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le 2 décembre 1998

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N° 1219

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole),

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 233, 340 et T.A. 143 (1997-1998)

Assemblée nationale : 920

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, MM. Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Jacques Desallangre, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM.  Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES DE LA RUSSIE 7

A - LA RUSSIE APRÈS LA CRISE DU MOIS D'AOÛT 7

B - LA RÉFORME FISCALE EN RUSSIE 9

II - LA CONVENTION 13

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

La convention entre la France et la Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales a été signée le 26 novembre 1996.

Les dispositions de cette convention sont largement conformes au modèle de convention proposé par l'OCDE. En revanche, le protocole annexé comporte des dispositions originales susceptibles de garantir l'efficacité de la lutte contre l'évasion fiscale et de soutenir le développement de l'activité des entreprises françaises implantées en Russie.

La ratification de cette convention paraît très opportune à un moment où l'économie russe connaît une brutale aggravation de sa situation à la suite d'une crise monétaire et financière particulièrement rude.

I - LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES DE LA RUSSIE

A - La Russie après la crise du mois d'août

La situation économique et financière russe, qui pouvait paraître en voie d'amélioration en 1997, a été particulièrement affectée par la chute des matières premières et le contrecoup de la crise asiatique. Cependant, ces chocs externes ont surtout révélé que la Russie souffrait de dysfonctionnements structurels que la politique brutalement libérale suivie depuis 1992 a probablement aggravés, voire créés.

Au cours des dernières années, alors que l'économie réelle traversait une crise profonde, les autorités russes n'ont pas su s'attaquer aux causes de la crise budgétaire. Elles ont préféré poursuivre une politique de libéralisation en libérant soudainement les prix, en conduisant des opérations de privatisation de grande envergure et en ouvrant largement l'économie russe sur l'extérieur. Cependant, le miracle libéral ne s'est pas accompli. Toutes ces mesures n'ont eu que peu de prises sur l'économie . En revanche, elles ont placé l'économie russe dans une situation de dépendance à l'égard de l'extérieur et généré le développement de l'économie spéculative.

Un plan anti-crise a été négocié par le gouvernement Kirienko au premier semestre 1998 avec le FMI et un premier versement de 4,6 milliards de dollars a été versé à la fin du mois de juillet. Mais, la Douma ayant refusé d'adopter la plus grande partie des mesures préconisées, un mouvement de défiance s'est rapidement développé qui a conduit à la crise financière de la mi-août.

Dans l'incapacité de financer le budget et de payer ses dettes, le gouvernement Kirienko a pris, le 17 août, un ensemble de mesures d'urgence, et décidé en particulier :

- l'abandon de la parité de 6,2 roubles pour un dollar ,

- l'introduction d'un moratoire de 90 jours (jusqu'au 16 novembre) sur le remboursement d'une partie de la dette extérieure ;

- la conversion des titres de la dette d'Etat domestique russe en de nouveaux instruments, en roubles et à maturité longue.

Cependant, ces mesures n'ont fait qu'amplifier le mouvement de défiance et la crise financière a débouché sur une crise politique qui ne s'est dénouée que le 9 septembre 1998 avec la nomination de M. Primakov aux fonctions de Premier ministre.

Le gouvernement Primakov négocie avec le Fonds Monétaire International d'une part, et les créanciers privés de la Russie d'autre part, les conditions d'un rétablissement de relations financières normales. Plusieurs conditions sont citées comme essentielles par les bailleurs de fonds occidentaux depuis les réunions du G7 du 14 septembre à Londres et du 3 octobre à Washington :

- l'augmentation des ressources fiscales ;

- le règlement rapide des créanciers privés de la Russie ;

- la restructuration du système bancaire, sachant que les 1600 banques russes ont perdu entre 30 et 50 % de leurs avoirs dans la crise financière actuelle, et que le système bancaire (dont les dépôts ne représentent que 10 % environ du PNB, contre 75 % dans le cas de la France) est aujourd'hui quasiment gelé.

La baisse du pouvoir d'achat, la contraction des importations et le retour de la récession pendant une période d'au moins dix-huit mois apparaissent comme les conséquences immédiates de la crise actuelle. A plus long terme le rétablissement de la capacité d'accès aux financements internationaux, publics et privés, reste soumis aux résultats des négociations en cours. Des pénuries alimentaires ponctuelles risquent d'apparaître. La crise devrait toucher surtout les employés du secteur public et les retraités qui pourraient souffrir d'une indexation insuffisante de leurs revenus. Les populations rurales, qui consomment peu de produits importés et qui vivent depuis des années hors sphère monétaire, seraient relativement moins affectées.

Votre Rapporteur estime que les Occidentaux doivent comprendre que les autorités russes ne peuvent appliquer des recettes libérales à une situation irréductible à tout précédent. Le gouvernement russe doit inévitablement naviguer entre deux caps : celui qui conduit la Russie vers l'économie de marché et celui qui l'oblige à répondre à des impératifs sociaux dont dépend l'avenir de la démocratie russe.

Le gouvernement russe a confirmé sa volonté d'honorer ses engagements à l'égard de ses créanciers extérieurs. Cette détermination devrait conduire à la mise en faillite de la plus grande part du secteur bancaire russe. Parallèlement, les banques occidentales ont accepté un compromis prévoyant le remboursement en roubles, et non en dollars, des dettes en matière de bons du Trésor et d'obligations d'Etat russe.

Sur le plan intérieur, le gouvernement russe a instauré un contrôle strict des changes mais a limité au minimum la croissance de la masse monétaire et les mesures de contrôle des prix. Il a assuré également le paiement des salaires du mois d'octobre.

L'économie russe est aujourd'hui en sursis comme en témoigne la stabilisation monétaire, le ralentissement du taux d'inflation (4,5 % pour le mois d'octobre, contre 38,4 % en septembre) et une certaine reprise des livraisons de biens de consommation par les entreprises occidentales.

Cependant, la stabilité monétaire résulte essentiellement du contrôle des changes, les recettes fiscales sont d'un niveau très faible et le gouvernement russe n'a pas encore mis en oeuvre une politique économique à moyen terme. En particulier, la réforme fiscale est largement inachevée.

B - La réforme fiscale en Russie

Le système fiscal russe en vigueur reste marqué par une série de faiblesses liées en particulier aux difficultés de fonctionnement du fédéralisme fiscal, à l'inadaptation de son administration et à l'instabilité de ses bases juridiques. Le rendement de la collecte est en baisse continue depuis le début de la décennie, sans pour autant que la politique fiscale ait contribué à stimuler l'activité économique.

Pièce maîtresse de la remise en ordre des finances publiques russes, l'établissement d'un nouveau code fiscal avait fait l'objet d'un projet complet rejeté à l'automne 1997 par le Parlement. Le nouveau projet, élaboré début 1998, sous l'égide du ministre des Finances, M. Zadornov, devait impérativement être adopté avant l'été pour servir de base au projet de budget 1999. Malgré la pression imposée aux députés pour l'intégrer dans le paquet de mesures d'urgence du plan anti-crise de M. Kirienko, seule la première partie de ce code a été adoptée à la fin du mois de juillet. Son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier. La seconde partie du texte, qui organise l'assiette de chacun des impôts et taxes sur l'ensemble du territoire, n'a été adoptée que très partiellement sous forme de mesures législatives et réglementaires disparates.

L'organisation du système fiscal russe est régie par une loi de décembre 1991 qui énumère trois types d'impôts :

- les impôts fédéraux définis entièrement par la loi fédérale ;

- les impôts régionaux, institués par la Fédération mais dont les taux sont établis par les républiques ou autres sujets de la Fédération ;

- les impôts locaux, institués par les collectivités territoriales à partir d'une liste limitative arrêtée par la loi fédérale, le choix des taux étant laissé dans certaines limites à l'initiative des exécutifs territoriaux.

L'entrée en vigueur, en 1999, de la première partie du nouveau code fiscal devrait remettre en ordre le mécanisme d'établissement et de recouvrement de ces impôts.

Les pouvoirs locaux ont pris depuis 1994 de grandes libertés dans l'application des textes. Les autorités fédérales ne sont pas en mesure de faire face à la créativité fiscale des échelons locaux, stimulée par des besoins budgétaires croissants. Plus d'une centaine d'impôts et taxes existeraient ainsi en Russie. La première partie du nouveau code fiscal tente de remédier à ce désordre en interdisant l'instauration d'impôts régionaux ou locaux qui ne figureraient pas dans la liste fixée par ce code, dorénavant limitée à 28 impôts : 16 fédéraux, 7 régionaux et 5 locaux.

La première partie du code fiscal redéfinit le rôle des services fiscaux et le cadre de leur action, notamment en matière de contrôle fiscal.

Un accent particulier est mis sur le recouvrement. Les retards imputables aux banques commerciales lors des transferts depuis les "comptes de contribution" sont fortement sanctionnés.

Des lacunes fondamentales demeurent cependant en matière juridictionnelle. Aucun tribunal n'est de fait compétent pour connaître les affaires relevant du droit fiscal. Seuls sont déférés les cas criminels tels que la production illégale ou la vente de produits non autorisés. En cas de litige sur le montant de l'impôt ou de l'assiette, le différend doit se régler à l'amiable, ce qui laisse place aux arrangements directs avec les inspecteurs du fisc.

L'entrée en vigueur de la partie générale du code fiscal à partir de l'an prochain devrait favoriser un meilleur recouvrement. Des interrogations pèsent cependant sur l'applicabilité de ces nouvelles normes en raison de la lenteur prévisible de leur intégration par les agents du fisc, de la nécessité de textes d'application et des réticences du service fiscal d'Etat à le mettre en pratique.

Par ailleurs, la Russie devra également s'attaquer à la réforme de la deuxième partie de son code fiscal.

Le fonctionnement des principaux impôts n'a pas connu de modifications majeures depuis 1994. Toutefois, sous la pression des institutions internationales, certaines réformes ont été apportées dans l'urgence en juillet. Ces réformes introduites pour partie sous forme de décrets présidentiels sont susceptibles d'être à nouveau remises en cause.

L'impôt sur les bénéfices des entreprises s'applique au taux de 13 % pour la part destinée au budget fédéral. Pour la part destinée aux sujets de la Fédération, elle est établie par les organes législatifs de ces entités et ne doit pas dépasser 22 % pour les entreprises et 30 % pour les établissements de crédits et d'assurance. Si le taux est donc limité au maximum à 35 % pour les entreprises, le mode de calcul de l'assiette est tel que cet impôt peut représenter plus de 70 % du bénéfice calculé aux normes occidentales. Ce système constitue un sérieux obstacle aux investissements, notamment étrangers. Les réformes proposées pour le remettre en cause n'ont pas abouti.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques a été modifié par une loi du 31 décembre 1997 qui fixe six tranches d'imposition aux taux de 12 à 35 %. Cet impôt est pour plus de 95 % de son produit prélevé à la source par les employeurs. La loi prévoit une longue liste d'exonérations (militaires et étudiants notamment). Le produit est affecté aux budgets locaux.

La TVA s'applique à toutes les personnes physiques qui exercent une activité économique à l'intérieur du territoire de la Fédération. Elle est également due sur les importations de biens et services. Le taux de base est de 20 %, réduit à 10 % pour certains biens alimentaires et biens pour enfants dont la liste doit être approuvée par le gouvernement, ainsi que pour un certain nombre de biens entrant dans la fabrication d'aliments pour bétail ou de médicaments.

Malgré l'opposition du Parlement, le gouvernement Kirienko a tenté d'introduire, par un décret du 17 juillet 1998, le paiement de la TVA à la livraison (et non sur paiement des factures). Ce dispositif, très contraignant pour les entreprises et difficile à mettre en oeuvre dans le cadre de l'économie russe, devait contribuer à résorber les paiements non-monétaires. Mais le décret a été jugé inconstitutionnel par une décision de la Cour suprême. Il est cependant susceptible d'être imposé par les services fiscaux tant qu'aucune instruction n'en suspend l'application.

Par ailleurs, une loi du 31 juillet 1998 a introduit un impôt unique sur le revenu forfaitaire et un impôt sur le chiffre d'affaires dans le commerce de détail.

Le total des prélèvements obligatoires, en incluant les cotisations sociales, a chuté de 1992 à 1997 de 38,5 % du PIB à moins de 30 % du PIB. Les recettes fiscales (impôts et douanes) constituent en moyenne 85 % du total des recettes du budget consolidé. Elles ne représentaient en 1997 que 21,4 % du PIB, répartis entre 9,1 % du PIB pour le budget fédéral et 12,3 % du PIB pour les budgets territoriaux. En chute continue depuis le début de la décennie, elles se situaient à 19,4 % du PIB sur les huit premiers mois de 1998. La récession, engendrant la compression de la base fiscale, reste le premier facteur explicatif de la baisse du rendement de l'impôt. L'impôt sur les bénéfices est ainsi le plus durement frappé puisqu'il représentait encore près de 10 % du PIB en 1993 au lieu de 3,5 % en 1997.

Les arriérés d'impôts au budget consolidé représentaient au 1er septembre de cette année 250 milliards de roubles, soit 15 % du PIB, dont la moitié au titre de la TVA. Sur les dernières années, le budget fédéral n'encaisse que 65 % des recettes fiscales inscrites dans la loi de finances. Par ailleurs, la part des paiements en nature ou sous forme de compensations de dettes mutuelles tend à s'accroître de nouveau. Cette année, les recettes "véritables" rapportées au total des recettes du budget fédéral représentent selon les estimations officielles : 62,5 % au premier semestre, 50 % au troisième trimestre, 47 % en prévision sur le quatrième trimestre. Enfin, la crise financière a eu un impact brutal sur les recettes fiscales : depuis août, ces recettes ont chuté de moitié en valeur nominale et des deux tiers en valeur réelle.

Les mesures introduites dans l'urgence dans le cadre du programme de stabilisation de juillet dernier restent en vigueur pour l'essentiel. Les nouvelles autorités et, en particulier, le chef du service fiscal d'Etat, affichent cependant leur intention de reconsidérer globalement la philosophie de ces réformes. S'il est prématuré de dessiner l'architecture d'un futur système fiscal, les déclarations d'intention vont toutes dans le sens d'une forte réduction de la pression fiscale, notamment sur le secteur de la production, dans l'optique d'une politique de relance.

Les projets de réforme rendus publics par le Service fiscal d'Etat visent ainsi l'impôt sur le revenu, une baisse des prélèvements sociaux, une réduction de l'impôt sur les bénéfices, une réduction de la TVA, une indexation des accises et l'extension de l'impôt sur les ventes.

II - LA CONVENTION

Du fait de la crise, les quelques entreprises françaises qui ont développé leurs activités en Russie pourraient remettre en question une partie de leurs ambitions.

La ratification de cette convention paraît donc très oppportune, même si elle ne saurait pallier toutes les conséquences de la crise sur les intérêts français.

Pour les partenaires de la Russie, l'impact de la crise russe est relativement mineur sur le plan commercial. Il est plus important sur le plan financier, le défaut de paiement russe ayant ébranlé la confiance des investisseurs dans les placements sur les marchés émergents.

Sur le plan commercial, la Russie ne représente que 2,5 % environ des exportations des pays européens (1,8 % pour la France), 2 % des exportations américaines, 0,5 % des exportations japonaises.

Sur le plan bancaire, les banques européennes sont plus engagées (270 milliards de francs de prêts soit 6,2 % de leurs fonds propres), que les banques américaines (45 milliards de Francs, 2 % de leurs fonds propres) et japonaises (5 milliards de Francs). Les banques allemandes sont les premières créancières de la Russie (180 milliards de francs d'encours), mais l'engagement des banques françaises n'est pas négligeable (42 milliards de francs). Les créances françaises sur la Russie sont partiellement provisionnées.

En terme d'investissements directs, les entreprises américaines sont les premières en terme d'implantations en Russie (240 milliards de francs), devant l'Allemagne (60 milliards de Francs), le Royaume-Uni (25 MF). La France est au 9ème rang (11 milliards de Francs).

La Convention se substituera à une convention de 1985 dont la Russie a demandé la renégociation et devrait favoriser l'investissement français en Russie.

Inspirée du modèle OCDE, elle comporte l'énumération des impôts concernés et les règles permettant d'éliminer les doubles impositions. Le lieu de résidence et l'existence d'un établissement stable sont les critères principaux déterminant l'Etat d'imposition.

S'agissant des retenues à la source sur les intérêts, les dividendes et les redevances, la présente convention prévoit un dispositif, plus favorable que le modèle OCDE, qui améliore le régime des investissements étrangers.

Comme il est d'usage, les intérêts, dividendes et redevances provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat, sauf lorsque ce résident dispose d'un établissement stable dans le premier Etat. Mais, dans la première hypothèse, l'Etat source peut prélever une retenue à la source.

La présente convention maintient le taux de 0 % de la retenue à la source pour les redevances que prévoit la convention de 1985.

Pour les intérêts, la retenue à la source est supprimée alors que la convention de 1985 prévoit une retenue de 10 %.

Pour les dividendes, le taux de retenue prévue par la convention de 1985 est de 15 %. La présente convention prévoit un taux réduit de 5 % si la société mère a réalisé, par l'intermédiaire de sa filiale, des investissements supérieurs à 500.000 francs et si cette société est exonérée de l'impôt sur les bénéfices à raison des dividendes rapatriés. Si l'une de ces deux conditions n'est pas remplie, le taux sera de 10 %.

Cette baisse est le principal avantage que la France a obtenu à l'issue des négociations. Ce régime est plus favorable que celui dont bénéficie le Royaume-Uni (10 % sur tous les dividendes) mais reste moins favorable que celui obtenu par les Etats-Unis (5 % pour toutes les sociétés mères contrôlant plus de 10 % de leurs filiales). La convention a en outre le mérite de subordonner le taux réduit à un flux d'investissement.

En contrepartie, la France a accepté que la durée des chantiers, au-delà de laquelle les bénéfices sont taxables dans l'Etat d'activité soit réduite de 24 mois à 12 mois.

Par ailleurs, la nouvelle convention supprime des régimes spécifiques à certaines catégories de personnes physiques - journalistes, étudiants, chercheurs, techniciens en mission - et les aligne sur le régime fiscal conventionnel classique.

Le Protocole annexé à la Convention comporte des dispositions originales qui ne relèvent pas, à proprement parler, de l'élimination des double impositions.

Il s'agit, en premier lieu, de la validation des dispositions des articles du code général des impôts français qui permettent à l'administration fiscale de contrecarrer l'évasion fiscale.

L'article 209 B permet d'imposer au taux français le bénéfice d'une entité étrangère d'une société française, lorsque cette entité bénéficie à l'étranger d'un régime fiscal privilégié et que la société ne peut prouver que ses opérations n'ont pas principalement pour effet de bénéficier de ce régime. L'article 212, relatif à la sous-capitalisation, a pour effet de plafonner l'exonération au titre des dividendes rapatriés de l'étranger par les sociétés mères françaises.

Il existe actuellement une controverse jurisprudentielle sur la question de l'application de ces articles à des structures implantées dans des pays liés à la France par une convention internationale. Aussi, pour prévenir un éventuel affaiblissement d'un dispositif particulièrement efficace, la France tend à insérer dans ses conventions fiscales des dispositions tendant à le valider.

Le point 7 du Protocole prévoit, à cet effet, que la nouvelle convention ne peut limiter ou empêcher l'application des articles 209 B et 212. Par ailleurs, pour se prémunir de toute évolution de la législation française, le point 7 prévoit également que ceci vaudra pour toutes les dispositions susceptibles d'amender ou de remplacer ces articles.

En second lieu, le point 4 du Protocole prévoit un dispositif particulièrement original et très intéressant pour les entreprises françaises qui ont des activités en Russie.

Ce dispositif permet en effet à ces entreprises d'échapper aux contraintes de la législation russe en matière de détermination des revenus ou des bénéfices imposables. Elles pourront en effet déduire les intérêts, les redevances, les salaires, traitements et cotisations sociales, mais également toutes autres dépenses dont elles supportent la charge aux fins de leurs activités industrielles ou commerciales. A titre d'exemple, les dépenses de publicité qui ne sont déductibles que dans une très faible mesure selon la législation russe, devraient être déductibles à 100 % selon ce protocole.

Cet avantage est identique à celui que l'Allemagne a obtenu. Cependant, à l'instar de ce pays, la France devrait également obtenir, de la part du ministère des Finances russe, une lettre reconnaissant explicitement quelles dépenses sont déductibles.

CONCLUSION

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 25 novembre 1998.

Après l’exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 920).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 920).

N°1219. – Rapport de M. Pierre Brana (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n°920), autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole)