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le 26 janvier 2000

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N° 2080

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud pour la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières,

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 149, 191 et T.A. 89 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1424

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UNE CONVENTION DE FACTURE CLASSIQUE UTILE ET NÉCESSAIRE 7

A - UNE CONVENTION UTILE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS 7

1) Les principaux courants de fraudes entre la France et l'Afrique du Sud 7

2) Les efforts de l'Afrique du Sud pour lutter contre les fraudes 8

B - UN DISPOSITIF CONVENTIONNEL CLASSIQUE ASSORTI DE
QUELQUES PARTICULARITÉS
8

1) Le champ d'application de la Convention 9

2) Un mécanisme d'entraide classique 9

3) Les modalités de mise en _uvre de la Convention 11

II - UNE TRANSITION DÉMOCRATIQUE RÉUSSIE DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL CONTRASTÉ 13

A - LA RÉUSSITE DE LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE 13

1) La construction d'un Etat de droit 13

2) Les évolutions politiques : la succession du Président Mandela

est assurée 14

B - LES DÉSÉQUILIBRES SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES 15

1) Des déséquilibres sociaux marqués par le clivage entre communautés blanche et noire 15

2) Une croissance insuffisante 16

C - L'ÉMERGENCE DE L'AFRIQUE DU SUD SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE 16

1) Une puissance africaine 16

2) L'Afrique du Sud entretient une relation privilégiée avec
l'Union européenne et les Etats-Unis 17

3) La multiplication des échanges commerciaux avec l'Asie 18

III - DES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-SUD-AFRICAINES
RÉCENTES
21

A - DES RELATIONS POLITIQUES PROMETTEUSES 21

B - LA FRANCE DEMEURE UN PARTENAIRE COMMERCIAL MODESTE 22

C - UNE COOPÉRATION ADAPTÉE À LA DUALITÉ DU PAYS 22

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

Mesdames, Messieurs,

Adopté par le Sénat le 3 mars 1999, le projet de loi soumis à vote examen a pour objet l'approbation d'une convention d'assistance administrative entre la France et l'Afrique du Sud relative à la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières.

Principale puissance économique de la région, l'Afrique du Sud a connu des profondes transformations qu'il convient de saluer. Plaque tournante du trafic de stupéfiants, elle s'efforce de lutter contre ce fléau et a déjà engagé une coopération active avec plusieurs pays. Elle a d'ailleurs ratifié la présente Convention en janvier 1999.

Votre Rapporteur se propose d'analyser cet accord de facture classique avant d'évoquer les grandes mutations qu'a connues l'Afrique du Sud, mutations qui ont contribué à accroître les échanges franco-sud-africains.

I - UNE CONVENTION DE FACTURE CLASSIQUE
UTILE ET NÉCESSAIRE

A - Une convention utile contre le trafic de stupéfiants

L'accord signé à entre la France et l'Afrique du Sud répond à une nécessité car en raison de la densité de son trafic aérien l'Afrique du Sud est un point de passage du trafic de stupéfiants et des courants de fraude contre lesquels elle s'efforce de lutter.

1) Les principaux courants de fraudes entre la France et l'Afrique du Sud

L'Afrique du Sud est à la fois un pays de transit des stupéfiants et un des principaux producteurs mondiaux de cannabis ; la surface cultivée est estimée à 100 000 hectares. Une grande partie de cette production est destinée à la consommation locale, mais pourrait se tourner vers l'exportation compte tenu de l'intérêt que les filières nigérianes semblent lui porter.

L'Afrique du Sud est une plaque tournante du trafic de stupéfiants. La cocaïne en provenance d'Amérique latine à destination de l'Europe et des Etats-Unis y transite. Ce trafic est grandement facilité par la multiplication des liaisons aériennes, par le manque de contrôle aux frontières ainsi que par la qualité des moyens de télécommunication et du réseau bancaire, en tous points comparables à ceux de l'Europe. Le trafic d'héroïne est moindre que celui de la cocaïne mais l'Afrique du Sud sert de base de transit pour l'héroïne en provenance d'Asie. En revanche, la production de drogues de synthèse est encore embryonnaire.

Même si des laboratoires clandestins ont été démantelés (11 pour les années 1997-1998), ce pays constitue également un point de sortie important comme en témoignent les 60 saisies d'envois de moins de 50 kg provenant tous de ce pays, effectués en Europe principalement aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Cependant les saisies de stupéfiants faites en France, en provenance, à destination ou sur des ressortissants d'Afrique du Sud restent relativement rares. On note une augmentation des quantités interceptées ces deux dernières années. Les saisies de drogue faites en provenance d'Afrique du Sud portent essentiellement sur la cannabis et sont en augmentation (en 1997 : 225 g, en 1998 :31,4 kg, au premier semestre 1999 : 63,4 kg). Les saisies de drogue faites à destination d'Afrique du Sud portent sur de la cocaïne (en 1998 : 5,9 kg, en 1999 : 646 g).

L'Afrique du Sud serait également un pays touché par le trafic de contrefaçons en provenance de Chine. Grâce à ses ports de transbordement pour des conteneurs à destination de l'Europe, il n'est pas exclu que certaines contrefaçons ou autres marchandises de fraude arrivent en France, importation de tee-shirts notamment.

2) Les efforts de l'Afrique du Sud pour lutter contre les fraudes

Consciente du développement de la criminalité, l'Afrique du Sud s'est efforcée d'accroître son efficacité en matière de lutte contre la fraude en menant des actions de coopération active notamment avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les pays scandinaves, le Canada. Les actions entreprises portent sur la lutte contre les stupéfiants, mais aussi contre le blanchiment, la criminalité organisée, les grands trafics (or et pierres précieuses). Avec la France, la coopération des services répressifs remonte à 1997 et porte sur la lutte contre le crime organisé et le blanchiment.

Depuis la signature de la convention en juin 1998, l'Afrique du Sud a renforcé son dispositif de lutte contre la fraude. Elle a ainsi ratifié en décembre 1998 la convention des Nations Unies sur la lutte contre les stupéfiants et les psychotropes. Une loi relative à la prévention de la criminalité organisée (prevention organised crime act) a été adoptée à la fin de l'année 1998). Ce texte essentiellement motivé par la nécessité de lutter contre les gangs du Cap et l'établissement en Afrique du Sud de ressortissants italiens soupçonnés d'appartenir à la mafia, contient des dispositions intéressant directement la lutte contre le blanchiment et s'applique à l'ensemble du territoire sud-africain pour des faits relevant de la criminalité organisée. Après avoir ratifié la Convention en janvier 1999, l'Afrique du Sud s'est dotée d'une législation sur les livraisons surveillées.

La nouvelle équipe gouvernementale a mis l'accent sur la lutte contre l'insécurité créant une Direction des enquêtes spéciales sur le modèle du FBI. Plusieurs succès sont à mettre à l'actif de cette structure (arrestations d'auteurs de crimes, démantèlement d'un trafic important de voitures volées).

B - Un dispositif conventionnel classique assorti de quelques particularités

Les dispositions prévues par la Convention s'inscrivent dans le cadre général de coopération administrative qui sert de base à la trentaine d'accords de ce type déjà signés par la France.

En effet, si le paragraphe 6 de l'article 65 du code des douanes françaises autorise l'administration française des douanes à fournir, sous réserve de réciprocité, des renseignements aux autorités douanières étrangères, cette disposition n'offre qu'une sécurité juridique faible, s'agissant de la protection de la confidentialité.

Aussi, la présente convention a-t-elle pour objectif de conférer un fondement juridique à la coopération entre les administrations douanières françaises et sud-africaines et de favoriser la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières. Grâce à ce cadre juridique, les renseignements réunis à l'occasion de ces échanges peuvent servir de preuves devant les tribunaux et la confidentialité des informations transmise est mieux garantie.

1) Le champ d'application de la Convention

Les articles 1, 2, 3 et déterminent le champ de l'accord qui se limite à l'assistance administrative dans le domaine de la lutte contre les infractions à la législation douanière. Au-delà, les arrestations par exemple, la coopération relève de l'entraide judiciaire. Elle ne s'étend pas à la perception par l'administration douanière d'une partie des droits de douane, impôts, taxes, amendes et autres sommes pour le compte de l'administration de l'autre partie.

Toutefois, à la demande de l'Afrique du Sud, l'assistance accordée par chaque Partie "s'effectue dans les limites de la compétence et des capacités humaines et techniques de son administration douanière." Cette disposition de l'article 4, paragraphe 3 vise à limiter l'assistance quand des contraintes internes à l'administration sollicitée ne lui permettent pas de procéder à certains actes et de fournir l'assistance demandée (exemple : moyens et matériels non disponibles ou insuffisants).

2) Un mécanisme d'entraide classique

La convention prévoit que les administrations peuvent échanger des renseignements, spontanément ou sur demande pour toutes les opérations constatées ou suspectées présentant un caractère frauduleux. Les nouveaux moyens de fraude, les catégories de marchandises connues comme faisant l'objet de trafics, les personnes et les moyens de transports suspects, les nouvelles techniques de lutte contre la fraude sont concernés. Lorsqu'ils prennent la forme de documents de douane pouvant servir à détecter des infractions, les renseignements ne peuvent être transmis qu'en réponse à une demande écrite (article 4).

L'accord prévoit qu'une partie peut demander à l'autre d'exercer une surveillance spéciale sur des déplacements de personnes, des mouvements de marchandises, des lieux, des moyens de transport, des actes liés au trafic des stupéfiants, quand ceux-ci paraissent suspects (article 5). Il autorise le recours d'un commun accord à la méthode des livraisons surveillées. L'article 67 bis du code des douanes français permet aux agents des douanes habilités à cet effet par le ministre à pratiquer des expéditions illicites dans le but d'identifier les personnes impliquées dans les infractions douanières. L'Afrique du Sud disposant depuis peu d'une législation analogue sur les livraisons surveillées, une partie peut demander à l'autre de procéder à des enquêtes sur des opérations en présence, éventuellement, de ses propres agents à la condition que ces derniers ne soient ni armés, ni en uniforme (article 8).

La convention établit des relations directes entre les administrations. Elle confère une valeur de preuves aux renseignements transmis par une partie devant les tribunaux de l'autre et permet aux agents d'une partie de comparaître en qualité de témoins ou d'experts. Elle stipule que les informations obtenues dans son cadre ne doivent être utilisées qu'aux fins de l'accord, sauf consentement exprès de la partie qui les a transmises. Ces informations bénéficient des mêmes garanties que celles accordées par la législation de l'Etat à ses propres informations de même nature (articles 9, 10 et 11). Toutefois, l'Afrique du Sud a demandé que les documents mentionnés à titre de preuve soient certifiés (article 11 paragraphe 2). Selon la direction générale des douanes, il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation. Cette disposition peut être rapprochée de l'article 4 b de l'accord qui dispose que l'administration sollicitée peut transmettre "tous renseignements... éventuellement sous forme de copies dûment certifiées ou authentifiées" et notamment donc à la demande de l'autre partie.

Les limites de l'assistance administrative tiennent à la possibilité pour une partie de refuser son assistance lorsque celle-ci serait de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de l'Etat ou impliquerait la violation d'un secret industriel, commercial ou professionnel. Tout refus doit être motivé (article 7). Cette disposition fait désormais partie du modèle type français de convention bilatérale d'assistance administrative mutuelle en matière douanière élaboré en 1997 et approuvé en 1998 par les administrations concernées. L'objectif est de pouvoir refuser de donner suite à une demande quand des intérêts jugés majeurs empêchent de fournir cette assistance.

3) Les modalités de mise en _uvre de la Convention

Les dispositions de l'article 14 de l'accord concernant les modalités de la mise en _uvre ont déjà été appliquées. En effet comme le prévoit le paragraphe 2 de l'article précité un arrangement administratif définissant les mesures de coopération technique a été signé le 14 septembre 1998 entre le directeur général des douanes françaises et le directeur général des services fiscaux d'Afrique du Sud et comprend deux volets : des échanges d'information entre les services centraux des deux directions générales dans les domaines législatif, réglementaire et technique et une assistance technique sous la forme de visites de fonctionnaires, de missions sur place, de prestations de conseil, de sessions de formation. La signature de cet arrangement témoigne de la volonté réciproque de coopération entre la France et l'Afrique du Sud.

II - UNE TRANSITION DÉMOCRATIQUE RÉUSSIE DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL CONTRASTÉ

Au regard de la situation qui prévalait au début des années 90, l'évolution de l'Afrique du Sud est des plus remarquables. Le processus de réconciliation nationale se poursuit, en dépit des heurts inévitables.

A - La réussite de la transition démocratique

1) La construction d'un Etat de droit

Les premières élections démocratiques générales d'avril 1994 ayant montré le caractère irréversible des mutations de l'Afrique du Sud, la nouvelle constitution, adoptée le 8 mai 1996 par la presque totalité des partis est entrée en vigueur en janvier 1997. Elle instaure une république de type parlementaire, dirigée par un Président à la tête du Gouvernement, sous le contrôle étroit d'un Parlement bicaméral. Le Congrès National Africain (ANC) a réussi à imposer que l'Etat soit unitaire, mais a dû concéder une forte décentralisation qui tient presque du fédéralisme, comme en témoigne l'existence du Conseil National des Provinces aux côtés de l'Assemblée nationale. Les constituants ont marqué leur attachement aux droits de l'Homme par une Charte très libérale qui forme le c_ur du texte constitutionnel. Parallèlement, pour guérir les plaies du passé, la Commission Vérité et Réconciliation, présidée par Monseigneur Desmond Tutu a été chargée de rétablir des vérités historiques éludées par l'apartheid et d'_uvrer à la réconciliation nationale.

Depuis avril 1996, la Commission Vérité et Réconciliation a entendu plus de 20 000 récits accablants de victimes. Les informations collectées ont parfois permis de retrouver des coupables pour les pousser à faire acte de contrition. Les auditions publiques ont souvent revêtu un caractère de thérapie collective, les injustices passées recevant une reconnaissance officielle. Sur plus de 4 600 demandes d'amnistie examinées par la Commission, environ une centaine seulement a été acceptée. Depuis le mois d'octobre 1998, les victimes ont commencé à recevoir une compensation financière. La remise officielle du rapport par Monseigneur Desmond Tutu au Président Nelson Mandela, le 29 octobre 1998, a ranimé les controverses sur les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation. Accusé par la classe politique de raviver les passions au sein de la société arc-en-ciel, Monseigneur Desmond Tutu a déclaré : "avant de tourner une page de son histoire, il faut la lire". La Commission Vérité et Réconciliation a contribué à une prise de conscience et initié un travail de mémoire dont bien des pays pourraient s'inspirer.

2) Les évolutions politiques : la succession du Président Mandela est assurée

Les élections du 2 juin 1999 se sont déroulées dans le calme, avec un taux de participation élevé (89 % des inscrits). Les voix ont été marquées par la victoire écrasante de l'ANC qui, avec 66,3 %, a gagné 14 députés par rapport à 1994, ce qui a provoqué une réorganisation en profondeur des forces d'opposition. Le Parti démocratique (DP), à majorité blanche mais qui a toujours dénoncé l'apartheid, a atteint l'objectif de prendre la seconde place sur la scène politique avec 38 députés contre 7 sièges en 1994. L'efficacité de sa campagne lui a permis d'élargir une audience, traditionnellement constituée d'anglophones libéraux à une partie des communautés afrikaner et indienne. Le Parti zoulou de la liberté Inkatha (IFP) conserve sa troisième place sur le plan national, mais perd 9 sièges, avec 34 députés. Son audience reste limitée au Kwazulu Natal. Le Nouveau Parti National (NNP), grand perdant des élections, ne détient plus que 28 sièges au Parlement contre 82 précédemment.

Nouveau venu sur la scène politique, le Mouvement démocratique Uni a obtenu 14 députés. On constate un repli des partis extrémistes : avec 3 députés chacun à l'Assemblée nationale, le Freedom Front (extrême-droite blanche) et le Congrès Panafricain (extrême gauche noire) perdent respectivement 6 et 2 sièges.

C'est donc sans surprise que le 14 juin 1999 M. Thabo Mbeki a été élu Président de la République d'Afrique du Sud par les parlementaires. En gardant l'essentiel de l'équipe qu'il dirigeait déjà aux côtés du Président Nelson Mandela, le nouveau Président poursuit la politique de réconciliation nationale. Ses priorités sont la lutte contre la criminalité et la réforme de l'enseignement ainsi que la mise en place d'un système de santé digne de ce nom. Actuellement des malades meurent dans le hôpitaux faut de soins. La pénurie de personnel et le manque de matériel médical est dramatique. Face au sida qui fait des ravages, les moyens utilisés -comme partout en Afrique- restent dérisoires.

Protégeant les institutions indépendantes agissant dans les domaines de la lutte contre la corruption et les droits de l'Homme, le Président se veut "conciliateur" et ouvre sa porte aux partis "prêts à coopérer pour la transformation du pays". Mais un nouveau fait préoccupant apparaît, la montée du fondamentalisme islamique. Affirmant que "les Afrikaners sont des Africains", le Président Mbeki centre son action sur le thème de la "renaissance africaine" pour prouver que les Noirs sont capables de gérer un pays moderne.

B - Les déséquilibres sociaux et économiques

Frappée par la crise financière internationale, l'économie sud-africaine ne semble pas en mesure, actuellement, de générer la croissance nécessaire à la satisfaction des besoins sociaux laissés en friche par l'apartheid.

1) Des déséquilibres sociaux marqués par le clivage entre communautés blanche et noire

Alors que les Blancs disposent d'un niveau de vie comparable à celui des Européens (12 000 dollars environ par habitant et par an), les Noirs qui constituent 75 % de la population, ont un revenu moyen près de dix fois inférieur. Près de la moitié d'entre eux sont au chômage et 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ces écarts se retrouvent au niveau des équipements et des infrastructures. Le faible niveau d'éducation de la population noire est inquiétant. Cette situation sociale préoccupante est l'une des causes majeures de l'accroissement de la criminalité, qui, devenue l'une des premières préoccupations des Sud-Africains, nuit considérablement à l'image du pays à l'étranger et génère des conséquences négatives sur les investissements et le tourisme.

Le Gouvernement a lancé en 1994 un vaste plan de rattrapage économique et social, le Programme de Reconstruction et de Développement, (PRD) qui repose sur l'action conjointe de l'Etat, des provinces et des entreprises publiques et privées, soutenue par l'aide internationale, notamment européenne. Quatre domaines sont prioritaires : l'amélioration des infrastructures, la lutte contre la criminalité, la préservation et le développement du potentiel humain, la réforme et la démocratisation de l'Etat.

La réussite de ce programme visible dans certaines "townships" implique que le développement économique de l'Afrique du Sud s'accélère. Le pays dispose de richesses naturelles considérables, d'infrastructures performantes, de cadres compétents et depuis quelques années, de l'intérêt des pays développés. Pour maintenir cette nécessaire confiance, le gouvernement a lancé en juin 1996 un programme économique, intitulé Growth, Employment and Redistribution, GEAR, d'inspiration libérale, qui met l'accent sur l'incitation à l'investissement privé, la libéralisation progressive du commerce extérieur, la modernisation du tissu industriel et le soutien aux hommes d'affaires noirs ("Black Empowerment") avec l'ambition de développer un tissu de PME. En l'espace de trois ans, la part du capital détenu par des investisseurs noirs dans la bourse de Johannesburg est passée de 4,6 à 58,7 milliards de rands.

2) Une croissance insuffisante

Le taux de croissance de l'Afrique du Sud est faible (1,7 % en 1997 ; 0,1 % pour 1998) du fait du ralentissement de la consommation, du maintien de taux d'intérêts très élevés et des effets des restructurations économiques, mais les investissements ont progressé de 3 % en volume. Les exportations en augmentation représentent 24 % du PNB.

Face à ces difficultés, une culture de négociation s'est développée pour résoudre les problèmes les plus urgents. Organisés autour de préoccupations importantes pour les Sud-Africains, plusieurs "Sommets" ont vu le jour (Sommet sur les meurtres de fermiers, Sommet sur la moralité, Sommet pour l'emploi). Ils ont favorisé l'adoption de mesures concrètes.

Si le départ du Président Nelson Mandela prive l'Afrique du Sud d'un chef charismatique, ce pays continue de bénéficier d'un prestige particulier sur la scène internationale.

C - L'émergence de l'Afrique du Sud sur la scène internationale

Après des années d'isolement l'Afrique du Sud a repris sa place sur la scène internationale à partir de 1990. La diplomatie sud-africaine a dû découvrir de nouveaux interlocuteurs que l'existence de l'apartheid leur interdisait.

1) Une puissance africaine

L'Afrique du Sud se veut avant tout africaine. Puissance économique et militaire majeure du continent -plus du tiers du PIB de l'Afrique sub-saharienne-, elle aspire à devenir le porte-parole des Africains en obtenant un siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU.

Ses contacts avec ses voisins de l'Afrique Australe sont très nombreux et s'exercent à travers le Southern African Development Community (SADC) et traduisent l'existence d'un dialogue politique et le développement d'une coopération active. L'excédent de la balance commerciale sud-africaine avec les pays de cette zone atteint presque 3 milliards de dollars. L'Afrique du Sud étant, dans chacun de ces pays, le premier ou l'un des tous premiers partenaires commerciaux et l'un des premiers investisseurs étrangers.

Cependant, la reprise de la crise intérieure angolaise entre le gouvernement et l'Unita constitue une gêne certaine pour l'Afrique du Sud qui misait sur une réconciliation entre le Président Dos Santos et M. Jonas Savimbi. L'Afrique du Sud marque sa préférence pour une solution négociée.

Présente au nord du continent, l'Afrique du Sud s'est rapprochée du Nigeria désormais démocratique pour établir un partenariat et par voie de conséquence un partage d'influence. L'Afrique du Sud et le Nigeria, ayant le plus fort potentiel de richesses du continent, devraient constituer les deux grands pôles de l'Afrique de demain. La France a tout intérêt à anticiper cette évolution.

Dans le conflit en RDC, après un soutien politique marqué apporté au Président Kabila au début du conflit, l'Afrique du Sud s'est abstenue de tout engagement militaire au moment où d'autres membres de la SADC envoyaient des troupes. Elle a multiplié les contacts avec le camp ougando-rwandais et est parvenue à obtenir de M. Paul Kagamé, l'homme fort du Rwanda, la reconnaissance officielle de la participation militaire rwandaise au conflit. Après l'accord de paix signé le 7 juillet 1999 à Lusaka, l'Afrique du Sud est parvenue à convaincre les rebelles congolais de signer l'accord de cessez-le-feu officiellement entré en application le 1er septembre 1999.

L'Afrique du Sud a réagi de façon positive aux initiatives occidentales en faveur du renforcement des capacités de maintien de la paix. Elle est favorable au projet "Recamp".

2) L'Afrique du Sud entretient une relation privilégiée avec l'Union européenne et les Etats-Unis

L'Afrique du Sud qui a un besoin vital d'intensifier ses relations économiques et notamment d'avoir accès aux marchés des pays développés, multiplie les contacts dans ce but. Cependant ses représentants, à tous les niveaux déplorent le double discours des pays riches qui parlent de mondialisation tout en restant protectionnistes.

a) La négociation d'un accord de commerce et de coopération avec l'Union européenne

Les trois visites d'Etat effectuées en 1996 par le Président Mandela à Bonn, Londres et Paris, comme sa venue à Cardiff en juin 1998, en marge du Conseil européen, pour faire ses adieux aux chefs d'Etat, témoignent de l'importance accordée à l'Europe. L'intensité des relations économiques (40 % des exportations sud-africaines) le volume des investissements européens en Afrique du Sud (63 % des investissements), l'aide bilatérale et multilatérale considérable apportée par le vieux continent, expliquent ce choix.

L'Union européenne et l'Afrique du Sud négocient depuis 1995 le cadre de leurs relations futures. Au début du mois de février 1999 elles sont parvenues à un accord aux termes duquel le marché européen devrait s'ouvrir pendant dix ans à 95 % des exportations sud-africaines, tandis que Pretoria autoriserait 86 % des produits de l'Union européenne à pénétrer librement sur son territoire.

b) Un partenaire incontournable des Etats-Unis en Afrique

L'Afrique du Sud est considérée par les Américains comme leur principal point d'ancrage en Afrique sub-saharienne. Aussi ont-ils mobilisé des moyens considérables pour assurer la réussite de la transition démocratique. L'aide fournie par l'USAID était de 77,5 millions de dollars en 1997 (16 % de l'aide américaine à l'Afrique), ce qui place les Etats-Unis au premier rang des bailleurs d'aide à ce pays. Ayant classé l'Afrique du Sud parmi les dix marchés émergents prioritaires, les Etats-Unis soutiennent activement les entreprises qui y investissent. Troisième partenaire commercial de l'Afrique du Sud après l'Union européenne et l'Asie, ils sont devenus le deuxième investisseur étranger après la Grande-Bretagne.

Au plan politique, les rencontres bilatérales de haut niveau sont fréquentes. Pour structurer et développer les relations bilatérales, une commission binationale, instituée en 1994 lors de la première visite d'Etat à Washington du Président Nelson Mandela, s'est réunie deux fois par an sous la présidence des deux Vice-Présidents.

L'Afrique du Sud est assez sensible aux avances américaines. Mais la relation américano-sud-africaine comporte des faiblesses, que les propos critiques du Président Nelson Mandela ont souligné, en mars 1998, lors de la visite du Président Clinton. Ils tiennent aux fortes réticences de la "vieille garde" de l'ANC à l'égard d'un rapprochement trop marqué avec les Etats-Unis, et aux relations que l'Afrique du Sud entend maintenir avec certains Etats (Cuba, Libye, Iran).

3) La multiplication des échanges commerciaux avec l'Asie

Les liens historiques et culturels favorisent le rapprochement de l'Afrique du Sud avec l'Asie, par l'intermédiaire des communautés indiennes et malaises sud-africaines. La nomination de l'Afrique du Sud à la tête du mouvement des Non-Alignés pour la période 1998-2001 est sans doute le résultat le plus direct des contacts établis.

L'Asie est le deuxième partenaire commercial de l'Afrique du Sud. Le Japon est le quatrième exportateur de l'Asie vers l'Afrique du Sud. L'Afrique du Sud a établi des relations avec Pékin le 1er janvier 1998 et est devenue le premier partenaire commercial de la Chine en Afrique.

III - DES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-SUD-AFRICAINES RÉCENTES

Bien que la présence française en Afrique du Sud remonte à l'installation des huguenots en 1688 au Cap, l'influence de la France dans la région a été faible. Les liens commerciaux comme la coopération militaire instaurée à partir des années soixante ont été rompus en 1976, date des émeutes à Soweto. Les relations franco-sud-africaines sont donc récentes. Prometteuses au plan politique, elles restent encore modestes sur le plan commercial malgré une coopération adaptée à la dualité du pays.

A - Des relations politiques prometteuses

La France a apporté un soutien marqué à la transition sud-africaine en recevant à plusieurs reprises M. Nelson Mandela (1990, 1991 et 1992) et en accordant une aide importante qui s'est traduite par la mise en place de missions d'assistance technique auprès des organes de transition : experts détachés auprès de diverses structures indépendantes, forte participation au dispositif international d'observation électoral en 1994, assistance pour l'élaboration de la nouvelle constitution. Cette coopération s'exprimait surtout par l'intermédiaire des ONG et du réseau des Alliances françaises à destination des populations noires défavorisées, s'est progressivement accrue et a été réorientée en fonction des priorités gouvernementales. Cet engagement substantiel aux côtés du nouveau régime sud-africain a permis le développement de contacts politiques soutenus, plusieurs déplacements au niveau des ministres des deux pays à partir de 1992, et la visite du Président Mitterrand en juillet 1994 ont amorcé un partenariat franco-Sud-africain. Le succès de la visite d'Etat du Président Mandela, en juillet 1996, a témoigné de la réponse favorable des autorités sud-africaines à l'ouverture française.

Le "Forum de dialogue politique franco-sud-africain", institué sur proposition française en octobre 1997 a concrétisé la volonté réciproque d'approfondir les relations politiques bilatérales et de structurer le partenariat franco-sud-africain.

La visite officielle du Président Jacques Chirac, qui s'est déroulée du 26 au 28 juin 1998, a permis à la France d'exprimer sa volonté d'établir avec l'Afrique du Sud une relation bilatérale sur un pied d'égalité. En juin 1999, M. Charles Josselin, Ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie a conduit la délégation représentant la France aux cérémonies d'investiture du Président Mbeki. Cette visite a permis de confirmer au successeur du Président Mandela l'intérêt de la France pour la poursuite et l'intensification de ce partenariat. En marge de la 54ème Assemblée Générale des Nations Unies, le Premier Ministre s'est entretenu le 21 septembre 1999 avec le Président sud-africain.

B - La France demeure un partenaire commercial modeste

En 1996, la France détenait 3,6 % du marché sud-africain, à égalité avec l'Italie mais loin derrière l'Allemagne (15,1 %), les Etats-Unis (12,9 %), la Grande-Bretagne (11,6 %) et le Japon (8,3 %). Au premier trimestre 1998, cette cinquième place (avec 4,4 % des parts de marché) a été confortée.

Cependant, le stock d'investissements a plus que doublé depuis 1993 et la France est le cinquième investisseur en flux. Désormais 125 entreprises françaises sont implantées dans le pays. Depuis 1990, les exportations françaises ont également plus que doublé. En 1998, l'Afrique du Sud constitue le premier débouché commercial de la France en Afrique sub-saharienne (6,8 milliards de francs), devant la Côte d'Ivoire (5,4 milliards de francs). Les échanges dégagent un excédent de plus  2,42 milliards de francs. En 1999, les entreprises françaises ont renforcé leur présence en Afrique du Sud. Ainsi, Sanofi a démarré ses activités au Cap. France Télécom a signé un accord de construction du câble sous-marin, Framatome a conclu un contrat de maintenance et d'ingénierie pour la centrale nucléaire de Koesberg, Bull se positionne sur un projet d'informatisation des douanes sud-africaines.

C - Une coopération adaptée à la dualité du pays

L'Afrique du Sud fait partie de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) définie pour 1999 par le Comité interministériel de coopération internationale et de développement (CICID). La coopération culturelle, scientifique et technique française procède de la signature d'un accord en novembre 1994 qui fixe le cadre d'une véritable coopération institutionnelle.

L'appui direct au développement, seul axe d'intervention possible pendant l'apartheid est à présent de plus en plus laissé à l'initiative de la coopération non-gouvernementale et décentralisée. Des actions de coopération pour le développement socio-économique et le rattrapage des communautés "historiquement défavorisées" sont mises en _uvre. Les opérations de formation constituent l'axe essentiel de la plupart des projets (80 bourses de stage, d'études ou de recherches planifiées en 1998), et contribuent au renforcement des capacités dans plusieurs secteurs professionnels.

Dans le souci d'accompagner l'effort graduel des entreprises françaises qui exportent et investissent en Afrique du Sud, une coopération partenariale de haut niveau, susceptible de cofinancement s'établit. Les contacts se multiplient avec les collectivités locales, notamment les Régions Réunion, Bretagne et Ile-de-France qui souhaitent développer une coopération décentralisée. Les visites récentes d'une délégation de Cités unies de France et de la Région Ile-de-France y contribuent.

Si l'on cumule toutes les formes de coopération, avec plus de 360 millions de francs hors aide multilatérale (1997), la France est le cinquième bailleur d'aide à l'Afrique du Sud mais sa contribution est cependant bien inférieure à celle des quatre pays qui la précèdent (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne et Allemagne).

CONCLUSION

Cette convention dont la ratification est opportune, s'inscrit dans la logique du développement des relations bilatérales entre la France et l'Afrique du Sud. Depuis la chute de l'apartheid les deux pays ont signé une dizaine d'accords bilatéraux marquant ainsi leur volonté réciproque d'institutionnaliser leur coopération en lui donnant un cadre approprié.

Les mutations profondes et sereines de l'Afrique du Sud constituent un exemple pour bien des nations. Aussi convient-il de saluer chaque élément supplémentaire de la relation de la France avec ce pays.

C'est pourquoi votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 18 janvier 2000.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1424).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1424).


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