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Document mis en distribution le 15 mars 1999 N° 1455 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mars 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans laviation civile, PAR M. JEANPIERRE BLAZY Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Assemblée nationale : 1re lecture : 873, 951 et T.A. 164 2me lecture :1398 Sénat : 1re lecture :516 (1997-1998), 205 et T.A 72 (1998-1999). Transports aériens. La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, MM. Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Déaut, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alfred Marie-Jeanne, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Marius Masse, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Marc Nudant, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Gérard Voisin, Roland Vuillaume. INTRODUCTION 5 EXAMEN EN COMMISSION 9 I. DISCUSSION GÉNÉRALE 9 II. EXAMEN DES ARTICLES 10 Article 1er : Enquêtes techniques relatives aux accidents ou incidents aériens 10 LIVRE VII ENQUÊTE TECHNIQUE RELATIVE AUX ACCIDENTS OU INCIDENTS 10 TITRE 1ER DISPOSITIONS GÉNÉRALES 10 CHAPITRE UNIQUE : 10 (Article L. 711-1 du code de laviation civile) : Définition et conditions de lenquête technique 10 (Article L. 711-2 du code de laviation civile) : Indépendance et permanence de lorganisme denquête 12 (Article L. 711-3 du code de laviation civile) : Agents habilités à lenquête technique 14 TITRE II LENQUÊTE TECHNIQUE 14 CHAPITRE 1ER POUVOIR DES ENQUÊTEURS 14 (Article L. 721-1 du code de laviation civile) : Accès au lieu de laccident 14 (Article L. 721-2 du code de laviation civile) : Accès aux enregistrements 15 (Article L. 721-3 du code de laviation civile) : Prélèvement aux fins dexamen et danalyse au cours dune enquête ou dune information judiciaire 16 (Article L. 721-4 du code de laviation civile) : Prélèvement aux fins dexamen et danalyse en dehors dune enquête ou dune information judiciaire 16 (Article L. 721-5 du code de laviation civile) : Droit de communication 17 (Article L. 721-6 du code de laviation civile) : Communication des résultats des examens médicaux effectués après lévénement 17 CHAPITRE II PRÉSERVATION DES ÉLÉMENTS DE LENQUÊTE 18 (Article L. 722-1 du code de laviation civile) : Préservation de létat des lieux et des documents 18 (Article L. 722-2 du code de laviation civile) : Immunités disciplinaires et administratives 18 CHAPITRE III PROCÈS-VERBAUX DE CONSTAT 19 (Article L. 723-1 du code de laviation civile) : Procès-verbaux 19 TITRE III DIFFUSION DES INFORMATIONS ET DES RAPPORTS DENQUETE 19 CHAPITRE UNIQUE 19 (Article L. 731-1 du code de laviation civile) : Secret professionnel 19 (Article L. 731-1-1 du code de laviation civile) : Publication de recommandations en cours denquête 19 (Article L. 731-2 du code de laviation civile) : Publication du rapport denquête technique 20 TITRE IV DISPOSITIONS PENALES 20 CHAPITRE UNIQUE 20 (Article L. 741-1 du code de laviation civile) : Manquement à lobligation de signaler un accident ou un incident 20 (Article L. 741-2 du code de laviation civile) : Entraves à lenquête technique 21 (Article L. 741-3 du code de laviation civile) : Sanctions pénales applicables aux personnes morales 21 TABLEAU COMPARATIF 23 MESDAMES, MESSIEURS, La croissance soutenue du trafic aérien, généralement estimée de lordre de 5 à 8 % par an jusquà 2010, conduirait mécaniquement, si rien nétait mis en uvre, à la banalisation de la fréquence des catastrophes aériennes. Pourtant, le fait que ce mode de transport soit devenu globalement le plus sûr ne doit rien au hasard. Cest parce que tout accident, mais aussi tout incident sérieux, fait lobjet dune enquête technique de façon systématique. Ainsi les catastrophes, comme les difficultés moins graves rencontrées, doivent permettre de tirer des enseignements techniques susceptibles den éviter la reproduction. Cette enquête, froide et limitée aux seuls aspects techniques, ne se substitue pas à une éventuelle enquête judiciaire, chargée quant à elle de déterminer les responsabilités, dévaluer les préjudices à indemniser et de dédommager, autant que possible, les douleurs infligées aux victimes et à leurs familles. Elle a pour objet démettre, sur la base de lanalyse des circonstances et des causes des accidents ou des incidents aériens, des recommandations de sécurité à lintention des compagnies aériennes et des constructeurs daéronefs. Elle contribue à la recherche dune meilleure sécurité dans la construction et lentretien des avions, favorise lévolution de leur conception, contribue à améliorer la fiabilité de leurs équipements et permet de renforcer lexpérience et daméliorer la formation du personnel navigant. Les vocations respectives des enquêtes techniques et judiciaires sont donc de nature différente ; lenquête technique nentraîne aucune sanction et aucune mise en cause. Pourtant, lorsque limportance ou les circonstances particulières dun accident ou dun incident aérien conduisent à diligenter une enquête judiciaire parallèlement à lenquête technique, ces deux enquêtes, qui se déroulent selon des objectifs différents, utilisent les mêmes pièces à conviction, quil sagisse de débris à expertiser ou des enregistrements de bord. Or, limprécision du régime juridique de ces enquêtes techniques, qui ne repose aujourdhui que sur des dispositions réglementaires particulièrement succinctes, constitue, dans certains cas, une source de conflit entre les deux catégories denquêteurs et fragilise la position de lenquêteur technique vis-à-vis de lenquêteur judiciaire. Cest pourquoi il est apparu nécessaire, pour parfaire la qualité des enquêtes techniques, dont chacun, y compris au-delà de nos frontières, saccorde à reconnaître la qualité et la rigueur dans notre pays, de leur donner une base légale définissant un cadre rigoureux et de doter les enquêteurs techniques, dans le strict respect des compétences des enquêteurs judiciaires, des pouvoirs dinvestigation qui leur sont indispensables. Par ailleurs, ladoption de la directive européenne n° 94/56/CE du Conseil du 21 novembre 1994 établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans laviation civile impose aux Etats membres de transposer ses dispositions en droit interne. Rappelons que cette directive sinspire elle-même des principes régissant lannexe 13 de la Convention de Chicago de lOACI. Lapplication en droit interne de ses dispositions devrait accroître de manière significative les garanties dindépendance de lorganisme chargé des enquêtes techniques, renforcer les pouvoirs dinvestigation des enquêteurs et favoriser la transparence des procédures. Indiquons ici les quatre objectifs de la directive précitée : lenquête technique est obligatoire en cas daccident ou dincident grave ; lorganisme chargé des enquêtes doit disposer dune indépendance fonctionnelle ; les enquêteurs se voient obligatoirement reconnaître des pouvoirs dinvestigation ; enfin, les rapports denquête doivent avoir un caractère public. Depuis 1994 lUnion européenne a travaillé plus directement sur la question dune autorité européenne de contrôle technique, visant notamment à la promotion du principe dun certificat de navigabilité de type unique pour les aéronefs européens. Fin 1995, la Commission a mis en circulation un document de travail qui, pour lessentiel, identifie les déficiences du système actuel en matière de processus de prise de décisions et de caractère contraignant des textes. Jusquà maintenant, en effet, les procédures communes dans le domaine de la certification des aéronefs ne reposent que sur un mécanisme, non contraignant, de concertation informelle entre directeurs nationaux de laviation civile, au sein des « autorités conjointes de laviation » ou JAA (« joint aviation authorities »). Cest pourquoi la Commission, affirmant les compétences communautaires dans ce domaine, propose de créer une autorité unique de sécurité, sappuyant sur une rénovation des JAA, et dont la Communauté serait membre à part entière. A la fin de 1996, la Commission a persévéré dans cette voie et a soumis au Conseil un mandat de négociation en ce sens. En réponse, le 18 juin 1998, le Conseil a confié à la Commission le mandat de négocier la création de lautorité unique avec les pays membres des JAA (il sagit, outre des Etats de lUnion, de lIslande, de Monaco, de la Norvège et de la Suisse). Cette procédure est dès à présent engagée. Lobjectif dun renforcement de la sécurité de la navigation aérienne a fait également lobjet dune résolution adoptée par lassemblée de lorganisation de laviation civile internationale (OACI) en septembre 1998. Jusquici la vérification internationale des conditions dapplication, par les Etats, de la mise en uvre des normes et pratiques recommandées par lorganisation en matière de sécurité relevait dun programme volontaire aux résultats aléatoires (programme SOP « safety oversight program »). Ladoption du programme de supervision de la sécurité, à laquelle la France a très largement contribué, y substitue désormais le principe dun programme obligatoire, universel et transparent. Ce dispositif est complété par le programme SAFA (« safety assessment of foreign aircraft » ou programme de certification de sécurité des aéronefs étrangers) qui, au-delà de lévaluation des autorités du programme SOP, sintéresse en priorité à linspection des appareils eux-mêmes. Les principes en sont simples ; les aéronefs venant dun pays étranger peuvent être soumis à une inspection sur une aire de trafic, portant principalement sur la documentation de laéronef et de son équipage, létat apparent de laéronef et la présence des équipements de cabine. Les inspections peuvent conduire à une immobilisation plus ou moins longue de lappareil pour corriger avant décollage les anomalies mises en évidence. En 1997 et 1998, près de 2 300 rapports dinspection de ce type ont été dressés dans 24 pays ; ils ont donné lieu à 34 cas dimmobilisation. En première lecture le 18 juin 1998, lAssemblée nationale na pas apporté de modifications substantielles à ce projet de loi. Le Sénat, qui la examiné lors de sa séance du 16 février dernier, sest également contenté dy apporter des améliorations qui en préservent pleinement léconomie générale. Pour lessentiel, le projet de loi insère, par son article premier, un Livre VII nouveau dans le code de laviation civile, portant sur l « enquête technique relative aux accidents ou incidents ». Larticle 2 du projet, qui précise les conditions dapplication de ce texte outre-mer, ayant été adopté conforme par le Sénat en première lecture, seul reste en conséquence en discussion le premier article de ce projet de loi. La commission de la production et des échanges a examiné, le 10 mars 1999, en deuxième lecture, sous la présidence de M. André Lajoinie, le projet de loi (n°1398) modifié par le Sénat relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans laviation civile. M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur, a rappelé que le projet de loi visait tout dabord à transcrire en droit interne les dispositions de la directive européenne n° 94/56/CE du Conseil, établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans laviation civile. Il a souligné que les accidents et les incidents aériens étaient déjà en France lobjet denquêtes techniques ; celles-ci sont conduites par le Bureau denquête-accident (BEA), qui jouit dune réputation internationale. Le rapporteur a précisé quil convenait de distinguer les enquêtes techniques des enquêtes judiciaires, les premières visant exclusivement à tirer les leçons des événements intervenus afin de renforcer la sécurité de laviation civile. Il a indiqué que le projet de loi, conformément à lobjectif fixé par la directive, visait à renforcer lindépendance du BEA et à améliorer la transparence du travail denquête quil effectue. Relevant que le Sénat, lors de sa lecture du projet de loi, y avait apporté certaines modifications précisant le texte, il a proposé que la commission adopte le texte sans modification. Article 1er Enquêtes techniques relatives aux accidents Hormis plusieurs amendements rédactionnels, le Sénat a apporté quelques ajouts et clarifications à certains articles nouveaux du code de laviation civile contenus dans cet article du projet de loi. Il sagit pour lessentiel de modifications visant à mieux coordonner les enquêtes judiciaires et techniques, ainsi quà assouplir les procédures lors du prélèvement de pièces utiles à lenquête. Enfin, le Sénat a fort à propos étendu le dispositif favorisant la déclaration spontanée dincident à toute personne impliquée de par sa fonction dans sa survenance éventuelle. Le Sénat a adopté sans modification le paragraphe I de cet article, qui résultait dun amendement adopté en première lecture par lAssemblée et visait à clarifier larticulation entre les livres VI et VII du code de laviation civile. LIVRE VII ENQUÊTE TECHNIQUE RELATIVE TITRE 1ER (Article L. 711-1 du code de laviation civile) Définition et conditions de lenquête technique Les quatre paragraphes de larticle L. 711-1 portent respectivement sur la définition de lenquête technique (I), la définition de laccident et de lincident daviation civile (II), la compétence territoriale (III) et la compétence par type daccident ou dincident (IV). Lors de sa première lecture du projet de loi, lAssemblée nationale avait décidé, afin dassurer une meilleure lisibilité du dispositif, dinsérer le contenu du paragraphe IV du projet à la suite du paragraphe II, et en conséquence de supprimer le dernier paragraphe du texte initial. Le Sénat a confirmé cette suppression. Le paragraphe I dispose que lenquête technique se limite strictement à déterminer les circonstances et les causes, certaines ou probables, dun accident ou dun incident aérien, pour établir sil y a lieu, des recommandations de sécurité. Lenquête technique ne peut donc pas se substituer à une enquête judiciaire, ne devant notamment pas avoir pour objet de déterminer les responsabilités ou les fautes à lorigine dun sinistre. Le Sénat a adopté ce paragraphe sans modification. Le paragraphe II définit le champ dapplication du livre VII nouveau du code de laviation civile. Il reprend pour la définition de lincident aérien les termes, tant de lannexe 13 de la Convention de Chicago que de la directive 94-56, mais donne en revanche une acception plus large de la notion daccident que les textes précités. La directive européenne prévoyant que les accidents et incidents graves doivent nécessairement faire lobjet dune enquête technique, le paragraphe II bis transpose cette disposition en droit interne ; en même temps, il indique que tout autre événement plus mineur peut également conduire à déclencher une enquête technique. La directive envisage cette possibilité, en prévoyant que « les Etats membres peuvent prendre des mesures pour permettre la réalisation dune enquête sur un événement non visé [accident ou incident grave ] si lorganisme denquête peut espérer en tirer des enseignements en matière de sécurité aérienne ». Le Sénat a adopté deux amendements rédactionnels à ces deux paragraphes, inversant notamment la référence à la directive européenne. Cette modification de forme naméliore pas le texte et tend même à déséquilibrer quelque peu la structure de cet article du code de laviation civile : dans la rédaction retenue par lAssemblée nationale en première lecture, le II définit laccident et lincident, générateurs denquête technique ; le II bis précise, rationae materiae, les cas selon lesquels, conformément à la directive européenne (cest pourquoi la référence à la directive se situait ici) , lenquête est, soit obligatoire, soit facultative ; enfin le III définit la compétence, rationae loci, des autorités françaises, conformément aux règles internationales. Votre rapporteur, sil préférait la rédaction, qui lui semblait plus rigoureuse, retenue en première lecture par lAssemblée nationale, souhaite néanmoins afin déviter une navette supplémentaire en rester à la formule qui a la préférence du Sénat. Sagissant du paragraphe III de larticle L. 711-1, ainsi quindiqué plus haut, celui-ci définit la compétence territoriale des autorités françaises. Le deuxième alinéa de ce paragraphe précise que les enquêtes techniques relèvent bien entendu de leur autorité si lévénement survient sur le territoire ou dans lespace aérien de la République. En revanche, lorsque laccident ou lincident intervient en dehors des zones relevant de notre souveraineté, la compétence des autorités françaises ne peut exister que lorsque lincident ou laccident concerne un aéronef immatriculé en France ou exploité par une personne, physique ou morale, ayant en France son siège statutaire ou son principal établissement. Deux cas peuvent alors se présenter : soit lévénement se produit sur le territoire ou dans lespace aérien dun autre Etat. La compétence des autorités françaises nest alors reconnue que si cet autre Etat nouvre pas denquête technique ; soit lévénement intervient en dehors de tout territoire ou espace aérien national ; dans ce cas, la compétence française nexiste que si lEtat dimmatriculation de laéronef nouvre pas denquête. En mettant en facteur commun les conditions, touchant tant au lieu de lévénement quà la nationalité de laéronef ou de son exploitant, pouvant conférer à la France une compétence lautorisant à déclencher une enquête technique en dehors de son territoire ou de son espace aérien, le Sénat a apporté une modification strictement rédactionnelle qui a lavantage dalléger quelque peu laridité du texte. Le dernier alinéa du paragraphe III de larticle L.711-1 du code de laviation civile, que le Sénat a adopté sans modification, prévoit les conditions dans lesquelles la France peut déléguer la réalisation de tout ou partie dune enquête technique à un autre Etat, ou peut à linverse recevoir délégation pour réaliser une enquête relevant de la compétence dun Etat étranger. Le Sénat a par ailleurs maintenu la suppression, effectuée par lAssemblée en première lecture, du IV de cet article, transféré après le II. (Article L. 711-2 du code de laviation civile) Indépendance et permanence de lorganisme denquête Rappelons que cet article garantit, conformément à la directive 94/56, lindépendance de lorganisme denquête. Il sagit déjà dune réalité en France. Lactuel « Bureau Enquêtes-Accidents » (BEA), placé sous lautorité du ministre chargé de laviation civile au sein de linspection générale de lAviation civile et de la météorologie, qui répond pleinement à ce critère, dispose dailleurs dune renommée internationale méritée. Par rapport au dispositif actuel, larticle L.711-2 prévoit que, lorsquune commission denquête est instituée pour enquêter sur un accident particulier, celle-ci ne sera pas seule en charge de lenquête technique, mais interviendra pour assister lorganisme permanent. En effet, lenquête technique, compte tenu de la complexité de laviation moderne, exige des compétences particulières qui en font une activité à plein temps. La commission denquête, dans ce cadre, est constituée de personnalités reconnues pour leurs compétences et leur expérience dans certains domaines spécifiques. Etant tenue informée des travaux et des constatations de lenquête conduite par lorganisme permanent, elle apporte aux enquêteurs ses éclairages et ses suggestions, tant lors de la détermination des faits que pour leur analyse. Elle peut enfin contribuer à prendre correctement en compte les recommandations de sécurité émises. Cet article vise à transposer en droit interne les dispositions contenues à larticle 6 de la directive 94/56, qui prévoit que lorganisme denquête est « fonctionnellement indépendant, notamment des autorités nationales responsables de la navigabilité, de la certification, des opérations aériennes, de lentretien, de la délivrance des licences, du contrôle de la navigation aérienne ou de lexploitation des aéroports et en général, de toute autre partie dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission » qui lui a été confiée. Le Sénat a apporté deux modifications à cet article. Au premier alinéa il a précisé que linstitution éventuelle dune commission denquête relevait de la compétence du ministre chargé de laviation civile. Au second alinéa, se référant aux termes de la directive, il a ajouté que, si lorganisme indépendant permanent et la commission denquête ne recevaient ni ne sollicitaient dinstructions daucune autorité, cette interdiction concernait aussi les instructions qui émaneraient dorganismes dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée. Votre rapporteur partage le souci de garantir et de renforcer lindépendance des structures denquête technique. Toutefois, force est de relever quen droit français, un organisme, fut-il en conflit avec la mission des enquêteurs, ne peut en aucune façon donner dinstructions, spontanément ou à la suite dune sollicitation, à un organisme enquêteur si celui-ci nest pas placé sous son autorité. Tout au plus pourrait-il transmettre des informations ou émettre des avis. Cependant, par souci de simplicité, cette rédaction nentraînant pas de conséquence juridique, votre rapporteur propose de sen tenir à la formulation émanant du Sénat. (Article L. 711-3 du code de laviation civile) Agents habilités à lenquête technique Cet article définit les règles relatives à la nomination des enquêteurs techniques, des enquêteurs de première information et des membres des commissions denquête. Le Sénat en a modifié la rédaction pour préciser notamment que les enquêteurs techniques seront commissionnés par le ministre chargé de laviation civile sur proposition du responsable de lorganisme permanent. Votre rapporteur propose de conserver cet article dans la rédaction du Sénat. TITRE II CHAPITRE 1ER (Article L. 721-1 du code de laviation civile) Rappelons que cet article habilite les enquêteurs techniques, ainsi que les enquêteurs de première information, à avoir accès au lieu de lévénement, à laéronef ou à son épave et à son contenu. Par exception aux attributions exclusives des enquêteurs techniques dûment commissionnés, des agents appartenant aux corps techniques de laviation civile, dits « enquêteurs de première information », peuvent être agréés pour effectuer, sous le contrôle et lautorité de lorganisme permanent, les premières interventions sur le site de laccident ou de lincident, notamment dans le but de permettre la préservation des indices. Dans la pratique, les enquêteurs de première information devraient être des agents de la DGAC, préalablement formés et désignés à cet effet, pour une enquête déterminée. Sil sagit dun accident, lautorité judiciaire devra être préalablement informée de lintervention des enquêteurs techniques comme des enquêteurs de première information. Le Sénat a adopté cet article dans la rédaction de lAssemblée nationale. (Article L. 721-2 du code de laviation civile) Larticle L.721-2 transpose en droit interne le contenu du c) du 2 de larticle 5 de la directive 94/56. Il prévoit que les enquêteurs chargés de lenquête technique sont autorisés, le cas échéant en coopération avec les autorités responsables de lenquête judiciaire, à accéder immédiatement au contenu des enregistreurs de bord et de tout autre enregistrement, ainsi quà lexploitation de ces éléments. Rappelons que le premier alinéa de cet article souligne que les enquêteurs chargés de lenquête technique ont accès sans retard à ces enregistreurs et à ces enregistrements. Les deux paragraphes suivants précisent les conditions daccès à ces éléments dinformation. Le premier (I) vise les cas où une enquête ou une information judiciaire est ouverte ; il a été adopté sans modification par le Sénat. Le II envisage lhypothèse où il ny a pas denquête ou dinformation judiciaire ouverte. Dans ce cas, la rédaction adoptée par lAssemblée en première lecture prévoyait que les prélèvements par les enquêteurs techniques devaient être effectués en présence dun officier de police judiciaire dont le concours était sollicité à cet effet par lintermédiaire du procureur de la République. Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a opté pour une procédure simplifiée de prélèvement des enregistreurs et enregistrements, dans les cas dincidents mineurs. Il sagit tout dabord dautoriser les enquêteurs de première information à effectuer ces prélèvements, sur instruction de lorganisme permanent, dans les cas les moins graves. En effet, en 1998, les enquêteurs techniques se sont déplacés sur 146 événements en métropole et outre-mer, alors que leur présence nétait vraiment nécessaire quune vingtaine de fois. Cette modification évitera à lavenir leur déplacement systématique. En outre, le Sénat a assoupli la procédure conduisant à la présence, lors des prélèvements, dun officier de police judiciaire. Désormais, celui-ci ne devra être désigné par le procureur de la République quen cas daccident. Votre rapporteur se rallie bien volontiers à cette simplification qui nentache en rien les garanties de la procédure. (Article L. 721-3 du code de laviation civile) Prélèvement aux fins dexamen et danalyse Cet article définit la procédure applicable aux prélèvements aux fins dexamen et danalyse lorsque les interventions des enquêteurs techniques interfèrent avec une procédure judiciaire. Au deuxième alinéa de cet article, qui vise les cas où il nexiste pas daccord entre les enquêteurs technique et judiciaire, le texte adopté par lAssemblée en première lecture prévoyait que lenquêteur technique disposait du droit dassister aux opérations dexpertise diligentées par lautorité judiciaire compétente et dexploiter leurs constatations pour les besoins de leur propre enquête. Le Sénat a apporté une précision utile sur ce point. Relevant que, dans la pratique, le droit dassistance aux opérations dexpertise supposait que les enquêteurs techniques soient informés des expertises judiciaires, il a souhaité indiquer que lautorité judiciaire informe systématiquement les enquêteurs techniques des expertises quelle diligentait. Votre rapporteur se réjouit de lajout de cet élément. (Article L. 721-4 du code de laviation civile) Prélèvement aux fins dexamen et danalyse Lorsque les accidents ou les incidents aériens ne donnent lieu à louverture, ni dune enquête, ni dune information judiciaire, il convient principalement déviter que les prélèvements aux fins denquête technique, par les enquêteurs en charge de cette procédure, ne donnent lieu à une contestation ultérieure, comme cela a déjà été le cas. Afin dempêcher ce type de contentieux, les dispositions prévues à cet article conditionnent ces prélèvements à la présence dun officier de police judiciaire. Comme pour le II de larticle L.721-2 précédent, relatif à laccès aux enregistreurs de bord lorsquil ny a pas denquête ou dinformation judiciaire, le Sénat a voulu simplifier les formalités de recours à la présence dun officier de police judiciaire dans le cas des événements mineurs, en limitant aux seuls accidents les cas où il sera nécessaire de solliciter leur concours par lintermédiaire du procureur de la République. Votre rapporteur propose de retenir là encore la rédaction du Sénat. (Article L. 721-5 du code de laviation civile) Afin de clarifier les conditions de lenquête technique, cet article prévoit que les personnes qui en sont chargées peuvent exiger la communication de tous les documents relatifs aux personnes, entreprises et matériels en relation avec lévénement, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel. Rappelons que la communication de ces informations est déjà généralement accessible dans le cadre de la réglementation actuelle. Le Sénat a adopté cet article dans la rédaction retenue en première lecture par lAssemblée nationale. (Article L. 721-6 du code de laviation civile) Communication des résultats des examens médicaux Cet article, qui définit la procédure applicable aux examens médicaux pratiqués après lévénement sur les pilotes et contrôleurs aériens, dispose que les résultats obtenus, ainsi que les rapports dexpertise médico-légale relatifs aux victimes, sont communiqués aux enquêteurs. Dans la mesure où ces rapports dexpertise sont transmis dans le cadre dune procédure judiciaire, ils ne sont pas couverts par le secret médical. LAssemblée avait adopté à cet article, en première lecture, un amendement limitant ces communications aux seuls cas des personnes en relation avec laccident ou lincident. Le Sénat a adopté cet article sans modification. CHAPITRE II PRÉSERVATION DES ÉLÉMENTS DE LENQUÊTE (Article L. 722-1 du code de laviation civile) Préservation de létat des lieux et des documents Cet article, que le Sénat a adopté sans modification, vise à prévenir toute altération des éléments de lenquête. Il comporte deux alinéas ; le premier interdit, sauf pour porter secours aux victimes ou lorsque lautorité judiciaire le permet, daltérer les lieux où sest produit lévénement, de manipuler ou de déplacer laéronef ou son épave ; le second complète ce dispositif en imposant aux personnes en possession de documents, matériels et enregistrements pouvant être utiles à lenquête, de prendre toute disposition de nature à les préserver. (Article L. 722-2 du code de laviation civile) Immunités disciplinaires et administratives Lenquête technique a pour but principal de renforcer la sécurité, de prévenir les risques et déviter la répétition des causes ayant conduit à un accident ou un incident aérien. Cela suppose que lensemble des événements soit porté à la connaissance des autorités afin de conduire systématiquement une enquête. Sil paraît improbable que celles ci ne soient pas informées de la survenance dun accident, il nen va pas de même des incidents, dont les conséquences ultérieures peuvent parfois être dramatiques. Cest pourquoi le projet de loi avait envisagé, à linstar de ce qui se pratique dans nombre dEtats, une immunité disciplinaire et administrative pour les personnes chargées de la conduite, de linformation, du contrôle ou de lentretien des aéronefs, qui auront spontanément signalé sans délai un incident dans lequel elles seraient impliquées. Cette exemption ne doit pas couvrir un manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité. Elle ne pourra également pas sappliquer en matière pénale et ne pourra donc pas concerner des personnes ayant mis en péril la vie dautrui. Le Sénat a judicieusement souhaité étendre ce dispositif à lensemble des personnes qui, de par leurs fonctions, sont impliquées dans un incident. Votre rapporteur propose de retenir cette rédaction de larticle. CHAPITRE III (Article L. 723-1 du code de laviation civile) Larticle L.723-1 oblige les enquêteurs techniques à établir un procès-verbal à chaque stade de leur enquête, à loccasion des prélèvements et des vérifications auxquels ils procèdent en vertu des pouvoirs dont ils sont investis. Une copie de ces procès-verbaux doit être adressée à lautorité judiciaire lorsquune procédure judiciaire est ouverte. Le Sénat a souhaité préciser dans cet article le champ des opérations qui doivent faire lobjet de tels procès-verbaux, en adoptant un amendement faisant expressément référence à larticle L .721-5 du code de laviation civile, créé au chapitre 1er du présent titre du projet de loi. Votre rapporteur ne voit pas dinconvénient à retenir cette nouvelle rédaction. TITRE III DIFFUSION DES INFORMATIONS ET (Article L. 731-1 du code de laviation civile) Cet article, qui fixe les strictes limites et formes dans lesquelles les personnels de lorganisme permanent et les personnes rattachées à lenquête technique peuvent déroger au principe du secret professionnel, a été adopté sans modification par le Sénat. (Article L. 731-1-1 du code de laviation civile) Publication de recommandations en cours denquête Les articles L.711-1, L.711-2 et L.731-2 du code de laviation civile, institués par le projet de loi, précisent que lorganisme permanent a pour mission détablir à lissue de lenquête un rapport contenant, le cas échéant, des recommandations de sécurité. Cet article, introduit par lAssemblée en première lecture, intègre ici des dispositions contenues initialement dans le deuxième alinéa de larticle L.731-2. Il prévoit la publication en cours denquête de recommandations de sécurité, lorsque leur mise en uvre dans les plus brefs délais est de nature à prévenir un accident ou un incident grave. Le Sénat a adopté cet article sans modification. (Article L. 731-2 du code de laviation civile) Publication du rapport denquête technique Cet article oblige lorganisme permanent à publier systématiquement un rapport au terme de lenquête technique, conformément aux dispositions contenues à larticle 7 de la directive communautaire n° 94/56. Nayant pas, à la différence dune enquête judiciaire, à déterminer de responsabilités, le rapport doit préserver lanonymat des personnes et ne fait état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de lévénement, ainsi quà la compréhension des recommandations de sécurité quil contient. Le Sénat a adopté cet article dans la rédaction retenue en première lecture par lAssemblée nationale. TITRE IV DISPOSITIONS PÉNALES (Article L. 741-1 du code de laviation civile) Manquement à lobligation de signaler un accident ou un incident Pendant dissuasif des dispositions contenues à larticle L.722-2 exemptant les personnes ayant spontanément signalé un incident dans lequel elles auraient été impliquées, le présent article punit dun an demprisonnement et de 100.000 francs damende ceux qui, de par leurs fonctions, sont appelés à connaître dun tel événement et ne le portent pas à la connaissance des autorités administratives. Rappelons que le montant des sanctions prévues, qui qualifie ces manquements de délits, est identique à celui réprimant des infractions entravant linformation de la commission nationale informatique et liberté (CNIL) découlant des dispositions de larticle 43 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés. Votre rapporteur propose de retenir pour cet article la rédaction du Sénat, lequel a adopté ici un amendement de coordination avec les dispositions de larticle L. 711-1. (Article L. 741-2 du code de laviation civile) Entraves à lenquête technique Comme pour les manquements à lobligation de signaler un accident ou un incident, cet article prévoit de sanctionner des mêmes peines dun an demprisonnement et de 100.000 francs damende lentrave à laction de lorganisme permanent. Le Sénat a adopté cet article dans le texte de lAssemblée nationale. (Article L. 741-3 du code de laviation civile) Sanctions pénales applicables aux personnes morales Cet article rend responsables les personnes morales, dans les conditions visées à larticle 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent titre quelles pourraient commettre. Le Sénat a adopté cet article dans la rédaction retenue par lAssemblée nationale en première lecture. La commission a adopté larticle premier sans modification. La commission a adopté lensemble du projet de loi sans modification. * * * En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande dadopter en deuxième lecture le projet de loi (n°1398) modifié par le Sénat, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans laviation civile, sans modification. TABLEAU COMPARATIF ___
_____________ N° 1455.- Rapport de M. Jean-Pierre Blazy (au nom de la commission de la production) sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans laviation civile. |