Accueil > Archives de la XIème législature

- -

N° 1473

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 mars 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres),

PAR Mme MICHÈLE ALLIOT-MARIE,

Députée

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 288, 356 et T.A. 139 (1997-1998)

Assemblée nationale : 917

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser la ratification de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements conclu entre la France et le Liban le 28 novembre 1996.

Il s'agit d'un accord classique, largement conforme au modèle dont s'inspirent la soixantaine de conventions de même objet conclues par la France avec d'autres Etats.

*

*       *

Cet accord doit contribuer à enraciner la présence économique française au Liban.

L'économie libanaise a connu une très forte expansion depuis la fin de la guerre mais se caractérise par de forts déséquilibres internes qui se traduisent aujourd'hui par un ralentissement de la croissance.

Le Produit intérieur brut a quadruplé sur les six dernières années et, au plan monétaire, plusieurs succès ont été enregistrés : augmentation continue des réserves, baisse des taux d'intérêt, appréciation constante de la monnaie et maîtrise de l'inflation autour de 5%.

Cependant, la reconstruction a un coût financier élevé qui pèse lourdement sur les finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 23% du PIB en 1997. Le poids de la dette interne (12 milliards de dollars) et externe (2,3 milliards de dollars) est énorme. La part des recettes de l'Etat consacrée au seul paiement des intérêts de la dette a atteint 90% en 1997. Ce taux est retombé à 70% en 1998. La croissance s'est contractée en 1997 et 1998 (2 à 3%) alors que le secteur immobilier, moteur de la croissance, est en crise. Le déficit de la balance des paiements courant (entre 30 et 40% du PIB) est financé en grande partie par des capitaux à court terme très volatiles, rendant la livre vulnérable. Les finances publiques affichent un léger mieux en 1998 mais le pays ne pourra pas se passer des réformes structurelles indispensables à une véritable maîtrise des finances publiques.

Par ailleurs, l'agriculture et l'industrie ne représentent respectivement que 10 et 20% du PIB et 90% des produits consommés sont importés. Le commerce extérieur libanais est largement déficitaire, le Liban important dix fois plus qu'il n’exporte. La priorité accordée à la reconstruction a un coût social élevé : le niveau de vie d'une grande partie de la population est encore très affecté par la guerre, la paupérisation de la classe moyenne s'accélère, les inégalités sociales et les tensions s'accroissent.

Depuis 1992, les investissements français ont fortement progressé. Le poste d'expansion économique de Beyrouth a recensé plus d'une centaine d'implantations françaises en 1997, soit un quintuplement en cinq ans. La destruction de l'appareil statistique libanais interdit de donner une estimation chiffrée du stock d'investissements mais, selon toute vraisemblance, la France est le premier investisseur étranger hors immobilier, si l'on fait abstraction de la Syrie. Les intérêts économiques syriens, en effet, sont sans doute largement présents au Liban mais l'on ne dispose d'aucune information sur l'ampleur de cette emprise.

Selon la Banque de France, les flux d'investissements français au Liban se sont élevés à 823 millions de francs entre 1993 et 1997 et ont augmenté d'une année à l'autre. Ils sont constitués essentiellement d'investissements productifs. Les flux d'investissement libanais en France pour la même période ont connu une évolution plus erratique - 359 millions de francs au total - et ont été surtout réalisés dans l'immobilier.

Outre les neuf banques françaises qui occupent 25% du marché bancaire, les entreprises françaises sont particulièrement présentes dans les télécommunications, l'eau, les produits pétroliers, le secteur électrique et les travaux publics.

La France est également le deuxième partenaire commercial du Liban, loin derrière l'Italie, mais devant l'Allemagne et les Etats-Unis. Les exportations françaises sont passées de 1,6 milliard de francs en 1992 à 4,2 milliards en 1998 (4,8 en 1997) alors que les importations françaises ont à peine progressé sur la même période, passant de 170 millions de francs à 215. Ces exportations sont en outre très diversifiées : elles vont des produits de luxe et de la mode aux produits de l'industrie de pointe. Par ailleurs, si les importations françaises - principalement des produits textiles - sont faibles, la France est néanmoins le quatrième client du Liban.

L'entrée en vigueur de l'accord d'association entre l'Union européenne et le Liban devrait permettre d'améliorer ces résultats. Cet accord prévoit le démantèlement progressif des tarifs douaniers libanais applicables aux produits industriels communautaires. Sa négociation n'est pas achevée et se heurte à deux difficultés majeures. En premier lieu, le Liban souhaite que la période de transition de douze ans proposée par l'Union pour le démantèlement tarifaire soit allongée. En second lieu, le Liban demande des compensations financières car 45% de ses recettes fiscales proviennent des droits de douanes alors que 50% de ses importations sont d'origine communautaire.

Ces résultats font du marché libanais une excellente tête de pont pour la pénétration économique française au Proche et Moyen Orient. Le Liban est un point de passage commercial susceptible d'améliorer la présence française en Syrie et en Jordanie. Avec la Syrie, les exportations ont atteint 1,7 milliard de francs en 1998 mais le solde reste négatif car la France importe de ce pays du pétrole à usage bitumineux. Avec la Jordanie, dont la population est comparable à celle du Liban, les exportations sont faibles - 839 millions de francs - mais pourraient augmenter lorsque ce pays aura surmonté la crise économique qu'il traverse. Notre présence au Liban sera également un atout pour le développement de nos relations commerciales avec l'Irak quand les conditions politiques seront réunies. D’autres pays arabes entretiennent des relations économiques privilégiées avec le Liban, ce qui peut favoriser des extensions de notre pénétration dans ces Etats.

Cela étant, la position commerciale de la France au Liban est menacée. Les excellents résultats des dernières années sont dus pour une part importante aux grands contrats, en particulier à la livraison de deux Airbus. La concurrence italienne est rude et, surtout, les exportations américaines sont en progression rapide. En 1999, les exportations américaines pourraient dépasser les exportations françaises en raison de la levée des restrictions posées aux déplacements des hommes d'affaires américains.

*

*       *

Conclu pour une durée initiale de dix ans, l’Accord pose le principe de l’encouragement des investissements à travers l'octroi d'un traitement "juste et équitable" ainsi que l'application des régimes du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée. Selon ces régimes, un Etat doit appliquer aux investisseurs de l'autre partie les règles applicables à ses propres investisseurs ou bien les règles applicables aux investisseurs de la nation la plus favorisée si celui-ci est plus favorable. Toutefois ce dernier régime ne s'applique ni aux avantages convenus dans le cadre d'unions douanières, de marchés communs ou toutes autres formes d'organisations régionales, ni aux régimes fiscaux.

L'Accord exclut a priori les mesures de dépossession arbitraires ou discriminatoires et établit le principe d'une indemnisation "prompte et adéquate" en cas d'expropriation. Si un investisseur est victime d'un sinistre ou d'un dommage provoqués par des événements politiques, il bénéficiera d'un régime non moins favorable que celui appliqué aux investisseurs nationaux ou à ceux bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée.

L'Accord prévoit également le libre transfert des diverses formes de revenus générés par l'investissement.

L'Accord prévoit enfin une procédure classique de règlement des différends entre les Parties. Le mode de règlement des différends entre un investisseur et un Etat-partie, quant à lui, retient le dispositif traditionnel de recours à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), créé par une convention de 1965.

Deux spécificités doivent cependant être soulignées. Le Liban n'étant pas Partie à la convention de 1965, les différends seront soumis à un tribunal ad hoc. Par ailleurs, l’échange de lettres joint à l'Accord préserve le régime national libanais relatif à l'investissement étranger dans le foncier. Ce régime soumet ce type d'investissement à autorisation préalable. La partie libanaise s'est engagée à examiner les demandes françaises dans un esprit d'ouverture.

*

*       *

Le Liban est entré dans une nouvelle phase de transition. L'élection en octobre 1998 d'un Président de la République fort et la nomination d'un nouveau gouvernement, qui a affiché sa volonté de réforme politique et économique, ont été accueillies avec satisfaction par la population.

Depuis plusieurs siècles, la France entretient avec le Pays du Cèdre des relations privilégiées. La relance de notre action diplomatique, entreprise depuis quelques années, s'est traduite par une intensification des rencontres de haut niveau, illustrée par les trois visites effectuées par le Président de la République au Liban depuis 1996.

Une constante de l'action de la France reste la défense de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale du Liban et l'appel au respect des résolutions des Nations Unies, notamment la résolution 425. Dans le cadre du processus de paix au Proche Orient, la France insiste pour que la paix ne se fasse pas au détriment du Liban.

La crise israélo-libanaise du mois d'avril 1996 a montré que la France entendait appliquer concrètement ses engagements. La médiation française a permis au Liban d'être pris en compte comme partenaire et à la France de s'affirmer comme acteur. Dans le contexte actuel de blocage du processus de paix, les autorités libanaises comptent sur la présence de la France au sein du Groupe de surveillance pour circonscrire les affrontements au sud.

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 17 mars 1999, la Commission a examiné, sur le rapport de Mme Michèle Alliot-Marie, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Charles Erhmann a noté que le Liban était en plein renouveau mais que, du fait de la présence syrienne, il y avait peu de chances qu’il puisse redevenir ce qu’il était avant la guerre civile.

Mme Michèle Alliot-Marie a exposé que la situation du Liban restait difficile. Cependant, malgré la présence militaire syrienne, les autorités libanaises parviennent à constituer un espace d’autonomie. Grâce au développement économique, on peut espérer que le Liban recouvre une pleine indépendance.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 917).

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 917).

___________

N° 1473.- Rapport de Mme Michèle Alliot-Marie (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres).