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N° 2000

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 décembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes).

PAR M. Jean-Noël KERDRAON,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 487 (1998-1999), 44 et T.A. 16 (1999-2000)

Assemblée nationale : 1916 rect.

Traités et conventions.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Arthur Paecht, Jean-Claude Sandrier, vice-présidents ; M.  Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Jean-Marie Bockel, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Gérard Charasse, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Robert Gaïa, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Elie Hoarau, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Michel Voisin, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer, Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - LES ENJEUX DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'ARMEMENT 7

A. LES AVANTAGES ÉVIDENTS D'UNE COOPÉRATION EUROPÉENNE 7

B. UN LONG CHEMINEMENT 9

C. LES NÉGOCIATIONS AYANT CONDUIT À LA CRÉATION DE L'OCCAR 11

II. - LE CARACTÈRE NOVATEUR DE L'OCCAR 13

A. LES PRINCIPES DE BASE DE L'OCCAR 13

B. LA GLOBALISATION DU « JUSTE RETOUR » 14

C. LA NÉCESSITÉ DE DISPOSER D'UNE PERSONNALITÉ JURIDIQUE 16

III. - LA MISE EN PLACE ET LES PERSPECTIVES DE L'OCCAR 17

A. L'INSTALLATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L'OCCAR 17

B. LES PROGRAMMES CONCERNÉS PAR L'OCCAR 20

C. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION ET D'ÉLARGISSEMENT 22

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

Mesdames, Messieurs,

Face à l'augmentation des coûts de développement et à la stagnation ou à la réduction des ressources budgétaires consacrées à la défense, aucun pays européen n'est en mesure d'être totalement autonome dans le domaine de l'armement. Devant l'inertie et l'insuffisance des résultats du Groupe d'armement pour l'Europe occidentale (GAEO) existant depuis plusieurs décennies, en décembre 1995, la France et l'Allemagne, rejoints par l'Italie et la Grande-Bretagne en 1996, ont décidé la mise en place d'une Organisation conjointe de coopération en matière d'armement : l'OCCAR.

Toutefois, l'accord administratif signé entre les quatre membres fondateurs, le 12 décembre 1996 à Strasbourg, n'a pas octroyé la personnalité juridique à l'OCCAR qui expérimente donc depuis trois ans une nouvelle démarche dans le domaine de la coopération en matière d'armement tout en continuant à dépendre, pour l'ensemble des actes juridiques passés, de la signature des pays membres.

La gestion des premiers programmes confiés à cet organisme ayant donné satisfaction en matière de coût, d'efficacité et de délais, les États membres ont souhaité poursuivre dans cette voie et donner à l'OCCAR les moyens de développer ses activités, en lui accordant notamment la personnalité juridique.

Le présent projet de loi a donc pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, le 9 septembre 1998 à Farnborough et portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).

La ratification de cette convention permettra à l'OCCAR d'avoir une existence juridique en tant qu'organisme international avec toutes les prérogatives inhérentes à ce statut. La présente convention entrera en vigueur trente jours après la quatrième ratification.

Bien que la Commission des affaires étrangères soit compétente, en vertu de l'article 36 alinéa 6 du règlement de l'Assemblée nationale, pour examiner les traités et accords internationaux, la Commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi en raison de l'importance de l'enjeu pour notre industrie nationale de défense et également en raison du rôle déterminant que cet organisme sera appelé à jouer en matière d'équipements futurs de nos forces.

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* *

C'est donc sous l'angle des implications de cette convention dans le domaine de la défense que sera examiné le projet de loi autorisant son approbation. Après une première partie consacrée à l'étude des enjeux de la coopération européenne en matière d'armement, nous examinerons les caractéristiques novatrices de l'OCCAR. Enfin, nous présenterons la mise en place et les perspectives de développement et d'élargissement de cet organisme.

I. - LES ENJEUX DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE L'ARMEMENT

Si la plupart des gouvernements européens se sont félicités des restructurations intervenues dans le domaine de l'industrie de l'armement, force est de constater que la construction d'une véritable Europe de la défense nécessite une coopération entre les États participants dans le domaine de la recherche, du développement et de l'acquisition de systèmes d'armes interopérables voire communs.

Des tentatives ponctuelles et limitées de coopération multinationale dans le domaine de l'armement n'ont pas donné les résultats escomptés, même si d'autres ont pu aboutir à des résultats encourageants. Des impératifs financiers, mais également une volonté politique et une logique militaire rendent évidents les intérêts d'une rationalisation de la demande des États.

A. LES AVANTAGES ÉVIDENTS D'UNE COOPÉRATION EUROPÉENNE

La mise en place de l'OCCAR répond à plusieurs motivations évidentes et doit être replacée dans une triple perspective : économique, politique et militaire.

Les raisons économiques

Une coopération internationale réussie, quel qu'en soit le domaine, permet de réaliser des économies d'échelle en partageant les coûts de recherche et de développement et d'obtenir de meilleurs prix par l'allongement des séries. Encore faut-il que ces avantages ne soient pas obérés par l'apparition de surcoûts inévitablement engendrés par une coopération internationale.

Sur le plan industriel, une politique de coopération avisée peut avoir des effets structurants en permettant de conforter les pôles d'excellence de l'industrie des pays coopérants et en favorisant les regroupements industriels. De ce points de vue, les récents rapprochements industriels que l'Europe a connus dans le domaine de l'armement ne sont évidemment pas étrangers à cette politique de coopération.

La coopération en matière d'armement apparaît comme un des moyens de réduire la contradiction entre des budgets militaires qui tendent à être réduits et des matériels de plus en plus onéreux.

Les motifs politiques

Au delà des impératifs économiques bien sûr non négligeables, la volonté de coopération entre pays européens revêt une signification politique claire et constitue un engagement en faveur de la construction de l'identité européenne de sécurité et de défense. La généralisation de la coopération dans ce domaine est incontestablement de nature à favoriser la mise en place d'une politique européenne de l'armement, volet essentiel de la future politique européenne de défense.

Le traité d'Amsterdam prévoyait déjà une coopération accrue dans ce domaine : « La définition progressive d'une politique de défense commune est étayée, dans la mesure où les Etats membres le jugent approprié, par une coopération entre eux en matière d'armement ».

Mais le Conseil européen qui s'est réuni à Cologne les 4 et 5 juin 1999 insiste davantage sur la nécessité d'_uvrer vers une plus grande coopération dans le domaine de l'armement, comme en témoigne le communiqué final : « Nous reconnaissons aussi la nécessité d'accomplir des efforts soutenus pour renforcer la base industrielle et technologique de la défense, que nous souhaitons compétitive et dynamique. Nous sommes déterminés à favoriser la restructuration des industries européennes de défense dans les États concernés. Avec les industriels, nous _uvrerons à une collaboration plus étroite et plus efficace des industries de défense. Nous chercherons à améliorer encore l'harmonisation des besoins militaires ainsi que la programmation et la fourniture des armements, de la façon que les États membres jugeront appropriée ».

Les intérêts militaires

L'intérêt militaire de la coopération européenne en matière d'armement est l'un des prolongements des raisons politiques. En effet, toute collaboration dans ce domaine conduit à rapprocher les armées des pays coopérants lors de la définition du besoin commun. La coopération améliore également l'interopérabilité des forces équipées d'un même système, ce qui est indispensable lorsque des opérations sont conduites en coalition, comme c'est aujourd'hui le plus souvent le cas. En outre, la logistique qui est souvent commune s'en trouve facilitée.

Ces intérêts évidents ne doivent pas cacher les difficultés de la coopération internationale en matière d'armement. Ainsi, il n'est pas toujours aisé d'identifier clairement un programme industriel susceptible de convenir à plusieurs pays désireux de coopérer, les besoins pouvant être différents bien que proches ou échelonnés dans le temps. Ensuite, la difficulté est d'aboutir à un montage préservant les intérêts industriels de chaque participant, l'obligation du « juste retour » industriel prévalant jusqu'à présent n'étant pas le moindre écueil. Enfin, les aléas budgétaires peuvent conduire certains participants à demander, en cours de réalisation, une modification, une réduction du programme ou un étalement dans le temps. Certains participants peuvent aller jusqu'à quitter le programme en coopération dans lequel ils s'étaient engagés (Trimilsatcom, frégates Horizon, VBCI...).

Malgré ces aléas, l'intérêt de la coopération est suffisamment évident pour que, depuis plusieurs décennies, les principaux pays européens aient constamment tenté de collaborer dans la production conjointe d'armement.

B. UN LONG CHEMINEMENT

En 1976, les ministres de la Défense de 13 pays européens décidaient de promouvoir la coopération en matière d'armement en créant le GEIP, le Groupe européen indépendant de programme. En 1992, les compétences de ce groupe étaient transférées à l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale. Puis, en mai 1993, fut créé le GAEO (Groupe armement de l'Europe occidentale), instance chargée de la coopération en matière d'armement au sein de l'UEO. En novembre 1996 était créée l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO), organe subsidiaire de l'UEO doté de la personnalité juridique lui permettant de passer des contrats en matière de recherche amont.

Le GAEO est, au sein de l'UEO, l'unique forum où se traitent les questions relatives à la production d'armements. Il s'agit d'un groupe informel rassemblant les pays européens de l'OTAN sauf l'Islande, soit 13 pays. En outre, trois États qui n'appartiennent pas à l'OTAN, l'Autriche la Finlande et la Suède, ont le statut d'observateur. Reconnu par les traités de Maastricht et d'Amsterdam comme l'instance européenne de coopération en matière d'armement, le GAEO entretient un dialogue régulier avec la Commission européenne.

Les objectifs du GAEO sont de favoriser une utilisation plus efficace des ressources grâce à une meilleure harmonisation des besoins opérationnels, à la standardisation et à l'interopérabilité des équipements, de rechercher l'ouverture des marchés nationaux de défense à la concurrence européenne, de préserver et de renforcer une base technologique et industrielle européenne dans le domaine de la défense et, enfin, d'élargir et d'animer la coopération en matière de recherche et de développement.

Se réunissant à l'échelon des ministres de la défense et des directeurs nationaux d'armement, le GAEO est constitué de quatre organismes principaux :

- la commission I est chargée de développer des programmes d'équipement en commun présentant un bon rapport entre leur coût et leur efficacité et permettant de satisfaire les besoins opérationnels des pays membres du GAEO ;

- la commission II est compétente pour la recherche et la technologie ;

- la commission III traite des grandes orientations de politique commune en matière d'économie de défense ;

- un groupe d'experts nationaux chargé d'identifier les tâches et les étapes à franchir pour mettre en place une agence de l'armement a été créé fin 1998.

La volonté des pays membres de l'UEO d'examiner, dans le contexte d'un renforcement du rôle opérationnel de cette dernière, de nouvelles propositions visant à accroître la coopération dans le domaine de l'armement en vue de la création d'une agence européenne de l'armement a rapidement buté sur des questions liées aux principes d'acquisition.

Ces difficultés ont conduit à la réorientation des travaux au sein du GAEO en vue de l'établissement d'une cellule spécialisée dans les activités de recherche et de la passation des contrats dans ce domaine.

Créée le 19 novembre 1996 au sein de l'UEO, l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO) a constitué une étape supplémentaire de la construction européenne en matière d'armement et peut être considérée comme l'élément précurseur de la future agence européenne d'armement dans la mesure où les contrats sont passés par un organisme central au profit des États membres.

Pour ce faire, l'OAEO jouit de la personnalité juridique de l'UEO, de l'autonomie structurelle, administrative, contractuelle, financière et comptable lui permettant d'agir au nom des pays membres dans plusieurs domaines qui vont de la recherche aux acquisitions en passant par les études. Son domaine d'intervention est cependant actuellement restreint en pratique à une fraction très réduite de la recherche amont des pays participants.

C. LES NÉGOCIATIONS AYANT CONDUIT À LA CRÉATION DE L'OCCAR

La déclaration sur l'UEO, annexée au traité de Maastricht, prévoyait la création d'une agence européenne de l'armement. Les discussions qui furent alors engagées butèrent rapidement sur des divergences portant sur les principes fondamentaux devant régir cette agence. La raison majeure sous-tendant ces divergences était liée à la situation industrielle des États membres : les pays producteurs d'armement, c'est-à-dire dotés d'une industrie d'armement significative, étaient favorables à une européanisation de l'offre et de la demande. Les pays acheteurs, c'est-à-dire ayant une industrie d'armement de faible importance, souhaitaient à la fois pouvoir protéger leur industrie et continuer à faire jouer la concurrence, notamment entre l'Europe et les Etats-Unis.

Face à ce blocage, la France et l'Allemagne, soucieuses d'améliorer l'efficacité de leurs programmes en coopération d'une part et d'avancer dans la construction de l'Europe de l'armement d'autre part, ont décidé, lors du sommet bilatéral de décembre 1993 de mettre sur pied une structure d'armement commune. Deux ans plus tard, en décembre 1995, à l'occasion du sommet de Baden-Baden, les deux pays décidaient de la création effective de cette structure pour la mi-1996, sur la base de cinq principes :

- conduite des programmes d'armement avec le meilleur rapport coût / efficacité possible ;

- préparation commune du futur ;

- amélioration de la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense franco-allemande ;

- globalisation du juste retour industriel sur plusieurs programmes et plusieurs années ;

- ouverture de cette structure à d'autres pays acceptant les principes précédents et participant à un programme significatif.

Dans les mois qui suivirent, le Royaume-Uni et l'Italie rejoignirent l'initiative franco-allemande et un accord administratif créant l'OCCAR fut signé le 12 novembre 1996 à Strasbourg par les ministres de la défense des quatre pays.

Conscient que son efficacité serait considérablement accrue si l'OCCAR était dotée de la personnalité juridique (lui permettant par exemple de passer directement des contrats), les quatre membres fondateurs ont décidé dès le début d'engager des démarches dans ce but. Deux voies étaient possibles : demander à l'UEO le statut d'organe subsidiaire pour l'OCCAR ou établir un statut sui generis. La priorité fut donnée à l'UEO, mais cette tentative échoua le 11 novembre 1997 à Bruxelles les ambassadeurs des pays membres ne trouvant pas le consensus nécessaire. Le principal opposant fut l'Espagne qui conditionnait son accord à une modification des principes de Baden-Baden, notamment celui du juste retour globalisé, ce que les membres de l'OCCAR ne pouvaient accepter, sauf à dénaturer radicalement le sens de leur démarche. A l'issue de cet échec, la voie du traité sui generis fut suivie, aboutissant à la signature de la présente convention, le 9 septembre 1998 à Farnborough.

II. - LE CARACTÈRE NOVATEUR DE L'OCCAR

L'OCCAR présente l'intérêt de rompre avec un certain nombre de principes habituellement en usage dans les organismes internationaux mais dont la lourdeur peut parfois limiter l'efficacité, comme les règles de prise de décisions ou celle dite du « juste retour ». Dans cette optique d'efficacité, l'octroi de la personnalité juridique apparaît comme un aboutissement logique.

A. LES PRINCIPES DE BASE DE L'OCCAR

Outre un mode de financement rationnel et des conditions d'adhésion rigoureuses, le fonctionnement de l'OCCAR se caractérise avant tout par un mode de prise de décisions où l'unanimité ne sera pas toujours requise.

Une prise de décision originale

Les décisions prises dans le cadre des deux organisations sous tutelle de l'UEO (GAEO et OAEO) nécessitent l'unanimité des membres qui les composent. Or, l'article 18 et l'annexe IV de la présente convention portant création de l'OCCAR constituent une avancée importante en la matière : ils rompent avec le principe du consensus appliqué jusque là dans les programmes en coopération. Si les principales décisions doivent continuer à être prises à l'unanimité, d'autres dont la liste figure dans l'annexe IV de la convention pourront échapper à cette règle.

Ainsi, les décisions concernant l'établissement ou la dissolution d'un comité seront prises à la majorité simple des voix. Les décisions relatives à l'adhésion d'un nouveau membre, aux règles et procédures de l'OCCAR, à l'organisation de l'administration d'exécution ainsi qu'à la nomination du directeur seront prises à la majorité qualifiée renforcée, ce qui signifie que dix votes d'opposition sont nécessaires pour empêcher son adoption. Chacun des quatre membres fondateurs disposera justement de dix voix et pourra donc s'opposer à la prise de ce type de décisions.

Mais ce système ne fonctionnera véritablement que lorsque l'OCCAR aura accueilli dans ses rangs un nouveau membre disposant de moins de dix voix et ne pouvant donc pas empêcher seul une des décisions énoncées ci-dessus. Ce pourrait être le cas des Pays-Bas, candidat déclaré qui pourrait disposer de 5 voix en cas d'adhésion. Par ce dispositif original, l'OCCAR éviterait de se trouver dans une situation de blocage dans la prise de décision concernant essentiellement le bon fonctionnement de l'organisation, en cas de désaccord d'un État membre disposant de moins de dix voix.

Un mode de financement rationnel

Le mode de financement de l'OCCAR se différencie également de ceux du GAEO et de l'OAEO dont les budgets dépendent de celui de l'UEO et de la contribution volontaire des pays (sous forme d'organisation de réunions, de mise à disposition de personnel...). L'OCCAR dispose de deux budgets, administratif et opérationnel financés par les pays membres selon des clés de répartition. Pour le budget administratif, la clé est calculée en fonction du poids de vote de chaque participant alors que le budget opérationnel est spécifique à chaque division de programme et est déterminé par les États concernés.

Des conditions d'adhésion rigoureuses

L'OCCAR innove également quant à la détermination de ses membres. Alors que le GAEO et l'OAEO suivent les règles de l'UEO avec trois statuts (membres de droit, observateurs, associés) et que seules les États membres de l'UEO peuvent, sauf dérogations, assister ou participer à leurs travaux, les conditions requises pour être membre de l'OCCAR ne sont pas d'ordre politique mais technique et sont autonomes par rapport aux autres institutions européennes. Le pays demandeur doit accepter les règles et les procédures de fonctionnement de l'OCCAR ainsi que la convention. De plus, il doit participer de façon majeure à un programme géré par l'OCCAR.

B. LA GLOBALISATION DU « JUSTE RETOUR »

Au delà des innovations qui viennent d'être décrites, l'évolution la plus considérable qui fonde la philosophie de l'OCCAR concerne l'aménagement de la pratique du « juste retour ». Cette règle consiste à établir une identité entre le pourcentage de contribution financière des pays et le niveau de participation de leur industrie. La quasi généralisation de cette pratique, notamment pour chaque sous-système, ne permet pas de trouver au sein d'un programme la configuration industrielle la plus économique dans la mesure où la détermination des partenaires industriels dépend de la répartition des commandes entre les pays. Elle contribue, à terme, à dupliquer les savoir-faire et la recherche systématique du juste retour est devenue l'une des principales raisons du surcoût des programmes en coopération.

L'une des principales innovations de l'OCCAR est justement de faire évoluer cette pratique en introduisant la notion d'équilibre global multiprogrammes et pluriannuel (art. 5). La portée de cette évolution permet d'une part de passer des contrats basés davantage sur la compétitivité des offres que sur la contribution financière des pays. D'autre part, elle met en _uvre une approche commune des acquisitions militaires fondée sur une politique de mutuelle dépendance.

Dans cette perspective, une méthode d'évaluation de l'équilibre global entre les pays membres de l'OCCAR a été imaginée : l'OCCAR aura pour tâche de suivre et de rendre compte annuellement aux États participants de l'équilibre global. Le calcul de la balance des programmes permettra d'informer les nations de la répartition des travaux entre les industries nationales. L'unité de mesure du partage des travaux sera de nature financière, de préférence à une mesure des temps de travail. Ce choix permettra de mettre en évidence les déséquilibres et de les corriger sur une période de trois à cinq ans.

Cet aspect quantitatif sera complété par des informations qualitatives fournies par l'OCCAR dans le cadre de ses activités de suivi du milieu industriel, l'ensemble de ces informations étant ensuite utilisé lors des négociations des programmes ultérieurs. La répartition des travaux se fera sur la base d'orientations données à l'industrie, à charge pour elle de présenter des offres acceptables par les pays. Le suivi des mises en concurrence sera effectif y compris au niveau des sous-traitants : un plan d'acquisition, permettant de juger de la pertinence de l'offre au plan du partage industriel global, constituera un engagement contractuel. Il sera négocié en cas de monopole et considéré comme un des éléments d'appréciation des offres en cas de concurrence pour la maîtrise d'_uvre d'ensemble. Enfin, des données comptables, nécessaires au suivi de l'équilibre global, devront être fournies par l'industrie et ventilées jusqu'au niveau des fournisseurs d'équipements majeurs.

Dans le calcul de l'équilibre global, seuls les paiements réalisés après la date de prise d'effet d'intégration d'un programme dans l'OCCAR seront pris en compte. Seront exclus les contrats passés à des sous-traitants qui n'appartiendraient pas à un des pays membres de l'organisation. Les achats conjoints à des pays non membres de l'OCCAR seront également exclus de l'équilibre global.

Anticipant les difficultés liées au passage du juste retour industriel à la recherche d'un équilibre global, la convention créant l'OCCAR a prévu des dispositions transitoires visant à atténuer les possibilités d'écarts entre les contributions financières et la participation financière d'un pays. Un mécanisme de seuil a été instauré : des mesures correctrices seront prises si, dans une phase ou un programme, le retour n'est pas égal à 66 % au moins ou si, sur une période de trois ans, le retour n'est pas globalement égal à 96 % (Annexe III).

C. LA NÉCESSITÉ DE DISPOSER D'UNE PERSONNALITÉ JURIDIQUE

Tel qu'il existe actuellement, l'OCCAR n'est que le résultat d'un accord administratif signé le 12 novembre 1996 à Strasbourg par les ministres de la défense des quatre pays fondateurs. Concrètement, cela signifie que les programmes gérés par l'OCCAR font encore l'objet de contrats passés par les administrations nationales, ce qui alourdit considérablement les procédures et les délais.

L'OCCAR attend donc, comme apport de la personnalité juridique, de pouvoir passer directement les contrats dont délégation lui aura été donnée par les pays membres, ce qui lui conférera une plus grande souplesse de gestion et lui donnera accès à un certain nombre de possibilités qui lui sont fermées jusqu'à présent. L'OCCAR pourra ainsi ester en justice en cas de litige. Elle pourra également, en cas de retard de paiement d'un de ses membres, contracter un emprunt destiné à rémunérer les industriels avec lesquels un contrat aura été passé, ce qui lui évitera d'avoir à payer des pénalités, les intérêts d'emprunts étant généralement inférieures à ces dernières. Charge ensuite à l'organisation de se faire rembourser par le pays défaillant.

Mais au delà de ces raisons matérielles certes importantes, la personnalité juridique octroyée à l'OCCAR devra lui permettre d'affermir sa position dans ses relations avec les industriels et de devenir un partenaire majeur lors des discussions à venir. Par ailleurs, les personnes travaillant pour le compte de l'OCCAR dépendent encore de leurs administrations nationales d'origine, avec ce que cela suppose comme variétés de statuts et de niveaux de rémunérations. La personnalité juridique permettra une intégration effective et complète des personnels de l'OCCAR qui deviendront ses employés, quelles que soient leurs nationalités, ce qui devrait accroître l'osmose et la cohésion des équipes.

III. - LA MISE EN PLACE ET LES PERSPECTIVES DE L'OCCAR

Le mode de fonctionnement de l'OCCAR a été pensé de manière rationnelle, ce qui ne soustraira pas pour autant cette structure, au demeurant légère, au contrôle des États membres. Les économies qu'elle devrait engendrer pourraient conduire à une augmentation rapide des programmes d'armement qu'elle gère, à des demandes d'adhésions de la part de nouveaux pays et, peut-être, à une avancée sur la voie de la future agence européenne de l'armement.

A. L'INSTALLATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L'OCCAR

Le fonctionnement financier de l'OCCAR

L'essentiel du fonctionnement financier de l'OCCAR est retracé dans un règlement destiné à être approuvé par le conseil de surveillance. Ce document décrit les règles d'élaboration, de vote et d'exécution du budget. Les mécanismes financiers sont traités en application des principes budgétaires français, avec l'adjonction de certaines innovations. Parmi ces dernières, on relève la possibilité de recourir à l'emprunt en cas de retard du versement des contributions d'un État, une gestion de trésorerie dans un cadre infra-annuel plus souple et une comptabilité analytique moderne.

Le budget administratif de l'OCCAR sera alimenté annuellement par les pays membres selon une clé de répartition qui sera fonction des droits de vote, soit 22,22 % pour la France si les Pays-Bas confirment leur intention d'adhérer. La participation au budget des divisions de programme sera fonction de la participation financière de chaque État au programme en question. Dans l'hypothèse où l'OCCAR assurerait la gestion d'un programme avec un participant qui ne serait pas membre de l'Organisation, ce participant devrait apporter une contribution financière au budget de fonctionnement de la division dudit programme.

L'OCCAR pourra en outre disposer d'autres ressources accessoires : intérêts bancaires, pénalités et intérêts financiers. Ces ressources seront propriétés des nations à l'origine de la dépense ou du financement et viendront en dégrèvement de futurs appels de fonds.

Le montant du budget administratif pour l'année 2000 n'est pas encore définitivement établi mais devrait se situer aux alentours de 20 millions d'euros (environ 132 millions de francs). Comme les budgets des ressources humaines et administratives des divisions de programmes sont inclus dans le budget administratif général, la participation de la France à ce dernier devrait s'élever à plus du tiers de l'ensemble (7 à 8 millions d'euros), en raison des implications de notre pays dans de nombreux programmes.

Le budget opérationnel, pour ce qui concerne la France, sera alimenté par le biais des articles concernant des programmes d'armement individualisés dans la nomenclature budgétaire (titre V) tandis que les crédits destinés au fonctionnement de l'OCCAR correspondront à une subvention et seront prélevés sur l'article budgétaire 36.01 (titre III).

Une mise en concurrence orientée vers la performance

En vertu des principes énoncés à Baden-Baden, les signataires de la convention s'engagent à donner la préférence, pour satisfaire leurs besoins militaires, aux matériels développés par les industriels des pays membres de l'organisation (art. 6). Ils s'engagent également à améliorer le rapport coût efficacité des programmes en coopération (art. 7).

Toutefois, une mise en concurrence des fournisseurs, hors des pays membres de l'OCCAR est prévue. L'autorité qui approuvera l'extension du périmètre de consultation est le comité de programme qui réunit les représentants des pays participant au programme. Les modalités de prises de décision au sein de ces comités seront fixées dans chaque accord de lancement de programme.

La recherche d'un maximum de concurrence, au delà même du champ européen est envisagée par l'article 24 de la convention. Cette hypothèse est toutefois entourée d'un maximum de garanties : l'accord unanime des participants au programme en question est requis et la réciprocité recherchée.

Le fait de négocier avec un industriel n'appartenant pas à un pays du GAEO, par exemple les Etats-Unis, devra également être approuvé par le comité de programme. Pour proposer une telle solution, il sera nécessaire de démontrer qu'aucune source alternative n'existe. Une publication préalable du besoin devra avoir été effectuée afin de s'assurer qu'aucun industriel européen n'était intéressé ou capable de réaliser les prestations.

Des ressources humaines raisonnablement dimensionnées

L'OCCAR compte, à l'été 1999, 174 personnes dont 27 pour la partie administrative centrale et 147 pour la conduite des différents programmes et le soutien administratif des divisions de programmes.

Avec l'obtention de la personnalité juridique, l'évolution des effectifs pourrait être la suivante :

- une augmentation de la partie centrale de l'OCCAR pour prendre en charge l'activité nouvelle induite par le changement de statut (exécution financière complète des activités de programme).

- un maintien global des effectifs des divisions de programme comprenant en fait une réduction pour certains programmes compensée par une croissance dans d'autres.

- une importante réduction de personnels administratifs permise par l'externalisation de certaines tâches auprès de sociétés privées (soutien informatique) ou des administrations nationales (activités linguistiques).

Au total, les chiffres pour 2000 devraient marquer une légère baisse des effectifs qui pourraient ne s'élever qu'à 170 personnes, 37 pour l'administration centrale et 133 pour la conduite des programmes. Pour les années suivantes, il n'est pas prévu de forte fluctuation d'effectifs pour l'administration centrale, le nombre de programmes gérés conditionnant évidemment les effectifs des divisions de programme.

Il ne sera pas institué de répartition a priori entre nationalités au sein de l'OCCAR, le directeur recrutant ses employés sur la base d'une compétition ouverte. Il est cependant acquis qu'il existe au sein de cet organisme basé à Bonn un équilibre global entre les ressortissants des différents pays en fonction de l'investissement de chacun. A ce titre, on peut estimer que le poids de la France y est aujourd'hui voisin de 40 %.

Le contrôle de l'OCCAR

Comme nous le constatons, l'OCCAR est un organisme léger de la taille d'une entreprise moyenne, ce qui devrait constituer un gage de souplesse et écarter la menace de lourdeurs de fonctionnement qui remettraient en cause les bénéfices attendus de cette organisation.

Un Conseil de surveillance de l'OCCAR, qui sera composé des représentants au niveau ministériel des Etats membres, se réunira au moins deux fois par an (art. 10 à 18). La Cour des Comptes (pour la France) aura également une mission de contrôle et d'information du Parlement sur les activités de l'OCCAR (art. 44 et 45).

Enfin, le Parlement conservera le contrôle des crédits gérés par l'OCCAR, ces derniers étant naturellement inscrits dans les lois de programmation militaire (pour les programmes d'armement) ainsi que, comme on l'a vu, dans les lois de finances.

B. LES PROGRAMMES CONCERNÉS PAR L'OCCAR

Lors de la signature de l'arrangement administratif instituant l'OCCAR en novembre 1996 à Strasbourg, il a été décidé d'exclure du domaine de compétence de l'organisation tout programme géré par une agence de l'OTAN. C'est ainsi que l'Eurofighter-2000 et l'hélicoptère NH-90 ne sont pas intégrés à l'OCCAR. A cette exception près, tout programme mené en coopération entre les Etats membres peut être intégré à l'OCCAR, étant entendu qu'une telle intégration doit conduire à une amélioration effective de la gestion des programmes.

Les programmes déjà intégrés dans l'OCCAR

L'intégration du programme de l'hélicoptère Tigre est effective depuis février 1998. La personnalité juridique de l'OCCAR devrait clarifier la position de la division de programme vis-à-vis du ministère de la défense allemand, actuel responsable des contrats bilatéraux. En outre, des économies d'échelle sont attendues sur les activités de secrétariat, de soutien et de traduction.

La France et l'Allemagne participent chacune pour 50 % au développement de ce programme. 160 appareils (80 pour chaque pays) ont été commandés en juin 1999. Pour la France, le coût de développement devrait s'élever à 9,5 milliards de francs et le coût de production à 36,6 milliards de francs.

L'exemple du Tigre est caractéristique des résultats attendus de la politique menée par l'OCCAR : en autorisant Eurocopter à mettre en concurrence ses sous-traitants sans obligation d'attribuer les marchés en parts proportionnelles à l'un ou à l'autre des deux pays et en ne l'obligeant plus, pour ses propres travaux, à respecter une répartition à parts égales entre ses sites de production français et allemands, des baisses significatives de tarifs ont été obtenues et le gain pour la collectivité a été estimé à 4 à 5 % du montant total (19 milliards de francs sur douze ans), soit près d'un milliard de francs.

Le radar de contrebatterie Cobra, système de détection de précision de lanceurs hostiles, concerne la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, chaque pays participant au tiers du financement de son développement (824 millions de francs chacun) tandis que la France participe à 35 % des coûts de production (1,54 milliard de francs), l'Allemagne 41 % et le Royaume-Uni 24 %. Notre pays a commandé, en mars 1998, dix de ces radars livrables après 2000. La réduction du coût du programme par une meilleure gestion est attendue de son intégration dans l'OCCAR.

La famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) est un programme de missiles développé à part égale entre la France et l'Italie (près de 7 milliards de francs par pays) et dont la production devrait coûter plus de 20 milliards de francs à la France. L'intégration de ce programme dans l'OCCAR pourrait conduire les autres membres de l'organisation à y participer.

Le programme de valorisation du système d'arme antiaérien Roland, mené conjointement par la France et l'Allemagne, a été intégré dans l'OCCAR dans le but d'assurer une interface efficace entre les deux pays et de réduire les délais. Pour un coût de 1,1 milliard de francs de développement et de 5,2 milliards de francs de production, la France acquerra 72 postes de tir et 1 500 munitions.

Enfin, le programme d'aérodyne Brevel développé par la France et l'Allemagne a été intégré à l'OCCAR bien que la France ait décidé ne pas participer à la phase de production de cet appareil.

Les programmes dont l'intégration à l'OCCAR est envisagée

L'avion de transport du futur, l'ATF, intéresse sept pays : la France (50 exemplaires), l'Allemagne (75), le Royaume-Uni (45), l'Italie (44), l'Espagne (36), la Belgique (12) et la Turquie (20). Ce programme, dont le coût pour la France pourrait s'élever à 35 milliards de francs a toutes les chances d'être intégré à l'OCCAR.

Les projets de missile antichar de troisième génération (AC3G) à moyenne portée (MP) ou longue portée (LP) devraient également être pris en charge par l'OCCAR en raison des économies d'échelle que l'intégration devrait permettre de réaliser. Si l'AC3GMP, qui concerne la France (454 postes de tirs et 11 000 munitions), l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas, semble bien engagé, la version AC3GLP ne sera produite que par l'Allemagne, après le retrait annoncé de notre pays.

Le programme de système de défense antiaérienne PAAMS, mené en coopération entre la France, l'Italie et le Royaume-Uni, ainsi que le système d'identification IFF futur mené en concertation entre la France, l'Italie et l'Allemagne pourrait intégrer l'OCCAR. Le programme de véhicule blindé de combat d'infanterie VBCI dont la France s'est récemment retirée mais qui concerne toujours l'Allemagne et le Royaume-Uni ainsi que le canon germano-italien PzH 2000 pourraient également rejoindre l'organisation.

Actuellement, les programmes ayant intégrés l'OCCAR représentent environ 3 % des crédits de paiement inscrits au titre V du budget du ministère de la défense français. Leur liste n'est évidemment pas close et le poids de ces programmes pourrait rapidement doubler, atteignant 6 % des crédits de ce titre. En tout état de cause il a été clairement établi que les programmes concernant la dissuasion nucléaire, liés par essence à la souveraineté des Etats, n'ont pas vocation à en faire partie.

C. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION ET D'ÉLARGISSEMENT

L'élargissement souhaité à d'autres pays européens

L'élargissement de l'OCCAR est une perspective clairement mentionnée dans le dernier alinéa du préambule de la convention : les membres de l'OCCAR sont « désireux d'associer d'autres Etats européens dès lors que ceux-ci acceptent l'ensemble des dispositions de la Convention ». Mais cet élargissement, voté à la majorité qualifiée renforcée, est laissé à l'initiative des pays membres : en vertu de l'article 53, « Tout Etat européen qui désire devenir membre peut être invité par le Conseil à adhérer à cette convention ».

A ce jour, seuls les Pays-Bas et la Belgique ont exprimé formellement leur désir d'adhésion. Pour les premiers, la procédure est assez avancée et pourrait aboutir d'ici quelques mois. Pour la seconde, le processus est engagé. Compte tenu des caractéristiques de l'OCCAR et de l'objectif d'amélioration de la gestion des programmes menés en coopération, les autres pays européens disposant d'une industrie de défense ont une vocation naturelle à intégrer l'organisation. C'est le cas de l'Espagne, où une réflexion est déjà engagée, et de la Suède.

Vers une agence européenne de l'armement ?

Après la création de la monnaie unique (1er pilier du traité de Maastricht), l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam marque des avancées considérables en matière de justice et d'affaires intérieures (3ème pilier), mais prépare aussi des avancées concrètes en matière de politique étrangère et de sécurité commune (2ème pilier), compte tenu notamment de la place que souhaitent désormais tenir les Européens dans la gestion des crises intéressant leur propre sécurité.

A la suite de l'entrée en vigueur de ce traité, plusieurs événements importants ont récemment ouvert des perspectives nouvelles. En matière de politique européenne d'armement, le principal est la signature, le 6 juillet 1998 par les six principaux pays européens dotés d'une industrie d'armement, d'une lettre d'intention (LOI) dont l'objectif est de fixer un cadre de coopération industrielle dans ce domaine. En matière de politique européenne et de sécurité commune, l'évolution de la position du Royaume-Uni qui s'est traduite, en décembre 1998, par la déclaration franco-britannique de Saint-Malo puis les conclusions du sommet de Cologne de l'Union européenne ont jeté les bases d'une accession de l'Union européenne à des capacités d'action autonome soutenues par des forces militaires crédibles, en ouvrant la voie, puis en préparant, la fusion entre l'Union européenne et l'UEO.

La coopération en matière d'armement s'est cependant développée essentiellement hors du cadre de l'Union européenne et se caractérise par une dispersion des enceintes et une multiplicité des approches et des moyens. Depuis plusieurs années, certains pays européens ont manifesté la volonté de rationaliser cette situation, faisant de l'objectif d'une agence européenne de l'armement (AEA), d'ailleurs inscrit dans le traité d'Amsterdam, un moyen de mieux coordonner leurs efforts.

La constitution de cette agence pourrait se faire dans un cadre souple et fédérateur, par apports successifs d'un certain nombre d'éléments existants ou à créer : dans un premier temps, mise en place d'un élément d'acquisitions extérieures, puis d'une cellule de recherche et, enfin, intégration d'un organisme de développement de programmes sur le modèle de l'OCCAR.

Du reste, le champ d'activité de cette agence serait tout d'abord limité à certains matériels et celle-ci fonctionnerait initialement indépendamment des futures instances de l'Europe de la défense au sein de l'Union européenne. Cette montée en charge progressive aurait notamment pour but d'éviter de compromettre l'efficacité des initiatives existantes qui fonctionnent aujourd'hui dans un format plus réduit, comme l'OCCAR.

CONCLUSION

Le développement d'une politique européenne de l'armement vise à contribuer à la crédibilité de la défense européenne, notamment en ce qui concerne l'autonomie de ses moyens. Celle-ci passe par la définition des besoins minimaux à satisfaire pour fonder l'indépendance de l'Europe en matière de sécurité et de défense.

La préparation de l'avenir et le renforcement de l'industrie européenne constituent les fonctions d'une politique européenne de l'armement. Jeter les bases d'un marché commun européen de l'armement suppose une rationalisation de la demande et de l'offre : harmoniser les besoins des militaires, rapprocher les processus de planification et de production ou d'acquisition des armements, coordonner les politiques de recherche et de technologie dans le domaine militaire, conduire à moindre coût les programmes d'armement en coopération, maintenir une base industrielle et technologique de défense européenne compétitive.

Les regroupements de sociétés d'armement auxquels nous avons récemment assistés et qui ne sont probablement pas terminés, ont abouti à la constitution de pôles industriels particulièrement puissants. Face à cette réorganisation de l'offre, les États européens doivent rationaliser leur demande. Ils sont conduits à harmoniser et à grouper leur politique en matière d'armement et à parler d'une seule voix sous peine de se retrouver en position de faiblesse, voire d'être mis en concurrence lors de négociations avec les industriels, comme cela a pu être observé récemment.

L'expérience du conflit du Kosovo et l'évidence de la nécessité de disposer de forces capables d'agir en interopérabilité, voire dotées d'équipements communs, ont achevé de convaincre les plus sceptiques que l'Europe ne pouvait se permettre d'échouer dans la mise en place de l'OCCAR, sous peine de porter un coup terrible à la construction de l'Europe de la défense. L'instauration d'une politique de l'armement apparaît bien comme l'un des volets essentiels d'une politique européenne de défense dans la mesure où elle permettrait à l'Europe de se doter des capacités technologiques et industrielles nécessaires à l'affirmation de son indépendance militaire.

L'adoption du projet de loi portant autorisation d'approbation de la présente convention en constitue une étape importante.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission de la Défense a examiné, le 7 décembre 1999, sur le rapport de M. Jean-Noël Kerdraon, rapporteur pour avis, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 1916).

Le Président Paul Quilès a rappelé que la coopération européenne en matière d'armement souffrait d'obstacles structurels : la difficulté d'harmoniser les besoins et les calendriers, l'obligation de « juste retour » industriel et la complexité des procédures renchérissent les prix des programmes d'armement.

Il a également souligné qu'il ne pourrait pas y avoir d'Europe de la défense, sans base industrielle forte et autonome dans le secteur de l'armement. Après les regroupements majeurs observés du côté de l'offre de la part des industriels, sous l'impulsion des Etats, la création de l'OCCAR était un pas, modeste mais réel, vers la constitution d'une instance intergouvernementale cohérente du côté de la demande, ce qui expliquait que la Commission de la Défense nationale se soit saisie pour avis de la convention l'instituant.

Rappelant que l'augmentation des coûts de développement et la réduction des ressources budgétaires, empêchaient tout pays européen d'être entièrement autonome dans le domaine de l'armement, M. Jean-Noël Kerdraon a indiqué que la France et l'Allemagne, rejoints par le Royaume-Uni et l'Italie avaient mis en place dès 1996, par un accord administratif, une Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR.

La gestion des premiers programmes confiés à cet organisme ayant donné satisfaction, les Etats membres ont souhaité poursuivre dans cette voie et ont signé, le 9 septembre 1998, une convention conférant, entre autres, la personnalité juridique à l'OCCAR. C'est du projet de loi autorisant l'approbation de cette convention que la commission de la défense s'est saisie pour avis.

Rappelant les récentes restructurations industrielles intervenues dans le domaine de l'armement, le rapporteur a insisté sur la nécessité de coordonner également la demande émanant des pays européens, jalon indispensable d'une future Europe de la défense. Il a insisté sur les différents avantages d'une telle démarche :

- du point de vue militaire, l'interopérabilité des forces qu'elle facilite ;

- dans le domaine financier, la réduction des coûts qu'elle permet grâce à l'allongement des séries et au partage des frais de recherche ;

- en matière industrielle, l'effet structurant des politiques de coopération ;

- enfin l'intérêt politique de la généralisation de la coopération dans le secteur de l'armement pour la construction de l'Europe de la défense.

M. Jean-Noël Kerdraon a ensuite fait état des difficultés rencontrées dans la mise sur pied d'instances de coordination dans le domaine de la production d'armement, les intérêts des différents pays européens différant selon qu'ils disposaient ou non d'une industrie de défense. Il a indiqué que ces divergences avaient conduit les membres fondateurs de l'OCCAR à ne pas en faire un organe subsidiaire de l'UEO, comme cela avait été envisagé à l'origine, mais de l'ériger en organisme international indépendant. Il a également souligné l'intérêt de la personnalité juridique qu'il était prévu d'accorder à l'OCCAR : possibilité de passer directement des contrats, d'ester en justice, de contracter des emprunts... Mais, au delà, l'octroi de la personnalité juridique permettra à la nouvelle organisation de devenir un partenaire majeur lors des discussions avec les industriels. En outre, ses personnels seront regroupés sous un seul statut, ce qui devrait accroître sa cohésion et son efficacité.

M. Jean-Noël Kerdraon a présenté les principes de fonctionnement de l'OCCAR, mettant l'accent sur le caractère novateur de certains d'entre eux. Ainsi, il a indiqué que, bien que les principales décisions restent soumises à l'exigence de l'unanimité, certaines, concernant le fonctionnement courant de l'organisation, pourraient être prises à la majorité des voix, chaque membre disposant d'un certain nombre de suffrages, ce qui devrait permettre d'éviter d'éventuels blocages.

Mais il a souligné que l'aménagement de la règle du « juste retour » constituait l'élément le plus novateur : l'usage, quasiment généralisé, consistant à établir une égalité entre la contribution financière des pays et le niveau de participation de leurs industries ne permet pas de trouver au sein d'un programme la configuration la plus économique dans la mesure où les différents partenaires industriels sont imposés et non choisis pour leur efficacité. Cette pratique peut être considérée comme l'une des principales raisons du surcoût des programmes menés en coopération.

L'OCCAR fait évoluer cette pratique en introduisant la notion d'équilibre global multiprogrammes et pluriannuel : le retour industriel devra être recherché sur la durée et non plus seulement pour chaque programme. Un mécanisme de seuil est néanmoins instauré et des mesures correctrices sont prévues si le retour n'est pas égal à 66 % au moins sur un programme ou à 96 % de manière globale sur trois ans.

Sur le plan financier, M. Jean-Noël Kerdraon a indiqué que le budget administratif de l'OCCAR serait financé au prorata des droits de vote de chaque membre tandis que le budget des divisions de programme serait fonction de la participation financière de chaque pays au programme concerné. Le contrôle courant de l'OCCAR sera effectué par un Conseil de surveillance réunissant les ministres des pays membres. Mais la Cour des comptes, pour ce qui concerne la France, aura également une mission de contrôle, de même que le Parlement, puisque les crédits gérés par l'OCCAR, inscrits aux titres III et V du budget du ministère de la défense, seront inclus dans les lois de finances ainsi que dans les lois de programmation militaires. Enfin, il a indiqué que l'OCCAR, implantée à Bonn, était un organisme raisonnablement dimensionné, comptant moins de 200 employés, ce qui constituait un gage d'efficacité.

En conclusion, M. Jean-Noël Kerdraon a rappelé que l'OCCAR avait vocation à accueillir dans ses rangs d'autres pays européens qui en approuveraient le mode de fonctionnement et a insisté sur la nécessité, mise en lumière par le conflit du Kosovo, de la construction d'une authentique Europe de la défense. Il a alors proposé à la Commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation de la convention créant l'OCCAR.

Le Président Paul Quilès a estimé que, même si elle constituait une étape modeste dans le développement de la coopération européenne en matière d'armement, la création de l'OCCAR permettait de renforcer son cadre institutionnel.

M. Jean-Claude Sandrier, après avoir remarqué que l'OCCAR fonctionnait déjà, s'est inquiété que la priorité soit une nouvelle fois donnée aux aspects économiques, la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne n'existant pas encore malgré les progrès récents en ce sens. Tout en reconnaissant la nécessité de coopérations industrielles au niveau européen, il a estimé que l'Europe de l'armement n'impliquait pas nécessairement la vague des fusions et privatisations qui ont cours actuellement. Il s'est par ailleurs demandé pour quelles raisons le siège de l'OCCAR avait été fixé à Bonn alors que la France détenait une position de premier rang en matière d'armement en Europe. Il a enfin regretté les atteintes portées au principe d'unanimité dans un secteur aussi sensible que celui de l'armement.

M. Jean-Noël Kerdraon a apporté les éléments de réponse suivants :

- 40 % des salariés de l'OCCAR sont de nationalité française et les industries françaises d'armement occupent une large place dans les programmes en coopération ;

- la coopération européenne en matière d'armement est une nécessité pour la compétitivité des entreprises de ce secteur industriel même si la question de la déclinaison juridique de cet impératif reste ouverte. Prenant l'exemple de la DCN, il a souligné la nécessité d'une bonne adaptation du cadre juridique des activités de production d'armement à leurs spécificités.

M. Jean Briane s'est déclaré favorable à toute mesure, aussi modeste soit-elle, qui renforçait la coopération européenne en matière de défense et permettait des progrès dans l'élaboration d'une politique de sécurité et de défense commune. Il a, par ailleurs, souligné que la coopération européenne en matière de défense ne conduisait pas la France à perdre son identité.

Le Président Paul Quilès a exprimé sa satisfaction que la Commission ait eu l'occasion de se prononcer sur un élément significatif des premiers progrès de la construction de l'Europe de la défense.

La Commission a alors émis un avis favorable sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (n° 1916), les membres du groupe communiste s'abstenant.


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