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le 5 juin 2000

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N° 2448

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mai 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe),

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes,

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 48, 49, 50, 51, 138, 185 et T.A. 72, 73, 74, 75, 76 (1999-2000)

Assemblée nationale : 2160, 2161, 2162, 2163, 2164

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. François Loncle., président ; MM. Gérard Charasse, Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; MM. Roland Blum, Pierre Brana, Mme Monique Collange, , secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, Maxime Bono, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge,  Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean-Michel Ferrand, Raymond Forni, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Alain Le Vern, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Jean-Claude Mignon, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, François Rochebloine, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LES RAISONS DE LA SIGNATURE DES CINQ CONVENTIONS DE COOPÉRATION DOUANIÈRE 7

A - LA NÉCESSITÉ D'UN RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION
DOUANIÈRE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE
7

B - UN SECTEUR QUI RELÈVE À LA FOIS DU PREMIER PILIER,
COMMUNAUTAIRE, ET DU TROISIÈME PILIER, INTERGOUVERNEMENTAL
7

II - LES PRINCIPALES STIPULATIONS DES CONVENTIONS DE COOPÉRATION DOUANIÈRE 9

A - DEUX CONVENTIONS PRINCIPALES 9

1) La convention à portée générale, dite de « Naples II »
signée le 18 décembre 1997 9

2) La convention sur la coopération en matière informatique
signée le 26 juillet 1995. 9

B - TROIS CONVENTIONS DESTINÉES À COMPLÉTER
ET PRÉCISER LE DISPOSITIF
10

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

Mesdames, Messieurs,

Les cinq projets de loi que nous examinons aujourd'hui ont pour objet d'autoriser l'approbation de deux conventions relatives à la coopération douanière au sein de l'Union européenne, ainsi que d'un accord et de deux protocoles les complétant.

En effet la coopération douanière relève pour certains de ses aspects de la compétence des communautés européennes, c'est à dire le « premier pilier » de l'Union européenne et pour d'autres de la coopération intergouvernementale en matière de justice et d'affaires intérieures, le « troisième pilier ». Il faut noter que la coopération intergouvernementale est un processus lent et complexe, bien souvent la procédure de ratification est très longue et les coopérations envisagées restent lettre morte : le présent exemple ne fait pas exception puisqu'aucun Etat-membre n'a encore ratifié l'une des cinq conventions. Cependant, l'un des points les plus intéressants de ces conventions est que des mécanismes ont été prévus permettant sous certaines conditions leur entrée en vigueur anticipée entre les Etats les ayant approuvées.

I - LES RAISONS DE LA SIGNATURE DES CINQ CONVENTIONS DE COOPÉRATION DOUANIÈRE

A - La nécessité d'un renforcement de la coopération douanière au sein de l'Union européenne

La coopération entre les douanes des Etats-membres de l'Union européenne reste organisée par une convention signée le 7 septembre 1967, dite « convention de Naples I ». Cette dernière est aujourd'hui inadaptée au regard des évolutions intervenues depuis lors. En effet, cette convention repose sur la mise en place de procédures de coopération classiques, aujourd'hui reprises dans de très nombreuses conventions de coopération douanière avec des pays tiers, telles que la communication d'information, la « surveillance spéciale » des contrevenants éventuels...

Ainsi, il était nécessaire de prendre en compte les évolutions intervenues depuis 1967. En tout premier lieu, l'Union européenne constitue aujourd'hui un grand marché unique où ont été réalisées les libertés de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. L'une des conséquences directes de l'achèvement du marché unique au 1er janvier 1993 a été la suppression des contrôles systématiques aux frontières. En outre, les pays de l'Union européenne ont connu une accélération de leur degré d'intégration économique, qui est allé pour onze d'entre eux jusqu'à l'intégration monétaire depuis le 1er janvier 1999. Il résulte des ces mouvements un effacement de la notion de frontière qui rendait nécessaire une adaptation dans la lutte contre les fraudes douanières.

En second lieu, la convention de 1967 est intervenue avant le développement à une grande échelle du phénomène de l'internationalisation des fraudes et de la criminalité transnationale dans des domaines tels que le trafic de drogue, la contrefaçon.... Or la criminalité internationale utilise des canaux de plus en plus sophistiqués, notamment dans le domaine du blanchiment.

B - Un secteur qui relève à la fois du premier pilier, communautaire, et du troisième pilier, intergouvernemental

La Communauté européenne est une union douanière depuis 1968. En conséquence, une part importante de la réglementation communautaire est définie par les institutions communautaires et fait donc partie du « premier pilier ». C'est par exemple le cas des règles relatives à l'origine, à l'espèce et à la valeur des marchandises, à la définition des régimes économiques douaniers. Dans tous ces domaines, la coopération entre les administrations douanières est donc organisée sur le fondement d'un règlement, en l'occurrence un règlement du conseil du 13 mars 1997.

En revanche, la répression pénale des infractions douanières, la lutte contre les trafics de marchandises soumises à restriction de circulation (stupéfiants, contrefaçons, matériels de guerre...) restent de la compétence exclusive des Etats. Une coordination de l'action des administrations douanières des quinze ne peut donc passer que par la coopération intergouvernementale dans le domaine Justice-Affaires intérieures mise en place dans le traité de Maastricht, le « troisième pilier ».

On notera d'ailleurs que la coopération intergouvernementale a fait d'importants progrès dans le domaine policier, suite aux accords de Shengen. Paradoxalement, le processus de coopération dans le domaine douanier a été plus lent et plus modeste, alors même que la réglementation douanière est pour partie une compétence communautaire.

Ainsi, la voie conventionnelle s'imposait pour améliorer la coopération entre les administrations douanières des 15, même si en application de l'article K3 du traité sur l'Union européenne (devenu l'article 31 depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam), cette convention est établie par le Conseil, puis adoptée par les Etats-membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives. C'est pourquoi notre Assemblée est consultée pour autoriser l'approbation de ces différentes conventions.

II - LES PRINCIPALES STIPULATIONS DES
CONVENTIONS DE COOPÉRATION DOUANIÈRE

A - Deux conventions principales

1) La convention à portée générale, dite de « Naples II » signée le 18 décembre 1997

Cette convention relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières vise à renforcer la coopération douanière mise en place par la convention de 1967 au moment de l'achèvement de l'union douanière, pour les matières qui ne relèvent pas d'une législation communautaire.

La coopération douanière avancera sur des points concrets et importants grâce à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention. Les éléments nouveaux figurent dans le titre IV de la convention. Le point le plus spectaculaire est que le texte permettra à des agents des douanes de procéder, en cas de flagrant délit, à des poursuites au delà des frontières. En ce qui concerne l'application de cette stipulation par la France, elle est soumise à une exigence de réciprocité et l'usage des armes de service des douaniers n'est autorisé qu'en cas de légitime défense.

Les autres formes nouvelles de coopération concernent l'observation transfrontalière, les livraisons surveillées, la constitution d'équipes communes d'enquête spéciale et les enquêtes discrètes. La France n'appliquera pas les stipulations de la convention concernant cette dernière procédure qui n'est pas prévue par le droit douanier français.

Une originalité importante de la convention réside dans son article 32, alinéa 4, lequel stipule que la convention peut s'appliquer de façon anticipée entre les Etats qui l'auront approuvée et qui auront déposé en même temps que leur instrument de ratification une déclaration au titre de cet article. La France a décidé de déposer une telle déclaration, ce qui permettra aux Etats réellement désireux de promouvoir une efficace coopération dans le domaine douanier de le faire rapidement.

2) La convention sur la coopération en matière informatique signée le 26 juillet 1995

La convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes a pour but de créer un système d'information des douanes, le SID. Son originalité est qu'il est créé à la fois par un règlement du conseil du 13 mars 1997, pour les matières proprement communautaires, et par la présente convention, pour celles qui relèvent du troisième pilier comme la lutte contre le trafic de drogue ou d'armes.

Le SID sera constitué par une base de données centrale accessible en temps réel par les administrations douanières des quinze. Grâce à une diffusion plus rapide des informations, tels les avis de fraude, le SID renforcera l'efficacité de la coopération entre les administrations douanières, de la même manière que le système d'information Shengen (SIS) a amélioré la coopération policière entre les pays signataires.

Comme souvent, les progrès dans le contrôle que permet l'utilisation de l'informatique peuvent faire craindre une remise en cause du droit des citoyens à protéger leur vie privée. Or la convention est très précise sur ce sujet, les informations qui peuvent être communiquées sont limitativement énumérées. De plus, une Partie ne peut pas transmettre ou recevoir des données à caractère personnel si elle n'est pas dotée d'une législation nationale protectrice en la matière. En ce qui concerne la France, c'est la Loi informatique et liberté du 16 janvier 1978 qui s'applique. La CNIL aura donc le pouvoir de contrôler le SID.

B - Trois conventions destinées à compléter et préciser le dispositif

La convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes a été complétée par un accord supplémentaire, signé le même jour, et par deux protocoles.

L'accord relatif à l'application provisoire de la convention vise à permettre, dès sa ratification par huit Etats membres, son entrée en vigueur entre les pays qui l'auront ratifié, afin d'éviter que le retard pris par certains Etats pour ratifier la convention ne bloque la mise en _uvre de celle-ci. En effet, la pratique a montré une très grande lenteur dans les processus de ratification des conventions prises dans le cadre du troisième pilier. Cet accord relève donc de la même inspiration que la stipulation de la convention de Naples II qui permet une application anticipée entre les Etats qui l'acceptent.

Par ailleurs, un protocole additionnel a été signé le 29 novembre 1996 afin de permettre l'interprétation à titre préjudiciel de la convention SID par la Cour de justice des communautés européennes, alors qu'il s'agit d'une matière ne relevant pas de la compétence communautaire. En effet le système d'information douanier est fondé sur une double base juridique, le règlement du conseil du 13 mars 1997 et la convention de 1995. Ainsi, la CJCE sera compétente pour interpréter le règlement communautaire, il est donc souhaitable qu'elle soit également compétente pour interpréter les stipulations de la convention.

Un deuxième protocole a été signé plus récemment, le 12 mars 1999. Il vise tout d'abord à prendre en compte la signature en 1997 de la convention de Naples II. En effet, cette dernière a retenu une définition relativement large pour le blanchiment1. Il était donc nécessaire d'aligner le champ de la convention de 1995 sur celui de 1997. Par ailleurs, le protocole du 12 mars 1999 répare un oubli de la convention SID qui ne prévoyait pas dans la liste des informations qui peuvent être transmises au SID le numéro minéralogique des moyens de transport, seul moyen d'identifier un véhicule.

CONCLUSION

Le domaine douanier, à la frontière entre les démarches communautaire et intergouvernementale, permet une comparaison intéressante entre ces deux voies de la construction européenne. Il est souvent dit que c'est l'existence d'un ordre juridique propre qui explique en grande partie le pouvoir intégrateur de la construction communautaire. La difficulté de mise en _uvre de conventions telles que celles que nous examinons aujourd'hui semble donner raison à cette analyse. En tout état de cause, la France qui va exercer la présidence de l'Union européenne à partir du mois de juillet se doit de donner l'exemple et de ratifier la première ces cinq conventions. C'est pourquoi votre Rapporteur vous recommande d'adopter les cinq projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 31 mai 2000.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté les projets de loi (nos 2160, 2161, 2162, 2163 et 2164).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Les textes des conventions et protocoles figurent en annexe aux projets de loi (n° 2160, 2161, 2162, 2163 et 2164).


1 Dans la convention de 1995, le blanchiment ne concernait que les revenus issus du trafic illicite des stupéfiants, alors que la convention de Naples II prévoit des échanges d'informations sur le blanchiment de revenus, quelles que soient les infractions douanières auxquelles ce blanchiment se rapporte.


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