Document mis en distribution le 29 mars 1999 N° 1482 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 mars 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité, PAR M. JEAN-PIERRE MICHEL, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Assemblée nationale : 1re lecture : 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138, 1143 et T.A. 207. 2e lecture : 1479. Sénat : 1re lecture : 108, 258, 261 et T.A. 100 (1998-1999). Droit civil. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 1. Pour le Sénat, comme pour l'Assemblée nationale, un couple non marié peut être composé de deux personnes de même sexe 5 2. Même ouvert aux homosexuels, même assorti de droits plus étendus, le concubinage ne saurait remplacer l'engagement contractuel global que représente la signature d'un pacte civil de solidarité 6 3. Il appartient à l'Assemblée de réaffirmer les principes qui ont guidé un choix réfléchi, cohérent et global pour prendre en compte les aspirations des couples non mariés 8 EXAMEN DES ARTICLES 13 Article 1er A (nouveau) (art. 9 du code civil) : Liberté de la vie personnelle 13 Article 1er B (nouveau) (art. 144 du code civil) : Définition du mariage 13 Article 1er C (nouveau) (art. 310-1 à 310-3 du code civil) : Définition du concubinage 14 Article premier (art. 515-1 à 515-7 du code civil) : Pacte civil de solidarité 15 Articles additionnels après l'article premier : 17 Article 506-1 du code civil : Majeurs placés sous tutelle 17 Article 515-8 du code civil : Définition du concubinage 17 Article 2 (art. 6 du code général des impôts) : Imposition commune au titre de l'impôt sur le revenu et des impôts directs 19 Article 2 bis (nouveau) (art. 156 du code général des impôts) : Déduction des avantages consentis aux collatéraux dans le besoin 23 Article 2 ter (nouveau) (art. 6 et 196 B du code général des impôts) : Régime de l'abattement au titre des enfants majeurs et personnes à faibles ressources rattachées au foyer fiscal 24 Article 3 (art. 777 bis et 779 du code général des impôts) : Tarif et abattement applicables en matière de droits sur les successions et donations 25 Article 3 bis (nouveau) (art. 788 du code général des impôts) : Relèvement et aménagement de l'abattement sur les droits de succession des frères et s_urs 26 Article 4 (art. 885 A, 885 W et 1723 ter-00 B du code général des impôts) : Imposition commune au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune 27 Article 4 bis A (nouveau) (art. 754 A du code général des impôts) : Assouplissement du régime des contrats d'acquisition en commun 27 Article 4 bis B (nouveau) : Rapport 29 Article 4 bis (art. L. 161-14 du code de la sécurité sociale) : Droits dérivés en matière d'assurance-maladie 30 Article 5 (art. L. 223-7, L. 226-1 et L. 784-1 du code du travail) : Droit à congés 31 Article 5 bis (art. L. 523-2 du code de la sécurité sociale) : Interruption du droit à l'allocation de soutien familial 31 Article 5 ter (art. L. 356-3 du code de la sécurité sociale) : Interruption du droit à l'allocation de veuvage 32 Article 6 : Prise en compte du pacte civil de solidarité pour l'attribution d'un titre de séjour 32 Article 8 (art. 60 du titre II, art. 54 du titre II et art. 38 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales) : Priorité de mutation des fonctionnaires 33 Article 9 (art. 14 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Continuation du contrat de location et droit de reprise pour habiter 33 Article 11 : Décrets d'application 34 Titre 34 TABLEAU COMPARATIF 35 AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 53 ANNEXE : Audition de M. le professeur Jean Hauser 55 Audition de Mme Irène Théry 57 MESDAMES, MESSIEURS, Notre assemblée est appelée à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi relative, non plus au pacte civil de solidarité, mais au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité, ainsi que l'a dénommée le Sénat. Même si l'on peut regretter que la majorité sénatoriale ait rejeté en bloc le pacte civil de solidarité, plutôt que de chercher à en améliorer le dispositif, il est au moins un point de droit majeur sur lequel les deux assemblées s'accordent : un couple peut être formé de deux femmes ou de deux hommes et des droits peuvent découler de cette situation. Cette évolution des esprits est à l'image de celle des Français, comme le montrent les enquêtes d'opinions sur ce sujet. 1. Pour le Sénat, comme pour l'Assemblée nationale, un couple non marié peut être composé de deux personnes de même sexe A maintes reprises, dans son rapport comme en séance publique, le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a souligné que la seconde chambre tenait « à donner, dans le code civil, au chapitre des droits de la personne(...) une définition du concubinage qui permette d'assimiler totalement les couples d'homosexuels aux couples d'hétérosexuels dans ce domaine, et donc d'inverser la jurisprudence de la Cour de cassation. » (1). Que le Sénat ait accepté de reconnaître le concubinage homosexuel, en tant qu'union de fait, est une évolution tout à fait remarquable, dont on ne peut que se réjouir. En effet, comme l'a rappelé Robert Badinter, par trois fois le Sénat avait voté contre la loi du 4 août 1982, qui a fait disparaître du code pénal la dernière disposition réprimant spécifiquement l'homosexualité, de même qu'il s'était opposé en première lecture à la loi du 25 juillet 1985, qui a introduit des sanctions pour discrimination liées aux m_urs. Toutefois, on peut regretter que la majorité sénatoriale ait refusé de nommer clairement les choses dans sa définition du concubinage, ce qui aurait démontré sans conteste qu'elle en avait réellement fini avec une attitude pouvant être interprétée comme une marque d'homophobie. D'autant que certains propos tenus en séance peuvent, à cet égard, apparaître douteux. Etait-il, par exemple, indispensable pour justifier une définition du mariage de préciser que, si l'officier d'état civil doit recevoir de chaque partie la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme, « chacun connaît le théâtre asiatique, où les rôles de femmes sont toujours tenus par des hommes » ? (2) En première lecture, la commission des Lois n'avait pas proposé de définir le concubinage : dès lors que le législateur indiquait clairement, à travers le pacte civil de solidarité, qu'un couple non marié pouvait être formé de deux femmes ou de deux hommes, il lui paraissait que la Cour de cassation étendrait logiquement cette définition aux couples de concubins. Il n'y a certes aucun inconvénient à prendre le Sénat au mot en inscrivant une définition du concubinage dans le code civil, qui fait déjà référence en divers articles aux concubins. Mais, il est indispensable qu'elle soit parfaitement claire, sinon il s'agirait d'un coup d'épée dans l'eau. Aussi, la Commission a-t-elle choisi, à l'occasion de cette seconde lecture, d'indiquer explicitement, dans le livre premier relatif aux personnes, que deux femmes ou deux hommes vivant en couple, sous le même toit, de manière stable et continue, sont considérés comme des concubins (art. 515-8 nouveau du code civil). A la différence du Sénat, l'Assemblée nationale souhaite cependant offrir aux couples non mariés la possibilité d'une meilleure organisation de leur vie commune et d'une meilleure protection que celle qui résulte du concubinage, qui n'est pas un statut mais reste une simple situation de fait. 2. Même ouvert aux homosexuels, même assorti de droits plus étendus, le concubinage ne saurait remplacer l'engagement contractuel global que représente la signature d'un pacte civil de solidarité Le Sénat a brouillé, à plus d'un titre, le nécessaire débat sur l'encadrement juridique des projets communs de vie hors mariage. D'abord, on l'a vu, en refusant d'éliminer clairement les discriminations sexuelles dans le concubinage. Ensuite en joignant dans un même texte des dispositions relatives aux unions libres, au mariage, et aux solidarités familiales. La confusion est manifeste dans les dispositions fiscales substituées par le Sénat aux conséquences du PACS. Y figurent pêle-mêle des mesures en faveur des familles (prise en charge des collatéraux, des enfants majeurs au chômage ou à faibles revenus) et des encouragements à la « solidarité privée » (accueil de personnes sans ressources, transmission facilitée pour la résidence principale acquise en « tontine », libre choix d'un légataire bénéficiant d'un abattement sur les droits de succession). Le pacte civil de solidarité a, en revanche, pour seul objet d'organiser les relations internes des couples non mariés et d'assurer la neutralité de leur situation juridique et fiscale. Cela ne signifie certainement pas que le droit de la famille - notamment en matière de filiation, d'autorité parentale ou de protection du conjoint survivant - n'a pas à être adapté aux nouvelles donnes de la société, mais c'est là un tout autre chantier législatif qui sera préparé par la mission de réflexion confiée au professeur Françoise Dekeuwer-Defossez. Enfin, la démarche d'ouverture du Sénat à l'égard du concubinage demeure empreinte d'une grande prudence, si on la mesure à l'aune des droits qui y sont attachés. Une seule disposition du texte du Sénat ouvre expressément des droits nouveaux aux personnes vivant en union libre : l'article 5 qui inscrit dans la loi le droit à un congé de deux jours du salarié en cas de décès de son concubin. Les autres dispositions nouvelles, à caractère fiscal, ne visent pas les concubins. Mises à part celles relatives aux enfants majeurs et aux fratries, elles sont de portée générale. Les concubins seraient susceptibles de bénéficier du « leg électif » en matière de droits de succession, de l'assouplissement limité du régime de la « tontine » ; s'ils sont sans ressources propres, ils pourraient ouvrir droit à un abattement d'impôt sur le revenu. Mais ces droits sont, en fait, ouverts à toute personne respectant les conditions requises. C'est donc en vain que l'on rechercherait dans les propositions du Sénat un « statut des concubins ». Le Sénat a donc fait le choix d'une réforme limitée, qui ouvre de fausses fenêtres. La seule reconnaissance légale du concubinage, dont continueraient de découler des droits épars et limités, ne permet pas d'appréhender globalement la situation des couples non mariés. C'est pourquoi, à cette apparente ouverture, qualifiée par la garde des sceaux, de « législation minimale, éclatée, en même temps qu'étalée dans le temps et sans aucune visibilité », la Commission préfère une réponse globale, qui apporte des solutions juridiques complètes, claires, coordonnées et assumées à ceux et celles qui ne veulent ou ne peuvent se marier. Contrairement à la vision « notariale » du Sénat, les aspirations des couples non mariés, en particulier, des couples homosexuels, ne sauraient se résumer à des préoccupations patrimoniales et successorales : fondamentalement, ils souhaitent que leur volonté de construire durablement une vie commune soit reconnue par la société et que leurs préoccupations quotidiennes soient juridiquement prises en compte. Pourquoi ces couples, dès lors qu'ils manifestent aux yeux de la société leur volonté de s'engager dans la durée, ne bénéficieraient-ils pas des garanties similaires à celles dont jouissent les couples mariés en ce qui concerne leur logement commun ou leur couverture sociale ? Pourquoi ne seraient-ils pas assurés de pouvoir prendre leurs congés ensemble ? Pourquoi ne seraient-ils pas soumis au régime fiscal de l'imposition commune ? Pourquoi ne seraient-ils pas solidaires des dettes ménagères ? Le Sénat a, par ailleurs, adopté des dispositions inutiles. L'enthousiasme de la majorité sénatoriale, à l'exception notable du président de la commission des finances, à définir le mariage comme « une institution hétérosexuelle » ne semble pas répondre à l'urgente nécessité de lever un point obscur de notre droit positif. Cette avancée conceptuelle laisse, en effet, songeur : depuis le 30 ventôse de l'an XII, date de la réunion des lois civiles en un seul corps de lois sous le nom de code civil, il n'y a jamais eu la moindre équivoque sur le fait que seuls un homme et une femme peuvent s'unir par les liens du mariage. En revanche, quand il est indispensable d'énoncer clairement l'intention du législateur, pour lever toute équivoque sur la notion de concubins, la majorité sénatoriale préfère - non sans arrière-pensées - une rédaction propice à toutes les interprétations plutôt que les cinq mots limpides : « quel que soit leur sexe ». De même, quel besoin de préciser dans l'article 9 du code civil, que la protection de la vie privée englobe la vie familiale, quand la jurisprudence est univoque sur ce point et que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui prime sur les lois nationales, l'énonce expressément ? 3. Il appartient à l'Assemblée de réaffirmer les principes qui ont guidé un choix réfléchi, cohérent et global pour prendre en compte les aspirations des couples non mariés La commission des Lois propose de rétablir une procédure « simple, rapide, commode et sans frais », comme l'a qualifiée la garde des sceaux devant le Sénat. Par rapport au dispositif adopté en première lecture, qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause dans son économie générale, quelques clarifications ou améliorations techniques ont été apportées par la Commission, qui répondent d'ailleurs aux principales interrogations juridiques soulevées lors des précédents débats de l'Assemblée : le pacte civil de solidarité est bien un contrat ; la déclaration de conclusion du pacte est irrecevable en l'absence de présentation de la convention ; le pacte est opposable aux tiers dès son enregistrement ; les biens acquis au cours de la vie commune ne sont pas obligatoirement soumis au régime de l'indivision ; l'attribution préférentielle en cas de rupture concerne essentiellement le logement ; la rupture peut évidemment donner lieu à réparation en cas de préjudice et les dommages et intérêts seront alloués, conformément au droit commun, par le juge du contrat. Par ailleurs, une modification de fond a été apportée. Le bénéfice des droits de succession propres aux partenaires liés par un PACS est ouvert immédiatement, alors qu'un délai de deux ans demeure exigé en matière de droits d'enregistrement sur les donations. Par voie de conséquence, la dérogation au délai en cas de décès d'un partenaire atteint d'une maladie longue et coûteuse n'a plus lieu d'être. De la sorte, seraient conciliées l'exigence de justice et la nécessité d'éviter l'évasion fiscale. L'hostilité de la majorité des sénateurs au principe même du pacte civil de solidarité n'a pas permis l'instauration, sans a priori d'un débat de fond. La discussion au Sénat ayant renvoyé une image singulièrement déformée de cette réforme voulue par notre assemblée, il convient donc de rappeler quels sont exactement son objet et ses conséquences. Le pacte civil de solidarité est une convention solennelle conclue entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. Destiné à régir les relations du couple, entre ses membres et à l'égard des tiers, il est sans incidence sur le droit de la famille et, en particulier, sur la filiation. Afin de rassurer ceux qui en douteraient encore, il est proposé d'indiquer expressément qu'il s'agit d'un contrat, régi par les articles 1101 et suivants du code civil (art. 515-1 nouveau du code civil). Parce que, dans l'esprit de ses promoteurs, le pacte civil de solidarité s'adresse par priorité à des couples, plus qu'à de simples cohabitants, les prohibitions familiales sont maintenues (art. 515-2). Les dispositions relatives aux frères et s_urs vivant sous le même toit, qui ne figuraient pas initialement dans la proposition de loi et nuisaient à la cohérence du dispositif, ne sont pas reprises. En revanche, les problèmes propres aux fratries entreront dans le champ de la réforme du droit de la famille annoncée par la garde des sceaux. Par ailleurs, et c'est un ajout par rapport à la première lecture, les majeurs placés sous tutelle ne pourront pas conclure de pacte civil de solidarité (art. 506-1). Les partenaires ont une résidence commune, ce qui est un élément incontournable pour constituer un foyer fiscal mais n'exclut pas qu'ils aient des domiciles distincts, comme d'ailleurs deux époux qui peuvent être séparés géographiquement pour des raisons diverses, notamment professionnelles (art. 515-3, premier alinéa). La déclaration de conclusion d'un pacte civil de solidarité est enregistrée au greffe du tribunal d'instance. C'est là un choix de proximité, puisqu'il y a 473 tribunaux d'instance en France ; en outre, ce contrat conférant un certain nombre de droits procédant de la puissance publique, il est souhaitable qu'une autorité administrative réceptionne l'acte générateur. Sous peine d'irrecevabilité, les partenaires devront présenter au greffier la convention passée entre eux, les pièces d'état civil permettant de vérifier qu'ils peuvent conclure un pacte civil de solidarité et un certificat attestant qu'ils ne sont pas déjà « pacsés ». L'enregistrement administratif, qui présente l'avantage d'être gratuit par rapport à un acte notarié, donne date certaine à l'organisation de la vie commune et la rend opposable aux tiers : le pacte civil de solidarité allie donc la transparence à la commodité, puisque les partenaires, à la différence des concubins n'auront pas à rapporter, et à renouveler, la preuve de leur vie commune. Le pacte civil de solidarité engendrant un certain nombre d'obligations et de droits, dont certains sont subordonnés à une durée de vie commune, aucune contestation ne doit pouvoir être élevée quant à sa date de conclusion. Enfin, à la réflexion, il a paru préférable que la conservation des deux exemplaires originaux de la convention soit assurée par les intéressés eux-mêmes plutôt que par les greffes. La conclusion d'un pacte civil de solidarité a des incidences sur les principaux aspects de la cohabitation et, donc, sur les actes de la vie courante : les dépenses ménagères, les biens acquis au cours de la vie commune, le logement, le titre de séjour des partenaires étrangers, l'imposition sur le revenu, les droits sociaux, les congés, les mutations dans la fonction publique, les donations et les successions. Les partenaires sont solidaires des dettes ménagères et, c'est une précision supplémentaire par rapport à la première lecture, de celles liées au logement, qu'il s'agisse des loyers ou des charges. Afin de permettre le maintien à domicile du locataire dont le partenaire, titulaire du bail, serait décédé ou disparu, le transfert ou la continuation du bail est possible à son profit sans exigence de durée de vie commune préalable. Parallèlement, les partenaires et leurs enfants bénéficient du droit de reprise du bail pour habiter (art. 9). Sauf s'ils en décident autrement dans l'acte d'acquisition, les biens acquis postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de l'indivision. Votre rapporteur ne serait pas hostile à ce que les meubles garnissant le logement, pour lesquels il n'y a pas stricto senso d'acte d'acquisition à la différence des biens immobiliers, fasse l'objet d'un traitement différent comme l'a suggéré la garde des sceaux devant le Sénat : il appartiendrait alors aux partenaires d'indiquer, dans la convention, s'ils souhaitent ou non soumettre au régime de l'indivision les meubles qu'ils viendraient à acquérir et, à défaut, ceux-ci seraient présumés indivis par moitié. Par ailleurs, en cas de dissolution du pacte civil de solidarité, quelle qu'en soit la raison, le partenaire bénéficie des règles relatives au partage en cas d'indivision et demander l'attribution préférentielle du logement (art. 515-6 nouveau du code civil). La conclusion d'un pacte civil de solidarité est prise en considération pour apprécier les liens personnels noués par un étranger en France, liens susceptibles d'ouvrir droit à un titre de séjour (art. 6). Le régime fiscal du pacte civil de solidarité obéit au principe de neutralité : dès lors que l'union aura fait la preuve de sa stabilité, le couple uni par un PACS est soumis à l'imposition commune, conséquence fiscale de la vie commune, au même titre que pour les époux. Ce mode d'imposition s'applique à l'ensemble des impôts directs (art. 2), y compris les impôts locaux et l'impôt de solidarité sur la fortune (art. 4). Si le couple a des enfants, le PACS est transparent au regard du quotient familial pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Les droits de succession dûs par le partenaire survivant, sans être aussi favorables que pour le conjoint, font l'objet d'un tarif réduit à 40 % et 50 %, au lieu de 60 % aujourd'hui, l'abattement prévu étant destiné à permettre le maintien dans la résidence principale. A l'issue d'un délai de deux ans destiné à prémunir contre l'évasion fiscale par le biais de PACS de convenance, les donations entre vifs sont soumises aux mêmes règles de taxation (art. 3). Afin d'assurer la prise en compte de la vie de couple dans la vie professionnelle, sont aménagées les règles du code du travail régissant les congés des salariés et les droits du partenaire salarié du chef d'entreprise (art. 5), et les dispositions du statut général de la fonction publique régissant les priorités de mutation des fonctionnaires (art. 8). Le PACS a pour corollaire la garantie des droits dérivés aux prestations en nature d'assurance-maladie du partenaire, quel qu'en soit le sexe (art. 4 bis), sans ouvrir droit à pension de réversion. Pour des raisons d'équité, il fait perdre le bénéfice de l'allocation de soutien familial (art. 5 bis) et de l'allocation de veuvage (art. 5 ter), destinées à des personnes ne vivant pas en couple. Le pacte civil de solidarité créant un lien de nature contractuelle, il est possible de rompre cette convention à durée indéterminée. Mais une information préalable est exigée, ce qui est une sécurité supplémentaire par rapport au concubinage. Conformément au droit commun, si l'un des partenaires estime que la rupture lui porte préjudice, il lui appartiendra de saisir le juge du contrat, qui pourra lui allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi (art. 515-7 nouveau du code civil). De cette présentation, il ressort clairement que le pacte civil de solidarité se démarque en tous points du mariage : il n'y a pas de célébration par un officier d'état civil ; ce n'est pas une institution mais une convention solennelle, c'est-à-dire un contrat enregistré par une autorité administrative ; il peut être conclu par deux personnes du même sexe ; il n'y a pas de devoir de fidélité ; il n'y a pas d'organisation d'un régime des biens s'apparentant à un régime matrimonial ; il n'y a pas d'organisation judiciaire des conséquences de la rupture ; il n'y a pas de régime successoral. Par ailleurs, le pacte civil de solidarité se distingue du concubinage en ce qu'il permet de contractualiser la vie commune, présume une union de fait stable et durable et une solidarité dont découlent automatiquement des droits et des devoirs. Enfin, contrairement aux amalgames faits par le Sénat, le pacte civil de solidarité n'a aucune incidence sur le droit de la famille et n'interfère en rien sur les relations parents/enfants : il concerne exclusivement les relations au sein du couple, tous n'ayant d'ailleurs pas une dimension procréatrice et familiale. Il est donc sans influence sur la filiation, les partenaires se voyant appliquer les règles en vigueur pour les personnes non mariées : ils ne pourront pas adopter conjointement et ils ne pourront recourir à la procréation médicale que si le couple se compose d'un homme et d'une femme. De même, le pacte civil de solidarité n'aura aucune incidence sur l'exercice de l'autorité parentale ou sur la transmission du nom. Comme l'a martelé la garde des sceaux devant les sénateurs, « parce que la vie de l'enfant est indépendante des vicissitudes du comportement de ses père et mère, le pacte civil de solidarité ne peut, par essence, avoir une quelconque incidence sur la filiation et la parentalité. » * * * Article 1er A (nouveau) Introduit par le Sénat, cet article a pour objet d'inscrire dans la loi que chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie privée et familiale. Ces précisions apparaissent inutiles. En effet, la liberté de la vie personnelle est une composante de la liberté individuelle, garantie par la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et dont l'autorité judiciaire est la gardienne aux termes de l'article 66 de la Constitution. Par ailleurs, le respect de la vie privée, garanti par l'article 9 du code civil, comprend le respect de la vie familiale, comme l'atteste clairement la jurisprudence en conformité avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui prévoit expressément le respect de la vie privée et familiale. Enfin, la notion de vie privée étant clairement définie, à la fois en droit interne et international, lui juxtaposer le concept de liberté de la vie personnelle jetterait la confusion sans apporter de garanties supplémentaires. Sur proposition du rapporteur, la Commission a donc adopté un amendement tendant à supprimer cet article (amendement n° 1). Article 1er B (nouveau) Le Sénat a jugé utile d'introduire dans le code civil une définition du mariage, qu'il a caractérisé comme étant « l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil ». Pourtant, depuis près de deux cents ans, il n'y a jamais eu la moindre équivoque sur le fait que le mariage est une « institution hétérosexuelle », pour reprendre les termes abondamment utilisés par le rapporteur de la Commission des lois du Sénat. Les sénateurs n'ont donc pas besoin de « verrouiller » le mariage, car il est d'ores et déjà inaccessible aux homosexuels. Cela est d'ailleurs tellement évident pour les rédacteurs du code civil que, par exemple, les articles 162 et 163 prohibent le mariage entre « le frère et la s_ur », « l'oncle et la nièce, la tante et le neveu ». En outre, le dernier alinéa de l'article 75 dispose que l'officier de l'état civil reçoit de chaque partie « la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ». Par ailleurs, l'identité des sexes est considérée comme un cas de nullité absolue du mariage. Le rapporteur ayant démontré qu'il n'y avait jamais eu la moindre ambiguïté sur le fait que seuls un homme et une femme pouvaient s'unir par les liens du mariage, la Commission a adopté l'amendement qu'il présentait tendant à supprimer cet article (amendement n° 2). Article 1er C (nouveau) Introduit, par le Sénat, cet article définit le concubinage comme « le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par le mariage » (art. 310-1 nouveau du code civil). Il précise que le concubinage se prouve par tous moyens et qu'un acte de notoriété peut être délivré aux concubins, majeurs et célibataires, par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire (art. 310-2 nouveau). Enfin, il indique que les concubins peuvent conclure un contrat, par acte authentique ou sous seing privé, pour régler leurs relations pécuniaires et patrimoniales et organiser leur vie commune. L'article 310-1 soulève de nombreuses réserves. Tout d'abord, il n'apparaît pas opportun de placer la définition du concubinage, dans un titre VI bis du livre premier, entre le mariage et la filiation. Par ailleurs, la définition retenue ne lève pas clairement la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère que le concubinage est l'imitation de la vie maritale et ne peut donc concerner deux personnes de même sexe. En outre, cette définition ne fait référence qu'à la vie de couple, sans prendre en compte les critères de vie commune, durable et stable qui font du concubinage un fait juridique dont découlent des droits. L'utilité de l'article 310-2 reste à établir. Il va de soi que le concubinage se prouve par tous moyens. Le juge d'instance peut d'ores et déjà délivrer un acte de notoriété et le maire un certificat de concubinage. Il est vrai que certains maires refusent de le faire lorsque la demande émane d'un couple d'homosexuels, mais la rédaction retenue par le Sénat ne les y obligerait pas davantage. Par ailleurs, s'apercevant des difficultés soulevées par cet article, le Sénat a au dernier moment exclu la délivrance d'un acte de notoriété lorsque l'un des concubins au moins est mineur ou marié : ce n'est pas le cas actuellement, pour des raisons intrinsèques à la nature même du concubinage, union de fait qui se constate et qui n'est pas soumise à un régime juridique. De même, donner un commencement de statut au concubinage, comme y incite l'article 310-3, dont l'application soulèverait au demeurant de nombreuses difficultés juridiques, est incompatible avec l'idée même de l'union libre qui, à la différence du mariage, n'est justement pas une union instituée. Les concubins qui souhaiteront contractualiser leurs relations pourront conclure un pacte civil de solidarité. La Commission a adopté un amendement de suppression de cet article, le rapporteur ayant précisé qu'une autre définition du concubinage serait proposée après l'article premier (amendement n° 3). Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Renaud Dutreil proposant une définition juridique de la cohabitation, après que M. Claude Goasguen eut indiqué que cette proposition tendait à légaliser des situations de fait, tout en écartant les débats à caractère statutaire, tandis que M. Gérard Gouzes faisait valoir que cet amendement introduirait une nouvelle notion juridique incertaine ouvrant la porte à une multiplication d'interprétations jurisprudentielles. Article premier Consacré au pacte civil de solidarité, cet article a été supprimé par le Sénat. Le concubinage, même redéfini et assorti de quelques facultés nouvelles, ne saurait apporter le même degré de reconnaissance sociale, de sécurité juridique et de pluralité de droits que le pacte civil de solidarité. C'est pourquoi il est indispensable de rétablir le pacte civil de solidarité, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale en première lecture, sous réserve des modifications suivantes. - Art. 515-1 : Le caractère conventionnel du pacte est affirmé, cette précision permettant clairement au juge de se raccrocher, en cas de litige, aux règles contractuelles (consentement, formation, contenu, rupture des contrats, ...). - Art. 515-3 : Outre la déclaration conjointe, il est souhaitable de prévoir que la convention passée entre les partenaires est visée par le greffier pour lui conférer date certaine. Les intéressés devant en outre justifier de leur état civil, pour que le greffier soit en mesure de s'assurer qu'il n'existe entre eux aucun lien prohibé par l'article 515-2, la production des pièces requises doit être exigée à peine d'irrecevabilité de la déclaration. Enfin, l'enregistrement au greffe est prescrit à peine, non de nullité, mais d'inopposabilité aux tiers. Par ailleurs, plutôt que de confier au greffe des pièces telles que des contrats, ce qui peut soulever des problèmes matériels et de responsabilité, il est plus simple et plus pratique que les partenaires conservent les deux exemplaires originaux de la convention visés par le greffier. - Art. 515-4 : Compte tenu de l'obligation de résidence commune, la solidarité doit inclure clairement les dépenses liées au logement. En revanche, il n'a pas paru utile d'exclure les dépenses manifestement excessives, car les besoins de la vie courante sont assez limités. - Art. 515-6 : La spécificité de la gestion des exploitations agricoles conduit à ne pas rendre applicables les règles d'attribution préférentielle en cas de dissolution du pacte civil de solidarité, d'autant que le logement sera le véritable enjeu de la sortie d'indivision. - Art. 515-7 : Il est précisé que les conséquences de la rupture portent exclusivement sur la liquidation des droits et obligations pécuniaires des membres du pacte civil de solidarité, le juge ayant la possibilité, s'il est saisi, d'allouer des dommages et intérêts. Il n'y a donc pas de régression par rapport à la protection dont bénéficient les concubins (dommages-intérêts pour rupture fautive, société de fait, enrichissement pour cause). La Commission a examiné un amendement du rapporteur proposant le rétablissement du pacte civil de solidarité adopté par l'Assemblée nationale en première lecture moyennant les ajustements techniques qui viennent d'être évoqués. M. Thierry Mariani a souligné que cet amendement proposait une réécriture complète du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, tout en notant qu'il assimilait le pacte à un contrat, option soutenue fermement par l'opposition lors de la première lecture. Insistant sur l'importance des aménagements juridiques apportés au texte initialement adopté par l'Assemblée nationale, M. Claude Goasguen a contesté les méthodes de travail conduisant à examiner dans la précipitation un texte important méritant un large débat. S'il a admis que certaines des modifications proposées pouvaient sembler intéressantes, il a jugé qu'elles mériteraient un examen approfondi. M. Gérard Gouzes a souligné que la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur mettait en exergue l'intérêt du travail parlementaire, qui permet d'affiner progressivement les propositions initiales. M. Bernard Birsinger a indiqué que le groupe communiste souhaitait améliorer encore le texte, s'agissant, d'une part, du lieu de signature du pacte pour lequel le groupe communiste souhaite revenir à la mairie, et, d'autre part, des délais prévus pour l'accès aux droits qu'il confère, du statut des cocontractants étrangers et du régime des fratries. Rappelant qu'il s'était efforcé de donner, en première lecture, un climat constructif en acceptant plusieurs propositions de l'opposition, le rapporteur a également souligné que l'intérêt de la navette était précisément d'améliorer les textes, avant de préciser que la nouvelle rédaction maintenait des délais uniquement en matière d'imposition commune et de donations entre vifs ; la Commission a adopté son amendement (amendement n° 4). Articles additionnels après l'article premier Le rapporteur a présenté un amendement interdisant à un majeur placé sous tutelle de conclure un pacte civil de solidarité. En raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles, qui empêche l'expression de sa volonté, le majeur placé sous tutelle doit, en effet, être représenté dans tous les actes de la vie civile. Or, le pacte civil de solidarité est un acte trop personnel pour que le tuteur puisse agir à la place du majeur protégé. Par ailleurs, il convient d'envisager l'hypothèse où l'un des partenaires du pacte civil de solidarité serait placé sous tutelle au cours de la vie commune, en prévoyant l'intervention du tuteur dans les formalités de rupture. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n°5), après que M. Claude Goasguen eut rappelé qu'il avait déjà présenté, sans succès, un amendement ayant le même objet, lors de la première lecture, et déploré en conséquence que le rapporteur ait été davantage convaincu par l'audition du professeur Hauser que par les arguments défendus par l'opposition. Article 515-8 du code civil La Commission a été saisie d'un amendement, présenté par le rapporteur, ayant pour objet de définir la notion de concubinage. Rappelant que cette définition n'avait pas pour objet de donner un statut au concubinage mais uniquement de le reconnaître comme une situation de fait susceptible de concerner deux personnes de sexe différent ou de même sexe, le rapporteur a précisé que cette définition s'appuierait sur la constatation d'un faisceau d'éléments et qu'elle pourrait se prouver par tout moyen. M. Gérard Gouzes s'est interrogé sur les modalités de reconnaissance du concubinage, rappelant que certaines mairies, s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, refusaient de délivrer des certificats de concubinage aux couples homosexuels. Le rapporteur a précisé que, dans les cas où la mairie émettrait un tel refus, les couples pourraient s'adresser au tribunal d'instance pour se voir délivrer un certificat de notoriété. M. Claude Goasguen a estimé que la définition du concubinage par le Sénat reprise, après modification, par le rapporteur, apporterait une confusion supplémentaire dans les relations personnelles et regretté que, introduite dans le code civil, ces dispositions déterminent, quoi qu'en dise le rapporteur, un pré-statut au concubinage. Mme Véronique Neiertz s'est au contraire déclarée favorable à un dispositif permettant à la République de reconnaître, pour la première fois, la notion de couple, sans que cette notion soit adossée à celle de la famille ou de la procréation d'enfants. Estimant qu'aucune juridiction n'avait le droit de s'opposer à la reconnaissance d'un couple, quel qu'il soit, elle a insisté sur le fait que la proposition du rapporteur permettrait une clarification du débat vis-à-vis de l'opinion et des juridictions. Rappelant que le droit à la vie privée et la liberté individuelle étaient des principes fondamentaux de la République, M. Gérard Gouzes a reconnu que le texte présenté en première lecture, en ne prévoyant pas de manière explicite le concubinage homosexuel, présentait des lacunes. Il a estimé en conséquence que l'amendement du rapporteur allait dans le sens d'une clarification des situations individuelles. Soulignant que le texte adopté par le Sénat, qui visait les couples sans préciser qu'ils pouvaient être constitués de deux personnes du même sexe, différait ainsi, dans la définition du concubinage, de celui présenté par le rapporteur, M. Claude Goasguen a déploré qu'à côté du statut classique de la famille, présenté comme archaïque, on multiplie des statuts particuliers, tels que pacte civil de solidarité ou concubinage, et estimé que cette option aurait notamment pour conséquence une complexité accrue de la législation. Rappelant que son rapporteur avait écarté la référence aux couples homosexuels en arguant que cette précision était inutile, le rapporteur a considéré, au contraire, que la définition retenue par le Sénat risquait d'être source de confusion, compte tenu notamment de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. La Commission a ensuite adopté son amendement (amendement n° 6). Article 2 1. Le volet fiscal du texte adopté par le Sénat Ayant décidé de supprimer le PACS, le Sénat a, par coordination, rejeté la plupart des mesures destinées à prévoir ses conséquences, qui figuraient aux articles 2 et suivants. Mais il a tenu à ajouter des dispositions nouvelles, en particulier dans le domaine fiscal. La démarche retenue mérite que l'on s'y arrête, car elle est instructive. · Dans un premier temps, le Sénat critique le « chiffrage introuvable » du PACS, selon les termes du rapporteur pour avis de la commission des Finances, M. Philippe Marini, qui énonce dans son avis, page 16, « avant de décider, il conviendrait que la représentation nationale sache combien tout cela va coûter. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on cherche en vain dans les débats à l'Assemblée nationale une estimation d'origine gouvernementale ». C'est exact : ni le Gouvernement, ni les Commissions saisies n'ont publié de chiffrage des dépenses fiscales prévisionnelles liées au PACS. La suite de l'avis de M. Marini va démontrer pourquoi. Le rapporteur pour avis poursuit en considérant que le Parlement « a le droit de disposer d'une étude d'impact qui, à défaut de prévisions précises - on comprend volontiers que s'agissant de matières touchant à la vie privée, on ne puisse avoir de certitudes - doit établir des hypothèses, envisager des fourchettes de coût ». Il ajoute : « C'est à la fois le bon sens et la lettre de l'ordonnance organique ». En l'occurrence, le bon sens serait d'un meilleur secours, car la lecture faite de l'article premier de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances est erronée : l'obligation d'une autorisation budgétaire préalable à la création de charges nouvelles ne s'impose qu'aux projets de loi et aux décrets. L'étendre aux propositions de loi aurait par trop restreint le pouvoir d'initiative du Parlement. Du reste, comme on le sait, même pour les projets de loi, les gouvernements successifs et le Conseil constitutionnel en ont admis une interprétation souple. Quant à l'argument tiré de la difficulté d'appliquer les règles de recevabilité financière, il est surprenant compte tenu de la pratique habituelle du Sénat. Si un chiffrage se justifie, ce ne peut donc être que pour des raisons de bon sens. Or, que dit le bon sens ? Que lorsque l'évaluation est illusoire, mieux vaut s'abstenir de brandir des chiffres sans contenu. Le PACS est un dispositif radicalement nouveau et nul ne peut dire l'effectif et surtout la structure de la population concernée. La liberté des choix personnels et les garanties posées, notamment en matière de délais d'application, se combinent de telle sorte que tout calcul des dépenses fiscales est absolument déterminé par ces hypothèses. · C'est la raison pour laquelle, en un deuxième temps, l'avis de la commission sénatoriale des Finances, fait état de son échec à établir une estimation de coût. Evoquant d'abord les mesures prévues en matière de droits de mutation, il reconnaît que, même avec une hypothèse sur le nombre de couples concernés, leur « coût reste très difficile à supputer », avant de conclure que « faute d'information sur la mortalité, les patrimoines et surtout les effets de la réserve, qui vient restreindre la liberté du testataire, il est difficile d'avancer un chiffre ». Il poursuit : « l'autre fraction de la demande liée aux avantages en matière d'impôt sur le revenu dus à l'imposition commune, est sans doute encore plus difficile à estimer », avant de renvoyer, pour illustrer quelques cas, en page 16 à un tableau, lui-même... introuvable. Le constat est d'autant plus décevant que le rapporteur pour avis, qui est rapporteur général de la commission des Finances, avait annoncé dès la page 5 vouloir « démontrer, en examinant le volet fiscal de ce texte, que le présent projet est exagérément coûteux ». · Par cet échec à esquisser tout chiffrage, le Sénat, par le truchement de sa commission des Finances, a donné à voir de façon très convaincante les raisons du silence de l'Assemblée nationale et du Gouvernement sur ce point. Il aurait pu en rester là. Ayant supprimé le PACS, il se serait contenté de supprimer le dispositif fiscal associé en dénonçant au passage son caractère aléatoire et dispendieux. Mais, en un troisième temps, il a choisi une manière de surenchère prenant le contre-pied de son argumentation précédente. Ne voulant pas être en reste sur le terrain de la créativité fiscale, il a préconisé diverses mesures supposées encourager des formes de solidarité familiale et autres. L'absence d'évaluation n'a pas paru un obstacle insurmontable puisque leur effet n'a pas été chiffré. Mais surtout, ce qui frappe, c'est le caractère disparate des mesures proposées. Il est d'autant plus inattendu que le rapport pour avis de la commission sénatoriale des Finances plaçait très haut la barre de ses exigences : « plutôt que de chercher à répondre à des préoccupations très ciblées, il eût été bien préférable de les insérer, en fonction d'une vision cohérente, dans une réforme globale tant de l'impôt sur le revenu que des droits de mutation » (page 5 de l'avis n° 261 de M. Philippe Marini). De toute évidence, la démarche à la fois novatrice et modeste des auteurs de la proposition de loi n'a pas été comprise. Pour engager, à l'occasion du PACS, l'espèce de « grand soir fiscal » que le rapporteur général du Sénat affirme appeler de ses v_ux, il aurait fallu l'hybris dont sont frappés les héros homériques que veulent perdre les dieux. Mais l'on retombe bien vite sur terre dès que l'on aborde les mesures fiscales préconisées par le Sénat en substitution des conséquences du PACS. Il ne s'agit que « de simples aménagements du code général des impôts » (page 19 de l'avis précité). Les articles 2 à 4 de la présente proposition, adoptés par l'Assemblée nationale n'étaient justement pas autre chose : la méthode n'était donc pas si mauvaise. Quant à l'objet de ces mesures, il est présenté comme associant « des mesures d'encouragement à la solidarité privée, sous toutes ses formes », ce texte devant « être aussi l'occasion d'améliorer la situation des familles ». En fait, en dépit du « souci de cohérence » revendiqué et de la réflexion générale considérée comme indispensable, les articles 3 à 4 bis A adoptés par le Sénat apparaissent comme un simple échantillonnage. Le volet fiscal du PACS répondait à un souci de neutralité, d'équité et de simplicité, répondant de façon coordonnée à l'inadaptation de la loi fiscale pour répondre à la situation des concubins. En lieu et place, est proposé un bref catalogue de mesures sur le thème des solidarités, dont aucune ne concerne l'objet de la proposition de loi défini par le titre adopté par le Sénat. 2. Au présent article, une mesure étrangère à l'objet de la proposition de loi Cet article, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, soumettait les partenaires liés depuis plus de trois ans par un PACS à l'imposition commune en matière d'impôt sur le revenu et d'impôts directs, afin d'assurer la neutralité de leur traitement fiscal par rapport à celui des couples mariés. Le Sénat a supprimé ce dispositif, pour tirer les conséquences de la suppression du PACS. Mais il lui a substitué un dispositif élaboré par sa commission des Finances, en plein accord avec sa commission des Lois. Reprenant l'inspiration de divers amendements rejetés trois mois plus tôt par l'Assemblée nationale, il tend, comme les suivants, à marquer la considération du Sénat pour d'autres formes de solidarité. Il a pour objet de permettre le rattachement au foyer fiscal du contribuable d'une personne vivant sous son toit et disposant de ressources plus faibles que le R.M.I. Ce dispositif transpose ceux permettant la prise en charge : d'enfants recueillis (2° de l'article 196 du code général des impôts), de personnes invalides (article 196 A bis) ou d'enfants majeurs (article 196 B). Une personne pourrait être considérée par un contribuable comme étant fiscalement à sa charge : - soit si, au cours de l'année considérée, elle l'était au titre des prestations en nature de l'assurance-maladie de la sécurité sociale ; - soit si elle vivait sous le même toit, en disposant de ressources inférieures au R.M.I., correspondant à environ 2 500 F par mois pour une personne isolée. Le rattachement ouvrirait droit à un abattement sur le revenu global fixé par référence à celui prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B du code général des impôts, pour les enfants majeurs rattachés qui sont mariés ou ont des enfants à charge. Le montant de cet abattement, réduit à 20 370 F par la loi de finances pour 1999, serait porté à 25 000 F conformément à l'article 2 ter ci-après. Si la personne prise en charge avait des enfants, ceux-ci seraient considérés comme étant à charge pour le calcul du quotient familial. Sur ce dispositif comme sur les suivants, le rapporteur serait tenté de dire, comme le rapporteur pour avis de la commission des Finances du Sénat : « avant de décider, il conviendrait que la représentation nationale sache combien tout cela va coûter » (avis n° 261, page 16). Le Sénat prévoyait de financer l'ensemble des mesures fiscales qu'il préconisait grâce à la suppression des conséquences attachées au PACS. Par conséquent, l'Assemblée nationale doit choisir entre le dispositif global du PACS et celui retenu globalement par le Sénat aux articles 2 à 4 bis A (nouveau). Cette disposition ne se rapporte ni au PACS, ni au concubinage. Quel qu'en soit l'intérêt, comme elle est étrangère à l'objet de la présente proposition de loi, il paraît sage d'attendre un support législatif adéquat, ce qui permettra d'en évaluer les effets. Il pourra s'agir du projet de loi sur la couverture maladie universelle, très prochainement soumis à l'Assemblée nationale et qui comporte diverses mesures d'ordre social, ou ultérieurement du projet de loi de finances. Par coordination avec le rétablissement des dispositions relatives au PACS, il convient que l'Assemblée nationale, fidèle à sa démarche, rétablisse cet article dans le texte qu'elle a adopté en première lecture qui définit les règles de l'imposition commune des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Ces règles assurent la neutralité et l'équité du traitement fiscal des couples. L'argumentation sans cesse reprise au Sénat n'est pas convaincante. Le PACS n'est pas un « outil d'optimisation fiscale » car la stabilité des relations est exigée, un délai, fixé à trois ans, étant requis avant l'application de l'imposition commune en matière d'impôt sur le revenu et d'impôts directs. Quant à l'argument d'équité, selon lequel le PACS avantagerait les « riches » plus que les « pauvres », son utilisation de la part de la majorité sénatoriale paraît quelque peu imprudente. En effet, le régime fiscal du PACS n'est pas autonome. Il ne fait que reproduire les avantages et les défauts du système fiscal français. S'il doit être considéré comme inégalitaire, c'est que la fiscalité des époux l'est aussi. Dans le cadre de la présente proposition de loi, le seul enjeu est d'assurer sa neutralité. Sur ce plan, aucune critique significative n'a été avancée devant le Sénat. Le rapporteur a donc présenté un amendement de rétablissement que la Commission a adopté (amendement n° 7). Article 2 bis (nouveau) Le Sénat a ajouté cet article pour témoigner de sa sympathie à l'égard des solidarités familiales. En complétant l'article 156 du code général des impôts relatif aux déductions d'impôt sur le revenu, il propose de rendre déductibles les pensions versées et les avantages en nature consentis à des collatéraux jusqu'au troisième degré vivant seuls et disposant de ressources inférieures au R.M.I. La déduction serait plafonnée à 25 000 F. Comme l'a rappelé la ministre de la justice devant le Sénat au cours de sa séance du 18 mars, la déductibilité des pensions alimentaires prévue à l'article 156 du code général des impôts n'est prévue qu'en raison de l'obligation alimentaire définie aux articles 205 à 211 du code civil. Or, ce code ne prévoit aucune obligation alimentaire au profit des frères et s_urs, oncles et tantes, neveux et nièces. Le rapporteur admet bien volontiers l'intérêt de procéder à un examen approfondi des moyens d'encourager et de soutenir les solidarités familiales non obligatoires. Mais une réflexion d'ensemble est nécessaire au préalable pour assurer la cohérence des mesures relatives à la famille. Telle est précisément la mission confiée par la garde des sceaux au groupe de travail sur le droit de la famille présidé par Mme Françoise Dekeuver-Defossez. Celui-ci devant remettre ses conclusions à la fin du deuxième trimestre, il est de bonne politique d'en attendre les conclusions plutôt que de procéder à un saupoudrage de mesures. La même préoccupation a, par ailleurs, conduit la commission des Lois à ne pas proposer le rétablissement de l'article 10 relatif aux fratries. La Commission a donc adopté un amendement présenté par le rapporteur supprimant cet article (amendement n° 8). Article 2 ter (nouveau) Le Sénat a adopté un amendement de sa commission des Finances tendant, d'une part, à permettre le rattachement des enfants majeurs demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans au foyer fiscal de leurs parents, d'autre part à relever à 25 000 F le plafond de l'abattement au titre des personnes rattachées. Le régime ouvert aux étudiants de moins de vingt-cinq ans serait ainsi étendu aux jeunes chômeurs. Quant au relèvement à 25 000 F du plafond prévu par l'article 196 B du code général des impôts, qui vient d'être ramené de 30 330 F à 20 370 F dans la dernière loi de finances, il a suscité des explications embarrassées du rapporteur général du Sénat, selon lequel il « ne doit pas être interprété comme la volonté de revenir sur une décision politique d'alourdir la fiscalité des revenus élevés mais plutôt comme la volonté de répondre aux besoins des familles » (rapport pour avis n° 261, page 36). Ce relèvement occasionnerait une réaction en chaîne, car ce plafond s'appliquerait également aux dispositifs adoptés par le Sénat aux articles 2 et 2 bis ci-avant. Il convient de rappeler que les parents peuvent verser à leurs enfants une pension alimentaire déductible pour les parents dans la limite du plafond actuellement fixée à 20 370 F, et que cette pension n'est pas imposable pour les enfants s'ils ne disposent pas d'autre revenu. Dans l'attente de la prochaine réflexion d'ensemble sur le droit de la famille, cet article plus symbolique qu'effectif doit donc être supprimé. La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur procédant à cette suppression (amendement n° 9). Article 3 Le Sénat a manifesté, en matière de droits de mutation, une position moins éloignée de celle de l'Assemblée nationale qu'en ce qui concerne la fiscalité du revenu. Au nom de la liberté de tester, il a admis la possibilité d'un abattement de 250 000 F sur les droits de succession pour une personne, indépendamment des liens familiaux. Ce « leg électif universel » représente un pas très positif, mais insuffisant pour résoudre les problèmes auxquels l'article 3 tentait d'apporter une solution. Il convient donc de rétablir le dispositif associé au PACS par l'Assemblée nationale en première lecture, qui combine des taux d'imposition allégés et des niveaux d'abattement actualisés en fonction des dispositions de la loi de finances pour 1999. La seule modification tendrait à ne maintenir le délai de deux ans d'ancienneté du PACS pour l'application de ces règles que pour les donations entre vifs. Il s'agit, en effet, par cette condition de réserver le dispositif fiscal favorable aux unions ayant démontré une certaine stabilité, afin d'éviter la conclusion de pactes de complaisance à simple visée d'optimisation fiscale. Or, le décès n'étant pas un événement programmable, il ne paraît pas nécessaire de maintenir l'exigence d'un délai de deux ans pour prévenir la fraude. En conséquence, les dispositions spécifiques introduites par amendement lors de la première lecture à l'Assemblée nationale pour y déroger en cas de maladie grave n'ont plus de raison d'être. La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant l'article 3 sous réserve de cette modification (amendement n° 10). M. Bernard Birsinger a cependant regretté que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne puissent jouir des mêmes droits que ceux reconnus aux couples mariés et indiqué qu'il déposerait en séance des sous-amendements en ce sens. Article 3 bis (nouveau) En complément de l'article 2 bis ci-avant accordant une déduction d'impôt sur le revenu au titre des frères et s_urs vivant sous le même toit que le contribuable, le Sénat a adopté cet article qui tend à relever et aménager l'abattement sur les droits de succession consenti à leur profit. La règle de droit commun reste l'abattement de 10 000 F sur chaque part successorale. L'abattement actuel prévu à titre dérogatoire pour chaque frère ou s_ur non marié vivant avec le défunt serait porté de 100 000 F à 150 000 F. Ses conditions d'octroi seraient sensiblement allégées : il suffirait, pour en bénéficier, de justifier d'un an de domicile commun. Actuellement, les intéressés doivent avoir au moins cinquante ans ou bien subir une infirmité les rendant inaptes au travail, et justifier d'une durée de vie de cinq ans continus au domicile du contribuable. Ce dispositif était présenté par le rapporteur du Sénat comme la conséquence logique de l'adoption d'un « régime de faveur » au profit de personnes sans lien de parenté, faisant ainsi allusion au dispositif adopté par le Sénat sur l'article 3. Dans l'attente d'une synthèse sur le régime juridique des familles, il convient de supprimer cet article. La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur ayant cet objet. Soulignant qu'il lui semblait inopportun d'introduire dans la proposition de loi des dispositions relatives à la famille, il a ajouté qu'il n'entendait pas proposer le rétablissement de l'article adopté en première lecture relatif aux fratries. M. Gérard Gouzes a fait part de son accord avec le rapporteur, jugeant que la question des fratries relevait, en effet, du droit de la famille. Mme Véronique Neiertz s'est également réjouie que les discussions au sein des deux assemblées, ainsi que la pertinence des amendements du rapporteur, contribuent à clarifier le débat en indiquant clairement que cette proposition ne concernait que le droit des personnes vivant en couple et non le droit de la famille. Elle a rappelé que le droit de la famille devait bientôt faire l'objet d'une réforme. Soulignant, une fois encore, la nouveauté du texte proposé par le rapporteur, M. Claude Goasguen a dénoncé son caractère aventureux. Il a estimé que les relations personnelles devaient être sécurisées et non déstabilisées et déploré le fait que le droit familial soit trop souvent présenté comme un droit archaïque. Soulignant que les socialistes n'entendaient nullement remettre en cause l'institution familiale, M. Jacques Floch a indiqué que le texte n'avait d'autre objet que de sécuriser la situation des couples, qu'ils soient mariés ou non mariés, hétérosexuels ou homosexuels. La Commission a adopté l'amendement du rapporteur (amendement n° 11). Article 4 Les concubins sont actuellement soumis à une imposition commune au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, la charge de la preuve du concubinage incombant toutefois à l'administration fiscale. Cet article a pour objet d'étendre aux partenaires du PACS l'imposition commune, mesure d'équité dont il faut souligner qu'elle est susceptible de les pénaliser financièrement. Ayant supprimé le PACS et centré le dispositif sur le concubinage, le Sénat a, par coordination, supprimé cet article devenu inutile. Le PACS étant maintenu, le rétablissement de l'article 4 est nécessaire à la neutralité fiscale qui le caractérise. A défaut, les époux et les concubins, soumis à l'imposition commune de leur fortune, seraient dans une situation moins favorable que les partenaires liés par un PACS. La Commission a donc adopté un amendement en ce sens présenté par le rapporteur (amendement n° 12). Article 4 bis A (nouveau) Comme pour épuiser les solutions juridiques destinées à priver le PACS de justification, le Sénat a ajouté un article visant à alléger les droits de succession sur les biens acquis en « tontine », tentant ainsi de donner une nouvelle jeunesse à un dispositif juridique, à vrai dire largement tombé en désuétude. Dans la rédaction actuelle de l'article 754 A du code général des impôts, lorsqu'un contrat d'acquisition en commun, ou « tontine », prévoit que le dernier vivant est seul propriétaire des biens acquis, ceux-ci sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Si les contractants sont sans lien de parenté, ils sont donc imposés au taux de 60 %, moyennant l'abattement de 10 000 F. Une dérogation est prévue pour l'habitation principale commune à deux acquéreurs : celle-ci n'est pas considérée comme transmise à titre gratuit en-dessous d'un seuil de 500 000 F. Ce dispositif actuel comporte de graves inconvénients. D'une part, le seuil, fixé par la loi du 18 janvier 1980, n'est plus en rapport avec les prix immobiliers, en particulier en Ile-de-France. D'autre part et surtout, il crée une situation d'incertitude juridique pour les intéressés ; en effet, dès lors que la valeur du bien dépasse le seuil de 500 000 F, la dérogation cesse de s'appliquer et l'habitation est imposée. Par conséquent, lors de la conclusion du contrat d'acquisition en commun, les contractants n'ont aucune garantie sur leur régime d'imposition : ils sont à la merci des fluctuations du marché de l'immobilier, dont chacun mesure la volatilité. Afin de réduire cet inconvénient, le Sénat a porté le seuil de 500 000 F à 750 000 F et, surtout, l'a transformé en franchise. Ainsi, au cas où la valeur de l'habitation principale dépasserait ce niveau, seule la fraction supérieure, et non l'intégralité, serait soumise aux droits de succession dans les conditions de droit commun. Il n'en reste pas moins que, de l'aveu même du rapporteur pour avis du Sénat, la tontine est un système très rigide. Ce n'est pas un hasard s'il est très rarement utilisé. Quoi qu'il en soit, la dérogation prévue à l'article 754 A précité ne concerne que l'habitation principale. Un dispositif concernant l'ensemble des successions paraît plus simple et plus juste. En outre, comme la tontine est porteuse d'un sérieux risque d'évasion fiscale, il serait prudent de ne pas ouvrir une brèche potentielle dans notre dispositif de taxation des successions. Le retour à l'article 3 dans la version retenue par l'Assemblée nationale en première lecture justifierait donc la suppression de cet article. Tel est l'objet de l'amendement présenté par le rapporteur, que la Commission a adopté (amendement n° 13). Article 4 bis B (nouveau) Le Sénat a adopté un amendement de sa commission des Finances prévoyant, à compter de la loi de finances pour 2002, le dépôt par le Gouvernement d'un rapport annuel annexé à la loi de finances sur l'application de la présente loi, en particulier en matière pénale. La rédaction de cet article est défectueuse, à deux égards au moins. Faire annexer un rapport à la loi de finances, et non au projet de loi de finances est en soi une procédure inhabituelle. Sa signification est peu claire : s'agit-il d'informer le Parlement ? le pays ? Le rapporteur général de la commission des Finances de la seconde chambre aurait sans doute été mieux inspiré de se référer à la catégorie classique des annexes générales au projet de loi de finances, dites « annexes jaunes », destinées à l'information et au contrôle du Parlement. En second lieu, il aurait fallu s'interroger sur la légitimité d'annexer à un texte budgétaire et fiscal un rapport de portée générale sur une loi qui réforme tout à la fois le code civil, le code général des impôts, le code du travail, les lois régissant la sécurité sociale, le régime des étrangers, la fonction publique et les relations entre bailleurs et locataires de locaux immobiliers. Le rapport annexé à la loi de finances devrait-il chaque année dénombrer les partenaires bénéficiaires de la « loi Roustan » et les naturalisations résultant de la conclusion d'un PACS ? De plus, au cours du débat au Sénat, la ministre de la justice a montré que le dépôt de cet amendement faisait naître un paradoxe, un inconvénient et une contradiction. Même si des dispositions diverses ont été plus ou moins artificiellement insérées dans la proposition de loi, le paradoxe consiste à demander un rapport sur le pacte civil de solidarité aussitôt après l'avoir supprimé. Les arguments du rapporteur général de la commission des Finances n'ont en effet porté que sur le PACS, non sur les mesures fiscales de substitution. L'inconvénient est, en considérant la teneur des débats au Sénat, de « montrer du doigt » les partenaires liés par un PACS, en mettant en avant leur coût pour les finances publiques. Enfin, la contradiction du discours sénatorial consiste à compléter le régime du PACS après avoir répété que la proposition de loi était inamendable. Pourtant, la question du bilan d'application du PACS est un vrai sujet, soulevé dès le mois de septembre dernier lorsque la commission des Lois de l'Assemblée nationale avait examiné la première proposition de loi ayant pour objet de créer un pacte civil de solidarité. Dans un premier temps, votre Commission avait retenu l'idée, préconisée par l'opposition, d'un rapport confié à l'Office parlementaire d'évaluation de la législation. Cette procédure paraissait légitime s'agissant d'une loi d'initiative parlementaire. Mais il est ensuite apparu inutile et inopérant de prévoir une disposition législative pour l'élaboration d'un tel rapport. Votre rapporteur est convaincu de l'utilité d'un rapport sur l'application du PACS, dès que le recul sera suffisant. L'impossibilité d'établir une évaluation ex ante de la dépense fiscale induite, démontrée par l'échec du Sénat à présenter un chiffrage, suffit à la justifier. Mais le dispositif qu'il propose est inadéquat, et une inscription législative n'est pas nécessaire. Il convient donc de supprimer cet article. C'est pourquoi, la Commission a adopté un amendement en ce sens présenté par le rapporteur (amendement n° 14). Article 4 bis Le Sénat a supprimé, par coordination, cet article destiné à prévoir les conditions dans lesquelles le partenaire d'un assuré social pourrait bénéficier de la qualité d'ayant droit de son régime d'assurance-maladie. Cet article, quasiment identique à l'article 15 de la proposition de loi adoptée en septembre dernier par la commission des Lois de l'Assemblée nationale (voir rapport n° 1097), ne figurait plus dans celle soumise au vote de l'Assemblée en octobre (rapport n° 1138). Saisie dans le cadre de la procédure habituelle en matière de propositions de lois, la commission des Finances avait en effet estimé que les dispositions considérées étaient susceptibles de créer des charges publiques nouvelles et ne pouvaient donc résulter d'une initiative parlementaire, conformément à l'article 40 de la Constitution. C'est donc par un amendement d'origine gouvernementale que l'Assemblée nationale a, le 2 décembre dernier, introduit l'article 4 bis dans la présente proposition de loi, avec, bien entendu, l'avis favorable de la Commission. Il s'agit de combler une lacune de l'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale, tel que l'interprète la jurisprudence. Sur la base du premier alinéa de l'article, le concubin hétérosexuel de l'assuré peut sans délai bénéficier de la qualité d'ayant droit s'il prouve qu'il est à sa charge effective, totale et permanente. En revanche, comme la chambre sociale de la Cour de cassation, depuis un arrêt du 11 juillet 1989, refuse de reconnaître la qualité de concubin aux homosexuels, ceux-ci sont soumis au délai d'un an résultant du deuxième alinéa de l'article L. 161-14 précité. Le présent article tend à supprimer ce délai pour le partenaire homosexuel lié par un PACS à un assuré en étant à sa charge, sans préjuger des conséquences éventuelles de la couverture maladie universelle prochainement soumise au Parlement. Les votes du Sénat font perdurer la différence de traitement entre « concubins » hétérosexuels et homosexuels. La solution du problème suppose d'une part l'adoption d'une définition du concubinage incluant expressément le concubinage homosexuel, d'autre part le rétablissement du présent article. Tel est l'objet de l'amendement, présenté par le rapporteur, que la Commission a adopté (amendement n° 15). Article 5 Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cet article prévoyait la prise en compte du PACS pour l'exercice par les salariés des droits à congés (fixation de l'ordre de départ en congés payés annuels, droit à un congé annuel simultané au sein d'une même entreprise, autorisation d'absence de deux jours en cas de décès) et pour l'application des dispositions du code du travail au partenaire salarié de l'employeur. Le Sénat a supprimé ces dispositions et leur a substitué une simple extension aux concubins de l'autorisation d'absence en cas de décès, consécration législative d'une pratique fréquente. Le retour au texte de l'Assemblée nationale s'impose par coordination avec le rétablissement du PACS. C'est pourquoi, la Commission a adopté un amendement en ce sens présenté par le rapporteur (amendement n° 16). Article 5 bis Le Sénat a supprimé cet article à titre de coordination. L'Assemblée nationale avait adopté, le 2 décembre dernier, un amendement présenté par le rapporteur et le rapporteur pour avis, tendant à répondre à un problème soulevé par M. Charles de Courson. L'allocation de soutien familial n'étant plus servie en cas de mariage ou de vie maritale, il a paru équitable de la supprimer également dès la conclusion d'un PACS. Le rétablissement de l'article est le corollaire de celui du PACS. Tel est l'objet de l'amendement, présenté par le rapporteur, que la Commission a adopté (amendement n° 17). Article 5 ter Adopté par l'Assemblée nationale aussitôt après l'article 5 bis sur proposition des mêmes signataires, cet article comportait le même objet en ce qui concerne l'allocation de veuvage. Sa suppression par le Sénat est une mesure de coordination qui appelle pour les mêmes raisons son rétablissement. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture (amendement n° 18). Article 6 Par coordination avec la suppression de l'article premier relatif au pacte civil de solidarité, le Sénat a supprimé cet article concernant les partenaires n'ayant pas la nationalité française. Logiquement, la Commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale, qui dispose que la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France pris en compte pour l'attribution d'un titre de séjour à un étranger (amendement n° 19). Article 8 Le Sénat a supprimé cet article qui tend à étendre aux partenaires liés par un PACS le bénéfice de la priorité d'affectation issue de la « loi Roustan » de 1921 au sein des trois fonctions publiques : - Etat, pour les affectations (paragraphe I) ; - collectivités territoriales, pour les mutations, détachements et mises à dispositions (paragraphe II) ; - établissements hospitaliers, pour les changements d'établissement, détachements et mise à disposition (paragraphe III). Son rétablissement s'impose par coordination. Tel est l'objet de l'amendement, présenté par le rapporteur, que la Commission a adopté (amendement n° 20). M. Claude Goasguen ayant fait remarquer que les dispositions visées étaient rarement appliquées tandis que le rapporteur indiquait que cet amendement ne faisait que reprendre le droit existant. Article 9 Cet article a pour objet, d'une part, d'assurer, en cas d'abandon du domicile ou de décès du locataire, respectivement la continuation et le transfert du contrat de location au profit de son partenaire, d'autre part, d'ouvrir le droit de reprise au partenaire du bailleur pour son propre compte ou celui de ses enfants. L'exercice de ces droits ne serait pas soumis à condition de délai. La commission des Lois du Sénat a cru rendre l'article inutile en étendant aux homosexuels les droits des concubins hétérosexuels. Mais elle n'a pas été suivie par le Sénat. En tout état de cause, l'exercice des droits par les concubins n'est ouvert qu'après un délai d'un an de vie commune. Il convient donc de rétablir cet article dans le texte de l'Assemblée nationale. La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur ayant cet objet (amendement n° 21), MM. Claude Goasguen, Pierre Albertini et Thierry Mariani ayant précisé qu'ils y étaient favorables. Article 11 Le Sénat a adopté dans les mêmes termes le premier alinéa de cet article renvoyant à un décret en Conseil d'Etat les conditions d'application de la loi. Il a, en revanche, supprimé le second alinéa qui prévoit l'avis préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur les conditions de traitement et de conservation des informations relatives au PACS. Le rétablissement de ces dispositions s'impose donc par coordination. Tel est l'objet de l'amendement présenté par le rapporteur que la Commission a adopté (amendement n° 22). Par coordination avec l'ensemble de ses décisions, le Sénat a modifié l'intitulé de la proposition de loi afin de faire référence au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité. La Commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le titre initial de la proposition de loi, qui ne mentionnait que le pacte civil de solidarité, et a, en conséquence, rejeté un amendement de M. Renaud Dutreil proposant de remplacer dans l'intitulé retenu par le Sénat le mot « concubinage » par le mot « cohabitation » (amendement n° 23). * * * La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée. * * * En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter, en deuxième lecture, la proposition de loi (n° 1479), modifiée par le Sénat, compte tenu des amendements figurant dans le tableau comparatif ci-après. ___
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Article 1er C Amendement présenté par M. Renaud Dutreil : Rédiger ainsi cet article : « Titre VI bis - De la cohabitation « Art. 310-1. - La cohabitation est le fait pour deux personnes de vivre sous le même toit, sans être unies par les liens du mariage. « Art. 310-2. - La cohabitation se prouve par tous moyens. Un acte de cohabitation peut être délivré par un officier d'Etat civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire. « Art. 310-3. - Les cohabitants peuvent passer un contrat par acte authentique ou sous seing privé pour régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales, et organiser leur cohabitation. » Titre Amendement présenté par M. Renaud Dutreil : Dans le titre de la proposition de loi, substituer aux mots : « du concubinage », les mots : « de la cohabitation ». AUDITION M. Jean Hauser a estimé que, sous réserve de quelques aménagements techniques, le pacte civil de solidarité était une construction juridique satisfaisante. Il lui a paru judicieux de faire référence aux principes généraux du droit, qui seront autant de guides pour l'interprétation, plutôt que de tenter de légiférer dans le moindre détail, car tous les problèmes ne peuvent être embrassés, a priori, dès lors qu'il s'agit d'une innovation. A l'article 515-1, il a proposé que la nature contractuelle du pacte civil de solidarité soit clairement affirmée, afin qu'il n'y ait d'ambiguïté ni pour les partenaires ni pour les juges, qui interpréteront ainsi la loi en appliquant les règles relatives aux contrats : responsabilité contractuelle, dommages et intérêts, résolution pour non-exécution, etc. Il a souligné que le pacte civil de solidarité correspondait tout à fait à la conception jurisprudentielle moderne du contrat. A l'article 515-2, il a estimé qu'il était excessivement rigoureux de rendre impossible un pacte civil de solidarité entre alliés en ligne directe ou entre collatéraux, d'autant que ces interdictions peuvent être levées en cas de mariage. A l'article 515-3, il a fait valoir que la conservation du pacte civil de solidarité par le greffe du tribunal d'instance risquait de soulever des difficultés, dans la mesure où ces actes ne seront pas normalisés et où des problèmes d'archivage et de responsabilité pourraient se poser. Après avoir rappelé que les mairies n'archivent pas les contrats de mariage, il a proposé que le greffe enregistre la déclaration, vise la convention et la restitue aux partenaires, à charge pour eux de la conserver. Par ailleurs, il a souligné que la convention liant les partenaires devrait être passée par acte notarié, si elle porte sur des immeubles. Enfin, il a suggéré de prévoir une sanction d'inopposabilité, plutôt que de nullité, si le PACS ne donne pas lieu à enregistrement. A l'article 515-4, il n'a pas jugé utile de préciser que les modalités de l'aide, que doivent s'apporter les partenaires, sont fixées par le pacte. En outre, il a suggéré d'étendre au logement commun la solidarité des partenaires, déjà prévue pour les besoins de la vie courante, afin d'englober les dettes liées au loyer et aux charges. A l'article 515-5, favorable à la présomption d'indivision résultant de la jurisprudence, il a en revanche trouvé le régime de l'indivision forcée trop contraignant et susceptible de porter atteinte au droit de propriété, le pacte civil de solidarité ne devant pas devenir une machine à créer des biens indivis. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité de distinguer le régime des meubles meublants de celui des biens immobiliers. A l'article 515-6, il a indiqué sa préférence pour une limitation de l'attribution préférentielle au logement familial et, éventuellement, au fonds de commerce. A l'article 515-8, il a proposé de préciser la nature du contentieux lié à la rupture du PACS et d'indiquer que le président du tribunal de grande instance peut charger un juge du contentieux lié à l'enregistrement et à la liquidation du pacte. Il a également suggéré de préciser le caractère non suspensif de l'appel ou du pourvoi des décisions ayant trait aux conséquences de la rupture. Par ailleurs, M. Jean Hauser a jugé souhaitable d'introduire un article précisant qu'un majeur placé sous tutelle ne peut pas conclure un pacte civil de solidarité, soulignant que cet acte n'a que des incidences patrimoniales et qu'il ne s'agit pas d'un droit aussi fondamental que celui au mariage. Concernant la définition du concubinage retenue par le Sénat, tout en n'excluant pas qu'il puisse s'agir d'une fuite en avant, il a considéré que ce changement de logique soulevait néanmoins un réel problème. Rappelant que le concubinage serait choisi par ceux que le PACS n'attire pas, il lui a paru indispensable néanmoins de faire référence à une vie commune, stable et durable. Il a rappelé que, en dehors de tout engagement, le fait de vivre en commun peut entraîner des conséquences juridiques et que même lorsque les intéressés ne sont pas « pacsés », le couple est un fait qui mérite un minimum de traitement juridique. En conséquence, il a proposé d'intituler le titre XII bis « Du couple » et de le subdiviser en deux chapitres, le premier consacré au pacte civil de solidarité et le second à la vie commune, ce dernier comportant deux articles ainsi rédigés : « Art. A. - Le concubinage visé par les textes s'entend, à défaut de disposition expresse contraire, de toute forme de vie en commun, entre toutes personnes, présentant un caractère de stabilité et de continuité. « Art. B. - La vie en commun, telle que définie à l'article précédent, produit toutes les conséquences que la loi attache au concubinage indépendamment des termes employés. » AUDITION Mme Irène Théry s'est félicitée qu'une définition du concubinage soit introduite dans la proposition de loi, permettant la reconnaissance légale du couple homosexuel. Elle a souligné, cependant, que la définition retenue, si elle doit comprendre clairement les concubins homosexuels, ne doit pas restreindre les droits accordés par la jurisprudence aux personnes vivant en union libre. Elle s'est interrogée sur la délivrance des actes de notoriété par l'officier d'état civil, en soulignant l'importance de la preuve du concubinage, qui, comme elle l'avait indiqué, dans son rapport au Gouvernement, doit pouvoir se prouver par tous moyens. Elle a souligné que les droits résultant du concubinage sont le plus souvent des droits a posteriori, puisque que c'est le fait d'avoir vécu ensemble qui est pris en compte. S'agissant de la définition du mariage par le Sénat, elle a rappelé que, dès la séance de l'Assemblée législative qui, se fondant sur le caractère de contrat civil du mariage, aborda la question du divorce, il était apparu évident que le mariage ne pouvait concerner que deux personnes de sexe différent : ce débat n'a pas, depuis 1792, été rouvert. Concernant le pacte civil de solidarité, elle a constaté l'incroyable rapidité de l'évolution des esprits. Elle a rappelé que, il y a un an, lorsqu'elle avait suggéré une modification du code civil pour répondre à la jurisprudence de la Cour de cassation, elle avait dû affronter un scepticisme général quant aux possibilités d'aboutir. Elle a estimé que c'était, incontestablement, grâce aux débats sur le pacte civil de solidarité que la situation avait pu se débloquer. Cependant, elle a souligné que d'autres pays, en particulier en Europe du Nord, avaient accordé aux couples homosexuels davantage de droits et avec plus de clarté, les réactions du mouvement homosexuel allemand montrant clairement les déceptions que suscite le pacte civil de solidarité dans son état actuel. Aussi, a-t-elle exprimé la crainte que la troisième voie représentée par le pacte civil de solidarité, qui n'est ni une union libre, ni une union instituée, ne puisse, sans pour autant être communautariste, apparaître comme un mariage pour les homosexuels avec moins de droits. En revanche, elle a estimé que si l'on renforçait son caractère de contrat matériel, le pacte civil de solidarité offrirait aux concubins la faculté d'avoir davantage de droits et pourrait donc ne pas être perçu comme une rupture avec l'union libre, mais au contraire comme une convention compatible avec elle. Par ailleurs, elle a regretté que la proposition qui traite ensemble homosexuels et hétérosexuels, dans une perspective qualifiée de « républicaine », ne réaffirme pas que les couples en union libre sont respectables dans leur choix, d'autant qu'il a été rappelé à maintes reprises au cours des débats qu'il n'y avait pas de droits sans devoirs. Elle a jugé étonnant qu'un tel dogme soit appliqué dans le domaine du droit social, ce droit d'élaboration récente traitant du rapport de l'individu à l'Etat et non des droits et devoirs réciproques de cocontractants. Elle s'est inquiétée d'une remise en cause de la légitimité des revendications des concubins, comme l'attribution des pensions de réversion ou la modification des droits de succession. A l'inverse, elle a souligné que la proposition de loi renforçait la perte de droits et de minima sociaux liés à l'isolement des personnes dès qu'ils vivent en couple et jugé qu'il était pour le moins peu attractif de prendre en compte la solidarité de fait lorsqu'elle prive de droits mais de l'ignorer lorsqu'elle peut en permettre l'attribution. Enfin, il lui a paru dangereux d'instituer une hiérarchie en valeur des couples alors que l'union libre mériterait une approche tout à fait neutre, d'autant qu'elle se développe en prenant des formes multiples, comme le concubinage des personnes âgées. Elle a exprimé la crainte que les concubins hétérosexuels, seuls reconnus aujourd'hui par la jurisprudence, ne soient les grands perdants de l'élaboration d'un texte de portée générale. Par ailleurs, elle a souligné que l'évolution actuelle en matière de vie privée n'était pas sans danger car, au nom de la liberté et de la variété des situations, les choix avaient été multipliés dans une logique de marché, alors qu'il importait d'inscrire chaque individu dans des repères communs, renforçant l'appartenance à l'ensemble républicain. Enfin, elle s'est interrogée sur l'opportunité des dispositions de la proposition relatives à l'informatisation des dossiers et à la fiscalité des successions. Elle a jugé important que, d'un point de vue fiscal, la vie commune d'un couple ne soit pas hiérarchisée entre une première classe qui serait le mariage, une deuxième classe qui serait le pacte civil de solidarité et une troisième classe qui serait l'union libre. En conclusion, Mme Irène Théry s'est réjouie de l'accord intervenu sur le concubinage et de l'entrée par la grande porte de l'homosexualité dans le code civil. N°1482. - RAPPORT de M. Jean-Pierre MICHEL (au nom de la commission des lois) sur la proposition de loi modifiée par le Sénat (n° 1479), relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité. () J.O. Débats Sénat, p. 1519. () J.O. Débats Sénat, p. 1571. © Assemblée nationale |