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le 4 décembre 1998

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N° 1222

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales,

PAR M. PATRICK DELNATTE,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 338, 380 (1996-1997) et T.A. 15 (1997-1998)

Assemblée nationale : 320

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, MM. Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Jacques Desallangre, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM.  Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

*Pour des raisons techniques les annexes à ce rapport ne sont pas reproduites sur le site internet

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LES ASPECTS NOVATEURS DE LA RECONNAISSANCE
    DES OING PAR LA FRANCE
7

A - LES ORGANISATIONS SUSCEPTIBLES DE RELEVER DE LA CONVENTION 7

1) Les critères habituels 7

2) Les critères à définir 8

B - L'ÉTENDUE DE LA CAPACITÉ JURIDIQUE DES OING 9

1) Le statut des OING dans les droits nationaux 9

2) La diversité du statut des OING étrangères 10

C - LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LA FRANCE SUR LES OING ÉTRANGÈRES 10

1) Les restrictions à l'activité en France des OING étrangères 11

2) Le contrôle exercé par les autorités françaises 11

II - LA PORTÉE DE LA CONVENTION SUR LE DÉVELOPPEMENT DES OING 13

A - L'IMPACT SUR LES OING ORIGINAIRES DES PAYS SIGNATAIRES 13

B - LES EFFETS BÉNÉFIQUES SUR LES OING FRANÇAISES 14

1) Une protection juridique accrue pour les OING françaises
    travaillant en Europe 14

2) L'introduction dans le droit français de la notion d'OING 15

C - LE RENFORCEMENT DU RÔLE DES OING SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

ANNEXE 1 21

ANNEXE 2 23

Mesdames, Messieurs,

Les relations internationales connaissent une nouvelle catégorie d'acteurs : les organisations internationales non gouvernementales (OING). La Charte des Nations Unies fait référence à ces institutions dans son article 71 qui invite le Conseil économique et social à recevoir leurs conseils. Les OING disposent d'un statut dans nombre d'institutions internationales, mais aucun texte normatif ne régit les relations avec les Etats ou les institutions intergouvernementales.

Ce vide juridique a été constaté en 1981 par le comité des Ministres du Conseil de l'Europe qui a décidé de créer un comité d'experts dont le mandat était "d'élaborer un instrument juridique approprié portant sur l'obtention, la perte de la reconnaissance juridique et le transfert de siège des organisations et fondations privées ayant un but international non lucratif".

La négociation à laquelle la France a participé dura cinq ans. La Convention sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales fut adoptée le 24 avril 1986 et entra en vigueur le 1er janvier 1991. La France ne l'a signée que le 4 juillet 1996, alors qu'elle s'applique actuellement à sept Etats : l'Autriche, la Belgique, la Grèce, le Portugal, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suisse.

Après avoir analysé les dispositions novatrices de cette Convention, votre Rapporteur s'attachera à en mesurer l'impact en Europe et en France.

I - LES ASPECTS NOVATEURS DE LA RECONNAISSANCE
DES OING PAR LA FRANCE

La loi du 1er juillet 1901 qui régit les associations constitue en France un cadre juridique très libéral permettant la constitution de groupements de personnes poursuivant sans but lucratif un intérêt commun. Or, la vie associative s'internationalise et les OING opèrent fréquemment hors des pays où se situe leur siège. C'est le cas de nombre d'OING françaises et étrangères, opérant dans les domaines de la coopération et de l'aide humanitaire.

La Convention permet aux OING de conserver leur personnalité et leur capacité juridique dans les différents Etats signataires de l'accord et détermine les organisations bénéficiaires de la Convention, l'étendue de leur capacité juridique et les caractéristiques du contrôle exercé par les Etats signataires.

A - Les organisations susceptibles de relever de la Convention

Les organisations bénéficiaires de la Convention sont définies dans les articles 1 et 2. Le gouvernement français, lors du dépôt des instruments de ratification, proposera une déclaration interprétative sur ces deux dispositions ; elle figure en annexe 1. Un certain nombre de critères définissant ces associations sont connus du droit français, d'autres paraissent moins familiers.

1) Les critères habituels

La Convention s'applique aux associations, fondations, institutions de nature privée lors de leur constitution, ce qui n'est pas forcément aisé à démontrer. Les liens entre les OING et les pouvoirs publics se sont accrus au fil des ans et les subventions des Etats sont de moins en moins rares.

L'ONG doit avoir été créée par un acte relevant du droit interne d'un Etat, ce qui exclut les organisations mises en place par un traité international et qui disposent donc de la personnalité juridique internationale. L'exercice d'une activité effective dans au moins deux Etats, sans que l'un de ces Etats soit obligatoirement membre du Conseil de l'Europe, est exigée.

Il faut que le siège réel ou le siège statutaire de l'organisation soit situé dans un Etat signataire. Ce critère fait allusion aux conséquences des changements de présidents sur le siège des ONG. Il est fréquent que le siège réel change en fonction du lieu de résidence du Président.

2) Les critères à définir

a) la notion d'institution privée à but non lucratif

La notion d'institution privée à but non lucratif est connue de l'ensemble des droits nationaux européens. Les concepts d'association, de fondation et de syndicat recouvrent souvent les mêmes principes que ceux qui régissent ces organismes en droit français : seules diffèrent les règles de constitution ou le droit fiscal qui leur sont applicables. Certains droits nationaux considèrent en revanche que des organismes privés spécifiques sont à but non lucratif : organismes mutualistes et coopératifs (français, belges et italiens), établissements d'utilité publique (belges), sociétés d'utilité publique (tchèques), charities (britanniques et irlandais), congrégations (françaises) etc...

b) la notion d'utilité publique internationale

Le troisième alinéa du préambule de la Convention définit cette notion par l'activité utile à la communauté internationale dans les domaines scientifique, charitable, philantropique, etc... Néanmoins ce concept est flou, car l'utilité publique internationale était, jusqu'à la rédaction de la Convention, inconnue des droits nationaux. Dans sa loi de mise en oeuvre de cet instrument, l'Autriche a décidé que les OING bénéficiant d'un statut consultatif dans les organisations internationales seraient réputées avoir une "utilité internationale". Cette interprétation reflète l'esprit des rédacteurs de la Convention qui ont voulu établir une passerelle entre pratiques internationales et droits nationaux. Certains Etats membres du Conseil de l'Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Luxembourg, Portugal, République tchèque, Slovénie, Suisse, Turquie) ont organisé dans leurs législations nationales des procédures de "reconnaissance de l'intérêt public" de certains organismes privés à but non lucratif. Il s'agit, en France de la reconnaissance de l'activité de bienfaisance, aux Pays-Bas de la reconnaissance d'intérêt général, en Grande-Bretagne et en Irlande de la qualité de "Charity".

Ces dispositifs particuliers constituent autant de références à la disposition des autorités françaises pour apprécier le "but non lucratif d'utilité internationale" des organismes dont l' activité concerne au moins deux pays et qui souhaiteront se prévaloir de la Convention. Ces interprétations font partie des propositions que la France fera lors de la négociation d'un protocole additionnel à la Convention du 24 avril 1986. Elles figurent dans la déclaration interprétative. Selon le Ministère des Affaires étrangères, le Conseil de l'Europe favorable à ces interprétations et suggère qu'elles soient reprises dans des propositions d' "amendements" à la Convention.

B - L'étendue de la capacité juridique des OING

Quand une OING rentre dans le champ d'application de la Convention, elle se voit reconnaître par l'ensemble des Etats signataires une personnalité et une capacité juridique identique à celle qu'elle exerce dans l'Etat partie où son siège est situé (article 2). La preuve de l'acquisition de la personnalité est peu formaliste et varie selon les procédures de constitution de l'association dans le pays où elle a été créée. L'acquisition de la personnalité juridique des OING vise à encourager leur action en les dispensant des formalités contraignantes.

Dans les Etats où la création d'une ONG est subordonnée à une publicité ou une autorisation, la production des pièces liées à ces procédures aura valeur de preuve dans le pays où l'ONG souhaite s'établir. Dans les pays où un simple accord entre les fondateurs suffit, l'article 3 de la Convention exige qu'une certification établie par une autorité soit déposée au Secrétariat du Conseil de l'Europe. On constate une grande diversité des pratiques selon les pays.

1) Le statut des OING dans les droits nationaux

Une grande majorité des Etats européens ne prévoit aucun statut juridique spécifique aux OING. A l'instar du droit français, les règles auxquelles elles sont soumises, sont identiques à celles qui régissent les associations, fondations, syndicats, mutuelles, ou tout autre organisation du même type, sans qu'il soit nécessaire de souligner la spécificité de leurs actions.

Quelques pays ont cependant prévu une procédure d'agrément ou un statut juridique particulier pour leurs ONG : en Belgique, le Ministère de la Coopération peut délivrer aux associations un "agrément en qualité d'ONG". L'agrément "général" est éventuellement complété par des agréments spécifiques, permettant à l'ONG d'obtenir des subventions publiques , le Portugal connaît une procédure d'agrément pour les OING ayant pour objet "la coopération au développement" ; l'Ukraine dispose également d'un statut juridique "d'association internationale" dont les caractéristiques se distinguent peu du droit commun international.

2) La diversité du statut des OING étrangères

On distingue plusieurs cas de figure applicables aux activités des associations dans un pays autre que celui de leur siège. La capacité est reconnue de plein droit sans formalités d'enregistrement quand elles remplissent les conditions de légalité exigées par le pays d'accueil. Cette reconnaissance est d'autant plus facile que le pays n'exige pas d'enregistrement pour les associations nationales. C'est le cas de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Bulgarie, du Danemark, de la Grande-Bretagne, de l'Irlande, des Pays-Bas et de la Slovénie. Plusieurs pays organisent un régime de publicité obligatoire pour informer les tiers, sous forme d'inscription dans un registre spécial, en Slovénie et au Portugal notamment.

Seule une capacité limitée leur est reconnue sans qu'elles aient des formalités d'enregistrement à accomplir. En Finlande, elles ne pourront acquérir une personnalité juridique distincte. En Grèce elles subiront un régime fiscal différencié et au Luxembourg la possession d'un domicile dans le Grand Duché leur sera demandée, à moins qu'elles ne renoncent à obtenir des subventions. En Autriche, la reconnaissance d'utilité publique ne pourra leur être accordée qu'à condition qu'elles installent leur siège dans ce pays.

Une autorisation du gouvernement est clairement requise au Portugal, en Roumanie, en Slovénie et en Turquie où les associations étrangères peuvent obtenir une autorisation après avis favorable du ministère des Affaires étrangères, sur proposition du ministère de l'Intérieur. Les associations étrangères sont soumises aux mêmes conditions que les associations locales assujetties à enregistrement dans les pays d'Europe centrale et baltes, à l'exception de la Slovénie et Bulgarie.

C - Le contrôle exercé par la France sur les OING étrangères

Soucieux de ménager les prérogatives des Etats, les négociateurs ont entouré la reconnaissance des OING de plusieurs garanties. Mais le texte de la Convention est imprécis. Lors de la ratification de la Convention au Sénat, le risque de conférer des avantages juridiques nouveaux à des organismes dont la définition est floue, a été évoqué. Mais le Gouvernement a insisté sur les termes stricts de la déclaration interprétative précitée.

1) Les restrictions à l'activité en France des OING étrangères

L'article 2.2 de la Convention prévoit que "lorsqu'elles sont dictées par un intérêt public essentiel, les restrictions, limitations ou procédures spéciales prévues pour l'exercice des droits découlant de la capacité juridique" sont fixées par "la Partie dans laquelle la reconnaissance a lieu". Conformément à la tradition française, la déclaration interprétative rappelle que les lois de police, de sécurité et de procédure revêtent le caractère d' "intérêt public essentiel" au titre de l'article 2.2.

Cette déclaration précise également que l'article 2 de la Convention aura les mêms conséquences que celles relatives à la reconnaissance de la personnalité juridique et de la capacité qui en découle en droit interne français. Ainsi s'agissant du droit d'ester en justice, les organisations étrangères bénéficiant de la Convention ne sauraient s'en prévaloir pour obtenir un intérêt à agir supérieur à celui des organisations françaises. De même les procédures d'agrément dans les domaines de la jeunesse et des sports ou de la santé resteront soumises à l'appréciation des pouvoirs publics français. Les règles relatives à la représentativité des syndicats ne pourront être remises en cause par l'application de la Convention.

En outre, le régime fiscal français leur sera applicable car le principe de territorialité s'oppose à ce que des organismes étrangers puissent se prévaloir d'une autre législation pour leurs activités réalisées sur le sol français comme le prévoit la déclaration interprétative précitée. Toutefois, cette position restrictive risque de décourager l'installation d'OING en France.

2) Le contrôle exercé par les autorités françaises

Le droit français des associations permet aux autorités publiques d'exercer un contrôle des buts poursuivis par un organisme au moyen de la déclaration préalable en préfecture ou auprès d'un tribunal (Alsace et Moselle).

La Convention européenne dispense les OING étrangères de cette procédure en leur évitant de constituer une nouvelle entité en droit interne. Mais la reconnaissance d'une éventuelle capacité juridique à une organisation qui se prévaut du bénéfice de la Convention rend aux autorités de l'Etat leur pouvoir d'appréciation. Toute OING désireuse de bénéficier de libéralités, d'ester en justice ou de solliciter des subventions devra en effet s'adresser à l'autorité publique compétente (Préfecture, Tribunal ou Ministère) qui appréciera notamment le caractère d'"utilité internationale" de l'organisation. Ce contrôle devrait décourager l'installation d'associations douteuses ou de sectes. En effet, lorsque les autorités françaises refuseront d'octroyer à une OING le bénéfice de la Convention, elles la priveront de capacité juridique.

La qualification des buts poursuivis par une association fait déjà l'objet d'une concertation entre les administrations compétentes et ne devrait pas entraîner de difficultés particulières. Le Ministère des Affaires étrangères est ainsi régulièrement saisi par des Préfectures qui ont à apprécier le caractère de "bienfaisance" ou d'"assistance" des activités d'ONG françaises souhaitant recevoir des legs ou des libéralités (article 238 du Code Général des Impôts).

II - LA PORTÉE DE LA CONVENTION SUR LE DÉVELOPPEMENT DES OING

La Convention soumise à ratification aura un impact positif sur les OING originaires des pays signataires travaillant en France. Les OING françaises devraient quant à elles élargir leur influence si elles parviennent à s'adapter à la concurrence.

A - L'impact sur les OING originaires des pays signataires

Selon M. Michel Doucin, Chef de la Mission de Liaison auprès des ONG du Ministère des Affaires étrangères que votre Rapporteur a entendu, il est difficile de connaître avec précision le nombre des bénéficiaires potentiels de la Convention. On évalue le nombre des associations déclarées entre 2 et 3 millions et à au moins 100 000 celui des fondations dans la quarantaine de pays qui composent l'Europe. Ces données sont imprécises ; elles ne tiennent pas compte en particulier du très grand nombre d'"associations de fait" existant dans les pays de droit anglo-saxon et en Italie.

Parmi ces organismes, il est quasiment impossible de déterminer le nombre exact de ceux qui mènent des activités à l'extérieur de l'Etat où ils sont domiciliés (les OING proprement dites). On peut néanmoins en obtenir une évaluation au moyen des statistiques de l'Union Internationale des Associations qui recensent en 1996 environ 138 000 ONG dans le monde dont près de 65 000 en Europe (25 300 en Amérique, 20 500 en Afrique, 23 400 en Asie et 5 200 dans le Pacifique). Les principaux secteurs d'activités des ONG européennes sont l'aide au développement et l'assistance humanitaire. Il est malaisé de dresser une liste exhaustive des thèmes abordés par les ONG tant ils sont divers : défense des intérêts professionnels, activités culturelles, conseil économique, asistance juridique, éducation... Les données concernant les effectifs en personnel des ONG souffrent de la même incertitude. A titre indicatif, on retiendra que moins de 10 % des ONG françaises emploient plus de 10 personnes et disposent d'un budget de plus de 100 millions (voir le document figurant en annexe 2).

L'obstacle le plus important que résout la Convention tient à la permanence de l'action des OING en France. Elles n'auront pas à créer une nouvelle personne morale pour bénéficier de la capacité juridique. Toutefois compte tenu de la déclaration interprétative précitée, elles seront soumises au droit fiscal français pour toute activité de recherche de fonds.

B - Les effets bénéfiques sur les OING françaises

Le Conseil national de la vie associative qui rassemble les représentants des principaux courants de l'économie sociale française a maintes fois recommandé aux pouvoirs publics la ratification de la Convention, à l'élaboration de laquelle la France avait contribué. Il s'est étonné des réticences des ministères de l'Intérieur et de l'Economie et des finances alors que le mouvement associatif se développait au sein des pays membres de l'Union européenne comme dans les pays d'Europe centrale et orientale. Les OING françaises se trouvent en concurrence avec des OING européennes et notamment Belges, Suisses et Britanniques qui jouissent déjà des avantages liés à la ratification de la Convention. Aussi grâce à la Convention, les OING françaises bénéficieront-elles à l'avenir d'une meilleure protection juridique accroissant leur rayonnement dans les pays signataires.

1) Une protection juridique accrue pour les OING françaises travaillant en Europe

Si la liberté associative est partout théoriquement reconnue en Europe, elle n'est pas toujours garantie dans des conditions satisfaisantes dans les 40 pays membres du Conseil de l'Europe. Les associations et fondations françaises qui établissent des relations de partenariat avec les institutions publiques ou privées des pays européens voisins se heurtent parfois à des restrictions ou oeuvrent dans des situations précaires. En ratifiant la Convention, la France permettra aux OING domiciliées sur son territoire d'exercer leur capacité juridique dans les autres Etats membres ayant ratifié la convention, leur apportant ainsi une plus grande sécurité.

Ce texte prévoit en effet que les OING créées dans des Etats contractants, pourront, sans formalité supplémentaire, exercer au sein d'un autre pays contractant l'ensemble des droits attachés à la personnalité juridique dont elles jouissent dans leur Etat d'origine. De telles dispositions ne constituent pas une innovation pour le droit français qui depuis 1981, ne soumet plus la reconnaissance des associations étrangères à un régime d'autorisation et admet déjà que les associations étrangères puissent acquérir des biens, ester en justice ou effectuer des transactions sans formalité préalable. La Convention instaure une symétrie au profit des OING françaises qui doivent faire face à une concurrence accrue de leurs homologues européennes voire de leurs propres filiales (comme MSF Espagne).

La Convention créera entre les pays l'ayant ratifié un véritable espace économique sans frontière. Une compétition accrue est à attendre dans la recherche des dons et legs car les systèmes d'autorisation gouvernementale sont récusés par la Convention. Les campagnes d'appel de fonds deviendront probablement transnationales, les systèmes de préférence nationale mis en place par les administrations qui contractent avec les OING, risquent de faire l'objet de recours. Les règles nationales dans les nombreux secteurs d'intervention des ONG, en particulier l'environnement, la bioethique... par référence aux grandes conventions et résolutions internationales, devront être à terme harmonisées.

2) L'introduction dans le droit français de la notion d'OING

La Convention ouvre la possibilité de créer un statut français de l'OING qui permettra à terme de donner à la France la compétitivité dont elle manque. C'est aussi l'occasion pour la France de prendre en compte en droit interne le critère de l'utilité sociale d'une OING comme le demande le milieu associatif français.

L'intérêt commun des pouvoirs publics et d'une partie du milieu associatif serait d'organiser un statut privilégié mais soumis à davantage de vigilance pour les grands organismes à but non lucratif français.

C - Le renforcement du rôle des OING sur la scène internationale

La ratification de la Convention sur la personnalité juridique des OING devrait accroître leur rôle sur la scène internationale. Si les OING françaises disposent de structures qui leur sont dédiées en France, elles connaissent de sérieuses difficultés pour s'imposer sur la scène internationale.

Le Ministère des Affaires étrangères est plus particulièrement concerné par l'action de ONG et a mis en place plusieurs instances de coopération. La Mission de liaison auprès des ONG dispense des informations et un conseil juridique aux organisations privées qui désirent mener des actions à l'étranger. Elle donne son avis sur certaines demandes de subventions.

De même le Service de l'Action Humanitaire de ce ministère traite plus spécifiquement de l'action humanitaire, et collabore à ce titre avec les plus importantes OING françaises (MSF, Médecins du Monde etc...). La moitié des opérations mises en oeuvre par ce service le sont en partenariat avec des ONG. La Direction Générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques de ce ministère consacre une partie importante de son budget à des opérations de cofinancement en partenariat avec les OING françaises.

Les OING sont fréquemment associées à la politique étrangère française. La définition de l'aide publique au développement s'appuie pour partie sur leurs travaux. Elles inspirent et conseillent des pouvoirs publics et des organisations internationales établies en France (OCDE, UNESCO,...) dans l'élaboration des normes juridiques internationales. Elles informent les pouvoirs publics sur la situation intérieure des différents pays où elles agissent, du point de vue des droits de l'Homme, du développement ou de l'environnement. Elles constituent des relais dans le cadre des programmes d'intervention à l'étranger et sensibilisent les opinions publiques.

Mais les OING françaises dont les budgets sont réduits en raison des difficultés quelles rencontrent pour lever des fonds, ne sont pas suffisamment présentes sur la scène internationale. La France s'en trouve parfois pénalisée. En effet, les acteurs de la scène internationale se diversifient. A côté des Etats et des grandes institutions internationales, les OING disposent de moyens non négligeables pour diffuser des informations et sensibiliser les populations. Le développement des réseaux de communication grâce aux autoroutes de l'information accentue ce phénomène. Les OING disposent de sites Internet facilement accessibles. Or, les OING françaises sont peu nombreuses et opèrent presque toutes dans le secteur de l'aide humanitaire d'urgence. Elles se font rarement entendre dans les enceintes internationales sur les questions de l'environnement, des droits de l'Homme et de l'économie occupés par leurs homologues anglo-saxonnes (Amnesty international, Human Rights Watch, etc...).

CONCLUSION

Les OING jouant un rôle croissant sur la scène internationale, la Convention du Conseil de l'Europe sur la reconnaissance de leur personnalité juridique doit être ratifiée pour plusieurs raisons.

Elle comble un vide juridique en définissant les relations des pays signataires avec les OING.

Malgré ses imperfections, elle laisse un large pouvoir d'appréciation aux Etats signataires, leur permet de maintenir les contrôles nécessaires par des déclarations interprétatives. On évite ainsi que la Convention soit détournée de ses buts.

Elle offre aux OING françaises de nouvelles possibilités de développement dans les pays membres du Conseil de l'Europe.

La France, patrie des premières OING d'aide humanitaire d'urgence et du "droit d'ingérence humanitaire", doit pouvoir bénéficier de cette Convention.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 25 novembre 1998.

Après l’exposé du Rapporteur, M. Jack Lang a observé que cette convention n'engageait que les Etats membres du Conseil de l'Europe et que la question restait en suspens pour les autres. Evoquant le cinquantenaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme, il s'est interrogé sur l'effet de la Convention dans les Etats non démocratiques membres du Conseil.

M. François Loncle a déploré que le Conseil de l'Europe ait accueilli des Etats qui ne respectent pas les droits de l'Homme.

M. Paul Dhaille a regretté lui aussi que malgré les partisans du refus d'accepter l'adhésion d'Etats non démocratiques au Conseil de l'Europe, la thèse inverse l'ait emporté. Le Secrétaire général de l'époque estimait que leur présence au sein de cette institution les encouragerait dans la voie de la démocratie, ce qui n'est pas le cas.

M. Jack Lang s'est associé à cette remarque.

Mme Marie-Hélène Aubert s'est étonnée de la longueur des délais de mise en oeuvre de la procédure de ratification, ce qui jette le doute sur la volonté d'appliquer et de faire respecter cette Convention.

M. Hervé de Charette a fait observer que les délais de signature comme de ratification, étaient souvent très longs. S'agissant de la Convention soumise à examen, deux difficultés expliquaient son lent cheminement : le souci du respect de l'ordre public par les OING étrangères et de la régularité, au regard du droit fiscal, des opérations de levée de fonds.

Le Rapporteur a indiqué que six années s'étaient écoulées entre l'entrée en vigueur de la Convention et le début de la mise en oeuvre de la ratification. Chaque Etat a élaboré une déclaration interprétative, ce qui a ralenti les procédures. La Convention va d'ailleurs être amendée par un Protocole additionnel reprenant la plupart de ces déclarations. Il a fait état des réticences du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 320).

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 320).

N°1222. – Rapport de M. Patrick Delnatte (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales