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le 18 décembre 2000

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N° 2791

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LES PROPOSITIONS DE LOI ORGANIQUE :

1. (n° 2602) DE MM. GEORGES SARRE ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, relative à l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport à l'élection législative ;

2. (n° 2665) DE M. BERNARD CHARLES ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, visant à modifier l'article L.O. 121 du code électoral en vue de la concomitance de l'élection présidentielle et des élections législatives ;

3. (n° 2741) DE M. RAYMOND BARRE, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ;

4. (n° 2756) DE M. HERVÉ DE CHARETTE, relative à l'organisation des élections présidentielles et législatives ;

5. (n° 2757) DE M. GÉRARD GOUZES, relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale ;

6. (n° 2773) DE M. JEAN-MARC AYRAULT ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale,

PAR M. BERNARD ROMAN,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Elections et référendums.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léo Andy, M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Jacques Brunhes, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Jean-Claude Decagny, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Jacques Floch, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean-Antoine Léonetti, M. Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Roger Meï, M. Louis Mermaz, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Vincent Peillon, M. Dominique Perben, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - DÉDRAMATISER LE DÉBAT : UN SIMPLE RÉTABLISSEMENT DE CALENDRIER 5

1. Des initiatives pluralistes pour rétablir la cohérence du calendrier électoral 5

2. Le mirage des prédictions électorales pour 2002 7

3. La volonté de réformer les institutions contre le coup de force du hasard 8

II. - LE CALENDRIER ÉLECTORAL DE 2002 : LE CHOIX DE LA CLARTÉ DÉMOCRATIQUE FACE AUX INCERTITUDES JURIDIQUES 9

1. Des difficultés pratiques en 2002 10

2. Le risque de troubler un rendez-vous démocratique important 11

III. - LA PRÉSERVATION DE L'ACQUIS MAJEUR DE LA Ve RÉPUBLIQUE : LE PLURALISME DANS LA STABILITÉ GRÂCE AU FAIT MAJORITAIRE 12

1. Le fait majoritaire, principe de fonctionnement de nos institutions 12

2. La préservation de cet acquis au profit de la clarté démocratique 14

DISCUSSION GÉNÉRALE 17

EXAMEN DES ARTICLES 22

Article premier [art. L.O. 121 du code électoral] : Prolongation des pouvoirs de l'Assemblée nationale 22

Article 2 : Application à la législature en cours 24

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 27

TABLEAU COMPARATIF 29

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 31

MESDAMES, MESSIEURS,

Deux événements fortuits - la mort du Président Pompidou en avril 1974 et la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 1997 par l'actuel Président de la République - sont à l'origine du calendrier électoral inédit de 2002. Ainsi, par le seul fait du hasard, non seulement les élections législatives et présidentielles se dérouleront la même année, mais, de surcroît, le scrutin désignant les députés précédera l'élection présidentielle. Pour le moins, cette séquence est sans précédent et tranche avec la pratique institutionnelle observée depuis 1958. Faut-il s'en satisfaire en se laissant ainsi porter par ce que certains estiment être une bonne fortune ou, au contraire, tenter de maintenir la logique de nos institutions face à cette coïncidence qui pourrait bien faire figure de mauvais sort ?

Cinq propositions de loi ont été récemment déposées à l'Assemblée nationale pour rétablir l'ordre normal des élections de 2002. Leur origine pluraliste montre que ce débat, qu'il convient de dédramatiser sur la base d'arguments raisonnables, ne naît nullement de la conjonction d'intérêts particuliers, comme certains voudraient le faire accroire. Revenir à une forme de cohérence institutionnelle répond à la volonté de faire des élections de 2002 un moment démocratique à l'occasion duquel les Français pourront s'exprimer clairement sur le bilan d'une politique et sur les projets qui leur seront soumis. Mais, plus profondément, il est ici également question de maintenir l'un des principaux acquis de la Ve république, non pas la prééminence du Président de la République - depuis 1986 la pratique institutionnelle a montré la valeur relative de cette primauté - mais, bel et bien, le fait majoritaire.

I. - DÉDRAMATISER LE DÉBAT : UN SIMPLE RÉTABLISSEMENT DE CALENDRIER

1. Des initiatives pluralistes pour rétablir la cohérence du calendrier électoral

Hormis le texte présenté par M. Bernard Charles qui vise à organiser simultanément les élections présidentielles et législatives, les propositions de loi qui sont aujourd'hui soumises à la Commission n'ont qu'un seul objet : rétablir le calendrier électoral dans sa cohérence.

Contrairement à l'idée reçue, ces propositions n'ont pas pour objet d'inverser les élections dans un but inavoué, mais bien de revenir à une situation normale, logique et cohérente avec les principes de fonctionnement de notre République. On ne peut à cet égard mener sérieusement le procès selon lequel ce rétablissement du calendrier serait le fruit de calculs et d'arrière-pensées, constituant de la sorte une vaste entreprise de manipulation. Peut-on raisonnablement, et sans craindre une appréciation sévère de nos concitoyens, prétendre que M. Giscard d'Estaing, ancien Président de la République, MM. Raymond Barre et Michel Rocard, anciens Premiers ministres, se laisseraient aller à de tels jeux en méconnaissant l'intérêt du pays et des institutions, au seul profit d'un camp contre l'autre ? Ces personnalités ne partagent pas d'ailleurs la même conception des institutions. L'un peut apparaître très attaché à la lecture gaullienne de notre Constitution, l'autre pourrait être qualifié de plus libéral et le troisième pourrait difficilement passer pour le thuriféraire du régime présidentialiste. Ce qui semble manifestement unir les auteurs de ces propositions, au-delà même des trois personnalités citées précédemment, c'est un certain sens de l'intérêt général en dehors des calculs électoralistes. Les allégations selon lesquelles le rétablissement du calendrier répondrait à de bas calculs politiciens sont évidemment excessives et illustrent, au contraire, parfaitement les travers qu'elles entendent dénoncer.

Six propositions sont donc aujourd'hui inscrites à l'ordre du jour de notre assemblée. Trois d'entre elles présentent une rédaction identique : les propositions n° 2741 de M. Raymond Barre, n° 2757 de M. Gérard Gouzes et n° 2773 de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés. Elles modifient l'article L.O. 121 du code électoral, en prévoyant que les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année de son élection, cette disposition s'appliquant à la législature en cours.

La proposition n° 2602 de M. Georges Sarre qui poursuit le même objectif, modifie uniquement l'article L.O. 121 du code électoral en prévoyant que les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le quatrième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection.

M. Hervé de Charette présente, quant à lui, une proposition n° 2756 dont l'objet est distinct des précédentes. Il introduit un nouvel article dans le code électoral en maintenant l'article L.O. 121 dans sa rédaction actuelle. Ainsi, en vertu de ce dernier, les pouvoirs de l'Assemblée nationale expireraient toujours le premier mardi d'avril de la cinquième année qui suit son élection. En revanche, quand, par les hasards du calendrier, les élections législatives devraient avoir lieu dans les six mois qui précèdent l'élection du Président de la République, elles seraient organisées dans les quarante-cinq jours qui suivent cette dernière élection.

La proposition n° 2665 de M. Bernard Charles se distingue notablement des précédentes dans la mesure où elle entend instituer la concomitance des élections législatives et présidentielles. Contrairement aux autres initiatives, ce texte induirait une modification de notre calendrier électoral qui ne serait pas sans conséquence sur nos institutions. On reviendra sur les inconvénients de cette proposition par la suite.

Au-delà de leurs approches différentes, ces propositions témoignent de la nécessité de rétablir le calendrier de 2002 en dehors de toute spéculation sur les résultats des élections.

2. Le mirage des prédictions électorales pour 2002

Les contempteurs du rétablissement du calendrier normal des élections en 2002 font état de prétendus calculs électoraux selon lesquels l'organisation de l'élection présidentielle avant le scrutin législatif serait de nature à favoriser la majorité gouvernementale. Ne se laissent-ils pas aller à des spéculations bien aventureuses ? Au risque d'être cruel - mais la réalité l'est souvent - on rappellera, sans plus insister, que les prédictions savantes sur la conjoncture économique et électorale qui ont mené à une dissolution de pure opportunité en 1997 ont démontré clairement que les prévisions électorales relevaient de la plus pure des illusions.

Ce mirage de la prédiction repose d'ailleurs sur deux présupposés contestables : la simple application d'une règle électorale aurait une incidence certaine sur un scrutin, ce qui signifie que les Français pourraient, en quelque sorte, être manipulés sans que s'exercent leur esprit critique et leur libre choix. Mais personne ne sait ce qui se passera dans dix-huit mois. Ce délai de latence, avant des échéances électorales majeures, permet de maintenir un voile opaque d'incertitude. Il est assez long pour suffire à convaincre qu'il ne saurait s'agir, au dernier moment, de changer ici les règles du jeu démocratique.

Ne peut-on conclure avec M. Raymond Barre, qui s'exprime de la sorte dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi : « Mais, justement, personne ne peut raisonnablement dire aujourd'hui ni si un calendrier avantagerait un candidat ni, moins encore, lequel. Et ceux qui afficheraient des certitudes ne seraient pas les plus pénétrants, seulement les plus présomptueux » ?

3. La volonté de réformer les institutions contre le coup de force du hasard

On remarque que deux positions apparaissent parmi les partisans du maintien du calendrier de 2002. Certains dénoncent à cor et à cri une manipulation, attitude dont l'inanité vient d'être démontrée, d'autres, au contraire, s'appuient sur une conviction et un raisonnement qui méritent qu'on s'y arrête quelques instants.

Les institutions de la VRépublique sont souvent critiquées. Le Parlement y semble tenu en minorité par un exécutif qui dispose des principaux leviers de pouvoir et impose ainsi continûment sa volonté. Si ce constat repose en grande partie sur une réalité, il mérite cependant d'être nuancé sur certains aspects. Le Parlement dispose aussi de pouvoirs considérables, notamment en matière de contrôle de l'Etat et, plus que dans les simples mécanismes constitutionnels, la cause de son effacement doit également être recherchée dans notre vie politique, qui repose sur la solidarité du Gouvernement et de la majorité parlementaire. Par définition, cette cohérence politique l'emporte sur l'opposition classique entre exécutif et législatif. Il n'y a pas lieu de le regretter. Il reste vrai que des aménagements pourraient être apportés à notre Constitution pour assouplir ce système en permettant au Parlement d'exercer pleinement ses prérogatives, la majorité continuant cependant à soutenir l'action du Gouvernement qui émane d'elle.

Les partisans d'un renforcement de la place du Parlement dans nos institutions critiquent la présidentialisation du régime. Pour eux, rétablir le calendrier de 2002 conforterait ce qu'ils considèrent comme une dérive. En revanche, en permettant aux députés d'être élus avant le Président de la République, il serait, selon eux, possible d'inverser cette tendance et redonner au Parlement une place prééminente.

Ce raisonnement se heurte à deux objections. En premier lieu, il semble aléatoire de considérer que le simple fait d'élire les députés avant le Chef de l'Etat suffirait à restaurer la fonction parlementaire. L'effacement du Parlement n'est pas né de la seule instauration de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct en 1962. Il procède d'un contexte plus global qui touche, non seulement notre République, mais aussi plus largement toutes les démocraties occidentales. La complexité croissante de la règle de droit, la construction européenne, l'immixtion du droit international dans notre système de normes, le contrôle de constitutionnalité, le règne des médias sont autant de facteurs qui ont conduit à déplacer le centre de la vie et de l'action politiques du Parlement vers d'autres lieux. Cette unité de temps, de lieu et d'action qui, sous la IIIe République, faisait du Parlement le c_ur de la vie publique a volé en éclats. Nous devons en prendre acte sans pour autant nous résigner à subir cette évolution. Tenir compte de cette nouvelle réalité, sans ressasser une image nostalgique d'un âge d'or définitivement perdu, mais en cherchant, sans cesse, les nouveaux modes d'action qui feront du Parlement une institution moderne et efficace, tel est le défi auquel nous sommes confrontés. Croire que, par le seul hasard d'un calendrier favorable, l'on pourrait inverser cette tendance profonde des démocraties modernes, à laquelle nos institutions n'échappent pas, n'est pas forcément réaliste.

Bien plus, se livrer ainsi au hasard de ce calendrier, qui interviendrait comme une forme de justice immanente pour rétablir un équilibre institutionnel, pose une question de principe. Si l'ordre des élections en 2002 permettait d'infléchir la nature de notre régime - ce qui est douteux - pourrait-on légitimement l'accepter, en faisant finalement l'économie d'un débat clair sur ce sujet, dans le cadre duquel nos concitoyens seraient appelés à s'exprimer ? La question n'est pas mince car elle conduit tout naturellement à s'interroger sur notre conception de la démocratie. Pour sa part, le rapporteur considère que l'on ne peut adhérer à l'idée qu'un tel infléchissement de nos institutions s'opère sans le consentement explicite du peuple. Toute autre attitude relèvement, en définitive, d'une approche élitiste de la politique acceptant que les citoyens subissent plus qu'ils ne décident. Certes, on pourrait considérer que le débat qui se déroulera sur les présentes propositions de loi organique permettrait aux Français, par la voie de leurs représentants, de s'exprimer sur leur conception des institutions. C'est, d'une certaine manière, ce que semblent penser MM. Raymond Barre et Hervé de Charette d'après l'exposé des motifs de leur proposition respective. Mais cette question ne devrait-elle pas être tranchée directement par les Français, plutôt que d'être évoquée à l'occasion d'une discussion parlementaire à l'issue de laquelle les députés et les sénateurs ne se prononceront que sur une question de calendrier ?

C'est en 2002 que le débat sur nos institutions doit avoir lieu. Telle est la conviction du rapporteur. Notre régime est, à bien des égards, à bout de souffle et en attente de mutations profondes, auxquelles des réformes d'envergure pourraient répondre. Certaines d'entre elles ont déjà été amorcées : la parité, la limitation du cumul des mandats - encore trop timide -, le quinquennat. Les prochaines élections présidentielle et législatives seront l'occasion de débattre clairement de ces questions devant les Français.

II. - LE CALENDRIER ÉLECTORAL DE 2002 : LE CHOIX DE LA CLARTÉ DÉMOCRATIQUE FACE AUX INCERTITUDES JURIDIQUES

L'organisation des élections législatives avant le scrutin présidentiel soulève des difficultés d'ordre pratique qui pourraient conduire à une absence de clarté du débat politique en 2002. Peut-on considérer que notre pays doit être soumis, dans dix-huit mois, à un imbroglio juridique qui risquerait de discréditer l'action publique plus encore qu'elle ne l'est aujourd'hui ?

1. Des difficultés pratiques en 2002

Si l'on s'en tient au calendrier actuel, le premier tour des élections législatives aura lieu au plus tôt le 3 février et au plus tard le 24 mars 2002, alors que le premier tour des élections présidentielles aura lieu le 14 ou le 21 avril 2002.

Or, comme le Conseil constitutionnel l'a souligné dans ses observations du 23 juillet dernier relatives à la prochaine élection présidentielle, il importe que les citoyens habilités à présenter les candidats à cette élection, dans le cadre de la procédure de parrainage prévue par la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962, puissent avoir pris connaissance des résultats de l'élection à l'Assemblée nationale. Le Conseil souligne que « le deuxième tour de cette élection devrait donc avoir eu lieu lorsque s'ouvrira la période de recueil des présentations par le Conseil constitutionnel ». En principe, cette période de recueil de présentation s'achève dix-huit jours au moins avant le premier tour du scrutin présidentiel. On imagine les difficultés qui naîtraient de la concomitance de la campagne de recueil des signatures et des élections législatives. En particulier, si, à l'issue des élections à l'Assemblée nationale, l'un des candidats, pressenti ou officiellement en lice, tirait les conclusions de ce scrutin en décidant de ne pas se présenter au bénéfice d'une autre personnalité, le recueil des signatures nécessaires à cette nouvelle candidature ne serait plus possible. On peut présager de la confusion qui naîtrait d'une telle situation. Si, par exemple, le premier tour des présidentielles se déroulait le 14 avril, les cinq cents signatures devraient être recueillies avant le 27 mars alors que le second tour des législatives pourrait avoir eu lieu le 31 mars. De plus, on voit mal comment le Conseil constitutionnel pourrait alors exercer les contrôles adéquats. De même, la liste des candidats est arrêtée quinze jours au moins avant le premier tour de l'élection présidentielle. Dans l'hypothèse d'un premier tour le 14 avril, cette liste serait donc fixée définitivement la veille du second tour des législatives !

Même, si le premier tour de l'élection présidentielle se déroulait le 21 avril 2002, les difficultés pratiques demeureraient et les contrôles prévus ne s'exerceraient pas dans de bonnes conditions. Ne risquerait-on pas alors de connaître des péripéties qui, aujourd'hui, font la une des médias aux Etats-Unis, les procédures judiciaires et les arguties juridiques se substituant à un débat politique clair et démocratique ?

Par ailleurs, en cas de maintien du calendrier actuel, on peut s'interroger sur la composition et le rôle du Gouvernement entre le résultat des élections législatives et le scrutin présidentiel. Quelle que soit l'issue des élections à l'Assemblée nationale, et sans préjuger aucunement que de telles man_uvres seraient possibles, n'y aurait-il pas là matière à des calculs que l'on doit récuser ? Le risque n'existe-t-il pas de voir le pouvoir exécutif paralysé durant de longues semaines et le pays livré à la pagaille, pour reprendre le mot employé par Michel Rocard (1) ?

Pour ces motifs, il importe de fixer suffisamment à l'avance, comme c'est le cas aujourd'hui, des règles précises et limpides qui n'offrent pas la possibilité, même hypothétique, et la tentation de recourir à des subterfuges qui éloigneraient plus encore, s'il en était besoin, nos concitoyens du débat public. C'est ce choix de la clarté qui a conduit plusieurs de nos collègues à proposer le rétablissement du calendrier de 2002.

2. Le risque de troubler un rendez-vous démocratique important

Lors de son discours de Grenoble, le Premier ministre a mis en évidence les raisons qui justifient le rétablissement du calendrier de 2002 : « Ce qu'il faut souhaiter, c'est que le printemps 2002, celui des grands rendez-vous démocratiques, dans lesquels le peuple s'exprime et tranche, ne soit pas un printemps de la confusion et des choix de convenance, mais un printemps de la clarté. » Il est certain que la concomitance des campagnes législatives et présidentielles, en cas de maintien du calendrier de 2002, entraînerait une confusion sur la place et le rôle de chacune de ces élections.

Dans l'exposé des motifs de sa proposition, M. Georges Sarre insiste aussi sur cette nécessité de conférer au débat de 2002 une grande lisibilité : « Elire d'abord le Président de la République, ensuite les députés de l'Assemblée nationale est la meilleure manière de rétablir la clarté et la responsabilité politiques : les citoyens doivent savoir clairement qui gouverne, qui contrôle et qui s'oppose ». Il est rejoint sur ce sujet par MM. Raymond Barre et Hervé de Charette.

M. Gérard Gouzes en appelle également à ce que, « dans la clarté, les élections présidentielles et législatives retrouvent un sens, pour que cette logique ne risque plus d'être perturbée comme elle l'est aujourd'hui par des hasards malheureux ». C'est, enfin, le sens de la proposition de loi organique déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Raymond Forni et le rapporteur, aux termes de laquelle seront fixées « des règles simples, connues des citoyens et propices à l'organisation d'un débat démocratique empreint de clarté et de sérénité ».

« Faire le choix d'une logique institutionnelle éprouvée plutôt que d'un scénario aventureux », on ne peut qu'approuver cette formule signée par M. Raymond Barre et Michel Rocard dans leur article publié, il y a peu, dans le journal Le Monde (2). Rétablir le calendrier de 2002, c'est faire le choix de la clarté, celle des candidatures, du débat et de la réponse que nos concitoyens accorderont aux propositions des différents candidats. C'est aussi préserver l'un des principaux acquis de la Ve République : le fait majoritaire.

III. - LA PRÉSERVATION DE L'ACQUIS MAJEUR DE LA Ve RÉPUBLIQUE : LE PLURALISME DANS LA STABILITÉ GRÂCE AU FAIT MAJORITAIRE

1. Le fait majoritaire, principe de fonctionnement de nos institutions

L'esprit de la Constitution est souvent invoqué pour justifier le rétablissement du calendrier électoral. La référence n'est pas injustifiée mais on lui préférera cependant la notion de principe. Car c'est bien le principe de fonctionnement de nos institutions qu'il convient ici de préserver, et non un esprit, ne correspondant pas nécessairement à une réalité tangible et pouvant être l'objet d'interprétations fort diverses et parfois contradictoires.

Le principal apport de la Ve République est d'avoir permis que notre pays connaisse, pour la première fois dans son histoire institutionnelle souvent tumultueuse, la difficile alliance entre la stabilité et le pluralisme, sous le contrôle et par la volonté du peuple. C'est au fait majoritaire que nous devons cette évolution positive. Son existence n'est pas inscrite dans notre Constitution ; en cela, il s'agit bien d'un fait, pur produit du fonctionnement de nos institutions.

Contrairement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, la France ne connaît pas de système bipartisan. On qualifie plutôt notre régime de bipolaire. Deux camps s'opposent mais, en leur sein, existent des tendances diverses, souvent difficiles à fédérer. Jamais la France n'a pu durablement être gouvernée autrement que par une coalition. Ce pluralisme est une richesse, le débat se nourrissant d'opinions différentes et de nuances. Pour autant, il constitue un obstacle à la stabilité gouvernementale comme nous l'ont montré les IIIe et IVe Républiques. Le régime institué en 1958 et en 1962 a su organiser les conditions nécessaires à la préservation d'un équilibre entre cette pluralité des opinions et l'indispensable continuité de l'action de l'Etat.

Le mécanisme puissant qui a permis d'atteindre cet objectif est, sans nul doute, l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Comme le soulignent Guy Carcassonne, Olivier Duhamel et Georges Vedel, dans leur tribune publiée récemment (3), contrairement aux craintes exprimées par les formations politiques les plus petites, l'élection présidentielle ne les marginalise nullement. Le premier tour de ce scrutin leur offre, au contraire, « la chance exceptionnelle d'exister, de percer, de se renforcer, infiniment plus que les législatives éclatées et soumises aux pesanteurs locales ». Il est d'évidence, l'expérience l'ayant montré, que les petits partis trouvent dans cette élection la possibilité de se faire connaître et de peser, dans la mesure où les voix qui se sont portées sur eux au premier tour sont sollicitées lors du second tour. Loin d'étouffer le jeu politique, l'élection présidentielle représente donc une chambre d'écho à nulle autre pareille pour ces formations.

Le second tour de l'élection présidentielle répond à une autre fonction. Il permet de fédérer les forces qui se sont exprimées quinze jours auparavant. S'ils veulent être élus, les deux candidats doivent démontrer leur capacité à rassembler au-delà de leur seule formation politique sur la base d'un message clair qui fera figure de contrat entre le futur Président de la République, le peuple mais aussi l'ensemble des partis qui l'ont soutenu.

Certains pourraient être tentés de prendre comme contre-exemple la majorité plurielle issue des élections de 1997. Cet exemple particulier renforce, au contraire, la démonstration. En effet, la cohérence de cette majorité s'est nouée autour d'un projet, dont les fondements ont été posés lors du second tour de l'élection présidentielle de 1995. Le bon score de Lionel Jospin lors de ce scrutin a permis d'engendrer une dynamique, qui a conduit au succès de 1997. La majorité plurielle a montré, depuis trois ans, qu'une action efficace n'était nullement contradictoire avec un véritable débat. Cet exemple témoigne parfaitement que le mécanisme de l'élection présidentielle est, pour les deux camps, de nature à assurer cet équilibre. Le mode de scrutin des députés, uninominal à deux tours, ne constitue qu'un appoint dans l'émergence du fait majoritaire. Le professeur Jean-Claude Colliard - aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel - le souligne clairement dans un article récent, lorsqu'il analyse le système des partis en France : « Il est frappant de constater que c'est la mise en place de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, innovation majeure de la Ve République, qui va entraîner la mutation du système de partis en faisant passer d'une logique de concentration à une logique de majorité » (4).

2. La préservation de cet acquis au profit de la clarté démocratique

Dans cette perspective, le rétablissement du calendrier normal des élections semble l'une des conditions pour préserver le fait majoritaire. Il ne faut pas voir, cependant, dans cette mesure le triomphe du présidentialisme et la défaite du Parlement. La démocratie repose sur l'alternance et la responsabilité des gouvernants. La mise en _uvre de ces principes n'est possible que dans la clarté : celle du choix des représentants par le peuple, celle des projets proposés et celles du bilan que les électeurs auront à juger.

Contrairement à une idée reçue, le parlementarisme de la IIIe et de la IVe Républiques ne fut nullement l'acmé de la démocratie à la française. Il en fut malheureusement bien souvent une parodie. L'émiettement du paysage politique et les coalitions incertaines ont maintes fois abouti à un détournement du vote des électeurs au travers des recompositions de majorité soutenant, pour quelque temps seulement, le Gouvernement. Les petits partis charnières jouaient l'un ou l'autre camp et ainsi une France votant pour le Cartel des Gauches en 1924 se retrouvait, deux ans plus tard, gouvernée par Poincaré. Comme le souligne le professeur Carcassonne, « lorsque le pouvoir a été exercé par des coalitions mouvantes, dans lesquelles le poids et l'influence respectifs des uns et des autres sont malaisés à apprécier, la responsabilité se dilue » (5).

Certes, il ne s'agit pas ici de grossir le trait et de se laisser aller à la caricature. Il serait absurde de soutenir que le calendrier de 2002 pourrait, à lui seul, nous ramener aux affres d'avant 1958. L'alternative n'est nullement entre ce qui serait un régime parfait - la Ve République - et les expériences anciennes, qui constitueraient un repoussoir diabolique. Il est simplement question de permettre à nos règles démocratiques de jouer pleinement, en dépit de leurs imperfections, en offrant, en 2002, à nos concitoyens un choix clair proposé par des formations politiques responsables. Or les élections législatives ne constituent pas le cadre idéal pour mener à bien ce projet. Si, à leur occasion, les électeurs prennent en considération des enjeux nationaux, il est d'évidence que les questions locales ont toute leur importance, ce qui est normal. Seule l'élection présidentielle offre cette possibilité : une alternative portant sur des enjeux nationaux.

Faire en sorte que les élections législatives précèdent le scrutin présidentiel ne portera pas atteinte à nos institutions mais perturbera le jeu normal de nos institutions, à un moment où le débat politique exige une grande transparence. Parce que la démocratie est, par nature, le règne de la majorité, ce qui la distingue du despotisme, il importe de tout faire pour permettre à cette majorité d'émerger dans les meilleures conditions.

Au passage, on considèrera donc que la proposition de M. Bernard Charles tendant à organiser les élections législatives et présidentielles le même jour n'est pas de nature à préserver l'acquis majoritaire dont on a souligné l'intérêt. L'auteur de cette proposition indique d'ailleurs clairement que son texte s'inscrit dans une perspective plus large : l'instauration d'un nouveau régime constitutionnel de caractère présidentiel.

C'est sur la base de l'ensemble de ces arguments, que l'on ne saurait qualifier de manipulateurs sans se discréditer totalement aux yeux de nos concitoyens, que le rapporteur juge souhaitable d'adopter un texte qui fixe de manière générale la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale au 15 juin de la cinquième année suivant l'élection de cette assemblée, cette disposition s'appliquant à la présente législature.

Cette prolongation du mandat des députés de quelques semaines ne soulèvera pas de difficultés juridiques. Le Conseil constitutionnel a déjà accepté qu'une assemblée locale voie ses pouvoirs prorogés si le législateur se conforme aux principes d'ordre constitutionnel qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage et que les choix du législateur s'inscrivent dans le cadre d'une réforme dont la finalité n'est contraire à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle (CC, décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990).

Les précédents existent en la matière :

- la loi n° 66-947 du 21 décembre 1966 a reporté de mars à octobre 1967 le renouvellement d'une série de conseillers généraux afin d'éviter que celui-ci ne coïncide avec les élections législatives ;

- la loi n° 72-1070 du 4 décembre 1972 a procédé, de nouveau, au report d'élections cantonales du mois de mars au mois d'octobre pour éviter que celles-ci n'aient lieu en même temps que les élections législatives de mars 1973 ;

- la loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 a reporté de mars à septembre une série d'élections cantonales pour ne pas qu'elles interfèrent avec l'élection présidentielle qui a eu lieu les 24 avril et 8 mai 1988 ;

- la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990, poursuivant un objectif différent puisqu'il s'agissait, au contraire, d'organiser la concomitance de deux catégories d'élections locales, a modifié l'ordre normal de renouvellement des conseils généraux, prorogeant le mandat d'une série et écourtant celui de l'autre ;

- la loi n° 94-590, enfin, a reporté au mois de juin les élections municipales pour qu'elles interviennent après l'élection présidentielle de 1995.

Dans les deux derniers cas le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi, a validé les mesures prises par le législateur.

Les propositions de loi soumises ici à la Commission respectent la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui aura à se prononcer sur la validité du texte de nature organique adopté par le Parlement en application de l'article 46 de la Constitution. La durée du mandat de l'Assemblée nationale relevant de la loi organique et non de la Constitution, le législateur est donc parfaitement fondé à intervenir ici. La prolongation des pouvoirs de l'Assemblée ne s'oppose à aucun principe constitutionnel. Le délai entre l'adoption de cette proposition de loi et les échéances de 2002 est suffisamment long pour ne perturber ni la campagne, ni le déroulement normal des élections. Au contraire, le rétablissement du calendrier contribue à écarter les risques de confusion, en offrant aux Français des échéances claires conformément aux principes démocratiques.

L'objet des propositions de loi organique soumises à la Commission est d'ailleurs d'instituer un calendrier qui ne concerne pas seulement les prochaines échéances. Sauf en cas de décès du Président de la République ou de dissolution de l'Assemblée nationale, on peut supposer que, désormais, grâce au quinquennat, les élections présidentielle et législatives se dérouleront la même année et dans cet ordre précis. Sans doute faudra-t-il envisager une révision constitutionnelle qui fixerait, en toute circonstance, quelle que soit la date de son élection, la fin du mandat du Président de la République, en toute hypothèse, en mars. En 1993, la commission présidée par le doyen Vedel avait proposé cette adaptation du calendrier afin d'écarter le risque que, par suite d'une interruption inopinée du mandat présidentiel résultant d'une démission ou d'un décès, l'élection de son successeur ne soit organisée en plein c_ur de l'été. Une telle solution présenterait également l'avantage de permettre les élections législatives au printemps, et non à la veille de l'intersession, de sorte que le Parlement puisse engager ses travaux immédiatement. Pour ce faire, l'article 6 de la Constitution devrait être révisé. On comprendra aisément que le moment n'est pas venu d'envisager cette adaptation.

Le débat qui aura lieu en séance publique, dans quelques jours, permettra de lever toutes les ambiguïtés que certains tentent de faire prospérer injustement. Il sera, pour tous ceux qui acceptent de discuter de bonne foi, l'occasion d'en finir avec les faux-semblants en faisant preuve de responsabilité et de cohérence devant nos concitoyens. A un moment où la confusion règne dans les esprits, rétablir le calendrier de 2002 correspondra avant tout au choix de la clarté.

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* *

Lors de la discussion générale, après avoir souligné, à titre préliminaire, que le débat sur le calendrier électoral ne pouvait être abordé indépendamment de la conception que chacun a des institutions de la Ve République, M. Pierre Albertini a estimé que l'élection du Président de la République au suffrage universel direct était l'élément fondamental commandant le bon fonctionnement des institutions, précisant que cette conviction ne l'empêchait pas de souhaiter un renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, lequel ne repose pas uniquement sur des mesures de nature constitutionnelle.

Considérant, d'une part, que l'inversion de l'ordre des élections ne suffirait pas à modifier la nature du régime et, d'autre part, qu'il était difficile de faire des prévisions sur les conditions politiques qui entoureraient les futures élections, il a envisagé deux scénarios possibles dans le cas où le calendrier électoral resterait inchangé : soit une majorité claire, de droite ou de gauche, se dégage des élections législatives et le résultat de l'élection présidentielle, intervenant juste quelques semaines plus tard, est alors faussé ; soit aucune majorité claire ne se dessine et l'on entre dans une période de confusion, le Président n'osant pas dissoudre une assemblée élue dans une période normale, sans conflit particulier.

Faisant valoir que l'élection des députés avant celle du Président de la République présentait deux risques contradictoires, il a d'abord exprimé la crainte qu'elle ne conduise à un affaiblissement de la fonction présidentielle résultant du moindre rôle joué par l'élection du Président de la République dans la vie politique, qui perdrait son effet de « coagulation », de l'alignement de la durée des mandats présidentiel et législatif et de l'affaiblissement du droit de dissolution. Par ailleurs, il a estimé que les élections législatives risqueraient d'être faussées, les électeurs se déterminant en fonction du Président de la République qu'ils souhaiteraient élire.

Il a conclu son propos en estimant que la proposition de loi présentée par M. Hervé de Charrette, qui prévoit que les élections législatives, lorsqu'elles doivent avoir lieu dans les six mois précédant l'élection du Président de la République, sont reportées quarante-cinq jours après cette dernière élection, constituait la meilleure solution pour régler, de façon pérenne, le problème posé.

Après avoir souligné qu'il était regrettable que l'Assemblée se préoccupe des conditions de sa réélection, alors que d'autres sujets mériteraient toute son attention, M. Jean-Luc Warsmann a estimé que les différentes propositions présentées traduisaient la volonté d'obtenir un calendrier électoral politiquement plus favorable pour leurs auteurs. Il a fait valoir que pour fixer de manière pérenne l'élection présidentielle avant les élections législatives, il serait, ni plus ni moins, nécessaire d'instituer un vice-président et de supprimer le droit de dissolution.

Indiquant qu'il s'exprimait au nom des députés verts, M. Noël Mamère s'est déclaré opposé à l'adoption d'une proposition de loi visant à modifier le calendrier des élections présidentielle et législatives. En effet, il a considéré qu'une telle réforme accentuerait encore, au détriment du Parlement, le poids du Président de la République dans la vie institutionnelle et politique française. Soulignant que cette tendance, qu'il a qualifiée de « dérive », résultait à la fois de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et des conditions dans lesquelles les chefs d'Etat successifs - y compris François Mitterrand - ont exercé la fonction présidentielle, il a estimé que les différentes révisions constitutionnelles n'avaient pas empêché le Parlement de perdre progressivement son pouvoir d'initiative et de contrôle. Il a évoqué, à cet égard, l'institution des séances mensuelles d'initiative parlementaire, jugeant significatif qu'elles soient qualifiées de « niches ». Tout en reconnaissant que les travaux conduits par les commissions d'enquête constituées depuis 1997 ont permis d'améliorer la qualité du contrôle parlementaire, il a cependant considéré qu'il n'était pas comparable à celui qu'exercent les parlements des pays anglo-saxons et n'assurait pas la vitalité de notre système démocratique.

Il a rappelé que c'était la raison pour laquelle son parti souhaitait une réforme institutionnelle permettant au Parlement de retrouver de véritables pouvoirs d'initiative et de contrôle. Constatant, pour en souligner le paradoxe, que l'actuel Président de la République « tuait » le gaullisme, tandis que le Premier ministre devenait « le premier gaulliste de France », il a estimé que l'inversion du calendrier électoral ne répondait en fait qu'à des considérations circonstancielles. Il a enfin observé que la réforme proposée conduisait à modifier les règles peu avant des échéances électorales, alors que le Gouvernement, encore récemment, s'y était opposé lorsque les Verts avaient demandé une modification du mode de scrutin législatif.

Rappelant que la Constitution ne précisait pas l'ordre dans lequel doivent se dérouler les élections législatives et présidentielle, M. Richard Cazenave a, tout d'abord, considéré qu'évoquer le « rétablissement » du calendrier électoral constituait un véritable « hold-up sémantique ». Faisant observer que les institutions de la Ve République étaient, avant tout, un compromis entre les aspirations du Général de Gaulle, soucieux d'assurer la prééminence du Chef de l'Etat, et celles de Michel Debré, favorable à la mise en place d'un parlementarisme rénové, il a mis en garde contre toute interprétation « révisionniste » de la Constitution et rappelé que le fait majoritaire procédait de l'élection des députés.

Après avoir souligné que, pour sa part, il avait toujours défendu les institutions de la Ve République, il a considéré que l'adoption d'une proposition de loi modifiant le calendrier électoral, loin d'être justifiée par la nécessité de respecter la logique institutionnelle de la Ve République, répondait à de pures considérations d'opportunité, fondées sur l'idée que M. Lionel Jospin remporterait difficilement l'élection présidentielle si la gauche perdait auparavant les élections législatives, et jugé que l'opinion publique ne serait pas dupe de cette man_uvre qu'il a qualifiée de politicienne. Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité d'organiser, le même jour, des élections devant normalement se dérouler à quelques semaines d'intervalle.

M. Gérard Gouzes a fait observer que le calendrier électoral actuel s'expliquait par le hasard, puisque la date de l'élection présidentielle trouvait son origine dans celle du décès du président Georges Pompidou, tandis que celle des élections législatives était due à la dernière dissolution. Il a, en conséquence, jugé qu'il fallait remédier à cette logique purement mécanique, rappelant, d'une part, que le Conseil constitutionnel avait souligné les difficultés que présenterait le maintien du calendrier actuel en matière de parrainage des candidats à l'élection présidentielle et, d'autre part, que les sondages créditaient le rétablissement du calendrier électoral classique d'une opinion majoritairement favorable.

Constatant qu'à la différence des régimes précédents, sous la Ve République le Président de la République ne procédait plus, pour son élection, du Parlement, il a estimé qu'il était logique que celui-ci soit élu après le Chef de l'Etat, dès lors que l'élection législative avait pour objectif principal de dégager une majorité présidentielle. Commentant le refus d'une partie de l'opposition de modifier l'ordre des élections, il a considéré qu'il s'expliquait par un calcul politique trahissant un manque de confiance de celle-ci à l'égard de son candidat à l'élection présidentielle. Jugeant, par ailleurs, que l'opposition des Verts à cette réforme n'avait d'autre explication que le souci de cette formation politique d'accroître le nombre de ses députés aux prochaines élections législatives, il a, cependant, indiqué qu'il partageait leur volonté de voir les instruments du parlementarisme rationalisé remis en cause, tout en estimant que cette réforme devait intervenir ultérieurement.

M. Jean-Pierre Soisson a estimé que l'inversion du calendrier électoral constituait une opération politique. S'interrogeant sur les conséquences de l'opposition des Verts et du groupe communiste à cette réforme, il a fait observer que son adoption nécessitait donc le soutien de la formation centriste, soulignant que cette situation n'était pas sans rappeler la politique d'ouverture conduite sous le gouvernement de M. Michel Rocard.

Après avoir rappelé que les députés du Mouvement des citoyens avaient été à l'origine de la proposition d'inversion du calendrier électoral, M. Jean-Pierre Michel a considéré qu'elle constituait le meilleur moyen de mettre fin à la cohabitation, dont il a jugé les conséquences désastreuses, tant en matière de politique intérieure, que sur la scène internationale. Il a ensuite indiqué qu'il était favorable à des réformes institutionnelles de plus grande ampleur, tendant à supprimer l'actuelle dyarchie de l'exécutif et à renforcer les pouvoirs du Parlement, notamment en supprimant le droit de dissolution. Il a, en outre, estimé que l'introduction du scrutin proportionnel pour l'élection législative serait actuellement prématurée, jugeant qu'elle ne pourrait être utilement mise en _uvre qu'une fois ce nouvel équilibre institutionnel mis en place.

Estimant qu'un tel débat ne souffrait pas la caricature et jugeant donc vain de chercher, derrière les déclarations des uns ou des autres, des intentions inavouées, M. Alain Vidalies a admis que la question de la modification du calendrier électoral n'allait pas de soi pour les parlementaires socialistes, qui font traditionnellement plus volontiers référence au régime parlementaire qu'au régime hérité de la mise en place des institutions en 1958 et 1962. Reconnaissant néanmoins l'attachement populaire à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, il a considéré qu'un calendrier électoral qui maintiendrait les élections législatives avant l'élection présidentielle heurterait profondément la conception que les Français ont de leurs institutions. S'interrogeant sur les possibilités de concilier l'élection au suffrage universel direct du Président de la République et un renforcement des droits du Parlement, il a estimé difficile, en restant dans l'architecture actuelle des institutions, de procéder à une réforme qui reviendrait à limiter les initiatives du Chef de l'Etat et plaidé en conclusion pour l'instauration d'un régime présidentiel.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a observé, en préambule, que de nombreux arguments développés par les opposants à la réforme du calendrier paraissaient, finalement, contradictoires les uns avec les autres. Il a ainsi fait part de son étonnement de voir réunis, dans un même refus, les députés verts contestant ce qu'ils considèrent comme une dérive présidentialiste des institutions, et les députés gaullistes. Constatant que l'élection au suffrage universel direct du Président de la République était une donnée désormais incontournable du débat institutionnel, rares étant ceux qui proposent sa suppression, il a estimé que la question de l'équilibre de l'architecture institutionnelle et de la place du Parlement était une vraie question, et a ajouté qu'il serait illusoire de vouloir la régler au gré de hasards du calendrier. Rappelant qu'un calendrier laissant la primauté aux élections législatives susciterait de véritables difficultés juridiques, dues notamment aux délais qu'il imposerait pour le parrainage des candidatures aux élections présidentielles, il a exprimé la crainte que le maintien du dispositif en l'état ne se traduise par un débat anarchique et dépourvu de clarté, à l'image du spectacle actuel de l'imbroglio électoral américain.

Evoquant le phénomène décrit par M. Pierre Albertini de regroupement des formations politiques au deuxième tour des élections présidentielles, le rapporteur a fait valoir que cette « coagulation » du deuxième tour favorisait le système bipolaire qui caractérise les institutions de la Ve République. Il a observé que ce phénomène n'avait pu se produire pour la majorité de l'époque lors de l'élection présidentielle de 1995 du fait de l'absence de dissolution, tandis que la coagulation avait, en revanche, parfaitement fonctionné pour les formations de gauche autour de la candidature de Lionel Jospin. Répondant aux inquiétudes de M. Noël Mamère sur l'avenir des petits partis politiques au sein des institutions de la Ve République, il a considéré qu'une réponse pourrait être apportée par l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives ; il a, en outre, fait valoir que le scrutin présidentiel constituait également une véritable opportunité pour les petites formations, leur permettant d'exposer, sans aucune contrainte, l'ensemble de leur programme.

Il a conclu en réfutant les arguments selon lesquels la réforme engagée répondrait à des logiques politiques personnelles, estimant peu crédible de faire peser un tel soupçon sur des personnalités aussi diverses que Valéry Giscard d'Estaing, Michel Rocard ou Raymond Barre, qui se sont toutes publiquement exprimées en faveur de la réforme.

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La Commission a ensuite rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Louis Debré.

Puis, sur la proposition du rapporteur, elle a procédé à l'examen des articles à partir des propositions de loi organique nos 2741, 2757 et 2773.

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EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

art. L.O. 121 du code électoral

Prolongation des pouvoirs de l'Assemblée nationale

Cet article prévoit que, désormais, les pouvoirs de l'Assemblée nationale expireront le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection au lieu du premier mardi d'avril.

La Commission a rejeté deux amendements de suppression de cet article présentés par MM. Jean-Luc Warsmann et Claude Goasguen.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Pascal Clément tendant à prévoir que, lorsque les élections législatives ont lieu dans les six mois qui précèdent ou qui suivent l'élection du Président de la République, les deux consultations sont organisées le même jour.

M. Pascal Clément a déclaré que le dépôt de cet amendement traduisait, de sa part, une évolution quant à sa vision des institutions. Indiquant, en effet, qu'en cohérence avec ses convictions gaullistes, il avait été longtemps partisan d'une distinction nette entre l'élection des députés et celle du Chef de l'Etat, il a observé que la répétition des cohabitations montrait combien l'esprit originel des institutions de la Ve République a été modifié par la pratique ; il a donc jugé qu'il était temps d'en tirer toutes les conséquences. A cet effet, il a considéré que l'organisation simultanée des deux élections devrait limiter les risques de cohabitation.

Il a précisé, toutefois, que l'objet de son amendement était d'abord d'éviter que le cadre qui structure l'expression de la volonté populaire ne puisse être modifié, d'un scrutin à l'autre, par des événements exceptionnels, susceptibles de survenir entre les deux élections. Soulignant les paradoxes du contexte actuel, dans lequel les socialistes, longtemps favorables à une vision parlementariste des institutions, qui justifiait d'ailleurs leur acceptation de la cohabitation, défendent la primauté du Président de la République contre des gaullistes, qui ont évolué en sens inverse depuis 1986, il a estimé que les représentants de la nation devraient pouvoir se retrouver autour d'une solution de synthèse consistant à coupler les deux élections. Il a observé, au demeurant, que cette réforme serait également respectueuse de l'opinion des Français, qui ont manifesté, implicitement, à l'occasion du référendum sur le quinquennat, qu'ils voulaient en finir avec la cohabitation.

Il a, en outre, jugé que cette démarche aurait une autre signification que celle initiée par le groupe socialiste, dont le caractère strictement politique est démontré par l'absence de référence à une inversion du calendrier électoral dans le discours de politique générale du Premier ministre, ainsi que dans ses déclarations postérieures, toutes hostiles à une telle éventualité.

Après avoir également considéré que la non-concordance des deux têtes de l'exécutif nuit à la qualité du gouvernement de la France, le rapporteur a jugé que l'idée de réunir les deux élections pour limiter les risques de cohabitation n'était pas dénuée de pertinence. Observant cependant que les modalités du scrutin pour l'élection des députés et du Président de la République n'étaient pas identiques, il a souligné qu'en raison du décalage possible entre le nombre de voix et le nombre de sièges pour les élections législatives, que l'on a d'ailleurs constaté en 1997, la concomitance des dates ne garantissait pas l'unicité des résultats. M. Gérard Gouzes s'est déclaré opposé à la simultanéité des élections législatives et présidentielle. Il a jugé qu'il était préférable de faire confiance au peuple pour la désignation de ses représentants, une fois son choix éclairé par les résultats antérieurs du scrutin présidentiel.

M. Richard Cazenave a estimé que l'organisation simultanée des deux élections serait de nature à limiter les risques de cohabitation. A cet égard et répondant au rapporteur, il a observé qu'en 1997, l'élection d'une majorité de gauche à l'Assemblée nationale avait résulté de facteurs en partie conjoncturels, liés, notamment, à la forte présence de candidats du Front national. A contrario, il a considéré que l'organisation de l'élection présidentielle avant celle des députés ne garantissait pas l'absence de cohabitation car, dans un tel contexte, les Français ont montré qu'ils pouvaient préférer s'inscrire dans une logique de rééquilibrage des pouvoirs.

M. Jérôme Lambert a estimé, pour sa part, que les élections présidentielle et législatives n'étaient pas de même nature. Considérant que les députés étaient les véritables représentants du peuple, il a estimé que, dans l'intérêt même du Parlement, il était préférable qu'ils soient élus de façon distincte par rapport au Chef de l'Etat.

Fondant son raisonnement sur les précédents de 1962, 1981 et 1988, M. René Dosière a observé que, lorsque le Président de la République obtenait, par la voie du référendum ou d'une élection au suffrage universel, une approbation directe, par le peuple, de ses orientations, les électeurs lui donnaient ensuite, à travers une majorité parlementaire, les moyens de mettre en _uvre sa politique. Il a rappelé qu'à l'inverse, en 1997, lorsque le Président de la République avait organisé, de façon inopinée, une élection législative isolée, il n'avait pas obtenu de majorité. Au regard de ces faits, il a donc considéré que l'organisation de l'élection présidentielle avant celle des députés était bien de nature à réduire les risques de cohabitation.

A l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. Pascal Clément.

Elle a également rejeté un amendement présenté par M. Pierre Albertini tendant à prévoir que, lorsque les élections générales doivent avoir lieu dans les six mois qui précèdent celle du Président de la République, elles sont organisées dans les quarante-cinq jours qui suivent la proclamation des résultats de cette dernière par le Conseil constitutionnel.

Puis la Commission a examiné un second amendement de M. Pierre Albertini proposant que les pouvoirs de l'Assemblée désignée en 1997 expirent non pas le 15, mais le 30 juin, afin de laisser au Président de la République nouvellement élu le temps nécessaire à la formation d'un Gouvernement. M. Gérard Gouzes a convenu que la date du 15 juin ne réglait pas nécessairement toutes les difficultés. Après avoir toutefois observé que le 30 juin correspondait à la clôture de la session parlementaire, conformément à l'article 28 de la Constitution, le rapporteur a considéré que la réflexion pouvait se poursuivre sur la question de la date. La Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'article premier sans modification.

Article 2

Application à la législature en cours

Cet article prévoit que la disposition de l'article premier s'appliquera à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

La Commission a rejeté deux amendements tendant à la suppression de cet article l'un présenté par M. Jean-Luc Warsmann et l'autre par M. Claude Goasguen.

Puis, elle a été saisie d'un amendement de M. Noël Mamère instituant, pour les élections législatives, un mode de scrutin mixte, la première moitié des députés étant élus dans le cadre de circonscriptions, selon un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, tandis que la seconde moitié le serait dans un cadre régional, à la représentation proportionnelle.

Observant que cette proposition s'inspirait du régime électoral en vigueur en Allemagne, M. Noël Mamère a souligné que son adoption devrait permettre d'améliorer, au sein de l'Assemblée nationale, la représentation des petites formations politiques, tout en garantissant, par ailleurs, la stabilité du Gouvernement. Rappelant que le principe de l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin applicable pour l'élection des députés figurait dans le texte de l'accord conclu entre le Parti socialiste et les Verts lors de la préparation des élections législatives de juin 1997, il a formulé le v_u que la mise en _uvre de cette réforme ne connaisse par le même sort que celle tendant à accorder le droit de vote aux étrangers non-ressortissants d'un pays membre de l'Union européenne aux élections municipales qui, bien qu'inscrite parmi les 101 propositions du candidat victorieux à l'élection présidentielle de 1981, n'avait toujours pas abouti à ce jour.

Tout en reconnaissant que le dispositif proposé par cet amendement justifiait un véritable débat, M. Gérard Gouzes a observé qu'il ne possédait aucun lien avec l'objet du texte en discussion et a, en conséquence, estimé qu'il devait être rejeté, pour être examiné à nouveau dans d'autres circonstances.

Soulignant que l'amélioration de la représentation à l'Assemblée nationale des différents courants de pensée politique devait être conciliée avec la volonté d'assurer au Gouvernement le soutien d'une majorité stable, le rapporteur a estimé que la conclusion d'accords d'investiture entre les différents partis politiques constituait une première réponse à la volonté d'assurer une meilleure représentation des petites formations. Tout en admettant que l'accord conclu entre le Parti socialiste et les Verts en 1997 faisait référence à l'introduction d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés, il a observé que la situation économique et sociale prévalant en France à l'époque avait conduit le Gouvernement à aborder d'autres questions en priorité et a ajouté que les échéances électorales semblaient désormais trop proches pour qu'une telle réforme, de toute autre nature que la modification de la date des élections législatives, puisse être envisagée, sans apparaître comme une man_uvre politicienne du Gouvernement. Puis, indiquant qu'à titre personnel il s'était toujours prononcé en faveur de l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin des élections législatives, il a considéré que le dispositif proposé par l'amendement, s'inspirant de façon excessive du système électoral en vigueur en Allemagne, semblait mieux adapté pour assurer la représentation de différentes régions que la diversité des formations politiques.

La Commission a ensuite rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'article 2 sans modification.

La Commission a adopté la proposition de loi organique dans la rédaction des propositions nos 2741, 2757 et 2773.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT LA DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Article premier

L'article L.O. 121 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 121. - Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection. »

Article 2

L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

TABLEAU COMPARATIF

___

Proposition de loi
organique n° 2602 de M. Georges Sarre et
plusieurs de ses collègues

relative à l'antériorité de l'élection présidentielle par rapport à l'élection
législative


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Proposition de loi
organique n° 2665 de M. Bernard Charles et
plusieurs de ses collègues
visant à modifier l'article L.O. 121 du code électoral en vue de la concomitance de l'élection présidentielle et des élections législatives

___

Proposition de loi
organique n° 2741 de M. Raymond Barre

modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale




___

Proposition de loi
organique n° 2756 de M. Hervé de Charette

relative à l'organisation des élections présidentielles
et législatives




___

Proposition de loi
organique n° 2757 de
M. Gérard Gouzes

relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale




___

Proposition de loi
organique n° 2773 de M. Jean-Marc Ayrault et
des membres du groupe
socialiste et apparentés

modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale


___

Article unique

L'article L.O. 121 du code électoral est ainsi rédigé :

Article unique

L'article L.O. 121 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Article premier

L'article L.O. 121 du code électoral est rédigé comme suit :

Article unique

Il est inséré, au titre II du code électoral, un article L.O. 122-1 ainsi rédigé :

Article premier

L'article L.O. 121 du code électoral est rédigé comme suit :

Article premier

L'article L.O. 121 est rédigé comme suit :

« Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le quatrième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. »

« Les élections présidentielles et législatives ont lieu le même jour. Le second tour est organisé le deuxième dimanche qui suit celui du premier tour. »

« Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection. »

« Par dérogation aux articles L.O. 121 et L.O. 122, lorsque les élections générales doivent avoir lieu dans les six mois qui précédent l'élection du Président de la République, elles sont organisées dans les quarante-cinq jours qui suivent cette dernière élection. »

« Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection. »

« Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection. »

   

Article 2

L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

 

Article 2

L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

Article 2

L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Conclusions de la Commission

___



Code électoral

Art. L.O. 121. - Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le premier mardi d'avril de la cinquième année qui suit son élection.

Article premier

L'article L.O. 121 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 121. - Les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le 15 juin de la cinquième année qui suit son élection. »

 

Article 2

L'article 1er s'applique à l'Assemblée nationale élue en juin 1997.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article premier

Amendements identiques présentés par MM. Jean-Luc Warsmann et Claude Goasguen :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Rédiger ainsi cet article :

« Après l'article L.O. 122 du code électoral, il est inséré un article L.O. 122-1 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 122-1. -  Par dérogation aux articles L.O. 121 et L.O. 122, lorsque les élections législatives doivent avoir lieu dans les six mois qui précèdent ou suivent l'élection du Président de la République, les deux élections sont organisées le même jour pour le premier et le deuxième tour de ces deux élections. »

Amendements présentés par M. Pierre Albertini :

·  Rédiger ainsi cet article :

« Par dérogation aux articles L.O. 121 et L.O. 122, lorsque les élections générales ont lieu dans les six mois qui précèdent l'élection du Président de la République, elles sont organisées dans les quarante-cinq jours qui suivent la proclamation officielle des résultats de celle-ci par le Conseil constitutionnel. »

·  Dans le deuxième alinéa de cet article, substituer aux mots : « 15 juin », les mots : « 30 juin ».

Article 2

Amendements identiques présentés par MM. Jean-Luc Warsmann et Claude Goasguen :

Supprimer cet article.

Après l'article 2

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l'article suivant :

« I. -  Les articles L. 123, L. 124, L. 125 et L. 126 du code électoral sont ainsi rédigés :

« Art. L. 123. -  Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct, la moitié d'entre eux étant élue dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, l'autre moitié étant élue, dans des circonscriptions régionales, à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, sans panachage, ni vote préférentiel.

« Art. L. 124. -  Les sièges des députés élus dans les régions sont répartis conformément au tableau n° 1 annexé au présent code.

« La révision de la répartition des sièges a lieu au cours de la première session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats du recensement général de la population.

« Art. L. 125. -  Pour les députés élus au scrutin uninominal à deux tours :

« - est proclamé élu au premier tour le ou la candidate qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits dans cette circonscription ;

« - est proclamé élu au deuxième tour le ou la candidate qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité, le plus jeune des candidats est proclamé élu.

« Art. L. 126. -  Pour les députés élus à la représentation proportionnelle, seules sont admises à la répartition des sièges au sein de la circonscription régionale les listes ayant obtenu au moins 5 pour 100 des suffrages exprimés et n'ayant pas obtenu un nombre de députés élus en application de l'article L. 125 rapporté au nombre total de députés élus dans la région en application du même article supérieur au pourcentage des suffrages exprimés qui se sont portés sur cette liste. Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont le même reste pour l'attribution du dernier siège, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

« II. -  Le premier alinéa de l'article L.O. 160 du code électoral est ainsi rédigé :

« Est interdit l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible et, dans les circonscriptions régionales, des listes des candidats au sein desquelles l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe est supérieur à un et qui ne sont pas composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

2791 - Rapport de M. Bernard Roman sur l'organisation des élections présidentielles et législatives (commission des lois)

() Michel Rocard, Libération, 4 décembre 2000.

() Raymond Barre et Michel Rocard, « Voter la tête à l'endroit », Le Monde, 18 novembre 2000.

() Guy Carcassonne, Olivier Duhamel, Georges Vedel, « Ne pas voter la tête à l'envers », Le Monde, 13 octobre 2000.

() Jean-Claude Colliard, « Système de partis ou constitution politique de la Ve République », Revue du droit public, n° 5/6, 1998, p. 1619

() Guy Carcassonne, La Constitution, Seuil, 1996, p. 25.


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