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Document mis en distribution le 14 avril 1999 ![]() N° 1529 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 avril 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI DE M. GEORGES SARRE (n° 1350) portant création dune nouvelle collectivité territoriale : le Haut Conseil de lagglomération parisienne, PAR M. JEAN-PIERRE MICHEL, Député. (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Collectivités territoriales. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 I. LAGGLOMÉRATION PARISIENNE : UNE ENTITÉ GÉOGRAPHIQUE COHÉRENTE PRIVÉE DUN CADRE INSTITUTIONNEL SATISFAISANT 6 A. UNE ENTITÉ GÉOGRAPHIQUE COHÉRENTE 6 · Une démographie dynamique 6 · Une économie forte 7 · Une occupation de l'espace problématique 7 B. DES INSTITUTIONS HÉRITÉES DUNE HISTOIRE COMPLEXE 10 · Les tensions entre pouvoir central et pouvoir municipal 10 · Les paradoxes du centralisme français 12 · L'opposition de Paris et de sa banlieue 13 II. DES RÉFORMES SUCCESSIVES SOUVENT CONTRADICTOIRES ET INADAPTÉES 15 A. LES LIMITES DE LA POLITIQUE DE DÉCENTRALISATION EN ILE-DE-FRANCE 15 · Le district de Paris 15 · La réforme de 1964 16 · Le rapprochement progressif du droit commun 16 B. LA NÉCESSITÉ DUN NOUVEAU CADRE INSTITUTIONNEL 17 · Un découpage territorial inadapté 17 · La nécessité d'une réforme de l'agglomération parisienne 17 III. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LA PROPOSITION DE LOI 18 A. LA CRÉATION DUNE NOUVELLE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE 18 B. UN TRANSFERT DE COMPÉTENCES PERMETTANT DIMPULSER UNE VÉRITABLE POLITIQUE DAGGLOMÉRATION 19 C. UNE ORGANISATION DÉMOCRATIQUE ET EFFICACE 20 D. DES RESSOURCES À LA HAUTEUR DES ENJEUX 21 EXAMEN EN COMMISSION 23 TABLEAU COMPARATIF 29 MESDAMES, MESSIEURS, Alors que près dun Français sur six vit aujourdhui dans lagglomération parisienne, celle-ci reste dépourvue dinstances décisionnelles dignes dune grande métropole. Cette situation singulière est héritée dune histoire caractérisée par de nombreux conflits entre Paris et la province, mais aussi entre le pouvoir central et le pouvoir municipal parisien. Certes, Paris est le siège des pouvoirs publics, mais cette spécificité justifie-t-elle que la capitale soit isolée d'une proche banlieue, divisée en communes et départements souffrant dune répartition très inégalitaire des richesses ? Les conséquences de cette situation sont aujourdhui visibles : lurbanisme continue à souffrir dun manque de vision cohérente, la ségrégation sociale saggrave, alors même que la politique des transports urbains ou de la lutte contre la pollution souffre de délimitations territoriales héritées pour lessentiel du siècle précédent. Il convient donc de réfléchir aux moyens de mettre en uvre une politique globale à la hauteur des problèmes qui se posent au sein de lagglomération parisienne. Pour ce faire, il est nécessaire de réduire le double clivage qui sépare Paris et les départements de la première couronne : lopposition entre Paris et la banlieue dune part, lopposition entre les collectivités de lagglomération selon leur richesse, dautre part. La présente proposition de loi entend promouvoir une démarche fédérative en créant une nouvelle collectivité locale dont les limites correspondent à celles de lancien département de la Seine. Cette collectivité nouvelle se verrait demblée dotée des compétences relatives à la protection de lenvironnement et à la politique des transports urbains. Elle pourrait ensuite se substituer, avec leur accord, aux communes de son ressort en vue dexercer les compétences nécessaires à la mise en place dune véritable politique dagglomération. Son organe délibérant serait élu au suffrage universel direct, afin de garantir la démocratie et la transparence de la prise de décision dans des domaines intéressant la vie quotidienne des habitants de lagglomération parisienne. Enfin, la nouvelle collectivité devrait disposer des moyens financiers nécessaires en vue de garantir une plus grande solidarité au sein de la région parisienne. I. LAGGLOMÉRATION PARISIENNE : UNE ENTITÉ GÉOGRAPHIQUE COHÉRENTE PRIVÉE DUN CADRE INSTITUTIONNEL SATISFAISANT A. UNE ENTITÉ GÉOGRAPHIQUE COHÉRENTE Lune des toutes premières caractéristiques de lagglomération parisienne tient à la forte croissance de sa démographie. Alors que la population française a, pour l'essentiel, connu une stagnation de lancien régime jusquau dix-neuvième siècle, la population parisienne a, au contraire, constamment augmenté depuis cinq siècles. Cette croissance sest brusquement accélérée avec la révolution industrielle : Paris, capitale politique, devait en effet très vite simposer comme capitale économique attractive pour les masses rurales. Cette croissance démographique devait ainsi se poursuivre avec la construction des voies de chemin de fer et du fameux réseau en étoile reliant la province à la capitale. Alors quà la veille de la Révolution de 1789 Paris comprenait 620 000 habitants, soit un peu plus de 2 % de la population française totale, la population parisienne devait atteindre 1,4 millions dhabitants au milieu du dix-neuvième siècle et, avec la petite couronne, 3,7 millions à la fin du siècle, soit près de 10 % de la population du pays. Cette croissance devait se poursuivre au vingtième siècle à un rythme accéléré : lagglomération parisienne est ainsi passée à 4,8 millions dhabitants en 1920, à 6,5 millions en 1954 puis à 8,2 millions en 1968, soit près de 17 % de la population nationale. D'après le recensement de 1990, lagglomération parisienne atteindrait 9,3 millions dhabitants dont 2,15 millions intra-muros. La population actuelle est estimée à 9,6 millions et la barre des 10 millions dhabitants devrait être franchie en 2010. Malgré une décélération de la croissance démographique parisienne depuis les années soixante, lagglomération parisienne est la première du continent européen pour le nombre dhabitants et elle est classée par les Nations Unies au rang de dix-septième métropole mondiale. Ce dynamisme démographique constitue une source de richesse en même temps quil pose dimportants problèmes doccupation de lespace et déquilibre social. En concentrant plus dun français sur six et près dun quart de la population urbaine totale, lagglomération parisienne possède en effet dincontestables atouts économiques, tout en connaissant des problèmes de gestion spécifiques difficilement comparables avec ceux des autres aires urbaines françaises. · Une économie forte Avec plus de 29 % du produit intérieur brut national et la première place économique des régions européennes devant la Lombardie et le Grand Londres, la région Ile-de-France représente plus de 5 millions demplois, dont une forte proportion de cadres et de professions intellectuelles. Malgré le fort glissement de son économie vers le secteur tertiaire, la région parisienne demeure la première région industrielle française et joue un rôle décisif dans les domaines de la construction aéronautique et spatiale, des appareils de mesure et de contrôle, démission et de transmission, de la pharmacie ou de lédition-imprimerie. Dans le même temps, le secteur tertiaire regroupait, en 1995, 78 % de lemploi régional soit près de 4 millions demplois. Surtout la région capitale est le lieu dune véritable synergie entre les différents secteurs dactivité, linnovation étant favorisée par limportance du système de formation : en 1995 la région regroupait à peu près la moitié des effectifs nationaux en matière de recherche et de développement. Enfin, limportance du système de communication est un élément essentiel du dynamisme économique de la région parisienne. Confortant le réseau en étoile de la SNCF, le développement des TGV relie Paris aux grandes villes françaises et européennes, tandis quAéroport de Paris se place au premier rang des places aéroportuaires du continent européen avec 60,3 millions de passagers par an. Ce dynamisme économique nest toutefois pas sans poser dimportants problèmes de gestion de lespace et dinjustice sociale qui appellent des réponses politiques fortes. · Une occupation de lespace problématique Lensemble de ces mutations a eu pour conséquence la multiplication des problèmes liés à laccroissement des grandes agglomérations urbaines : gestion des transports, approvisionnement en eau, pollution de lair, difficulté des transports, crise du logement Lagrandissement de Paris a ainsi été plus rapide que sa croissance démographique : alors que la population de lagglomération a été multipliée par dix depuis 1830, la surface urbanisée a été multipliée par vingt-cinq. Lextension dans les années soixante se fait au rythme annuel moyen de 60 km2, puis tombe à 30 km2 dans les années quatre vingt. Alors que les limites actuelles de Paris datent de 1860 avec lintégration du territoire compris entre lintérieur des fortifications de Thiers et lenceinte des fermiers généraux, la croissance spatiale de lagglomération parisienne sest accélérée depuis le dix-neuvième siècle du fait du manque des logements et de laccroissement de loffre de transports. En 1800, la ville navait pas plus de 40 km2 et restait organisée autour du cardo et du decumanus de la Lutèce gallo-romaine ; en 1900, elle comptait 450 km2 environ ; en 1954, elle passe à 1 300 km2 et à 2 575 km2 en 1990. Cette occupation de lespace, liée au développement des chemins de fer de banlieue dans la première moitié du vingtième siècle, sest aujourdhui accentuée du fait de la généralisation des déplacements automobiles, qui a permis le peuplement de zones éloignées des axes ferroviaires. Cest ainsi que la densité de population connaît de fortes variations dans lagglomération parisienne : de 250 habitants par hectare en moyenne intra-muros, cette densité est encore de 100 à 200 habitants par hectare en petite couronne pour tomber parfois à moins de 10 habitants par hectare dans certaines banlieues. Cette situation se double dune forte ségrégation sociale : lopposition entre lEst et lOuest de Paris, accentuée sous le Second empire par les travaux du baron Haussmann et la spéculation foncière quils entraînèrent, se retrouve aujourdhui à léchelle de lagglomération partagée entre banlieues riches et banlieues pauvres. Les premières bénéficient le plus souvent de fortes ressources du fait du produit de la taxe professionnelle, alors que leurs charges sont faibles. Au contraire, les secondes sont dotées dun habitat social datant pour lessentiel des années soixante et soixante-dix qui regroupe aujourdhui des populations en grande difficulté, alors même que les taux de fiscalité locale pratiqués par ces collectivités du fait de leurs fortes dépenses sociales dissuadent les entreprises de sy implanter. La comparaison pour lannée 1998 des bases et des produits de la fiscalité directe locale agrégés au niveau de chacun des départements concernés par la proposition de loi est à cet égard intéressante :
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Face à ces atouts économiques et démographiques réels, lagglomération parisienne souffre donc de nombreux déséquilibres, alors même quelle est privée, du fait de son histoire particulière, dun cadre institutionnel à la hauteur des enjeux dune grande métropole. B. DES INSTITUTIONS HÉRITÉES DUNE HISTOIRE COMPLEXE Les spécificités des institutions parisiennes sexpliquent par le poids de lhéritage historique et de lambiguïté des politiques menées par le pouvoir central à légard de la capitale et de sa région. Cette situation singulière se trouve en outre renforcée par la séparation forte existant entre Paris et sa banlieue, qui nuit à la mise en place dune véritable politique dagglomération pourtant indispensable. · Les tensions entre pouvoir central et pouvoir municipal Si lon excepte les deux siècles de la période dynastique carolingienne, Paris a exercé son rôle de capitale de la France durant treize siècles. Cette situation unique dans lhistoire dune nation a pour corollaire lopposition récurrente entre un pouvoir central, qui a toujours souhaité disposer dun droit de regard sur la gestion de la cité où siègent les pouvoirs publics, et une population parisienne qui aspire très vite à exercer pleinement le pouvoir municipal. Le premier épisode notable de ce conflit remonte au quatorzième siècle, avec linsurrection menée par Étienne Marcel de 1356 à 1358 en pleine guerre de cent ans : profitant de laffaiblissement du pouvoir royal, le prévôt des marchands déclenche une émeute qui oblige le Dauphin à fuir Paris. Étienne Marcel fut tué par les partisans du roi Charles V, et celui-ci rentra triomphalement dans Paris le 4 août 1358. Il supprima pour un temps la prévôté des marchands, dont lexistence remontait pourtant à 1263. Cette opposition entre deux légitimités devait marquer toute lhistoire de Paris : le souverain ne pouvait tolérer lémergence dun pouvoir municipal fort dans la capitale, alors même que sa population, plus riche et éclairée que le reste du pays, aspirait à participer à la gestion des affaires publiques. Le second épisode marquant de cette opposition fut celui de la Fronde sous Louis XIV : une nouvelle fois les institutions parisiennes, dont le Parlement de Paris, appuyées par une large partie de la population, mènent linsurrection contre le monarque en 1648 et 1649. Celui-ci dut quitter Paris pour Versailles en 1677 et en fit le siège du gouvernement en 1682. Le retour du roi à Paris fut dès lors lourd de signification puisquil se fit à la Révolution sous la pression des parisiens. Cette période souligne toute la complexité des liens unissant Paris et le reste du pays : lessentiel de lhistoire de cette époque sest écrite dans la capitale, dont la population a alors le sentiment dincarner la nation tout entière. Depuis cette époque, le pouvoir central na eu de cesse dencadrer le pouvoir municipal parisien. Alors que la Convention avait reconnu aux Parisiens lexercice dun pouvoir municipal de plein exercice partagé entre un maire dirigeant la commune et des quartiers, organisés en sections, le régime de Thermidor, craignant le pouvoir municipal parisien, le limita en 1795 à de strictes attributions locales : les sections furent dissoutes et la municipalité fut partagée entre les divers arrondissements. Cet encadrement du pouvoir parisien fut poursuivi par le Premier consul, qui plaça Paris sous la tutelle de deux préfets, le préfet de la Seine et le préfet de police. Paris ne disposait alors ni dun conseil municipal propre, ni dun maire élu, puisquelle était désormais rattachée au conseil général de la Seine et que chaque arrondissement était doté dun maire désigné par le pouvoir central. Les épisodes révolutionnaires de 1830 et de 1848 devaient confirmer la singularité de Paris dans lhistoire politique française. La proximité de la ville et des pouvoirs publics devait en faire le théâtre privilégié des revendications du peuple. Cest aux journées révolutionnaires parisiennes de 1830 que Louis-Philippe doit son arrivée au pouvoir : celui-ci, sans modifier le contrôle préfectoral institué par Bonaparte, rétablit toutefois en 1834 le conseil municipal de Paris. Quant aux journées révolutionnaires de 1848, elles virent la proclamation de la République par le peuple de Paris à lHôtel-de-Ville. Ce rôle politique éminent de Paris na toutefois pas été sans susciter de fortes oppositions, principalement dans les provinces, moins ouvertes aux idées nouvelles. Si le peuple parisien défend le suffrage universel, le pays, lorsquil est consulté rejette les idées des « partageux » et élit une assemblée favorable au retour à lordre et à la fin de la république sociale avant de soutenir et de plébisciter le coup de force de Louis-Napoléon Bonaparte. Cette opposition de Paris et de la province ne fut pas démentie à la chute du Second Empire et lors de la Commune de Paris : le départ du pouvoir pour Bordeaux puis Versailles face à loffensive prussienne, la répression contre les communards menée par les troupes versaillaises principalement composées de provinciaux imprégnés didées traditionnelles, lélection par le pays en 1871 dune assemblée favorable à la restauration, sont autant de manifestations du divorce existant entre la capitale et la province qui légitima la méfiance du pouvoir central à légard dun pouvoir municipal parisien prompt à prendre en charge les destinées du pays au nom des idées nouvelles. Cette histoire caractérisée par de fortes tensions entre le pouvoir central et la capitale explique ses spécificités institutionnelles actuelles : la double tutelle préfectorale mise en place par Bonaparte devait perdurer jusquen 1977, alors que les assemblées élues par le pays devaient par la suite manifester leur hostilité à un trop fort développement de la capitale et de sa région. · Les paradoxes du centralisme français Pour beaucoup la richesse économique et démographique de la région parisienne sexplique par une politique volontariste visant à faire de la capitale la tête de pont du pays. Lexemple le plus communément cité de cette volonté supposée est lexistence du réseau de chemin de fer en étoile qui aurait permis à la capitale dassurer sa prééminence sur des provinces françaises peu à peu vidées de leurs forces vives. Dans les faits, la situation est plus complexe : lessor démographique et économique de Paris a précédé la construction du réseau ferré qui na atteint une taille critique quà la fin du dix-neuvième siècle. Ce sont dailleurs le plus souvent les notables de province qui réclamèrent leur rattachement au réseau centralisé et non la capitale qui commanda son extension. Par ailleurs, le développement de Paris sest, pour lessentiel, fait de manière spontanée : la crise du logement qui persista tout au long du vingtième siècle et lurbanisation anarchique des banlieues montrent quil ny a pas eu volonté dattirer les masses rurales dans la région parisienne par une politique volontariste. Ce développement plus subi que voulu sexplique par la concentration dans la capitale des centres de décision et des capitaux, à laquelle sajoute une situation géographique favorable. A vrai dire, la IIIème et la IVème République ont plutôt tenté de freiner lessor de la région parisienne. Cette situation paradoxale dun Etat centralisé et pourtant hostile à son centre sexplique en grande partie par la sociologie politique : le régime dassemblée devait naturellement privilégier la province et les zones rurales majoritairement représentées dans les deux chambres du Parlement. Cette situation explique en grande partie limmobilisme qui a prévalu vis à vis des institutions parisiennes ainsi que les atermoiements sur les aménagements pourtant indispensables au fonctionnement dune agglomération en plein essor. Sagissant des institutions, aucune réforme dimportance na vu le jour sous les IIIème et IVème Républiques : alors que la banlieue sétend considérablement, Paris reste soumis à la double tutelle préfectorale en étant dépourvu de maire et les limites communales définies par la loi de 1859 restent cantonnées à lenceinte des fortifications de Thiers construites en 1841. Quant aux aménagements indispensables, ils ont sans cesse été retardés du fait de conflits entre la municipalité parisienne et ses nombreux interlocuteurs : le métro ne sera ainsi construit quaprès dinterminables discussions entre la Ville, le Département, lEtat et les compagnies de chemin de fer. Alors que Londres retint un projet en 1855 et le réalisa en 1863, que Berlin conçut le sien en 1871 et lexploita en 1877, que New York débuta le chantier en 1872 et ouvrit son métro dès 1874, les travaux du métro parisien ne débutèrent qu'en 1896 pour une ouverture à l'occasion de lexposition universelle de 1900. Encore ce métro était-il limité à Paris intra-muros et laissait-il de côté des banlieues en pleine expansion. Linsuffisance patente du logement social ou du réseau routier fut, par ailleurs, un problème qui malgré des programmes méritoires ne reçut pas de réponse satisfaisante des pouvoirs publics durant toute cette période. Enfin, de nombreuses mesures visant à freiner le développement de lagglomération parisienne furent mises en uvre par le pouvoir central : une autorisation spécifique pour les implantations industrielles fut longtemps nécessaire et une fiscalité spécifique était appliquée aux sociétés établies en région parisienne au nom de léquilibre avec la province. Cette politique malthusienne fut théorisée par louvrage de Jean-François Gravier, Paris et le Désert français, paru en 1947. Cet ouvrage, qui devait légitimer la politique daménagement du territoire, explique le déclin des zones périphériques par le développement de la région parisienne. Si le constat dune désertification est pertinent, son explication par lessor de la région capitale est davantage sujette à caution. Quoi quil en soit, il devait conforter lidée dun antagonisme entre Paris et la province qui trouvera dans les deux assemblées un écho favorable. Cette peur dune capitale tentaculaire explique en grande partie labsence de réforme institutionnelle dépassant le cadre départemental dans lagglomération parisienne, jusquà la transformation par la gauche de la région Ile-de-France en collectivité territoriale par les lois de décentralisation : lidée quil convenait de freiner le développement de la région parisienne devait donc longtemps prévaloir et légitimer un statu quo peu satisfaisant. · Lopposition de Paris et de sa banlieue Ce clivage entre la région parisienne et le pouvoir central montre que celle-ci sest plutôt développée malgré lui que sous son impulsion. A vrai dire cette situation sest trouvée renforcée par lopposition réelle et constante entre Paris et sa banlieue. A la différence de Londres qui sest développée dans la continuité entre le centre et les faubourgs, Paris, principalement pour des raisons militaires et fiscales, sest développé de manière séparée de sa banlieue. Cest ainsi que la construction des fortifications décidée en 1841 par Adolphe Thiers englobait des portions de communes qui furent intégrées à Paris en 1860. A cette séparation physique, dont la définition sest faite avant tout pour des considérations stratégiques, sest ajoutée une barrière fiscale qui a entretenu la ségrégation entre Paris et ses communes riveraines. Cette barrière doctroi, délimitée du XVIIIème siècle jusquà lextension de 1860, par lenceinte des fermiers généraux, eut pour conséquence de renchérir la vie dans Paris et de repousser aux marges de la ville les personnes les plus défavorisées. Cest ainsi que, sous le Second Empire, lextension de Paris aux limites des fortifications a eu pour conséquence lintégration dans Paris de personnes défavorisées vivant dans des logements insalubres. Les travaux du Baron Haussmann entraînèrent pour leur part une importante spéculation immobilière, abondamment décrite par Balzac dans la Comédie humaine, qui repoussa à son tour les Parisiens les plus défavorisés au-delà des fortifications. Cette politique explique le développement séparé de Paris et de sa banlieue, qui sest prolongé jusquà nos jours. Par ailleurs, les querelles autour de la construction du réseau métropolitain illustrent les effets de cette opposition entre Paris et sa banlieue. Si la municipalité obtint de lEtat la possibilité dexploiter le nouveau réseau de transport en commun, elle se garda bien de consulter ses voisines sur la conception du réseau et den prolonger les lignes dans la petite couronne. Plus récemment, la réhabilitation des quartiers du centre de Paris et la libération des prix du marché de limmobilier a également eu pour conséquence laccroissement des inégalités sociales entre Paris et les banlieues défavorisées. La banlieue reste, plus que jamais, conformément à son étymologie commune avec le bannissement, le lieu de toutes les exclusions et de la crise de la citoyenneté. Les clivages politiques et sociaux entre Paris et sa banlieue, elle-même divisée entre zones riches de lOuest parisien et quartiers en difficulté dans le reste de lagglomération, compliquent donc la situation de la région parisienne et favorisent limmobilisme en matière institutionnelle, alors que les réformes mises en uvre depuis les années soixante demeurent très insuffisantes. II. DES RÉFORMES SUCCESSIVES SOUVENT CONTRADICTOIRES ET INADAPTÉES A. LES LIMITES DE LA POLITIQUE DE DÉCENTRALISATION EN ILE-DE-FRANCE · Le district de Paris Après une longue période dimmobilisme sous la IIIème et la IVème République, la nécessité de développer les équipements en région parisienne est devenue une évidence. Elle exigeait une politique qui ne pouvait être conduite que sous limpulsion de lEtat, lagglomération étant répartie entre 1 305 communes, elles-mêmes situées sur trois départements. C'est ainsi qu'une ordonnance du 4 février 1959 a donné au Gouvernement la possibilité de réformer ladministration parisienne. Face à la difficulté de cette entreprise, lordonnance ne fut jamais appliquée. Dans lattente de réformes plus profondes, la loi du 2 août 1961 institua le district de Paris dont la direction fut confiée à Paul Delouvrier. Cet établissement public, regroupant les 1 305 communes de la Seine, de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne, avait en charge la conception, le financement et la réalisation des aménagements structurants de lagglomération parisienne. Financé principalement par la taxe spéciale déquipement, le district dut combler le retard de lagglomération parisienne en matière de transports et dassainissement. De 1962 à 1969, il dépensa un milliard de francs pour le RER et la prolongation des lignes du métro parisien, un autre milliard pour les autoroutes, et 250 millions pour les adductions deau et lassainissement. Si le district a permis de mettre en uvre une politique transcendant les clivages entre Paris et sa banlieue en développant une logique dagglomération, celle-ci a souvent été critiquée pour son excès de technocratisme. Des choix de développement fondamentaux, privilégiant lautomobile et les liaisons de transport Paris-banlieue sur les liaisons de banlieue à banlieue, ont ainsi durablement pesé sur le développement régional et nourri dans la population le sentiment que les décisions nétaient pas prises en fonction de ses aspirations. Le district a finalement été supprimé par la loi du 6 mai 1976 portant création et organisation de la région Ile-de-France qui rapprochait le régime parisien de celui des autres régions françaises, sans toutefois placer la région capitale dans le cadre de la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions. · La réforme de 1964 Cette réforme constituait avant tout une mesure de déconcentration : la loi du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne a défini ainsi de nouvelles relations entre la ville de Paris et les départements de la couronne. Le département de la Seine a été supprimé et remplacé par un département limité à la ville de Paris alors que le reste de la région parisienne était divisé en sept départements (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne, Val-dOise, Seine-et-Marne et Yvelines). L'objet de cette réforme était d'améliorer le fonctionnement des services déconcentrés de lEtat en région parisienne en tenant compte de la croissance démographique régionale. Mais le souci louable de rapprocher ladministration des administrés, devait renforcer le morcellement des centres de décision, en divisant lIle-de-France en huit conseils généraux et en confortant le particularisme de la ville de Paris, dont le conseil municipal était dans le même temps un conseil général, soumis à une double tutelle préfectorale. · Le rapprochement progressif du droit commun La loi du 31 décembre 1975 a rompu avec le statut institué par la loi du 28 pluviôse an VIII, qui privait la capitale de maire : Paris est désormais doté dun exécutif élu par le conseil municipal dans les mêmes conditions que les autres communes françaises. Celui-ci est doté de compétences réduites en matière de police administrative, le maintien de lordre et la police de la circulation demeurant du ressort du préfet de police. En revanche, le conseil de Paris conserve la qualité de conseil général qui lui a été reconnue par la loi du 10 juillet 1964. Les lois de décentralisation se sont également efforcées de rapprocher Paris et sa région du droit commun : la loi du 2 mars 1982 supprime la tutelle préfectorale sur les collectivités locales de la région parisienne et transforme la région Ile-de-France en collectivité locale de plein exercice, disposant de ressources particulières, comme la taxe spéciale déquipement, et de compétences spécifiques, notamment en matière de transports. Le préfet de Paris, nétant plus lexécutif du département, une nouvelle modification du statut de la ville a été mise en uvre avec la loi du 31 mars 1982, dite loi PLM : le maire de Paris est lexécutif de la ville et du département, tandis que les arrondissements, qui nont pas la personnalité juridique, sont dotés dun conseil et dun maire élus dans un souci de rapprochement des centres de décision et des citoyens. Ces mesures de déconcentration puis de décentralisation ont incontestablement permis à Paris et sa région de se rapprocher du droit commun en diminuant la prépondérance de lEtat dans le système institutionnel parisien. Elles ont dans le même temps entraîné un morcellement des centres de décision nuisible à la mise en place de politiques cohérentes dans lagglomération parisienne. B. LA NÉCESSITÉ DUN NOUVEAU CADRE INSTITUTIONNEL · Un découpage territorial inadapté Alors que les limites actuelles de la ville de Paris sont inchangées depuis 1860, le découpage territorial de lagglomération parisienne pose dimportants problèmes et freine la mise en uvre de politiques densemble à léchelle de la zone la plus urbanisée de la région parisienne. La collectivité territoriale régionale englobe en effet de vastes zones rurales situées sur les territoires des Yvelines, du Val dOise, de la Seine-et-Marne et de lEssonne : ses limites actuelles ne constituent donc pas un territoire pertinent pour lancer et coordonner une politique d'agglomération. La Région a, dans cette perspective, davantage vocation à accompagner ces politiques quà les initier. Sagissant des départements de la petite couronne, ils souffrent à la fois dune rupture avec la ville-centre et d'inégalités très fortes qui les séparent. Cette situation appelle une réforme institutionnelle susceptible de fédérer les richesses et les compétences en vue de réduire les inégalités et de développer une véritable politique dagglomération susceptible de répondre à la crise actuelle de la citoyenneté, qui sévit actuellement dans les quartiers en difficulté. · La nécessité dune réforme de lagglomération parisienne Si lémiettement des centres de décision est nuisible, il ne saurait pour autant justifier une quelconque recentralisation de ladministration parisienne. Pour cette raison la logique fédérative doit prévaloir : de même que la loi P.L.M. entendait donner aux arrondissements parisiens un droit de regard sur les décisions municipales les concernant, sans remettre en cause lunité de la ville, les instances de lagglomération parisienne ne doivent pas donner lieu à la suppression des collectivités locales existantes. Il sagit en fait de promouvoir une plus grande solidarité entre collectivités, alors même que lintercommunalité est particulièrement peu développée en Ile-de-France : au 1er janvier 1998 on ne comptait que 41 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont 7 syndicats dagglomération nouvelle. Pour ce faire, la création dune nouvelle collectivité comprenant la ville de Paris et les trois départements de la petite couronne, ainsi que les communes mitoyennes demandant leur intégration, doit permettre de résoudre la question de léclatement des centres de décision. Cette collectivité doit avoir un organe délibérant élu au suffrage universel direct afin de disposer d'une légitimité suffisante pour gérer les affaires de lagglomération. Elle doit être dotée des compétences et des ressources nécessaires au développement de politiques transversales, qui font encore défaut dans la première des régions françaises. Cest cette solution quentend promouvoir la proposition de loi de M. Georges Sarre portant création dune nouvelle collectivité territoriale, le Haut Conseil de lagglomération parisienne. III. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LA PROPOSITION DE LOI A. LA CRÉATION DUNE NOUVELLE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE Les articles 1 à 3 créent une nouvelle collectivité territoriale administrée par un Haut Conseil de lagglomération parisienne exerçant ses compétences sur les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Le périmètre de cette collectivité territoriale peut être étendu par arrêté du préfet dIle-de-France à la demande des conseils municipaux intéressés, après avis conforme du conseil général concerné et du conseil régional. Ces dispositions visent à remédier à lémiettement dont souffre le cur de la région Ile-de-France en revenant aux limites de lancien département de la Seine. Dans le même temps, la procédure dextension, semblable dans son esprit à celle existant pour les établissements publics de coopération intercommunale, doit permettre aux communes de la grande couronne les plus urbanisées dintégrer la nouvelle collectivité. Ce cadre institutionnel est préférable à celui dun établissement public dans la mesure où la nouvelle instance doit posséder une légitimité suffisante pour mettre en uvre une véritable politique dagglomération à une échelle supra-départementale. Les trois premiers articles de la proposition de loi sinscrivent dans le cadre des dispositions de larticle 72 de la Constitution qui prévoit que le législateur a compétence pour créer de nouvelles catégories de collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1982, n° 138 DC, portant sur la création de la collectivité territoriale de la Corse, a en effet admis la possibilité de créer une collectivité locale sui generis. La spécificité de lagglomération parisienne, répartie sur plusieurs départements, justifie ainsi amplement la création dune collectivité locale nouvelle ne se rattachant à aucune catégorie préexistante. B. UN TRANSFERT DE COMPÉTENCES PERMETTANT DIMPULSER UNE VÉRITABLE POLITIQUE DAGGLOMÉRATION Les articles 4 à 11 de la proposition de loi définissent le régime des compétences de la nouvelle collectivité territoriale. Afin déviter tout chevauchement, celle-ci se substitue aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale ou interdépartementale existant dans son ressort pour lexercice des compétences énumérées par la proposition de loi. Ces compétences sont partagées entre compétences obligatoires et compétences facultatives, librement transférées par les conseils municipaux des communes concernées. Les compétences obligatoires du Haut Conseil sont les suivantes : û lenvironnement : lutte contre la pollution des eaux et de lair, lutte contre le bruit, assainissement, adduction et distribution de leau, traitement et élimination des déchets et des ordures ménagères ; û lorganisation des transports urbains : conception des plans de déplacement et de transports urbains et participation au financement. Le Haut Conseil pourra également se voir déléguer des compétences avec laccord des deux tiers des conseils municipaux concernés dans les domaines suivants : û laménagement de lespace : élaboration des schémas directeurs et des schémas de secteur prévus par le code de lurbanisme ; û la politique du logement : élaboration de programmes locaux de lhabitat et éventuellement construction et gestion dun établissement public foncier et dun office public dhabitation à loyers modérés ; û la politique de la ville ; û le développement économique : gestion des zones dactivité, des infrastructures portuaires et aéroportuaires, définition dactions de développement ; û laction socio-culturelle : construction, aménagement, entretien et gestion déquipements socio-culturels ; û la gestion de services dintérêt collectif : cimetières, abattoirs, marchés ; û la voirie et la signalisation ainsi que les parcs de stationnement. En outre, les communes peuvent décider de transférer des compétences complémentaires à la nouvelle collectivité sous réserve de lapprobation de lassemblée du Haut Conseil et dune majorité qualifiée des conseils municipaux des communes concernées. Des conventions peuvent enfin être passées entre la nouvelle collectivité et les communes et départements qui souhaiteraient lassistance du Haut Conseil en vue de la réalisation dun projet entrant dans ses compétences. En dehors des compétences liées à lenvironnement et au transport qui constituent le cur des attributions de la nouvelle collectivité, la souplesse prévaut puisque le transfert de compétences ne peut se faire que dans une logique fédérative, cest-à-dire avec laccord des communes concernées. Cette démarche pragmatique doit donc permettre de résoudre les problèmes les plus urgents de lagglomération parisienne en remédiant à labsence dinstance décisionnelle pertinente en matière de transports urbains et de lutte contre la pollution. C. UNE ORGANISATION DÉMOCRATIQUE ET EFFICACE Les articles 12 à 14 de la proposition de loi définissent les organes de la nouvelle collectivité territoriale : celle-ci est administrée par une assemblée élue au suffrage universel direct et dirigée par un exécutif collégial, le bureau du Haut conseil. Le Haut Conseil est administré par une assemblée de 251 conseillers élus au suffrage universel direct. La durée de leur mandat est identique à celle des conseillers municipaux, cest-à-dire six ans renouvelables. Chaque département dispose dun nombre de sièges proportionnel à sa population, les conseillers parisiens étant pour leur part élus dans le cadre de larrondissement. Cette élection au suffrage universel direct se fait selon le scrutin proportionnel à la plus forte moyenne, en vue de garantir la pluralité de la représentation dans lassemblée de la nouvelle collectivité. Ce système vise à donner une légitimité forte à la nouvelle institution décentralisée tout en améliorant la prise en compte des aspirations de la population parisienne sur les aspects les plus sensibles de la politique de lagglomération. Lassemblée délibérante désigne un exécutif collégial, le bureau du Haut conseil, organiquement distinct de lassemblée. Il est composé dun président et dun nombre de vice-présidents compris entre 8 et 20. En outre, larticle 21 de la proposition de loi prévoit quau moment de la désignation du bureau, lassemblée élit vingt-cinq grands électeurs qui participent dans leur département à lélection des sénateurs: il est en effet logique que cette nouvelle collectivité territoriale participe à lélection des sénateurs, conformément aux dispositions de larticle 24 de la Constitution. Enfin, les articles 15 à 17 définissent les moyens humains dont dispose le Haut Conseil pour exercer les compétences qui lui sont attribuées par la loi. Tout transfert de compétences des communes vers le Haut Conseil doit en effet saccompagner dun transfert de personnels selon des modalités définies par voie conventionnelle entre les collectivités intéressées. Le statut des personnels de la nouvelle collectivité sera défini ultérieurement par voie réglementaire. Dans lintervalle, les dispositions statutaires de la fonction publique territoriale sappliquent. D. DES RESSOURCES À LA HAUTEUR DES ENJEUX Définies par les articles 18 à 20 de la proposition de loi, les ressources du Haut conseil de lagglomération parisienne doivent lui permettre dexercer pleinement les compétences qui lui sont transférées tout en améliorant la solidarité au sein de lagglomération parisienne. A cette fin, la nouvelle collectivité perçoit la taxe professionnelle selon les dispositions de larticle 1609 nonies C du code général des impôts : elle bénéficiera ainsi dune ressource abondante quelle percevra selon un taux unique sur lensemble du territoire de son ressort. L'institution d'une taxe professionnelle unique à léchelle de lagglomération parisienne constitue une disposition essentielle dans la mesure où les fortes inégalités de richesse au sein de la région ne sont aujourdhui que très imparfaitement corrigés par les mécanismes dattribution de la dotation globale de fonctionnement ou par la redistribution opérée au titre du fonds de péréquation de lIle-de-France. La nouvelle collectivité se substituant aux communes et aux départements pour la perception du produit de la taxe professionnelle unique, une commission locale dévaluation des charges est instituée en vue de définir le montant du produit de cet impôt local direct restant acquis au Haut Conseil. Par ailleurs, le Haut Conseil compte parmi ses ressources le produit de la redevance sur les bureaux construits sur son territoire, les taxes perçues en cas de dépassement du coefficient doccupation des sols, ainsi que le produit de la taxe sur les logements et locaux vacants situés sur son territoire. Lensemble de ces moyens financiers doit donc permettre à la nouvelle collectivité de financer les compétences qui lui sont transférées en sinspirant des dispositions applicables dans certaines structures intercommunales à fiscalité propre : la mutualisation de la fiscalité constitue dans ce cadre un facteur de péréquation essentiel en vue de promouvoir la solidarité et de financer des politiques dagglomération ambitieuses. * * * Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale. M. Robert Pandraud sest, à titre liminaire, déclaré résolument hostile à la proposition de loi déposée par M. Georges Sarre quil a jugée réactionnaire, au sens premier de ce terme. Il a fait observer, en effet, qu'elle n'avait d'autre objet que de reconstituer lancien département de la Seine, alors même que cette organisation territoriale se traduisait par des transferts de charges entre Paris et les communes de la proche banlieue au détriment de ces dernières. Il a ensuite insisté sur linadéquation du périmètre proposé, précisant que certaines communes de la grande couronne appartenaient, en réalité, à lagglomération parisienne. Evoquant l'articulation difficile qu'il pourrait y avoir entre la nouvelle collectivité et la région Ile-de-France, il a ensuite souligné que la mise en uvre de la proposition conduirait à une multiplication de structures administratives, aggravant ainsi le manque de lisibilité de lorganisation territoriale de la région parisienne et générant de nouvelles créations demplois administratifs. Tout en admettant lexistence dun problème de répartition de compétences entre les différentes collectivités et établissements publics dIle-de-France et reconnaissant que la représentativité de certaines structures, tel que le syndicat des transports parisiens, pourrait être améliorée, par exemple en plaçant celui-ci sous lautorité de la Région Ile-de-France, il a déploré que, contrairement à son objectif, la proposition de loi ne permette pas de mettre en place une structure fédératrice adaptée à lagglomération parisienne. Estimant que les problèmes soulevés par la proposition de loi ne concernaient pas seulement les habitants de la région parisienne, M. Christophe Caresche a insisté sur le fait que celle-ci mettait néanmoins laccent sur les inégalités, notamment fiscales, existant entre les différents territoires composant la région capitale. A cet égard, il a regretté que la ville de Paris nait pas été capable de mettre en uvre une véritable politique douverture vis à vis des communes limitrophes, tout en reconnaissant que ces dernières avaient pu, dans certains cas, être dissuadées de coopérer avec Paris compte tenu de leur différence de taille par rapport à la capitale. De ce point de vue, il a souligné que les propositions figurant dans le texte élaboré par M. Georges Sarre ne seraient valides que si toutes les communes concernées donnaient leur accord à la création de la nouvelle collectivité. Après avoir estimé que le texte proposé à la commission constituait une première étape de réflexion, il fait valoir quen tout état de cause, lEtat devrait conserver un rôle important dans la région, à linstar de celui quil joue actuellement de manière positive au sein du syndicat des transports parisiens ou lors de lélaboration du schéma directeur régional. Il a, par ailleurs, constaté que, dores et déjà, les organes de coopération, et notamment la région, avaient une action importante en matière de transports, tout en reconnaissant que les départements constituaient le maillon faible de cet édifice. Il a enfin douté de la validité du périmètre proposé pour la nouvelle collectivité, soulignant que laire de lagglomération parisienne allait au-delà de celle représentée par la ville de Paris et les départements de la petite couronne. M. Jean Tiberi a estimé que la proposition de loi sinscrivait dans une logique daffaiblissement de la Ville de Paris, et plus précisément de la Mairie de Paris, faisant suite aux tentatives de transférer une partie de ses compétences vers les mairies darrondissement. Après avoir rappelé que la gestion de lIle-de-France relevait dores et déjà de la région, des départements, des communes, des syndicats intercommunaux et interdépartementaux, de la préfecture de police et du syndicat des transports parisiens, il a considéré que la création dune nouvelle collectivité territoriale serait une source supplémentaire de complexité sans valeur ajoutée pour les habitants. Par ailleurs, il a estimé que la création du Haut Conseil de lagglomération parisienne entraînerait inéluctablement un accroissement de la pression fiscale sur les Parisiens, susciterait dinnombrables problèmes de transferts de compétences et serait source de dépenses supplémentaires induites par la création de nouvelles fonctions délus et le recrutement de nouveaux personnels. M. Jacky Darne a estimé que la proposition de loi résultait du constat du mauvais fonctionnement de lagglomération parisienne. Partageant lanalyse selon laquelle tous les problèmes ne peuvent pas se résoudre dans le cadre dune seule commune, il a rappelé que le projet de loi relatif à lintercommunalité encourageait au dépassement du cadre communal, en favorisant la solidarité par des moyens de financement adéquats. Il a rappelé que, sur cette base, le Gouvernement avait choisi de favoriser la coopération et, par là même, la contractualisation et la négociation entre collectivités, et non la création de nouvelles collectivités qui engendrerait inévitablement des conflits de légitimité. Par ailleurs, il a considéré que la création dun Haut Conseil de lagglomération parisienne reviendrait à mettre en cause le rôle de la région, alors qua lévidence la réalisation de certaines infrastructures doit dépasser le cadre départemental. Par ailleurs, il a considéré que les actions de coopération naissantes entre communes, pour favoriser une politique de logement social ou le développement économique, seraient annihilées par la création dun Haut Conseil de lagglomération parisienne. Estimant donc quil convenait de favoriser les structures de concertation et de partenariat, plutôt que de créer une collectivité territoriale supplémentaire en Ile-de-France, il a proposé à la Commission de ne pas présenter de conclusions, afin de laisser ouvert le débat sur un nécessaire renforcement des solidarités au sein de lespace parisien. Mme Nicole Catala a souligné, en préambule, lambiguïté du titre de la proposition de loi, qui fait uniquement référence à linstitution dun Haut Conseil de lagglomération parisienne, alors que cest la création dun nouveau type de collectivité locale qui est proposée et non simplement la mise en place dune nouvelle structure administrative. Estimant que la proposition de loi, en imposant aux communes de lagglomération parisienne un cadre juridique unique, était contraire au principe de la libre administration des communes, elle a, par ailleurs, indiqué quelle ne partageait pas lanalyse faite par M. Georges Sarre des dysfonctionnements de lagglomération parisienne, soulignant quils étaient plutôt le résultat de léchec de la politique de la ville et dune insuffisante efficacité des services de lEtat en Ile-de-France. Reprenant les propos de M. Christophe Caresche sur la nécessaire redistribution des richesses entre communes de lagglomération parisienne, Mme Nicole Catala a constaté que la responsabilité de cette redistribution incombait à lEtat et quil lui revenait, dès lors, de mieux répartir les fonds prélevés sur les communes et notamment sur Paris. Craignant que le dispositif proposé par M. Georges Sarre nentraîne lapparition d'une région et de départements aux compétences restreintes, ayant pour conséquence des disparités au sein même de lIle-de-France entre les départements relevant du Haut Conseil et ceux, extérieurs à ce groupement, jouissant de leurs pleines compétences, Mme Nicole Catala sest élevée contre la création dune structure qui viendrait sajouter aux multiples structures existantes. Reprenant les propos de Mme Nicole Catala, M. Robert Pandraud a souligné que lopposition quil avait précédemment exprimée sur la proposition de loi de M. Georges Sarre reposait sur des motifs tout autres que ceux des élus de Paris, regrettant au contraire que le sort de la banlieue parisienne ne soit pas mieux pris en compte dans le dispositif proposé. Rappelant que les tentatives de réformes en la matière sétaient trop souvent traduites par la création de multiples commissions qui navaient jamais abouti à des propositions concrètes, il a estimé que le statu quo était, à tout prendre, préférable. Sétonnant que la Commission choisisse, à linitiative de M. Jacky Darne, de ne pas conclure sur une proposition dune telle importance, il a indiqué quil préférerait que la Commission engage sur cette question une réflexion approfondie en procédant à laudition des personnalités compétentes avant de se prononcer sur le dispositif proposé. Rappelant que ce texte, dorigine parlementaire, était inscrit à lordre du jour de lAssemblée sur proposition dun groupe, Mme Christine Lazerges a fait valoir quil nétait pas possible de poursuivre les travaux de la Commission, comme le suggérait M. Robert Pandraud. Prenant la parole en application de l'article 38, alinéa 1er, du Règlement, M. Georges Sarre, évoquant les propos de M. Robert Pandraud sur le caractère « réactionnaire » de sa démarche, a précisé quelle sinscrivait effectivement en réaction contre une situation qui lui paraissait inacceptable ; dans cette optique, il a considéré quil nétait pas souhaitable de maintenir le statu quo comme venait de le suggérer M. Robert Pandraud, mais quil convenait, au contraire, de lutter contre limmobilisme. Relevant les propos de Mme Nicole Catala sur le constat déchec de la politique de la ville, il a estimé que cette analyse nétait pas suffisante et quelle conduisait nécessairement à réfléchir à une plus grande décentralisation en Ile-de-France, sans pour autant que les propositions faites en la matière ne soient continuellement perçues par les élus parisiens comme des attaques dirigées contre la capitale. Evoquant les propos de M. Jacky Darne sur les regroupements de communes amorcés en Ile-de-France, il a constaté que lampleur de ces regroupements restait limitée par le souci des communes de préserver leurs richesses ou leurs privilèges. Considérant que les difficultés de lagglomération parisienne ne pourraient se résoudre quà partir dune conception densemble de lIle-de-France reposant sur une analyse en terme de liens de solidarités, M. Georges Sarre s'est élevé contre une interprétation purement politique de sa proposition de loi, dont il a précisé quelle ne visait pas à réduire les pouvoirs du maire de Paris. Prenant l'exemple de la crise des bureaux en Ile-de-France qui a révélé un manque patent de concertation entre les maires des différentes communes, il a estimé que sa proposition permettrait de mieux anticiper les problèmes qui se posent dans toutes les grandes agglomérations. Il a enfin conclu que son objectif nétait nullement de revenir à l'ancienne organisation de l'Ile-de-France partagée entre le département de la Seine et ceux de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise. En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes. û Le débat sur les institutions parisiennes nintéresse pas les seuls élus parisiens, mais lensemble du pays, en raison des enjeux sous-jacents ; û Il ne sagit pas, par cette proposition de loi, d'affaiblir la Ville de Paris, mais de mettre en uvre une réelle solidarité au sein de lagglomération parisienne, alors que le développement de lintercommunalité en Ile-de-France risque de se traduire par une association séparée des communes pauvres et des communes riches ; û La nécessité dune instance supra-communale compétente en matière de transports urbains est notamment justifiée par labsence de transports de nuit efficaces entre Paris et la banlieue, ce qui prive de nombreux jeunes vivant dans la périphérie de la possibilité daller et venir librement dans la capitale ; û Compte tenu de la complexité du sujet et de lintérêt de poursuivre le débat sur lorganisation de lagglomération parisienne, il semble judicieux de ne pas conclure sur la proposition de loi en Commission et de laisser l'Assemblée statuer, en séance publique, en application des dispositions de larticle 94 du Règlement de lAssemblée nationale. A lissue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à lexamen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusion. ___
___________ N° 1529.- Rapport de M. Jean-Pierre Michel (au nom de la commission des lois) sur la proposition de loi (n° 1350) de M. Georges Sarre portant création dune nouvelle collectivité territoriale : le Haut Conseil de lagglomération parisienne. |