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N° 2023

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 décembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique,

PAR M. GUY LENGAGNE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 501, (1998-1999), 45 et T.A. 30 (1999-2000)

Assemblée nationale : 1927

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - UN PROTOCOLE APPAREMMENT ANODIN POUR LA FRANCE 7

A - UNE INCIDENCE DIRECTE PRESQUE INEXISTANTE 7

B - DES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DÉRISOIRES 7

II - LA RATIFICATION DU PROTOCOLE DE 1992 EST POURTANT
DÉCISIVE POUR L'AVENIR DE LA CICTA, COMPTE TENU
DU CONTEXTE JURIDIQUE.
9

A - LA RATIFICATION DE LA FRANCE PERMETTRA L'ENTRÉE
EN VIGUEUR DU PROTOCOLE
9

B - L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU NOUVEAU DISPOSITIF FINANCIER
DOIT ASSURER LE BON FONCTIONNEMENT DE LA CICTA
10

III - LE BON FONCTIONNEMENT DE LA CICTA EST INDISPENSABLE
À LA BONNE GESTION DE LA PÊCHE AUX THONIDÉS,
ENJEU IMPORTANT POUR LA FRANCE.
13

A - L'IMPORTANCE D'UNE GESTION INTERNATIONALE DES THONIDÉS 13

B - LA PÊCHE AUX THONIDÉS, UN ENJEU ÉCONOMIQUE
RÉEL POUR LA FRANCE
14

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis vise à autoriser l'approbation par la République française du protocole signé à Madrid le 5 juin 1992 amendant la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, signée le 14 mai 1966 à Rio de Janeiro. Ce protocole modifie le paragraphe 2 de l'article X de la convention relatif au mode de répartition des contributions financières des Etats membres, afin d'alléger la charge des pays en développement au fonctionnement de la Commission chargée de son application.

L'adoption du protocole modifiant la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) ne constituera pas une évolution majeure, mais elle apporte l'occasion de rappeler que la France est la deuxième puissance maritime du globe. Le monde a en effet connu une grande révolution pacifique avec l'appropriation progressive et passée souvent inaperçue d'une grande partie des eaux de la planète par les Etats côtiers, par l'extension des zones économiques exclusives.

Pour autant, la coopération en matière de pêche est indispensable afin de gérer la diminution des ressources halieutiques, surtout pour des espèces hautement migratoires comme le thon. Ainsi, les pays concernés par la pêche des thonidés de l'Atlantique ont décidé de se regrouper pour la contrôler en signant la convention de Rio en 1966. La convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique est entrée en vigueur en 1969, elle a pour but d'organiser la gestion de la pêche de ce type de poissons par l'intermédiaire d'une commission entretenant des relations étroites avec l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (OAA/FAO).

Bien que la politique de la pêche soit une compétence exclusive de la Communauté européenne (articles 38 à 47 du traité de Rome), qui a donc remplacé depuis janvier 1997 au sein de la CICTA les Etats européens qui en étaient membres, la France reste partie à la convention au titre de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette dernière ne relève en effet pas du champ d'application du traité de Rome, de même que les Bermudes pour le Royaume-Uni, laquelle reste donc aussi partie à la convention.

Le présent projet de loi ne concerne apparemment que Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel où la pêche des thonidés est très peu développée, son impact direct est donc marginal. Mais la ratification du protocole de Madrid est indispensable pour permettre la bonne marche de la Commission pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Or l'utilité de cette commission est réelle pour la filière « thons », dans laquelle la France a d'importants intérêts économiques.

I - UN PROTOCOLE APPAREMMENT ANODIN POUR LA FRANCE

La ratification de ce protocole à la convention internationale de conservation des thonidés n'aurait que des conséquences directes négligeables pour la France. En effet, si la France possède la deuxième flotte thonière d'Europe, les intérêts de celle-ci sont défendus depuis 1997 par la Communauté européenne. Ainsi, votre vote éventuel en faveur de l'autorisation de la ratification du protocole de Madrid intéresse d'abord l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, lequel ne dispose pas d'une flotte spécialisée dans la pêche des thonidés.

A - Une incidence directe presque inexistante

Saint-Pierre-et-Miquelon, pour lequel la France reste partie à la CICTA, ne retire pratiquement aucun bénéfice du bon fonctionnement de cette convention. En effet, l'archipel ne dispose pas d'une flotte spécialisée dans la pêche aux thonidés : aucune prise de poissons de cette catégorie n'a d'ailleurs été faite en 1997, et seulement quelques centaines de kilogrammes en 1998 et 1999.

La pêche aux thons pourrait certes être considérée pour Saint-Pierre-et-Miquelon, durement touché par la réduction considérable depuis 1992 du quota de pêche de morues accordé par le Canada, comme une stratégie de diversification au même titre que le développement de l'exploitation des crabes des neiges ou des _ufs de lump. Cependant, si l'archipel est encore très loin d'utiliser le quota de 4 tonnes de thon rouge obtenu en 1998, celui-ci est négligeable, par exemple comparé aux 3 120 tonnes de morues que les pêcheurs de Saint-Pierre-et-Miquelon ont pu remonter en 1998.

B - Des conséquences financières dérisoires

Le protocole de Madrid a pour objet de modifier le mode de financement de la commission internationale pour la conservation des thonidés. Le futur mécanisme vise à alléger la charge pesant sur les pays en développement en alourdissant celle des pays développés à économie de marché. Son entrée en vigueur aurait donc une incidence sur les finances de l'Etat, ce qui justifie que l'autorisation de son approbation passe par une loi, comme le dispose l'article 53 de la Constitution.

Cependant, cette incidence financière est minime puisque le nouveau dispositif fera passer la contribution française de 82 000 francs à environ 164 000 francs par an, soit une augmentation d'environ 82 000 francs. En effet, la France reste partie à la convention pour le seul territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon et elle ne contribuera ainsi, en dépit de l'augmentation décidée à Madrid, que pour 2,1 % du budget de la commission, contre 46,85 % pour la Communauté européenne.

II - LA RATIFICATION DU PROTOCOLE DE 1992 EST POURTANT DÉCISIVE POUR L'AVENIR DE LA CICTA, COMPTE TENU DU CONTEXTE JURIDIQUE.

En dépit de sa faible portée directe, la ratification du protocole de Madrid par la France est indispensable, dans la mesure où elle conditionne l'entrée en vigueur du nouveau mécanisme financier.

A - La ratification de la France permettra l'entrée en vigueur du protocole

L'article 3 du protocole signé à Madrid le 5 juin 1992 prévoit une procédure originale quant à son entrée en vigueur, laquelle explique l'urgence d'une ratification par la France. En effet, alors que les conventions multilatérales entrent généralement en vigueur après approbation, ratification ou acceptation d'un nombre déterminé de signataires, le protocole de Madrid comprend une clause particulière supplémentaire à ce sujet. Ainsi, il entrera en vigueur lorsque les trois quarts des parties contractantes auront déposé leur instrument de ratification, mais parmi ceux-ci doivent figurer l'ensemble des Etats considérés par la CNUCED (conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) au 5 juin 1992 comme des pays développés à économie de marché.

Un nombre suffisant de parties au protocole de Madrid a ratifié, approuvé ou accepté celui-ci. Sur 17 parties au protocole, 14 l'ont déjà ratifié ou approuvé1. De même sont liées automatiquement par cet amendement les 8 parties qui ont adhéré à la convention après 1992 en vertu de la dernière phrase de l'article 3 du protocole de Madrid et de l'article XIII de la Convention de Rio 2. De plus parmi ces 25 parties figurent tous les pays développés à économie de marché, à l'exception de la France. Le dépôt de son instrument de ratification par la France auprès du directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture permettra donc au nouveau dispositif financier de la CICTA d'entrer en vigueur, alors que celui-ci a été décidé en juin 1992, soit il y a plus de sept ans.

B - L'entrée en vigueur du nouveau dispositif financier doit assurer le bon fonctionnement de la CICTA

Le système actuel de répartition des contributions nécessaires au fonctionnement de la commission est régi par l'article X de la convention de 1966, lequel fait l'objet de la modification décidée par le protocole de Madrid. Il est fondé sur la volonté de lier participation financière et bénéfice tiré de l'existence d'une gestion internationale des thonidés.

En effet, le mode calcul de la contribution des Etats-membres est le suivant :

- une cotisation forfaitaire de 1 000 dollars par Etat.

- un complément de 1 000 dollars pour chacune des sous-commissions auxquelles appartient un Etat. Ces sous-commissions concernent les thons tropicaux (albacore, listao et thon obèse), les thons tempérés du nord (germon et thon rouge), les thons tempérés du sud (germon et thon rouge du sud) et les autres espèces (espadon, billfishes et petits thons). Ainsi, les pays qui ont une pêche thonière diversifiée contribuent davantage que les autres.

- une cotisation résiduelle, calculée pour un tiers proportionnellement aux deux précédentes, et pour les deux tiers en fonction de la part de chaque pays dans les prises de thonidés et dans la production de conserves.

Ce système a donc une logique, celle de faire peser majoritairement le financement de la CICTA sur les pays qui profitent le plus de son existence. A l'inverse, ce système de financement ne tient pas compte des différences de richesses et de développement, contrairement à celui de l'ONU, ou des Communautés européennes (avec la ressource PNB). Or, il existe un vrai problème de non-paiement de leurs cotisations par certains pays en développement membres de la CICTA. Ce phénomène risquait de remettre en cause la gestion internationale et concertée de la pêche des thonidés, certains pays pouvant être amenés à ne plus coopérer, du fait de leurs difficultés à honorer leurs contributions.

C'est pour remédier à cette situation que la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique a décidé en novembre 1991 de tenir une conférence de plénipotentiaires pour amender l'article X de la convention. Le protocole signé à Madrid le 5 juin 1992 est le résultat de cette conférence, il prévoit un nouveau mode de répartition des contributions non forfaitaires, entièrement calculées sur des critères de prises de pêche, de mises en conserve, mais aussi de développement économique. A cet effet, les Etats membres sont divisés en quatre groupes :

- le groupe A comprend les pays développés à économie de marché au 5 juin 1992 selon la CNUCED, ceux-ci se répartissent la plus grande partie du budget hors contributions forfaitaires, puisqu'ils versent la part de ce dernier non versée par les trois autres groupes.

- le groupe B est composé des pays en développement dont le PNB par habitant est supérieur à 2 000dollars et dont le poids vif des captures et le poids net de la production de conserves dépassent 5 000 tonnes ; ils versent chacun 3 % du budget.

- le groupe C, se sont les pays en développement dont le PNB par habitant est supérieur à 2 000 dollars et qui n'appartiennent pas au groupe B. Ils financent chacun 1 % du budget résiduel.

- le groupe D réunit les pays les plus pauvres dont le PNB par habitant est inférieur à 2 000 dollars, ils ne contribuent que pour 0,25 % du budget, hors contributions forfaitaires.

Lorsque cette réforme sera entrée en vigueur, les pays développés paieront environ les deux tiers du budget annuel de la CICTA. L'efficacité de la gestion des thonidés sera donc assurée, le risque de voir un pays renoncer à la coopération dans ce domaine se réduisant.

III - LE BON FONCTIONNEMENT DE LA CICTA EST INDISPENSABLE À LA BONNE GESTION DE LA PÊCHE AUX THONIDÉS, ENJEU IMPORTANT POUR LA FRANCE.

La ratification du protocole de Madrid semble donc indispensable pour assurer l'avenir de la CICTA et donc de la pêche aux thonidés, activité économique importante pour la France.

A - L'importance d'une gestion internationale des thonidés

Le but de la Commission internationale pour la conservation des thonidés (CICTA) est précisé dans le préambule de la Convention de Rio de 1966 qui la crée. Ainsi, l'objectif des signataires n'est pas la protection d'espèces qui seraient menacées, mais l'organisation rationnelle de la pêche des thonidés. Les Etats se déclarent en effet « désireux de collaborer au maintien de la population de thonidés de l'Atlantique à des niveaux permettant un rendement maximal soutenu à des fins alimentaires et autres » (extrait du préambule de la convention).

La protection est donc bien un moyen et non une fin de la Commission. En effet, la conservation de ce type d'espèces hautement migratoires passe nécessairement par une coopération de tous les Etats concernés, qu'ils soient côtiers ou pêcheurs. La CICTA compte ainsi 25 membres en 1999 : l'Afrique du Sud, l'Angola, le Brésil, le Canada, la Communauté européenne, le Cap Vert, la République populaire de Chine, la Corée du sud, la Côte d'Ivoire, les Etats-Unis, la France (au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon), le Gabon, le Ghana, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Japon, la Libye, le Maroc, le Panama, la Russie, Sao Tomé e Principe, le Royaume-Uni (au titre des Bermudes), l'Uruguay, le Venezuela.

La Commission décide des mesures de gestion telles que la limitation des captures, l'adoption de clauses techniques relatives aux tailles des poissons...Ces décisions sont prises à la majorité, même si elles ne sont pas opposables aux Etats ayant présenté une objection dans les six mois, et s'appliquent dans les eaux territoriales comme dans les eaux internationales. En outre, elles se fondent sur des arguments de nature scientifique et sur des évaluations des stocks de thonidés qui sont élaborées par des organes subsidiaires de la Commission chargés de mener des travaux d'étude et de recherche. Ces travaux sont financés par le budget de la Commission, illustrant ainsi la nécessité impérative pour celle-ci de disposer de ressources régulières pour mener à bien sa mission. C'est là l'objectif du protocole de Madrid qui nous est soumis aujourd'hui.

La CICTA a jusqu'ici permis une gestion satisfaisante de la pêche aux thonidés dans l'Atlantique. Elle a su prendre les mesures adéquates lorsque des problèmes se sont posés, comme la diminution constatée des ressources en thon rouge, qui a abouti à un accord en novembre 1998 sur la limitation des captures, ou comme la concurrence des flottes portant des pavillons de complaisance, contre lesquelles a été mis en place un système de certification des captures pour pouvoir accéder aux marchés des pays signataires. D'ailleurs, la réussite de la gestion des thonidés de l'Atlantique a incité les Etats concernés à adopter une convention similaire pour l'Océan indien en 1993, reposant sur une Commission des thons de l'Océan indien (CTOI).

B - La pêche aux thonidés, un enjeu économique réel pour la France

La France, important acteur du marché du thon, a donc intérêt à favoriser le bon fonctionnement de la CICTA. Il est donc nécessaire de ratifier le protocole de Madrid au plus vite, même si la flotte française relève de Communauté européenne, afin de permettre la mise en _uvre de la convention.

En ce qui concerne les thons tempérés, c'est-à-dire ceux qui sont pêchés dans les mers qui entourent la métropole, la pêche des thonidés ne constitue cependant pas une activité majeure. Le thon rouge et le thon germon sont les deux espèces principalement pêchées. Près de 4 000 tonnes de thon germon sont attrapées chaque année par une flotte de 80 bateaux basés principalement à l'Ile d'Yeu. Pour cette dernière, cette pêche est donc un enjeu économique majeur. Le thon rouge est principalement pêché en Méditerranée par une flottille de 40 thoniers senneurs.

La pêche des thons tropicaux est en revanche essentielle pour l'ensemble de la filière pêche française. Il s'agit en effet d'une véritable activité industrielle au regard des moyens déployés - une flotte de 29 unités de pêche lointaine dont la longueur varie entre 62 et 108 mètres, soit la deuxième d'Europe derrière l'Espagne - et des quantités capturées - 120 000 tonnes en 1997. Ainsi, les thons tropicaux représentent 20 % de la production totale en volume des pêches maritimes françaises. En conséquence, la pêche aux thonidés a un fort impact économique, elle engendre un chiffre d'affaires de 761 millions de francs, soit 12 % de la production totale en valeur. Espèce hautement migratoire, le thon ne peut être en effet géré au niveau strictement national, d'où l'existence de la CICTA, de la Commission pour la conservation des thons de l'Océan indien (où se concentrent 56 % des captures totales de la flotte française) et de nombreux accords de pêche conclus par l'Union européenne avec des pays tiers afin de pouvoir pêcher dans leur zone économique exclusive. La France est donc directement bénéficiaire de l'existence d'une gestion internationale des thonidés.

CONCLUSION

Le projet de loi visant à autoriser l'approbation du protocole modifiant la convention internationale sur la conservation des thonidés est une occasion de rappeler l'importance de la pêche aux thonidés pour l'ensemble de la filière pêche française. Pour autant, il ne doit pas faire oublier que la pêche est une compétence communautaire, et que de ce fait la présence de la France dans la CICTA depuis 1997 ne se justifie plus qu'au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon, où la pêche du thon est marginale.

La volonté de la France de rester partie à la convention afin de faire entendre son point de vue à la Commission internationale sur la conservation des thonidés se justifie. Cependant, on peut s'interroger sur la lenteur du processus d'approbation du protocole de Madrid par la France, bloquant ainsi son entrée en vigueur, au regard de la part infime de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la pêche aux thonidés.

Il paraît donc aujourd'hui urgent de permettre à la CICTA de modifier son régime financier ; en conséquence, votre Rapporteur vous invite à autoriser l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, signé à Madrid le 5 juin 1992.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 15 décembre 1999.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Charles Ehrmann a demandé comment est organisée la pêche au thon en Méditerranée.

M. Guy Lengagne a répondu que le champ d'application de la CICTA comprend l'Océan Atlantique et les mers adjacentes, dont la Méditerranée.

M. René André a évoqué le cas des îles anglo-normandes qui ne sont pas membres de l'Union européenne, et ne relèvent donc pas de la politique communautaire de la pêche, ce qui est à l'origine de nombreux incidents.

M. Guy Lengagne a appuyé les propos de M. André en soulignant que ces territoires en marge posent souvent des problèmes, comme par exemple le Groenland par rapport au Danemark. Il a également précisé que le Royaume-Uni reste aussi membre de la CICTA en tant que puissance tutélaire des Bermudes.

Mme Marie-Hélène Aubert a déploré le retard, trop souvent constaté, pris par la France pour ratifier conventions et protocoles, surtout dans le domaine si important de l'environnement et de la préservation des ressources naturelles.

Elle a proposé que la Commission des Affaires étrangères fasse le point sur l'état d'avancement du processus de ratification des conventions signées par la France dans ces domaines qui constituent une source potentielle de conflits entre pays industrialisés et pays du sud.

Elle a demandé comment étaient utilisées les contributions des membres de la CICTA.

M. Guy Lengagne a précisé que les contributions des Etats servent à financer la commission pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Elles lui permettent de mener des études afin d'évaluer le niveau des ressources et de prendre les mesures de gestion nécessaires.

M. François Loncle a indiqué que lors d'une rencontre avec un député algérien, celui-ci lui avait signalé l'existence, au large des côtes algériennes, d'une forte population de thons, inexploitée faute d'une flotte de pêche moderne et d'accords de pêche.

Le Président Jack Lang a fait savoir qu'il avait demandé au ministre des Affaires étrangères de dresser pour la Commission une liste des traités signés par la France qui n'ont pas encore été soumis au Parlement. Pour les traités multilatéraux, il est possible de collecter directement des informations auprès des organisations intergouvernementales. Ces retards dans l'approbation ou la ratification des traités et accord internationaux sont une grave carence, qui commence à être palliée sous l'impulsion du Parlement.

Il a conclu en soulignant que la gestion des espaces communs de l'humanité sous la forme d'un véritable service public international constitue un grand progrès.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1927).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1927).

1 l'Afrique du Sud, le Brésil, le Canada, les Etats-Unis, la Russie, la Guinée, le Japon, le Maroc, la Corée du sud, l'Uruguay, le Venezuela et, avant d'être remplacés par la Communauté européenne, l'Espagne, l'Italie et le Portugal.

2 la République populaire de Chine, la Communauté européenne, la Croatie, la Libye, le Panama, la Tunisie, Trinité et Tobago


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