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le 8 juin 1999

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N° 1674

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 1999.

AVIS

prÉsentÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, REJETÉE PAR LE SÉNAT EN DEUXIÈME LECTURE, relative au pacte civil de solidarité,

PAR M. Patrick BLOCHE,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Assemblée nationale :

1ère lecture : 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138, 1143 et T.A. 207.

2e lecture : 1479, 1482, 1483 et T.A. 278.

Nouvelle lecture : 1587.

Sénat :

1ère lecture : 108, 258, 261 et T.A. 100 (1998-1999).

2e lecture : 310, 335 et T.A. 116 (1998-1999).

Droit civil.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial,  Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Daniel Marsin, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

- Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture 5

- L'examen du texte par le Sénat en deuxième lecture 6

- La naissance d'un nouveau cadre pour le couple 6

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

INTRODUCTION

Le Sénat ayant adopté une motion opposant la question préalable à la délibération de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, lors de son examen en deuxième lecture le 11 mai dernier, et la commission mixte paritaire, réunie le 18 mai n'étant pas, sur de telles bases, parvenue à un accord, l'Assemblée nationale se trouve dans la situation, assez peu fréquente, d'avoir à examiner, en nouvelle lecture, le texte déjà adopté par elle en deuxième lecture.

- Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Le rapport de deuxième lecture a commenté, dans ses grandes lignes, le texte relatif au pacte civil de solidarité dans la forme proposée par les amendements des rapporteurs des commissions des lois et des affaires culturelles, familiales et sociales, adoptés en commission, qui le rétablissaient après sa transformation radicale par le Sénat.

Quelques modifications supplémentaires ont cependant été apportées en séance publique qu'il convient de rappeler.

S'agissant de la définition même du pacte civil de solidarité, (article 1er de la proposition), et sur proposition du Gouvernement, des rédactions plus précises des articles 515-3 (modalités d'enregistrement du pacte), 515-5 (régime des biens acquis postérieurement à la conclusion du pacte), 515-6 (conditions de l'attribution préférentielle) ont été adoptées.

Le dispositif du pacte a également été complété par deux mesures à caractère social. La première, d'origine gouvernementale, permet au partenaire survivant du pacte civil de solidarité de bénéficier des mêmes droits que le conjoint survivant pour l'attribution du capital-décès (article 5 bis A). La seconde, d'initiative communiste, améliore les conditions de mutation des fonctionnaires liés par un pacte (article 8).

- L'examen du texte par le Sénat en deuxième lecture

Le débat qui a précédé l'adoption de la question préalable au Sénat présente une synthèse assez complète des positions développées depuis le début de l'examen de la proposition de loi par le Parlement. La majorité sénatoriale a réaffirmé, à travers les interventions de ses deux rapporteurs comme de ses orateurs, son opposition radicale au principe même du pacte civil de solidarité.

La minorité a, en revanche, rappelé son attachement à un texte qui constitue, pour M. Jean-Pierre Bel, un progrès irréversible, par lequel la représentation nationale se rapproche des aspirations des citoyens à une meilleure protection de leur vie privée, plutôt qu'à un cours de morale. Il a également fait remarquer que le texte était déjà, largement, entré dans les m_urs, étant assimilé avant même son adoption. Mme Dinah Derycke a, quant à elle, souligné que pour la majorité des sénateurs, la reconnaissance du couple homosexuel semble rester le problème majeur posé par la proposition de loi, précisément parce que celle-ci a pour objectif d'adapter le droit à l'évolution des m_urs tout en mettant fin aux injustices et aux discriminations qui persistaient. Il paraît en effet nécessaire que face à la précarisation des situations, un texte soit à même de favoriser la stabilité des unions et la solidarité entre deux personnes et cela quel que soit leur sexe. Elle a réaffirmé la place dans le droit positif d'un droit nouveau, d'un choix supplémentaire, d'une liberté nouvelle entre le mariage et le concubinage.

Partageant ces analyses, le rapporteur souhaite réaffirmer sa conviction que cet effort de créativité juridique, matérialisé par le long parcours qui a conduit du contrat d'union civil au pacte civil de solidarité, doit permettre l'émergence d'un nouveau lien social.

- La naissance d'un nouveau cadre pour le couple

Le texte avait pour objectif de parachever un processus qui, depuis la Révolution française jusqu'aux lois du début des années 80, a progressivement, malgré des périodes de recul à des moments souvent sombres de notre histoire, définitivement fait de l'orientation sexuelle de chacun une affaire privée, au même titre que les opinions politiques ou religieuses. La levée de toute discrimination individuelle, consacrant le principe de libre disposition de son corps, conduisait, inéluctablement, à poser la question des discriminations touchant les couples. De reconnaissance récente, hors du mariage, ils restent marqués par une tolérance chèrement acquise et une absence presque totale de droits. On ne reviendra pas, en particulier, sur les difficultés de tous ordres rencontrées par le survivant d'un couple non marié.

Il pouvait sembler que cette aspiration d'une large majorité de la population à voir mieux prises en compte les conséquences des disparités existant entre couples mariés et non mariés, quelles que soient les raisons de ce non-mariage, rencontrerait un assentiment au moins aussi large chez le législateur. Le temps écoulé entre les premières études du groupe de travail réuni autour de MM. Pouliquen, Bach-Ignasse, Dutey, Legret et de Mme Renaud et le débat actuel, comme la vigueur aussi surprenante qu'inattendue des propos tenus, depuis le mois d'octobre, en séance comme dans les médias, par les opposants au pacte civil de solidarité montrent qu'il n'en a rien été.

Par ailleurs, l'homosexualité, sujet largement tabou jusqu'à peu, est désormais présente dans le débat public. Ce changement essentiel montre la capacité de notre société à s'affranchir de certains de ses conservatismes et à progresser sur le chemin de l'égalité des droits en rompant des silences souvent coupables et toujours discriminatoires.

Le mérite revient au Gouvernement et à sa majorité d'avoir fermement défendu le droit, pour des parlementaires, de proposer une construction juridique nouvelle. On ne peut, à cet égard, que regretter qu'après plus de deux siècles de pratique parlementaire, certains législateurs ne se fixent plus comme objectif que l'adaptation ou la modernisation de modèles existants.

Le texte de la proposition de loi propose un contrat d'un type nouveau pour le couple, renforce les solidarités possibles tout en levant les discriminations pesant sur le concubinage, qui ne pouvait être, jurisprudentiellement, qu'hétérosexuel. De portée générale, il s'oppose aux tentations de repli communautaire et contribue ainsi à renforcer la conception républicaine de l'écriture des lois.

Le rapporteur, enfin, ne peut que se réjouir de la prise en compte, à différentes étapes de la procédure et sous des formes adaptées, des préoccupations réaffirmées de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, tant en matière de logement que de sécurité sociale ou de droit du travail.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, pour avis, la proposition de loi, rejetée par le Sénat en deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité - n° 1587, au cours de sa séance du jeudi 3 juin 1999.

Le rapporteur pour avis a rappelé que l'adoption d'une question préalable par le Sénat faisait de nouveau porter la discussion sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Il a cependant souhaité apporter des éléments de réponse aux arguments développés par le Sénat dans sa motion de procédure.

Le mariage constituerait une institution menacée. Tel n'est pas l'esprit du texte, le mariage reste une institution de référence, fondatrice, mais qui doit prendre en compte l'évolution de la société et des modes de vie. Le législateur doit savoir faire _uvre de création juridique.

Le texte menacerait également la filiation. On ne peut négliger le fait que près de cinq millions de nos concitoyens vivent en couple sans avoir fait le choix de l'institution matrimoniale et que 40 % des enfants (52 % pour les premiers nés) naissent actuellement hors mariage.

Le PACS constitue effectivement une création juridique, or toutes les critiques formulées à son encontre le sont au travers du prisme du mariage ou du concubinage. C'est un contrat qui suppose la prise d'un engagement de stabilité et de continuité.

S'agissant des conditions d'examen du texte, on ne peut que se réjouir que la deuxième lecture ait permis un examen moins polémique de la proposition de loi. Par ailleurs la critique fréquemment faite sur le rôle insuffisant des experts lors de son élaboration est contredite par l'ancienneté du débat public qui remonte à huit ans et dans lequel les spécialistes et les juristes qui l'ont souhaité, ont pu prendre toute leur place. Enfin, il arrive un moment où l'inflation des groupes de travail par ce qu'elle montre d'incapacité à résoudre un problème, conduit à l'immobilisme. Or, les questions soulevées méritent une réponse nette du législateur qui ne saurait l'attendre des juges et des experts.

La définition proposée par le Sénat de la notion de concubinage, en première lecture, ne pouvait être jugée qu'insuffisante. Le PACS conserve toute son utilité, le concubinage restant une union de fait. Il est souhaitable, en outre, sur ce point également, d'en rester à la définition proposée par l'Assemblée nationale, la constatation du concubinage qui ne peut concerner que les personnes qui vivent en couple étant, en effet, préférable à l'attestation.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jean-François Mattéi s'est, lui aussi, réjoui du climat plus serein qui a entouré la deuxième lecture mais a, cependant, regretté qu'une proposition de loi modifiant profondément notre société n'ait pas fait l'objet d'une commission spéciale permettant d'associer tous les députés et, en se donnant du temps, de rapprocher les points de vue. La méthode employée n'a pas été la bonne. Il serait bon que les rapporteurs et présidents de commissions saisies aient l'honnêteté de le reconnaître.

Mme Christine Boutin a déclaré que les conditions particulières d'examen du texte en deuxième lecture ne se prêtaient guère à un affrontement. Cependant il ne faudrait pas assimiler l'attitude des opposants au texte à une moindre pugnacité. La deuxième lecture avait d'ailleurs donné lieu au dépôt de nombreux amendements dont beaucoup pourraient être repris lors de la présente lecture.

M. Germain Gengenwin, rappelant que le rapporteur avait marqué son refus d'un gouvernement des juges et des experts, a évoqué les effets des décisions judiciaires en matière de divorce, dont les parlementaires ont souvent à connaître. Alors que les enfants sont déjà déstabilisés par le divorce de leurs parents, le PACS va entraîner une dislocation accrue de la société. On ne peut se borner à dire que le PACS serait conforme à l'esprit du temps, alors qu'il risque de provoquer de profonds dégâts dans la société française. Il n'est en outre pas bon de supprimer du mariage tout aspect religieux, présent dans le christianisme mais aussi dans les autres religions.

M. Jean-Paul Durieux, vice-président, a noté qu'une approche des problèmes le plus en amont possible est à rechercher pour les travaux parlementaires et qu'une maturation des solutions n'est jamais du temps perdu.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a formulé les observations suivantes :

- Dans ce débat, chacun apporte sa propre vision de la société ; même si nous sommes dans un Etat laïc, l'objet premier du PACS n'est pas de renforcer les institutions laïques en France.

- En matière de divorce, les juges interviennent de par leur fonction, ils n'ont pas, en revanche, à se substituer au législateur, qui tire du suffrage universel sa légitimité.

- Le PACS a une dimension sociale, qui a justifié la saisine pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a d'ailleurs voté des amendements renforçant cet aspect de la proposition de loi. Le PACS tend à contractualiser la solidarité entre deux personnes qui choisissent d'organiser leur vie commune autour d'un ensemble de droits et d'obligations. C'est pourquoi il n'est pas souhaitable de l'abandonner au profit du concubinage, qui demeure une union de fait. Concubinage et PACS ne sont pas exclusifs, puisque le concubinage n'équivaut pas à un engagement contractuel global enregistré par une autorité administrative, alors que le PACS crée un lien social entre deux personnes.

- Le texte sur lequel l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer est celui qu'elle a adopté en deuxième lecture, sans modifications. Dans ces conditions, si les amendements déposés en nouvelle lecture par l'opposition sont identiques à ceux qui ont été examinés en deuxième lecture, il serait opportun que leurs auteurs opèrent une certaine sélection afin de faire mieux apparaître les clivages essentiels.

- Il est exact qu'il y a eu un changement de climat d'une lecture à l'autre, cela tient en partie au fait que les termes du débat ont évolué.

- La proposition d'une commission spéciale n'a jamais été formulée avant l'automne 1998, période où le PACS a fait l'objet de polémiques, alors que ce projet figure depuis longtemps dans le débat public et parlementaire, puisque la première proposition de loi sur le contrat d'union civile remonte à 1992. Si cette proposition est importante, notamment pour les couples homosexuels, l'ampleur du débat qu'elle a suscité a été, cependant, un peu inattendue.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption sans modification de la proposition de loi n° 1587.

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N° 1674.- Avis de M. Patrick Bloche (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de loi, rejetée par le Sénat en deuxième lecture, relative au pacte civil de solidarité.


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