Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale Annexe au procès-verbal de la séance du 9 mars 2000.

le 9 mars 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives,

PAR M. BERNARD ROMAN, PAR M. GUY CABANEL,

Député. Sénateur.

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(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Tasca, députée, présidente ; M. Jacques Larché, sénateur, vice-président ; MM. Bernard Roman, député, Guy Cabanel, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires  : Mmes Huguette Bello, Marie-Thérèse Boisseau, Cécile Helle, Muguette Jacquaint, Marie-Jo Zimmermann , députés ; MM. Patrice Gélard, Henri de Richemont, Daniel Hoeffel, Mme Dinah Derycke, M. Michel Duffour, sénateurs.

Membres suppléants  : Mme Odette Casanova, M. André Vallini, Mmes Nicole Feidt, Véronique Neiertz, MM. Jacky Darne, Jean-Luc Warsmann, Claude Goasguen, députés ; MM. Nicolas About, Luc Dejoie, Paul Girod, Pierre Jarlier, François Marc, Jean-Pierre Schosteck, Simon Sutour, sénateurs.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2012, 2103 et T.A. 432.

Sénat : 192, 231 et T.A. 94 (1999-2000).

Elections et référendums.

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives s'est réunie, le jeudi 9 mars 2000, au Palais Bourbon.

Elle a tout d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

- Mme Catherine Tasca, députée, présidente,

- M. Jacques Larché, sénateur, vice-président.

La Commission a ensuite désigné M. Bernard Roman, député, et M. Guy Cabanel, sénateur, respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

Jugeant souhaitable d'aborder d'emblée le c_ur des divergences entre les deux assemblées, M. Guy Cabanel, rapporteur pour le Sénat a indiqué que le Sénat avait supprimé l'article premier A du projet de loi introduit par l'Assemblée nationale qui abaissait de 3 500 à 2 000 habitants le seuil déterminant l'application du mode de scrutin proportionnel pour les élections municipales. Il a considéré qu'il constituait, en effet, une contravention manifeste au compromis qui avait permis d'aboutir, l'an passé, à la révision constitutionnelle. Rappelant que le Premier ministre s'était, à cette occasion, solennellement engagé à ne pas changer les modes de scrutin, il a regretté qu'ait été introduit dans le projet de loi une disposition qui mélange le débat sur l'application du principe de parité, auquel souscrit le Sénat avec celui sur un mode de scrutin. Il a souligné, en outre, qu'il ne s'agissait pas d'une disposition anodine puisque, à moins d'un an des élections municipales, elle remettait en cause le système du panachage auquel les populations des petites communes sont attachées. Il a souhaité qu'une attaque de cette nature ne soit pas portée contre les petites communes qui, souvent, élisent un nombre important de femmes dans les conseils municipaux, y compris aux fonctions de maire. Observant que la France était le seul pays dans lequel le principe de parité avait été inscrit dans la Constitution, il a estimé qu'il n'y avait pas nécessairement lieu d'en tirer satisfaction, et rappelé que certains sénateurs avaient d'ailleurs proposé, lors du débat constitutionnel, que ce dispositif soit temporaire. Il a considéré que le principe de parité gagnerait à être appuyé sur un vaste mouvement d'adhésion et d'entraînement, déjà observé lors du scrutin européen, à l'occasion duquel, sans règle c_rcitive, 40 % de femmes ont été élues au Parlement européen. En conclusion, il a souhaité que l'on ne multiplie pas les contraintes imposées aux électeurs, exprimant sa conviction que la parité se réaliserait, en l'absence même de contrainte législative excessive et pourrait être constatée à l'occasion du rapport d'étape en 2002.

Soulignant, en préambule, la manière très différente dont le projet avait été abordé par l'Assemblée nationale et par le Sénat, M. Bernard Roman, rapporteur pour l'Assemblée nationale a considéré que cette divergence de fond était peu propice à la poursuite d'une discussion fructueuse en commission mixte paritaire. Evoquant les conditions d'examen concomitantes au Sénat du présent projet de loi et des projets de loi relatifs à la limitation du cumul des mandats, il s'est élevé contre le choix du Sénat de lier, par le biais d'un marchandage choquant, sa décision de rétablir un seuil de 3 500 habitants pour l'application aux conseillers municipaux de la limitation du cumul des mandats, avec celle, prise par l'Assemblée nationale, dans le projet sur la parité, d'abaisser à 2 000 habitants le seuil à partir duquel les élections municipales auraient lieu au scrutin de liste majoritaire à deux tours. Il a regretté une telle attitude dans le cadre de l'examen d'un texte dont l'objectif - la parité des candidatures féminines et masculines aux élections - semblait pourtant partagé par tous. Observant que, à l'exception du changement de mode de scrutin pour les communes dont la population est comprise entre 2 000 et 3 500 habitants, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale avait recueilli une approbation presque unanime de tous les groupes de cette assemblée, le rapporteur a souhaité rappeler que la démarche suivie par les députés, consistait à mettre en _uvre des solutions permettant d'optimiser la présence des femmes dans la vie politique. Déplorant que le Sénat ait préféré, au contraire, en rester aux dispositions initiales du projet de loi, il a conclu en constatant qu'il semblait, dans ces conditions, difficile de trouver une conciliation permettant d'aboutir à un accord en commission mixte paritaire.

M. Jacques Larché, vice-président, s'est inscrit en faux contre les propos tenus par le rapporteur pour l'Assemblée nationale, en indiquant qu'aucun marchandage n'avait eu lieu entre le Sénat et le Gouvernement. Il a d'ailleurs souligné que le ministre de l'Intérieur n'avait pu que se satisfaire du soutien actif du Sénat à son projet de loi, contrairement à la position critique adoptée par l'Assemblée nationale. Il a, en revanche, regretté que l'engagement pris par le Premier ministre, lors du débat constitutionnel, sur les modes de scrutin n'ait pas été respecté. Il a insisté sur le fait que les communes de moins de 3 500 habitants étaient des lieux d'administration humaine, où les contacts personnels prévalaient. Il a donc rejeté tout changement de mode de scrutin qui introduirait des mécanismes partisans et abstraits dans ces collectivités où l'appartenance politique des élus est fort peu prise en compte. Réaffirmant que le Sénat ne s'était livré à aucun chantage contrairement aux allégations du rapporteur pour l'Assemblée nationale, il a, au contraire, affirmé que la position de la Haute Assemblée relevait d'une conception cohérente et constante de la société.

Considérant que les propos de M. Bernard Roman faisant état d'une presque unanimité sur les bancs de l'Assemblée nationale lors du vote du projet lui imposaient d'intervenir, M. Claude Goasguen a rappelé que le ministre de l'intérieur s'était engagé, lors de son audition par la commission des Lois de l'Assemblée, à ce que la discussion sur la parité soit dégagée de toutes contingences électorales. Evoquant les différents textes dont la discussion a suivi ou précédé celle du présent projet, qu'il s'agisse de ceux relatifs au cumul des mandats ou de la réforme du mode d'élection des sénateurs, il a constaté que l'ensemble du dispositif législatif ainsi proposé semblait contredire en définitive cet engagement. Tout en rappelant son opposition à la modification du seuil déterminant l'application du scrutin proportionnel pour les élections municipales, il a tenu à préciser que, malgré ce mélange fâcheux entre l'objectif paritaire et des considérations électorales, il avait voté ce texte.

Souscrivant aux propos de M. Claude Goasguen sur l'opposition qui s'est manifestée à la modification des seuils concernant les élections municipales, Mme Marie-Thérèse Boisseau a ajouté que les groupes de l'opposition à l'Assemblée nationale étaient en réalité plus favorables au texte proposé par le Gouvernement qu'à celui issu des travaux de l'Assemblée nationale. Evoquant les amendements qu'elle avait déposés lors de l'examen en première lecture destinés à permettre le respect de l'obligation paritaire moyennant une marge de plus ou moins 10 % dans la présentation des candidatures masculines et féminines, elle a exprimé sa crainte à l'égard d'un dispositif trop rigide, imposant une parité stricte des candidatures. Ajoutant qu'elle ne souscrivait pas non plus au principe retenu par l'Assemblée nationale concernant les pénalités financières susceptibles d'être appliquées aux partis ne présentant pas un nombre égal de candidates et de candidats aux élections législatives, elle a salué les propositions pragmatiques faites par le Sénat à ce sujet, qui introduisent une certaine souplesse dans le dispositif en prenant également en compte le nombre d'élues.

Mme Muguette Jacquaint a plaidé pour un système électoral qui reconnaîtrait enfin aux femmes la place qui leur revient. Contestant les arguments développés par le rapporteur et le président de la commission des Lois du Sénat, elle a estimé que les conseils municipaux des petites communes, quel que soit le mode de scrutin retenu pour les élections municipales, gagneraient en humanité par une présence accrue des femmes. Estimant qu'il était indispensable d'obtenir une représentation beaucoup plus égalitaire des hommes et des femmes dans tous les postes de responsabilité, elle a appelé de ses v_ux un dispositif législatif volontariste ; elle s'est dès lors déclarée favorable au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Mme Dinah Derycke a rappelé que le Sénat n'avait pas été unanime dans son opposition aux dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale en première lecture. Elle a ainsi souligné que la minorité sénatoriale rejoignait la majorité de l'Assemblée nationale dans un souhait de renforcer l'application du principe de parité, ajoutant qu'elle avait même souhaité en étendre le champ d'application aux établissements publics de coopération intercommunale. Faisant observer que l'engagement du Gouvernement de ne pas modifier les règles électorales dans le cadre de la mise en _uvre des principes constitutionnels relatifs à la parité portait sur les élections législatives, elle a considéré que les parlementaires étaient fondés à modifier le mode de scrutin des communes de moins de 3 500 habitants, afin de permettre la constitution de listes paritaires dans un plus grand nombre de collectivités locales. Réfutant l'argument selon lequel l'élection dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants était davantage fondée sur des relations personnelles que sur des idées politiques, elle a estimé que les électeurs étaient appelés à choisir une équipe et un projet, plutôt que des individus. Elle a, par ailleurs, souligné que la mise en _uvre de la mixité par tranches de six, pour la constitution des listes électorales plutôt que l'application d'une stricte alternance des candidats des deux sexes, était une position raisonnable, rompant avec le maximalisme défendu par certains. Enfin, elle a jugé que l'opposition entre la majorité sénatoriale et la majorité gouvernementale révélait un conflit de fond sur des problèmes de société essentiels.

Mme Catherine Tasca, présidente, a rappelé qu'après des débats nourris lors de la révision constitutionnelle, les deux assemblées s'étaient désormais rejointes sur le principe de la parité. Considérant que la parité devait être un instrument d'évolution de la vie politique et non une fin en soi, elle a cependant souligné que ce principe impliquait une égale représentation des hommes et des femmes, ce qui excluait une modulation de plus ou moins 10 % des candidatures féminines ou masculines. Elle a, par ailleurs, souligné qu'il n'était pas possible de reporter les modifications des règles électorales du fait de la proximité des élections municipales, sans retarder l'entrée en vigueur de la parité. Estimant que la majorité de l'Assemblée nationale souhaitait conforter l'effet d'entraînement impulsé par la révision constitutionnelle, elle a constaté que les divergences entre les deux chambres portaient sur le degré de contraintes à mettre en _uvre dans le but d'atteindre l'égalité de représentation entre les hommes et les femmes.

M. Patrice Gélard a fait observer que la révision constitutionnelle de juin 1999 visait à favoriser et non à imposer l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions. Or, il a considéré que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale allaient au-delà de cet objectif constitutionnel en imposant des contraintes excessives, alors que le Sénat souhaitait, au contraire, comme le Gouvernement, s'en tenir strictement au cadre défini par les articles 3 et 4 de la Constitution.

M. Bernard Roman, rapporteur de l'Assemblée nationale, a tenu à souligner que la démarche dans laquelle s'était inscrite l'Assemblée lors de l'examen du texte était volontariste, sans pour autant être maximaliste ; citant à ce propos les termes de la Constitution qui énoncent que la loi doit favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, le rapporteur a constaté que le projet de loi adopté par l'Assemblée restait en deçà de cet énoncé en n'imposant aucune obligation quant aux fonctions électives. Evoquant les travaux de l'Observatoire de la Parité ainsi que ceux de la Délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes, le rapporteur a rappelé que le texte issu de l'Assemblée nationale n'était pas uniquement le fruit de la réflexion des groupes de la majorité. Constatant que, outre le problème de la modification des seuils pour le mode de scrutin aux élections municipales subsistaient trois autres points de désaccord tenant à l'instauration d'une stricte alternance pour les candidatures masculines et féminines aux élections au scrutin proportionnel à un tour, la répartition égale des candidats des deux sexes par groupe de six candidats pour les élections à deux tours et la nature des sanctions financières pour lesquelles le Sénat avait introduit le principe de non-pénalisation lorsqu'un parti obtient autant d'élus que d'élues, le rapporteur a estimé qu'il serait difficile de surmonter ces divergences pour parvenir à un accord.

Rappelant que les propos du Premier ministre tenus lors du Congrès sur la révision constitutionnelle relative à la parité portaient sur les modes de scrutin de manière générale, tout en insistant particulièrement sur les élections législatives, M. Guy Cabanel, rapporteur pour le Sénat, a regretté que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne démente ces propos en procédant à une manipulation du mode de scrutin municipal. Admettant qu'il pouvait sembler souhaitable de réfléchir aux seuils retenus pour ces élections locales, afin de les adapter aux réalités sociologiques d'aujourd'hui, il a jugé nécessaire de ne pas mélanger cette question avec celle de la parité. Il a rappelé que M. Jean-Pierre Chevènement avait répondu le 25 mars 1999 à M. André Rouvière, qui l'interrogeait sur l'opportunité de modifier le seuil de 3 500 habitants pour les élections municipales, qu'il n'était pas favorable à une telle modification en raison des perturbations qu'elle pourrait susciter dans la vie politique locale. Il a considéré que la modification du seuil était la disposition la plus contestable du projet de loi dans la mesure où elle contredisait les engagements du Gouvernement et procèdait à une modification du mode de scrutin à moins d'un an de l'élection, risquant ainsi de jeter la suspicion sur l'ensemble de la réforme. Il a rappelé que le Sénat, qui proposait à l'origine une modification du seul article 4 de la Constitution relatif au rôle des partis politiques, avait finalement accepté de compléter aussi son article 3, afin de mener la révision constitutionnelle jusqu'à son terme. Il a exprimé la crainte que la multiplication des contraintes figurant dans le projet de loi ne conduise à porter le débat devant le Conseil constitutionnel, desservant ainsi la cause de la parité.

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Le vote sur l'article premier A, abaissant à 2 000 habitants le seuil déterminant l'application du scrutin proportionnel pour les élections municipales ayant abouti à un partage égal des voix, Mme Catherine Tasca, présidente, a constaté l'échec de la commission mixte paritaire.


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