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le 6 décembre 1999

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N° 1998

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 décembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI de M. Charles de COURSON (n° 1797) visant à améliorer la détection d'enfants maltraités

PAR M. Charles de COURSON,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Enfants.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Jean-Pierre Foucher, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM.  Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial,  Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mme Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Yves Cochet, Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Charles de Courson, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Jacky Jaulneau, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Michel Pajon, Jean-Pierre Pernot, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, André Thien Ah Koon, Mme Marisol Touraine, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Alain Veyret, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

__________

Pages

INTRODUCTION 5

I.- LE DISPOSITIF ACTUEL DE DÉTECTION DES MALTRAITANCES 7

1. Des instruments juridiques variés 7

2. Un bilan positif, mais qui peut encore être amélioré 8

II.- L'ÉCOLE ET LA LUTTE CONTRE LA MALTRAITANCE 13

1. Un rôle encore insuffisant 13

2. L'apport de la proposition de loi 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 17

II.- EXAMEN DES ARTICLES 18

Article premier : Insertion dans le code de la santé publique d'un titre relatif

à la maltraitance 18

Article 2 : Compensation des conséquences financières de la loi 19

Titre : ....................................................................................... 20

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 23

INTRODUCTION

Quelques jours après la célébration du dixième anniversaire de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, l'Assemblée nationale est appelée à examiner une proposition de loi issue des travaux du Parlement des enfants.

C'est depuis 1994, à la suite d'une initiative prise par le président Philippe Séguin, que se réunissent chaque année dans l'hémicycle du Palais-Bourbon 577 représentants de classes de CM2, constituant un « Parlement des enfants ». Depuis 1996, les enfants débattent sur des textes qu'ils ont eux-mêmes élaborés et en sélectionnent un, qui est ensuite transcrit en forme législative et, après son vote par les deux assemblées, devient une loi de la République. Ainsi, trois lois adoptées au cours des trois dernières années trouvent leur origine dans les réflexions du Parlement des enfants :

- loi n° 96-1238, du 30 décembre 1996, relative au maintien des liens entre frères et s_urs ;

- loi n° 98-381, du 14 mai 1998, permettant à l'enfant orphelin de participer au Conseil de famille ;

- loi n° 99-478, du 9 juin 1999, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires.

Réuni le 5 juin 1999, le sixième Parlement des enfants a distingué le texte rédigé par les élèves de la classe de CM1-CM2 de l'école primaire publique du Mesnil-sur-Oger, visant « à améliorer la détection d'enfants maltraités ». Le rapporteur, élu de la 5e circonscription de la Marne, dans laquelle se situe cette commune, a déposé le 8 septembre 1999 une proposition de loi reprenant le dispositif adopté par les enfants. Il est en effet essentiel, comme le précise l'exposé des motifs, « que la réflexion entamée par les enfants soit poursuivie et approfondie au sein de notre Assemblée, afin que notre droit puisse progresser sur une question dont nul ne peut sous-estimer la gravité ».

Sensibilisés par un cas concret aux problèmes de la maltraitance, les élèves du Mesnil-sur-Oger ont souhaité compléter le dispositif juridique existant en matière de prévention des mauvais traitements aux enfants par deux mesures applicables à l'école. Il s'agit, d'une part, de l'instauration d'une visite médicale annuelle obligatoire pendant tout le cours de la scolarité et, d'autre part, de l'organisation dans les écoles, collèges et lycées, de séances périodiques d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée.

Les responsables d'organismes de protection de l'enfance rencontrés par le rapporteur ont souligné l'utilité de la démarche consistant à généraliser une pratique existante, puisque des séances de ce type sont déjà organisées dans des établissements scolaires. En revanche, l'idée selon laquelle des visites médicales annuelles permettraient de rendre plus efficace la politique de lutte contre la maltraitance ne paraît pas réaliste. L'objectif du texte proposé par les enfants ne peut naturellement qu'être approuvé. Il est judicieux de renforcer le rôle de l'école, spécialement de la médecine scolaire, dans la prévention et la détection des mauvais traitements, mais le rapporteur envisagera, à cette fin, un autre dispositif juridique.

I.- LE DISPOSITIF ACTUEL DE DÉTECTION DES MALTRAITANCES

Si la France dispose déjà d'une large gamme d'instruments juridiques visant à la détection des maltraitances infantiles, ces textes ne sont pas convenablement appliqués. Dès lors, la maltraitance perdure.

1. Des instruments juridiques variés

Depuis une dizaine d'années, la France s'est dotée de textes tendant à lutter spécifiquement contre les mauvais traitements envers les enfants, avec des volets préventifs et répressifs.

Avant même l'adoption de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, a été votée la loi n° 89-487, du 10 juillet 1989, relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance.

La loi confirme le rôle du président du conseil général comme principal animateur de l'action sociale en faveur de l'enfance et oblige les départements à mettre en place des dispositifs chargés de recueillir les informations relatives aux mineurs maltraités. Par ailleurs, elle crée un service national d'accueil téléphonique, le SNATEM, sous la forme d'un groupement d'intérêt public entre l'Etat et les départements. Elle comporte également des dispositions relatives à la prévention des mauvais traitements et à la formation, puisqu'aux termes de l'article 4 de la loi précitée, « les médecins, ainsi que l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les enseignants et les personnels de la police nationale et de la gendarmerie reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre de répondre aux cas d'enfants maltraités et de prendre les mesures nécessaires de prévention et de protection qu'ils appellent ».

Plus récemment, a été adoptée la loi n° 98-468, du 17 juin 1998, relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs, qui comporte un véritable statut spécifique protecteur des mineurs victimes. S'il est trop tôt pour apprécier la portée concrète de ce texte, il est, en revanche possible de dresser un bilan de la mise en _uvre de la loi du 10 juillet 1989.

Celle-ci a fait l'objet de nombreux textes d'application, parmi lesquels :

- le décret du 9 décembre 1991, relatif à la formation des professionnels, qui précise les thèmes à aborder dans cette formation ;

- la circulaire interministérielle du 3 mai 1995, relative à la coordination des programmes d'action des différents ministères au sein du groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée (GPIEM) ;

- le décret et l'arrêté du 12 mars 1997, relatifs à la coordination interministérielle en matière de lutte contre les mauvais traitements et atteintes sexuelles envers les enfants ;

- la circulaire du 15 mai 1997, du ministre de l'éducation nationale, sur la prévention des mauvais traitements à l'égard des élèves ;

- la circulaire du 26 août 1997, de la ministre déléguée à l'enseignement scolaire, concernant les violences sexuelles.

Malgré cette prolifération de textes, le bilan de la politique en matière de maltraitance est nuancé.

2. Un bilan positif, mais qui peut encore être amélioré

Si la création du SNATEM représente un incontestable progrès, d'autres aspects de l'application de la loi sont peu satisfaisants.

Le SNATEM (« Allô, enfance maltraitée ») dispose d'un numéro vert national, le 119, qui doit être obligatoirement affiché dans tous les lieux accueillant des enfants. Fonctionnant 24 heures sur 24 tous les jours, cette ligne est gratuite et accessible de toute la France métropolitaine. Elle offre ainsi à toute personne, y compris aux enfants eux-mêmes, un moyen simple et direct de faire connaître des situations présumées de maltraitance. Le SNATEM reçoit plus de cinq mille appels par jour et en traite en moyenne trois mille, ce taux de traitement ayant fortement progressé en deux ans1. Au cours des sept dernières années, le service a permis d'engager une action de prévention et de protection en direction de plus de 100 000 enfants. En 1998, 31 843 enfants ont été aidés par le biais du SNATEM et, pour la même année, 43 % des situations signalées étaient inconnues des services départementaux. Les mauvais traitements relevés sont de nature physique (60 %), sexuelle (15 %) et psychologique (25 %).

Sur d'autres points, la loi du 10 juillet 1989 paraît mal appliquée. Ainsi, selon les observations de la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, « en 1996, vingt départements environ n'avaient pas organisé le système d'observation » prévu par la loi. L'exigence de formation des professionnels posée par celle-ci semble également mal respectée, malgré l'abondance de règlements et instructions. Selon les informations recueillies par le rapporteur, les enseignants ressentent souvent un besoin de formation en matière de maltraitance et sont contraints de se tourner vers les associations pour pallier les défaillances de l'éducation nationale.

Dans ces conditions, et malgré les efforts entrepris, les résultats de la politique de lutte contre la maltraitance infantile demeurent décevants.

Certes, le dernier rapport de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) sur l'enfance en danger, publié en septembre 1999, fait état, pour la première fois depuis qu'existe un tel rapport (1994) d'une diminution du nombre d'enfants maltraités, qui serait passé de 21 000 en 1997 à 19 000 en 1998. Le tableau suivant retrace l'évolution du nombre d'enfants maltraités et leur répartition selon le type de mauvais traitement principal, depuis 1995.

   

1995

 

1996

1997

1998

Violences physiques

 

7 000

 

7 500

7 000

7 000

Abus sexuels

 

5 500

 

6 500

6 800

5 000

Négligences graves

}

7 500

}

7 000

5 400

5 300

Violences psychologiques

}

}

1 800

1 700

Total

 

20 000

 

21 000

21 000

19 000

La forte diminution des abus sexuels est seule à l'origine de la baisse du nombre total d'enfants maltraités. Elle tient, selon l'ODAS, à l'amoindrissement de la pression médiatique sur le sujet, des événements tels que l'affaire Dutroux ayant entraîné « une série de révélations d'abus sexuels anciens par des adolescents ou de jeunes adultes ».

En revanche, si l'on prend en compte l'ensemble des enfants en danger, le nombre des signalements est passé de 82 000 en 1997 à 83 000 en 1998. L'ODAS regroupe dans ce décompte les enfants maltraités et les enfants « en risque », c'est-à-dire ceux qui, sans être maltraités, connaissent des conditions d'existence mettant en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité, leur éducation ou leur entretien. Le tableau ci-après retrace l'évolution des signalements, en France métropolitaine, depuis 1995.

 

1995

1996

1997

1998

Enfants maltraités

20 000

21 000

21 000

19 000

Enfants en risque

45 000

53 000

61 000

64 000

Total des enfants en risque

65 000

74 000

82 000

83 000

Il convient en outre de souligner que 59 % des signalements ont été transmis au Parquet en 1998, ce qui traduit une stabilité par rapport à 1997 (60 %).

L'examen attentif des données recueillies par l'ODAS montre donc qu'il serait dangereux de tirer des conclusions hâtives de la décrue enregistrée en 1998 en ce qui concerne les maltraitances. Au demeurant, la bonne appréciation de ce phénomène suppose qu'on l'examine sur une longue période. Il n'existe malheureusement pas en France d'étude équivalente à celles effectuées dans certains pays anglo-saxons, où l'on interroge des adultes d'une génération sur les mauvais traitements subis dans leur enfance. 10 % auraient été victimes d'actes de violences sexuelles ou physiques, dont environ la moitié aurait donné lieu à signalement. Les déclarations recueillies auprès de médecins français donnent des résultats proches. Si l'on considère que le taux de violences sexuelles est à peu près le même en France, on peut estimer que le taux de révélation dans notre pays se situe entre 25 et 30 %. L'augmentation des violences révélées peut résulter d'une augmentation des taux de révélation, mais aussi d'un accroissement du nombre d'actes lui-même. S'il est difficile d'apprécier l'évolution des violences familiales et extra-familiales, il est certain que la violence entre enfants s'accroît. La prévention de la maltraitance demeure donc une nécessité absolue et suppose des actions à long terme. Pour compléter ce qui existe déjà, le système éducatif devrait jouer, dans ce domaine, un rôle accru.

II.- L'ÉCOLE ET LA LUTTE CONTRE LA MALTRAITANCE

Le constat est banal : l'école est le lieu où, en dehors de sa famille, l'enfant passe le plus de temps. Il n'y acquiert pas seulement des connaissances, car l'école se doit de développer les différents aspects de sa personnalité. Les enseignants et, dans une moindre mesure, les autres personnels de l'éducation sont au contact quotidien, ou presque, des élèves et sont, dès lors, particulièrement à même de déceler chez l'enfant des attitudes inhabituelles, inquiétantes, révélatrices d'une forme de malaise ou de mal-être. Les personnels médicaux et sociaux qui interviennent dans la vie scolaire devraient également être en mesure de jouer un rôle dans ce domaine.

Paradoxalement, l'école ne remplit pas réellement cette fonction : elle n'est encore qu'un acteur mineur dans la politique de lutte contre la maltraitance infantile. La proposition de loi inspirée des travaux du Parlement des enfants est de nature à remédier à cette carence.

1. Un rôle encore insuffisant

Un chiffre est, malheureusement, éloquent : dans le département de la Marne, dont sont originaires les auteurs du texte retenu par le Parlement des enfants, 8 % seulement des signalements judiciaires intervenus en 1998 trouvaient leur origine dans le système éducatif. La situation de ce département le situe un peu en-dessous de la moyenne nationale qui s'établit autour de 10 %, même si certains départements ne fournissent pas les données les concernant.

Pourtant, les fondements juridiques d'une participation effective de l'éducation nationale à la lutte contre la maltraitance existent. La circulaire n° 97-119 du 15 mai 1997, relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des élèves, montre qu'il existe une prise de conscience de ce problème au sein du Gouvernement. La circulaire rappelle les dispositions législatives et réglementaires applicables et énonce des principes généraux qui ne peuvent qu'être approuvés :

« La politique engagée en France repose notamment sur la nécessité d'informer et de former les adultes en relation avec les enfants pour qu'ils sachent entendre et comprendre les élèves, avertir les autorités compétentes.

L'éducation nationale a en ce domaine une fonction déterminante. Ses personnels, en contact permanent avec les enfants, ont une obligation de vigilance et doivent être informés des signes révélateurs de maltraitance, mauvais traitements et atteintes sexuelles, et des comportements à adopter lorsque le cas se présente. Il incombe également à l'école de participer à la prévention par les actions d'information qu'elle conduit auprès des élèves. »

La circulaire indique ensuite que « le dispositif de prévention de la maltraitance mis en _uvre par les recteurs et les inspecteurs d'académie implique une collaboration étroite avec ... bien entendu, en tout premier lieu les personnels sociaux et de santé ». Toutefois, elle ne précise pas le rôle concret que sont appelés à jouer de manière concrète lesdits personnels. Elle se borne à rappeler les règles applicables en matière de formation - lesquelles, on l'a vu, sont imparfaitement respectées, ainsi que l'organisation des relations entre l'éducation nationale, les collectivités locales, les autres services de l'Etat et les associations, puis à décrire la procédure de signalement.

De la même manière, la circulaire n° 91-148 du 24 juin 1991 du ministère de l'éducation nationale, relative aux missions et au fonctionnement du service de promotion de la santé en faveur des élèves, ne fait pas de la lutte contre la maltraitance un objectif prioritaire de ce service. Prise à la suite du rattachement, effectif au 1er janvier 1991, du système de santé scolaire à l'autorité du ministre de l'éducation nationale, la circulaire énonce, parmi les missions du service, « des actions de portée générale » et « des actions sélectives en faveur de publics prioritaires », qui comprennent en particulier « des interventions en urgence pour les enfants ou adolescents en danger physique et moral, notamment ceux victimes de sévices ».

Cette notion d'interventions en situation d'urgence est précisée par la circulaire à propos des fonctions du médecin scolaire :

« Pour la protection de l'enfant en danger ou victime de mauvais traitements, le médecin sera amené à faire une évaluation de la situation vécue par l'enfant et un constat des lésions organiques ou des troubles psychologiques induits par la maltraitance ; s'il constate que la santé ou le développement de l'enfant est compromis ou menacé, et sans préjudice des compétences et de la saisine des autorités judiciaires, il en rend compte sans délai aux services départementaux compétents et avertit le médecin responsable départemental ». La circulaire énonce également que l'infirmière « indique au médecin de secteur les enfants qui lui paraissent avoir besoin d'un examen à la demande personnalisé », cette disposition pouvant « aussi s'appliquer aux élèves qui sont signalés à l'infirmière par les enseignants, le service social scolaire, ou tout membre de l'équipe éducative ». Ces procédures semblent donc pouvoir concerner les cas de maltraitance, même si elles ont un champ d'application plus large.

Ainsi, la détection des maltraitances apparaît comme une mission un peu marginale de la médecine scolaire : quelques lignes sont consacrées spécifiquement au problème dans un texte de quinze pages. Conçue seulement à travers des procédures d'urgence, l'intervention de ce service peut se révéler souvent tardive, elle ne s'insère pas dans une politique systématique de prévention, que l'organisation actuelle des contrôles médicaux à l'école ne permet pas.

Il convient de souligner en outre que certains éléments jouent un rôle de frein. Les enseignants ne veulent pas se placer dans une situation difficile envers les familles, tandis que les médecins scolaires craignent de faire l'objet de condamnations pour dénonciation abusive, comme cela s'est récemment produit.

Cette situation justifie pleinement l'amélioration du cadre législatif de la médecine scolaire.

2. L'apport de la proposition de loi

L'organisation du dispositif de santé scolaire est actuellement régie par deux dispositions de nature législative, les articles L. 149 et L. 191 du code de la santé publique.

L'article L. 149 s'insère dans le titre du code de la santé publique relatif à la protection maternelle et infantile. Il concerne donc les enfants de moins de six ans, qui ne sont pas encore soumis à l'obligation de scolarité. Aux termes du troisième alinéa (2°), le service départemental de PMI doit organiser « des consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de six ans, notamment dans les écoles maternelles ». La PMI établit une liaison avec le service de santé scolaire, auquel elle transmet les dossiers des enfants suivis.

L'article L. 191 détermine le régime d'examens médicaux applicables aux enfants de plus de six ans :

« Au cours de leur sixième année, tous les enfants sont obligatoirement soumis à une visite médicale. Cette visite, à laquelle les parents ou tuteurs sont tenus, sur consultation administrative, de présenter les enfants, ne donne pas lieu à contribution pécuniaire de la part des familles.

Des examens périodiques sont ensuite effectués pendant tout le cours de la scolarité et la surveillance sanitaire des élèves est exercée avec le concours d'un service social.

Des décrets pris en Conseil d'Etat fixent la participation des familles et des collectivités publiques aux dépenses occasionnées par les examens médicaux périodiques des élèves des divers ordres d'enseignement. »

La circulaire précitée du 24 juin 1991 précise que l'examen obligatoire de la sixième année doit être pratiqué en grande section de maternelle ou, à défaut, en cours préparatoire. Elle prévoit également qu'un bilan de santé peut avoir lieu lors de l'entrée au collège (CM2 ou sixième), « en fonction des besoins recensés » et qu'un tel bilan « s'impose » dans le cadre de la procédure d'orientation à l'issue de la scolarité au collège.

Dans la pratique, seuls sont réellement effectués de manière systématique, le premier bilan de santé, lors de la sixième année qui touche 95 % des élèves, et, dans une moindre mesure, le bilan d'orientation en troisième. En revanche, les examens périodiques prévus par le code de la santé publique, et notamment celui qu'envisage la circulaire de 1991 lors de l'entrée au collège, sont rares. Pour l'année scolaire 1996-1997, les 2 157 555 examens effectués par la médecine scolaire se répartissent ainsi :

- premier bilan de santé : 675 020 ;

- bilan d'orientation : 488 863 ;

- autres : 993 672.

Il est à noter que la rubrique « autres » inclut tous les examens dits « à la demande », que celle-ci émane de l'élève lui-même, de ses parents, des enseignants ou des personnels de santé (838 834).

Rares, les contrôles médicaux à l'école sont aussi souvent superficiels et se limitent aux examens obligatoires (examen biométrique pour la croissance ; prévention et dépistage des handicaps ; dépistage des affections pulmonaires et des affections bucco-dentaires, des scolioses, du rachitisme ; dépistage des anomalies, maladies ou infirmités mentales, sensorielles ou motrices). Il est permis, au demeurant, de s'interroger sur le sens de certains de ces examens, dès lors qu'ils ne sont pratiqués qu'occasionnellement et que l'enfant ne fait pas l'objet d'un véritable suivi médical au cours de sa scolarité.

Cette situation est largement liée à l'insuffisance, unanimement admise, des moyens de la médecine scolaire. A la rentrée de 1999, le nombre total de médecins s'élevait à 1 970 équivalents temps-plein, dont 1 219 emplois à plein temps et 751 ETP sous forme de vacations. Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit 10 créations d'emplois. Le taux d'encadrement est d'environ un médecin pour 7 000 élèves, alors que la norme théorique est de un pour 5 000, ce qui supposerait 800 à 900 créations de postes. Cette moyenne correspond à des variations sensibles, puisque, dans l'académie de Paris, on trouve un médecin pour 5 150 élèves, alors que treize académies métropolitaines ont un taux inférieur à la moyenne nationale2.

La proposition retenue par le Parlement des enfants consisterait à instaurer une visite médicale annuelle pendant tout le cours de la scolarité, ce qui supposerait un renforcement considérable des moyens de la médecine scolaire, alors même qu'actuellement les normes ne sont pas respectées. Il n'est pas sûr que cette conception soit opportune. Une telle visite ne permettrait pas de déceler toutes les violences physiques, elle serait inadéquate pour les sévices sexuels et psychologiques. Il paraît préférable d'adopter une autre démarche, en donnant valeur législative aux règles qui régissent les relations entre les enseignants et la médecine scolaire et de faire de la lutte contre les maltraitances l'une des missions importantes de celle-ci.

Par ailleurs, il est judicieux, comme le suggèrent les enfants, de renforcer la prévention des maltraitances par des actions plus systématiques d'information et de sensibilisation à l'intérieur de l'école. A cette fin, il est opportun de prévoir dans la loi l'organisation annuelle, dans chaque établissement scolaire, de séances consacrées à l'enfance maltraitée, auxquelles participeraient l'ensemble des acteurs du système éducatif et les associations de protection de l'enfance.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné la présente proposition de loi au cours de sa séance du jeudi 2 décembre 1999.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jean-Paul Durieux, président, l'a interrogé sur la réalisation pratique des séances d'information, en demandant qui en aurait l'initiative.

Mme Marie-Françoise Clergeau, après avoir approuvé la démarche du rapporteur, a souligné la difficulté inhérente à la détection de la maltraitance au sein des établissements scolaires. Cependant, des initiatives prises par les collectivités locales peuvent, à l'instar de ce qui est pratiqué dans la ville de Nantes, instituer un nombre significatif de visites médicales au-delà de l'obligation légale. Par ailleurs, il convient d'améliorer la formation des enseignants et de faire intervenir les agents spécialisés des écoles maternelles (ASEM).

M. Bernard Perrut a fait les observations suivantes :

- La protection de l'enfance en danger comprend, outre l'enfance maltraitée, les enfants « en risque », qui ont besoin d'une intervention précoce.

- Tant qu'un enfant n'est pas scolarisé, il risque d'échapper à tout contrôle, ce que prouve le nombre de cas de très jeunes enfants maltraités signalés par les hôpitaux.

- Les psychologues scolaires sont en nombre insuffisant et ne bénéficient pas d'un véritable statut.

- Les associations ont parfois des difficultés d'accès aux milieux scolaires. Il est par ailleurs regrettable que les initiatives prises par les départements ne soient pas mieux coordonnées.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a donné les précisions suivantes :

- Les séances d'information des élèves doivent être organisées à l'initiative du chef d'établissement.

- Les initiatives locales des départements et communes doivent être encouragées.

- La formation des enseignants a progressé puisque les programmes d'IUFM comportent des modules relatifs à la maltraitance et qu'il existe aussi des actions de formation continue. La formation des ASEM pose un autre problème, ces personnels relevant de la fonction publique territoriale et non pas de la fonction publique d'Etat.

- Tous les enfants n'allant pas en maternelle, la détection de la maltraitance par la PMI est difficile, cette difficulté est augmentée du fait de l'isolement croissant des familles et des individus au sein de la société.

- L'accès des associations au milieu scolaire doit être facilité.

- Le message adressé aux enfants ne doit pas être trop négatif, il doit insister sur le caractère exceptionnel de la maltraitance.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Insertion dans le code de la santé publique d'un titre relatif à la maltraitance

Cet article de la proposition de loi tend à insérer après le titre II du livre II du code de la santé publique un titre II bis (« Détection et prévention des faits de mauvais traitements à enfants ») comportant trois articles.

L'article 198-1 rend obligatoire l'organisation chaque année d'une visite médicale pendant tout le cours de la scolarité et précise que ces visites ont notamment pour objet la détection des maltraitances.

L'article 198-2 prévoit l'organisation annuelle d'une séance d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée dans les écoles, collèges et lycées.

L'article 198-3 renvoie à un décret les conditions d'application des deux articles précédents.

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l'intitulé du titre II bis nouveau du code de la santé publique, la formulation : « Prévention et détection des faits de mauvais traitements à enfants » permettant d'insister sur le rôle de la médecine scolaire et de l'école dans la prévention des maltraitances.

La commission a examiné un amendement du rapporteur supprimant l'annualité des visites médicales obligatoires à l'école et indiquant dans la loi que la prévention et la détection des maltraitances sont une des missions de la médecine scolaire.

Le rapporteur a précisé que l'organisation de visites médicales annuelles représenterait une dépense publique inutile au regard des résultats escomptés, en tout cas dans la lutte contre les maltraitances.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser que les actions de prévention donneront lieu « à au moins une séance dans l'année » et non une seule séance de sensibilisation et d'information comme le prévoit le texte initial.

Le rapporteur a précisé que de telles actions ne peuvent être réellement efficaces avec une seule séance dans l'année.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à associer les familles aux actions de prévention de la maltraitance organisée à l'école.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

Compensation des conséquences financières de la loi

Cet article compense de deux manières les dépenses que la proposition de loi est susceptible d'entraîner.

D'une part, en ce qui concerne les départements, il prévoit l'augmentation à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

D'autre part, les dépenses supplémentaires qui incomberaient à l'Etat sont compensées par l'augmentation des droits sur le tabac (articles 575 et 575 A du code général des impôts).

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La commission a adopté cet article sans modification.

Titre

La commission a adopté un amendement de conséquence visant à modifier le titre de la proposition de loi.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

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En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI VISANT À RENFORCER LE RÔLE DE L'ÉCOLE DANS LA PRÉVENTION ET LA DÉTECTION DES FAITS DE MAUVAIS TRAITEMENTS À ENFANTS 

Article 1er

Après le titre II du livre II du code de la santé publique, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« TITRE II bis

« PRÉVENTION ET DÉTECTION DES FAITS DE MAUVAIS TRAITEMENTS À ENFANTS »

« Art. L. 198-1.- Les visites médicales effectuées en application du troisième alinéa (2°) de l'article L. 149 et du deuxième alinéa de l'article L. 191 ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants maltraités. 

« Art. L. 198-2.- Au moins une séance d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée, associant les familles, les services publics de l'Etat, les collectivités locales et les associations intéressées à la protection de l'enfance, est organisée chaque année à l'intention des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

« Art. L. 198-3.- Un décret fixe les conditions d'application du présent titre. »

Article 2

I.- Les charges supportées par les départements pour l'application de la présente loi sont compensées par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II.- Les pertes de recettes et charges supportées par l'Etat pour l'application de la présente loi sont compensées par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

_____________

N° 1998.- Rapport de M. Charles de Courson ,au nom de la commission des affaires culturelles, sur la proposition de loi (n° 1797) visant à améliorer la détection d'enfants maltraités.

1 Le rapport (n° 871) de la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, présidée par le président Laurent Fabius, fait état, lors de sa publication, en mai 1998, du traitement d'un appel sur six seulement.

2 Besançon, Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Montpellier, Nancy-Metz, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Rennes, Toulouse.


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