour le regretter, que très peu dactes concernant des matières du deuxième pilier avaient été communiqués au Parlement. Elle a considéré quen fait, il convenait de repenser larticle 88-4 de la Constitution dans toutes ses composantes, en reconnaissant au Parlement français une fonction de contrôle à part entière, le mettant au même rang que le Parlement européen et que la plupart des autres parlements nationaux, évoquant, à cet égard, le Royaume-Uni où tous les actes sont transmis aux chambres, qui choisissent ceux dont elles se saisiront. Elle a conclu en estimant la proposition du rapporteur trop timide, notamment parce quelle permettrait au Gouvernement de décider du champ dapplication du contrôle, alors quil serait de lintérêt du Parlement de renforcer autant que possible le contenu de la réforme constitutionnelle. Après avoir rappelé les modalités du vote par les assemblées de résolutions portant sur des projets dactes communautaires telles quelles sont prévues par larticle 88-4 de la Constitution dans sa rédaction actuelle, M. Pascal Clément a demandé au rapporteur de lui confirmer que, dans le cas où les deux assemblées auraient exprimé leur opposition à un projet dacte communautaire, rien ninterdirait cependant quil soit adopté par le Conseil des ministres européen, si le ministre français compétent était absent ou ne se faisait pas lécho de lopposition du Parlement. Dans ces conditions, il a jugé que la saisine des assemblées présentait un caractère plus formel que réel. Il a ensuite estimé que, la distinction française entre les domaines de la loi et du règlement nétant mise en uvre ni dans les autres Etats membres ni en droit communautaire, cette source de rigidité propre à la France ne devait plus être prise en compte dans la procédure de saisine du Parlement. Il a enfin souhaité que le Parlement soit associé à la phase préalable de négociation des traités. Intervenant en application de larticle 38 du Règlement, M. Michel Vauzelle a fait connaître que la Commission des affaires étrangères avait exprimé ce matin un avis favorable à ladoption du projet de loi constitutionnelle. Il sest fait son interprète pour exprimer le souci dune double exigence : approfondir lévolution institutionnelle de la Communauté, renforcer le rôle du Parlement français, détenteur de la souveraineté de la Nation. Il a déclaré que la Commission des affaires étrangères partageait le souci du Gouvernement et du rapporteur de préserver les grands équilibres constitutionnels et considérait la présente révision comme une avancée souhaitable dans les circonstances présentes. Intervenant en application de larticle 38 du Règlement, M. René André a indiqué quil entendait développer une argumentation de nature plus politique que juridique. Constatant que nos concitoyens déploraient le déficit démocratique dans le fonctionnement des institutions européennes, ressentaient ce fonctionnement comme ésotérique et considéraient que le principe de subsidiarité nétait pas respecté, il a insisté pour que la révision constitutionnelle soit mise à profit pour engager une réforme vigoureuse de nature à dissiper ce sentiment, qui freine les progrès de la construction européenne. Il a plaidé pour un élargissement du contrôle parlementaire, non seulement aux deuxième et troisième piliers, mais aussi aux actes préparatoires, comme les livres verts , aux accords institutionnels et à tous les actes communautaires, hormis ceux de pure exécution. Il sest demandé sil ne conviendrait pas de conférer valeur constitutionnelle au délai dit de réserve parlementaire , de six semaines, permettant au Parlement dexaminer les projets dactes et de mettre en place une sorte de veille constitutionnelle permettant une saisine rapide du Conseil constitutionnel pour quil se prononce sur la constitutionnalité des projets dactes communautaires. Il a suggéré que les résolutions votées par lAssemblée nationale et le Sénat soient soumises à une sorte de commission mixte paritaire susceptible de donner un poids tout particulier aux positions communes des deux assemblées sur les sujets les plus importants. Il a estimé enfin que le Parlement ne pourrait pas être mis à lécart lors du passage, dans cinq ans, de la règle de lunanimité à celle de la majorité. Constatant que le traité dAmsterdam suscitait daussi vives critiques à gauche quà droite, M. Jean-Pierre Michel sest étonné que lon souhaite réviser la Constitution pour permettre sa ratification. Rappelant que cette révision était imposée par la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997, qui avait jugé que certaines stipulations du traité étaient contraires à lexercice de la souveraineté nationale, il a regretté que la haute juridiction ne se soit pas, par ailleurs, interrogé sur les atteintes à la souveraineté résultant des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes. Evoquant les trois dernières modifications de lordonnance du 2 novembre 1945 sur lentrée et le séjour des étrangers intervenues depuis 1993, il a fait observer quelles se trouveraient privées de toute portée si le traité dAmsterdam entrait en vigueur puisquil aurait pour effet de retirer à chaque Etat membre de lUnion européenne la maîtrise des questions dimmigration dans un délai de cinq ans. Il a exprimé son inquiétude sur le sort de laccord de Schengen au terme de ce délai et sur la situation dEtats tels que le Royaume Uni ou la Suède qui, tout en étant tenus par les obligations contractées lors de la ratification du traité dAmsterdam, nétaient pas intégrés dans l espace Schengen , la Suède pouvant être tentée, par ailleurs, dabandonner ses accords particuliers avec ses voisins scandinaves. Considérant quen confiant aux instances européennes la conduite de la politique dimmigration, après avoir opté pour la politique de lunion monétaire, on sengageait sur la voie dune Europe fédérale, il a regretté que ce choix politique ne soit pas plus clairement annoncé. Il a rappelé quil existait trois options pour la construction européenne : celle de lEurope fédérale préconisée par lAllemagne, celle de lEurope confédérale, souhaitée par le Président François Mitterrand jusquà ce quil consente à signer le traité de Maastricht en contrepartie de la renonciation par lAllemagne au Deutsche Mark au profit de lEuro, celle enfin dune Europe qui ne serait quune zone de libre échange. Constatant que cest la première option qui semblait désormais retenue, même si ce choix nétait pas clairement énoncé, il a indiqué que les députés du Mouvement des citoyens ne voteraient ni le projet de loi de révision constitutionnelle ni le projet de loi autorisant la ratification du traité dAmsterdam. Il a précisé que, compte tenu de ce choix de principe, les amendements quil avait déposés en commission ne seraient sans doute pas repris en séance, ajoutant quil lui semblait inutile de prévoir un renforcement de linformation du Parlement français sur les actes communautaires, dès lors que lon sengageait dans un processus dabdication de la souveraineté nationale. Après avoir pris acte du fait que les divergences au sein de la majorité sur les questions européennes étaient aussi fortes que celles qui existent dans lopposition, M. Robert Pandraud a considéré que lhostilité du Gouvernement à une extension du champ de compétence des assemblées en matière dexamen des projets dactes communautaires tenait en réalité à sa crainte que le Parlement nintervienne dans les débats sur la fixation des prix agricoles, et ne remette ainsi en cause la politique agricole commune par leffet conjugué doppositions de tous bords. Rappelant quil sétait opposé, en son temps, à lautorisation de la ratification du traité de Maastricht, parce que celui-ci reconnaissait une indépendance à lInstitut monétaire européen, il a indiqué quil était, en revanche, favorable au traité dAmsterdam qui devrait permettre la mise en place dune véritable politique européenne dimmigration, se substituant aux politiques nationales qui ont échoué. Il a souhaité que le Gouvernement confirme quil resterait possible de recourir au compromis de Luxembourg en cas de désaccord fondamental sur une décision prise par lUnion. Regrettant que les pouvoirs de négociation au sein des instances européennes soient en fait exercés par de hauts fonctionnaires, il sest demandé sil ne serait pas possible que le Parlement soit représenté au sein des délégations participant aux négociations, comme lavait proposé M. Alain Lamassoure en 1991. Il a conclu son propos en indiquant quil se prononcerait pour lextension du champ dapplication de larticle 88-4 de la Constitution et voterait le projet de loi autorisant la ratification du traité dAmsterdam. En réponse aux différents intervenants, le rapporteur sest dabord inscrit en faux contre le fait que la distinction opérée par larticle 88-4 de la Constitution entre les dispositions législatives et réglementaires ne correspondrait pas à la nature des textes communautaires et, de ce fait, permettrait à beaucoup dentre eux déchapper au contrôle du Parlement. Il a, au contraire, considéré que la possibilité offerte aux assemblées dadopter des résolutions sur des actes communautaires de portée législative, possibilité que son amendement étend aux matières du deuxième et du troisième piliers, aboutissait en fait à soumettre lessentiel des textes au contrôle parlementaire, à la seule exception des accords institutionnels et des rapports. Il a par ailleurs souligné que la loi n° 90-385 du 10 mai 1990 permettait au Parlement dobtenir tous les documents souhaités et de rédiger sur ceux-ci des rapports dinformation, comme la fait récemment la Délégation de lAssemblée nationale pour lUnion européenne avec le rapport sur lAgenda 2000. Observant que lamendement quil proposait rendait également possible le vote dune résolution, à la demande du Gouvernement, sur un document qui, sans être de nature législative, serait jugé politiquement important, il a considéré que lensemble de ces dispositions permettrait de répondre aux préoccupations exprimées par certains commissaires. Il a enfin rappelé que les traités nétaient pas des actes communautaires de droit dérivé mais relevaient de larticle 52 de la Constitution qui donne compétence au Président de la République pour négocier les traités. Sagissant de la nature des résolutions, il a considéré quelles relevaient davantage de la fonction législative du Parlement que de sa fonction de contrôle, soulignant en outre que leur absence de portée juridique ne les empêchait pas davoir un impact politique fort qui pouvait être utilisé par le Gouvernement comme un moyen de pression dans les négociations intergouvernementales. Observant que, depuis 1958, le Parlement navait été que très progressivement associé aux affaires communautaires, lexécutif conservant un rôle prééminent, il sest interrogé sur la possibilité, évoquée par M. Pascal Clément, dadopter une approche différente en prévoyant une consultation préalable du Parlement pendant la phase délaboration des traités. Il a enfin déclaré partager les réflexions de M. Robert Pandraud sur la volonté du Gouvernement déviter que le Parlement ne se saisisse du dossier des prix agricoles. * * * La Commission a dabord été saisie de deux amendements ayant le même objet, lamendement n° 10 présenté par M. Jacques Myard et un amendement présenté par Mme Nicole Catala, tendant à insérer dans la Constitution des dispositions aux termes desquelles la souveraineté nationale est inaliénable. Mme Nicole Catala a précisé que ces amendements conduisaient à faire figurer expressément dans la Constitution le principe selon lequel les transferts de souveraineté ne sont pas définitifs. Après que M. Gérard Gouzes eut estimé que cette proposition participait du même raisonnement que celui tenu par les opposants au Traité de Maastricht et que le rapporteur eut souligné que la notion de souveraineté nationale navait pas de valeur supraconstitutionnelle, ainsi que la confirmé le Conseil constitutionnel dans la décision dite Maastricht II du 2 septembre 1992, la Commission a rejeté ces amendements. Elle a ensuite examiné lamendement n° 11 de M. Jacques Myard prévoyant que la loi votée par le Parlement ou adoptée par référendum simpose à toute autorité française en dépit de lexistence dun traité ou dun accord international qui lui est antérieur. Le rapporteur a fait observer que cet amendement revenait sur la jurisprudence bien établie du Conseil dEtat et de la cour de cassation consacrant la primauté des traités sur les lois même postérieures. M. Gérard Gouzes a considéré que ladoption de cette proposition permettrait de remettre en cause par une simple loi tous les engagements internationaux. Après que M. Robert Pandraud eut souligné que la remise en cause dun acte communautaire par une loi entraînerait inévitablement une condamnation par la Cour de justice des Communautés, la Commission a rejeté cet amendement ainsi que les amendements n° 2 de M. Jean-Pierre Michel et n° 12 de M. Jacques Myard ayant le même objet. Elle a ensuite examiné lamendement n° 1 de M. Jean-Pierre Michel portant le nombre de commissions permanentes à sept, son auteur indiquant que cette proposition avait pour objet de permettre la création dune commission chargée des affaires européennes. MM. Gérard Gouzes et René André ayant fait observer que linstitution dune commission en charge des affaires européennes reviendrait à priver les commissions permanentes dune bonne part de leurs attributions et quil était préférable que ces dernières traitent des dossiers communautaires en fonction de leurs compétences propres, la Commission a rejeté cet amendement ainsi que lamendement n° 6 de M. Thierry Mariani et un amendement de Mme Nicole Catala prévoyant que les traités portant atteinte à la souveraineté nationale sont ratifiés ou approuvés en vertu dune loi référendaire. La Commission a ensuite rejeté lamendement n° 14 présenté par Mme Nicole Catala proposant une nouvelle rédaction de larticle 88-1 de la Constitution selon laquelle la République participe à lUnion européenne constituée dEtats qui ont choisi librement dexercer en commun les compétences dont la délégation est explicitement prévue par les traités, son auteur ayant précisé que cet amendement consacrerait constitutionnellement le principe selon lequel lUnion européenne ne dispose que dune compétence dattribution, principe rappelé par la Cour constitutionnelle allemande en 1993, M. Gérard Gouzes ayant estimé que lesprit de cet amendement était déjà pris en compte par la rédaction actuelle de la Constitution. Puis elle a également rejeté les amendements n° 4 présenté par M. Charles Millon et n° 16 de M. Jacques Myard, faisant figurer le principe de subsidiarité dans larticle 88-1 de la Constitution. Article unique La Commission a dabord rejeté lamendement n° 18 présenté par M. François Guillaume, substituant à la notion de transferts de compétences celle de délégations de compétences, puis trois amendements de M. Lionnel Luca, lamendement n° 9 précisant que les transferts de compétences autorisés doivent porter sur des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés, à la condition que ceux-ci soient préalablement et précisément définis, lamendement n° 7 selon lequel latteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale est définie indépendamment du caractère régalien ou autre des domaines concernés par le transfert des compétences consenties et lamendement n° 8 indiquant que latteinte aux conditions essentielles de la souveraineté nationale ne sapprécie plus libéralement lorsquil sagit de contrôler la conformité de la Constitution à un engagement communautaire et de contrôler cette même conformité à un engagement international autre que communautaire. La Commission a adopté larticle unique sans modification. Article additionnel après larticle unique La Commission a tout dabord adopté un amendement du rapporteur élargissant le champ dapplication de larticle 88-4 en prévoyant, dune part, la transmission de droit au Parlement des projets dacte relevant des deuxième et troisième piliers et en permettant, dautre part, au Gouvernement de soumettre au Parlement dautres projets dactes nayant pas de nature législative ainsi que tout document émanant dune institution de lUnion (amendement n° 19). Elle a ensuite rejeté lamendement n° 17 présenté par M. Jacques Myard indiquant que le Gouvernement est tenu de respecter les résolutions communes des assemblées ainsi que lamendement n° 5 de M. Charles Millon précisant que des résolutions peuvent être votées par le Parlement dans le cadre de lexamen de tout projet de loi autorisant la ratification dun texte modifiant les traités visés à larticle 88-1. Après larticle unique Elle a enfin été saisie de lamendement n° 3 de M. Jean-Pierre Michel insérant un article additionnel aux termes duquel, dune part, le Parlement peut demander au Gouvernement la renégociation du traité visé aux articles 88-2 et 88-3 et, dautre part, la loi fixe les conditions dans lesquelles sexerce le contrôle parlementaire sur la construction européenne. Tout en reconnaissant la primauté des compétences de lexécutif dans la négociation des traités internationaux de droit commun, M. Jean-Pierre Michel a néanmoins estimé que le Parlement devait être consulté lorsque les traités en cours de négociation mettent en cause les conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale. Après que M. Robert Pandraud eut souhaité que le Gouvernement renoue avec la pratique selon laquelle un débat est organisé au Parlement avant la tenue de chaque sommet européen et que M. Henri Nallet eut rappelé que larticle 54 de la Constitution permettait déjà au peuple ou à ses représentants de se prononcer lorsquun traité comportait une clause contraire à la Constitution, la Commission a rejeté cet amendement. * * * Elle a ensuite adopté lensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de ladministration générale de la République vous demande dadopter le projet de loi constitutionnelle modifiant larticle 88-2 de la Constitution (n° 1072), modifié par lamendement figurant au tableau comparatif ci-après. ___
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Avant larticle unique Amendement n° 10 présenté par M. Jacques Myard : Insérer larticle suivant : Le premier alinéa de larticle 3 de la Constitution est ainsi rédigé : Art. 3. La souveraineté nationale est inaliénable. Elle appartient exclusivement au peuple, qui lexerce par la voie du référendum et par ses représentants. . Amendement présenté par Mme Nicole Catala : Insérer larticle suivant : Le premier alinéa de larticle 3 de la Constitution est complété par la phrase suivante : Elle ne peut être aliénée. . Amendement n° 11 présenté par M. Jacques Myard : Insérer larticle suivant : Après larticle 34 de la Constitution, il est inséré un article 341 ainsi rédigé : Art. 34-1 La loi votée par le Parlement ou adoptée par référendum simpose à toute autorité publique, administrative ou judiciaire, nonobstant lexistence de tout traité ou accord international antérieur ou de toutes dispositions antérieures adoptées dans le cadre de la participation de la République française aux Communautés européennes et à lUnion européenne. . Amendement n° 1 présenté par M. Jean-Pierre Michel : Insérer larticle suivant : Dans le dernier alinéa de larticle 43 de la Constitution, le nombre : six est remplacé par le nombre : sept . Amendement n° 6 présenté par M. Thierry Mariani : Insérer larticle suivant : Après le premier alinéa de larticle 53 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : Les traités et accords internationaux qui aménagent les conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale ne peuvent être ratifiés ou approuvés quen vertu dune loi adoptée par référendum. . Amendement présenté par Mme Nicole Catala : Insérer larticle suivant : Larticle 54 de la Constitution est complété par les mots suivants : effectuée selon la procédure prévue par le deuxième alinéa de larticle 89 ci-après. . Amendement n° 2 présenté par M. Jean-Pierre Michel : Insérer larticle suivant : Dans larticle 55 de la Constitution, après le mot : lois , sont insérés les mots : qui leur sont antérieures . Amendement n° 12 présenté par M. Jacques Myard : Insérer larticle suivant : Dans larticle 55 de la Constitution, après les mots : celle des lois , est inséré le mot : antérieures . Amendement n° 14 présenté par Mme Nicole Catala : Insérer larticle suivant : Larticle 88-1 de la Constitution est ainsi rédigé : Art. 88-1. La République participe aux Communautés européennes et à lUnion européenne, constituées dEtats qui ont choisi librement dexercer en commun les compétences dont la délégation est explicitement prévue par les traités. Amendement n° 4 présenté par M. Charles Millon : Insérer larticle suivant : Larticle 88-1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé : Conformément au principe de subsidiarité, la France ne consent aux transferts de compétences à la Communauté européenne que si et dans la mesure où les objectifs de laction envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante à son niveau et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de laction envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. Amendement n° 16 présenté par M. Jacques Myard : Insérer larticle suivant : Larticle 88-1 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : Afin de respecter le principe de subsidiarité, toute délégation peut être reprise par la République. Article unique Amendement n° 18 présenté par M. François Guillaume : Dans le dernier alinéa du II de cet article, substituer aux mots : consentis les transferts , les mots : consenties les délégations . Amendements nos 9, 7 et 8 présentés par M. Lionnel Luca : · Compléter le dernier alinéa du II de cet article par les mots : qui doivent être préalablement et précisément définis . · Compléter le dernier alinéa du II de cet article par la phrase suivante : Latteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale est définie indépendamment du caractère régalien ou autre, des domaines concernés par le transfert des compétences consenties. · Compléter le dernier alinéa du II de cet article par la phrase suivante : Latteinte aux conditions essentielles dexercice de la souveraineté nationale ne sapprécie plus libéralement lorsquil sagit de contrôler la conformité de la Constitution à un engagement communautaire et de contrôler cette même conformité à un engagement international autre que communautaire. Après larticle unique Amendement n° 17 présenté par M. Jacques Myard : Insérer larticle suivant : Larticle 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé : Le Gouvernement est tenu de respecter les résolutions communes des assemblées. Amendement n° 5 présenté par M. Charles Millon : Insérer larticle suivant : Larticle 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé : Des résolutions peuvent être votées par lAssemblée nationale et le Sénat dans le cadre de lexamen de tout projet de loi autorisant la ratification dun texte modifiant les traités visés à larticle 88-1, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée. Amendement n° 3 présenté par M. Jean-Pierre Michel : Insérer larticle suivant : Après larticle 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé : Art. 88-5. Le Parlement peut demander au Gouvernement la renégociation du traité visé aux articles 88-2 et 88-3. Le Gouvernement est tenu dengager cette renégociation et den communiquer les résultats au Parlement dans un délai maximum dun an. La loi fixe les conditions dans lesquelles sexerce le contrôle parlementaire sur la construction européenne. LINFORMATION DES PARLEMENTS NATIONAUX ALLEMAGNE Le paragraphe 2 de larticle 23 de la Loi fondamentale, résultant de la loi du 21 décembre 1992, dispose : Le Bundestag et les Länder, par lintermédiaire du Bundesrat, participent aux affaires de l'Union européenne. Le Gouvernement fédéral doit informer de façon détaillée le Bundestag et le Bundesrat dans les meilleurs délais . Deux lois du 13 mars 1993 précisent les modalités dapplication de ces dispositions pour chacune des deux chambres. Le Bundestag Larticle 23, paragraphe 3, de la Loi fondamentale dispose : Avant de concourir aux actes normatifs de l'Union européenne, le Gouvernement fédéral donne au Bundestag loccasion de donner son avis. Dans les négociations, le Gouvernement fédéral prend en considération les avis du Bundestag . La commission des affaires de l'Union européenne - dont lexistence est prévue par larticle 45 de la Loi fondamentale - comprend à la fois des membres du Bundestag et des députés européens allemands. Cette commission délibère sur les grandes questions de politique européenne et le Gouvernement lui transmet lensemble des propositions dactes communautaires et des projets relevant du troisième pilier. Elle partage avec les autres commissions permanentes la compétence pour examiner ces textes. Elle a la faculté démettre des avis au nom du Bundestag, celui-ci pouvant également adopter des avis en séance publique. Les avis du Bundestag ne lient pas le Gouvernement qui doit seulement en tenir compte lors des négociations au sein du Conseil. Si le Gouvernement sécarte de lavis du Bundestag, il doit se justifier vis-à-vis de ce dernier. En outre, le Bundestag a la possibilité dinvoquer une réserve dexamen parlementaire. Le Bundesrat La procédure est comparable à celle en vigueur pour le Bundestag, la commission pour les questions de l'Union européenne étant composée de représentants des gouvernements des Länder. La portée des avis adoptés au Bundesrat peut toutefois être différente : lorsque les propositions dactes de l'Union portent au premier chef sur des matières entrant dans les compétences des Länder, le Gouvernement est tenu de respecter lavis du Bundesrat. AUTRICHE En vertu dun amendement du 15 décembre 1994 à la Constitution fédérale, le Gouvernement est tenu dinformer les deux chambres sur tous les projets liés à lUnion européenne , de quelque pilier quils relèvent, et de leur permettre démettre un avis à leur propos. Comme en Allemagne, les règles applicables à chacune des deux assemblées diffèrent quelque peu. Au sein du Nationalrat, les avis peuvent être émis soit par la Commission principale , soit en séance. Ils lient le Gouvernement lorsque la proposition dacte doit être transposée en droit fédéral ou lorsquelle tend à lédiction dune norme directement applicable touchant à des questions de compétence fédérale. Lors des débats au sein du Conseil de lUnion, le représentant autrichien ne peut sécarter de lavis rendu par le Nationalrat que pour des raisons impératives et il doit alors consulter de nouveau lassemblée. Les avis du Bundesrat ne sont contraignants que pour les propositions susceptibles davoir une incidence sur les compétences propres des Länder. BELGIQUE Depuis 1995, le Comité davis fédéral chargé des questions européennes est commun à la Chambre des représentants et au Sénat. En font également partie, avec voix délibérative, dix membres belges du Parlement européen. En vertu dune loi de 1993, le Gouvernement est tenu de communiquer les propositions dactes normatifs de la Commission européenne aux assemblées législatives, afin que celles-ci puissent en délibérer et donner un avis avant la décision du Conseil. A ce titre, le Comité davis sélectionne les propositions les plus importantes, sur lesquelles il établit un rapport. Ces rapports peuvent aboutir à une proposition de résolution, adoptée par la Chambre ou le Sénat en séance plénière. Le Comité davis procède également avant (ou après) chaque Conseil européen à laudition du Premier ministre ou du ministre des Affaires étrangères. Enfin, depuis la révision constitutionnelle de 1993, les chambres sont informées dès louverture des négociations des projets de modification des traités relatifs à lUnion européenne. DANEMARK Depuis son adhésion aux Communautés européennes, en 1973, le Danemark dispose dun système original de contrôle parlementaire de la politique européenne : la Commission des Affaires européennes du Folketing (dite Commission du marché jusquen 1994) détient en effet le pouvoir de donner au Gouvernement des mandats de négociation impératifs. La Commission se réunit systématiquement tous les vendredis, sauf au mois daoût, afin dexaminer les points à lordre du jour du Conseil de lUnion la semaine suivante. Le Gouvernement lui soumet un projet de mandat de négociation sur toutes les propositions de législation européenne des premier et troisième piliers. Pour la politique étrangère et de sécurité commune, en revanche, il est seulement tenu dinformer la Commission, sans avoir besoin dun mandat de négociation. Dans la pratique, sur les documents les moins importants, le Gouvernement fournit à la Commission une note explicative. Sur les autres, il expose sa position oralement puis, après débat, la Commission conclut avec lui un accord, consigné dans un rapport à diffusion restreinte. Après chaque réunion du Conseil, le ministre compétent publie un compte rendu qui permet au Folketing dapprécier le respect, par le Gouvernement, du mandat de négociation qui lui avait été confié. Ce compte rendu peut faire lobjet dun débat en séance publique. Il convient enfin de préciser que les autres commissions permanentes du Folketing, si elles nont pas compétence pour donner au Gouvernement un mandat de négociation, peuvent cependant élaborer, à lintention de la Commission des affaires européennes, des recommandations sur des projets dactes de lUnion. ESPAGNE La Commission mixte pour lUnion européenne est commune aux deux chambres des Cortes. En application de la loi du 19 mai 1994, elle reçoit du Gouvernement tous documents ou informations relatifs aux négociations communautaires et qui ont une incidence sur les affaires espagnoles. Dans la pratique, le Gouvernement transmet, avant leur adoption définitive, toutes les propositions législatives de la Commission européenne, quelles relèvent du premier, du deuxième ou du troisième pilier. Les groupes politiques, les commissions permanentes et la Commission mixte pour lUnion européenne peuvent déposer des propositions de résolution sur une question communautaire. Les propositions de résolution sont examinées en commission ou, le cas échéant, en séance plénière. Les résolutions ainsi adoptées ne lient pas le Gouvernement. FINLANDE Lors de son adhésion à lUnion européenne, effective depuis le 1er janvier 1995, la Finlande sest inspirée du système danois de contrôle parlementaire des affaires européennes, tout en ladaptant sensiblement. La Grande Commission du Parlement finlandais se réunit chaque vendredi, afin dexaminer les sujets inscrits à lordre du jour du Conseil de lUnion la semaine suivante. Elle se réunit également chaque mercredi, pour examiner les projets dactes communautaires que le Gouvernement est tenu de lui transmettre sils portent sur des matières qui auraient relevé de la compétence du Parlement si la Finlande nétait pas membre de lUnion européenne ; la Grande Commission examine dans les mêmes conditions les textes relevant du troisième pilier, la compétence au fond pour la politique étrangère et de sécurité commune appartenant à la Commission des Affaires étrangères. Lexamen des projets dactes a toujours lieu avant ladoption dune position commune par le Conseil. La Grande Commission donne au Gouvernement, en général sous forme orale, un mandat de négociation qui nest juridiquement pas impératif. Le Gouvernement est tenu dinformer, oralement ou par écrit, le Parlement des raisons qui le conduiraient à sen écarter. Les projets dactes relevant de la compétence du Parlement sont également transmis aux commissions spécialisées, qui peuvent faire part de leur avis à la Grande Commission. Le Premier ministre doit, en outre, informer préalablement la Grande Commission des questions figurant à lordre du jour du Conseil. Ces dispositions se sont, par analogie, appliquées aux travaux de la conférence intergouvernementale. Enfin, la Conférence des Présidents peut inscrire à lordre du jour un débat, en séance publique, sur une proposition communautaire, mais ce débat ne peut donner lieu à ladoption dune résolution par lassemblée. GRÈCE Créée en 1992, la Commission des affaires européennes de la Chambre des députés se réunit de manière irrégulière. Le Gouvernement na pas lobligation de lui transmettre systématiquement les propositions dactes de lUnion. Il présente seulement, à la fin de chaque session, un rapport sur le développement des affaires communautaires. IRLANDE Depuis 1995, existe au Parlement irlandais une Commission mixte des affaires européennes , commune aux deux chambres. Les députés européens irlandais peuvent participer à ses travaux à titre consultatif. Le Gouvernement doit lui transmettre dans les meilleurs délais tout projet dacte législatif émanant des institutions de lUnion. Elle peut présenter un rapport aux deux chambres sur ces documents. Toutefois, il semble que, dans la pratique, ce contrôle parlementaire ne soit ni systématique, ni très approfondi, la politique européenne demeurant du ressort du Gouvernement. ITALIE · Chambre des députés Instituée en 1990, la Commission pour les politiques de lUnion européenne reçoit du Gouvernement toutes les propositions dactes communautaires, mais aussi, à la suite dune demande spécifique par le Parlement, les documents relatifs aux deuxième et troisième piliers. En théorie, la Commission examine ces textes parallèlement aux commissions compétentes sur le fond, son rôle spécifique étant dharmoniser les positions et dexaminer la compatibilité des projets communautaires avec le droit interne. Dans la pratique, ce mécanisme ne fonctionne pas très activement. Lintervention de la Chambre des députés sur les questions européennes se marque surtout par le vote de la loi annuelle de transposition des directives communautaires. Ce projet est examiné par lensemble des commissions, la Commission pour les politiques de lUnion européenne jouant un rôle de coordination. · Sénat La procédure est comparable à celle qui existe à la Chambre. La Commission pour les affaires communautaires examine la loi annuelle de transposition des directives et peut formuler des avis ou propositions sur les projets dactes communautaires, qui sont renvoyés aux commissions spécialisées. LUXEMBOURG Au sein de la Chambre des Députés, une seule commission est compétente à la fois pour les affaires étrangères et les affaires communautaires. Lorsquelle traite de questions européennes, les députés européens luxembourgeois peuvent participer à ses travaux avec voix consultative. Le Gouvernement linforme de sa position avant chaque réunion importante du Conseil de lUnion. Il lui transmet lensemble des propositions dactes de la Commission européenne, ainsi que des éléments dinformation sur les incidences de ces actes en droit interne. Sur les plus importants de ces documents, la Commission des affaires étrangères et communautaires établit un rapport et elle peut formuler un avis, qui peut faire lobjet dun débat en séance publique, suivi du vote dune résolution ou dune motion. Cette procédure nest pas dusage fréquent. PAYS-BAS Le Parlement néerlandais, sil ne dispose pas dun système très original en ce qui concerne la législation communautaire, possède en revanche un dispositif avancé pour les matières du troisième pilier et de Schengen. · La deuxième Chambre des Etats généraux La Commission générale des affaires de lUnion européenne de la Chambre basse néerlandaise, instituée en 1986, procède une fois par mois à laudition publique du ministre des Affaires étrangères. Une autre réunion mensuelle, mais à huis clos, est consacrée à lexamen et au suivi des textes communautaires (propositions dactes et communications), transmis par le Gouvernement dès leur publication en néerlandais. Ces documents sont accompagnés de notes dinformation en décrivant le contenu et lincidence sur le droit national et présentant les positions défendues par le gouvernement néerlandais au sein du Conseil. A partir de ces informations, la Commission générale sélectionne les textes les plus importants et en assure la diffusion au sein de la Chambre. Elle peut rédiger sur un projet dacte communautaire un rapport, auquel le Gouvernement est tenu de répondre par écrit, et qui peut également donner lieu à un débat en séance publique. Lors de la préparation de chaque Conseil européen semestriel, le ministre des Affaires étrangères est entendu conjointement par la Commission générale et la Commission des Affaires étrangères, puis il participe à un débat en séance publique, en présence du Premier ministre. En outre, le Gouvernement adresse chaque année à la Chambre un rapport sur lapplication et la mise en oeuvre des traités communautaires. Le troisième pilier fait lobjet dun dispositif spécifique, en vertu dun amendement à la loi de novembre 1992 autorisant la ratification du traité sur lUnion européenne. Dans ce domaine, les Etats généraux disposent non seulement dune information étendue, mais dun véritable pouvoir de codécision. Avant chaque réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures , le Gouvernement doit transmettre à la seconde Chambre lordre du jour du Conseil, les documents pertinents, ainsi que la position quil envisage de défendre, pour laquelle lapprobation du Parlement est requise. Toutefois, au-delà dun délai de quinze jours à compter de la transmission des projets de décisions, cette approbation est, à défaut dintervention particulière, réputée acquise. Une procédure analogue sapplique aux mesures prises au titre de la convention de Schengen. Il est envisagé, dans le cadre de la ratification en cours du Traité dAmsterdam, de létendre, pendant la période transitoire de cinq ans, aux matières communautarisées de lactuel troisième pilier. · La première Chambre Le rôle de la Commission permanente pour les organisations européennes est, pour les questions communautaires, moins important que celui de son homologue de la seconde Chambre. Seuls lui sont transmis les projets dactes communautaires qui nécessitent son approbation pour leur transposition en droit interne. Elle apparaît surtout, sur ces sujets, comme une enceinte de réflexion. En revanche, sur le troisième pilier, ses compétences sont identiques à celles de la Commission générale de la deuxième Chambre. PORTUGAL Créée en 1987, la Commission des affaires européennes de lAssemblée de la République est destinataire des propositions dactes communautaires, sur lesquels elle peut présenter des rapports, des avis ou des propositions de résolution discutées en séance plénière. Toutefois, le recours à ces procédures est, en pratique, assez rare. Dans les matières relevant des deuxième et troisième piliers, le Gouvernement nest pas tenu de transmettre à lAssemblée les documents de lUnion, mais seulement de lui présenter sa position sur les sujets qui relèvent des compétences du Parlement. En outre, le Gouvernement présente annuellement à lAssemblée un rapport sur la participation du Portugal à la construction européenne. ROYAUME-UNI La Chambre des Communes et la Chambre des Lords jouent, en matière de contrôle des questions européennes, des rôles complémentaires. Alors que la première se livre à un examen systématique des projets de lUnion, la seconde se concentre sur quelques sujets précis quelle traite de manière approfondie. · La Chambre des Communes Créée en 1974, au lendemain de ladhésion du Royaume-Uni aux Communautés, la Commission spéciale sur la Législation européenne (Select Committee on European Legislation) se réunit chaque semaine pendant les sessions. Elle reçoit du Gouvernement lensemble des projets dactes communautaires, ainsi quune grande partie des communications et rapports de la Commission européenne et les documents les plus importants relevant des deuxième et troisième piliers. Le Gouvernement y joint un mémorandum explicatif. La Commission analyse ces documents dans des rapports périodiques et, pour les plus importants dentre eux, les transmet à lune des deux commissions permanentes spécialisées dans les affaires européennes ou en demande un examen plus approfondi par la Chambre. Dans les deux cas, le Gouvernement dépose sur le document en question une motion qui donne lieu, en séance publique, à un vote sans débat. Ce système a été renforcé, depuis 1980, par linstauration dun mécanisme de réserve dexamen parlementaire (scrutiny reserve). · La Chambre des Lords Le Gouvernement a les mêmes obligations dinformation envers la Chambre des Lords quenvers la Chambre des Communes. Parmi lensemble des documents que lui transmet le Gouvernement, la Commission spéciale pour les Communautés européennes (Select Committee on European Communities) sélectionne ceux qui lui paraissent nécessiter un examen plus approfondi et sont alors renvoyés à une sous-commission spécialisée. Celle-ci peut décider de présenter à la Chambre un rapport qui peut donner lieu à un débat au cours duquel le Gouvernement soumet aux Lords une motion, susceptible damendements. Enfin, depuis 1993, la réserve dexamen parlementaire sapplique à la Chambre des Lords. SUÈDE La Commission consultative pour lUnion européenne du parlement suédois reçoit du Gouvernement tous les projets dactes émanant de la Commission européenne, assortis de notes explicatives sur les incidences de ces textes et sur la position initiale du Gouvernement. Ce dernier est tenu de prendre lavis de la Commission consultative avant toute négociation au sein du Conseil jugée importante par le Gouvernement ou par la Commission elle-même. Ces avis ne constituent pas des mandats impératifs, mais le Gouvernement doit sefforcer de sy conformer et de rendre compte à la Commission des positions effectivement défendues par la Suède au Conseil. ______________ N° 1212. Rapport de M. Henri Nallet (au nom de la commission des lois), sur le projet de loi constitutionnelle (n° 1072) modifiant larticle 88-2 de la Constitution. 1 ) Il sagit de lAllemagne, lItalie, le Royaume-Uni, le Luxembourg, lIrlande, lAutriche, le Danemark, la Finlande. 2 ) Il sagit du titre IV et des articles 61 à 69 dans la nouvelle numérotation prévue par larticle 12 du Traité dAmsterdam. Pour des raisons pratiques, on conservera, dans le présent rapport, la numérotation originale afin de faciliter le rapprochement avec le texte du traité lui-même. 3 ) Ces notes ont été établies par les services de la Délégation de lAssemblée nationale pour lUnion européenne. |