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le 25 janvier 1999

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N° 1327

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 janvier 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services,

PAR M. FRANÇOIS LONCLE,

Député

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 22, 103 et T.A. 44 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1321

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Jacques Desallangre, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M.  Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l'approbation du cinquième protocole sur les services financiers qui sera annexé à l'accord général sur le commerce des services (AGCS).

Il convient de rappeler que l'accord général sur le commerce des services fait partie des textes annexés à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994.

L'accord général a pour objet d'étendre aux services les règles multilatérales régissant les échanges internationaux alors que l'application de ces règles était limitée aux seules marchandises. Cet accord a ainsi posé les bases d'une libéralisation dans un domaine encore largement protégé par les législations nationales et où l'essentiel se réglait par des accords bilatéraux. Les Etats se sont engagés à accorder à tous leurs partenaires un traitement identique (clause de la nation la plus favorisée) et à être transparents quant à la publicité donnée à leurs législations. Par ailleurs, l'accord général précise pour certains secteurs des règles d'ouverture et comporte des listes d'engagements, déposées par les Etats afin de préciser dans quelle mesure ils entendent limiter l'accès à leurs marchés et déroger à la clause de la nation la plus favorisée.

L'accord général prévoyait également l'ouverture de négociations sur les services financiers qui ont abouti, en juillet 1995, à la signature du deuxième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services que notre assemblée a approuvé en juin 1996.

Ce deuxième protocole n'était en réalité qu'un pis-aller car les négociations s'étaient heurtées aux réticences des Etats-Unis, motivées par l'insuffisance des engagements d'un certain nombre de pays émergents, notamment asiatiques. Face à ces insuffisances, les Etats-Unis avaient choisi de réintroduire une dérogation à la clause de la nation la plus favorisée. Néanmoins, l'Union européenne avait préféré, plutôt que de constater l'échec, assurer les résultats obtenus en concluant le deuxième protocole sur une base intérimaire.

De nouvelles négociations ont repris le 10 avril 1997 et se sont conclues le 12 décembre 1997 par la signature d'un accord permanent : le cinquième protocole sur les services financiers que nous examinons aujourd'hui.

*

* *

Il s'agit d'un accord plus large que le précédent par le nombre de ses signataires (71 au lieu de 43) et leur importance. Les Etats-Unis notamment, se sont décidés, dans les tous derniers jours de la négociation, à y adhérer. Par rapport aux résultats obtenus en 1995, on compte 56 listes d'engagements nouvelles ou améliorées.

Ces engagements concernent les secteurs de l'assurance, de la banque et des services boursiers. Ils couvrent 95 % du marché mondial des services financiers, estimé à 30 000 milliards de dollars.

Il serait fastidieux de commenter toutes les listes d'engagements annexés au cinquième protocole. Votre Rapporteur se limitera à souligner les évolutions les plus significatives.

En termes défensifs, la France et l'Union européenne n'avaient pas de réels intérêts à préserver dans cette négociation. Le cinquième protocole n'aura pas d'incidence négative sur l'emploi puisqu'il ne fait que refléter l'état du droit en vigueur en France dans le secteur des services financiers et n'implique aucune modification ni de la législation française ni des directives et règlements communautaires concernés.

Les législations française et européenne sont largement conformes aux obligations de l'accord. Au niveau français, ceci s'explique par l'article 58 du Traité de Rome, qui garantit la liberté totale d'accès au marché national pour les entreprises communautaires. Or rares sont les textes nationaux qui maintiennent des discriminations spécifiques pour les entreprises non-communautaires : la libéralisation de l'accès au marché pour les entreprises communautaires s'est le plus souvent accompagnée d'une libéralisation de l'accès au marché pour toutes les entreprises étrangères. Au niveau de l'Union européenne, les diverses directives réglementant les secteurs financiers ont procédé dans le sens d'une libéralisation accrue. Au total, les marchés français et européen des services financiers présentent un haut degré d'ouverture, sans équivalent dans aucune autre région du monde.

Les mesures non-conformes existantes sont au demeurant préservées dans l'offre de l'Union européenne. La France a ainsi introduit les réserves nécessaires pour protéger les réglementations nationales qui limitent l'accès au marché des entreprises non-communautaires. Ces réglementations, ponctuelles, sont au nombre de deux : l'assurance contre les risques du transport terrestre ne peut être effectuée que par des compagnies d'assurance établies dans la Communauté ; l'établissement de succursales dans le secteur des assurances est subordonné à une autorisation spéciale. Ainsi, l'engagement de la France dans le cadre de l'accord sur les services financiers se fait à législation constante.

La France conserve au surplus des réserves de précaution, qui permettent la déconsolidation éventuelle de ses engagements. La France a conservé des réserves ponctuelles pour d'anciennes mesures non-conformes, aujourd'hui libéralisées. Deux réserves de précaution ont ainsi été maintenues : une banque étrangère ne peut intervenir comme chef de file sur les émissions de titres libellés en francs que par l'intermédiaire d'une filiale de droit français agréée ; les principaux responsables des sociétés d'investissement à capital fixe (SICAF) doivent être de nationalité française.

Ainsi, la France et l'Union européenne n'ont fait aucune concession dans le cadre de la négociation de l'accord sur les services financiers, dans la mesure où ont été maintenues les réserves figurant dans l'accord intérimaire de 1995.

Les offres des pays émergents constituent le principal motif de satisfaction. L'Indonésie, les Philippines et la Thaïlande se sont engagées à maintenir intégralement le régime d'investissement existant et la Malaisie a confirmé partiellement ce régime. Les Philippines, la Corée du Sud, le Brésil, l'Argentine et le Mexique ont autorisé les participations étrangères majoritaires. L'Indonésie et la Malaisie ont octroyé de nouvelles licences d'implantation. Ces concessions sont consolidées dans l'accord et sont donc irréversibles. La situation est toutefois loin d'être parfaite pour les entreprises européennes : le degré d'ouverture de ces marchés demeure limité ; certains pays émergents ont maintenu d'importantes réserves de précaution (Corée du Sud, Mexique, Egypte).

Les offres des autres principaux acteurs sont plus décevantes.

Les grands pays en développement (Inde, Pakistan) ne se sont pas départis d'une attitude négative vis-à-vis de la négociation. Leurs offres sont très limitées. Leurs marchés, souvent captés par des monopoles nationaux, demeurent fermés aux étrangers.

Le Japon a accepté la consolidation à l'OMC des accords bilatéraux nippo-américains conclus entre 1994 et 1996 dans les secteurs de l'assurance et de la banque mais le marché japonais demeure hermétique.

Les offres des Etats-Unis et du Canada sont également médiocres.

Le Canada a certes accepté de consolider dans l'accord sa réforme bancaire, qui prévoit d'autoriser l'établissement de succursales de banques étrangères au plus tard le 1er juillet 1999. Néanmoins le marché canadien, fortement discriminatoire, apparaît encore très fermé pour un pays de l'OCDE.

Les Etats-Unis ont déposé l'offre la plus décevante : nombreuses exceptions, reflet de législations fédérées discriminatoires et du manque d'harmonisation au niveau fédéral du cadre réglementaire ; traitement national sur une base limitée ; formulations juridiques vagues créant des incertitudes quant à la consolidation véritable des engagements américains. A titre d'exemple, les entreprises étrangères se voient accorder dans un Etat fédéré américain un accès au marché similaire à celui dont bénéficient les entreprises américaines en provenance d'un autre Etat fédéré, et non celui des entreprises de l'Etat en question.

CONCLUSION

Le marché des services financiers constitue un secteur clé pour l'économie européenne. Largement ouverte à la concurrence dans ce secteur, l'Union européenne a intérêt à obtenir de la part de ses concurrents une ouverture réciproque. Cependant, dans les négociations, elle n'avait guère de concessions à échanger. Aussi, ce cinquième protocole, qui succède à un protocole modeste, en dépit de la faiblesse de certaines offres, peut être considéré comme satisfaisant.

Votre Rapporteur regrette toutefois les conditions dans lesquelles notre assemblée est conduite à examiner ce texte. Ce projet de loi, adopté par le Sénat le 22 décembre 1998, sera débattu en séance publique le 28 janvier 1999 afin que l'approbation du protocole intervienne avant le 30 janvier 1999. En effet, si le protocole est accepté par tous les Etats concernés d'ici cette date, il entrera en vigueur le 1er mars 1999 ; à défaut d'acceptation unanime, son entrée en vigueur pourrait être compromise. Il n'est pas satisfaisant pour l'exercice du contrôle parlementaire que ce texte, d'une grande technicité, n'ait pas été inscrit plus tôt à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il est vrai que l'examen du deuxième protocole avait du se dérouler dans des délais beaucoup plus brefs puisque le projet d'approbation avait été adopté en Conseil des Ministres le 12 juin 1996 alors que la procédure de ratification devait se clore le 30 juin ...

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 20 janvier 1999.

Une discussion a suivi l'exposé du Rapporteur.

Le Président Jack Lang a approuvé l'observation du Rapporteur sur les conditions d'examen du projet de loi et des conventions en général. Il a précisé également que la Commission des Affaires étrangères avait prévu d'entendre en audition le Directeur général de l'OMC. Par ailleurs, la Commission a confié à M. Roland Blum un rapport d'information sur les conséquences de la mondialisation pour l'économie française.

M. Pierre Brana a souligné que l'examen du cinquième protocole interviendrait quelques jours avant la fin de la période d'ouverture de son acceptation par les signataires, ce qui illustre que l'inscription des accords internationaux à l'ordre du jour du Parlement ne se faisait pas dans des conditions satisfaisantes. Il a demandé des précisions sur la liste d'engagements présentée par les Etats-Unis.

M. Roland Blum a demandé si la question des relations entre la Chine et l'OMC avait évolué récemment.

M. François Loncle a répondu que l'offre des Etats-Unis comportait de nombreuses exceptions reflétant les législations discriminatoires des entités fédérées et les incertitudes juridiques quant à la consolidation véritable des engagements américains.

La Chine n'est pas signataire du cinquième protocole et la question de son adhésion à l'OMC n'a pas évolué de manière significative.

Suivant les conclusions favorables du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1321).

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1321).

N°1327. - RAPPORT de M. François LONCLE (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1321), autorisant l’approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l’accord général sur le commerce des services.