Document mis

en distribution

le 16 novembre 1999

graphique

N° 1917

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 novembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes,

PAR M. ALAIN VIDALIES,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 438 (1998-1999), 4 et T.A. 5 (1999-2000).

Assemblée nationale : 1860.

Lois.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

SOMMAIRE

-

Pages

INTRODUCTION 5

I. - LA CODIFICATION : UNE TRADITION JURIDIQUE FRANÇAISE DONT LA RELANCE APPARAÎT INDISPENSABLE COMPTE TENU DE LA PROLIFÉRATION DES TEXTES 6

A. Une tradition juridique française aux principes désormais solidement établis 6

1. Une préoccupation ancienne 6

2. Des principes désormais bien établis par la Commission supérieure de codification 8

B. Une relance de la codification rendue nécessaire par la prolifération des textes 11

1. Le difficile accès au droit 11

2. Le cas spécifique de l'outre-mer 13

II. - LE RECOURS À L'HABILITATION POUR L'ADOPTION LÉGISLATIVE DES CODES : UNE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE JUSTIFIÉE PAR LE RETARD PRIS DANS L'ADOPTION DES CODES 15

A. Un processus de codification dans l'impasse 15

1. Un bilan mitigé 15

2. Un blocage au niveau de la phase parlementaire 15

B. Une procédure exceptionnelle qui reste encadrée par le parlement 17

1. Le respect d'exigences d'ordre constitutionnel 17

2. Le processus de codification dans le cadre d'un recours aux ordonnances 18

III. - LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT : L'ADOPTION DÉFINITIVE DE NEUF CODES DANS UN DÉLAI DE QUATORZE MOIS 22

DISCUSSION GÉNÉRALE 22

EXAMEN DES ARTICLES 25

Article premier : Champ d'application de l'habilitation et modalités de la codification 25

Article 2 : Délais d'habilitation et de ratification 30

TABLEAU COMPARATIF 33

MESDAMES, MESSIEURS,

On dénombre actuellement en France plus de 8 000 lois et 90 000 textes réglementaires en vigueur ; cette inflation normative répond aux exigences d'une société de plus en plus technique et complexe qui nécessite toujours plus de droit pour régler des situations nouvelles.

Néanmoins, il faut convenir que la multiplication des normes, leur complexité et leur instabilité contribuent finalement à dévaloriser la règle républicaine, engendrant chez le citoyen l'impression diffuse que le droit n'est plus une protection mais une menace. De plus, cette prolifération du droit est source d'inégalités : comme le dénonçait le Conseil d'Etat dans son rapport public de 1991 : « Si l'on n'y prend garde, il y aura demain deux catégories de citoyens : ceux qui auront les moyens de s'offrir les services des experts pour détourner ces subtilités [du droit] à leur profit, et les autres, éternels égarés du labyrinthe juridique, laissés pour compte de l'Etat de droit ».

Dans ce contexte, afin de rendre à la norme législative et réglementaire sa cohérence et son unicité et garantir un plein accès au droit pour tous, la codification constitue indubitablement un impératif.

Un travail immense regroupant dans des codes des pans entiers de législation dans des domaines tels que celui des collectivités locales, du droit rural ou de la consommation a déjà été effectué. Néanmoins, force est de reconnaître que le processus de codification s'est actuellement enlisé ; depuis 1996, année de promulgation du livre VI du code rural, aucune partie législative de code n'a été définitivement adoptée par le Parlement.

En effet, alors que la Commission supérieure de codification a poursuivi l'élaboration de plusieurs codes, leur achèvement s'est heurté à l'obstacle de l'inscription à l'ordre du jour des assemblées ; dès lors, afin de résorber le retard pris en la matière et d'éviter que les codes élaborés et non encore validés par le Parlement ne vieillissent trop vite du fait de l'intervention de nouvelles lois, le Gouvernement demande, par le présent projet de loi, adopté par le Sénat le 13 octobre dernier, à être habilité, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre, par voie d'ordonnances, les dispositions nécessaires à l'adoption de la partie législative de neuf codes dont la rédaction est achevée.

I. - LA CODIFICATION : UNE TRADITION JURIDIQUE FRANÇAISE DONT LA RELANCE APPARAÎT INDISPENSABLE COMPTE TENU DE LA PROLIFÉRATION DES TEXTES

A. UNE TRADITION JURIDIQUE FRANÇAISE AUX PRINCIPES DÉSORMAIS SOLIDEMENT ÉTABLIS

1. Une préoccupation ancienne

La France est une terre d'élection pour la codification : à la différence des pays anglo-saxons, et notamment de la Grande-Bretagne restée fidèle à la « common law » et à l'« equity », elle bénéficie d'une tradition de droit écrit et l'établissement de codes correspond bien, dans ce contexte, au rationalisme et à l'esprit cartésien caractérisant la science juridique française.

Les premiers essais de codification remontent à l'Ancien Régime : sous Henri III, il est décidé d'établir un recueil complet des édits et ordonnances, dont la compilation est confiée à Barnabé Brisson. Plus tard, les grandes ordonnances de Colbert, même si elles ne sont pas formellement dénommées codes, reprennent cette ambition d'organiser en un seul volume les textes régissant un domaine, que ce soit la procédure civile, pénale, les eaux et forêts, la marine ou le commerce. Toutefois, à la différence du code de Henri III, ces ordonnances ne relèvent pas de la simple compilation mais sont des textes modifiant le droit existant, voire l'abrogeant, et constituent des textes novateurs. C'est le même principe de modernisation et d'adaptation du droit existant qui va être retenu sous le Consulat et l'Empire pour l'élaboration des codes civil, code de procédure civile, code de commerce, code d'instruction criminelle et code pénal ; cette _uvre codificatrice connaîtra un immense retentissement dans l'Europe entière ; elle marque indubitablement une étape majeure dans l'histoire de la science juridique française.

Après le Premier Empire et jusqu'au milieu du XXe siècle, la codification ne fera plus l'objet que de tentatives dispersées et de méthodes diverses : sont aussi bien appelés codes le code du travail et le code de la sécurité routière, issus d'un travail de compilation des textes existants que le code de la famille, texte entièrement novateur, issu d'un décret-loi et probablement dénommé code pour lui conférer plus de solennité.

Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale, que l'_uvre codificatrice se fait plus systématique et plus rationnelle. Un décret du 10 mai 1948 crée la commission chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires ; sous son égide, seront dégagés les objectifs assignés au processus de codification, qui doit contribuer à améliorer le rendement des services publics, retrouver le respect de la loi et du règlement et faciliter les réformes, les simplifications et la cohérence de l'action publique. Ainsi, les principes retenus pour cette codification n'ont pas pour ambition de réformer le droit applicable et se limitent à procéder à leur ordonnancement.

De 1948 à 1988, ont pu être codifiés des pans entiers de la législation française, dans le domaine économique, social ou administratif. Cependant, l'_uvre magistrale accomplie par la commission de codification a souffert de la procédure utilisée : en 1948, le Gouvernement, en créant la commission chargée d'étudier la codification, décide également de procéder à la codification par décret, que cette codification touche le domaine réglementaire ou législatif. La procédure sera reprise sous la Ve République ; dénommée codification administrative, la procédure utilisée pouvait se justifier dans la mesure où, à droit constant, elle n'était pas censée innover en matière législative.

Le recours à la voie réglementaire pour procéder à la codification va cependant se révéler très fragile juridiquement : ayant une nature réglementaire, les articles nouvellement codifiés ne pouvaient en conséquence abroger les dispositions législatives initiales. Lorsqu'ils étaient modifiés ultérieurement par le législateur, qui leur reconnaissait ainsi implicitement valeur législative, subsistaient alors à la fois la disposition législative initiale et la disposition législative codifiée et modifiée.

L'existence parallèle de dispositions législatives et de dispositions codifiées créa une incertitude juridique sur la norme applicable et fut source d'un important contentieux. Ainsi, le juge, lorsque les textes étaient mal codifiés et en l'absence de validation implicite ou explicite, dut faire prévaloir la rédaction initiale (CE ministre du budget c/Mme Anna Simha - 13 septembre 1995).

Pour y remédier, le législateur procéda à la validation législative de plusieurs codes adoptés par voie réglementaire. A la fin de la IVe République, une loi globale du 3 juin 1958 valida 15 codes. Par la suite, la validation législative se fit au coup par coup, sans être véritablement soutenue par une volonté politique : le code de l'urbanisme est validé en 1976, le code de la sécurité sociale en 1987 et celui de la voirie routière en 1989 ; certains codes ne seront jamais validés ; d'autres, tels que le code du service national, de la nationalité ou de la justice militaire, résulteront directement d'une loi.

La multiplication des procédures et l'incertitude juridique régnant sur certains codes avaient fini par affaiblir le processus. La relance de la codification eut lieu en 1989, avec la création de la « Commission supérieure de codification ».

2. Des principes désormais bien établis par la Commission supérieure de codification

Le décret du 12 septembre 1989 institue la Commission supérieure de codification ; le fait qu'elle soit présidée par le Premier ministre et siège à Matignon lui confère une autorité nouvelle par rapport à la précédente Commission. Son vice-président, qui assure la présidence de fait est un président de section au Conseil d'Etat, en activité ou honoraire ; elle comprend également des membres de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, de la Cour des Comptes et six directeurs d'administration centrale (le directeur des affaires civiles et du sceau, le directeur des affaires criminelles et des grâces, le directeur général de l'administration et de la fonction publique, le directeur au secrétariat général du Gouvernement, le directeur des Journaux officiels et le directeur des affaires politiques, administratives et financières au secrétariat d'Etat à l'outre-mer). De plus, peuvent être également présents les directeurs des administrations centrales concernées par les projets de codification. La Commission bénéficie également des moyens, des crédits et du secrétariat nécessaire à l'accomplissement de sa tâche : elle dispose d'un rapporteur général et d'une quinzaine de rapporteurs particuliers qui suivent la rédaction des codes.

Afin d'associer le Parlement à ce travail de codification, la Commission des lois des deux assemblées nomment chacune un représentant permanent au sein de la Commission ; M. Patrice Gélard, sénateur, ainsi que votre rapporteur ont ainsi pu apprécier avec quel sérieux et rigueur la Commission s'est efforcée, sous l'impulsion de son vice-président, M. Guy Braibant, de définir les principes de la codification.

Héritière de la précédente commission de 1948, la Commission supérieure de codification s'est en effet attachée à dégager des principes clairs afin de mettre le processus de codification à l'abri de toute contestation. La méthode de travail retenue par la nouvelle Commission repose sur deux principes qui font la synthèse des expériences vécues par la précédente Commission de codification : le processus de codification est mené à droit constant et doit faire l'objet, pour les parties législatives des codes, d'une validation législative.

Ces deux principes ont été détaillés dans les rapports successifs que la Commission supérieure de codification remet chaque année à M. le Premier ministre.

Ces principes étant repris par le projet de loi d'habilitation, votre rapporteur souhaiterait en rappeler la logique :

-  la validation législative est, on l'a vu, directement issue des expériences incertaines de la codification jusqu'en 1988. Les dispositions intégrées dans la partie législative ont, grâce à la validation législative, force de loi ; elles peuvent ainsi abroger les dispositions législatives antérieures afin que l'ensemble des dispositions figure dans un seul volume. Par cette procédure de validation législative, la codification n'est pas une simple compilation des textes ; les codes ont vocation à remplacer au fur et à mesure de leur promulgation les lois et décrets.

Le principe de validation législative se trouve pleinement justifié juridiquement ; il faut néanmoins être conscient que, politiquement, il peut se heurter à plusieurs obstacles.

En premier lieu, la codification, compte tenu du principe de droit constant, conduit les parlementaires à voter, sous forme de codes, des dispositions qui peuvent être issues de majorités politiques précédentes et différentes. La validation législative des codes n'est pas le lieu pour remettre en question le contenu des textes ; elle ne saurait avoir à cet effet de signification politique. Néanmoins, le sort réservé à certains codes, tels que le code du commerce ou le code de l'éducation qui ont été rejetés en première lecture par l'Assemblée, semble montrer que le Parlement a parfois du mal à accepter de se cantonner à ce rôle dans le processus de codification.

En second lieu, la validation législative présente l'inconvénient de scinder les codes en deux parties, partie législative et partie réglementaire, et de proposer, par la force des choses, deux procédures distinctes pour ces parties ; il est malheureusement fréquent que la parution de la partie réglementaire intervienne très longtemps après la partie législative, en raison notamment des circuits administratifs qui exigent l'obtention des lettres d'accord des ministres concernés. A titre d'exemple, la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales n'est toujours pas parue alors que la promulgation de la partie législative remonte à février 1996 ; de même, la partie réglementaire du code des juridictions financières est en attente depuis cinq ans. Il en résulte à la fois une gêne regrettable pour l'utilisateur et une incertitude juridique pour le juriste qui se trouve face à des décrets d'application de lois abrogées par des dispositions codifiées.

Il faut reconnaître que la tâche est immense et que la partie législative des codes a toujours paru prioritaire sur la partie réglementaire ; néanmoins, la Commission supérieure de codification, consciente du problème, s'efforce de travailler désormais, dans la mesure du possible, de façon concomitante sur les parties législatives et réglementaires des codes.

Enfin, le dernier inconvénient issu du principe de validation législative des parties législatives des codes réside dans le calendrier du travail parlementaire : il revient à faire dépendre le processus de codification de l'ordre du jour des assemblées. Son encombrement est le principal responsable du retard pris en la matière et, en conséquence, la justification essentielle du recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution. Votre rapporteur aura l'occasion d'y revenir.

Le deuxième principe que la Commission supérieure de codification s'est attachée à respecter est celui de la codification à droit constant ; il s'agit de ne pas introduire dans les codes, et notamment dans les parties législatives des codes, des dispositions nouvelles. En conséquence, les dispositions codifiées sont celles qui sont en vigueur au moment du dépôt du projet de loi de validation devant le Parlement. Certaines atténuations ont pu cependant être apportées au principe : hormis les erreurs ou imperfections que la Commission supérieure de codification s'autorise à corriger afin de maintenir la cohérence formelle des textes, les dérogations au principe du droit constant concernent le respect du principe de hiérarchie des normes.

Ce principe peut amener la Commission supérieure de codification à procéder à des reclassements de dispositions codifiées dans le domaine législatif ou réglementaire ; ainsi, il lui est arrivé de décider des déclassements, en retirant de la loi des dispositions qui relèvent du règlement, quitte à les insérer dans la partie réglementaire des codes et, plus rarement, à l'inverse, de codifier dans la partie législative des éléments extraits de la réglementation.

Dans le 9ème rapport de la Commission supérieure de codification, les modalités de déclassement sont explicitées : l'abrogation des dispositions de nature réglementaire insérées dans une loi est reportée, afin d'éviter tout vide juridique, à la date d'entrée en vigueur de la partie réglementaire dans laquelle elles seront intégrées. Cette procédure de déclassement a parfois été contestée, notamment par la commission des Lois du Sénat lors de l'examen de la partie législative du code général des collectivités territoriales au motif que la seule procédure pouvant être utilisée en la matière était celle prévue à l'article 37 alinéa 2 de la Constitution. La nécessité d'un vote du Parlement sur la partie législative des codes permet de répondre à cette objection, le législateur pouvant lui-même procéder aux reclassements voulus, sous réserve des prérogatives laissées au Gouvernement en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2.

De plus, il faut constater que la Commission supérieure n'a fait qu'un usage très modéré de ces déclassements, estimant le plus souvent qu'une application rigide de la séparation des domaines législatif et réglementaire pouvait nuire à la lisibilité des codes.

Validation législative des parties législatives des codes, codification à droit constant sont les deux principes directeurs qui régissent les travaux de la Commission supérieure de codification.

D'autres principes ont pu être dégagés, qui ont été exposés dans les neufs rapports annuels de la Commission : ils s'apparentent cependant davantage à des méthodes de travail sur des sujets sur lesquels la Commission a dû se prononcer au fur et à mesure de la progression de son travail de codification.

En premier lieu a été définie la méthode du code pilote et du code suiveur. Si une disposition peut avoir sa place dans deux codes, elle figurera à titre principal dans un code auquel elle se réfère le plus directement, quitte à être reproduite telle quelle dans l'autre code. Une modification du code pilote entraînera donc de manière automatique la modification du code suiveur.

En deuxième lieu, la Commission a décidé de ne pas procéder à la codification des règlements, pourtant de plus en plus nombreux, des autorités administratives indépendantes ; enfin, la Commission s'est trouvée confrontée à la question du droit international et, plus spécifiquement, du droit européen dont les règlements ont vocation à être appliqués immédiatement en droit national. Néanmoins, la Commission est rapidement arrivée à la conclusion qu'elle ne pouvait codifier des dispositions dont aucune institution nationale - gouvernement ou parlement - n'a la maîtrise. Elle s'est donc décidée pour une publication de ces normes internationales en annexe aux codes nationaux, « à titre purement documentaire et pour la commodité des usagers du droit », comme l'a précisé M. Guy Braibant.

B. UNE RELANCE DE LA CODIFICATION RENDUE NÉCESSAIRE PAR LA PROLIFÉRATION DES TEXTES

1. Le difficile accès au droit

Comme peut le laisser penser l'exposition des principes régissant le processus de codification, la codification est un travail long, austère, voire parfois ingrat et la tâche semble immense. La question peut dès lors se poser de savoir si elle a une réelle utilité ; en effet, et votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le dire, de nombreux pays, notamment les pays anglo-saxons, ne connaissent pas la notion de code, sans que leur système juridique n'ait jamais été reconnu inférieur - ni même supérieur - au nôtre.

Il est dès lors nécessaire de se pencher sur quelques statistiques pour être définitivement convaincu de l'utilité de la tâche.

A l'heure actuelle, le « stock » législatif s'élève au total à 8 000 lois en vigueur ; sachant que, comme l'a constaté le secrétariat général du Gouvernement, il est possible de se fonder sur un rapport de un à cinq entre le nombre de lois promulguées et le nombre de décrets nécessaires à leur application, il paraît inévitable que l'inflation législative se traduise également par une inflation réglementaire. Il est ainsi difficile de dénombrer actuellement le nombre de textes réglementaires en vigueur. Le chiffrage annoncé par le Conseil d'Etat avoisine les 90 000.

Il serait inexact d'attribuer l'entière responsabilité de cette « poussée normative », selon l'expression du Conseil d'Etat, au législateur et au Gouvernement. On peut regretter à l'envi l'époque des « grandes lois » de la fin du siècle dernier ou du début du siècle, qui réglaient, par quelques articles, une situation juridique pour des générations ; reconnaissons d'abord que de ces « grandes lois », il ne reste pas beaucoup d'articles initiaux et qu'ensuite la société ayant considérablement évolué, la législation se doit d'être beaucoup plus précise, technique et complexe.

Technique et complexe, la législation se révèle également difficilement lisible ; une circulaire du Premier ministre recommande aux ministres de rendre leurs projets de loi les plus clairs possibles : « des modifications limitées à un membre de phrase ou à un mot sont à éviter ». Il est regrettable de constater que c'est encore très fréquemment le cas. La loi est malheureusement trop souvent élaborée par des spécialistes pour des spécialistes.

Dans ce contexte, quelle peut encore être la valeur concrète de l'adage « nul n'est censé ignorer la loi » ? Entre les citoyens ayant accès à la science juridique, véritable citadelle du savoir, et les autres, quelle est la portée du principe d'égalité de tous devant la loi, pourtant posé par l'article 1er de la Constitution ?

L'obligation d'organiser un accès simple aux règles de droit relève pourtant de la responsabilité de l'Etat. Dans un arrêt du 17 décembre 1997 « Ordre des avocats à la Cour de Paris », le Conseil d'Etat affirme que « la mise à disposition et la diffusion de texte [...] constituent une mission de service public au bon accomplissement duquel il appartient à l'Etat de veiller ». L'article 2 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, actuellement en cours de navette entre les deux assemblées, reprend cette formulation en étendant l'obligation de mise à disposition à l'ensemble des autorités administratives.

La codification est, à n'en pas douter, l'un des premiers moyens de mise à disposition des textes, et il n'est pas anodin à cet égard que l'article 2 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ait toujours été présenté, dans les débats à l'Assemblée nationale, en corrélation étroite avec l'article 3, concernant la codification et sur lequel votre rapporteur aura l'occasion de revenir.

Comme l'a rappelé M. Guy Braibant, vice-président de la Commission, « plus que la simplification du droit ou la réduction de sa complexité, la codification a pour ambition de lui rendre sa cohérence et son unicité, afin qu'il devienne accessible à tous et pleinement applicable ».

2. Le cas spécifique de l'outre-mer

La codification revêt une importance particulière outre-mer : la complexité qui résulte du statut de territoire d'outre-mer, et du principe de spécialité législative qui lui est attaché, fait qu'il est parfois très difficile de savoir quel est le droit applicable dans ces territoires.

Les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte sont, en vertu notamment de l'article 74 de la Constitution, régis par le principe de spécialité législative : les lois et règlements ne s'y appliquent que sur mention expresse.

Le principe serait simple s'il ne souffrait d'exceptions aux contours mal définis : les lois dites de souveraineté, c'est-à-dire destinées, en raison de leur objet, à régir l'ensemble du territoire de la République, s'appliquent de plein droit ; sont ainsi, sans aucun doute, des lois de souveraineté, les lois constitutionnelles, les lois organiques ou bien les textes régissant les grandes juridictions nationales ; la circulaire du 21 avril 1988, relative à l'applicabilité des textes législatifs et réglementaires outre-mer, ajoute à cette liste les lois autorisant la ratification de traités, conventions ou accords internationaux, les textes constituant un statut des personnes pouvant résider soit en métropole, soit outre-mer, les lois relatives à l'état des personnes, les textes régissant le cumul des mandats électoraux et, de manière plus générale, l'application, par des textes, des principes généraux du droit. Cette longue énumération ne doit pas cacher la fragilité de cette définition des lois de souveraineté. La circulaire du 21 avril 1988, même si elle s'appuie sur la jurisprudence du Conseil d'Etat ou des tribunaux judiciaires, n'a qu'un caractère interprétatif et non normatif. Elle ne peut à aucun titre prétendre à la pérennité ou l'exhaustivité et ses termes ont d'ailleurs été contestés par certains territoires.

Une autre difficulté quant à l'applicabilité de la loi outre-mer concerne les lois modifiant des lois déjà applicables dans les TOM. Jusqu'en 1990, les lois modificatives étaient considérées comme applicables, même en étant exemptes de mention d'applicabilité. Le Conseil d'Etat est revenu sur ce principe par une décision du 9 février 1990 (CE élections municipales de Lifou) ; désormais, des dispositions modifiant des lois applicables dans un TOM ne sont applicables dans ce territoire que sur mention expresse. Si cette jurisprudence contribue sans aucun doute à redonner plus de rigueur au principe constitutionnel de spécialité législative, il faut bien convenir qu'elle rend plus complexe encore la compréhension du droit outre-mer : des dispositions abrogées pour la métropole se trouvent ainsi encore en vigueur dans les TOM faute de mention expresse dans la loi d'abrogation. La codification constitue dès lors un travail indispensable permettant de faire le point sur les textes en vigueur et de réfléchir à leur éventuelle modernisation par l'extension, sous réserve d'une consultation des assemblées territoriales concernées, des dispositions intervenues depuis lors.

La Commission supérieure de codification est particulièrement sensible à cette spécificité du droit outre-mer : si la Commission de l'outre-mer adjointe à la Commission supérieure de codification a été supprimée en 1997, c'est pour confier l'ensemble de ses attributions à la Commission supérieure de codification ; la dimension ultra-marine est désormais intégrée dans le travail de codification, grâce notamment au concours de trois rapporteurs spécifiquement chargés de l'outre-mer. Le neuvième rapport de la Commission consacre d'ailleurs un long développement au processus de codification outre-mer.

Malgré l'impératif démocratique que constitue la codification, que ce soit en métropole ou outre-mer, force est de reconnaître que le bilan reste mitigé. En dépit de l'impulsion nouvelle qui a été donnée en 1989 avec l'installation de la Commission supérieure de codification, il faut malheureusement constater que le processus marque actuellement le pas. Dans ce contexte, la procédure d'habilitation autorisant le Gouvernement à procéder à la codification par ordonnance apparaît nécessaire.

II. - LE RECOURS À L'HABILITATION POUR L'ADOPTION LÉGISLATIVE DES CODES : UNE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE JUSTIFIÉE PAR LE RETARD PRIS DANS L'ADOPTION DES CODES

A. UN PROCESSUS DE CODIFICATION DANS L'IMPASSE

1.  Un bilan mitigé

Les progrès accomplis en matière de codification sont incontestables ; depuis 1989, le Parlement a ainsi adopté plusieurs codes :

-  le code de la propriété intellectuelle ;

-  le code de la propriété ;

-  le code de la consommation ;

-  les livres Ie, III, VI et VIII du code rural ;

-  les livres Ie, II et III du code des juridictions financières ;

-  le code général des collectivités territoriales.

Au total, ont été regroupés dans des codes près de sept cents lois représentant un total de 12 à 15 000 articles. Parmi ces codes, il faut citer plus particulièrement la grande réussite que constitue le code général des collectivités territoriales, devenu incontestablement la référence de tous les élus locaux et spécialistes des collectivités locales.

Il est cependant patent désormais que le processus de codification se trouve dans l'impasse : depuis l'adoption de la partie législative du code général des collectivités territoriales, en février 1996, seul un code - ou plus précisément une partie de code - a été définitivement adopté par le Parlement, en l'occurrence le livre VI du code rural. Selon le 9e rapport de la Commission, dix codes, définitivement achevés, sont actuellement en attente soit de leur examen par le Conseil d'Etat, soit d'adoption par le Parlement : le blocage ne se situe donc pas au niveau de la Commission, qui a accompli un immense travail, mais bien au niveau du Parlement.

2.  Un blocage au niveau de la phase parlementaire

L'encombrement de l'ordre du jour législatif est bien évidemment le principal motif de l'accumulation de codes non adoptés. Il faut reconnaître également que l'inscription à l'ordre du jour des parties législatives des codes est rarement considérée par le Gouvernement comme une priorité, dans la mesure où, en s'en tenant au droit constant, les projets de loi de codification ne s'inscrivent pas dans le cadre d'un programme politique.

Avec ce blocage de la phase parlementaire, c'est l'ensemble du processus de codification qui est remis en cause : les codes achevés se trouvent ainsi rapidement périmés, par l'intervention de nouvelles lois dans le domaine qu'ils codifient et ce, avant même qu'ils n'aient reçu de validation législative. Cette situation exige alors de procéder, par voie de nombreux amendements, à la mise à jour du code destiné à être validé ou se traduit plus simplement par le report sine die du projet. De plus, le blocage des codes au stade de la phase parlementaire se répercute non seulement sur la partie réglementaire du code, mais également, suivant le principe du code pilote et du code suiveur, sur l'élaboration d'autres codes ayant à y faire référence.

Par ailleurs, il faut bien convenir que ce blocage contribue à démobiliser l'ensemble des intervenants, que ce soit les administrations ou la Commission supérieure de codification. Le Conseil d'Etat a également commencé à renvoyer des projets de code au Gouvernement sans les examiner pour protester contre une procédure qui n'aboutit pas.

Conscient des difficultés, le Gouvernement s'est employé à relancer le processus : l'article 3 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations prévoyait, dans sa rédaction initiale, un programme d'adoption de codes d'ici la fin de la législature ; figurait en annexe de l'article 3 l'énumération de treize nouveaux codes à adopter et de huit codes à refondre. Lors de l'examen en première lecture, le 10 mars 1999, le Sénat supprima cet article, au motif qu'il constituait une injonction à légiférer et que, en outre, le programme de codification semblait matériellement irréalisable en raison de son ampleur et du délai imparti.

Le ministre chargé de la réforme de l'Etat annonça dès lors en séance au Sénat que le Gouvernement envisageait, avec l'accord du Président de la République, d'utiliser la voie des ordonnances pour débloquer la situation. A l'Assemblée nationale, l'article 3 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations fut rétabli sans faire mention d'un programme de validation de codes ; il se limitait à énoncer les principes régissant la codification.

L'idée d'une validation législative par ordonnance avait déjà été envisagée en 1989, au moment où fut décidée la relance du processus de codification. Après consultation des parlementaires concernés, il fut décidé d'écarter la procédure au profit d'une procédure plus traditionnelle de dépôt de projet de loi présentant en annexe la partie législative du code à valider.

Aujourd'hui, le contexte est différent : la codification repose désormais sur une expérience solide. Le recours à la voie des ordonnances s'impose, compte tenu du retard pris en la matière. Néanmoins, pour indispensable qu'elle soit, cette procédure ne doit pas méconnaître le rôle indispensable du Parlement ; elle ne peut, à ce titre, que rester exceptionnelle.

B. UNE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE QUI RESTE ENCADRÉE PAR LE PARLEMENT

1.  Le respect d'exigences d'ordre constitutionnel

Afin de comprendre dans quel cadre constitutionnel s'inscrit le recours aux ordonnances et de mieux en apprécier la pertinence, il semble utile de rappeler les dispositions de l'article 38 de la Constitution ; selon les termes du premier alinéa, « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. »

Ainsi, à la demande du Gouvernement, le Parlement peut se dessaisir momentanément de sa compétence sous certaines conditions.

La première limite à cette utilisation de la procédure concerne le champ d'application de cette délégation ; le Conseil constitutionnel s'est attaché à encadrer ce champ d'application en écartant toute assimilation de l'article 38, qui fait mention de l'exécution d'un programme, avec les dispositions de l'article 49, alinéa 1er, de la Constitution autorisant le Premier ministre à engager devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme. Il a ainsi considéré que les dispositions de l'article 38 devaient être comprises comme « faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation, et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre » (décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977). La loi d'habilitation doit également préciser les « domaines d'intervention » des mesures envisagées (décision n° 86-287 DC du 25-26 juin 1986).

Deuxième limite imposée par le Conseil constitutionnel au Gouvernement, les ordonnances ne peuvent intervenir dans des domaines relevant de la loi organique (décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982).

Sous ces réserves, le Gouvernement dispose d'une entière liberté pour prendre des ordonnances dans les domaines habilités et peut même être fondé, en application de l'article 41 de la Constitution, à invoquer l'irrecevabilité à propos d'un amendement ou d'une proposition d'origine parlementaire « contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38 ».

A l'expiration du délai d'habilitation, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui relèvent du domaine législatif. L'article 38 prévoit également un deuxième délai pour le dépôt de projets de loi de ratification devant le Parlement ; à défaut de dépôt, les ordonnances, qui sont en vigueur depuis leur publication, deviennent caduques ; de plus, à défaut de ratification par le Parlement, les ordonnances demeurent des actes réglementaires ; il faut rappeler cependant que le Conseil constitutionnel a admis qu'une ratification pouvait être explicite, avec l'adoption d'une loi ou d'un article de loi selon la procédure de droit commun, ou implicite ; dans ce dernier cas, il suffit qu'un article d'une ordonnance soit modifié pour que l'ensemble du texte se trouve ratifié.

2. Le processus de codification dans le cadre d'un recours aux ordonnances

Le recours aux ordonnances, tel qu'il est présenté dans le projet de loi, s'inscrit parfaitement dans le cadre constitutionnel.

Les domaines d'intervention des mesures envisagées sont connus et délimités grâce à l'énumération des codes faite à l'article 1er. De plus, à la différence des dessaisissements opérés d'ordinaire dans le cadre de l'article 38, non seulement le domaine d'intervention est connu mais également la teneur de ces ordonnances, la codification s'opérant à l'exception de quelques atténuations dues au respect de la hiérarchie des normes, à droit constant.

La finalité des mesures à prendre est également précisée dans l'exposé des motifs du projet : l'habilitation n'est accordée que dans l'objectif de résorber le retard enregistré dans le processus de codification.

S'il semble effectivement indispensable que le Parlement se dessaisisse momentanément de ses prérogatives pour résorber les retards de la codification, rappelons toutefois que l'inscription à l'ordre du jour prioritaire des projets de loi relève de la responsabilité du Gouvernement ; c'est à lui qu'il incombe donc à l'avenir de faire en sorte qu'une plus grande place soit donnée à la codification dans le travail parlementaire.

La réserve concernant les dispositions d'ordre organique et l'interprétation qu'en a faite le Conseil constitutionnel dans le cadre d'un recours aux ordonnances appelle les observations suivantes : la codification des dispositions organiques exige la validation législative par la voie d'une loi organique. Ainsi, en 1994 fut présenté au Parlement un projet de code des juridictions financières constituant la partie législative des livres Ier et II du code, relevant d'une loi « ordinaire » et un projet de code des juridictions financières, constituant la partie législative organique des livres Ier et II et relevant d'une loi organique. Le fait qu'il soit procédé à droit constant n'exonère donc pas la codification du respect des procédures propres aux lois organiques. Dès lors, il faut en déduire que la codification par voie d'ordonnance devra se limiter aux dispositions législatives « ordinaires », obligeant ainsi à recourir à une autre procédure pour la codification organique.

Cette limite à la codification par ordonnance revêt une importance particulière en matière de codification du droit applicable outre-mer ; en effet, aux termes de l'article 74 de la Constitution, les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres. Le Conseil constitutionnel a ainsi considéré qu'en vertu de cet article relevaient de la loi organique « les dispositions qui définissent les compétences des institutions propres du territoire, les règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de ces institutions, y compris les modalités selon lesquelles s'exercent sur elles les pouvoirs de contrôle de l'Etat, ainsi que les dispositions qui n'en sont pas dissociables » (décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996). Le présent projet de loi autorisant le Gouvernement à étendre, le cas échéant, l'application des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, il est possible que des dispositions relevant de la loi ordinaire dans le droit commun acquièrent un caractère organique, parce qu'elles touchent aux règles essentielles d'organisation des territoires, lorsqu'elles sont étendues aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie. Il appartiendra à la Commission supérieure de codification, et surtout au législateur de veiller scrupuleusement au partage entre dispositions ordinaires et dispositions organiques dans le processus de codification, en écartant rigoureusement toute disposition organique du contenu des ordonnances.

La Commission supérieure de codification devra également s'assurer, dans le cadre de l'extension de dispositions outre-mer, que les assemblées territoriales de la Nouvelle-Calédonie et des territoires d'outre-mer ont bien été consultées, comme le prévoit l'article 74 de la Constitution.

Si votre rapporteur insiste sur les limites imposées par l'article 38 de la Constitution, c'est que les risques de contentieux sont importants ; en effet, tant que les ordonnances n'ont pas été ratifiées par une loi, elles demeurent des actes réglementaires susceptibles de recours devant le juge administratif ; de plus, dès leur publication, elles sont d'application immédiate.

Afin de limiter le risque d'une insécurité juridique qui pourrait toucher, de par l'ampleur du programme de codification, des pans entiers de la législation, le Sénat s'est efforcé, avec beaucoup de pertinence, de réduire le délai dans lequel doit intervenir la ratification.

Une autre réserve quant à l'utilisation de la procédure des ordonnances concerne la possibilité réservée au Gouvernement d'invoquer l'article 41 de la Constitution afin de faire déclarer irrecevable un amendement ou une proposition d'origine parlementaire contraire à une délégation apportée en vertu de l'article 38 ; interprétée strictement, cette disposition pourrait être entendue comme interdisant le Parlement d'intervenir dans les domaines concernés par la codification. Ecartons d'emblée l'argument : outre le fait que l'article 41 semble tombé en désuétude, l'autorisation donnée au Gouvernement par le Parlement ne concerne que le processus de codification et non le fond des dispositions à codifier. Le Gouvernement ne serait ainsi habilité à invoquer l'article 41, et on voit mal d'ailleurs pourquoi il le ferait, que si des tentatives concurrentes d'initiative parlementaire étaient entreprises pour procéder à une codification.

Une question plus essentielle concerne la procédure de ratification des ordonnances ; on l'a vu, en l'absence de ratification, le processus de codification restera précaire.

La ratification est dès lors indispensable et devra intervenir, comme l'a préconisé le Sénat, le plus rapidement possible. Deux procédures sont dès lors envisageables : la ratification explicite ou la ratification implicite.

La ratification implicite a été admise par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel ; la simple modification d'un article d'une ordonnance par une loi ultérieure vaut ratification. Ainsi, l'ordonnance de 1986 sur la concurrence n'a jamais été ratifiée expressément ; un des articles a été modifié pour attribuer à la Cour d'appel de Paris compétence pour juger des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; le Conseil d'Etat a jugé que le Parlement, en modifiant ce seul article, avait manifesté sa volonté de ratifier dans sa totalité l'ordonnance de 1986.

Il est bien évident qu'une telle procédure a le mérite de la rapidité ; néanmoins, elle présente l'inconvénient de soulever des difficultés d'interprétation quant à la volonté du législateur de ratifier la totalité, ou juste une partie d'une ordonnance. De plus, elle méconnaît quelque peu le rôle du Parlement dans le processus de codification. Le Parlement, en matière de codification, a en effet joué un rôle essentiel, comme en témoigne le nombre d'amendements déposés lors des validations de codes ; la plupart de ces amendements corrigeaient des imperfections d'ordre technique. Signalons d'ailleurs à ce sujet qu'un grand nombre d'amendements aurait pu être évité si la divergence en matière de décompte des alinéas entre le Gouvernement et les assemblées était résolue. L'intervention du Parlement a donc sans aucun doute permis une amélioration rédactionnelle des codes.

Il est évident qu'une telle amélioration rédactionnelle des codes ne pourra être apportée dans le cas où il est procédé à une ratification implicite.

Surtout, un certain nombre d'éléments propres à la codification impliquent l'intervention active du Parlement : l'abrogation des lois dont les dispositions ont été codifiées, la suppression de dispositions non conformes à la hiérarchie des normes, le déclassement des normes législatives dans le domaine réglementaire sont autant de mesures qui vont au-delà de la codification à droit constant et exigent parfois une véritable décision politique. De plus, même en s'en tenant à un principe rigoureux de droit constant, la définition du contenu des codes et de leur périmètre est loin d'être une question anodine. Il semble important que le Parlement puisse se prononcer expressément sur l'ensemble de ces questions.

Néanmoins, une ratification expresse n'est pas non plus dénuée d'inconvénients, dans la mesure où elle pose de nouveau le problème de l'inscription à l'ordre du jour de ces textes ; il est vrai cependant que ces codes étant déjà en vigueur, leur mise en pratique aura permis de déceler en amont leurs éventuelles imperfections et le travail des commissions parlementaires s'en trouvera d'autant facilité. De plus, la question du vieillissement des codes du fait de l'intervention de nouvelles lois ne présentera plus la même acuité dans la mesure où ces nouveaux textes pourront immédiatement s'insérer dans le code édicté par ordonnance.

III. - LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT : L'ADOPTION DÉFINITIVE DE NEUF CODES DANS UN DÉLAI DE QUATORZE MOIS

Le projet de loi prévoit l'achèvement d'un code (le code rural) dont un livre est toujours en instance au Parlement (livre VII) et un autre sur le point d'être adressé pour examen au Conseil d'Etat (livre IX). Huit autres codes sont programmés dans leur totalité : trois d'entre eux sont en instance au Parlement (code de l'éducation, code de commerce et code de l'environnement) ; trois autres sont en instance au Conseil d'Etat ou sur le point de lui être adressé (code de la santé publique, code de justice administrative et code de l'action sociale) ; enfin deux autres sont en voie d'achèvement au Conseil supérieur de la codification (code de la route et code monétaire et financier).

Le projet de loi prévoit une ordonnance par code ; selon l'état d'avancement des codes, un délai de six mois, neuf mois ou douze mois à partir de la publication de la présente loi est prévu pour permettre au Gouvernement de publier les ordonnances.

De plus, à compter de ces publications, le projet prévoit le dépôt d'un projet de loi de ratification pour chaque ordonnance dans un délai de deux mois. La rédaction initiale du projet prévoyait le dépôt d'un seul projet de ratification pour l'ensemble des ordonnances intervenant dans un délai de quinze mois à compter de la publication du présent projet ; afin d'assurer le mieux possible la stabilité juridique des dispositions insérées dans les codes, le Sénat s'est prononcé pour le dépôt d'un projet de ratification par ordonnance et la réduction du délai à deux mois à compter de la publication de l'ordonnance.

*

* *

Intervenant dans la discussion générale et à l'issue de l'exposé du rapporteur, Mme Catherine Tasca, présidente, a insisté sur l'excellence du travail mené par la commission de codification, tout en faisant état du découragement de son Président, Monsieur Guy Braibant face « à l'immobilité du char qu'il s'efforce de tirer ». Elle a souhaité que les réflexions de cette commission bénéficient d'un réel soutien de la part du Parlement, regrettant que les impératifs du calendrier parlementaire conduisent trop souvent à reporter les débats relatifs à la codification.

Tout en reconnaissant l'intérêt d'une procédure de codification rapide, Mme Nicole Catala s'est interrogée sur l'opportunité de confier au seul Gouvernement l'élaboration de si nombreux textes par ordonnance alors que le législateur est parfois invité à se prononcer sur des sujets mineurs, estimant qu'il aurait été logique que celui-ci examine, à tout le moins, les projets de codes les plus importants ou comportant le plus grand nombre de mesures législatives. Elle a notamment évoqué, à cet égard, le code de commerce. Après avoir interrogé le rapporteur sur la marge de man_uvre du Parlement lors de l'examen des projets de loi de ratification, elle a évoqué l'éventualité d'une codification du droit européen, soulignant qu'une telle démarche laisserait pendante la question de la détermination des textes communautaires directement applicables en droit interne.

M. Richard Cazenave a souhaité que l'examen des projets de loi de ratification fasse l'objet d'un travail parlementaire approfondi, puis s'est inquiété des risques de contradiction entre le travail de codification et les normes communautaires applicables.

Partageant certaines des préoccupations de Mme Nicole Catala, M. Jacques Floch a néanmoins insisté sur la nécessité d'accélérer la procédure de codification. Il a cependant émis le v_u que l'examen des projets de loi de ratification puisse bénéficier de délais suffisants pour permettre un réel travail d'analyse des ordonnances.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  Le Parlement conserve la faculté d'amender les projets de code au moment de l'examen des projets de loi de ratification.

-  Si la procédure de ratification des ordonnances laisse au Parlement une réelle marge de man_uvre, il faut, en revanche, veiller à ce que celles-ci ne soient pas implicitement validées à l'occasion de l'examen d'un projet de loi qui en tire les conséquences.

-  L'examen des projets de loi de ratification doit également être l'occasion de s'intéresser aux conditions de publication des parties réglementaires des codes.

-  S'agissant de la question de l'éventuelle codification des textes européens, la solution actuellement retenue est celle de leur insertion en annexe des codes, mais il est exact que cette option pourrait être réexaminée dès lors que de plus en plus de domaines sont régis par le droit communautaire.

-  Les risques de contradiction entre certaines dispositions codifiées et des textes communautaires ne peuvent être exclus, mais cette question s'insère dans le débat plus général de la hiérarchie des normes.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Champ d'application de l'habilitation
et modalités de la codification

Cet article définit à la fois le champ d'application de l'habilitation accordée au Gouvernement et les modalités selon lesquelles s'opérera le processus de codification.

La définition du champ d'application se doit d'être, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la plus précise possible : l'article 1er énumère ainsi neuf codes pour lesquels le Gouvernement est habilité à procéder par ordonnance.

· Le code rural

La refonte du code rural constitue un cas extrême dans la codification dans la mesure où elle s'est étalée, en tenant compte des codifications de la partie réglementaire, sur plus de vingt ans. Deux livres restent encore en chantier : le livre VII relatif aux régimes sociaux des professions agricoles a été adopté par le Sénat le 2 avril 1998 ; il a fait l'objet d'un rapport de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale en janvier 1999 ; inscrit à l'ordre du jour, il en fut retiré pour cause d'encombrement des travaux parlementaires et n'a pas été réinscrit depuis.

Le livre IX qui porte sur la santé publique vétérinaire et la protection des végétaux a été déposé à l'Assemblée nationale et est devenu caduc à la suite de la dissolution ; il a depuis été retravaillé par l'administration et la Commission supérieure de codification et est en voie d'être transmis pour examen au Conseil d'Etat.

Le Sénat a adopté un amendement modifiant la référence au code rural en la précisant ; alors que le projet initial permettait une habilitation pour l'achèvement du code rural sans autre indication, le Sénat a préféré faire explicitement mention des livres VII et IX et préciser que les autres livres pouvaient faire l'objet de mises à jour.

· Le code de l'éducation

La partie législative du code de l'éducation est en instance à l'Assemblée nationale depuis juillet 1997. Il a fait l'objet, au sein de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales d'un travail considérable de la part du rapporteur, M. Yves Durand, afin d'apporter des compléments et d'améliorer la cohérence du code. Inscrit à l'ordre du jour en mai 1998, il dut en être retiré à la suite d'une opposition tenant autant à la procédure utilisée - la procédure d'examen simplifiée - qu'au périmètre retenu par ce code.

· Le code de la santé publique

La refonte de ce code apparaît nécessaire compte tenu des nombreuses lacunes et modifications qu'il a subies depuis sa publication en 1953. Sur les six parties du code refondu par la Commission supérieure de codification, seules quatre ont été examinées et adoptées par la section sociale du Conseil d'Etat ; les deux autres ont en effet dû subir de profondes modifications à la suite de l'adoption de la loi relative à la veille sanitaire. Il reste donc au Conseil d'Etat à se prononcer sur l'ensemble du code.

· Le code de commerce

Le code du commerce actuel, issu du code napoléonien de 1807, ne comprend plus que 100 articles sur les 700 d'origine ; de plus, des lois telles que celle de 1966 sur les sociétés commerciales ou celle de 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises n'y ont jamais été intégrées.

Adopté par le Sénat en 1993, le projet de loi de validation législative fut repoussé par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, tant pour des raisons de fond que par hostilité de certains parlementaires au principe de codification à droit constant ; le code de commerce proposé fut considéré comme archaïque car n'intéressant que les petites et moyennes entreprises en laissant de côté les entreprises faisant appel à l'épargne.

La Commission supérieure de codification a dès lors décidé de procéder à une mise à jour du code et de travailler parallèlement à l'élaboration d'un code monétaire et financier afin de répondre aux critiques initiales concernant le périmètre du code.

· Le code de l'environnement

Déposé à l'Assemblée nationale le 22 février 1996, le code de l'environnement fut adopté par la commission de la Production et des échanges près d'un an plus tard ; l'examen par le rapporteur fit apparaître un certain nombre d'imperfections et de difficultés liées, d'une part, à l'adoption de nombreuses lois dans le domaine de l'environnement entre le moment du dépôt du projet de loi et son examen en commission et, d'autre part, à une définition du périmètre du code contestée ; la Commission supérieure de codification a procédé à une mise à jour du projet qui tient compte des critiques émises. Le nouveau projet ayant été déposé le 27 mai 1998 à l'Assemblée nationale, il n'a pas été possible cependant de trouver un créneau pour son inscription à l'ordre du jour.

· Le code de justice administrative

Ce code a pour objet de regrouper l'ensemble des dispositions régissant le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs. Il est issu des réflexions d'un groupe de travail institué par le vice-président du Conseil d'Etat en avril 1996 ; il a ensuite été examiné, le 7 avril 1998, par la Commission supérieure de codification et est actuellement, depuis décembre 1998, en instance devant le Conseil d'Etat.

Comme le souligne le neuvième rapport de la Commission supérieure de codification, le code de justice administrative constitue une expérience intéressante d'un travail de codification en parallèle des parties législative et réglementaire ; cette méthode a permis, s'agissant d'un projet de code comportant de nombreuses dispositions réglementaires, d'avoir une vision globale de l'ensemble de l'état du droit ; elle a facilité également les reclassements entre dispositions législatives et réglementaires. Il est probable, cependant, que le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives, adopté par le Sénat et en instance à l'Assemblée nationale, exigera une nouvelle mise à jour du code.

· Le code de la route

Certainement le code le plus connu du grand public, le code de la route est devenu, à la suite de nombreux ajouts, difficilement lisible ; il fut décidé en novembre 1996, dans le cadre d'un programme de sécurité routière, de procéder à sa refonte. A l'instar du code de juridiction administrative, la Commission supérieure de codification a travaillé en parallèle sur la partie législative et la partie réglementaire ; le projet est actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat.

· Le code de l'action sociale

Le code de l'action sociale nécessitait une refonte importante : des lois telles que la loi du 29 juillet 1988 relative à la lutte contre les exclusions n'y ont, en effet, pas été intégrées. La codification des textes réglementaires a exigé également un travail très important compte tenu du nombre de textes à rassembler ou, pour une partie d'entre eux, de leur ancienneté.

Le Conseil d'Etat, saisi le 20 avril 1998, procède actuellement à l'examen de ce nouveau code.

· Le code monétaire et financier

Ce code, qui constitue le pendant du code de commerce a été longtemps retardé par l'adoption de lois nouvelles dans ce domaine : la loi de modernisation des activités financières du 2 juillet 1995, puis les lois du 12 mai 1998 modifiant le statut de la Banque de France et du 2 juillet portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui édicte, dans son titre II, les conditions du passage à l'euro ont affecté profondément la structure du projet de code. Ce n'est qu'en mai 1999, alors que le processus de codification a été lancé en janvier 1990, que la Commission supérieure de codification a pu procéder à son adoption.

L'article 1er définit également la méthode de codification ; chaque code fera ainsi l'objet d'une ordonnance. Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de chaque ordonnance ; ce principe de codification à droit constant tolère cependant trois exceptions : les deux premières concernent le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés. Aménagements « traditionnels » de la codification à droit constant, ces deux exceptions ont déjà été exposées par votre rapporteur et n'appellent pas de commentaires particuliers.

La troisième exception, plus novatrice, à la codification à droit constant a été introduite par voie d'amendement de la commission des lois du Sénat, avec le plein accord de votre rapporteur, consulté sur la question par M. Patrice Gélard : il s'agit de permettre une codification qui puisse s'éloigner du droit constant pour procéder à l'harmonisation de l'état du droit.

Cette dernière exception, l'harmonisation de l'état du droit, était un objectif également assigné à la codification au même titre que le respect de la hiérarchie des normes ou la cohérence formelle des textes, par l'article 3 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il s'agit, en fait, de permettre à la Commission supérieure de codification d'aplanir toute difficulté qui pourrait résulter du rapprochement dans un code de plusieurs textes de sources différentes. La codification est en effet souvent l'occasion de constater que des dispositions, qui ont été adoptées à des moments différents, se contredisent ou sont difficilement compatibles, sans qu'il soit facile de faire prévaloir l'une sur l'autre. Ainsi, M. Guy Braibant faisait état, à propos de la refonte du code de la route, d'une infraction susceptible d'être punie de trois ans d'emprisonnement par le code de la route et de cinq ans dans le code pénal.

Enfin l'article 1er prévoit l'extension éventuelle des dispositions codifiées à l'outre-mer ; votre rapporteur a déjà eu l'occasion d'insister sur l'importance particulière que revêt cette codification pour les territoires et collectivités d'outre-mer, compte tenu du principe de spécialité législative qui leur est applicable. L'habilitation conférée au Gouvernement permettra ainsi de faire le point sur les textes en vigueur, en procédant éventuellement à une actualisation du droit applicable et d'analyser également, pour chaque code, la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité d'outre-mer. Espérons également qu'une telle habilitation évitera de recourir aux textes spécifiques portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer ou aux habilitations accordées dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, aux seules fins de procéder à des remises à niveau du droit applicable.

La seule réserve au sujet de cette possibilité d'extension de dispositions codifiées à l'outre-mer concerne les consultations des assemblées territoriales, qui risquent de retarder quelque peu la publication des ordonnances.

Le projet initial prévoyait une extension des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte ; le Sénat a également introduit, sur proposition du rapporteur, une référence à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, cette collectivité territoriale est régie par le principe de l'assimilation législative et, à l'instar des départements d'outre-mer, la question de l'extension de dispositions codifiées ne se pose pas puisque la loi y est applicable de plein droit ; le Sénat a cependant souhaité prévoir l'extension pour des dispositions datant d'avant le statut actuel et remontant à la période où Saint-Pierre-et-Miquelon était régi par le principe de spécialité législative. Le principe d'assimilation législative, prévu par une loi du 19 juillet 1976, date en fait du 1er octobre 1977 ; ainsi les textes antérieurs à 1977 ne sont applicables que s'ils ont été étendus expressément ; beaucoup de textes antérieurs à cette période n'ayant toujours pas été étendus, votre rapporteur approuve pleinement la modification introduite par le Sénat.

Sur proposition de son rapporteur et compte tenu des améliorations apportées par le Sénat, la Commission a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2

Délais d'habilitation et de ratification

Conformément aux dispositions de l'article 38 de la Constitution, l'article 2 détermine deux délais ; le premier concerne la publication des ordonnances et le second le dépôt des projets de loi de ratification.

Le premier délai tient compte de l'état d'avancement de chaque code :

Le code rural, le code de la santé publique et le code de l'éducation devront ainsi faire l'objet d'ordonnances publiées dans un délai de six mois. Ces codes étant soit déposés au Parlement, soit en instance d'examen par le Conseil d'Etat, un délai de six mois ne devrait pas soulever trop de difficultés.

Le code de commerce, le code de l'environnement et le code de justice administrative doivent être publiés dans un délai de neuf mois ; ce délai plus long se justifie dans la mesure où deux de ces codes, code de l'environnement et code de commerce, avaient fait l'objet de vives critiques lors de leur examen au Parlement, justifiant leur réexamen par la Commission supérieure de codification. Pour le code de justice administrative, qui est achevé et a fait l'objet d'un examen par le Conseil d'Etat, il s'agit de prévoir la possibilité d'y insérer en amont, avant la publication de l'ordonnance, les modifications résultant des différents textes en cours d'examen dans ce domaine.

Le code de la route, le code de l'action sociale et le code monétaire et financier sont prévus dans un délai de douze mois ; ces codes sont actuellement en cours d'examen par la Commission supérieure de codification ou le Conseil d'Etat.

Le second délai, qui concerne le dépôt des projets de loi de ratification, a été, comme cela a déjà été dit, profondément modifié par le Sénat ; alors que le projet initial ne prévoyait qu'un seul projet de ratification à déposer dans les quinze mois suivant la publication de la loi d'habilitation, le Sénat a préféré proposer le dépôt de plusieurs projets de ratification, un par ordonnance, à déposer dans les deux mois suivant la publication de l'ordonnance concernée et, au plus tard, pour les trois derniers codes, le dernier jour du quatorzième mois suivant la publication de la loi d'habilitation.

Cette modification permet de réduire la période pendant laquelle les ordonnances auront valeur réglementaire ; elle contribue donc à garantir une meilleure stabilité juridique en limitant les risques de contentieux.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

*

* *

La Commission a ensuite adopté le projet de loi dans le texte du Sénat.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1860), portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, tel qu'il figure au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté par le Sénat
en première lecture

___

Propositions de la Commission

___

Article 1er

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative des codes suivants :

Article 1er

(Alinéa sans modification)

Article 1er

(Sans modification).

1° Code rural (achèvement) ;

1° Livres VII et IX et mise à jour des livres Ier, II, III, IV, V, VI et VIII du code rural ;

 

2° Code de l'éducation ;

2° Sans modification.

 

3° Code de la santé publique ;

3° Sans modification.

 

4° Code de commerce ;

4° Sans modification.

 

5° Code de l'environnement ;

5° Sans modification.

 

6° Code de justice administrative ;

6° Sans modification.

 

7° Code de la route ;

7° Sans modification.

 

8° Code de l'action sociale ;

8° Sans modification.

 

9° Code monétaire et financier.

9° Sans modification.

 

Chaque code fait l'objet d'une ordonnance. Il regroupe et organise les dispositions législatives relatives à la matière correspondante.

(Alinéa sans modification)

 

Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés. En outre, le Gouvernement peut, le cas échéant, étendre l'application des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte, avec les adaptations nécessaires.

...ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit. En outre, ...

...

d'outre-mer, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et à la collectivité territoriale de Mayotte ...

 

Article 2

Les ordonnances prévues à l'article 1er devront être prises dans les délais suivants :

Article 2

(Alinéa sans modification)

Article 2

(Sans modification).

a) dans les six mois suivant la publication de la présente loi pour les codes mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er ;

a)  Sans modification.

 

b) dans les neuf mois suivant la publication de la présente loi pour les codes mentionnés aux 4°, 5° et 6° de l'article 1er ;

b)  Sans modification.

 

c) dans les douze mois suivant la publication de la présente loi pour les autres codes.

c)  Sans modification.

 

Le projet de loi de ratification des ordonnances devra être déposé devant le Parlement dans les quinze mois suivant la publication de la présente loi.

Pour chaque ordonnance, un projet de loi ...

... dans un délai de deux mois à compter de sa publication et au plus tard le dernier jour du quatorzième mois suivant la publication de la présente loi pour ce qui concerne les codes visés au c.

 

N°1917. - RAPPORT de M. Alain VIDALIES (au nom de la commission des lois) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1860), portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes


© Assemblée nationale