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le 12 mai 1999

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N° 1571

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mai 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces (ensemble un protocole additionnel),

PAR M. PATRICK DELNATTE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 5, 158 et T.A. 80 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1426

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser la ratification d'une convention, signée le 1er décembre 1995, entre les Etats membres de l'Alliance atlantique et les Etats participants au Partenariat pour la Paix.

Le Partenariat pour la Paix est une structure de coopération entre les membres de l'Alliance et 25 pays européens qui sont pour la plupart d'anciens membres du Pacte de Varsovie. Il se traduit notamment par des exercices militaires rassemblant des forces militaires des différents membres.

Cette Convention a pour objet de définir le statut juridique de ces forces qu'il s'agisse de leurs privilèges fiscaux ou douaniers, des modalités de règlement des dommages ou des règles régissant la compétence juridictionnelle des Etats dans tel ou tel cas.

Son examen sera aussi l'occasion d'établir un bilan du Partenariat pour la paix.

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Les exercices du Partenariat pour la Paix entraînant le stationnement temporaire de forces militaires multinationales sur le sol d'un Etat, il convenait de définir un régime juridique spécifique.

Le même problème s'est posé lors de la création de l'Alliance en 1949 mais à une plus grande échelle puisque le pacte atlantique inaugurait une politique d'interdépendance militaire en temps de paix qui s'est traduite par la présence sur le territoire de certains Etats de l'alliance de forts contingents alliés. Ces stationnements soulevaient de nombreux problèmes en raison de l'opposition entre la souveraineté nationale de chaque Etat, et de la nécessité pour les autorités des forces d'assurer leur propre discipline et de bénéficier de certaines facilités leur permettant l'exercice de leur mission.

Ces difficultés ne pouvaient se résoudre qu'au moyen d'un accord formel définissant les modalités juridiques de la présence des forces. Tel a été l'objet de la Convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique nord sur les statuts de leurs forces, signée le 19 juin 1951, que l'on appelle communément la Convention "SOFA".

S'agissant des forces du Partenariat, la Convention qui nous est soumise a repris la Convention SOFA, moyennant quelques adaptations.

Si l'on se reporte à la Convention SOFA, trois types de dispositions générales retiennent l'attention.

En premier lieu l'article VII de la Convention SOFA définit un régime spécifique définissant les compétences juridictionnelles respectives entre l'Etat d'accueil de la force et l'Etat d'origine.

Il pose comme principe la juridiction concurrente des deux Etats et précise dans quel cas chaque Etat dispose d'une compétence exclusive, à savoir dans les cas de trahison, sabotage, espionnage, violation du secret d'Etat ou du secret de la défense nationale.

Il précise ensuite les priorités d'exercice du droit de juridiction qui sont rendues nécessaires par l'affirmation de droits concurrents :

- l'Etat d'envoi est prioritaire chaque fois que l'infraction concerne les biens de l'Etat d'origine, un membre de la force ou sa famille ou lorsque l'infraction a été commise en service ;

- l'Etat de séjour est prioritaire dans tous les autres cas.

Par ailleurs, chaque Etat peut demander à l'autre Etat de renoncer à sa priorité.

L'article VIII de la Convention SOFA est consacré au règlement des dommages en distinguant quatre types de dommages.

1°) Chaque Etat renonce à demander un dédommagement lorsque les dommages sont causés aux biens compris dans le matériel affecté aux actions relevant de l'activité de l'Alliance.

2°) Le dédommagement est défini à l'amiable lorsque les dommages sont causés par les forces d'un Etat aux autres biens de l'Etat de séjour. Les Parties peuvent avoir recours à un arbitre dont l'avis est définitif. Une franchise est prévue dans ce cas.

3°) Les dommages causés aux tiers sont instruits et réglés par les autorités de l'Etat de séjour selon ses normes. Le paiement des indemnités est ensuite réparti entre les Etats cause du dommage. Lorsqu'un seul Etat est en cause, l'Etat de séjour garde la charge de 25% de l'indemnité.

4°) Les demandes d'indemnité contre un membre des forces agissant en dehors du service sont instruites par les autorités de l'Etat de séjour qui saisit ensuite l'Etat d'origine.

La Convention SOFA traite des questions fiscales et douanières.

Les membres d'une force sont dispensés des formalités de passeport et de visa et du régime relatif à l'entrée et au séjour des étrangers.

La Convention permet d'éviter la double imposition mais ne dispense pas du paiement des autres impôts et taxes dans l'Etat de séjour.

Elle prévoit des exonérations de droits de douanes pour les importations temporaires liées au séjour des forces et de son personnel et leur réexportation dans les mêmes conditions. Elle prévoit, pour les unités, les conditions de franchissement des frontières et des exonérations de taxes sur les carburants et les lubrifiants.

Ces dispositions sont transposées aux forces du Partenariat. La Convention prévoit cependant un aménagement de la Convention SOFA.

Il fallait prévoir en effet un régime spécifique pour les litiges d'interprétation de la Convention SOFA. Cette dernière dispose que ces litiges, lorsqu'ils ne peuvent être tranchés par la négociation directe, doivent être portés devant le Conseil de l'Atlantique Nord. Un tel mécanisme ne pouvait être transposé au Partenariat puisque les Etats partenaires ne sont pas membres du Conseil de l'Atlantique Nord. Aussi, la présente Convention prévoit-elle que les litiges seront réglés par la négociation sans recours à une juridiction extérieure.

La présente Convention prévoit également qu'elle pourra être complétée par des accords bilatéraux.

Cette disposition permettra à la France de poursuivre les négociations en cours d'achèvement avec la Pologne, la République tchèque et la Roumanie.

Enfin, un protocole additionnel à la Convention exclut l'application de la peine de mort lorsque le membre d'une force ou l'un de ses éléments civils est jugé par une juridiction de l'Etat de séjour.

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Comme il a été dit, le Partenariat pour la paix a pour traduction concrète la mise en _uvre d'une coopération militaire entre l'Alliance et chacun des partenaires.

Chaque partenaire a ainsi conclu un programme individuel de partenariat et participe à la structure institutionnelle du Partenariat : le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), le Comité directeur politico-militaire, le comité militaire et la cellule de coordination du partenariat. Par ailleurs, en 1997, neuf éléments d'Etat-major du Partenariat ont été créés au sein de l'Etat-major international. Des officiers de treize pays partenaires ont été désignés pour occuper des fonctions d'état-major opérationnel dans un cadre multinational.

Par ailleurs, le Partenariat se traduit par des activités d'entraînement sous forme d'exercices militaires ou de séminaires de préparation. Les exercices, notamment, peuvent rassembler jusqu'à un millier d'hommes provenant d'une vingtaine de pays. La France participe à ces activités mais à un rythme encore faible, dû notamment à son absence de l'organisation militaire intégrée.

Cette coopération est certainement une bonne méthode de préparation à l'adhésion à l'OTAN. Elle a aussi un intérêt opérationnel car les partenaires peuvent être conduits à participer à des opérations de maintien de la paix avec des pays de l'Alliance.

Mais le bilan du Partenariat doit surtout s'apprécier en fonction de la problématique de l'élargissement.

Le Partenariat pour la paix rassemble des pays qui ont pour point commun d'appartenir au continent européen, des frontières de l'OTAN aux confins de l'Asie centrale. Mais comme l'indique le tableau ci-dessous, ces Etats sont dans des situations stratégiques et ont des politiques de défense diverses.

Liste des Partenaires pour la paix (25)

· 9 pays candidats à l'adhésion à l'OTAN

Albanie Bulgarie Estonie

Lettonie Lituanie Macédoine

Roumanie Slovaquie Slovénie

· 12 pays de la CEI

Arménie Azerbaïdjan Biélorussie

Géorgie Kazakhstan Moldavie

Ouzbékistan Kirghizstan Russie

Tadjikistan Turkménistan Ukraine

· 4 pays neutres de l'Europe de l'Ouest

Autriche Finlande Suède

Suisse

Lorsque le Partenariat a été proposé, en 1994, il apparaissait comme une sorte de lot de consolation offert aux pays d'Europe de l'Est par une Alliance atlantique qui n'entendait pas ouvrir ses portes trop vite, et comme un cadre de coopération politique et militaire pour les pays de la CEI et les pays européens non membres de l'OTAN en raison de leur neutralité.

Par la suite, les Alliés, et singulièrement les Etats-Unis, ont changé de politique, ce qui a permis à la Hongrie, à la Pologne et à la République tchèque d'entrer dans l'Alliance en avril 1999.

Cette décision se justifiait par la nature des trois nouveaux membres : des Etats qui ont réglé leurs problèmes de frontières ou de minorités, des Etats démocratiques et stables, qui ont par ailleurs bien avancé sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne.

Elle n'en posait pas moins deux questions difficiles : comment traiter les autres candidats à l'adhésion et quelle forme de coopération proposer aux autres Etats du continent ? Autrement dit : comment ne pas donner le sentiment aux "recalés" que l'Alliance les rejetait et comment apaiser le ressentiment - voire l'inquiétude - de la Russie face à une avancée vers l'Est de la "frontière" de l'Alliance ?

Le renforcement du Partenariat pour la paix a été l'une des réponses que l'Alliance a apportées à ces deux questions. Le renforcement décidé à Cintra, le 30 mai 1997, a ainsi intensifié les consultations politiques, voire les relations directes avec l'Alliance ; défini un rôle plus opérationnel pour les activités du Partenariat et associé davantage les partenaires aux décisions et à la planification opérationnelle. Par ailleurs, la Russie a conclu une Charte avec l'Alliance qui lui donne un statut particulier au sein du Partenariat.

Ces initiatives ont été assorties d'une série d'engagements. Au sommet de Madrid, l'Alliance a affirmé que sa porte restait ouverte et a cité en particulier la Roumanie, la Slovénie et les Etats baltes. Vis-à-vis de la Russie, l'Alliance s'est engagée à ne pas déployer d'armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres et à limiter au minimum la présence de forces militaires permanentes. D'autre part, dans la renégociation du Traité sur les forces conventionnelles en Europe, il a été admis que les effets de l'élargissement seraient pris en compte.

Force est de constater que cet ensemble de dispositions a été fortement ébranlé par la crise du Kosovo.

En premier lieu, le Partenariat pour la paix ne constitue pas une structure suffisante pour conforter la stabilité des pays d'Europe centrale et orientale et balkanique lorsque ceux-ci sont confrontés à une situation de crise. Les réactions de la Macédoine sont la meilleure illustration de ce constat. Ce pays fragile et peu armé s'est trouvé en première ligne lorsque l'OTAN a engagé son action. Solidaire de l'Alliance, il a subi de plein fouet un afflux massif de réfugiés et a eu le sentiment que l'Alliance n'avait pas pris en considération ses intérêts. La Macédoine dont la capitale - Skopje - est dominée par les montagnes du Kosovo comme Sarajevo par le Mont Igman, ne pouvait se satisfaire des simples consultations politiques du Partenariat. Aussi, les Alliés, à l'occasion du Sommet de Washington d'avril 1999, ont dû s'engager formellement à garantir sa sécurité.

Aussi, les Alliés, à l'occasion du Sommet de Washington, se sont engagés à garantir la sécurité des Etats de la région impliqués par les opérations de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie. Par ailleurs, l'OTAN a réaffirmé que sa porte restait ouverte et a salué les efforts des neuf candidats pour améliorer leur coopération avec l'OTAN.

En second lieu, l'engagement de l'OTAN a eu pour conséquence la décision de la Russie de suspendre sa coopération avec l'Alliance atlantique. La Russie ne pouvait laisser passer sans réagir un engagement militaire de l'OTAN qui n'avait pas obtenu l'aval explicite du Conseil de Sécurité. Cette décision, cependant, reste plutôt symbolique. Elle s'est traduite concrètement par le départ du représentant russe à l'OTAN. En revanche, les Russes n'ont pas remis en cause leur participation à la SFOR.

Ces derniers développements indiquent que le Partenariat pour la paix ne pourra, à lui seul, garantir la stabilité du continent européen. Pour autant, on ne peut dédaigner la coopération qu'il instaure.

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Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 4 mai 1999.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana s'est étonné que ce texte, signé en décembre 1995, n'ait pas été soumis plus tôt au Parlement.

Mme Marie-Hélène Aubert s'est demandé si le Partenariat pour la paix était bien adapté à la situation créée par les derniers événements qui conduisaient à s'interroger sur l'articulation entre l'OTAN et l'Union européenne.

M. Jean-Claude Lefort a souligné le paradoxe entre l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam et les événements actuels qui devraient conduire l'Europe à s'affranchir de la tutelle américaine. Le Partenariat pour la paix constitue-t-il un progrès dans le cheminement de la politique européenne de sécurité commune ?

M. Pierre Lequiller a regretté le long délai entre la signature de cette convention et sa ratification qui paraît plus que jamais nécessaire compte tenu des événements. Par ailleurs, l'adhésion des PECO à l'OTAN doit être accélérée.

M. François Loncle a estimé que les événements illustraient la nécessité d'un rééquilibrage entre les pays européens et les Etats-Unis. Or, le Partenariat pour la paix vise à ce que les pays de l'ancien pacte de Varsovie soient davantage attirés par l'OTAN que par l'Union européenne.

M. Patrick Delnatte a répondu que la Convention avait un but essentiellement technique : définir le statut juridique des forces participant aux activités du Partenariat pour la paix. Par ailleurs, le Partenariat marque un progrès certain par rapport à l'époque où le continent européen était divisé. Il renforce le poids de l'Europe au sein de l'Alliance et ouvre celle-ci à tous les pays européens, y compris la Russie. Il est naturel que les pays de l'ancien pacte de Varsovie se tournent vers l'OTAN.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1426).

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1426).

N° 1571. - RAPPORT de M. Patrick DELNATTE (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1426), autorisant la ratification de la convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces (ensemble un protocole additionnel).


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