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N° 2319

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 avril 2000.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LES TITRES I ET II DE LA DEUXIEME PARTIE DU PROJET DE LOI (n° 2250), relatif aux nouvelles régulations économiques,

PAR M. JEAN-YVES LE DÉAUT,

Député.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Politique économique.

La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Patrick Carvalho, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Charles de Courson, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, MM. Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Michel Etiévant, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Déaut, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Jean-Claude Leroy, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alfred Marie-Jeanne, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Marius Masse, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Marc Nudant, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II.- EXAMEN DES ARTICLES 25

DEUXIÈME PARTIE - RÉGULATION DE LA CONCURRENCE 25

TITRE IER -  MORALISATION DES PRATIQUES COMMERCIALES 25

Article additionnel avant l'article 27 : Dérogation à l'interdiction des ententes anticoncurrentielles 25

Article additionnel avant l'article 27 : Interdiction des prix abusivement bas en matière de vente de carburants au détail 25

Avant l'article 27 27

Article 27 : Annonces de prix dans le secteur des fruits et légumes frais 27

a) L'état du droit 29

b) Les propositions de la commission de la production 33

Article additionnel après l'article 27 : Coopération commerciale 35

Après l'article 27 35

Article 28 (article 30 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986) : Mise en place d'une Commission d'examen des pratiques commerciales 37

Article additionnel après l'article 28 : Consultation du Conseil de la concurrence par la Commission d'examen des pratiques commerciales 42

Article additionnel après l'article 28 : Saisine d'office du Conseil de la concurrence 42

Article additionnel après l'article 28 : Prohibition des ententes réalisées par l'intermédiaire d'une société implantée hors de France 43

Article additionnel après l'article 28 : Obligation pour l'acheteur de fournir une lettre de change lorsque le délai de paiement est supérieur à 45 jours 43

Après l'article 28 44

Article 29 : Abus de dépendance économique et action du ministre devant les tribunaux 45

Après l'article 29 49

Article 30 : Encadrement des mentions d'étiquetage 50

Article additionnel après l'article 30 : Encadrement des modes de production de l'agriculture raisonnée 50

Article 31 : Conditions d'utilisation simultanée d'une marque commerciale et d'un signe d'identification de la qualité ou de l'origine 51

Article additionnel après l'article 31 : Étiquetage des produits vendus sous marque de distributeur 51

Article additionnel après l'article 31 : Appellations « chocolat pur beurre de cacao » et « chocolat traditionnel » 51

Article additionnel après l'article 31 : Calcul du prix de revente 52

Article additionnel après l'article 31 Protection des petites entreprises vis-à-vis du démarchage abusif 52

Article additionnel après l'article 31 : Sociétés coopératives de commerçants détaillants 53

Article additionnel après l'article 31 : Utilisation du terme « fermier » dans le secteur de la volaille 53

Après l'article 31 53

TITRE II - LUTTE CONTRE LES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES 54

CHAPITRE IER : PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE 54

Article 32 : Délégation des attributions du rapporteur général 54

Article additionnel après l'article 32 (article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986) : Prohibition de l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique 54

Article 33 : Transmission de la notification des griefs et délai 56

Article 34 : Recours à la procédure simplifiée et plafond des sanctions prononcées en cas d'application de cette procédure 56

Article 35 : Secret des affaires 57

Article 36 : Procédure en matière d'expertise 57

Après l'article 36 57

CHAPITRE II : AVIS ET DÉCISIONS DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE 57

Article 37 : Mesures conservatoires 57

Article 38 : Décisions de sanctions 58

Article additionnel après l'article 38 : Participation du rapporteur général et du rapporteur au délibéré 58

Article 39 : Irrecevabilité et rejet des saisines du Conseil de la concurrence 59

Article 40 : Classement sans suite 59

Article additionnel après l'article 40 : Extension de la compétence du Conseil de la concurrence aux actes mettant en _uvre des prérogatives de puissance publique 59

CHAPITRE III : POUVOIRS ET MOYENS D'ENQUÊTE 62

Articles 41, 42, 43, 44 et 45 62

Article 46 : Coopérations internationales conduites par le Conseil de la concurrence 62

Article 47 : Coordination avec la numérotation des articles du traité instituant la Communauté européenne 63

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 65

ANNEXES

- Conclusion du rapport (n° 2072) d'information de la commission de la production

et des échanges sur l'évolution de la distribution 77

- Exemple de publicité pour des fraises espagnoles 97

MESDAMES, MESSIEURS,

Il y a un profond malaise dans le commerce. Les agriculteurs s'en prennent aux hypers et supermarchés et les patrons de petites et moyennes entreprises tirent le signal d'alarme. Si des mécanismes de régulation ne sont pas rapidement mis en _uvre, des centaines d'entreprises, des milliers d'agriculteurs vont disparaître. Ces risques dénoncés par les agriculteurs et les petites entreprises ne sont pas surévalués ; il ne s'agit pas de revendications poujadistes de petits patrons qui n'auraient pas su s'adapter à l'évolution des technologies et du marketing. Les membres de la mission d'information sur l'évolution de la distribution mise en place par la commission de la production et des échanges ont conclu à l'unanimité que ce malaise était fondé (lire le rapport n° 2072 ; sa conclusion est reproduite en annexe du présent avis).

La situation oligopolistique de la distribution française menace l'équilibre du marché.

La grande distribution française opère un mouvement de concentration sans précédent. Aujourd'hui, cinq groupes d'acheteurs se sont formés dans des « supercentrales d'achat » : Carrefour/Promodès, Leclerc/Système U (Lucie), Auchan, Cora/Casino (Opéra), Intermarché. Le nouveau groupe issu de la fusion de Carrefour et de Promodès détient plus de 33 % des parts de marché dans 48 villes françaises de plus de 40.000 habitants. De ce fait, les rapports entre les producteurs de biens de consommation (70 000 entreprises, 400 000 agriculteurs) et les 60 millions de consommateurs sont analogues au passage dans le goulot d'étranglement d'un sablier ; au point d'étranglement du sablier, cinq groupements contrôlent la vente de plus de 90 % des produits de grande consommation.

Les concentrations dans la grande distribution ont conduit à former de véritables oligopoles. Les parts de marché de ces groupements de distributeurs constituent une menace pour le maintien d'une concurrence saine et loyale. Les marchés financiers ne s'y sont d'ailleurs pas trompés quand on constate l'évolution à la hausse des cotations des valeurs des enseignes de la grande distribution (même si les valeurs en bourse ont baissé depuis décembre de plus de 30 % pour certaines enseignes) : entre juin 1999 et avril 2000, Castorama a gagné malgré tout 10 %, Casino 15 %, Carrefour 20 %, le groupe Pinault (Printemps-La redoute-FNAC) 33 %, Promodès (Continent, Shopi, etc.) 50 %.

Cette situation renforce les craintes et en crée de nouvelles chez les fournisseurs des centrales d'achat.

L'agriculture est une des principales victimes de la multiplication des pratiques déloyales et du système de promotions sur les prix.

Alors que la situation est déjà jugée critique, on assiste depuis quelques années au développement de pratiques commerciales illégales ou à la limite de la légalité qui ont de graves conséquences sur la santé économique des exploitations agricoles, des PME ou des PMI.

La loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales a modifié l'ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence entre autres pour perfectionner l'interdiction de la revente à perte. Cette réforme a certes constitué une amélioration de la législation, mais les responsables de la grande distribution ont fait preuve d'une grande inventivité afin de contourner les nouvelles règles légales et facturer aux fournisseurs des prestations commerciales sans rapport avec la réalité des prestations de revente effectuées.

Dans la mesure où toute revente à perte est interdite, les grands groupes se disputent le consommateur à coups de bons d'achat, de rabais et de promotions, en tirant très bas les prix indiqués sur les catalogues promotionnels et en exigeant des fournisseurs des prix promotionnels qui cassent les prix du marché. Les prix des fraises sont ainsi fixés au mois de mars, soit deux mois avant le début de la campagne, et la crise agricole du mois d'août 1999 était déjà scellée au mois de juin car ces prix « virtuels » avaient été négociés avant d'être imprimés sur les catalogues.

Les promotions sur catalogue avant le début de la campagne ont des effets dévastateurs et déstructurants. Je notais dans la conclusion du rapport d'information sur l'évolution de la distribution, adopté le 11 janvier 2000, que « lorsqu'une grande enseigne demande à un fournisseur de lui fournir des fraises à 9,80 F la barquette en début de campagne, ce prix est fixé en mars parce qu'il faut prévoir les délais de fabrication du catalogue. Ce même prix ne correspond pas à la réalité économique du marché de la production puisque deux mois avant la production, ni les volumes, ni les conditions climatiques ne sont connus. Même si, en mai, la fraise en barquette est proposée à 15 F le kilo au marché de Perpignan, les prix doivent baisser puisque les autres enseignes sont obligées de s'aligner sur le prix figurant dans les catalogues des concurrents. On explique ensuite au producteur que puisque les fraises sont annoncées à 9,80 F le kilo, c'est qu'il s'agit bien du prix du marché. Les commerçants de détail n'achètent donc plus au prix du marché de Perpignan et les cours s'effondrent. Le sort est jeté. La promotion a contribué à créer un prix de marché virtuel. »

On aurait pu penser que la crise des fruits et légumes de l'été 1999 aurait rendu la grande distribution plus soucieuse de relations contractuelles et de leur équilibre. L'enseigne Intermarché s'était même engagée par voie de placards publicitaires, à ne pas faire de promotions sur les fruits et légumes avant le début de la campagne de production.

Cet accord a été rompu par l'enseigne Carrefour qui, par pages entières de journaux (1), a fait des promotions pour des fraises espagnoles à 4,90 F la barquette de 500 grammes, le prix, précisément, qui a entraîné la crise il y a un an. A la veille de l'examen du projet de loi, il s'agit d'une véritable provocation pour le monde agricole qui ne peut plus croire qu'on pourra parvenir à un code de bonnes conduites entre producteurs et distributeurs. On notera que le même jour les fraises espagnoles étaient vendues à 9,20 F le kilo à Rungis : les dirigeants de Carrefour ont délibérément voulu casser le marché de la fraise française en annonçant nationalement des prix bas à destination des producteurs français mais qui ne sont pas des promotions exceptionnelles compte tenu du produit offert, dont tous les consommateurs reconnaissent la mauvaise qualité. Cette publicité tapageuse est en fait une mise en condition psychologique scandaleuse destinée aux producteurs français en vue des prochaines mises en marché de leurs produits ; elle est contraire aux intérêts des consommateurs.

La crise des fruits et légumes du 23 août 1999 (abricots et pêches) était déjà inscrite dans les accords de catalogue passés le 24 juin, qui ont fixé les prix de référence pour la campagne. Il est vrai que les producteurs agricoles devraient mieux s'organiser au sein des filières. C'est ce qu'a fait la filière de la pêche qui a mis seulement 350 000 tonnes de poisson sur le marché en 1999, alors que la production était double (750 000 tonnes) il y a plus de dix ans.

Même les distributeurs reconnaissent les effets pervers de ce système de prévisions de prix par catalogue et certaines enseignes ont spontanément proposé de réduire les délais de fabrication des catalogues. Ce système est redoutable pour le fournisseur, car s'il refuse le prix proposé, il risque de ne pas être référencé de toute la saison. Le système de référencement est en effet pour les produits agricoles saisonniers, différent de celui pratiqué pour les autres types de bien de consommation : une centrale d'achat référence, pour la saison et par produits, trois ou quatre fournisseurs et grossistes, qui sont mis en concurrence chaque matin, par des offres de volumes et de prix qui sont comparés avec celles pratiquées à l'importation. Le moins disant emporte la commande du jour.

La grande distribution achète, en fait, souvent au prix le plus bas européen. Si, par exemple, un fournisseur européen propose 40 000 cassettes d'agneau découpé à 24 F le kilo (prix irlandais), les opérateurs français sont contraints, pour suivre l'offre, de perdre 4 F par kilo de viande.

De plus en plus, c'est le prix à l'importation qui est souvent utilisé comme prix de référence. Il s'agit là d'une dérive de l'économie de marché, car le prix de la pomme au Chili ne devrait en rien influer sur celui de la pomme cultivée dans la vallée du Rhône.

Ces promotions publicitaires massives et coûteuses n'ont pour seul objectif que de capter le client. On peut s'interroger sur la réalité du respect des dispositions de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 interdisant la revente à perte, car ces promotions ne sont absolument pas rentables en elles-mêmes du fait qu'elles sont accompagnées de frais publicitaires massifs et coûteux. Ainsi, un costume importé de Roumanie et vendu 550 F par une grande enseigne avait été acquis 455 F auprès du fournisseur, mais les 5 000 unités mises en vente en un jour avaient été accompagnées d'une campagne publicitaire nationale dont le coût a été estimé à 2,3 millions de francs. Le costume est donc revenu en fait à 1 015 F au distributeur.

L'affaire des disques à succès vendus dans des opérations promotionnelles par les grandes enseignes a conduit la mission d'information sur l'évolution de la distribution à s'interroger sur les motivations qui ont poussé le Conseil de la concurrence à appliquer trop à la lettre la loi en perdant de vue l'esprit et les objectifs du législateur. En effet, les enseignes de la grande distribution n'ont pas été condamnées alors qu'il avait été prouvé que ces disques avaient été vendus en dessous de leur prix de revient. Il y avait eu infraction mais pas éviction du marché susceptible d'entraîner une sanction. La mission d'information a estimé que si rien n'était fait, les disquaires allaient continuer de disparaître les uns après les autres. En effet, si une grande enseigne vend des disques à succès à un prix inférieur à leur prix de revient, elle pénalise les disquaires qui offrent à leur clientèle un panel varié de disques d'auteurs, interprètes et compositeurs moins connus. Ils peuvent, grâce à des ventes sur certains disques à succès, couvrir les frais de commercialisation de disques d'auteurs et interprètes moins connus, donc moins rentables.

Ces pratiques ont de graves conséquences sur la bonne santé des exploitations agricoles ou des petites et moyennes entreprises. Sous couvert d'une véritable coopération commerciale ou de la fourniture de services promotionnels ou de logistiques aux producteurs, se sont développées des pratiques abusives. Dans ce domaine, l'inventivité et la créativité n'ont pas de borne. Voici quelques exemples extraits du rapport de la mission d'information sur l'évolution de la distribution :

_ octroi de remises à titre rétroactif en cas de fusion d'enseignes, lorsque le nouveau client constate que le fournisseur a accordé une remise plus avantageuse à l'autre enseigne avec laquelle il fusionne ;

_ référencement sans contrepartie avec des justifications floues, comme par exemple « intensification commerciale », « participation publicitaire » ;

_ prélèvements mensuels par compensation sur les factures d'un fournisseur au prorata d'un chiffre d'affaires prévisionnel des ventes souvent surévalué. Dans le cas probable où le chiffre d'affaires n'est pas atteint à la fin de l'année, souvent parce que le distributeur n'a pas assuré la promotion du produit, celui-ci ne rembourse pas au producteur le trop perçu au titre de la coopération commerciale ;

_ refus du lancement d'un nouveau produit sans versement préalable de 50 % du chiffre d'affaires théorique, souvent surévalué, au titre d'une « coopération commerciale » ;

_ une des dernières pratiques en date est plus insidieuse ; elle consiste à faire payer des amendes pour des retards théoriques de livraison.

Toutes ces « fausses prestations commerciales » peuvent atteindre jusqu'à 35 % du chiffre d'affaires des transactions.

Ces pratiques abusives peuvent également concerner la rupture des relations commerciales.

Citons un exemple récent (mars 2000) dans lequel la centrale d'achat Opéra écrit à un de ses fournisseurs : « au vu des conditions commerciales, nous avons décidé de ne pas inclure les produits X dans nos assortiments diététiques en 2000. Conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1996, nous venons donc par la présente vous informer de notre décision de ne pas reconduire pour l'an 2000, votre référencement. La première présentation de la présente lettre fera courir un préavis de 3 mois... La rupture de nos relations à l'issue de ce préavis ne signifie pas une rupture définitive... ». Cet exemple signifie tout simplement que le fournisseur sera déréférencé s'il n'accepte pas les conditions imposées par le distributeur.

On peut également citer l'obligation de passer par un centre de référencement implanté à l'étranger pour être référencé en France. Il faut payer 10 000 euros pour pouvoir accéder au référencement et, par voie de conséquence, être autorisé à vendre à une enseigne, sans avoir la garantie que des commandes seront effectivement passées.

La rupture des relations commerciales peut être moins visible. Elle peut tout simplement se manifester par des ruptures d'approvisionnement des linéaires le samedi matin au moment où les ventes sont les plus fortes ou par l'absence de soutien promotionnel alors que la coopération commerciale est pourtant facturée au prix fort. Les produits des PME, hors marques de distributeur, sont toujours les plus mal placés sur les linéaires. C'est une véritable « chasse au trésor » pour le consommateur qui doit se mettre à genoux pour trouver un produit toujours placé au plus bas.

Les problèmes ne sont pas les mêmes suivant les différentes catégories de fournisseurs : agriculteurs, PME-PMI et producteurs multinationaux de biens de grande consommation. Alors que les groupes multinationaux ont les moyens financiers de lancer un nouveau produit (en investissant quelquefois jusqu'à plus de 100 millions de francs) et donc à imposer au distributeur des gammes entières de produits, les petits fournisseurs et les agriculteurs sont sans armes efficaces face aux grandes enseignes et sont obligés d'accepter leurs conditions, car la perte du client par déréférencement est synonyme de la disparition de l'entreprise. Dans un premier temps, ces pratiques ont entraîné une réduction importante des marges, ce qui a induit une limitation de la capacité d'investir. Cela a conduit à des concentration dans la production. Là où il y a 30 ans il existait 160 producteurs de pâtes alimentaires en France, aujourd'hui il en reste moins de dix. Il y a donc menace sur la diversité des marques et des produits. Le consommateur subit l'uniformisation de l'offre. Les centrales d'achat ont tendance à réduire au maximum le nombre de leurs fournisseurs pour abaisser les coûts, et parallèlement, les multinationales réduisent le nombre de marques qu'elles mettent sur le marché.

Votre rapporteur pense que ces pratiques doivent cesser. La grande distribution n'est pas la seule responsable car les multinationales de l'agro-alimentaire ont intérêt à occuper avec toutes leurs gammes de produits le plus de place sur les linéaires.

Les enjeux financiers, économiques et sociaux nécessitent une intervention du législateur.

Les mouvements financiers qui s'opèrent dans ce secteur sont stratégiques. Les capitaux et les transactions financières en jeu sont pharaoniques : 2 500 milliards de francs par an de transactions commerciales sont régis par l'ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Les sommes en jeu sont colossales puisque les grandes enseignes dépenseraient plusieurs milliards de francs par an en promotion et publicité. C'est peu par rapport aux 20 à 30 milliards de « marges arrières » réalisées par certaines grandes enseignes. La bataille de géants entre distribution et multinationales est encore plus rude mais aboutit aux mêmes effets. Les multinationales de l'agro-alimentaire qui, grâce à leurs propres campagnes publicitaires font la promotion de leurs produits, exigent de disposer de toujours plus de place sur les linéaires pour vendre leurs produits, éliminant de fait leurs concurrents moins puissants. Ces firmes ont paradoxalement intérêt à payer de la coopération commerciale puisque celle-ci contribue à asphyxier leurs concurrents.

La grande distribution, qui devrait soutenir les PME face à la concurrence et aux pressions des grands groupes industriels, ne le fait pas, car elle préfère ponctionner sans risque plusieurs milliards chaque année. C'est une politique à courte vue, car cette stratégie risque de conduire à la mort de la « poule aux _ufs d'or ».

Pour contrer l'offensive des multinationales de l'agro-alimentaire, la stratégie développée par la grande distribution est de fabriquer des produits sous leurs propres marques. Ce sont les marques de distributeur. Il apparaît à votre rapporteur que le développement de ces marques de distributeur risque de placer encore plus les PME-PMI et les agriculteurs en situation de dépendance économique, car en cas de déréférencement, c'est la mort assurée d'une entreprise dépendant, pour une grande partie de ses activités, des commandes d'une « supercentrale d'achat ».

Les dirigeants de la grande distribution relativisent ces dérives et affirment qu'elles sont marginales. Tel n'est pas l'avis de votre rapporteur qui pense au contraire que les pratiques dénoncées ne constituent que la partie émergée de l'iceberg. Les prélèvements financiers sans contrepartie se sont en effet généralisés.

La mission d'information sur l'évolution de la distribution proposait de réguler et de moraliser les rapports contractuels, car les petits fournisseurs sont les premières victimes de ce double duel de géants qui oppose, d'une part, les enseignes de distribution entre elles, et, d'autre part, la grande distribution et les sociétés industrielles multinationales.

Ce tableau est sans complaisance. La grande distribution nous a assuré lors des auditions de la mission d'information que ces pratiques allaient cesser. Nous saluons ses bonnes intentions à condition qu'elles ne soient pas sans lendemain, car le consommateur est le grand perdant de ce duel de géants entre la grande distribution et les grandes multinationales.

Les courriers reçus au début de l'année 2000, ne permettent pas à votre rapporteur de penser que la situation se soit sensiblement améliorée.

A la suite de deux précédents courriers, le responsable achat d'Opéra s'est fait de plus en plus pressant : « Selon les termes des accords de 1991, ces appels de fonds d'acomptes, que vous avez reçus concernent la période actuelle des négociations 2000... Les bases de calcul retenues pour la détermination de leur valeur ont pour origine les accords de l'année dernière qui avaient été conclus en considération des spécificités de votre société, des marchés des produits concernés et des services rendus... Nous vous demandons d'honorer nos demandes d'acomptes. Dans le cas contraire, cela pourrait entraîner des litiges que vous imaginez bien, générateurs notamment de tâches administratives longues, coûteuses et préjudiciables à tous »...

Ou le fournisseur s'exécute, ou il sera déréférencé. Les pressions augmentent de façon inquiétante depuis le début de l'année 2000 et dans le cadre des fusions d'enseignes, certaines centrales d'achat exigent des remises supplémentaires de 3 à 4 % et la rétroactivité des remises sur l'année 1999.

Pour le secteur des fruits qui a pourtant souffert en 1999, l'enseigne Super U n'hésite pas à préciser  « le taux de remise inscrit à vos conditions générales 99 étaient de 3,5 %. Nous vous confirmons qu'au titre des accords 2000, notre demande de budget pour notre programme d'animation des ventes de 0,5 % du chiffre d'affaires réalisé entre nos 2 sociétés (développement d'animation dans des points de vente par des animatrices formées par Système U)... Un contrat de coopération vous sera expédié dans les prochains jours. »

Deux enseignes demandent qu'une partie ou la totalité des sommes exigées soient versées sur des comptes en Suisse.

Ce sont bien sûr ces comportements inadmissibles que le Gouvernement et les députés de la commission de la production et des échanges veulent faire cesser, notamment en déclarant nulles les pratiques illicites les plus flagrantes : la rétroactivité des accords exigeant des ristournes ou le droit d'accès au référencement sans contrepartie vérifiée.

Le consommateur est également victime de ces pratiques déloyales.

Les arguments de vente sont de véritables attrape-nigauds pour le consommateur qui est devenu captif.

Le discours des grandes enseignes mais aussi des multinationales est très répétitif : « on choisit pour vous des produits de qualité au prix le plus bas ». Ce n'est pas réellement exact car du fait des marges arrières prélevées par le distributeur, le prix du produit est en fait plus élevé qu'il ne devrait l'être. Certes, depuis l'interdiction de la revente à perte, il n'y a pas eu d'inflation notamment sur les produits agro-alimentaires. Cela vient tout simplement du fait que les gains de productivité ont été gommés par les marges arrières et que les marges bénéficiaires des petits producteurs ont fondu comme neige au soleil.

En définitive, le consommateur est perdant, car s'il profite de prix bas sur certains produits d'appel, qui représentent dans l'alimentation 10 % à 15 % des linéaires, il paie le prix fort sur les autres. De plus, cette politique aboutit à l'uniformisation des produits. Les producteurs multinationaux veulent, pour réduire leurs coûts, diminuer le nombre de marques. Cette moindre diversité peut s'accompagner d'une baisse de la qualité, car très souvent les innovations sont venues de petites entreprises qui n'ont plus aujourd'hui les moyens d'investir dans la recherche et le développement.

Le consommateur est donc de plus en plus captif, captif de la grande distribution car le commerce de centre-ville n'a pas toujours su s'adapter aux demandes du consommateur, captif du matraquage publicitaire qui lui est asséné à coups de spots télévisés par les marques, de catalogues dans les boîtes aux lettres et de pages de journaux par les enseignes de distribution, captif de la qualité des produits qui lui sont présentés sur les linéaires. On lui assure plus de sécurité alimentaire, mais pourquoi dans ce cas les distributeurs ne développent-ils pas plus la traçabilité, ne mettent-ils pas plus en avant les marques, les labels, les appellations d'origine, les produits du terroir. On lui parle d'agriculture raisonnée sans qu'un réel cahier des charges ne définisse les conditions dans lesquelles ces produits doivent être fabriqués.

On assure le consommateur qu'il achètera des produits exempts d'organisme génétiquement modifié (OGM), et certaines enseignes en ont même fait un argument publicitaire, alors que les tests de détection n'étaient pas encore au point et qu'aucun importateur de lécithine de soja n'est à même de prouver la totale séparation des filières avec OGM et sans OGM depuis la semence jusqu'au transformateur final, puisque des millions d'hectares de soja génétiquement modifiés sont cultivés dans le monde. L'affaire récente de la contamination à la dioxine de produits originaires de Belgique ou l'affaire des contaminations par la « listeria » l'ont démontré : il est difficile de suivre à la trace des produits alimentaires dans un système de plus en plus mondialisé.

Dans le cas des marques de distributeurs, les cahiers des charges sont très contraignants. La grande distribution fait endosser tous les risques aux producteurs. On l'a vu dans l'affaire des rillettes contaminées à la listériose. Cette affaire illustre malheureusement ce que nous disions déjà il y a six mois au début de la mission d'information sur l'évolution de la distribution. Le distributeur exige que les producteurs accroissent la qualité, mais en tirant toujours le prix vers le bas. Lorsqu'on veut trop rogner sur les prix, on met en danger la sécurité alimentaire. Votre rapporteur pense que des affaires de ce type sont appelées à se renouveler s'il n'y a pas moralisation des rapports entre production et distribution. C'est une chance historique que les acteurs de la filière doivent saisir aujourd'hui.

Les réformes contenues dans le projet de loi et les propositions de votre commission

La commission de la production et des échanges s'est saisie pour avis des titres I et II de la deuxième partie (articles 27 à 47) du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, qui concernent la moralisation des pratiques commerciales et la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Cette partie du projet de loi concerne en premier lieu la régulation des relations entre fournisseurs et distributeurs. Votre rapporteur partage totalement les orientations voulues par le Gouvernement. Il souhaite toutefois que des amendements viennent améliorer cette partie du texte.

Pour la filière agricole, les problèmes sont à la fois les mêmes que ceux rencontrés par les fournisseurs d'autres biens de consommation, mais ils sont souvent plus aigus, car toute crise se traduit par l'effondrement des prix. Votre rapporteur souhaite mettre fin aux prix déstructurants du marché et ne désire pas que des prix de promotion puissent être fixés sur catalogue publicitaire avant le début d'une campagne, sauf en cas d'accord interprofessionnel. Ces prix sacrifiés correspondent souvent à des produits d'importation. Il est apparu à la commission de la production et des échanges équitable que dans ce cas, l'origine du produit dans une publicité soit précisée avec une taille et des caractères identiques à ceux utilisés pour vanter les prix.

Il convient également d'imposer le respect de la qualité d'origine. On ne peut pas vouloir afficher les prix les plus bas et exiger également, dans le cahier des charges des produits fabriqués sous marque de distributeur, des produits de qualité supérieure.

Un distributeur ne peut pas annoncer au consommateur « mes prix sont les plus bas, venez chez moi plutôt que chez le concurrent » et affirmer que les produits sont sélectionnés sur des critères d'excellence. La qualité se paye. Elle a un prix. Elle ne peut pas s'accommoder des pratiques commerciales douteuses, ni de prix prédateurs. Ces méthodes sont aux antipodes de l'exigence de qualité souhaitée par le consommateur.

Il est très important que l'agrément des signes officiels de qualité alimentaire ne soient délivrés qu'au groupement de producteurs qui a mis au point le référentiel ; il doit en être le seul propriétaire. Il apparaît important que sur toute étiquette d'un produit soit indiqué le nom du producteur, même s'il sous-traite pour une marque de distributeur. Il est d'ailleurs à notre sens important de bien séparer la production de la distribution. Votre rapporteur s'alarme des mentions valorisantes qui apparaissent de plus en plus sur des produits sous marque de distributeur. Il pense qu'il faut appliquer pleinement les orientations et les mesures décidées dans la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 et s'en tenir aux signes d'identification de la qualité ou de l'origine protégés et contrôlés. L'exemple de la dénomination « agriculture raisonnée », qui est censée concerner un mode de production, est le type même de référence floue, véritable attrape-nigaud pour le consommateur. Cette appellation doit obéir à un cahier des charges fixé approuvé par arrêté.

La commission de la production et des échanges demande une meilleure organisation des filières agricoles. L'Etat et l'Union européenne devraient mieux définir le seuil maximal de concertation autorisée.

La régulation des marchés doit également être assurée, et votre rapporteur estime que l'Etat doit, en cas de crise déstabilisant d'une manière anormale un marché particulier, prendre des mesures temporaires pour lutter contre une baisse excessive des prix. Cependant, votre rapporteur n'est pas favorable au double étiquetage des prix car cette méthode ne permet pas de différencier les prix bruts payés au producteur de ceux des produits qui ont déjà subi des étapes de valorisation. Il n'est pas non plus favorable à l'instauration d'un coefficient multiplicateur sur les prix. La mission d'information sur l'évolution de la distribution a tranché en ce sens ; ses arguments sont exposés dans son rapport n° 2072.

Votre rapporteur souhaite, en outre, rétablir une concurrence loyale en faisant appliquer la loi actuelle sur les relations contractuelles et la coopération commerciale entre fournisseurs et distributeurs. Il juge prioritaire de rétablir une régulation de la coopération commerciale. Comme la mission d'information l'avait demandé, la publication d'une circulaire interprétative peut parvenir à cet objectif (lire la conclusion du rapport d'information reproduit en annexe du présent avis).

Des rapports commerciaux plus transparents doivent s'établir entre les partenaires économiques. Les remises conditionnelles ne rémunérant pas des services effectifs de coopération commerciale devraient être traduites dans des contrats écrits et les avantages financiers devraient avoir une portée marginale par rapport à ceux accordés au titre des conditions générales de vente. Il n'est plus acceptable de facturer des milliers de francs, une « mise en avant » ou une participation publicitaire sans pouvoir en vérifier l'effectivité.

Le Gouvernement a bien sûr totalement raison de vouloir éradiquer la fausse coopération commerciale, notamment les factures rétroactives ou les factures qui ne correspondent pas à un service effectivement rendu. La mission d'information sur l'évolution de la distribution a écarté l'idée d'interdire purement et simplement la coopération commerciale, mais votre rapporteur a la conviction que les partenaires commerciaux devront, sous la pression des pays d'Europe du nord et des Etats-Unis, revenir à la négociation d'un prix net-net-net, incluant la rémunération de tous les services effectivement rendus pendant l'année sur laquelle porte le contrat d'achat ; le prix doit être convenu une fois pour toute et les engagements respectés.

Le Gouvernement préconise de redéfinir le cadre contractuel des relations avec les PME-PMI en assurant la stabilité des engagements contractuels. Les contrats devraient avoir une durée d'au moins un an, et lorsque la distribution demande à son fournisseur des investissements particuliers, notamment dans le cadre des marques de distributeur, des contrats de 3 ans devraient être conclus.

La commission de la production et des échanges n'a pas choisi de fixer des durées minimales de préavis de rupture des relations commerciales. La durée du préavis doit pouvoir varier en fonction de la durée des relations commerciales et être proportionnée à cette durée, sauf exception. La jurisprudence de la Cour de cassation est d'ailleurs favorable aux fournisseurs comme cela avait été montré dans le rapport de la mission d'information (lire le titre III du rapport, pages 138 à 140).

Votre rapporteur pense que la grande distribution a une chance historique d'établir de nouveaux liens avec les producteurs agricoles et les PME-PMI en valorisant leurs produits dans leurs linéaires qui sont aujourd'hui quasiment monopolisés par les marques industrielles des multinationales.

La commission de la production et des échanges approuve le texte du Gouvernement redéfinissant l'abus de dépendance économique par une modification de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. Le traitement juridique de ces abus n'est en effet pas satisfaisant. Le Conseil de la Concurrence n'est pas en mesure de sanctionner les abus qu'il décèle car l'article 8 de l'ordonnance exige que la pratique anticoncurrentielle empêche ou fausse le jeu de la concurrence sur le marché. C'est pourquoi sur la proposition de votre rapporteur, la commission de la production et des échanges a adopté un amendement permettant au conseil de sanctionner les cas d'exploitation abusive d'un état de dépendance économique qui lui seraient soumis sans avoir à démontrer qu'il y a eu atteinte au jeu de la concurrence sur le marché.

Le projet de loi permet d'autre part au ministre chargé de l'économie, garant de l'ordre public économique, au nom des opérateurs victimes d'abus de dépendance ou de puissance d'achat, de saisir le juge civil ou commercial aux fins de réparation du préjudice occasionné par ces pratiques et d'en sanctionner les auteurs par une amende civile substantielle (jusqu'à 13,1 millions de francs), sans se heurter aux exigences d'affectation du jeu de la concurrence sur le marché prévu par l'article 8 de l'ordonnance.

Le projet de loi prévoit également que le délai de préavis prévu au point 5 de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et qui doit être respecté en cas de rupture brutale de relations commerciales préétablies pourra être défini par des accords interprofessionnels ou, à défaut, par arrêté ministériel, et par catégorie de produits.

L'amendement proposant de modifier l'article 8 de l'ordonnance pour permettre au Conseil de la concurrence de sanctionner l'exploitation abusive de situations de dépendance économique est important. Votre rapporteur a également été marqué par le fait que les fournisseurs ne parlent qu'en privé des abus qu'ils subissent et qu'ils demandent à ne jamais être cités. Il préconise, dans la mesure où les prérogatives du Conseil de la concurrence sont limitées et que le champ d'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est très vaste, de mettre en place une Commission d'examen des pratiques commerciales, dotée de compétences plus larges que celles prévues dans le texte gouvernemental (article 28). Cette commission serait notamment saisie des litiges bilatéraux entre les partenaires commerciaux. Elle pourrait apprécier l'existence d'abus de dépendance économique, de pratiques discriminatoires ou de pratiques restrictives interdites. Elle pourrait apprécier le caractère loyal de pratiques nouvelles. Cette commission pourrait être saisie par n'importe quelle partie, par l'administration, par le président du Conseil de la concurrence, par les organisations professionnelles, les associations de consommateurs agréées, etc. Elle pourrait également s'autosaisir et rendre un avis source de droit et faisant autorité. Elle pourrait être saisie de manière confidentielle, et adopter des recommandations publiques que le ministre chargé de l'économie pourrait rendre obligatoires par arrêté interministériel d'extension.

La Commission d'examen des pratiques commerciales se voit confier une mission d'observation, d'analyse et de réflexion. Elle suivra l'évolution de la distribution et des relations entre producteurs, fournisseurs et revendeurs et pourra élaborer, en associant les opérateurs, des référentiels définissant les bons usages commerciaux. En outre, elle publiera un rapport annuel.

Les délais de paiement sont un autre problème aigu sur lequel la mission d'information sur l'évolution de la distribution a porté une attention particulière.

Ils fournissent une trésorerie à bon compte. Votre rapporteur a noté une tendance à l'allongement des délais de paiement. La rationalité économique voudrait qu'ils correspondent au financement de la rotation des stocks dans les magasins. Or l'amélioration de la logistique, les commandes en temps réel, ont aujourd'hui abaissé ce temps de rotation. En outre, ils sont devenus une source de financement en eux-mêmes pour la grande distribution au même titre que n'importe quel service de coopération commerciale. Il apparaît donc indispensable à votre rapporteur de rétablir un équilibre économique rationnel. Sur sa proposition, la commission de la production et des échanges a adopté un amendement disposant que si le règlement n'intervenait pas dans les 45 jours, l'acheteur devrait fournir une lettre de change à son fournisseur, précisant explicitement la date de son paiement et devant être garanti par un établissement de crédit reconnu. La commission a, par cet amendement, mis en forme une des propositions formulée par la mission d'information.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité, pour améliorer l'application de la loi, accroître les pouvoirs du Conseil de la concurrence. Selon votre rapporteur, celui-ci devrait avoir les moyens d'être plus réactif, voire ordonner des contrôles sur le terrain. Le pouvoir d'enquête de la DGCCRF devrait, en outre, être étendu pour que ses agents disposent d'un pouvoir de perquisition et de saisie comparable à celui dont disposent les agents des douanes.

Il convient enfin de garantir la réparation et la sanction des pratiques discriminatoires et illicites. Le Gouvernement propose d'infliger des amendes civiles pour le non-respect des dispositions de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 car on constate que ces interdictions sont contournées par des man_uvres destinées à dissimuler les pratiques restrictives. L'anonymat est une condition fondamentale pour assurer la poursuite des infractions et la réparation des pratiques illicites dont sont victimes les petites entreprises. L'article 36 doit donc dorénavant permettre au ministre chargé de l'économie de demander réparation des préjudices. Le projet de loi donne, en outre, le pouvoir au ministre, même en l'absence à l'instance de la victime des pratiques abusives, de demander outre la cessation de ces pratiques, l'annulation des clauses et contrats sur lesquels elles reposent et la réparation des préjudices subis. De plus, il pourra demander au juge de sanctionner le trouble à l'ordre public économique par le prononcé d'une amende civile.

La mission d'information demandait que les sanctions des pratiques anticoncurrentielles fussent augmentées. Il apparaît donc opportun, pour faire échec aux stratégies de contournement et renforcer le caractère dissuasif des sanctions, de porter à 10 % du chiffre d'affaires annuel mondial le plafond des sanctions pécuniaires que le Conseil de la concurrence est habilité à prononcer. Est également introduite une disposition permettant au Conseil de la concurrence de retenir comme chiffre d'affaires, non seulement celui de l'entreprise qui resterait seule responsable de l'infraction, mais le chiffre d'affaires consolidé du groupe auquel elle appartient. Il pourra aussi choisir le chiffre d'affaires d'une des années comprises entre celles précédant les pratiques anticoncurrentielles et celle précédant sa décision.

D'une manière plus générale, le Conseil de la concurrence est encouragé à tenir compte de la réitération de pratiques anticoncurrentielles en augmentant le montant des sanctions.

Enfin, le projet de loi renforce l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Le talon d'Achille de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles réside dans la détection et l'établissement des faits. Le projet de loi vise à répondre aux difficultés concrètes rencontrées dans ce domaine.

Afin de renforcer les moyens d'intervention et d'améliorer ainsi l'effectivité du droit de la concurrence, il précise notamment que lorsqu'il s'agit de mener une enquête pour constater des infractions en train de se commettre, la demande d'autorisation présentée au juge pourra prendre une forme allégée, compte tenu de l'urgence. Il encadre dans des délais les contestations relatives au déroulement des opérations de visite et saisie, ce qui évitera que ces contestations surviennent, comme c'est aujourd'hui possible et fréquent, après que le fond de l'affaire a été jugé.

En vue d'inciter les opérateurs à contribuer à l'assaisissement des marchés et à la lutte contre les cartels secrets, le projet de loi institue un dispositif de clémence, qui a fait ses preuves au delà de nos frontières notamment au niveau communautaire et aux Etat-Unis. Ce dispositif souple offrira des garanties suffisantes pour être attractif pour les entreprises désireuses d'apporter leur coopération aux corps d'enquête ou au Conseil de la concurrence.

*

Les propositions de ce projet de loi restent raisonnables. La philosophie est de faire appliquer la loi, de privilégier les relations contractuelles entre les parties et de donner quelques outils législatifs et réglementaires supplémentaires aux pouvoirs publics et au Conseil de la concurrence pour rétablir des relations commerciales équilibrées. C'est d'ailleurs ce que nous ont demandé toutes les parties. C'est également ce qu'avait demandé M. Lionel Jospin lors des assises de la distribution du 13 janvier 2000 quand il souhaitait mettre un terme aux pratiques les plus abusives dans la distribution. Les députés de la commission de la production et des échanges ont cherché à trouver la juste place du curseur pour qu'il y ait un bon équilibre entre production et distribution. Nous n'avons pas voulu créer un nouveau droit de la concurrence, mais une nouvelle régulation de ce droit.

Une économie compétitive repose sur une concurrence loyale. Personne ne nie aujourd'hui qu'il y a nécessité de moraliser les pratiques commerciales. Il faut pour cela mettre fin à des pratiques féodales, assurer plus de transparence dans les relations commerciales. C'est l'objectif de ce projet de loi et nous sommes persuadés qu'en recherchant une relation équilibrée entre producteurs et distributeurs, nous contribuons à préserver les intérêts des consommateurs.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 4 avril 2000, la commission a examiné, pour avis, les titres I et II de la deuxième partie (articles 27 à 47) du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.

M. Jean-Yves le Déaut, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission de la production et des échanges s'était saisie pour avis de la partie du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques portant sur les relations entre fournisseurs et revendeurs et les procédures contentieuses devant le Conseil de la concurrence. La commission a eu l'occasion d'étudier ces questions de manière approfondie à travers la mission d'information sur l'évolution de la distribution, présidée par M. Jean-Paul Charié et dont M. Jean-Yves Le Déaut avait été le rapporteur. Cette mission d'information a remis son rapport le 11 janvier 2000. Le Premier ministre a retenu les principales orientations qu'elle a proposées et a exposé lors des assises de la distribution qui se sont tenues au ministère des finances le 13 janvier les projets du Gouvernement concernant les nouvelles régulations économiques.

Le rapporteur pour avis a fait valoir que les mesures contenues dans les articles 27 à 47 du projet de loi étaient donc conformes aux orientations retenues par la mission d'information. C'est pourquoi il a invité les députés à ne pas dénaturer ces articles par des amendements. Il a conclu que les neuf amendements qu'il proposait d'adopter visaient à traduire dans le projet de loi des conclusions adoptées par la mission d'information.

M. Jean-Paul Charié a déclaré partager l'analyse de M. Jean-Yves Le Déaut selon laquelle l'examen de ce projet de loi constituait l'aboutissement d'un travail conduit au sein de la commission de la production et des échanges intensément depuis novembre 1999, et plus généralement depuis une dizaine d'années, au-delà des clivages partisans. Il a rappelé que tous les commissaires étaient attachés à la défense de la libre concurrence dans l'intérêt des consommateurs et des entreprises mais dans la mesure où un minimum de règles étaient respectées. Sans de telles règles, la concurrence devient la loi de la jungle et la liberté n'existe plus que pour les entreprises les plus fortes ou les plus malhonnêtes.

M. Jean-Paul Charié a précisé que les règles d'une libre et saine concurrence devaient reposer sur quatre piliers :

- l'encadrement des rapports avec les consommateurs et notamment de la publicité, ce qui est bien assuré par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 ;

- l'organisation des rapports entre les fournisseurs et les clients et pas seulement entre les fournisseurs et les distributeurs, à laquelle ce projet de loi serait l'occasion de travailler ;

- la précision des conditions de mise en _uvre de la liberté d'établissement, ce qui relève des schémas de développement commercial ;

- la réglementation des concentrations et des ententes, qui est partiellement modifiée par le projet de loi.

Il a estimé qu'il importait de se souvenir tout au long de la discussion de ce projet de loi, des pratiques folles de l'ordre du racket ou du terrorisme économique mises en évidence par la mission d'information et de ne pas non plus oublier le fait que les dysfonctionnements ne sont pas tous liés au comportement de la grande distribution, mais également à des pratiques de certains grands fournisseurs en position de force.

M. Jean-Paul Charié a ensuite rappelé que la circulaire précisant l'interprétation du droit applicable à la coopération commerciale et aux conditions générales de vente des fournisseurs, des clients devenus prestataires de services, ou des prestataires de services spécifiques, dont les membres de la mission d'information ont unanimement demandé l'élaboration, n'avait toujours pas été rédigée. Il a toutefois estimé que les recommandations de la mission d'information étaient largement satisfaites notamment grâce :

- à la possibilité reconnue au ministre de se substituer à la victime de certaines pratiques illégales pour agir en justice,

- à l'institution d'une commission veillant à la régularité des pratiques commerciales,

- au durcissement des sanctions,

- à la spécialisation des tribunaux,

- à l'accroissement du rôle du Conseil de la concurrence et

- à l'élargissement du pouvoir d'enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

M. Jean-Claude Daniel a rappelé que la mission d'information sur l'évolution de la distribution avait présenté plusieurs observations et conclusions qui ont été prises en compte par le projet de loi. Elles portaient notamment sur le rôle du Parlement, la nécessité de privilégier une meilleure application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et non une refonte de ce dispositif, ainsi que sur la capacité de la DGCCRF à s'autosaisir. Par ailleurs, la réflexion menée par les membres de cette mission a permis de proposer différents amendements portant sur le présent projet de loi. Ceux-ci concernent notamment :

- les délais de paiement ;

- les dispositions applicables aux produits frais et périssables ;

- les ententes souhaitables, dans un souci d'amélioration des conditions d'emploi ;

- les sanctions, dont les montants doivent être augmentés et qui doivent être rendues applicables aux abus de dépendance économique ;

- la faculté donnée aux pouvoirs publics d'intervenir en cas de demande de réparation.

En outre, la mission d'information a invité le Gouvernement à préciser par circulaire le régime applicable à la coopération commerciale pour en arrêter les dérives, conformément aux interprétations des circulaires Scrivener et Delors de 1978 et 1984.

M. Jean-Claude Daniel s'est félicité que les amendements, ainsi que le projet de loi, prennent en compte les observations émises par la mission d'information.

Puis, M. Jean-Michel Marchand a regretté de constater un décalage entre le titre et le contenu même du projet de loi, qui s'efforce de répondre à la mondialisation en instituant des régulations économiques qui se révèlent conformes avec les règles de cette mondialisation, sauf peut-être pour ce qui concerne les règles de concurrence. Il a souligné qu'aucune place n'était donnée au contrôle démocratique et a souhaité un renforcement de la représentation des salariés dans les conseils d'administration. Après que M. Patrick Rimbert eut rappelé que la commission de la production et des échanges n'était saisie pour avis que pour ce qui concernait les articles 27 à 47 du projet de loi et non sur la totalité de ce dernier, M. Jean-Michel Marchand a fait part de ses préoccupations en matière de création d'un « label social » pour les productions des pays tiers et d'un observatoire des droits de l'homme et de l'environnement.

En réponse à M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis, a indiqué que la circulaire d'interprétation des dispositions législatives relatives à la coopération commerciale n'était pas prête. Il a confirmé que le souhait de la mission d'information était de revenir à une application stricte des dispositions telle qu'elle est exposée dans les circulaires Scrivener et Delors de 1978 et 1984.

Il a fait observer que, selon l'avis général des fournisseurs de produits de grande consommation, leurs rapports avec la grande distribution s'étaient fortement durcis dans les semaines qui ont précédé le dépôt du projet de loi. Il a conclu que s'il était favorable à l'adoption de codes de bonne conduite, il jugeait que l'expérience de ces dernières semaines tendait à montrer qu'ils ne seraient pas respectés.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

DEUXIÈME PARTIE

RÉGULATION DE LA CONCURRENCE

TITRE IER

MORALISATION DES PRATIQUES COMMERCIALES

Article additionnel avant l'article 27 

Dérogation à l'interdiction des ententes anticoncurrentielles

Après une intervention de M. Jean-Paul Charié, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis portant article additionnel afin de préciser les conditions permettant de déroger à l'interdiction des ententes anticoncurrentielles fixée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (amendement n° 99). Ces conditions sont fixées par l'article 10 de l'ordonnance.

Une des conditions actuellement prévue par l'article 10 est que les auteurs de la pratique concertée justifient que leur entente a pour effet d'assurer un progrès économique. Ces termes sont très généraux et l'interprétation dominante qui en est faite aujourd'hui conduit à apprécier le progrès économique par rapport aux bénéfices dont peuvent en retirer les consommateurs. Cette interprétation est trop restrictive et omet la justification d'un progrès économique au titre de la préservation de l'emploi.

L'amendement vise à inclure dans le progrès économique visé à l'article 10 de l'ordonnance la dimension de l'emploi en précisant que celui-là peut consister en la création ou le maintien d'emplois.

Article additionnel avant l'article 27 

Interdiction des prix abusivement bas
en matière de vente de carburants au détail

Le Parlement a adopté, par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, le dispositif de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 afin d'interdire les prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation. Cette interdiction ne s'applique pas aux produits revendus en l'état du fait que l'article 32 de la même ordonnance punit de 100 000 F d'amende leur revente à perte.

Cependant, au nom de la défense de l'exception culturelle, le Parlement a prévu de faire entrer dans le champ d'application de l'article 10-1 les « enregistrements sonores reproduits sur supports matériels ». Une dérogation identique avait été votée en première lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat en faveur de la vente au détail des carburants, mais en deuxième lecture cette dernière dérogation a été supprimée à la demande du gouvernement. Au terme de la discussion du projet sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales entre les entreprises, le gouvernement s'était engagé à élargir l'assiette de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (dite taxe sur les grandes surfaces) dont le produit supplémentaire, évalué à 60 millions de francs, serait consacré au soutien des stations-service rurales. La réforme de cette taxe a été adoptée en loi de finances pour 1997 ; son produit s'élève à 73 millions de francs par an.

Le Gouvernement vient d'annoncer qu'il avait décidé de ne pas renouveler, à compte de l'année 2000, une autre taxe parafiscale instituée au profit du comité professionnel de la distribution de carburants et qui procurait à ce dernier environ 59 millions de francs de recettes, ce comité devant être désormais financé sur la seule taxe parafiscale assise sur les grandes surfaces de vente. Cette mesure de rationalisation budgétaire et fiscale ne se traduit pas par une chute des ressources effectivement affectées au fonctionnement du comité ; en revanche le soutien aux stations-service rurales risque d'être pénalisé au regard des engagements pris en 1996.

Plutôt que des subventions ou des taxes parafiscales, il paraît préférable de donner les moyens juridiques aux stations-service de lutter contre les grandes surfaces. A cette fin, la commission a adopté trois amendements identiques du rapporteur pour avis et de MM. Gérard Voisin et Jean-Paul Charié portant article additionnel et visant à inclure la vente de carburants au détail dans le champ d'application de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 qui interdit l'offre de prix abusivement bas (amendement n° 100). En réponse à une question de M. Jean-Claude Daniel, le rapporteur pour avis a indiqué que cet amendement ne visait pas à appliquer les dispositions de l'article 10-1 au fioul domestique.

Avant l'article 27 

M. Claude Billard a présenté un amendement portant article additionnel tendant à modifier le dernier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. Cet amendement propose de substituer au décret en Conseil d'Etat un arrêté interministériel pour adopter des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix. En outre il propose de considérer comme une situation manifestement anormale du marché la situation où les prix de vente ne permettent pas de couvrir le coût moyen de production et d'assurer une marge d'exploitation raisonnable aux producteurs.

Le rapporteur pour avis a indiqué que la question de la lutte contre les baisses excessives de prix sera traitée par le rapporteur de la commission des finances dont les propositions vont dans le même sens que celui souhaité par les députés communistes et a invité M. Claude Billard à retirer son amendement. M. Jean-Paul Charié a indiqué qu'il était favorable à la substitution de l'arrêté interministériel au décret en Conseil d'Etat.

En conséquence, M. Claude Billard a retiré son amendement.

Article 27

Annonces de prix dans le secteur des fruits et légumes frais

Les dispositions contenues dans l'article 27 du projet de loi visent à résoudre un des dysfonctionnements majeurs touchant le processus de formation des prix au sein de la filière des fruits et légumes frais.

Le secteur des fruits et légumes frais possède des caractéristiques rendant son marché particulièrement fragile économiquement :

- le marché est saisonnier ;

- ses produits sont hautement substituables et bénéficient de très peu de signes de qualité ou d'origine protégés ;

- la concurrence de pays (Espagne, Maroc, etc.) aux coûts de production faibles est très forte, notamment grâce au fort abaissement des coûts de transport et l'amélioration des techniques de conservation et de mise à maturation ; les productions des pays sont échelonnées dans le temps mais les variations climatiques et la production hors sol sont susceptibles de bouleverser cet échelonnement et mettre en concurrence directe les productions ;

- les productions varient fortement en fonction des conditions climatiques ;

- les exploitations agricoles productrices de fruits et légumes frais sont peu diversifiées ; leur équilibre financier dépend entièrement du prix de cession aux centrales d'achat ;

- les marges nettes d'exploitation des producteurs sont très réduites (1 à 3  % en année normale) ; l'équilibre financier des exploitations peut être sérieusement menacé par des fluctuations fortes et durables du marché.

Dans son rapport n° 2072 du 11 janvier 2000 (voir la conclusion reproduite en annexe du présent avis), la mission d'information sur l'évolution de la distribution avait dénoncé l'impuissance des acteurs de la filière et des pouvoirs publics à empêcher que les prix de cession des fruits et légumes frais par les producteurs français soient inférieurs à leurs coûts de revient et mis en évidence la perversité du mécanisme d'annonce des prix dans les catalogues et publicités promotionnelles des grandes surfaces. Ce mécanisme oriente, à partir des produits importés à prix réduit, les prix de vente des productions locales vers le bas pour toute la campagne de production. Les catalogues publicitaires sont en effet imprimés avant même que les volumes et la qualité des récoltes nationales ainsi que l'équilibre du marché et les coûts d'exploitation ne soient connus. Les premières offres publicitaires ainsi faites orientent le marché pour toute la campagne de production alors même qu'elles sont établies à partir de prix virtuels pour la production nationale. Les prix exigés par les centrales d'achat finissent par ne plus couvrir les coûts de production.

La mission d'information sur l'évolution de la distribution a dénoncé en ces termes, dans sa conclusion, ce mécanisme déstructurant des prix des produits alimentaires frais sur catalogue publicitaire :

« Les promotions de début de campagne contribuent même à créer des prix virtuels.

« La promotion avec des produits d'appel est la recette toujours utilisée pour attirer le consommateur. Tout catalogue a sa page fruits et légumes, poissons, viandes et charcuterie. La pomme Jonagold à 0,75 euro le kilo, les carottes à 0,23 euro le kilo, les filets de truite fumée à 7,61 euros le kilo, ou les côtes premières d'agneau et le filet d'agneau à 7,61 euro le kilo ont pour objectif d'attirer le chaland. C'est sur ces prix promotionnels que se joue la compétition entre les enseignes de distribution. Malheureusement, le prix d'appel devient le prix de référence. Cette compétition a pour enjeu, dans le secteur agro-alimentaire, la réalisation de 800 milliards de francs de ventes : 1 % du marché capté par un concurrent correspond à un chiffre d'affaires supplémentaire de 8 milliards. On comprend mieux que, dans ce contexte, on mette souvent en seconde priorité la charte éthique ou encore les bonnes intentions et les bonnes pratiques.

« Les promotions sur catalogues avant le début de la campagne ont des effets dévastateurs et déstructurants.

« Lorsqu'une grande enseigne demande à un fournisseur de lui fournir des fraises à 9,80 F la barquette en début de campagne, ce prix est fixé en mars parce qu'il faut prévoir les délais de fabrication du catalogue. Ce même prix ne correspond pas à la réalité économique du marché de la production puisque deux mois avant la production, ni les volumes, ni les conditions climatiques ne sont connus. Même si, en mai, la fraise en barquette est proposée à 15 F le kilo au marché de Perpignan, les prix doivent baisser puisque les autres enseignes sont obligées de s'aligner sur le prix figurant dans les catalogues des concurrents. On explique ensuite au producteur que puisque les fraises sont annoncées à 9,80 F le kilo, c'est qu'il s'agit bien du prix du marché. Les commerçants de détail n'achètent donc plus au prix du marché de Perpignan et les cours s'effondrent. Le sort est jeté. La promotion a contribué à créer un prix de marché virtuel. Trop de promotion tue la production.

« La crise des fruits et légumes du 23 août 1999 (abricots et pêches) était déjà inscrite dans les accords de catalogue passés le 24 juin, qui fixaient les prix de référence pour la campagne. Et pourtant la filière pêche s'est organisée pour limiter sa production à seulement 350 000 tonnes en 1999, alors que la production était double (750 000 tonnes) il y a dix ans.

« Même les distributeurs reconnaissent les effets pervers de ce système d'annonce de prix sur catalogue et ont spontanément proposé de réduire les délais de préparation des catalogues. Actuellement le délai est de sept à huit semaines, les distributeurs estiment qu'il pourrait être abaissé rapidement à au moins trois semaines (voir le compte rendu de la réunion de la commission de la production et des échanges du 30 novembre 1999 ; les déplacements en Allemagne et en Espagne ont montré qu'un délai de dix jours est parfaitement possible).

« Ce système est redoutable pour le fournisseur car s'il refuse le prix proposé, il ne sera pas référencé de toute la saison. Le système de référencement est, en effet pour les productions agricoles saisonnières, différent de celui pratiqué pour les autres biens de consommation : une enseigne référence, pour un produit, trois ou quatre fournisseurs et grossistes auxquels on demande d'adresser à la centrale chaque matin leur offre de prix et de volumes ; le prix le plus bas est retenu et est comparé avec ceux pratiqués à l'importation. La grande distribution achète souvent au prix le plus bas européen. Le titre III du rapport (point 3 du chapitre sur la revente à perte) donne un exemple de cassettes d'agneau découpé d'origine française, britannique et irlandaise.

« De plus en plus, c'est le prix à l'importation qui est souvent utilisé comme prix de référence. Il s'agit là d'une dérive de l'économie de marché, car le prix de la pomme au Chili ne devrait en rien influer sur celle cultivée dans la vallée du Rhône. »

a) L'état du droit

Le droit en vigueur ne permet pas de prévenir ce type de dysfonctionnement. La mission d'information sur l'évolution a rendu une analyse sans ambiguïté sur les dispositions de l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 : celles-ci ont été conçues dans un but préventif mais ni les préfets ni le Gouvernement n'ont été en mesure de les mettre en _uvre car la crise des fruits et légumes frais prend ses racines dans la formation des prix avant même l'arrivée des productions locales et donc la déstabilisation du marché national. Voici les analyses que votre rapporteur a fait figurer dans le rapport d'information sur l'évolution de la distribution (n° 2072) :

« L'article 28 de l'ordonnance introduit par la loi du 1er juillet 1996 vise à encadrer les promotions des produits alimentaires périssables qui en certaines circonstances peuvent gravement déstabiliser toute une filière agricole. Les producteurs peuvent en effet subir des préjudices irréparables lorsqu'ils sont confrontés à des ventes de produits à prix cassés en début de saison : l'arrivée des premières récoltes, traditionnellement plus chères, est compromise et les produits perdus faute d'acquéreur, ensuite les prix de l'ensemble de la saison sont souvent irrémédiablement tirés vers le bas de manière artificielle.

« L'information du consommateur est améliorée

« Le nouvel article 28 édicté par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 améliore, en premier lieu, l'information du consommateur lorsqu'une publicité mentionne une réduction de prix ou un prix promotionnel sur des produits alimentaires périssables.

« Par consommateur, il faut entendre la personne qui utilise les produits à des fins qui ne sont pas professionnelles. Une liste des produits alimentaires périssables peut être établie à partir de la liste des produits périssables fixée par la circulaire Scrivener du 10 janvier 1978 pour la détermination des dérogations à l'interdiction de revendre à perte :

« Viandes et abats comestibles frais ou réfrigérés.

« Jambon et épaule cuits, produits de charcuterie fraîche.

« Volailles et leurs abats comestibles, lapins domestiques et gibiers, réfrigérés ou frais.

« Poissons, coquillages, crustacés et mollusques, frais ou réfrigérés.

« Laits crus et pasteurisés. Laits stérilisés.

« Produits laitiers frais tels que :

- Yaourts, desserts (laits gélifiés) ;

- Crème fraîche ;

- Fromages frais ;

- Fromage à pâte molle ou à pâte pressée, cuite ou non, fromage à pâte persillée ;

- Beurre frais.

« Glaces, sorbets, crèmes glacées.

« _ufs frais ou réfrigérés.

« Légumes et plantes potagères à l'état frais ou réfrigérés.

« Fruits frais ou réfrigérés. Pain frais, produits frais de boulangerie, viennoiserie et pâtisserie fraîche.

« Levure de panification.

« (Plantes vivantes et produits de la floriculture.

« Fleurs et boutons de fleurs coupés frais). »

« N'entrent pas dans ces exceptions, les conserves et semi-conserves et les produits congelés ou surgelés.

« La notion de publicité est prise dans son sens le plus large : c'est l'existence d'un message à destination d'un client potentiel qui est visé.

« La publicité doit contenir les trois informations suivantes :

« - la nature du ou des produits offerts ;

« - l'origine du ou des produits offerts : il s'agit de l'indication du lieu de création du produit. L'arrêt du 25 avril 1985 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes a condamné le Royaume-Uni pour entrave à la libre circulation des marchandises contraire à l'article 30 du traité de Rome, a précisé qu'un Etat membre ne pouvait pas imposer le marquage d'origine sur des produits ou sur leur point de vente sauf dans le but de protéger le consommateur, notamment pour éviter une confusion sur la provenance des produits (mais les producteurs sont libres de le faire figurer sur leurs produits).

« En la matière, il ne s'agit pas d'une obligation générale mais seulement d'une obligation portant sur le contenu d'un message publicitaire particulier : celui mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel.

« Cette disposition est intéressante car elle doit apaiser les consommateurs et producteurs français de viande bovine qui craindraient que, sous couvert d'une opération promotionnelle avantageuse, des stocks de viande anglaise soient écoulés dans les grandes surfaces en France.

« - la période pendant laquelle est maintenue l'offre : l'obligation ne porte pas sur l'indication de la durée mais sur la mention de dates.

« Des arrêtés pourront limiter les promotions déstabilisatrices

« L'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 autorise, en second lieu, les pouvoirs publics à limiter les offres de réduction de prix ou de prix promotionnel portant sur les produits alimentaires périssables (3ème et dernier alinéas de l'article).

« La limitation peut porter sur la périodicité et la durée des opérations de promotion. L'encadrement est défini par produit. Il est décidé, en principe, par arrêté interministériel. Il devrait s'agir d'une décision collective des ministres chargés de l'économie ou des finances, du commerce et de l'agriculture. Cependant, en l'absence d'un tel arrêté, chaque préfet peut, dans les limites de son département, prendre un arrêté fixant un tel encadrement.

« La décision de réglementation ne peut être prise qu'au motif que ces « opérations promotionnelles sont susceptibles, par leur ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés ». Les mesures peuvent donc être préventives et les ministres ou les préfets ne sont pas contraints d'attendre de constater des effets négatifs de telles opérations pour agir. Cependant, la loi a clairement confié à ces autorités un pouvoir conditionné et non un pouvoir discrétionnaire.

« Par ailleurs, dans les cas où une publicité ne contiendrait pas les éléments d'information requis par l'article 28 de l'ordonnance ou ne respecterait pas les limitations fixées par arrêté interministériel ou préfectoral, une décision de justice pourrait ordonner sa cessation conformément à l'article L. 121-3 du code de la consommation.

« Le décret n° 97-538 du 26 mai 1997 a inséré un article 33-1 dans le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 afin de punir d'une contravention de 5ème classe les infractions aux dispositions de ce troisième alinéa de l'article 28 de l'ordonnance.

« L'encadrement mis en place a un but avant tout préventif. Mais en cas de préjudice, le dispositif est conçu de manière à permettre l'action la plus rapide possible des pouvoirs publics. Si les campagnes publicitaires pour les produits alimentaires périssables sont aujourd'hui de plus en plus nationales en raison de l'intégration des chaînes de distribution, le législateur de 1996 a souhaité habiliter les préfets, qui sont sur le terrain, proches des commerçants et dont les décisions peuvent être prises très rapidement, à décider une limitation des opérations promotionnelles. Si un arrêté interministériel devait être pris ultérieurement en raison de l'ampleur nationale de la campagne et de ses effets néfastes pour les marchés, il se substituerait automatiquement à tous les arrêtés préfectoraux déjà publiés.

« Ces nouvelles dispositions des 3ème et dernier alinéas de l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'ont pas, à ce jour, donné lieu à application.

« Il n'y a pas eu application de ces dispositions jusqu'à présent.

« Les conditions de diffusion publicitaire d'une réduction de prix à l'extérieur du magasin sont correctement respectées par la grande distribution. Les dispositions du premier alinéa de l'article 28 n'ont pas donné lieu à des sanctions pénales ; seules trois décisions de tribunaux correctionnels ont en fait été prises sur le fondement de l'article 28 de l'ordonnance. Selon les informations fournies, la bonne application des dispositions de l'article 28 est systématiquement vérifiée à l'occasion des contrôles effectués par les services de la DGCCRF sur les points de vente au détail.

« En 1998, la DGCCRF n'a reçu qu'une plainte portant sur une publicité extérieure à un magasin n'indiquant pas quelle était l'origine du gruyère dont elle faisait état ; un procès-verbal a été dressé. Aucune plainte n'a en revanche été reçue s'agissant des fruits et légumes ou des viandes.

« Par ailleurs, ni le Gouvernement ni aucun préfet n'a utilisé les possibilités ouvertes par le 3ème alinéa de l'article 28 de l'ordonnance. Il est apparu que les opérations promotionnelles, qui pouvaient avoir une grande ampleur, étaient en fait ponctuelles, les ventes des fruits et légumes frais portant notamment, pour la plupart, sur des périodes restreintes. Les préfets n'étaient pas en mesure d'intervenir. Le Gouvernement a, cet été 1999, de son côté, été saisi du problème de la chute des cours des fruits et légumes après les opérations promotionnelles qui avaient eu lieu en début de campagne dès juin. Une fois les arrêtés sur le double affichage publiés, on a d'ailleurs constaté qu'aucune promotion prédatrice n'avait été lancée sur les produits concernés. Mais l'efficacité de la disposition législative exigerait que le Gouvernement intervienne dès les premiers jours de la campagne d'un produit frais afin de limiter les perturbations du marché en restreignant la durée des opérations promotionnelles. En effet, ces premières promotions donnent au marché et aux consommateurs une sorte de prix de référence du produit frais concerné, qui ne correspond pas à l'équilibre économique du marché mais l'oriente pour toute la campagne de vente. »

A l'initiative de M. François Patriat, rapporteur, l'Assemblée nationale a également permis que les accords de crise prévus par l'article 71 de la loi d'orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999 puissent fixer des prix de cession au premier acheteur. Ces accords sont conclus entre, d'une part, des organisations professionnelles de producteurs ou des groupements de producteurs reconnus et, d'autre part, des organisations professionnelles de la transformation, du commerce ou de la distribution. Ils portent sur un ou plusieurs produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production ou des produits de la mer ou de la culture marine. Leur durée ne peut excéder trois mois.

Ces contrats de crise conjoncturelle ne peuvent être conclus que si les prix de cession par les producteurs sont anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des trois précédentes campagnes.

Ce dispositif très novateur dans l'ordonnancement juridique français n'a pas pu être mis en _uvre jusqu'à présent. Les organisations professionnelles, les chambres d'agriculture et les syndicats agricoles jugent complexes les conditions de son déclenchement. Tous demandent toutefois son maintien, voire son perfectionnement sur quelques points. Votre rapporteur estime que formellement ce dispositif est difficilement maniable par les producteurs confrontés à des crises de prix, mais un suivi attentif des évolutions des cours devrait permettre sa mise en _uvre. En fait, avec la procédure de blocage des chutes de prix prévue à l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ce dispositif constitue, en l'état du droit, le mécanisme le plus efficace pour parer à des crises conjoncturelles de prix.

b) Les propositions de la commission de la production

Par l'article 27 du projet de loi, le Gouvernement propose de compléter l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour donner aux partenaires de la filière des fruits et légumes frais un moyen supplémentaire d'action. Cet article autorise les organisations interprofessionnelles à conclure des accords interdisant, pour les périodes pendant lesquelles elles sont de nature à fausser l'équilibre du marché des fruits et légumes frais, les annonces de prix dans des catalogues ou sur tout autre support promotionnel. Ces accords interprofessionnels peuvent également encadrer les modalités de ces annonces de prix et être étendus par arrêté interministériel. A défaut de tels accords, le projet de loi autorise les ministres compétents à prendre par arrêté interministériel ces mesures.

Comme la mission d'information sur l'évolution de la distribution l'avait analysé, votre rapporteur est convaincu que la gravité du dysfonctionnement auquel les dispositions du présent article 27 tente de remédier est telle que des mesures beaucoup plus radicales doivent être adoptées par le Parlement pour mettre un terme à ces dysfonctionnements.

Aussi, votre rapporteur a-t-il proposé un amendement de rédaction globale de l'article interdisant, par principe, les annonces de prix de vente d'un fruit ou légume frais dans des catalogues ou sur tout autre support promotionnel hors du lieu de vente. Cette interdiction peut être levée et les modalités de telles annonces de prix encadrées par un accord interprofessionnel conclu conformément aux dispositions du code rural sur les organisations interprofessionnelles. Cet accord interprofessionnel peut également être étendu par arrêté interministériel. Toute infraction à ce dispositif sera punie d'une amende de 100 000 F.

Lors de la réunion de la commission, le rapporteur pour avis a indiqué que l'effondrement des cours de plusieurs fruits et légumes en 1999 avait été causé en partie par cette pratique des catalogues promotionnels des enseignes de grande distribution. Le projet de loi propose d'encadrer ces annonces de prix par des accords interprofessionnels, mais le rapporteur pour avis a fait valoir que ces accords devaient être adoptés à l'unanimité des organisations professionnelles membres de l'interprofession des fruits et légumes frais et qu'il était probable qu'elles n'y parviennent pas. En revanche, le dispositif proposé met fin aux dérives constatées et doit inciter cette interprofession à adopter un accord car les professionnels ont intérêt à permettre la réalisation de campagnes publicitaires nationales à certaines périodes de l'année pour écouler des excédents de production.

Le dispositif de cet amendement constitue une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie, mais cette liberté n'est pas constitutionnellement protégée et l'interdiction ne concerne que la publicité commerciale qui est déjà très fortement encadrée. Ainsi la publicité pour les grandes surfaces de vente est interdite à la télévision. L'interdiction proposée par la commission de la production, qui n'est pas absolue puisqu'elle peut être levée par accord interprofessionnel, est proportionnée à l'étendue des troubles économiques provoqués par l'annonce de prix virtuels et elle est adaptée à la situation des producteurs de fruits et légumes français. Elle n'est pas une entrave aux échanges puisqu'elle ne porte que sur les annonces publicitaires hors des lieux de vente ; elle n'interdit ni ne limite la vente en elle-même.

Par ailleurs, l'amendement vise à mieux informer le consommateur qui est confronté à des publicités tapageuses mettant en valeur l'offre de prix très bas, mais indiquant en caractères ridiculement petits l'origine peu valorisante du produit. Ainsi dans une publicité nationale, dont on trouvera une reproduction en annexe du présent avis, le prix est imprimé avec des caractères de 6,4 cm de hauteur alors que l'origine figure en caractères de 2 mm de hauteur. Le paragraphe I de l'amendement impose donc que sur les annonces de prix visées par l'article 28 de l'ordonnance, la mention relative à l'origine soit inscrite en caractères d'une taille au moins égale à celle de l'indication du prix.

Après une question de M. Jean-Paul Charié, le rapporteur pour avis a confirmé que l'objectif du dispositif était de renverser l'approche proposée par le Gouvernement. M. Claude Gaillard s'est déclaré favorable à l'amendement du rapporteur pour avis. Puis la commission a adopté l'amendement de rédaction globale de l'article (amendement n° 101) et a donné un avis favorable à l'adoption de l'article ainsi rédigé.

En conséquence, un amendement de M. Jean Proriol supprimant le deuxième alinéa de l'article, un amendement de M. Jean-Paul Charié proposant une nouvelle rédaction des deux derniers alinéas de l'article et un amendement de M. Claude Gaillard proposant également une nouvelle rédaction des deux derniers alinéas de l'article sont devenus sans objet.

Article additionnel après l'article 27

Coopération commerciale

M. Jean-Paul Charié a proposé un amendement portant article additionnel afin de préciser que les dispositions de l'article 33 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 concernant la coopération commerciale devaient s'appliquer à tout client et pas seulement aux distributeurs. Il a notamment fait valoir que des entreprises qui ne sont pas des distributeurs mettent en place des services de coopération commerciale. Le rapporteur pour avis a fait valoir que ces dispositions visaient avant tout la grande distribution et qu'il ne serait pas opportun que l'article 33 ne s'y référât plus. M. Jean-Claude Daniel a donc proposé de viser au cinquième alinéa de cet article les clients en plus des distributeurs. M. Jean-Paul Charié a accepté de rectifier son amendement en ce sens, puis la commission a adopté cet amendement portant article additionnel (amendement n° 102).

Après l'article 27 

M. Jean-Paul Charié a présenté un amendement tendant à modifier la dernière phrase du premier alinéa de l'article 33 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 afin de préciser que les conditions de vente comprennent les conditions de prix, de délais de paiement, les conditions ou les modalités de vente, d'achat et de tout avantage. Il a indiqué que cette proposition s'articulait avec d'autres qui suivaient et qui avaient toutes pour objectif de prévoir dans la loi que les acheteurs fournisseurs de prestations de services devaient, au même titre que leurs fournisseurs de produits, établir des conditions générales de vente pour leurs offres de services.

Le rapporteur pour avis a fait valoir que cette approche tendait à effacer la distinction dans la loi entre les revendeurs et leurs fournisseurs en les fusionnant au sein de la notion de clients croisés s'échangeant leurs offres respectives formalisées dans des conditions générales de vente. Il a souligné que cette tâche de réécriture était complexe et engageait le Parlement sur la voix d'une reconnaissance explicite par la loi de la spécificité de la grande distribution française alors même que ses pratiques liées à ses offres de services sont dénoncées et qu'elles correspondent à une spécificité française qui a certes gagné l'Espagne mais n'est pas une pratique courante dans le monde des affaires, notamment dans les pays anglo-saxons.

M. Jean-Paul Charié a expliqué que ses amendements visaient à revenir à l'équilibre et l'interprétation du droit figurant dans les circulaires Scrivener de 1978 et Delors de 1984, à savoir les conditions générales de vente ne doivent pas être négociables mais le distributeur doit pouvoir fournir des services à ses fournisseurs. Chacun admettant qu'un fournisseur ne peut mettre sous un barème tous les services (têtes de gondole, facturation, etc.) qu'un distributeur est en mesure de lui offrir, il est donc nécessaire que tout client établisse des conditions générales de vente.

M. Jean-Claude Daniel a fait remarquer que l'amendement posait un problème d'articulation avec la première phrase du premier alinéa de l'article 33 de l'ordonnance, qui vise d'ores et déjà les barèmes de prix.

Le rapporteur pour avis a conclu que cette question était un des rares points de désaccord entre lui et M. Jean-Paul Charié. Sa position est qu'il ne faut pas inscrire dans la loi l'existence de conditions générales de vente des distributeurs et que toute cette problématique doit être traitée par une circulaire comme le rapport de la mission d'information sur l'évolution de la distribution l'a expliqué.

A l'issue de ce débat, la commission a rejeté l'amendement.

M. Jean-Paul Charié a ensuite présenté un autre amendement modifiant le quatrième alinéa de l'article 33 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 afin de prévoir la communication du barème des prix et des conditions de vente sur un support unique. Il a expliqué que cette disposition visait à assurer la transparence des conditions de vente tout en évitant l'établissement d'un document unique par entreprise. Il a souligné l'importance d'éviter que les gros fournisseurs aient des conditions générales de vente différentes selon les catégories de clients. Il a toutefois indiqué qu'il retirerait l'amendement si le Gouvernement s'engageait explicitement en séance publique à faire figurer dans sa circulaire d'interprétation de l'article 33 de l'ordonnance une disposition identique.

Le rapporteur pour avis a redit que le Parlement s'engageait dans un engrenage néfaste, qui justifierait les pratiques de coopération commerciale, si la loi imposait aux distributeurs d'établir des conditions générales de vente de services facturés aux fournisseurs.

La commission a donc rejeté cet amendement, puis deux amendements du même auteur prévoyant, pour l'un, que les facturations de services à un fournisseur doivent être établies dans le cadre d'un barème de prix et de conditions de vente du client prestataire de ces services et définissant, pour l'autre, le service spécifique comme étant un service exceptionnel ou nouveau au regard des usages de la profession.

M. Félix Leyzour a ensuite présenté un amendement de M. Claude Billard autorisant le ministre de l'agriculture, sur proposition des organisations syndicales ou de consommateurs, à mettre en _uvre de façon temporaire, en cas de crise conjoncturelle, un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables non stockables. Il a fait observer que ce dispositif inciterait les grandes surfaces à acheter le plus cher possible les produits aux producteurs dans la mesure où un coefficient multiplicateur leur permettrait d'accroître de façon géométrique leur marge.

Le rapporteur pour avis a jugé que ce dispositif était inapplicable dans la mesure où il exigeait un suivi informatique très lourd d'une multitude de produits différents mis sur le marché par des milliers de producteurs. Le système du coefficient multiplicateur exige la mise en place d'une traçabilité économique de chaque fruit et légume concerné. En outre, ce dispositif ne pourrait s'appliquer qu'aux produits bruts, à savoir les fruits et légumes « bruts de cueille », or la plupart des filières de fruits et légumes frais ont mis en place des systèmes de valorisation des produits bruts et des circuits de transformation. En dernier lieu, le rapporteur pour avis a douté de la réalité du cercle vertueux décrit par M. Felix Leyzour qui inciterait les grandes surfaces à acheter plus cher aux producteurs afin d'accroître leurs bénéfices.

En conséquence, MM. Claude Billard et Félix Leyzour ont retiré leur amendement.

Article 28

(article 30 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Mise en place d'une Commission d'examen des pratiques commerciales

Le présent article répond à une demande exprimée par la mission d'information sur l'évolution de la distribution. Le rapport de mission adopté le 11 janvier 2000 demandait, en ces termes, dans ses conclusions de mettre en place une commission d'arbitrage des litiges contractuels :

« Les relations entre l'enseigne de distribution ou la centrale d'achat et le fournisseur sont souvent tendues, si ce n'est détestables. La dimension humaine des relations économiques est trop souvent oubliée. Les abus sont la plupart du temps commis sans risque de sanction car les victimes n'osent pas porter plainte ou même donner les éléments de preuve à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour introduire une action en justice.

« Les litiges naissent souvent d'un manque de confiance dans son partenaire, d'une mauvaise interprétation de la loi et des conditions d'application des termes du contrat. Un règlement non contentieux de ces litiges est possible. C'est pourquoi la mission d'information recommande la création d'une commission d'arbitrage des pratiques abusives (CAPA).

« Cette commission serait saisie des litiges bilatéraux survenant entre les partenaires commerciaux sur l'application d'une disposition de conditions générales de vente, de termes d'un contrat ou de mentions figurant sur une facture. Elle pourrait apprécier l'existence d'abus de dépendance économique, d'une pratique discriminatoire ou d'une pratique restrictive interdite par l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. La CAPA aurait une compétence nationale, mais devra disposer d'antennes dans chaque région pour être au plus près des réalités du terrain.

« Cette commission devrait être composée à parité de représentants des fournisseurs (PME-PMI, agriculteurs, transformateurs, industriels, etc.) et des revendeurs (distributeurs et grossistes). L'Etat devrait être représenté au travers des administrations centrales concernées ainsi que par un membre du Conseil de la concurrence. La présence d'anciens magistrats pourrait également être utile au travail de la CAPA. Le secrétariat de la CAPA devrait être confié à la DGCCRF (ou au Conseil de la concurrence).

« La CAPA doit pouvoir être saisie par n'importe quelle partie, par l'administration ou par le Conseil de la concurrence. Elle devrait également pouvoir s'autosaisir. Elle doit s'efforcer de concilier les deux partenaires et rendre une sentence arbitrale qui dit le droit, est source de droit et est opposable aux parties. Il convient de veiller particulièrement à la confidentialité des recours. Si l'une des parties refuse de participer à la procédure d'arbitrage, la CAPA doit rendre un avis qui expose son analyse des faits et l'interprétation du droit qu'elle fait au regard de la situation, puis saisir les tribunaux ou le Conseil de la concurrence du litige, ceux-ci s'appuyant sur son avis pour prendre leur décision.

« Il serait également utile que la CAPA puisse adopter des recommandations que le ministre chargé de l'économie pourrait rendre publiques, comme il est procédé en matière de clause abusive avec la commission des clauses abusives (article L. 132-4 du code de la consommation).

« En résumé, la CAPA doit devenir une autorité technique ayant une capacité d'expertise forte à laquelle les parties en litige peuvent se référer pour dire le droit et dont les arbitrages ou avis doivent permettre aux tribunaux ou au Conseil de la concurrence de juger plus rapidement une situation s'ils étaient saisis. Elle faciliterait ainsi l'action de la justice.

« Pour ces raisons la mission a écarté la proposition consistant à donner un statut de médiateur à cette commission, car la médiation ne contraint pas en droit les parties, et les décisions d'un médiateur ne sont pas une source de droit.

« La CAPA devrait être créée par la loi en raison des missions et pouvoirs qui seraient les siens. La mission d'information considère que la loi doit en fixer le cadre. Parce que la loi ne peut pas tout prévoir car l'économie de marché est par essence en permanente évolution, cette commission aura pour mission de réagir à toute nouvelle pratique jugée contraire à la loi, de veiller en permanence sur l'évolution des relations commerciales, de pouvoir s'autosaisir et par ses avis de préparer le travail du juge des litiges, au cas où elle ne parviendrait pas à mettre les parties d'accord.

« Des moyens matériels en personnel, en locaux, en instruments d'analyse économique devraient être dégagés. Sur ce point, la mission insiste pour que ces moyens ne soient pas prélevés sur les dotations des ministères ou du Conseil de la concurrence car déshabiller Pierre pour habiller Paul ne rendrait pas l'action de l'Etat plus efficace. La commission devrait également rendre compte régulièrement de son activité aux commissions permanentes compétentes du Parlement car les règles du droit général de la concurrence relèvent en totalité du domaine de la loi. »

Après évaluation, le Gouvernement a considéré que la mise en place d'une instance arbitrale risquait avant tout d'hypothéquer le succès de la commission dans la mesure où l'ouverture d'une procédure d'arbitrage peut provoquer des réticences des victimes à son égard. Les entreprises risquent de craindre qu'une confrontation avec leur partenaire économique ne leur soit imposée par ce biais. La procédure d'arbitrage devant la commission devrait en effet suivre les règles prévues par le code de procédure civile. Les parties devraient pouvoir être assistées d'avocats ou de conseils juridiques, et le litige serait alors abordé comme un quasi contentieux juridictionnel. En outre, l'anonymat des requérants ne pourrait pas être préservé puisque les parties doivent pouvoir connaître toutes les pièces du dossier qui sont soumises à l'instance d'arbitrage. Les parties pourraient également faire appel à des témoins. Compte tenu de la matière, l'arbitrage risquerait de tourner à l'affrontement.

Si la sentence arbitrale est source de droit et s'impose aux parties, il ne peut y avoir exécution forcée de la sentence arbitrale vis-à-vis d'une partie qui se refuse à l'appliquer qu'au moyen d'une exequatur donnée par un tribunal. Or la délivrance de cette exequatur suit la procédure juridictionnelle de droit commun (tribunal de grande instance puis Cour d'appel de Paris) qui peut prendre quatre ans. En outre, de nombreuses instances d'arbitrage sont déjà en place. Notamment, chaque organisation interprofessionnelle reconnue, notamment l'association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel), doit avoir mis en place une instance de conciliation des litiges liés à l'application des accords interprofessionnels. En cas d'échec de la conciliation, le litige est déféré à une instance arbitrale préalablement désignée dans les statuts de l'interprofession.

En dernier lieu, il est interdit de soumettre à l'arbitrage des litiges portant sur des dispositions d'ordre public, ce qui est le plus souvent le cas en matière de pratiques restrictives de concurrence (délai de paiement, facturation, revente à perte, application des conditions générales de vente).

La mission d'information sur l'évolution de la distribution jugeait la fonction arbitrale utile dans la mesure où elle permettait d'éviter la procédure contentieuse, permettait d'engager un dialogue entre les parties et se traduisait par une décision interprétatrice du droit en vigueur qui s'impose aux parties et est donc source de droit. Votre rapporteur juge primordial que la future commission réponde à ces objectifs, sans statuer par arbitrage mais en examinant les dossiers des fournisseurs et des revendeurs s'estimant lésés.

Il est en effet fondamental que les acteurs économiques puissent soumettre leurs cas concrets à une instance dotée de moyens d'expertise, dont l'autorité émane du législateur et qui sera en mesure d'établir une interprétation du droit faisant autorité. L'impartialité et l'objectivité de cette commission doit être assurée par une présence sur une base paritaire des représentants de la production et de la distribution et par la participation de magistrats, de représentants de l'administration et de personnes qualifiées.

La commission a été saisie d'un amendement de rédaction globale de l'article présenté par le rapporteur pour avis. Cet amendement met en place une Commission d'examen des pratiques abusives dont la principale mission sera d'examiner les cas concrets, contrats, factures, courriers, etc., que lui soumettront les fournisseurs ou les revendeurs s'estimant abusés par une pratique commerciale déloyale. Elle doit également pouvoir statuer sur toute question qui lui serait soumise notamment par le président du Conseil de la concurrence, les organisations professionnelles ou syndicales, les associations de consommateurs et les chambres consulaires ou d'agriculture. Tout en assurant l'anonymat des requérants, par ses avis, cette commission doit pouvoir imposer une interprétation du droit qui fasse autorité. En outre, elle doit pouvoir présenter des recommandations pour l'amélioration des pratiques commerciales, ces recommandations, publiées par la commission, pouvant être rendues obligatoires sur l'ensemble du territoire par arrêté interministériel.

La composition de la commission doit permettre aux parlementaires et aux représentants de l'ensemble des partenaires économiques impliqués dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs d'être présents au sein de cette commission. Pour garantir son impartialité, il paraît indispensable de prévoir une représentation de la production et de la distribution sur une base paritaire. La commission pourra entendre, à sa demande, les personnes et fonctionnaires qu'elle juge utiles à l'accomplissement de sa mission.

Le rapporteur pour avis a fait valoir que le dispositif proposé par le Gouvernement n'allait pas aussi loin que la mission d'information sur l'évolution de la distribution l'avait proposé. L'amendement de rédaction globale incorpore donc plusieurs des propositions des députés qui ont souhaité que cette nouvelle commission suive en temps réel les pratiques commerciales et fournisse aux entreprises une interprétation du droit. En outre, elle doit pouvoir signaler les insuffisances de ce même droit. Il a enfin exposé les raisons résumées ci-dessus pour lesquelles il avait renoncé à mettre en place une commission qui statuerait en matière arbitrale sur saisine des parties afin de ne pas hypothéquer le succès de cette nouvelle instance.

M. Jean-Paul Charié a approuvé le souci de respect de l'anonymat et du secret contenu dans l'amendement du rapporteur pour avis. Cependant, il s'est déclaré gêné par l'intitulé de la commission, celle-ci devant traiter toutes les pratiques commerciales et non uniquement celles considérées comme abusives. Il s'est également interrogé sur l'abandon de la procédure d'arbitrage et sur le nombre de personnes devant siéger à cette commission. Il a en outre jugé important que tous les avis de la commission puissent être publiés pour avoir une connaissance complète des litiges et des interprétations du droit faites par la commission. Il a enfin jugé utile que les juridictions puissent recueillir l'avis, de manière confidentielle, de la commission, sur une affaire dont elles seraient saisies.

M. Patrick Rimbert a fait valoir l'intérêt de la mise en place d'une procédure de règlement amiable d'un certain nombre de litiges par cette commission. Il a jugé que cette capacité de règlement par la commission serait facilitée si celle-ci était présidée par un magistrat dont l'autorité serait reconnue par ses pairs. Il a par ailleurs demandé que cette commission puisse adopter des recommandations sur les prix de vente des fruits et légumes.

Le rapporteur pour avis a expliqué que son dispositif distinguait les avis des recommandations. La commission devrait être saisie de centaines de litiges et donc siéger très fréquemment. Les parlementaires ne seront pas en mesure de suivre tous les dossiers. En outre, il convient de synthétiser les interprétations et les positions de la commission pour leur donner le plus grand poids possible. Les recommandations ont donc été conçues à cette fin pour dégager les principales orientations des décisions de la commission et exposer de manière synthétique son interprétation du droit à partir des litiges qui lui sont soumis. Les avis, qui porteront sur les questions ponctuelles dont sera saisie la commission, ne seront donc communiqués qu'aux parties concernées et au ministre chargé de l'économie, tandis que les recommandations seront toutes publiées sur décision de la commission.

Sur la proposition de M. Jean-Paul Charié, la commission a adopté un sous-amendement intitulant la commission « Commission d'examen des pratiques commerciales ».

Puis, elle a adopté un sous-amendement de M. Patrick Rimbert précisant que la commission est présidée par un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire.

Ensuite, elle a adopté un sous-amendement de MM. Jean-Claude Daniel et Jean-Paul Charié précisant que les pratiques commerciales dont la commission sera saisie concerneront les relations commerciales entre producteurs, fournisseurs et revendeurs afin que son activité ne porte pas exclusivement sur les relations entre fournisseurs et revendeurs mais inclut les pratiques des professionnels de la transformation qui ne sont pas des revendeurs.

Enfin, la commission a adopté un sous-amendement de MM. Jean-Paul Charié, Jean-Claude Daniel et Jean Proriol permettant à tout ministre chargé du secteur économique concerné de saisir la commission, puis l'amendement du rapporteur pour avis ainsi modifié (amendement n° 103). La commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 28 ainsi rédigé.

En conséquence, treize amendements de M. Jean-Paul Charié, un amendement de M. Jean Proriol, quatre amendements de M. Claude Gaillard et deux amendements de M. Claude Billard modifiant l'article 28 du projet de loi sont devenus sans objet.

Article additionnel après l'article 28 

Consultation du Conseil de la concurrence par la Commission d'examen des pratiques commerciales

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant article additionnel, permettant la consultation du Conseil de la concurrence par la Commission d'examen des pratiques commerciales après que son auteur eut apporté une rectification prenant en compte la dénomination retenue pour cette instance (amendement n° 104).

Article additionnel après l'article 28

Saisine d'office du Conseil de la concurrence

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant article additionnel, permettant au Conseil de la concurrence de se saisir d'office de toute question de concurrence (amendement n° 105), bien que le rapporteur pour avis se fût interrogé sur le risque qu'une surcharge de travail pour le conseil n'allonge les délais déjà longs d'instruction des dossiers qui lui sont soumis et donc que celui-ci remplisse moins bien ses missions fondamentales. Il a en effet rappelé qu'à la mi-décembre 1999, 408 dossiers étaient en instance au Conseil de la concurrence, ce qui correspondait à quatre années d'activité. Le Conseil devra donc veiller à ce que son autosaisine de questions de concurrence ne pénalise pas son activité contentieuse.

Article additionnel après l'article 28

Prohibition des ententes réalisées par l'intermédiaire d'une société implantée hors de France

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant article additionnel et visant à préciser que l'interdiction des ententes prévue par l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 s'étend à celles réalisées par l'intermédiaire directe ou indirecte d'une société du groupe implantée hors de France (amendement n° 106). Le rapporteur pour avis a estimé que cet amendement s'inscrivait dans l'esprit du projet de loi qui prévoit notamment que les sanctions pécuniaires infligées par le Conseil de la concurrence seront proportionnées au chiffre d'affaires mondial.

Article additionnel après l'article 28

Obligation pour l'acheteur de fournir une lettre de change lorsque le délai de paiement est supérieur à 45 jours

La commission a adopté un amendement rectifié du rapporteur pour avis portant article additionnel, obligeant l'acheteur à fournir spontanément une lettre de change garantie par un établissement de crédit reconnu d'un montant égal à la somme due à son fournisseur lorsque le délai de paiement convenu entre les parties est supérieur à 45 jours et prévoyant de sanctionner l'acheteur si celui-ci ne remplit pas cette obligation (amendement n° 107).

Cet amendement vise donc à améliorer le paiement des fournisseurs par leurs débiteurs. On assiste, en effet, aujourd'hui à une situation incroyable, où le distributeur prélève par compensation financière des « factures de coopération commerciale » sans que le moindre service ne soit rendu, alors que le fournisseur attend plus de 120 jours pour être payé, sans pouvoir escompter la dette pour bénéficier d'un encours bancaire. Certaines enseignes n'hésitent d'ailleurs pas dans ce cas à vendre des services d'affacturage au taux de 1,21 % par mois (coût de l'argent et du service) et certains « distributeurs-financiers » réalisent l'exploit de prêter ainsi à un taux d'intérêt de 14,52 % par an le propre argent du fournisseur créditeur.

Pour mettre fin à ce dysfonctionnement qui met en péril les petites et moyennes entreprises et transforme les distributeurs en banquiers de leurs fournisseurs, l'amendement prévoit que si le délai de paiement prévu dans le contrat de vente était supérieur à 45 jours à compter de la date de réception de la facture, l'acheteur devrait fournir, à ses frais, une lettre de change à son fournisseur précisant explicitement la date de son paiement et devant être garantie par un établissement de crédit reconnu et établi sur le territoire national ou celui où est établi le siège social du fournisseur. L'envoi de cette lettre de change doit être automatique et ne pas être conditionné par une demande du fournisseur, qui pourrait être l'objet de pression de la part de son client pour qu'il ne la réclame pas.

En outre, ce mécanisme ne doit pas permettre au débiteur de s'exonérer de son obligation de respect du délai de paiement contractuellement prévu en fixant une date de règlement de la lettre de change lointaine. C'est pourquoi l'application des pénalités pour retard de paiement prévues par l'ordonnance du 1er décembre 1986 (application d'une fois et demi le taux de l'intérêt légal) doit être automatique.

Après l'article 28

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Paul Charié visant à reconnaître comme satisfaisant aux conditions de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 certaines catégories d'accords ou certains accords sans l'intervention d'un décret. Son auteur a précisé qu'il s'agissait d'alléger la procédure en soumettant ces accords à une simple autorisation du Conseil de la concurrence et a rectifié cet amendement pour supprimer également la condition d'un avis conforme de cette instance.

Après que le rapporteur pour avis eut indiqué que cette rédaction n'était pas satisfaisante car elle n'indiquait pas quelle autorité reconnaissait que la catégorie d'accords ou l'accord satisfaisait aux conditions de l'article 10 ni quels accords étaient précisément visés, M. Jean-Paul Charié a retiré cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Gérard Voisin précisant que pour l'application de l'interdiction de vente à perte à la revente de carburants au détail, le prix d'achat effectif de ceux-ci était également majoré des coûts additionnels indissociables de la revente. M. Jean Proriol a indiqué que cet amendement visait à une meilleure application des règles du jeu de la concurrence entre la grande distribution et les petits détaillants.

Après que le rapporteur pour avis eut rappelé que, d'une part, la commission avait déjà adopté un amendement portant article additionnel avant l'article 27 pour étendre l'interdiction des prix abusivement bas à la vente de carburants au détail et que, d'autre part, il était extrêmement difficile de déterminer l'étendue des coûts additionnels indissociables de la revente, la commission a rejeté cet amendement.

Article 29

Abus de dépendance économique
et action du ministre devant les tribunaux

Le présent article modifie l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 en prenant en compte trois propositions formulées par la mission d'information sur l'évolution de la distribution. Tout d'abord les abus de dépendance économique doivent engager la responsabilité des auteurs des pratiques sans qu'il y ait, comme l'article 8 de l'ordonnance le prévoit, atteinte au jeu de la concurrence sur le marché. La commission a d'ailleurs adopté après l'article 32 un article additionnel en ce sens.

Le Gouvernement a donc élaboré un dispositif complétant les pratiques restrictives déjà visées à l'article 36 afin d'interdire les abus de dépendance économique dans les rapports commerciaux bilatéraux, sans toutefois que le nouveau dispositif fasse double emploi avec les interdictions existantes (pratiques discriminatoires, remises de référencement sans contrepartie, menaces de déréférencement pour obtenir des avantages dérogatoires, ruptures de relations commerciales sans préavis).

Comme l'avait demandé la mission d'information, le Gouvernement propose d'interdire purement et simplement deux pratiques particulièrement abusives qui se sont développées depuis le vote de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 : le versement d'avantages financiers rétroactifs et le paiement d'un droit d'accès au référencement. Ces pratiques scandaleuses, dénoncées par la majorité des groupes de grande distribution (lire le compte rendu de l'audition de la commission de la production du 29 novembre 1999), ont été décrites dans le rapport de mission de votre rapporteur.

En outre, le présent article permet au ministre chargé de l'économie de se substituer pleinement aux victimes qui sont dans l'impossibilité de se porter devant les tribunaux en raison du risque de représailles de leurs clients. le ministre pourra donc demander la répétition de l'indu, c'est-à-dire la restitution des sommes indûment versées, et le versement de dommages et intérêts. En dernier lieu, afin d'éviter qu'une entreprise considère que mettre en _uvre une pratique restrictive de concurrence lui donnera toujours un avantage dans la concurrence même si elle doit réparer les dommages causés à ses concurrents, le projet de loi, comme la mission d'information l'avait demandé, permet d'infliger une amende civile d'un montant maximal de 2 millions d'euros (13,1 millions de francs).

Le rapport de la mission d'information expliquait en ces termes le régime de l'amende civile :

« Aucune amende civile n'est prévue par les textes régissant le droit de la concurrence. En principe, l'amende civile a un caractère disciplinaire et sanctionne le non-respect de prescriptions formelles. C'est une mesure qui a pour objectif la bonne administration de la justice. Dans tous les cas, le ministère public et lui seul peut demander le prononcé de l'amende ; les parties au litige ne le peuvent pas.

« L'amende civile permet, en fait, de sanctionner des comportements dilatoires et de pure chicane et elle n'est donc pas destinée à indemniser les parties. Elle génère un contentieux objectif mais trouve difficilement sa place dans un dispositif de responsabilité qui est par nature subjectif.

« Son application au droit de la concurrence devrait cependant être étudiée. Actuellement elle est prévue dans les domaines suivants :

« - en matière de tutelle, le juge des tutelles peut prononcer une amende civile dans le cas où les administrateurs légaux ne défèrent pas à ses injonctions (article 395 du code civil) ou lorsque les membres du conseil de famille n'assistent pas à la réunion sans excuse légitime (article 412 du code civil) : amende de 50 à 500 F (art. 1230 du code de procédure civile) ;

« - pour la convocation de témoins dans une procédure civile, en cas de défaillance des témoins ou de non-respect de l'obligation de comparaître (article 207 du code de procédure civile) : amende de 100 à 10 000 F ;

« - la production en connaissance de cause d'une pièce fausse devant le juge civil (article 305 du code de procédure civile) : amende obligatoire de 100 à 10 000 F ;

« - le fait pour quelqu'un dans une procédure civile de dénier à tort un acte qui lui est imputé (par exemple, le refus de reconnaître sa propre écriture) (article 559 du code de procédure civile) : amende de 100 à 10 000 F ;

« - le pourvoi en cassation abusif : amende d'un montant maximum de 20 000 F (article 628 du code de procédure civile) ;

« - le non-respect de l'obligation d'obtenir un permis de démolir (article L. 432 du code de l'urbanisme) : amende de 2 000 à 500 000 F versée pour moitié à l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et pour moitié à la caisse nationale des monuments historiques et des sites. »

La commission a rejeté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant rédaction globale de l'article et proposant une nouvelle rédaction des points 1 à 3 de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et supprimant notamment le paragraphe IV de l'article 29 du projet de loi qui établit la nullité de deux pratiques illicites après que le rapporteur pour avis eut estimé que ce dispositif définissant des « clauses noires » constituait le c_ur du dispositif de l'article, recueillait un avis favorable unanime des fournisseurs et était conforme aux souhaits de la mission d'information.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Claude Gaillard prévoyant que le préavis permettant la rupture d'une relation commerciale établie sans engager la responsabilité de son auteur devra, d'une part, être motivé et, d'autre part, respecter une durée minimale de six mois.

M. Claude Gaillard a indiqué que l'obligation de motiver le préavis permettrait d'éviter que la distributeur n'utilise le déréférencement comme arme de négociation dans un contexte déséquilibré et que le juge exerce un contrôle réel en cas de contentieux.

Le rapporteur pour avis s'est déclaré favorable à l'obligation de motiver le préavis mais a jugé que l'idée de fixer un délai minimal de préavis par la loi, qu'il avait lui-même initialement trouvé séduisante, ne lui paraissait pas opportune et qu'il était préférable de prévoir, comme le fait le projet de loi, que cette durée minimale est déterminée par des accords interprofessionnels et qu'elle doit tenir compte de la durée de la relation commerciale, le juge appréciant cette proportionnalité au cas par cas.

M. Jean-Paul Charié a déclaré partager l'analyse du rapporteur pour avis pour ce qui concerne le délai et a indiqué qu'après réflexion, il n'était pas non plus favorable à l'obligation de motiver le préavis. Celle-ci lui semble en effet remettre en question la liberté fondamentale de rompre une relation commerciale et être susceptible de créer des contentieux dans la mesure où le juge pourrait être amené à se prononcer sur la réalité ou le bien-fondé de la motivation. Il a conclu en jugeant que les contraintes prévues étaient suffisantes et qu'il était préférable de ne pas en ajouter de nouvelles.

M. Claude Gaillard a contesté ces objections. Il a tout d'abord estimé qu'il pouvait en effet être dangereux d'ajouter des contraintes nouvelles qui risquent de pénaliser les petites et moyennes entreprises dont les dirigeants souhaitent, lorsqu'il ne s'agit pas d'entreprises du secteur agricole, que l'on cesse de légiférer sur ces questions. Il a ensuite précisé que son amendement ne lui semblait pas contraire à l'esprit de la loi qui vise à compenser le déséquilibre en défaveur des plus faibles et laissait jouer librement les relations commerciales. Il a conclu en acceptant, compte tenu des observations du rapporteur pour avis, de rectifier son amendement pour en supprimer le délai minimal de six mois.

La commission a adopté cet amendement ainsi rectifié (amendement n° 108).

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis doublant la durée du préavis préalable à la rupture d'une relation commerciale établie lorsque celle-ci porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, son auteur ayant expliqué qu'il convenait de protéger particulièrement les entreprises fournissant ces produits en raison de leur dépendance extrême vis-à-vis de la centrale d'achat qui est également leur donneur d'ordre (amendement n° 109).

Cet amendement est justifié par le fait que les entreprises fournissant des produits sous marque de distributeur sont particulièrement fragiles en raison de leur forte dépendance vis-à-vis de la centrale d'achat qui est également leur donneur d'ordre. Un déréférencement d'un producteur d'une marque de distributeur anéantit l'entreprise dans la mesure où celle-ci n'est pas propriétaire de la marque, où tout son outil de travail est conçu pour cette production spécifique et où le chef d'entreprise ne possède pas de parts de marché reconnues en dehors de celles de la marque de distributeur. A ce jour, tous les cas de déréférencement total ou partiel de produits sous marque de distributeur se sont traduits par des mises au chômage ou des liquidations d'entreprise. Les enseignes de grande distribution n'hésitent en effet pas à contraindre leur propres distributeurs à comprimer à l'excès leurs prix après avoir laissé passer une période de succès de deux à trois ans pendant laquelle l'entreprise a investi et le produit s'est implanté. La recherche du prix le plus bas domine donc également ce marché.

Une protection particulière est donc nécessaire. C'est pourquoi l'amendement propose de doubler le délai de préavis pour ces entreprises afin de leur laisser plus de temps afin de reconvertir leur outil de travail et trouver de nouveaux débouchés.

La commission a ensuite rejeté, conformément à l'avis du rapporteur pour avis, deux amendements de M. Jean-Paul Charié, le premier disposant que les interprofessions, au même titre que le ministre chargé de l'économie, peuvent fixer la durée minimale de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, et le second précisant que l'encadrement des conditions de rupture des relations commerciales inclut la fixation des modalités d'indemnisation.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Paul Charié visant à prévoir une dérogation à la nullité des clauses permettant d'obtenir le paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la passation de toute commande, en faveur des contrats conclus par les coopératives de commerçants, d'artisans ou de pharmaciens. Son auteur à expliqué que le référencement était l'activité principale de ces coopératives et qu'il convenait de leur permettre d'être rémunérées pour ne pas remettre en cause leur existence même.

Le rapporteur pour avis s'est déclaré défavorable à cet amendement dont il a estimé que l'adoption risquerait de créer une faille dans le dispositif qui serait exploitée sur le champ pour contourner l'interdiction mais à indiqué qu'il étudierait la question spécifique des coopératives.

La commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un autre amendement de M. Jean-Paul Charié visant à permettre au ministre, d'une part, d'agir devant les juridictions pénales et, d'autre part, de demander la cessation des pratiques mentionnées dans tout le titre IV de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et non pas seulement dans l'article 36 de celle-ci.

Après que le rapporteur pour avis eut indiqué qu'il souhaitait que l'intervention du ministre se limite à la sanction des pratiques mentionnées à l'article 36 de l'ordonnance, la commission a rejeté cet amendement.

Suivant son rapporteur pour avis, la commission a également rejeté deux autres amendements de M. Jean-Paul Charié visant à supprimer la possibilité pour le ministre, pour le premier amendement, de demander la répétition de l'indu et, pour le second, de demander la réparation du préjudice subi que M. Jean-Paul Charié a estimé particulièrement difficile à évaluer en l'absence de la victime.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 29 ainsi modifié.

Après l'article 29

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis, a présenté un amendement visant à compléter l'article 28 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat afin de rendre opposables les schémas de développement commercial aux autorités chargées de délivrer des autorisations d'urbanisme touchant les surfaces de vente ou les établissements visés aux articles 29 et 29-1 de ladite loi et à celles chargées de délivrer les autorisations visées à ces mêmes articles. Il a précisé que cet amendement avait pour objet d'ouvrir un débat avec le Gouvernement sur le sujet de l'équipement commercial et a déclaré qu'il était prêt à le retirer ultérieurement. M. Patrick Rimbert a noté que cet amendement était incompatible avec la position adoptée par l'Assemblée nationale lors de la première lecture du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. En effet, il a été décidé que le schéma de cohérence territoriale, document d'urbanisme, comprenne un chapitre particulier relatif à l'équipement commercial qui précise les orientations applicables aux localisations préférentielles des commerces dans leur périmètre. Il n'a donc pas à donner d'orientation en matière d'équipement commercial, ce dernier devant être encadré par les schémas de développement commercial. Il ne peut donc être envisagé de subordonner des autorisations d'urbanisme aux décisions des commissions départementales d'équipement commercial. Le véritable problème est en fait celui du contenu même des schémas de développement commercial. Le rapporteur pour avis a alors proposé de rectifier son amendement afin que les dispositions de ces schémas soient opposables aux seules autorités chargées de délivrer les autorisations visées à l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973 précitée. Après que M. Jean-Claude Daniel se fut interrogé sur la pertinence d'un assujettissement des décisions prises par les commissions départementales d'équipement commercial aux décisions prises en matière d'urbanisme, M. Jean-Paul Charié a estimé qu'il convenait de renforcer l'opposabilité des schémas de développement commercial afin d'assurer une cohérence aux décisions que les élus ont à prendre à la fois en matière d'organisation territoriale et en matière d'organisation du commerce. Puis, M. Jean Proriol a estimé que cet amendement aurait eu davantage sa place dans l'examen du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. A l'issue du débat, la commission a rejeté cet amendement.

Article 30

Encadrement des mentions d'étiquetage

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article additionnel après l'article 30

Encadrement des modes de production de l'agriculture raisonnée

La commission a adopté un amendement de M. François Patriat portant article additionnel, insérant dans le code rural un article L. 640-3, aux termes duquel il revient à un décret de définir les modes de production raisonnés en agriculture et de préciser les modalités de qualification des exploitations et de contrôle applicables et les conditions d'agrément des organismes chargés de la mise en _uvre ; ce décret doit également déterminer les conditions d'utilisation du qualificatif d'agriculture raisonnée ou de toute autre dénomination équivalente (amendement n° 110).

La commission a en conséquence rejeté un amendement de M. Claude Gaillard ayant le même objet visant à encadrer les modes de production de l'agriculture raisonnée dans leur contenu et leurs modalités de mise en _uvre.

Article 31

Conditions d'utilisation simultanée d'une marque commerciale et d'un signe d'identification de la qualité ou de l'origine

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article additionnel après l'article 31

Étiquetage des produits vendus sous marque de distributeur

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis portant article additionnel visant à introduire des éléments de transparence du marché des produits vendus sous marque de distributeur (amendement n° 111 Rect.). Il prévoit que l'étiquetage de ces produits doit mentionner le nom et l'adresse du fabricant et faire apparaître le sigle de l'enseigne distributrice ; il définit en outre les produits vendus sous marque de distributeur.

Cet amendement vise à introduire des éléments de transparence du marché des produits vendus sous marque de distributeur. Ces produits sont caractérisés par le fait que le cahier des charges de la production est élaboré par l'enseigne de distribution (ou sa centrale d'achat) et est modifiable sur sa seule décision. En outre, le groupe de distribution reste seul propriétaire de la marque. Bien souvent le producteur se trouve dépossédé de son savoir-faire, et lorsqu'il est déréférencé, il perd toute présence sur le marché, son nom restant inconnu des consommateurs et des professionnels du marché.

Article additionnel après l'article 31

Appellations « chocolat pur beurre de cacao »
et « chocolat traditionnel »

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis portant article additionnel précisant que les dénominations « chocolat pur beurre de cacao » et « chocolat traditionnel » et toutes les autres dénominations équivalentes sont réservées aux chocolats fabriqués à partir des seules graisses tirées des fèves de cacaoyers, sans adjonction de matière grasse végétale (amendement n° 112 Rect.). L'amendement vise en fait à protéger le consommateur contre les abus d'appellation que la nouvelle réglementation européenne ne manquera pas de produire.

Article additionnel après l'article 31

Calcul du prix de revente

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant article additionnel définissant le prix de revente comme le prix affiché diminué de tous les avantages financiers sous quelques formes qu'ils soient, directs ou indirects, offerts au client, par le commerçant ou un de ses fournisseurs, afin que ce prix ne soit pas inférieur au prix d'achat effectif (amendement n° 113 Rect.). Son auteur a expliqué que cet amendement visait à prendre en compte dans le calcul du seuil de revente à perte les réductions forfaitaires accordées, sur l'ensemble de leurs achats, aux consommateurs achetant certains produits.

Article additionnel après l'article 31

Protection des petites entreprises vis-à-vis du démarchage abusif

La commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant article additionnel insérant des articles 7-1 et 7-2 dans le code du commerce, aux termes desquels :

- les dispositions relatives au démarchage du chapitre 1er du titre II du livre 1er du code de la consommation sont applicables au démarchage au domicile, à la résidence ou au lieu de travail d'un professionnel agissant dans le cadre d'une entreprise de moins de 51 salariés ;

- pour toutes les opérations de vente à distance des professionnels à l'exception de celles entrant dans le cadre de relations commerciales régulières ou des commandes passées par des entreprises de plus de cinquante salariés, l'acheteur dispose d'un délai de 7 jours francs à compter de la livraison, pour faire retour du produit, sans pénalité (amendement n° 114).

Cet amendement vise en fait à faire bénéficier les plus petites entreprises, en particulier les artisans, de la protection dont bénéficie les consommateurs vis-à-vis du démarchage à domicile. Ces chefs d'entreprise sont en effet souvent abusés par des représentants de commerce qui viennent leur vendre des petits équipements.

Article additionnel après l'article 31

Sociétés coopératives de commerçants détaillants

M. Jean-Paul Charié a présenté un amendement reprenant des dispositions contenues dans la proposition de loi n° 1709 de M. Jean-Louis Dumont relative aux sociétés coopératives de commerçants. Cet amendement précise le régime juridique de ces sociétés, afin de lutter contre les distorsions de concurrence existant entre les commerçants indépendants et ceux qui appartiennent à une structure intégrée. Après que M. Jean-Paul Charié eut souligné que Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat lui avait confirmé son accord avec cette proposition de loi, la commission a adopté cet amendement portant article additionnel (amendement n° 115).

Article additionnel après l'article 31

Utilisation du terme « fermier » dans le secteur de la volaille

La commission a examiné un amendement de M. François Patriat visant à préciser l'utilisation du terme « fermier » et de mentions valorisantes lorsqu'ils s'appliquent au secteur de la volaille, afin d'assurer une meilleure articulation du droit français avec la réglementation communautaire en vigueur. M. Jean-Claude Daniel ayant proposé un sous-amendement précisant que les expressions « fermier-élevé en plein air » ou « fermier-élevé en liberté », ou toute autre expression équivalente, peuvent être utilisées dans des conditions fixées par décret, la commission a adopté ce sous-amendement. Puis elle a adopté l'amendement ainsi modifié portant article additionnel (amendement n° 116).

Cet amendement a en fait pour principal objectif de mieux articuler certaines dispositions communautaires existant dans le secteur de la volaille avec les signes de qualité. En effet, l'imprécision de la situation actuelle a conduit certains opérateurs à s'accaparer les mentions valorisantes sans retour pour les agriculteurs.

Un amendement de M. Claude Gaillard relatif à l'utilisation du qualificatif « fermier » est en conséquence devenu sans objet.

Après l'article 31

M. Jean-Paul Charié a, compte tenu de l'adoption d'un article additionnel par la commission, retiré un amendement incluant dans le calcul du seuil de revente à perte des carburants vendus au détail les coûts additionnels indissociables de cette revente.

TITRE II

LUTTE CONTRE LES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Chapitre Ier

Procédure devant le conseil de la concurrence

Article 32

Délégation des attributions du rapporteur général

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article additionnel après l'article 32

(article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Prohibition de l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique

La mission d'information sur l'évolution de la distribution avait attiré l'attention sur l'imperfection du droit français en matière de protection vis-à-vis des abus de dépendance économique :

« Comme il a été analysé dans la deuxième partie du rapport, le Conseil de la concurrence n'est pas en mesure de sanctionner les abus de position dominante et surtout l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique quand la pratique n'affecte pas le jeu de la concurrence sur le marché concerné. L'interdiction figurant à l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est en effet liée aux conditions de mise en jeu inscrite à l'article 7 (« lorsque [les pratiques] ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché »).

« La mission d'information considère que l'abus de dépendance économique ne peut être véritablement sanctionné qu'en retirant cette condition d'atteinte au jeu de la concurrence sur le marché car les pratiques concernent des PME dont la disparition n'affectera jamais le marché.

« Le législateur de 1996 a donné au Conseil de la concurrence des attributions en matière de contrôle des prix de vente aux consommateurs abusivement bas alors même que l'infraction n'est pas liée à une atteinte au jeu de la concurrence sur le marché. Il convient d'adopter une démarche comparable pour l'abus de dépendance économique. Ainsi l'article 10-1 de l'ordonnance prohibant les prix abusivement bas ne permet d'infliger des sanctions que lorsque les « offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits » : c'est la sanction des prix prédateurs, par nature anticoncurrentiels, qui est visée.

« L'attribution contentieuse du Conseil de la concurrence en matière d'exploitation abusive d'un état de dépendance économique pourrait donc être redéfinie en ôtant la condition d'atteinte au jeu de la concurrence sur le marché. Il s'agit de pouvoir sanctionner la pratique conduisant à la disparition de l'entreprise ou à son retrait d'un marché (comme en matière de prix abusivement bas il faut viser les cas d'éviction d'une entreprise ou d'un produit). Il faut en effet éviter que le droit ne permette la protection de rentes de situation détenues par des PME-PMI ou prémunir certaines d'entre elles des effets naturels de leur inefficacité économique.

« En outre, cette réforme nécessiterait de redéfinir les cas d'abus cités au dernier alinéa de l'article 8. La liste des abus correspond plus à une situation d'exploitation abusive d'une position dominante qu'à une exploitation abusive d'un état de dépendance économique. Cette redéfinition permettrait de sérier les dysfonctionnements. En ce sens, il conviendrait de viser les pratiques illicites définies à l'article 36 de l'ordonnance.

« Cette nouvelle définition de l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique permettrait toujours de sanctionner les situations anticoncurrentielles actuellement visées par l'article 8 de l'ordonnance. » (titre IV du rapport d'information, p. 204 et 205).

« Les fournisseurs n'osent pas attaquer les distributeurs du fait de la dépendance économique dans laquelle ils se trouvent vis-à-vis de ces derniers, et ce qui a sans doute le plus marqué la mission d'information est la loi du silence qui prévaut en public, les fournisseurs ne parlant qu'en privé des abus qu'ils subissent, demandant à ne jamais être cités par peur d'être déréférencés. Les autorités publiques, notamment la DGCCRF, ne s'autosaisissent que très rarement, et quand le ministre chargé de l'économie le fait, ce pouvoir lui est contesté par la Cour de cassation qui a limité son champ de compétence à la demande d'arrêt des pratiques abusives, ce qui ne lui permet pas d'introduire une demande de réparation.

« La quasi totalité des représentants des fournisseurs et du monde agricole demande, dans ce but, de modifier l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui interdit certaines pratiques restrictives, afin d'ajouter un alinéa interdisant l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique.

« Tout en poursuivant le même but, la mission d'information estime prioritaire, par souci d'efficacité, de modifier l'article 8 de l'ordonnance. On pourra se reporter au chapitre sur la dépendance économique dans le titre I du rapport et au chapitre sur la place du Conseil de la concurrence dans le titre IV pour l'analyse précise des faits et du droit ayant conduit à cette conclusion. En résumé, l'article 8 permet au Conseil de la concurrence d'intervenir et d'utiliser ses pouvoirs d'instruction, d'expertise et de sanction que lui seul détient, alors qu'une révision de l'article 36 ne se traduira que par une condamnation à réparer prononcée par les tribunaux civils ou commerciaux.

« L'attribution contentieuse du Conseil de la concurrence en matière d'exploitation abusive d'un état de dépendance économique pourrait être redéfinie en ôtant la condition d'atteinte au jeu de la concurrence sur le marché. Il s'agit de pouvoir sanctionner la pratique conduisant à la disparition de l'entreprise ou à son retrait d'un marché (comme en matière de prix abusivement bas il faut viser les cas d'éviction d'une entreprise ou d'un produit). Il faut en effet éviter que le droit ne permette la protection de rentes de situation détenues par des PME-PMI ou prémunir certaines d'entre elles des effets naturels de leur inefficacité économique. Afin de caractériser l'abus de dépendance économique, l'article 8 devrait se référer aux pratiques illicites définies à l'article 36 sans se limiter à cette énumération. » (conclusion du rapport de la mission).

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis portant nouvelle rédaction de l'article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, pour permettre de sanctionner l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique alors même qu'il n'y a pas d'atteinte au jeu de la concurrence sur le marché. M. Jean-Yves Le Déaut a souligné que cette disposition devait permettre au conseil de la concurrence de sanctionner les pratiques conduisant à la disparition de l'entreprise ou à son retrait puisque dans ce cas le fonctionnement ou la structure de la concurrence sont affectés. Il a ajouté que cette mesure venait en complément de la réforme de l'article 36 de l'ordonnance, comme la mission d'information l'avait demandé. M. Jean-Paul Charié a proposé de supprimer dans cet amendement la précision selon laquelle l'entreprise cliente ou le fournisseur en état de dépendance économique ne doit pas disposer de solution équivalente.

Après avoir adopté ce sous-amendement, la commission a adopté l'amendement ainsi modifié portant article additionnel (amendement n° 117).

Article 33

Transmission de la notification des griefs et délai

La commission a examiné un amendement de M. Jean Proriol visant à laisser au président du Conseil de la concurrence le soin de décider, s'il y a lieu, d'accorder aux entreprises un délai supplémentaire pour présenter leurs observations à compter de la notification des griefs. Le rapporteur pour avis ayant souligné que la procédure d'instruction des dossiers était déjà trop longue, la commission a rejeté cet amendement. Puis, elle a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 34

Recours à la procédure simplifiée et plafond des sanctions
prononcées en cas d'application de cette procédure

La commission a rejeté un amendement de M. Jean Proriol maintenant la possibilité de recours à la procédure simplifiée devant la commission permanente et portant le plafond des sanctions à 150 000 euros.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 35

Secret des affaires

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 36

Procédure en matière d'expertise

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Après l'article 36

La commission a rejeté un amendement de M. Claude Gaillard prévoyant que les accords de crise prévus par l'article 71 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, passés entre des organisations professionnelles, peuvent prendre la forme d'accords conclus dans le cadre d'organisations interprofessionnelles reconnues. Elle a ensuite rejeté un amendement du même auteur précisant que la notion de progrès économique visée à l'article 10 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 incluait la création ou le maintien d'emplois, au motif qu'un amendement ayant le même objet a été adopté avant l'article 27.

Chapitre II

Avis et décisions du conseil de la concurrence

Article 37

Mesures conservatoires

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 38

Décisions de sanctions

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Paul Charié visant à réduire de moitié le montant maximum de la sanction encourue, lorsqu'en réponse à une notification de griefs, un organisme ou une entreprise admet avoir participé à l'élaboration ou à la mise en _uvre de pratiques prohibées ayant donné lieu à grief. Le rapporteur pour avis ayant proposé de substituer au verbe « admet » les termes « ne conteste pas », par coordination avec la rédaction du projet de loi, la commission a adopté ce sous-amendement ; puis, elle a adopté cet amendement ainsi modifié (amendement n° 118).

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Jean Proriol supprimant la procédure spéciale de clémence accordée au ministre chargé de l'économie ou au Conseil de la concurrence. Puis la commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié précisant que les sanctions pécuniaires ne sont pas applicables à une entreprise lorsque celle-ci a été la première à saisir le Conseil de la concurrence de cette pratique et qu'elle en a apporté des preuves dont l'administration ou le conseil ne disposaient pas (amendement n° 119). Un amendement de M. Jean Proriol est alors devenu sans objet.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 38

Participation du rapporteur général et du rapporteur au délibéré

La commission a adopté un amendement de M. Jean Proriol portant article additionnel visant à abroger le dernier alinéa de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 précitée aux termes duquel le rapporteur général et le rapporteur peuvent participer au délibéré du Conseil de la concurrence, ce qui constitue une atteinte au principe du contradictoire condamnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 février 1999 (COB c/ Jean-Marc Oury) en application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui garantie à chacun le droit à un procès équitable (amendement n° 120).

Article 39

Irrecevabilité et rejet des saisines du Conseil de la concurrence

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 40

Classement sans suite

Le présent article vise à accélérer le traitement des dossiers soumis au Conseil de la concurrence en lui permettant de décider de classer sans suite ceux pour lesquels aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie (premier alinéa de l'article) et ceux pour lesquels le conseil « estime établi que l'effet ou l'effet potentiel des pratiques en cause ne porte pas une atteinte substantielle à la concurrence sur le marché » (dernier alinéa).

Ce dernier cas de figure risque de toucher directement toutes les plaintes déposées par les PME-PMI car les pratiques illicites dont elles sont les victimes, même si elles entraînent leur éviction du marché, ne porteront jamais une atteinte substantielle à la concurrence sur le marché. Les plus petites entreprises risquent donc d'être sacrifiées sur l'autel de l'accélération du traitement des plus grosses affaires.

Cette approche procédurale n'est pas conforme aux engagements pris à l'égard des PME-PMI. Pour ces motifs, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à supprimer le dernier alinéa de cet article (amendement n° 121).

Puis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 40

Extension de la compétence du Conseil de la concurrence aux actes mettant en _uvre des prérogatives de puissance publique

Lorsqu'une pratique anticoncurrentielle est mise en _uvre par un acte administratif (contrat ou décision prise dans le cadre d'une mission de service public en mettant en _uvre des prérogatives de puissance publique), le Tribunal des conflits estime que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour connaître de la pratique. Il juge en effet que seul le Conseil d'Etat peut apprécier la légalité d'un acte administratif mettant en _uvre une prérogative exorbitante du droit commun et que, dès lors, le Conseil de la concurrence ne peut sanctionner la pratique anticoncurrentielle considérée comme indétachable de l'acte administratif. Cette solution est fortement critiquée par la doctrine (lire l'article de M. Sargos dans Le Monde ou du Pr. Bazex dans le numéro de l'AJDA du 20 décembre 1999) et elle l'a été implicitement par la Cour de Cassation dans l'affaire concernant la Ligue nationale de football.

De nombreuses pratiques anticoncurrentielles peuvent prendre la forme d'un acte ou d'un contrat administratif. Ainsi, le gestionnaire d'un aéroport intéressé au bénéfice des nuitées dans l'enceinte de l'aéroport peut conclure un accord avec les hôteliers qui sont installés sur l'emprise de l'aéroport pour refuser de signaler aux passagers les hôtels qui sont en bordure de cette emprise. De même un aéroport peut s'entendre avec une compagnie aérienne pour lui attribuer de façon préférentielle un terminal au détriment de ses concurrents renvoyés dans un terminal plus lointain.

De même, une fédération sportive peut s'entendre avec un sponsor pour lui donner des droits exclusifs au détriment de ses concurrents. Elle peut également refuser la présence de certains fournisseurs dans les stands de présentation de matériels liés à la pratique du sport. La météo nationale peut refuser de vendre des données à l'éditeur d'un journal météo au motif que cela ferait concurrence à ses propres services d'information météorologique. Une collectivité territoriale peut s'entendre avec un fournisseur pour lui attribuer préférentiellement un marché à l'occasion d'un appel d'offres. Un afficheur peut signer des contrats avec les municipalités pour la pose exclusive de matériel urbain lui assurant de pouvoir s'opposer à la remise en jeu de sa concession pendant des dizaines d'années. etc.

Compte tenu du caractère extensif de la notion de service public en France (qui couvre des secteurs aussi variés que la santé, l'archéologie, le sport, les fourrières d'animaux, etc.), un très grand nombre de pratiques sont ainsi exclues du champ de compétence du Conseil de la concurrence.

Qui plus est - et c'est cela le plus grave - les auteurs de telles pratiques ne peuvent être sanctionnés pécuniairement sur le fondement du droit de la concurrence puisque le Conseil d'Etat ne peut appliquer sur ce point les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. Tout au plus l'acte matérialisant la pratique peut-il être déclaré illégal et les victimes peuvent-elles réclamer dédommagement du préjudice subi. Ainsi les détenteurs d'une mission de service public disposant de prérogatives de puissance publique (SNCF, EDF, fédérations sportives, etc.) sont-ils quasiment assurés de l'impunité s'ils mettent en _uvre des pratiques anticoncurrentielles.

La situation ainsi créée, outre qu'elle conduit à ne pas sanctionner avec efficacité certaines pratiques anticoncurrentielles en droit national, crée une situation pour le moins étrange dans le cas des pratiques qui relèvent à la fois du droit national et du droit européen. En effet, le Conseil de la concurrence est pleinement compétent pour appliquer le droit communautaire, lequel ne traite pas différemment les pratiques d'entreprises selon qu'elles ont ou non pris la forme d'une décision administrative. Ainsi les pratiques considérées, si elles ne peuvent être sanctionnées par le conseil lorsqu'il applique le droit national, peuvent l'être par la Commission européenne en application du droit communautaire (pour autant, bien entendu, qu'elles affectent le commerce entre Etats membres). Dès lors que le Conseil de la concurrence a compétence pour appliquer le droit communautaire et sanctionner des infractions aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, il peut également sanctionner ces pratiques alors même qu'il n'est pas compétent pour leur appliquer le droit national (aucune autorité nationale n'est d'ailleurs en mesure de les sanctionner pécuniairement au plan national).

Le Tribunal des Conflits dans ses interprétations de l'article 53 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 a introduit une confusion regrettable (mais volontaire) entre les notions de pratique et celle d'activité de l'entreprise (en estimant par exemple que la dévolution d'un marché ne constitue pas une activité de production, de distribution ou de service - voir l'arrêt ville de Pamiers - et que par voie de conséquence le Conseil de la concurrence ne pouvait examiner sous l'angle du droit de la concurrence un problème d'attribution de marché public). Dans d'autres cas il s'est appuyé sur une conception particulièrement large de la notion d'acte indétachable (par exemple en estimant que l'entente entre Aéroport de Paris et Air France était indétachable de la décision administrative d'affectation du domaine public, laquelle échappait à la compétence du Conseil de la concurrence).

L'objet de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 est d'éliminer toutes les pratiques qui sont susceptibles d'affecter la concurrence dans un secteur d'activité de production, de distribution ou de service. La question de savoir si la pratique est elle-même une activité de production, de distribution ou de service n'est pas pertinente. Elle ne se pose d'ailleurs pas en ce qui concerne les entreprises privées (par exemple un refus de vente n'est pas en soi une activité de production, de distribution ou de service mais constitue une pratique qui peut cependant être qualifiée au regard de l'article 8 de l'ordonnance).

La seule question pertinente devrait être celle de savoir si la pratique, quelle que soit la forme juridique qu'elle a revêtue, a affecté une activité de production, de distribution ou de service.

Cette modification implique-t-elle qu'un arrêté municipal interdisant le stationnement dans une rue relève du droit de la concurrence ? La réponse est évidemment non pour la même raison que celle qui fait que l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne n'est pas applicable à un tel arrêté. En tant qu'acte unilatéral il ne pourrait relever que des dispositions concernant l'abus de position dominante or ces dispositions, contrairement à celles de l'article 7 de l'ordonnance, ne s'appliquent qu'aux pratiques d'entreprises. Un maire n'est pas une entreprise car dans son activité de maire il ne fait pas face à un risque d'entreprise ; cette interprétation est confirmée par la jurisprudence européenne.

C'est pourquoi, après un avis favorable du rapporteur pour avis, la commission a adopté un amendement de M. Jean-Paul Charié portant article additionnel visant à étendre la compétence du Conseil de la concurrence à l'ensemble des pratiques mises en _uvre par des collectivités ou par des entreprises publiques privées, y compris lorsqu'elles revêtent la forme d'un acte ou d'un contrat administratif dont le contentieux de l'appréciation de légalité relève de la juridiction administrative (amendement n° 122).

Chapitre III

Pouvoirs et moyens d'enquête

Articles 41, 42, 43, 44 et 45

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des articles 41, 42, 43, 44 et 45.

Article 46

Coopérations internationales conduites par le Conseil de la concurrence

La commission a adopté un amendement de M. Jean Proriol prévoyant l'information des parties intéressées lors de la transmission par le Conseil de la concurrence d'informations ou de documents à la Commission des Communautés européennes ou aux autorités étrangères (amendement n° 123).

Elle a ensuite rejeté deux amendements du même auteur, le premier prévoyant la possibilité d'un recours contre la décision de transmettre des informations et le second obligeant de s'assurer préalablement à la transmission que les informations communiquées ne seront pas utilisées dans une procédure pénale ou fiscale.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 46 ainsi modifié.

Article 47

Coordination avec la numérotation des articles du traité instituant la Communauté européenne

La commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

Puis, la commission a émis un avis favorable sur les titres I et II ainsi modifiés de la deuxième partie du projet de loi.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

DEUXIÈME PARTIE

RÉGULATION DE LA CONCURRENCE

TITRE IER

MORALISATION DES PRATIQUES COMMERCIALES

Avant l'article 27

Amendements nos 99 et 100 :

· Insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, après les mots : « progrès économique », sont insérés les mots : « , y compris par la création ou le maintien d'emploi, ».

· Insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est complété par les mots : « et de la vente de carburants au détail ».

Article 27

Amendement n° 101 :

· Rédiger ainsi cet article :

« I.- Le premier alinéa de l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est complété par une phrase ainsi rédigée : « La mention relative à l'origine est inscrite en caractères d'une taille égale à celle de l'indication du prix. »

« II.- Il est inséré après le troisième alinéa du même article deux alinéas ainsi rédigés :

« L'annonce de prix, dans des catalogues ou sur tout autre support promotionnel, y compris électronique, hors lieu de vente, portant sur la vente d'un fruit ou légume frais, quelle que soit son origine, est subordonnée à l'existence d'un accord interprofessionnel, conclu conformément aux dispositions de l'article L. 632-1 du code rural, qui précise les périodes où une telle annonce est possible et ses modalités. Cet accord interprofessionnel peut être étendu conformément aux dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4 du même code.

« Toute infraction aux dispositions des alinéas ci-dessus est punie d'une amende de 100 000 F. »

« III.- En conséquence, le deuxième alinéa du même article est supprimé. »

Après l'article 27

Amendement n° 102 :

Insérer l'article suivant :

Dans le cinquième alinéa de l'article 33 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, après le mot : « distributeur », sont insérés les mots : « , un client ».

Article 28

(Art. 30 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Amendement n° 103 :

· Rédiger ainsi cet article :

« Art. 30.- Une Commission d'examen des pratiques commerciales est créée. Elle est composée d'un député et d'un sénateur désignés par les commissions permanentes de leur assemblée compétentes en matière de relations commerciales entre fournisseurs et revendeurs, de membres, éventuellement honoraires, des juridictions administratives et judiciaires, de représentants des secteurs de la production et de la transformation agricole et halieutique, ainsi que industrielle et artisanale, des transformateurs, des grossistes, des distributeurs et de l'administration, ainsi que de personnalités qualifiées. Elle est présidée par un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire. Elle comprend un nombre égal de représentants des producteurs et des revendeurs.

« Les membres de la commission sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

« La commission a pour mission de donner des avis ou formuler des recommandations sur les questions, les documents commerciaux ou publicitaires, y compris les factures et contrats couverts par un secret industriel et commercial, et les pratiques concernant les relations commerciales entre producteurs, fournisseurs, revendeurs qui lui sont soumis. Elle assure, sous la responsabilité de son président, l'anonymat des saisines et des documents qui lui sont soumis, y compris vis-à-vis de ses membres.

« La commission est saisie par le ministre chargé de l'économie, le ministre chargé du secteur économique concerné, le président du Conseil de la concurrence, toute personne morale, notamment les organisations professionnelles ou syndicales, les associations de consommateurs agréées, les chambres consulaires ou d'agriculture, ainsi que par tout producteur, fournisseur, revendeur s'estimant lésé par une pratique commerciale. Elle peut également se saisir d'office. Le président de la commission peut décider de mettre en place plusieurs chambres d'examen au sein de la commission.

« L'avis rendu par la commission porte notamment sur la conformité au droit de la pratique ou du document dont elle est saisie et propose des solutions permettant de régler les litiges éventuels. Cet avis est communiqué aux seules personnes concernées et au ministre chargé de l'économie. Un décret précise les conditions nécessaires pour assurer l'anonymat des acteurs économiques visés dans les avis et recommandations de la commission.

« La commission entend, à sa demande, les personnes et fonctionnaires qu'elle juge utiles à l'accomplissement de sa mission. Son président peut demander qu'une enquête soit effectuée par les agents habilités à cet effet par l'article 48 de la présente ordonnance ou l'article L. 215-1 du code de la consommation, selon les procédures prévues. Le compte rendu de l'enquête est remis au président de la commission qui s'assure qu'il préserve l'anonymat des personnes concernées.

« La commission peut proposer d'assurer une médiation à des parties en litige ou proposer aux parties de porter à l'arbitrage leur litige selon les règles prévues par le code de procédure civile.

« La commission peut également décider d'adopter une recommandation sur les questions dont elle est saisie et toutes celles entrant dans ses compétences, notamment celles portant sur le développement des bonnes pratiques. Lorsqu'elle fait suite à une saisine en application du troisième alinéa, cette recommandation ne contient aucune indication de nature à permettre l'identification des personnes concernées. La recommandation est communiquée au ministre chargé de l'économie et est publiée sur décision de la commission. Par arrêté interministériel, les termes de cette recommandation peuvent, en outre, être rendus obligatoires sur l'ensemble du territoire.

« La commission exerce, en outre, un rôle d'observatoire régulier des pratiques commerciales, des facturations et des contrats conclus entre producteurs, fournisseurs, revendeurs qui lui sont soumis. Elle établit chaque année un rapport d'activité, qu'elle transmet au Gouvernement et aux assemblées parlementaires. Ce rapport est rendu public.

« Un décret détermine l'organisation, les modalités de fonctionnement et les moyens de la commission. ».

Après l'article 28

Amendements nos 104, 105, 106 et 107 :

· Insérer l'article suivant :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, après les mots : « questions à la demande », sont insérés les mots : « de la Commission d'examen des pratiques commerciales, ».

· Insérer l'article suivant :

« L'article 5 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également se saisir d'office. ».

· Insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, après les mots : « sont prohibées », sont insérés les mots : « , même par l'intermédiaire direct ou indirect de société du groupe implantée hors de France, ».

· Insérer l'article suivant :

« Il est inséré après l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1.- Lorsque le délai de paiement convenu entre les parties est supérieur à 45 jours, calculés à compter de la date de livraison des produits ou de prestation du service, l'acheteur doit fournir, à ses frais, une lettre de change d'un montant égal à la somme due contractuellement à son fournisseur, le cas échéant augmentée des pénalités de retard de paiement. Cette lettre de change indique la date de son paiement et doit être garantie par un établissement de crédit reconnu et établi sur le territoire national du pays où est établi le siège social du fournisseur. L'envoi de la lettre de change est réalisé sans qu'aucune demande ou démarche du débiteur soit nécessaire. Si le délai de paiement de la lettre de change conduit à dépasser le délai de paiement prévu par le contrat de vente, les pénalités de retard prévues par le troisième alinéa de l'article 33 sont automatiquement appliquées et exécutées par l'établissement de crédit visé ci-dessus, sans demande du fournisseur. Les dispositions du présent alinéa sont d'ordre public.

« Si l'acheteur ne fournit pas de lettre de change selon la procédure définie au présent article, il est passible d'une amende de 500 000 F. ou d'un montant égal à une fois et demi la somme due. En outre, les pénalités de retard prévues par le troisième alinéa de l'article 33 sont automatiquement appliquées à compter du 46ème jour suivant la date de réception de la facture par l'acheteur. ».

Article 29

Amendements nos 108 et 109 :

· Dans la première phrase du dernier alinéa (5°) du III de cet article, après les mots : « préavis écrit », insérer les mots : «  et motivé ».

· Après la première phrase du dernier alinéa (5°) du III de cet article, insérer la phrase suivante :

« Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. ».

Après l'article 30

Amendement n° 110 cor. :

Insérer l'article suivant :

« Il est inséré, avant le chapitre Ier du titre IV du livre VI (nouveau) du code rural, un article L. 640-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 640-3.- Un décret définit les modes de production raisonnés en agriculture et précise les modalités de qualification des exploitations et de contrôle applicables, ainsi que les conditions d'agrément des organismes chargés de la mise en _uvre. Il détermine également les conditions d'utilisation du qualificatif d' « agriculture raisonnée » ou de toute autre dénomination équivalente. ».

Après l'article 31

Amendements nos 111 rect, 112 rect, 113 rect, 114, 115 et 116 :

· Insérer l'article suivant :

« Il est inséré dans le code de la consommation un article L. 112-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-5.- L'étiquetage d'un produit vendu sous marque de distributeur doit mentionner le nom et l'adresse du fabricant. Il doit également faire apparaître le nom et le sigle de l'enseigne distributrice du produit.

« Est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu. ».

· Insérer l'article suivant :

« Il est inséré dans le code de la consommation un article L. 112-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-6.- Les dénominations « chocolat pur beurre de cacao » et « chocolat traditionnel » et toutes les autres dénominations équivalentes sont réservées aux chocolats fabriqués à partir des seules graisses tirées des fèves de cacaoyer, sans adjonction de matière grasse végétale. »

· Insérer l'article suivant :

« Il est inséré après le premier alinéa du I de l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de l'application de cet article, le prix de revente est celui affiché diminué de tous les avantages financiers, sous quelques formes qu'ils soient, directs ou indirects, offerts au client, par le commerçant ou un de ses fournisseurs. ».

· Insérer l'article suivant :

« I.- Le titre premier du livre premier du code de commerce est complété par deux articles ainsi rédigés :

« Art. 7-1.- Les dispositions de la section 3 (démarchage) du chapitre premier du titre II du livre premier du code de la consommation sont applicables au démarchage au domicile, à la résidence ou au lieu de travail d'un professionnel agissant dans le cadre d'une entreprise de moins de 51 salariés.

« Art. 7-2.- Pour toutes les opérations de vente à distance entre professionnels, qu'ils soient ou non commerçants, à l'exception des opérations entrant dans le cadre de relations commerciales régulières ou des commandes passées par des entreprises de plus de cinquante salariés, l'acheteur d'un produit ou d'une prestation de services dispose d'un délai de sept jours francs à compter de la livraison de sa commande ou de la première prestation de services pour faire retour du produit ou refuser la prestation, aux fins d'échange ou de remboursement, sans pénalités à l'exception des frais de retour.

« Les conditions d'application du présent article sont celles prévues par les articles L. 121-16 et L. 121-19 du code de la consommation. Pour l'application du présent article, les relations commerciales sont considérées comme régulières dès lors que le professionnel a acheté à plusieurs reprises au cours des douze derniers mois des biens et de prestations de même nature.

II.- Dans le 4° de l'article L. 121-22 du code de la consommation, il est substitué aux mots : « ou de toute autre profession », les mots : « de plus de quinze salariés ou de toute autre profession exercée dans le cadre d'une entreprise de plus de cinquante salariés. ».

· Insérer l'article suivant :

I.- 1er - Le premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 relative aux sociétés coopératives de commerçants détaillants est ainsi rédigé :

« Les sociétés coopératives de commerçants détaillants ont pour objet d'améliorer par l'effort commun de leurs associés les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale. A cet effet, elles peuvent notamment exercer directement ou indirectement pour le compte de leurs associés les activités suivantes : ».

- 2ème - Le dernier alinéa (f) de l'article 1er de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 précitée est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Définir et mettre en _uvre par tous moyens une politique commerciale commune propre à assurer le développement et l'activité de ses associés et notamment :

« - par la mise à disposition d'enseignes ou de marques dont elles ont la propriété ou la jouissance,

« - par la réalisation d'opérations commerciales publicitaires ou non pouvant comporter des prix communs. Toutefois, la faculté d'établir des barèmes de prix communs à l'occasion d'opérations non publicitaires n'est réservée qu'aux seules coopératives qui précèdent à l'établissement des comptes globalisés de leurs associés,

« - par l'élaboration de méthodes et de modèles communs d'achat, d'assortiment et de présentation de produits, d'architecture et d'organisation des commerces ; ».

- 3ème - L'article 1er de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« g) Prendre des participations même majoritaires dans des sociétés directement ou indirectement associées exploitant des fonds de commerce. ».

II.- L'article 4 de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les commerçants détaillants dont la coopérative est affiliée à une autre coopérative de commerçants détaillants peuvent bénéficier directement des services de cette dernière. ».

III.- Après l'article 4 de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 précitée, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :

« Art. 4-1.- L'admission de nouveaux associés est décidée par le conseil d'administration ou, s'il y a lieu, par le directoire, sur autorisation du conseil de surveillance. Cette décision est ratifiée, si les statuts le prévoient, par l'assemblée générale ordinaire.

« L'adhésion à la société coopérative entraîne, pour l'associé :

« a) L'engagement d'utiliser les services de la coopérative. Les statuts de chaque société coopérative organisent la forme, la nature, la durée et les modalités de cet engagement ainsi que les sanctions applicables en cas d'inexécution ;

« b) L'obligation de souscrire le nombre de parts sociales prévues aux statuts qui pourra être fonction de l'engagement visé au a) du présent article ;

« c) Sa participation à titre bénévole ou rémunéré, dans le cadre de l'effort commun demandé aux associés conformément à l'article 1er de la présente loi, à l'administration de la société coopérative par la mise à disposition de moyens et de compétence. »

IV.- Après l'article 4 de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 précitée, il est inséré un article 4-2 ainsi rédigé :

« Art. 4-2.- Sans préjudice des conventions spécifiques susceptibles d'être conclues entre la coopérative et ses associés, un règlement intérieur, approuvé selon les conditions et modalités prévues aux statuts, pourra compléter ces dernières en ce qui concerne, notamment, les rapports entre la société et ses associés. ».

V.- Dans le deuxième alinéa de l'article 7 de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 précitée, après les mots : « conseil de surveillance », sont insérés les mots : « , à l'exception, éventuellement, de celles de leur président, ».

· Insérer l'article suivant :

« L'article L. 640-2 du code rural est complété par les quatre alinéas suivants :

« Conformément aux réglementations communautaires en vigueur dans le secteur de la volaille :

« - les expressions « fermier - élevé en plein air » ou « fermier - élevé en liberté », ou toute autre expression équivalente, ne peuvent être utilisées que sur les produits ayant donné lieu à la délivrance, par l'autorité administrative, des signes d'identification que sont l'appellation d'origine contrôlée, le label ou la certification du mode de production biologique ainsi que dans des conditions fixées par décret ;

« - la référence aux modes d'élevage « élevé à l'intérieur, système extensif » et « sortant à l'extérieur » ainsi qu'à « l'âge d'abattage » ne peut être utilisée que sur les produits agricoles et alimentaires ayant donné lieu à la délivrance par l'autorité administrative d'une appellation d'origine contrôlée, d'un label, d'une certification de conformité ou d'une certification du mode de production biologique ;

« - la référence aux modes d'élevage concernant l'alimentation ne peut être utilisée, conformément aux réglementations communautaires en vigueur, que dans des conditions fixées par décret portant notamment sur les modalités d'agrément des abattoirs et de contrôle régulier. ».

TITRE II

LUTTE CONTRE LES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

chapitre Ier

Procédure devant le conseil de la concurrence

Après l'article 32

Amendement n° 117 :

· Insérer l'article suivant :

« L'article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est ainsi rédigé :

« Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article 7, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

« Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires visées à l'article 36. ».

Article 38

(Art. 13 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Amendements nos 118 et 119 :

· Rédiger ainsi le II de cet article :

« Lorsqu'en réponse à une notification de griefs, un organismes ou une entreprise ne conteste pas avoir participé à l'élaboration ou à la mise en _uvre des pratiques prohibées ayant donné lieu à grief, le montant maximum de la sanction qu'il encourt est réduit de moitié. Dans la même proportion, le conseil tient compte, quant au montant de la sanction, de l'absence de contestation. ».

· Rédiger ainsi le III de cet article :

« III.- Les sanctions pécuniaires ne sont pas applicables à une entreprise ou un organisme qui a , avec d'autres, mis en _uvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réunies : l'entreprise ou l'organisme bénéficiaire de la mesure a été le premier à saisir le conseil de la pratique ; à l'appui de sa saisine l'entreprise ou organisme a fourni au conseil les éléments de preuve permettant d'établir la réalité de la pratique prohibée et d'identifier ses auteurs ; le conseil ou l'administration ne disposaient pas de ces éléments de preuve antérieurement à leur fourniture par l'entreprise ou l'organisme. ».

Après l'article 38

Amendement n° 120 :

Insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 25 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est abrogé. ».

Article 40

Amendement n° 121 :

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

Après l'article 40

Amendement n° 122 :

Insérer l'article suivant :

« L'article 53 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil de la concurrence est compétent pour appliquer les règles définies au Titre III de l'ordonnance à toutes les pratiques mises en _uvre par des collectivités ou des entreprises, publiques ou privées, ou des associations de collectivités ou d'entreprises, y compris les pratiques revêtant la forme d'un acte ou d'un contrat administratif dont la juridiction administrative est seule compétente pour apprécier la légalité, dès lors que de telles pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou restreindre, directement ou indirectement, le jeu de la concurrence dans une activité de production, de distribution ou de service. ».

Article 46

(Art. 53-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Amendement n° 123 :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « ministre chargé de l'économie », insérer les mots : « et des parties intéressées ».

RAPPORT (N° 2072) D'INFORMATION
DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES
SUR L'ÉVOLUTION DE LA DISTRIBUTION
présenté par M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur
(11 janvier 2000)

CONCLUSION

La mission d'information sur l'évolution de la distribution a été constituée par la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale à la suite de la crise agricole de l'été 1999 et des craintes suscitées par la fusion des groupes Carrefour et Promodès. La mission a souhaité développer de manière argumentée ses conclusions sur les dossiers agricoles. Il sera ensuite exposé les conclusions concernant la régulation des relations entre fournisseurs et distributeurs. La mission d'information n'a toutefois pas souhaité qu'un droit spécial soit aménagé au sein de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence en faveur de l'agriculture car le droit de la concurrence doit rester d'application générale.

A.- LA FILIÈRE AGRICOLE

Le débat actuel sur l'organisation des filières de consommation a pour origine la crise sévère de la filière fruits et légumes d'août 1999. Les revendications se sont ensuite élargies à tous les fournisseurs de la grande distribution qui ont souhaité que le Gouvernement organise des assises de la distribution. Les organisations agricoles ont demandé avec insistance à la mission d'information de ne pas passer sous silence ou pertes et profits les particularités du secteur agricole, particulièrement celles du secteur des fruits et légumes.

Les problèmes sont à la fois les mêmes que ceux rencontrés par les fournisseurs d'autres biens de consommation, mais ils sont souvent plus aigus et toute crise se traduit par l'effondrement des prix se traduisant par des catastrophes instantanées dans les exploitations agricoles.

Toutes les organisations professionnelles et syndicales agricoles rencontrées sont conscientes de la nécessité d'une meilleure organisation des marchés et d'adapter la production à la consommation. Elles savent que cette mise en équation est plus difficile à réaliser dans le secteur des fruits et légumes que dans celui du lait ou de la viande.

La complémentarité entre la vente directe au consommateur, l'importation, la transformation, la vente aux grossistes ou à une centrale d'achat devrait permettre d'améliorer sensiblement la distribution des produits agricoles.

1. Mettre fin aux prix déstructurant le marché

a) Les prix prédateurs

Tous s'accordent pour affirmer qu'il faut sanctionner les prix prédateurs, car la concurrence dans le domaine agricole est réellement pervertie.

En cas de crise grave, certaines organisations demandent l'application de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, permettant de prendre, par décret en Conseil d'Etat, des mesures temporaires (un, deux ou trois mois, par exemple) pour lutter contre une baisse excessive des prix, notamment en fixant des prix minima de départ de production en fonction du coût de revient de la production. Ces prix pourraient être limités à des volumes de production. La mission d'information estime que cette possibilité devrait être utilisée par le Gouvernement, même si le ministère de l'économie et des finances y répugne dans la mesure où toute crise a pour conséquence mécanique des destructions d'emplois dans la filière agricole française et, par le jeu des importations, la promotion des produits provenant de pays où les salaires et les charges sociales sont plus bas.

Des organisations agricoles ont cité le cas du marché de la pomme : le fruit acheté cet été 1999 au producteur, en vrac, après cueillette, entre 1 F et 1,50 F le kilo (prix brut), soit en dessous de son prix de revient compris entre 1,70 F et 2,20 F, était revendu 12,90 F dans une enseigne et 25 F le kilo dans une autre.

Le porc est un cas un peu à part puisqu'il est en promotion six mois par an dans les grandes surfaces. La côte de porc a été proposée en promotion à 19,50 F alors qu'elle est vendue habituellement 40 F le kilo en rayon.

L'union du mareyage français décrit les mêmes phénomènes de prix d'appel ou de promotions qui perturbent gravement les filières (lire les exemples dans le point 3 du chapitre sur la revente à perte dans le titre III du rapport).

b) Les prix sur catalogue publicitaire sont virtuels et déstructurants

Les promotions de début de campagne contribuent même à créer des prix virtuels.

La promotion avec des produits d'appel est la recette toujours utilisée pour attirer le consommateur. Tout catalogue a sa page fruits et légumes, poissons, viandes et charcuterie. La pomme Jonagold à 0,75 euro le kilo, les carottes à 0,23 euro le kilo, les filets de truite fumée à 7,61 euros le kilo, ou les côtes premières d'agneau et le filet d'agneau à 7,61 euro le kilo ont pour objectif d'attirer le chaland. C'est sur ces prix promotionnels que se joue la compétition entre les enseignes de distribution. Malheureusement, le prix d'appel devient le prix de référence. Cette compétition a pour enjeu, dans le secteur agro-alimentaire, la réalisation de 800 milliards de francs de ventes : 1 % du marché capté par un concurrent correspond à un chiffre d'affaires supplémentaire de 8 milliards. On comprend mieux que, dans ce contexte, on mette souvent en seconde priorité la charte éthique ou encore les bonnes intentions et les bonnes pratiques.

Les promotions sur catalogues avant le début de la campagne ont des effets dévastateurs et déstructurants.

Lorsqu'une grande enseigne demande à un fournisseur de lui fournir des fraises à 9,80 F la barquette en début de campagne, ce prix est fixé en mars parce qu'il faut prévoir les délais de fabrication du catalogue. Ce même prix ne correspond pas à la réalité économique du marché de la production puisque deux mois avant la production, ni les volumes, ni les conditions climatiques ne sont connus. Même si, en mai, la fraise en barquette est proposée à 15 F le kilo au marché de Perpignan, les prix doivent baisser puisque les autres enseignes sont obligées de s'aligner sur le prix figurant dans les catalogues des concurrents. On explique ensuite au producteur que puisque les fraises sont annoncées à 9,80 F le kilo, c'est qu'il s'agit bien du prix du marché. Les commerçants de détail n'achètent donc plus au prix du marché de Perpignan et les cours s'effondrent. Le sort est jeté. La promotion a contribué à créer un prix de marché virtuel. Trop de promotion tue la production.

La crise des fruits et légumes du 23 août 1999 (abricots et pêches) était déjà inscrite dans les accords de catalogue passés le 24 juin, qui fixaient les prix de référence pour la campagne. Et pourtant la filière pêche s'est organisée pour limiter sa production à seulement 350 000 tonnes en 1999, alors que la production était double (750 000 tonnes) il y a dix ans.

Même les distributeurs reconnaissent les effets pervers de ce système d'annonce de prix sur catalogue et ont spontanément proposé de réduire les délais de préparation des catalogues. Actuellement le délai est de sept à huit semaines, les distributeurs estiment qu'il pourrait être abaissé rapidement à au moins trois semaines (comme cela a été expliqué lors de la réunion de la commission de la production et des échanges du 30 novembre 1999 par un distributeur ; les déplacements en Allemagne et en Espagne ont montré qu'un délai de dix jours est parfaitement possible).

Ce système est redoutable pour le fournisseur car s'il refuse le prix proposé, il ne sera pas référencé de toute la saison. Le système de référencement est, en effet pour les productions agricoles saisonnières, différent de celui pratiqué pour les autres biens de consommation : une enseigne référence, pour un produit, trois ou quatre fournisseurs et grossistes auxquels on demande d'adresser à la centrale chaque matin leur offre de prix et de volumes ; le prix le plus bas est retenu et est comparé avec ceux pratiqués à l'importation. La grande distribution achète souvent au prix le plus bas européen. Le titre III du rapport (point 3 du chapitre sur la revente à perte) donne un exemple de cassettes d'agneau découpé d'origine française, britannique et irlandaise.

De plus en plus, c'est le prix à l'importation qui est souvent utilisé comme prix de référence. Il s'agit là d'une dérive de l'économie de marché, car le prix de la pomme au Chili ne devrait en rien influer sur celle cultivée dans la vallée du Rhône.

2. Imposer le respect de la qualité et de l'origine

Cette politique va à l'encontre de la politique des labels, des appellations d'origine et de l'exigence de qualité. On ne peut pas vouloir afficher les prix les plus bas et exiger également, dans le cahier des charges des produits fabriqués sous marque de distributeur, des produits de qualité supérieure. On ne peut pas annoncer au consommateur « les prix sont les plus bas, venez chez moi plutôt que chez le concurrent » et affirmer que les produits sont sélectionnés sur des critères d'excellence. La qualité se paye. Elle a un prix. Elle ne peut pas s'accommoder des pratiques commerciales douteuses ni de prix prédateurs. Ces méthodes sont aux antipodes de l'exigence de qualité souhaitée par le consommateur. Avec une politique de prix sacrifiés, notamment en période de crise, les plus pénalisés sont ceux qui ont privilégié la qualité des produits.

La grande distribution avait pourtant senti passer le vent du boulet lors de la crise de la « vache folle » quand le consommateur s'était mis à douter de la qualité de la viande. Beaucoup d'enseignes s'étaient alors évertuées à démontrer qu'elles disposaient d'une bonne traçabilité. Intermarché était capable de prouver que le morceau vendu à l'étal de son rayon boucherie provenait d'un abattoir intégré et correspondait à une bête identifiée. Des labels « qualité France » se sont développés et Auchan a passé la crise en payant 2 F supplémentaires par kilo au producteur (avec des ventes de 10 % inférieures à celles précédant la crise). Cela n'a malheureusement pas duré. Le rapport développe dans sa première partie la question des produits provenant de plantes génétiquement modifiées utilisées dans l'agro-alimentaire ; ces exemples démontrent que la distribution n'a pas développé suffisamment la traçabilité. Le consommateur ne sait plus d'où provient le produit qu'il mange. Il a souvent subi plusieurs transformations et même si la sécurité alimentaire est sans aucun doute meilleure qu'il y a quelques années, les crises successives (vache folle, poulet à la dioxine, présence de boues d'épuration, etc.), les incertitudes sur les organismes génétiquement modifiés conduisent le consommateur à une quête mythique de la traçabilité ! Les circuits alimentaires s'allongent, les produits sont de plus en plus élaborés, mais le consommateur français exige encore plus qu'hier ; il veut savoir ce qu'il mange.

Il est très important que l'agrément des signes de qualité alimentaire (et même non alimentaire) ne soit délivré qu'au groupement de producteurs qui a mis au point le référentiel ; il doit en être le seul propriétaire. Il n'est pas souhaitable que des enseignes, par leurs marques de distributeur, s'approprient les labels rouges, certifications de conformité et indications géographiques protégées au détriment du producteur. Ce dernier doit en conserver la propriété, la maîtrise et la responsabilité vis-à-vis du groupement et des organismes certificateurs.

C'est pourtant le contraire qui est en train d'arriver aujourd'hui dans la filière de la volaille. Les groupes de distribution ont tendance à développer les marques de distributeur, avec les produits financiers dégagés par les marges arrières, tout en s'appropriant l'image de qualité des marques sous label. Pourquoi ne s'approprieraient-elles pas demain des appellations d'origine ?

Il est à notre sens important de bien séparer la production de la distribution en France. Intermarché a déjà aujourd'hui des filières totalement intégrées. L'intégration totale serait redoutable, car au-delà des tendances déjà observées à l'uniformisation des produits, le consommateur deviendrait totalement captif.

Il apparaît donc important à la mission que sur toute étiquette d'un produit apparaisse l'indication du producteur, même s'il travaille pour une marque de distributeur.

Les appellations d'origine et indications géographiques protégées devraient être soutenues, notamment pour les fruits et légumes, car il n'est pas tolérable qu'un distributeur oblige, par exemple, des producteurs d'abricots à vendre sous le nom de "terre et nature", alors que les producteurs possèdent déjà leur propre logo.

La mission d'information s'alarme, en outre, des mentions valorisantes, véritables « attrape-nigaud » pour le consommateur, apparaissant de plus en plus souvent sur les produits sous marque de distributeur. Elle pense, comme de nombreuses organisations agricoles, que toute appellation ou signe de qualité nouveau doit correspondre à un réel cahier des charges. La dernière loi d'orientation agricole, sous l'énergique détermination de notre collègue François Patriat, a d'ailleurs établi un véritable cadre politique de la qualité en France et a énuméré les signes de qualité et d'origine protégés et contrôlés (articles L. 601-1 et suivants du code rural) ; le consommateur doit savoir que toute autre indication n'est que publicité et peut se révéler fantaisiste.

L'exemple de la dénomination « agriculture raisonnée » est le type même de référence floue, destinée à faire croire au consommateur qu'il s'agit d'une reconnaissance officielle de qualité. Il faut traquer ces fausses marques de qualité. « L'agriculture raisonnée » apparaît au consommateur préférable à l'agriculture productiviste, mais cela risque de devenir un véritable « attrape-nigaud » pour lui, s'il se perd dans des dédales de qualificatifs complexes étiquetés de manière arbitraire. Entre agriculture raisonnée, agriculture biologique, filière sans OGM, labels rouges, labels France, appellations d'origine, produits du terroir (encore un signe non protégé !), produits de la ferme... le consommateur risque de ne plus s'y retrouver si la réglementation n'impose pas de publier le cahier des charges, ou du moins ses éléments principaux, correspondant à chaque mention ; cela est fait avec les poulets label rouge dont l'emballage indique les caractéristiques de l'élevage ; cela devrait être le cas pour chaque signe, reconnu ou non.

3. L'organisation professionnelle des filières agricoles et la nécessité de régulation des marchés

a) Permettre des ententes entre producteurs

Tout le monde déclare que pour diminuer les risques de crise, la profession agricole doit mieux s'organiser mais la réglementation sur les ententes fait qu'il est difficile de s'organiser entre producteurs agricoles.

Cette nécessité a été très largement reconnue par toutes les organisations professionnelles et syndicales, la confédération française de la coopération agricole résume bien le paradoxe de la situation à laquelle nous sommes parvenus : « La direction de la concurrence a surveillé depuis vingt ans les ententes agricoles, lorsque Leclerc ou Intermarché étaient considérés comme des PME. » Aujourd'hui ils sont parmi les plus grands groupes mondiaux.

Aujourd'hui, le droit européen interdit les ententes entre producteurs agricoles alors qu'il reste impuissant à légiférer sur les filières du secteur de la distribution. Les interprofessions sont pourtant un outil utile pour réguler le marché. Cependant, elles ne peuvent pas s'écarter de ce qui est expressément prévu par l'organisation commune des marchés et interférer avec les mécanismes de fixation des prix ou d'intervention. Une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes n'admet pas qu'un accord interprofessionnel aille au-delà des moyens permis par l'organisation commune des marchés pour atteindre les objectifs de la politique agricole commune.

En l'état actuel du droit communautaire, le champ d'intervention des interprofessions peut couvrir des domaines tels que :

- l'amélioration de la connaissance de l'offre et de la demande,

- l'adaptation et la régularisation de l'offre sans pour autant que l'interprofession se mue en gestionnaire du marché,

- la mise en _uvre de disciplines professionnelles, de règles qualitatives et de normes techniques,

- l'établissement de programmes de recherche appliquée et de développement, notamment pour la mise en valeur de l'agriculture biologique et de méthodes de production respectueuses de l'environnement,

- la promotion des produits à la condition qu'il s'agisse d'une promotion générique ne mettant en exergue ni l'origine nationale ni la provenance, sauf lorsque le produit bénéficie d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée.

Dans le secteur agricole, la meilleure réponse est l'interprofession mais, dans le marché de la prune, par exemple, où il existe une concurrence bulgare et roumaine, lorsqu'on essaye d'organiser des échanges d'informations entre producteurs, cela est, en général, assimilé à une entente illicite. A notre avis, l'Etat et l'Union européenne devraient mieux définir le seuil maximal de concertation autorisée.

Il convient donc de mettre en place une organisation de l'offre efficace en renforçant l'organisation économique par un meilleur ancrage des organismes économiques dans les bassins de production. Les producteurs individuels devraient pouvoir être conventionnés et bénéficier des concours publics nationaux en association avec les organisations professionnelles.

L'organisation de certains secteurs a des effets bénéfiques sur les prix. C'est le cas, par exemple, de la fédération professionnelle de la pomme de terre, ail, oignon et échalote (FEDEPOM). On peut vérifier que dans des secteurs considérés comme traditionnels, l'innovation sert la qualité, permet des performances accrues, valorise, assure la promotion des produits, améliore le négoce, etc. En utilisant les nouvelles technologies de l'information, la FEDEPOM a mis au point, en collaboration avec d'autres organismes professionnels, deux pilotes de traçabilité au sein de la filière de la pomme de terre, depuis le stade des semences jusqu'au stade de la mise en marché par les opérateurs. La fédération professionnelle a privilégié la certification ISO 9002 garantissant les procédés de production dans l'entreprise, un service de qualité au client, la conformité de la commande, la maîtrise de la qualité des produits tout au long de la filière jusqu'au consommateur, les délais et le suivi de la satisfaction du client. Par ailleurs, la fédération a mieux contrôlé les volumes de mise en marché, la répartition des productions et réintroduit sur le marché des variétés qui avaient presque disparu au profit de la bintje.

C'est par des initiatives comme celle-ci que les professionnels pourront renforcer leur organisation économique et anticiper sur l'évolution des marchés, accompagner la gestion de crise, améliorer la qualité, la politique et la sécurité alimentaire, et enfin assurer la stabilité structurelle du marché.

Toutefois, la mission rappelle que la loi n° 99-574 du 9  juillet 1999 d'orientation agricole contient plusieurs mesures importantes allant dans le sens indiqué (renforcement des missions des interprofessions, possibilité de conclure des accords de crise et des accords dans les filières de qualité pouvant, dans les deux cas, contenir des dispositions sur des prix de départ de production et des volumes de production). Cependant, la profession n'a pas encore utilisé ces nouvelles possibilités qui étaient pourtant attendues depuis des années. La mise en _uvre de ces mesures permettrait de réaliser de nets progrès.

b) Développer le rôle des comités économiques de bassin

Ces comités de bassin doivent assurer une bonne représentation des producteurs, fixer leurs droits et engagements, mais surtout avoir la possibilité de demander la transmission des données relatives aux prix pratiqués et aux volumes commercialisés, sans que la DGCCRF considère ces échanges de données comme une pratique anticoncurrentielle.

Le Gouvernement peut, de l'avis de la mission, jouer un rôle important tant dans le soutien aux organisations professionnelles, l'intervention en période de crise, la définition des politiques à mener et des régulations nécessaires entre production et distribution, les négociations à l'échelon européen pour autoriser certaines ententes afin d'éviter les crises agricoles. Le Gouvernement devrait également clarifier les missions et définir le champ d'action de la DGCCRF.

c) L'intervention de l'Etat est nécessaire en cas de crise sur les prix

La mission d'information estime que l'Etat doit, en cas de crise conjoncturelle déstabilisant de manière anormale un marché particulier, mettre en _uvre le dispositif de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 qui permet par un décret en Conseil d'Etat de prendre des mesures temporaires (au maximum six mois) pour lutter contre une baisse excessive des prix. Des prix minima de départ de production pourraient ainsi être fixés en fonction de certains volumes.

Ce dispositif n'a jamais été mis en _uvre. Le ministère chargé de l'économie craint les réactions de la Commission européenne et redoute les demandes en chaîne de multiples secteurs d'activité. Mais la mission d'information souligne que ce mode d'intervention éviterait une intervention de l'Etat ou de l'Union européenne par des subventions qui sont souvent plus déstructurantes et pas toujours efficaces. Parfois il suffit de quelques dizaines de centimes pour rééquilibrer le marché et permettre aux exploitations agricoles de passer une crise ; si elles peuvent encaisser le choc une année ou deux, on ne peut pas attendre de nos agriculteurs de supporter chaque année des ventes à perte. Or la mission d'information avertit solennellement qu'une nouvelle crise comme celle de l'été 1999 et les précédentes ne pourra pas être à nouveau amortie par les agriculteurs.

Par ailleurs, la mission d'information n'est pas favorable au double étiquetage des prix ni à l'imposition d'un coefficient multiplicateur. Le suivi des produits depuis des centaines de milliers de producteurs différents est difficile à mettre en _uvre, car il nécessite soit un équipement informatique en réseau très performant utilisé tout au long de la filière, soit un suivi permanent qui augmenterait sensiblement le coût des produits. Ces mesures ne peuvent s'appliquer qu'à des produits bruts car comment pourrait-on informer le consommateur des augmentations de prix dues à une transformation ? Comment différencier les prix bruts payés au producteur des prix intégrant déjà un tri, une transformation ou des étapes de valorisation ? Enfin, ces mesures ne règlent aucunement le problème des prix de départ de production inférieurs aux coûts de revient car en la matière il ne faut pas compter sur des effets vertueux de répartition de marges au bénéfice de la production. Il semble donc que ce sont de « fausses bonnes idées » qui créent plus de difficultés qu'elles n'en résolvent. Il nous apparaît plus efficace d'afficher les mentions d'origine géographique.

B.- LES RÈGLES DE CONCURRENCE LOYALE DANS LES RAPPORTS ENTRE FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS

1. Faire appliquer la loi actuelle sur les relations contractuelles et la coopération commerciale

Dans les rapports commerciaux entre fournisseurs et distributeurs, la mission d'information a constaté que les principales dérives consistaient en un transfert excessif de marge au profit de la grande distribution par le système des marges arrières et l'allongement des délais de règlement effectif des factures de vente. Cette dérive a été permise par la situation de dépendance économique dans laquelle se trouve les PME-PMI, voire même certains groupes industriels, et par la surenchère de coopération commerciale que génère la concurrence horizontale imposée par les multinationales fournisseurs mondiaux de biens de grande consommation et leur affrontement avec la grande distribution française.

En revanche, la mission estime que les dispositions de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 relative à la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite loi Galland, concernant l'interdiction de la revente à perte et les prix abusivement bas, sont correctement appliquées et ne nécessitent pas d'être révisées.

a) Rappeler la portée de la loi sur la coopération commerciale

La mission juge prioritaire de rétablir une régulation de la coopération commerciale. Sa base juridique - le 5ème alinéa de l'article 33 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 - est satisfaisante si la loi est appliquée conformément aux circulaires Scrivener du 10 janvier 1978 et Delors du 22 mai 1984 qui ont interprété la législation alors en vigueur sur la coopération commerciale, qui a été codifiée à l'article 33 de l'ordonnance, comme le rapport l'a analysé avec précision (lire le titre II).

Pour clarifier le droit, la mission invite le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à publier une nouvelle circulaire d'interprétation reprenant les éléments clairs contenus dans les deux circulaires précitées, à savoir :

- les services spécifiques rendus par les distributeurs doivent être réellement rendus au client, être identifiables et correspondre à un besoin ou une attente du fournisseur qui en bénéficie ou à un allégement de ses charges ;

- la rémunération de ces services doit être justifiée et ne pas créer de discriminations injustifiées ;

- la rémunération de ces services (somme d'argent ou remise) doit être proportionnée au transfert de charges du fournisseur au distributeur ou à la nature effective du service rendu ; l'avantage ainsi consenti doit avoir une portée restreinte par rapport à ceux accordés en application des conditions générales de vente.

Les dérives actuelles sont le résultat de l'inapplication ou l'oubli par l'administration et les partenaires commerciaux de cet esprit et ces objectifs de la loi.

b) Rendre les rapports commerciaux plus transparents entre les partenaires

Dès lors que la loi est ainsi appliquée, la mission estime que les services de coopération commerciale devraient figurer, lorsque cela est possible, dans des conditions générales de vente. C'était le sens de la circulaire Scrivener du 10 janvier 1978.

La mission propose donc que les relations commerciales soient régulées par les partenaires commerciaux selon le schéma suivant :

- les fournisseurs présentent leurs offres de produits et de services dans des conditions générales de vente ;

- les revendeurs présentent leurs offres de services de coopération commerciale dans des conditions générales de vente. La prestation de ces services donne lieu à l'établissement d'un contrat écrit en partie double comme le prévoit la loi actuelle ;

- les remises exceptionnelles (dont la nature même empêche de les faire figurer dans des conditions générales de vente) et les ristournes non liées à un acte d'achat ou de vente et ne rémunérant pas un service de coopération commerciale doivent être traduites dans un contrat écrit et être justifiées par des contreparties réelles pour le fournisseur, et leur rémunération doit se traduire par des avantages financiers d'une portée marginale par rapport à ceux accordés au titre des conditions générales de vente.

Ce schéma impose que les contrats commerciaux et les factures soient clairs et précis dans leurs termes. Il n'est plus acceptable de facturer des milliers de francs une « mise en avant » sans indiquer en quoi elle consiste, une « participation publicitaire » sans donner les éléments permettant d'en vérifier l'effectivité, une « intensification commerciale » sans que le produit ou l'entreprise bénéficie de retombées commerciales.

Le Gouvernement devrait s'inspirer du dispositif applicable à celui de l'achat d'espaces publicitaires (articles 20 et 24 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin) : ces services doivent figurer dans des conditions générales de vente transparentes.

c) Supprimer la fausse coopération commerciale

Les distributeurs reconnaissent que des acheteurs peuvent commettre des abus en négociant des remises de coopération commerciale. Un accord unanime s'est fait devant la mission pour :

interdire les factures rétroactives de coopération commerciale ou de toute autre remise ou ristourne ;

interdire les factures de coopération commerciale ne correspondant pas à un service effectivement rendu.

La mission d'information a donc écarté l'idée d'interdire purement et simplement la coopération commerciale, c'est-à-dire la facturation des prestations par les distributeurs, qui avait été avancée par certains au début de ses travaux. Elle a également écarté les propositions tendant à définir dans la loi la consistance des services de coopération commerciale car la tâche serait vaine, ou à incorporer les marges arrières dans la marge avant en modifiant la définition du seuil de revente à perte. Il est certain que cette dernière proposition paraissait séduisante parce qu'elle conduisait à abaisser les prix de revente au consommateur, à rétablir une vérité des prix telle qu'elle existe dans les pays européens (sauf l'Espagne dont le système s'est calqué sur celui de la France). De l'avis de la mission, les demandes de prestations de coopération commerciale ne devraient pas excéder 4 ou 5  % du chiffre d'affaires hors taxes de la vente. Mais la mission a jugé qu'elle entraînerait une nouvelle guerre des prix contraignant les fournisseurs à tirer leurs barèmes de prix vers le bas, ce qui ne pourrait qu'inciter à délocaliser certaines productions, qu'elle concentrerait les conflits sur les niveaux de prix et mettrait la qualité et le service au second rang, qu'elle remettrait en cause le système de l'interdiction de la revente à perte qui est appliqué de manière satisfaisante. En résumé, il ne faut pas supprimer la coopération commerciale mais la moraliser.

La mission a donc préféré un mécanisme de régulation par les conditions générales de vente, l'interdiction de la fausse coopération commerciale et la limitation des demandes sortant de ce cadre.

A terme, la mission d'information a la conviction que les partenaires commerciaux devront, en France, revenir à la négociation d'un prix net-net-net. On peut d'ailleurs se demander si la concentration des entreprises de distribution, la formation de multinationales fournisseurs de multiproduits et la mondialisation des échanges ne conduiront pas à accélérer cette évolution. On constate notamment que l'arrivée du numéro un mondial de la distribution, Wal-Mart, en Allemagne et en Grande-Bretagne conduit à de profondes remises en cause des distributeurs de ces pays. Il faut s'attendre cependant à ce que les distributeurs français résistent et s'efforcent de maintenir leurs volumes de marges arrières ; de même les multinationales souhaitent conserver le système de la coopération commerciale telle qu'elle existe (en en supprimant les abus tels que les factures rétroactives et les services virtuels) car elle leur permet d'asseoir leur domination par la surenchère des remises même si ce mécanisme passe par un affrontement sans concession avec la distribution. Mais ce sont les PME-PMI indépendantes, voire certaines grandes entreprises, qui en pâtissent.

2. Redéfinir le cadre contractuel des relations avec les PME-PMI

Une petite ou moyenne entreprise (PME) peut difficilement se définir en fonction de grandeurs économiques (200 employés ou un chiffre d'affaires annuel hors taxes de 200 millions de francs, par exemple). La loi ou les règlements n'établissent aucune définition générale. Dans les relations commerciales avec la grande distribution, la situation de dépendance économique atteint, en fait, de grands groupes industriels car la formidable puissance d'achat des enseignes crée une domination. De même, une enseigne peut se considérer en situation de dépendance vis-à-vis d'une PME qui détiendrait un produit de consommation incontournable et attendu par les consommateurs.

a) Assurer une stabilité des engagements contractuels

La mission d'information est favorable à ce que les contrats d'achat et de vente conclus entre les distributeurs et les PME-PMI aient une durée d'au moins un an, et lorsque l'enseigne de distribution demande à son fournisseur des investissements particuliers (pour le conditionnement, la transformation, la qualité des produits, etc.) pour lui passer des commandes, que ce contrat ait une durée d'au moins trois ans. La mission a reçu un accord général sur ces principes sains de partenariat.

Ces contrats et les référencements doivent se traduire par des engagements fermes et des commandes.

La mission d'information invite les grandes surfaces de vente à valoriser les produits des PME-PMI dans leurs linéaires, qui sont quasiment monopolisés par les marques industrielles des multinationales. Les enseignes de grande distribution ont pris des engagements dans le sens d'une stabilité des relations contractuelles avec les PME et d'une valorisation de leurs produits. Mais la mission juge que cette démarche doit être approfondie car ses résultats ne se font pas assez sentir.

Il s'agit d'un objectif primordial car les PME-PMI structurent le territoire français, sont un vecteur de qualité et d'innovation et créent la majorité des emplois en France. Cependant, il ne faut pas tomber dans une simplification qui au nom du principe « small is beautiful » voudrait que rien ne soit refusé aux PME et que toute exigence qui leur serait présentée lors d'une négociation soit considérée comme l'exploitation d'une situation de dépendance économique. Cette nouvelle régulation de la distribution exige également des chefs d'entreprises, qui y sont prêts, des efforts d'adaptation au marché très évolutif des biens de grande consommation, aux exigences de qualité et de sécurité croissantes voulues par le consommateur et que répercutent très bien les enseignes de distribution et, enfin, à la taille du marché de la consommation qui prend des proportions jusque-là inconnues.

b) Redéfinir l'abus de dépendance économique

L'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique est prohibée par l'article 8, point 2, de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. Cependant, le Conseil de la concurrence n'est pas en mesure de sanctionner les abus qu'il décèle car la loi exige que la pratique anticoncurrentielle ait « pour objet ou (...) pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché » pour rendre illicite l'abus. La mission estime nécessaire de rendre effective la loi.

Les fournisseurs n'osent pas attaquer les distributeurs du fait de la dépendance économique dans laquelle ils se trouvent vis-à-vis de ces derniers, et ce qui a sans doute le plus marqué la mission d'information est la loi du silence qui prévaut en public, les fournisseurs ne parlant qu'en privé des abus qu'ils subissent, demandant à ne jamais être cités par peur d'être déréférencés. Les autorités publiques, notamment la DGCCRF, ne s'autosaisissent que très rarement, et quand le ministre chargé de l'économie le fait, ce pouvoir lui est contesté par la Cour de cassation qui a limité son champ de compétence à la demande d'arrêt des pratiques abusives, ce qui ne lui permet pas d'introduire une demande de réparation.

La quasi totalité des représentants des fournisseurs et du monde agricole demande, dans ce but, de modifier l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui interdit certaines pratiques restrictives, afin d'ajouter un alinéa interdisant l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique.

Tout en poursuivant le même but, la mission d'information estime prioritaire, par souci d'efficacité, de modifier l'article 8 de l'ordonnance. On pourra se reporter au chapitre sur la dépendance économique dans le titre I du rapport et au chapitre sur la place du Conseil de la concurrence dans le titre IV pour l'analyse précise des faits et du droit ayant conduit à cette conclusion. En résumé, l'article 8 permet au Conseil de la concurrence d'intervenir et d'utiliser ses pouvoirs d'instruction, d'expertise et de sanction que lui seul détient, alors qu'une révision de l'article 36 ne se traduira que par une condamnation à réparer prononcée par les tribunaux civils ou commerciaux.

L'attribution contentieuse du Conseil de la concurrence en matière d'exploitation abusive d'un état de dépendance économique pourrait être redéfinie en ôtant la condition d'atteinte au jeu de la concurrence sur le marché. Il s'agit de pouvoir sanctionner la pratique conduisant à la disparition de l'entreprise ou à son retrait d'un marché (comme en matière de prix abusivement bas il faut viser les cas d'éviction d'une entreprise ou d'un produit). Il faut en effet éviter que le droit ne permette la protection de rentes de situation détenues par des PME-PMI ou prémunir certaines d'entre elles des effets naturels de leur inefficacité économique. Afin de caractériser l'abus de dépendance économique, l'article 8 devrait se référer aux pratiques illicites définies à l'article 36 sans se limiter à cette énumération.

Cette réforme fondamentale doit être mise en place concomitamment avec la création de la commission d'arbitrage des pratiques abusives, le Conseil de la concurrence pouvant saisir cette dernière de certains des litiges dont il serait saisi et qui correspondrait aux attributions de cette commission, et avec la réorganisation des moyens du Conseil afin de lui donner une capacité d'enquête rapide sur le terrain, car ces litiges nécessitent souvent un traitement accéléré (voir ci-après les conclusions relatives au Conseil de la concurrence).

Parallèlement, on peut modifier l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 mais il convient de veiller à ce qu'une disposition obligeant à réparer une exploitation abusive d'un état de dépendance économique ne fasse pas double emploi avec les points 3, 4 et 5 actuels de l'article 36 interdisant les remises de référencement sans contrepartie, les menaces de déréférencement pour obtenir des avantages dérogatoires et les ruptures de relations commerciales sans préavis.

c) Mettre en place une commission d'arbitrage des litiges contractuels

Les relations entre l'enseigne de distribution ou la centrale d'achat et le fournisseur sont souvent tendues, si ce n'est détestables. La dimension humaine des relations économiques est trop souvent oubliée. Les abus sont la plupart du temps commis sans risque de sanction car les victimes n'osent pas porter plainte ou même donner les éléments de preuve à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour introduire une action en justice.

Les litiges naissent souvent d'un manque de confiance dans son partenaire, d'une mauvaise interprétation de la loi et des conditions d'application des termes du contrat. Un règlement non contentieux de ces litiges est possible. C'est pourquoi la mission d'information recommande la création d'une commission d'arbitrage des pratiques abusives (CAPA).

Cette commission serait saisie des litiges bilatéraux survenant entre les partenaires commerciaux sur l'application d'une disposition de conditions générales de vente, de termes d'un contrat ou de mentions figurant sur une facture. Elle pourrait apprécier l'existence d'abus de dépendance économique, d'une pratique discriminatoire ou d'une pratique restrictive interdite par l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. La CAPA aurait une compétence nationale, mais devra disposer d'antennes dans chaque région pour être au plus près des réalités du terrain.

Cette commission devrait être composée à parité de représentants des fournisseurs (PME-PMI, agriculteurs, transformateurs, industriels, etc.) et des revendeurs (distributeurs et grossistes). L'Etat devrait être représenté au travers des administrations centrales concernées ainsi que par un membre du Conseil de la concurrence. La présence d'anciens magistrats pourrait également être utile au travail de la CAPA. Le secrétariat de la CAPA devrait être confié à la DGCCRF (ou au Conseil de la concurrence).

La CAPA doit pouvoir être saisie par n'importe quelle partie, par l'administration ou par le Conseil de la concurrence. Elle devrait également pouvoir s'autosaisir. Elle doit s'efforcer de concilier les deux partenaires et rendre une sentence arbitrale qui dit le droit, est source de droit et est opposable aux parties. Il convient de veiller particulièrement à la confidentialité des recours. Si l'une des parties refuse de participer à la procédure d'arbitrage, la CAPA doit rendre un avis qui expose son analyse des faits et l'interprétation du droit qu'elle fait au regard de la situation, puis saisir les tribunaux ou le Conseil de la concurrence du litige, ceux-ci s'appuyant sur son avis pour prendre leur décision.

Il serait également utile que la CAPA puisse adopter des recommandations que le ministre chargé de l'économie pourrait rendre publiques, comme il est procédé en matière de clause abusive avec la commission des clauses abusives (article L. 132-4 du code de la consommation).

En résumé, la CAPA doit devenir une autorité technique ayant une capacité d'expertise forte à laquelle les parties en litige peuvent se référer pour dire le droit et dont les arbitrages ou avis doivent permettre aux tribunaux ou au Conseil de la concurrence de juger plus rapidement une situation s'ils étaient saisis. Elle faciliterait ainsi l'action de la justice.

Pour ces raisons la mission a écarté la proposition consistant à donner un statut de médiateur à cette commission, car la médiation ne contraint pas en droit les parties, et les décisions d'un médiateur ne sont pas une source de droit.

La CAPA devrait être créée par la loi en raison des missions et pouvoirs qui seraient les siens. La mission d'information considère que la loi doit en fixer le cadre. Parce que la loi ne peut pas tout prévoir car l'économie de marché est par essence en permanente évolution, cette commission aura pour mission de réagir à toute nouvelle pratique jugée contraire à la loi, de veiller en permanence sur l'évolution des relations commerciales, de pouvoir s'autosaisir et par ses avis de préparer le travail du juge des litiges, au cas où elle ne parviendrait pas à mettre les parties d'accord.

Des moyens matériels en personnel, en locaux, en instruments d'analyse économique devraient être dégagés. Sur ce point, la mission insiste pour que ces moyens ne soient pas prélevés sur les dotations des ministères ou du Conseil de la concurrence car déshabiller Pierre pour habiller Paul ne rendrait pas l'action de l'Etat plus efficace. La commission devrait également rendre compte régulièrement de son activité aux commissions permanentes compétentes du Parlement car les règles du droit général de la concurrence relèvent en totalité du domaine de la loi.

3. Les délais de paiement fournissent une trésorerie à bon compte

Un autre dysfonctionnement étudié par la mission d'information est récurrent ; c'est celui des délais de paiement. Sans être partisane d'une économie administrée, la mission d'information considère qu'il convient d'introduire des régulations quand les rouages des négociations contractuelles sont grippés.

En dehors des délais de paiement réglementés applicables à l'achat de certains produits alimentaires, la mission d'information a noté une tendance à l'allongement des délais de paiement, qui sont passés couramment à 120 jours et plus pour certains biens de consommation. Les députés sont conscients que cet avantage rapporte aux enseignes de distribution des dizaines de milliards de francs de trésorerie par an. Or, les délais de paiement correspondaient à l'origine à la rotation des stocks dans les magasins ; l'amélioration de la logistique, les commandes en temps réel ont aujourd'hui abaissé les temps de rotation dans les hypermarchés et les supermarchés.

La mission propose donc d'avoir l'objectif de ne pas dépasser, hors les délais réglementés ou situations professionnelles spécifiques, un délai de paiement de 60 jours et qu'en tout état de cause, si le règlement n'intervenait pas dans un délai de 45 jours, que le client soit dans l'obligation d'adresser une traite à son fournisseur. On assiste, en effet, aujourd'hui à une situation incroyable, où le distributeur prélève par compensation financière des « factures de coopération commerciale » sans que le moindre service ne soit rendu, alors que le fournisseur attend plus de 120 jours pour être payé, sans pouvoir escompter la dette pour bénéficier d'un encours bancaire. Certaines enseignes n'hésitent d'ailleurs pas dans ce cas à vendre des services d'affacturage au taux de 1,21 % par mois (coût de l'argent et du service) et certains « distributeurs-financiers » réalisent l'exploit de prêter ainsi à un taux d'intérêt de 14,52 % par an le propre argent du fournisseur créditeur... Le banquier Ubu est revenu...

Ces conditions devraient, selon la mission d'information, être fixées dans des conditions générales de vente. Là aussi, on sait que l'on s'attaque à des intérêts financiers énormes car un rapide calcul montre que si l'on réussit à fixer en trésorerie la moitié des 2 500 milliards de francs de transactions annuelles pendant un mois de plus, cela créerait 125 milliards de francs de trésorerie, auxquels s'ajouteraient les placements financiers conséquents, le tout réparti entre six ou sept groupes de grande distribution.

Il pourrait être, en outre, utile de transposer, sans attendre, le principe fixé dans la proposition de directive de la Commission européenne sur les délais de paiement, en discussion devant le Parlement européen, selon lequel, en l'absence de disposition contractuelle écrite ou d'indication des conditions générales de vente sur le délai de règlement à tenir, un délai de paiement de 30 jours est présumé convenu par les parties. Ce délai est calculé à partir du jour suivant la date de réception de la facture par le débiteur ou, en l'absence de facture, de la date de livraison des produits. Mais, en règle générale, en France, le contrat ou, à défaut, les conditions générales de vente mentionnent toujours une date de règlement ou un délai de paiement.

La proposition de directive contenait, surtout, dans sa version d'octobre 1998, une disposition répondant à certains dysfonctionnements constatés dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs en France. Elle prévoyait que si le délai de paiement prévu dans le contrat de vente était supérieur à 45 jours à compter de la date de réception de la facture, l'acheteur devait fournir, à ses frais, une lettre de change à son fournisseur précisant explicitement la date de son paiement et devant être garantie par un établissement de crédit reconnu.

La mission d'information estime cette mesure très utile ; elle devrait être inscrite dans la loi (l'ordonnance du 1er décembre 1986 si l'on souhaite sanctionner pénalement son non-respect, ou, à défaut, le code civil), même si la version définitivement adoptée de la directive ne la contient plus (le conseil des ministres a souhaité l'écarter pour parvenir à un accord sur l'ensemble du texte, mais le Parlement européen y semble attaché).

La mission d'information souligne qu'il est indispensable que ce dispositif de communication d'une lettre de change ou d'un quelconque effet de commerce soit d'application automatique : sa présentation ne doit pas s'effectuer sur la demande du créancier sinon aucun fournisseur n'osera faire cette démarche auprès de son client. L'intervention d'un tiers, un établissement financier garantissant le recouvrement dans le délai indiqué par l'effet de commerce, est également fondamentale pour assurer l'efficacité du dispositif. En dernier lieu, si la date de paiement de l'effet de commerce dépasse le délai contractuel convenu, l'application des pénalités de retard prévues par le 3ème alinéa de l'article 33 de l'ordonnance (montant au moins égal à une fois et demie le taux de l'intérêt légal) doit être automatique et exécutée par l'établissement financier.

Il faut donc déterminer avec minutie la position d'équilibre permettant des échanges équitables, car les PME, qui sont en France la principale source de création d'emplois, n'ont pas la taille ni le poids suffisants pour négocier dans de bonnes conditions de vente et de règlement avec la grande distribution.

4. Améliorer l'application de la loi

Comme il a été vu en matière de coopération commerciale et de marge arrière, veiller à ce que la loi soit correctement appliquée, dans son texte, son esprit et ses objectifs, est déterminant et peut empêcher que de nombreux dysfonctionnements, abus et litiges surviennent.

a) Prévenir les litiges et détecter les infractions

La mission d'information juge que la mission d'observation du jeu de la concurrence en France confiée au Conseil de la concurrence pourrait être renforcée en lui permettant de se saisir d'office de toute question de concurrence afin de rendre un avis sur le sujet. Cet avis devrait être public.

Afin de renforcer les moyens d'action du conseil, ce dernier devrait pouvoir mener de lui-même des enquêtes hors des litiges dont il est saisi. Il devrait également pouvoir rendre spontanément un avis sur la compatibilité avec le fonctionnement régulier de la concurrence des pratiques qu'il aurait mises en évidence. Selon l'intérêt de l'affaire, cet avis serait notifié aux parties en cause et au ministre chargé de l'économie ou serait, en sus de cette notification, publié.

Par ailleurs, le Conseil de la concurrence peut avoir un rôle d'apaisement des conflits entre fournisseurs et revendeurs grâce à sa capacité d'expertise et son autorité. La mission d'information estime qu'il devrait être associé à la commission proposée pour arbitrer les conflits portant sur des pratiques abusives. Différentes modalités sont envisageables :

- un de ses membres pourrait siéger dans la commission ;

- le conseil pourrait saisir cette commission d'arbitrage lorsque des faits qu'il détecte correspondent à ses attributions ;

- il pourrait être saisi pour avis par cette commission au même titre que les juridictions en application de l'article 26 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et rendre des avis en forme simplifiée, au besoin sans mener une procédure contradictoire, pour ne pas retarder le traitement du litige.

Par ailleurs, la mission estime que le Conseil de la concurrence devrait pouvoir exercer lui-même un rôle de médiation. Ses décisions, en ce cas, devraient être prises dans une forme simplifiée pour ne pas alourdir la tâche des rapporteurs et des membres du conseil et ne pas retarder le règlement des litiges. Cette nouvelle attribution doit être conçue comme un moyen d'éviter de créer un contentieux devant le conseil. En outre, l'ordonnance du 1er décembre 1986 devrait permettre au conseil ou à son président, de sa propre initiative, de proposer aux parties une médiation préalablement à l'engagement de la procédure contentieuse.

Dans les deux hypothèses, il conviendrait de créer des postes supplémentaires de rapporteurs affectés au conseil. La paix du commerce mérite cette dépense publique supplémentaire. D'une façon générale, la mission attire l'attention sur le fait que ce renforcement ne doit pas être effectué par diminution des moyens de la DGCCRF. Des rapporteurs supplémentaires pourraient être pris dans la magistrature et les corps d'ingénieurs afin de compléter la composition des fonctionnaires rapporteurs actuels, qui aux deux tiers proviennent de la DGCCRF.

b) Rendre le Conseil de la concurrence plus « réactif » aux atteintes à la concurrence

Il convient de donner au Conseil de la concurrence les moyens d'être plus « réactif » aux problèmes de concurrence observés par les acteurs économiques sur le terrain. Le conseil consacre l'essentiel de son temps à l'analyse économique des questions et des litiges dont il est saisi. Son expertise est incomparable et la qualité de ses membres et de ses rapporteurs donnent une autorité incontestable à ses décisions et ses avis.

Le Conseil de la concurrence dépend de DGCCRF pour la réalisation d'enquêtes qui ne seraient pas liées à une affaire dont il est saisi. Il ne dispose pas d'un corps d'inspecteurs, mais seulement de rapporteurs permanents affectés et de rapporteurs extérieurs. La mission d'information estime que le Conseil de la concurrence devrait avoir le pouvoir d'ordonner des contrôles afin d'envoyer, sans délai, sur le terrain, des agents habilités pour constater des faits suspects dès qu'ils lui sont signalés. La constitution d'un corps d'inspecteurs spécial n'est pas pour autant nécessaire. En outre, cette capacité de contrôle permettrait au conseil de s'assurer de la bonne exécution de ses décisions. Lorsqu'il décèlerait des pratiques illicites, le conseil devrait pouvoir rendre spontanément un avis sur leur compatibilité avec le fonctionnement régulier de la concurrence.

Le conseil devrait également avoir la capacité de s'autosaisir si les entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles ou déloyales n'osent pas le saisir. En dernier lieu, il serait utile d'accélérer la procédure permettant d'ordonner des mesures conservatoires.

c) Renforcer le pouvoir d'enquête de la DGCCRF

La mission d'information a constaté que peu d'actions judiciaires étaient introduites par le ministre chargé de l'économie et la DGCCRF au regard du nombre d'infractions présumées. Cette situation résulte de la crainte des victimes de porter plainte et de la difficulté extrême de réunir les preuves d'une pratique restrictive de concurrence. Certes, les agents de l'administration et du Conseil de la concurrence disposent d'un pouvoir de perquisition en application de l'article 48 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, mais une autorisation préalable du président du tribunal de grande instance est nécessaire et cette autorisation nécessite la présentation d'un dossier de plusieurs dizaines de pages (le chiffre de cent a été avancé comme étant une taille fréquente).

La mission propose donc de doter les fonctionnaires de la DGCCRF et les rapporteurs du Conseil de la concurrence habilités à cet effet d'un pouvoir de perquisition et de saisie comparable à celui dont disposent les agents des douanes lorsque des faits concordants de l'existence d'une infraction existent et qu'une plainte est déposée.

d) Garantir la réparation et la sanction des infractions

Les PME-PMI victimes de pratiques anticoncurrentielles visées au titre III de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ou de pratiques restrictives visées au titre IV n'osent pas porter plainte ou se constituer partie civile à un procès. Leur anonymat est une condition fondamentale pour assurer la poursuite des infractions et des pratiques illicites.

Le pouvoir du ministre chargé de l'économie d'introduire une action devant les tribunaux en cas d'atteinte aux dispositions de l'article 36 de l'ordonnance doit être complété afin qu'il puisse demander réparation des préjudices, capacité que lui a déniée la Cour de cassation au motif qu'il n'est pas une partie à l'instance.

Il convient également d'étudier la possibilité d'infliger des amendes civiles pour non-respect des dispositions de l'article 36, car on constate que les interdictions sont contournées par des man_uvres destinées à dissimuler les infractions. En outre, le versement de dommages-intérêts est peu dissuasif en raison des intérêts financiers en jeu ; plusieurs affaires ont même montré que des condamnations pouvaient être des investissements rentables : il faut donc infliger une pénalité pour dissuader les entreprises.

Concernant la répression des pratiques anticoncurrentielles (titre III de l'ordonnance), il apparaît opportun de porter à 10  % du chiffre d'affaires annuel hors taxes le plafond des sanctions pécuniaires que le Conseil de la concurrence est habilité à prononcer. En effet, le Conseil a déjà prononcé des sanctions atteignant 3  % du chiffre d'affaires et si le plafond actuel de 5  % est maintenu, il ne pourra que difficilement augmenter les montants des sanctions au nom du principe selon lequel le pire est toujours possible et doit pouvoir être sanctionné à sa juste mesure. Cette mesure constituerait un signal fort pour accroître substantiellement les sanctions des infractions économiques visées dans l'ordonnance du 1er décembre 1986.

5. Mieux encadrer l'évolution du commerce

a) Le stade de gros est indispensable

La mission d'information juge indispensables le maintien et le développement du stade de gros, qui contribue à l'équilibre du marché. Les pouvoirs publics, tant l'Etat que les échelons régional et intercommunal, doivent soutenir le commerce de gros. Celui-ci doit, en outre, être mieux associé aux décisions d'aménagement des structures commerciales, notamment de centre ville.

b) Corriger les dysfonctionnements en matière de soldes et de promotions

L'actualité a montré que les grandes surfaces de vente utilisent l'uniformisation des dates de début des soldes, au 15 janvier, pour mettre en place des promotions sur la première quinzaine du mois de janvier. Dès lors, les consommateurs consacrent le budget qu'ils avaient réservé aux soldes aux achats en promotion en grande surface, et le commerce de centre-ville et de proximité perd une grande partie de sa clientèle et une grande partie du chiffre d'affaires qu'il réalise en période de soldes, qui est déterminant pour son équilibre financier.

La mission estime donc indispensable d'encadrer les pratiques de promotion précédant la période de soldes ou concomitantes à elles. L'expérience d'une uniformisation au 15 janvier de la date de début des soldes risque d'être négative ou pas aussi positive que prévu en raison de la fuite des ventes vers les grandes surfaces périphériques.

c) Mettre en place des schémas de développement commercial opposables

La mission d'information demande que l'expérimentation des schémas de développement commercial soit généralisée. Ces documents doivent devenir opposables aux instances chargées de délivrer des autorisations d'ouverture ou d'extension de commerce ou d'urbanisme. Ils doivent également permettre d'apprécier la conformité des autorisations de création ou d'extension de grandes surfaces de vente en cas de recours.

En conclusion, si la mission d'information ne souhaite pas que l'ordonnancement législatif et réglementaire existant soit bouleversé, elle a constaté que les textes possèdent des failles importantes réduisant leur efficacité.

La mission d'information a dressé un tableau sans complaisance des rapports entre la grande distribution et la production. Sa philosophie est d'abord de faire appliquer la loi, de privilégier les relations contractuelles entre les parties et de modifier de manière mineure la loi pour donner les outils nécessaires aux acteurs de la filière de la consommation pour établir des relations commerciales équilibrées. Néanmoins, elle pense que le contrat commercial est le meilleur des outils s'il est équilibré et accessible aux contrôles de l'administration.

La loi et les circulaires d'application interdisent déjà les avantages discriminatoires et définissent le cadre des remises de marge arrière ; leurs principes devraient être rappelés avec précision et la création d'une commission d'arbitrage des pratiques abusives pourrait faciliter le règlement des litiges.

Par ailleurs, quelques modifications de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 devraient être apportées afin de créer la commission d'arbitrage des pratiques abusives, garantir que les abus de dépendance économique puissent être effectivement sanctionnés (modification de l'article 8, et accessoirement de l'article 36), renforcer le respect des délais de paiement convenus (article 33, ou modification du code civil), permettre au ministre chargé de l'économie d'introduire en instance une demande de versement de dommages et intérêts pour réparation d'une pratique restrictive (article 36), renforcer le pouvoir d'enquête des agents de la DGCCRF (article 48) et, enfin, renforcer le rôle du Conseil de la concurrence et lui permettre de sanctionner plus sévèrement les pratiques anticoncurrentielles.

Ces propositions apparaissent à la mission d'information être des mesures propres à rétablir l'équilibre des relations commerciales, à limiter - comme l'a demandé le Premier Ministre M. Lionel Jospin - les pratiques abusives dans la distribution, à trouver la juste place pour l'équilibre entre la production et la distribution. Elles ne forment pas un nouveau droit de la concurrence, mais une nouvelle régulation de ce droit.

Les commissions permanentes compétentes du Parlement devront être informées chaque année de l'évolution des rapports entre les acteurs de la filière de la production, de la transformation, de la distribution et de la consommation des biens de grande consommation, ainsi que de l'exercice de cette nouvelle régulation.

() On trouvera en annexe la reproduction de cette annonce de prix.


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