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le 7 décembre 2000

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N° 2782

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 décembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine,

PAR M. THIERRY MARIANI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 277, 390 et T.A. 134 (1999-2000).

Assemblée nationale : 2480.

Coopération intercommunale.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léo Andy, M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Pierre Cardo, M. Christophe Caresche, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Roger Meï, M. Louis Mermaz, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Vincent Peillon, M. Dominique Perben, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

1. La légitimité démocratique des délégués communaux dans les établissements publics de coopération intercommunale 5

2. L'objet de la proposition : aménager les règles de désignation des délégués à Paris, Lyon et Marseille 6

3. Une proposition qui répond à trois problématiques 7

4. Des réserves gouvernementales infondées 9

DISCUSSION GÉNÉRALE 12

TABLEAU COMPARATIF 17

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 15 juin dernier le Sénat a adopté la proposition de loi de MM. Jean-Claude Gaudin, Michel Mercier, Emmanuel Hamel, Serge Mathieu, Francis Giraud et André Vallet tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille de siéger au sein du conseil d'une communauté urbaine. En y introduisant un élément de souplesse, cette proposition a entendu s'inscrire dans la perspective tracée, moins d'un an auparavant, par la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement de la coopération intercommunale.

1. La légitimité démocratique des délégués communaux dans les établissements publics de coopération intercommunale

En supprimant les districts et les communautés de villes et en créant les communautés d'agglomération, la loi du 12 juillet 1999, issue d'un accord entre les deux assemblées, a considérablement renforcé la coopération intercommunale en France. Plus de cinquante communautés d'agglomération ont vu le jour depuis un peu plus d'un an - ce chiffre devant atteindre quatre-vingts d'ici à la fin de l'année - et deux communautés urbaines ont été créées, Nantes et Marseille. La réforme de 1999 avait non seulement pour but d'améliorer les structures intercommunales mais aussi de mieux asseoir la légitimité des organes délibérants de ce qui demeure des établissements publics et non des collectivités locales.

Lors du débat qui a abouti au vote de cette loi, la question de l'élection des membres de ces organes délibérants avait été posée, suscitant des confrontations de points de vue riches et parfois vives. Il est vrai que les ressources et les compétences de ces structures administratives, désormais considérablement renforcées, justifient que les citoyens puissent exercer leur droit de regard sur les politiques menées dans le cadre intercommunal, ce qui passe nécessairement par le contrôle des dirigeants de ces établissements. Néanmoins, on pouvait craindre que l'élection des membres des structures intercommunales au suffrage universel direct ne soulève des difficultés, tenant notamment à la définition de leur place par rapport à la commune et au département. Echappant finalement à la tentation qui, pendant un temps, fut celle de la majorité gouvernementale d'imposer cette réforme sans une réflexion préalable approfondie et une indispensable concertation, le Parlement opta pour une solution qui permet d'améliorer la situation tout en préservant l'avenir.

En effet, à l'issue de la discussion parlementaire, un compromis équilibré a pu être trouvé, en grande partie grâce à l'action de nos collègues sénateurs. Aux termes des articles L. 5211-6 et L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales, l'organe délibérant de l'établissement de coopération intercommunale est désormais composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes parmi leurs membres. Jusqu'alors, si les délégués communaux pouvaient être des conseillers municipaux, la loi autorisait cependant les communes à désigner tout citoyen réunissant les conditions requises pour faire partie d'un conseil municipal. Tel n'est plus le cas.

Aux termes de la loi du 12 juillet 1999, l'élection se déroule selon un mode de scrutin majoritaire à trois tours. Si aucun candidat n'obtient la majorité absolue des suffrages aux deux premiers tours, la majorité relative suffit au dernier tour. En cas d'égalité des suffrages, le candidat le plus âgé est déclaré élu. Pour les communautés urbaines le mode de scrutin est cependant différent. La loi du 12 juillet 1999 n'a ainsi pas remis en cause les dispositions de l'article L. 5215-10 du code général des collectivités territoriales prévoyant que les délégués des communes dans les communautés urbaines sont élus au scrutin de liste sans panachage ni vote préférentiel, la répartition des sièges entre les listes étant opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

De la sorte, les structures intercommunales n'échappent pas au contrôle démocratique qui s'exercent pas le biais des élus municipaux, ceux-ci ayant, de leur côté, à répondre de leur action devant les électeurs. Ainsi, comme le soulignait le Président de la République en octobre dernier, l'intercommunalité est bien « l'expression moderne coordonnée et cohérente de la démocratie locale », sachant que les Français sont attachés aux différents niveaux de collectivités locales - dont la commune - qui représentent la proximité des services dont ils ont besoin.

2. L'objet de la proposition : aménager les règles de désignation des délégués à Paris, Lyon et Marseille

C'est résolument dans cette perspective que les auteurs de la proposition de loi adoptée par le Sénat, soumise aujourd'hui à la commission des Lois ont entendu s'inscrire en évoquant la question particulière de la désignation des délégués communaux à Paris, Lyon et Marseille au sein de l'organe délibérant des communautés urbaines. Leur proposition est simple, puisqu'il s'agit de permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au sein des structures intercommunales. Ils font, en effet, valoir, à bon droit, que ces élus interviennent « dans des domaines intéressant les citoyens au quotidien sur une partie du territoire de la commune » et « participent pleinement à la gestion et au développement » de ce territoire. Pour mettre en _uvre cette réforme, l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales serait modifié.

Cette proposition se justifie par trois raisons : la nature particulière des communautés urbaines qui constituent des établissements intercommunaux dotés de compétences nombreuses et importantes pour un territoire et une population très vastes ; l'organisation originale de ces trois métropoles que sont Paris, Lyon et Marseille, soumises à un statut juridique spécifique ; le risque réel à Marseille, que l'application du mode de désignation actuel des délégués communaux se heurte à une impossibilité en cas d'élargissement du territoire de la communauté urbaine.

3. Une proposition qui répond à trois problématiques

a) Les communautés urbaines, stade ultime de la coopération intercommunale

Les communautés urbaines constituent, en quelque sorte, le stade ultime de la coopération intercommunale. Elles répondent aux besoins de grandes agglomérations de taille européenne, qui doivent organiser un espace urbain dense et étendu dans un équilibre économique et social difficile à maîtriser. La mise en commun des compétences et des énergies au sein de la communauté urbaine permet de faire face à ce défi. Les communautés urbaines qui regroupent désormais des ensembles de plus de 500 000 habitants, exercent des compétences obligatoires - le développement économique, les transports et l'aménagement de l'espace, la politique de la ville, le logement - mais aussi au moins trois compétences facultatives parmi les cinq suivantes : la voirie, l'assainissement, l'eau, les ordures ménagères, les équipements sportifs et culturels. Il existe aujourd'hui quatorze communautés urbaines, Nantes et Marseille ayant rejoint cette catégorie en 2000.

b) Les conseillers d'arrondissement, une expérience appréciable fondée sur une légitimité démocratique indéniable

Au sein de la catégorie des communautés urbaines, le cas de Lyon et Marseille est encore plus spécifique. Ces deux villes sont, à l'instar de Paris - où d'ailleurs il n'existe pas de structure intercommunale - soumises à un statut particulier initié par la loi du 31 décembre 1975 et complété par celle du 31 décembre 1982 qui a institué une forme de décentralisation au sein de ces trois communes. C'est ainsi qu'ont été créés les conseils d'arrondissement au nombre de vingt à Paris, neuf à Lyon et seize à Marseille (article L. 2511-3 du code général des collectivités territoriales).

L'élection des conseils d'arrondissement a lieu lors de l'élection municipale. Ces conseils sont, en effet, composés des conseillers municipaux élus dans l'arrondissement - conformément à l'article L. 261 du code électoral - ainsi que des conseillers d'arrondissement élus également dans les mêmes conditions. Aux termes de l'article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales, le nombre de conseillers d'arrondissement est le double de celui des conseillers municipaux élus dans l'arrondissement. Il ne peut cependant être inférieur à dix et supérieur à quarante.

Les conseils d'arrondissement jouent essentiellement un rôle d'impulsion et d'exécution des délibérations du conseil municipal qui concernent leur secteur. Ils débattent de toute affaire relative à l'arrondissement. Ils peuvent aussi adresser des questions écrites au maire de la commune sur ces sujets. Il appartient à ces conseils de rendre des avis lorsqu'ils sont saisis par le maire de la commune, en vertu des dispositions du code général des collectivités territoriales. Ils sont ainsi consultés sur le montant des subventions accordées par le conseil municipal aux associations exerçant leur activité dans l'arrondissement, comme sur les délibérations du conseil municipal portant établissement, révision ou modification de certains documents d'urbanisme. Les conseils d'arrondissement peuvent aussi se voir déléguer la gestion d'équipements ou de services communaux. Les membres de ces conseils siègent dans les organismes dont le champ d'action est limité à l'arrondissement. Quand on sait que certains arrondissements parisiens représentent plus de 100 000 habitants, on mesure que le rôle de leur conseil n'est, en aucune manière, négligeable.

Confrontés aux demandes des citoyens, dont ils sont, par définition, très proches, répondant au mieux à leurs besoins, les conseillers d'arrondissement s'inscrivent dans une logique de maillage du territoire urbain reposant sur la nécessité de maintenir un lien social fort au sein de grandes métropoles. Ces élus peuvent arguer d'une expérience concrète de gestion locale dont ils peuvent faire bénéficier utilement les structures intercommunales qui, plus encore que les communes qui les composent, s'étendent sur des territoires très vastes.

Mme Claudette Brunet-Lechenault le note clairement dans le rapport qu'elle a remis au Conseil économique et social le 21 juin dernier, intitulé La décentralisation et le citoyen : « Instance de proximité par excellence, la mairie d'arrondissement est à la fois un lieu de rencontre de la population dans sa diversité, un lieu d'expression des associations auxquelles elle apporte, dans la mesure de ses moyens, une aide logistique et un lieu où les citoyens peuvent trouver une écoute. La proximité du maire et des élus de secteur favorise une meilleure réponse aux besoins. Dans les zones urbaines sensibles, elle est un élément de stabilité et de paix sociale. Ces élus, au contact du terrain, peuvent "tirer les sonnettes d'alarme" dans de nombreux domaines, notamment en matière sociale mais pas uniquement, et, par l'intermédiaire du maire d'arrondissement, interpeller la mairie centrale. Avec une bonne connaissance d'un dossier et un bon argumentaire, ils peuvent trouver le moyen de faire mieux appliquer la loi. »

c) La résolution d'une difficulté d'ordre pratique

La faculté de désigner des conseillers d'arrondissement au sein des organes délibérants des établissements public de coopération intercommunale permettrait également de résoudre une difficulté d'ordre pratique que le législateur n'a pas prise en compte en adoptant la loi du 12 juillet 1999. Comme l'a démontré précisément M. Jean-Claude Gaudin au Sénat, le cas peut se produire où l'effectif complet du conseil municipal d'une ville ne permettrait pas de désigner l'ensemble des délégués qui doivent représenter cette commune au sein de la communauté urbaine. Prenant l'exemple de Marseille, qui compte 101 conseillers municipaux, il s'est interrogé sur la capacité qu'aurait cette commune de désigner 107 délégués, si la communauté urbaine s'étendait à un bassin de population de plus d'un million de personnes avec un organe délibérant composé de 140 membres. L'adoption de la présente proposition de loi permettrait de sortir de cette impasse.

4. Des réserves gouvernementales infondées

Le Sénat a offert un bon accueil à la proposition de loi présentée par M. Jean-Claude Gaudin et ses collègues. Tout en semblant partager l'essentiel des préoccupations de ses auteurs, le Gouvernement leur a, cependant, opposé des arguments qui n'apparaissent pas très convaincants.

M. Jean-Jack Queyranne, qui représentait le Gouvernement en juin dernier au Palais du Luxembourg, n'a pu que reconnaître, en premier lieu, le rôle des conseillers d'arrondissement et leur légitimité démocratique parfaitement fondée. Ils sont bel et bien élus au suffrage universel direct. Il a également admis que la loi du 12 juillet 1999 avait omis de traiter le cas particulier de Paris, Lyon et Marseille. Il a reconnu, enfin, que la proposition de loi présenterait des avantages du point de vue de la gestion municipale, la lourdeur des charges d'un mandat municipal et d'un mandat communautaire pouvant justifier un tel aménagement. Il est vrai qu'à l'heure où est fustigé le cumul des mandats, il était difficile au ministre de déclarer que la mesure proposée par les sénateurs ne constituait pas une avancée.

Les arguments opposés par le ministre à ce dispositif simple se sont principalement fondés sur un raisonnement juridique pour le moins discutable. Reprenant la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1982, il a rappelé que les arrondissements constituaient des « divisions administratives au sein des communes ». De cette qualification juridique, qui n'affecte nullement la qualité des conseillers d'arrondissement, élus au suffrage universel, il en a tiré la conclusion que l'on permettrait à une division administrative de participer à l'élaboration d'un projet commun de développement de l'ensemble des communes qui composent l'agglomération. Ainsi, selon le Gouvernement, on autoriserait les conseillers d'arrondissement qui ne participent pas au vote du budget de la commune, à prendre part à la délibération arrêtant le budget de la communauté urbaine, établissement public qui vote l'impôt. Ce raisonnement est assez surprenant. En effet, les structures intercommunales sont, à l'évidence, des établissements publics administratifs. On voit mal pourquoi on permettrait à la communauté urbaine, organe administratif, de voter l'impôt, tandis que l'on interdirait à un élu au suffrage universel d'y prendre part sous prétexte que sa circonscription d'élection est qualifiée de « division administrative ». Cet argument paraît bien mince.

Le ministre a également jugé que la proposition de loi remettait en cause les dispositions du code électoral prévoyant une liste électorale unique et l'attribution des sièges de conseillers d'arrondissement dans l'ordre de la liste après épuisement des sièges de conseillers municipaux auxquels chaque liste a droit. Selon M. Queyranne, il s'agirait ici d'une assimilation des fonctions de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement, peu conforme au principe d'unité communale et à la notion de divisions administratives. Pour le moins, en dehors même d'une formulation obscure, cette argumentation ne convainc pas. Il n'est nullement question ici de permettre à un conseiller d'arrondissement d'exercer de facto les prérogatives d'un conseiller municipal. Il s'agit tout simplement de donner à un conseiller d'arrondissement la possibilité de participer aux travaux de l'organe délibérant d'un établissement public. Avant la loi du 12 juillet 1999, un simple citoyen pouvait être désigné comme délégué communal au sein d'une structure intercommunale. Il ne serait venu à l'esprit de personne de considérer alors que ce citoyen devenait conseiller municipal de fait. Le raisonnement développé par le ministre au Sénat semble donc, sur ce point, sans fondement juridique ni même logique.

Par ailleurs, arguer d'une différence de traitement et d'une rupture du principe d'égalité entre les communes au prétexte que certaines seraient représentées par les seuls conseillers municipaux tandis que d'autres pourraient l'être par des conseillers d'arrondissement ne saurait emporter la conviction. N'est-ce pas la situation particulière de Paris, Lyon et Marseille qui justifie un statut juridique dérogeant au droit commun ?

Enfin, le ministre a évoqué la question de la parité pour s'opposer à cette proposition de loi. D'après lui, ce texte irait à l'encontre de la loi relative à l'égalité d'accès aux mandats et aux fonctions qui s'applique aux élections municipales. Sans porter de jugement sur cette loi votée par le Parlement, on voit mal en quoi permettre aux conseillers d'arrondissement d'être élus délégués communaux, irait à l'encontre de ce dispositif de discrimination positive qui, d'ailleurs, n'impose nullement de parité dans les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale.

Au total, l'ensemble des arguments présentés contre cette proposition de loi paraît bien faible. La position du Gouvernement, esquissée au Sénat, semble dictée par un seul motif : le refus de voir aboutir une réforme, même mineure, initiée par l'opposition. On espère qu'à l'Assemblée nationale, le Gouvernement et la majorité sauront faire preuve de plus d'ouverture d'esprit pour accepter l'adoption d'un texte pragmatique, qui tend à résoudre un problème concret, dans le respect des principes énoncés par la loi du 12 juillet 1999.

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* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Rappelant que, lors de la discussion de la loi du 12 juillet 1999 relative à la simplification et au renforcement de la coopération intercommunale, le principe de la désignation des seuls conseillers municipaux pour siéger au sein des conseils des communautés urbaines avait fait l'objet d'un débat particulièrement approfondi, M. Jacky Darne a souligné qu'à aucun moment l'hypothèse d'y faire participer les conseillers d'arrondissement, comme y invite la proposition de loi, n'avait été évoquée. Il a ajouté que, lors de la première lecture de ce projet de loi devant l'Assemblée nationale, il avait proposé, à titre personnel, qu'à l'occasion des élections municipales, les conseillers municipaux susceptibles de siéger au sein de la communauté urbaine soient clairement identifiés parmi la liste des différents candidats afin que les citoyens en soient pleinement informés, mais n'avait pu emporter l'adhésion de ses collègues en raison de leur hostilité à tout dispositif pouvant tendre à la « supracommunalité ».

M. Jacky Darne a estimé que la proposition de loi apportait une réponse fort peu satisfaisante à la question réelle de l'articulation des décisions émanant des communautés urbaines avec celles prises par les communes. Soulignant que les conseillers d'arrondissement ne participaient pas au vote de l'impôt municipal, il a considéré qu'il serait paradoxal de leur confier ce droit au sein des conseils des communautés urbaines, alors même qu'en matière fiscale leurs compétences peuvent être plus étendues que celles des communes. Jugeant que le dispositif de la proposition de loi ne serait ni compris ni accepté par les citoyens, il s'est interrogé sur les motivations réelles de ses auteurs, exprimant la crainte que certains n'aient d'autres soucis que de permettre l'accès à des fonctions à leurs amis politiques. Tout en appelant la Commission à ne pas adopter cette proposition de loi, il a conclu son propos en reconnaissant qu'il serait sans doute opportun de revoir la loi du 31 décembre 1982, relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon, dite « PLM » pour clarifier les pouvoirs respectifs du conseil d'arrondissement et du conseil municipal.

Rappelant, en préambule, qu'il avait eu l'honneur de rapporter la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et la simplification de la coopération intercommunale, M. Gérard Gouzes s'est étonné que le Sénat prenne l'initiative de revenir sur des dispositions adoptées après de longues heures de discussion en réunion de commission mixte paritaire. Après avoir souligné que l'obligation de choisir l'ensemble des membres des organes délibérants des structures intercommunales parmi les conseillers municipaux des communes membres constituait une avancée essentielle de la loi, il a observé que la proposition de loi en discussion allait à l'encontre de cette disposition dans le seul objet de régler le cas particulier de Marseille ; il a estimé qu'en faisant référence, pour la répartition des sièges entre les communes au sein de l'organe délibérant, à un accord amiable entre les communes, la loi du 12 juillet 1999 devait permettre à la communauté urbaine de Marseille de trouver un compromis acceptable pour toutes les communes. Contestant, en outre, un dispositif qui aurait vocation à s'appliquer à Paris, Lyon et Marseille, alors même que Paris n'était pas concernée dans les mêmes termes par la dynamique de l'intercommunalité, il a, en conclusion, exprimé son hostilité à l'encontre d'une proposition de loi revenant finalement à reconnaître à l'arrondissement le statut de collectivité à part entière.

Dénonçant le sort commun réservé à toutes les propositions de loi présentées par l'opposition, M. Pascal Clément a émis le souhait que la majorité gouvernementale sorte à leur égard de son attitude de refus systématique et reconnaisse le bien fondé des initiatives parlementaires, quelle que soit leur origine ; il a regretté le manque d'autonomie du Parlement face aux volontés du Gouvernement, tout en admettant que cette dérive était, sans doute, inhérente aux institutions de la Ve République. Il a rappelé, faisant référence aux propos de M. Jean-Jacques Hyest devant le Sénat, que la possibilité de nommer des représentants au sein des organes délibérants des établissements de coopération intercommunale n'étant pas issus des conseils municipaux des communes membres, qui avait longtemps été admise par la loi, était donc autrefois de pratique courante. Reconnaissant que le dispositif proposé dans la proposition de loi permettait de régler un problème spécifique à Marseille, il a cependant observé que la question pourrait également surgir à Lyon et, éventuellement, à Paris si la capitale décidait de s'ouvrir à l'intercommunalité, dans le cas où le nombre d'élus municipaux serait insuffisant par rapport au nombre de représentants appelés à siéger dans les établissements de coopération intercommunale.

Evoquant l'unanimité qui avait présidé à l'adoption de la loi du 12 juillet 1999, il a observé que l'ensemble des parlementaires s'était rejoint sur les finalités à atteindre, consistant à encourager le mouvement de création de structures intercommunales. Soulignant que la proposition de loi en discussion ne remettait pas en cause les principes de ce texte mais procédait à un simple aménagement pour garantir aux villes-centre une représentation à la hauteur de leurs engagements financiers, il a jugé que la position du groupe socialiste n'était guère satisfaisante. Evoquant la suggestion de M. Jacky Darne consistant à modifier la loi « PLM », il a observé que de simples ajustements à la loi sur l'intercommunalité étaient préférables à des bouleversements qui iraient bien au-delà de l'objectif recherché. Considérant en définitive que la présence d'élus « de deuxième classe », puisque c'était ainsi que l'on s'évertuait à désigner les conseillers d'arrondissement, était préférable à une solution privant la commune d'une représentation adéquate au sein de l'établissement public de coopération intercommunale, il a vivement déploré l'attitude partisane et idéologique des députés socialistes et s'est félicité qu'une telle attitude n'ait pas prévalu au Sénat.

Considérant que le problème soulevé par la présente proposition de loi pourrait être résolu par l'élection au suffrage universel direct des membres des structures intercommunales, M. Bernard Derosier a rappelé que le Sénat s'y était opposé lors de la discussion de la loi du 12 juillet 1999. Après avoir approuvé le dispositif actuel, qui écarte la possibilité de désigner les conseillers d'arrondissement pour siéger au sein de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale bien qu'ils soient élus du suffrage universel, il a jugé, a fortiori, qu'il était choquant que d'autres organes, tels que des établissements publics fonciers, puissent lever l'impôt sans que les membres de leur conseil d'administration soient élus au suffrage universel direct.

S'agissant des modalités de désignation des représentants intercommunaux, M. Pascal Clément a estimé que le Sénat avait fait le choix de la prudence, en écartant, dans l'immédiat, le recours au suffrage universel, considérant qu'un tel choix devait répondre à une attente des citoyens et non être vécue comme une agression, dont le seul objectif serait de rayer de la carte l'échelon communal.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les éléments d'information suivants :

-  Cette proposition de loi a été votée à l'unanimité au Sénat et fait l'objet d'un consensus parmi les différentes forces politiques à Marseille.

-  M. Jean-Jack Queyranne, qui représentait le Gouvernement lors de la discussion au Sénat, a convenu que ce texte permettrait de répondre à la question de la lourdeur de l'exercice simultané des charges de conseiller municipal et de conseiller communautaire. Il a également constaté que la loi du 12 juillet 1999 avait bien omis de traiter le cas particulier de Paris, Lyon et Marseille.

-  Déclarer que la légitimité des conseillers d'arrondissement serait moindre que celle des autres élus, alors même que le suffrage universel les désigne, est pour le moins surprenant et même d'un certain point de vue insultant à leur égard.

-  Si l'on diminuait le nombre de délégués représentant Marseille au sein de la communauté urbaine, on serait contraint de réduire également la représentation des plus petites communes, pour respecter les équilibres démographiques, cette solution n'étant évidemment pas satisfaisante.

-  A l'heure où l'on fustige le cumul des mandats, la proposition de loi va évidemment dans le bon sens et il est surprenant et décevant de constater que la majorité rejette ce texte au seul motif qu'il est présenté par l'opposition.

A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'article unique de la proposition de loi.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi n° 2480, adoptée par le Sénat, tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine.

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TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte adopté par le Sénat
en première lecture

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Propositions de la Commission

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Code général
des collectivités territoriales

Art. L. 5211-7. -  I.  Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 5212-7 et de l'article L. 5215-10, ces délégués sont élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi leurs membres, au scrutin secret à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité relative.

Article unique

A l'article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

Article unique

Rejeté.

En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé est déclaré élu.

   
 

« I bis. -  Dans les communes de Paris, Marseille et Lyon, soumises aux dispositions du titre Ier du livre V de la deuxième partie, le choix du conseil municipal peut également porter sur des conseillers d'arrondissement. »

 

II. -  Les conditions d'éligibilité, les inéligibilités et les incompatibilités applicables aux membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale sont celles prévues pour les élections au conseil municipal par les articles L. 44 à L. 46, L. 228 à L. 237 et L. 239 du code électoral.

   

Les agents employés par un établissement public de coopération intercommunale ne peuvent être désignés par une des communes membres pour la représenter au sein de l'organe délibérant de cet établissement.

   

2782 - Rapport de M. Thierry Mariani tendant à permettre aux conseillers d'arrondissement de siéger au conseil d'une communauté urbaine (commission des lois)


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