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le 9 juillet 1999

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N° 1755

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juin 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil,

PAR M. ANDRÉ BOREL,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 204, 313 et T.A. 99 (1997-1998)

Assemblée nationale : 784

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Jean-Claude Decagny, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée le 28 mai 1996. Le projet de loi a été adopté par le Sénat le 25 mars 1998.

Le Brésil et la France avaient déjà signé le 30 janvier 1981 une convention d'entraide judiciaire en matière civile, commerciale, sociale et administrative, mais son application s'était révélée problématique. La Convention de 1996, qui abroge la convention de 1981, constitue donc un instrument plus opérationnel.

Avant d'examiner ce texte d'une facture classique, votre Rapporteur évoquera brièvement l'évolution du Brésil et l'état de ses relations avec la France, ainsi que les difficultés soulevées par l'application de la convention de 1981.

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L'évolution récente du Brésil est placée sous le signe du renouveau

· Le Brésil revient à la démocratie en 1985 et se dote d'un régime présidentiel avec la Constitution du 5 octobre 1988. Cependant, malgré ses nouvelles institutions, il ne parvient pas à trouver la stabilité politique. Le premier Président élu au suffrage universel, M. Fernando Collor, doit démissionner en 1992 car il est accusé de corruption. Son successeur, M. Itamar Franco est incapable d'enrayer la succession de crises gouvernementales que connaît le Brésil.

L'élection à la Présidence, en 1994, de M. Fernando Henrique Cardoso marque un véritable tournant. En effet, malgré l'absence de majorité présidentielle stable, M. Cardoso parvient à engager son pays dans la voie des réformes structurelles. Sa popularité lui permet de faire voter en 1997 un amendement à la Constitution autorisant le Chef de l'Etat à briguer un second mandat. M. Cardoso est réélu le 4 octobre 1998, dès le premier tour de scrutin. La situation politique s'est néanmoins durcie depuis la crise financière de 1998. En effet, plusieurs gouverneurs souhaitent, en raison de la charge de leurs dettes, renégocier leurs relations financières avec l'Etat fédéral.

· Sur le plan économique, le Brésil se dote en 1994 d'une nouvelle monnaie, ancrée sur le dollar. Le programme de privatisations séduit les investisseurs : le Brésil a attiré, en 1996, 25 % des flux d'investissements directs étrangers en Amérique latine, se classant ainsi au premier rang. Le pays connaît une période de croissance économique régulière (6 % en 1994, 4,3 % en 1995, 3 % en 1996 et 1997). Il conforte, par ailleurs, son statut de puissance économique régionale par sa participation, avec l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, à l'aventure du Marché commun du Cône du Sud (Mercosur), devenu, depuis le 1er janvier 1995, une union douanière.

Le Brésil reste cependant confronté à de sérieuses difficultés économiques. La parité du réal avec le dollar est défendue par des taux d'intérêt élevés, ce qui entraîne une surévaluation du taux de change et une dégradation de la compétitivité des produits brésiliens. Le Brésil doit, en outre, faire face aux conséquences de la crise financière asiatique et russe. La fuite des capitaux le contraint à dévaluer puis à laisser flotter sa monnaie au début de l'année 1999 malgré une forte hausse des taux d'intérêt. Il annonce l'adoption de réformes dans les domaines de la fiscalité et des retraites afin de rassurer les marchés financiers et signe, le 13 novembre 1998, un accord avec le FMI qui prévoit le versement d'une aide financière internationale.

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Les relations que la France entretient avec le Brésil sont étroites et diversifiées

· Sur le plan de la coopération culturelle, scientifique et technique, le Brésil est notre premier partenaire en Amérique latine. L'enveloppe versée au titre de la coopération pour 1998 s'élève à 55 millions de francs.

· Sur le plan économique, le Brésil est notre premier fournisseur latino-américain, et notre premier client dans la zone. Le programme de privatisations du Gouvernement fédéral a relancé, depuis trois ans, l'investissement français au Brésil : des entreprises telles que Renault, Citroën, EDF, Vivendi se sont implantées. La France se situe au cinquième rang des investisseurs étrangers au Brésil en 1997. Cependant, notre part de marché (3 % en 1998) reste médiocre, comparée à celle des Etats-Unis (22 %), de l'Allemagne (9 %) et de l'Italie (5,5 %).

· Sur le plan politique, les relations bilatérales se sont fortement intensifiées depuis 1996. Ainsi, un nouvel accord cadre de coopération, créant une Commission générale franco-brésilienne a été signé en mai 1996, lors de la visite d'Etat du Président Cardoso à Paris. Le Président de la République a également effectué une visite d'Etat au Brésil en mars 1997. C'est dans ce contexte de renforcement des relations bilatérales qu'une nouvelle convention d'entraide judiciaire a été signée.

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La Convention d'entraide judiciaire du 28 mai 1996 remplace la convention de coopération judiciaire en matière civile, commerciale, sociale et administrative signée à Paris le 30 janvier 1981 et entrée en vigueur le 2 avril 1985 car l'application de cette dernière a soulevé de réelles difficultés.

· Une première difficulté concerne la traduction des actes judiciaires et extra judiciaires. La convention de 1981 prévoit que les actes judiciaires et extrajudiciaires sont transmis entre les deux ministères de la justice. Les actes dont la signification ou la notification est demandée sont rédigés dans la langue de l'Etat requérant. Ils ne sont traduits dans la langue de l'Etat requis qu'à la demande du destinataire de l'acte. Le Brésil, manquant de moyens matériels de traduction, n'est donc pas en mesure d'appliquer les stipulations de la convention qui concernent la transmission des actes.

· Une deuxième difficulté réside dans le fait que les deux parties interprètent différemment les stipulations concernant les commissions rogatoires. Si la France considère que ces actes doivent se limiter à l'obtention de preuves, le Brésil utilise les commissions rogatoires pour procéder à la remise d'actes judiciaires ou à l'exécution de jugements brésiliens en France.

· Une troisième difficulté provient du fait que la convention de 1981 donne une définition trop large des actes dispensés de légalisation. Les documents émanant des autorités judiciaires ou d'autres autorités en sont en effet dispensés, ce qui peut donner lieu à des fraudes.

· Enfin, la convention de 1981 présente d'importantes lacunes dans le domaine de la protection des mineurs illégalement déplacés. L'auteur du déplacement illicite d'un mineur peut actuellement faire échec à l'exequatur d'une décision rendue par les juridictions de la résidence habituelle de l'enfant en saisissant le premier une juridiction. En effet, aux termes de l'article 20 f de la convention de 1981, une décision judiciaire rendue dans l'un des Etats n'est pas exécutoire dans l'autre Etat si, dans ce dernier, un litige opposant les mêmes parties est en instance de jugement.

Ces difficultés ont conduit les deux pays à négocier en 1989 une nouvelle convention d'entraide judiciaire en matière civile mais les échanges n'ont pas abouti. Les négociations ont été reprises à Paris les 28 et 30 novembre 1994 et la nouvelle Convention a été signée le 28 mai 1996. Son article 26 abroge la convention du 30 janvier 1981.

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La Convention d'entraide judiciaire entre la France et le Brésil de 1996 s'inspire des accords de même nature négociés depuis une dizaine d'années et règle les problèmes posés par l'application de la convention de 1981.

La Convention de 1996 comporte des stipulations classiques :

Le chapitre premier traite des dispositions générales. L'article premier stipule que la matière civile visée par la convention comprend le droit de la famille, le droit commercial et le droit du travail. L'article 2 pose le principe selon lequel l'exécution des demandes d'entraide peut être refusée si elle va à l'encontre de l'ordre public de l'Etat requis. L'article 3, inspiré des stipulations de l'article 32 de la convention de 1981, indique que l'entraide s'étend à la communication d'informations sur la législation et la jurisprudence en vigueur dans chaque Etat ainsi que des décisions judiciaires rendues.

Le chapitre II comprend des stipulations relatives à l'accès à la justice et à l'aide judiciaire. Les ressortissants de chacune des Parties sont assimilées, dans l'autre Partie, aux propres ressortissants de cette dernière pour le libre accès à la justice, sans obligation de dépôt ou de cautionnement préalable, et pour l'accès à l'assistance judiciaire. L'article 9 de la Convention de 1996 introduit une stipulation nouvelle par rapport à la convention de 1981 : l'exécution gratuite, sur demande du ministère de la justice, des décisions de condamnation aux frais et dépens du procès prononcées contre une personne dispensée de caution ou de dépôt.

Le chapitre III concerne les règles applicables à la transmission et à la remise des actes.

Le chapitre IV est relatif à l'obtention de preuves. Aux termes de l'article 13, l'autorité judiciaire de l'une des parties peut, dans le cadre d'une procédure, demander à l'autorité judiciaire de l'autre partie de procéder à des mesures d'instruction. Cet article énumère les indications que doit contenir la demande d'obtention de preuve.

Le chapitre V traite de la reconnaissance et de l'exécution des décisions judiciaires. L'article 18 précise les conditions que doivent respecter les décisions rendues par les tribunaux de l'un des deux Etats pour être reconnues et déclarées exécutoires. Les décisions relatives à la garde des mineurs et au droit de visite sur un mineur sont soumises aux mêmes conditions.

Les stipulations relatives à la protection des mineurs figurent au chapitre VI. L'article 21 se réfère à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l'enlèvement international de l'enfant, ratifiée par la France mais pas par le Brésil, pour préciser qu'au cas où ce dernier ratifierait la convention de La Haye, les parties pourraient opter soit pour l'application de celle-ci soit pour l'application de la convention bilatérale.

En ce qui concerne la dispense de légalisation, le chapitre VII limite cette dispense aux actes publics énumérés à l'article 23.

Le chapitre VIII relatif à l'état civil prévoit la communication sans frais par chaque Etat des actes et expéditions de décisions judiciaires concernant l'état civil.

Le chapitre IX est relatif aux dispositions finales. Les modalités d'entrée en vigueur sont fixées à l'article 27 et l'article 28 précise que la convention est conclue pour une durée illimitée mais que chacun des deux Etats pourra la dénoncer à tout moment avec un préavis de six mois.

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La Convention de 1996 règle les problèmes posés par l'application de la convention de 1981 :

· Actuellement, en vertu des stipulations de la convention de 1981, les actes ne sont traduits dans la langue de l'Etat requis qu'à la demande du destinataire de l'acte. L'article 11 de la Convention de 1996 pose le principe de la traduction des actes. Ils sont en effet adressés en double exemplaire et accompagnés d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.

· Le chapitre IV, relatif à l'obtention de preuves, remplace, conformément au souhait de la partie française, les stipulations du chapitre III de la convention de 1981 relatives aux commissions rogatoires.

· La dispense de légalisation est limitée aux actes publics définis à l'article 23 de la Convention de 1996. L'article 24 permet en outre aux autorités de l'Etat où l'acte est produit de demander des informations à celles de l'Etat de l'origine lorsqu'elles ont des "doutes graves et fondés sur la véracité de la signature, sur la qualité sous laquelle le signataire de l'acte a agi ou sur l'identité de sceau ou du timbre"

· L'article 18 de la Convention de 1996 apporte une modification importante par rapport à la convention de 1981 en ce qui concerne l'exécution des décisions relatives à la garde des mineurs et au droit de visite. Le régime juridique actuel permet au parent qui a procédé au déplacement illicite de l'enfant de bloquer l'application des décisions de justice rendues dans le pays d'origine s'il saisit une juridiction de son pays avant que l'autre parent en fasse de même dans son propre pays. L'article 18 de la Convention de 1996 stipule que le refus d'exécution fondé sur l'existence d'un litige pendant ou d'une décision déjà rendue dans l'Etat requis ne peut être invoqué qu'après l'expiration d'un délai d'un an entre la date de départ du mineur de l'Etat d'origine et la date d'introduction de l'instance dans l'Etat requis.

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Cette Convention donne un cadre juridique efficace à la coopération judiciaire en matière civile entre la France et le Brésil.

Votre Rapporteur ne peut que conclure à l'adoption du projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 30 juin 1999.

Après l'exposé du Rapporteur,. Mme Bernadette Isaac-Sibille a rappelé qu'elle avait déjà demandé à plusieurs reprises que l'on insiste pour que soient insérées dans tous les accords que la France signe avec d'autres pays des dispositions stipulant le respect de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et de la Convention de La Haye sur l'adoption internationale.

Le Président Jack Lang a indiqué que cette demande avait été transmise par écrit au Ministre des Affaires étrangères et qu'aucune réponse n'avait pour l'instant été reçue.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 784).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 784 ).

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N° 1755.- Rapport de M. André Borel (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil.


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