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le 3 avril 2001

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N° 2959

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mars 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République du Chili,

PAR M. FRANÇOIS ROCHEBLOINE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 400 (1999-2000), 34 et T.A. 36 (2000-2001)

Assemblée nationale : 2812

Traités et conventions

Commission des affaires étrangères

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Bernard Deflesselles, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Michel Fromet, M. Georges Frêche, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Alain Le Vern, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Gérard Saumade, M. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UN MODÈLE CLASSIQUE DE CONVENTION DE SÉCURITÉ SOCIALE AGRÉMENTÉ DE DEUX ORIGINALITÉS 6

A - UNE CONVENTION CLASSIQUE MAIS TRÈS ATTENDUE PAR PLUSIEURS MILLIERS DE PERSONNES 6

A - UN DISPOSITIF PRÉSENTANT DEUX ORIGINALITÉS 7

1) La coordination d'un régime par capitalisation (Chili)
et d'un régime par répartition (France) 7

2) L'introduction d'une disposition de coordination
en matière de soins de santé 8

II - UNE ACTUALITÉ POLITIQUE DOUBLE 10

A - "L'AFFAIRE PINOCHET" 10

B - LE RETOUR AU POUVOIR D'UN SOCIALISTE PLUS DE TRENTE ANS
     APRÈS SALVADOR ALLENDE
12

III - LE RENOUVEAU DES RELATIONS BILATÉRALES 13

A - DES ÉCHANGES FRÉQUENTS AU PLAN POLITIQUE 13

B - DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES EN PROGRESSION 14

1) Une réduction progressive du déficit commercial français 14

2) Une progression des flux d'investissements français 14

C - UNE ENVELOPPE DE COOPÉRATION CULTURELLE,
SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE CONSÉQUENTE
15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 18

Mesdames, Messieurs,

Le 11 septembre 1973, l'assaut de la Moneda, le palais présidentiel chilien, marquait le début de la dictature du général Augusto Pinochet avec pour conséquence l'exode de plusieurs milliers de Chiliens dont certains se sont réfugiés en France où ils ont souvent séjourné et travaillé de longues années.

Depuis longtemps, ces réfugiés demandaient la conclusion d'une convention bilatérale de sécurité sociale, finalement signée le 25 juin 1999 et dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Il s'agit d'un texte inspiré du modèle classique des conventions de sécurité sociale tout en présentant deux originalités. Très attendue par les réfugiés de la dictature Pinochet, la ratification de la présente Convention nous donne l'occasion de faire un point succinct sur l'actualité politique chilienne au premier plan de laquelle figure bien entendu ce que les médias appellent aujourd'hui "l'affaire Pinochet". Enfin, votre Rapporteur se doit de signaler l'excellence des relations bilatérales dont témoignent les échanges aux plans politique et économique mais également la coopération culturelle, scientifique et technique.

I - UN MODÈLE CLASSIQUE DE CONVENTION DE SÉCURITÉ SOCIALE AGRÉMENTÉ DE DEUX ORIGINALITÉS

A - Une convention classique mais très attendue par plusieurs milliers de personnes

La mise en place d'un régime militaire qui a suivi le coup d'Etat du général Augusto Pinochet le 11 septembre 1973 provoqua l'exode de plusieurs milliers de Chiliens dont certains se sont réfugiés en France où ils ont souvent séjourné et travaillé de longues années.

Depuis longtemps, ces réfugiés, qu'ils soient salariés et assimilés ou non salariés, demandaient la conclusion d'une convention de sécurité sociale entre la France et le Chili afin de pouvoir bénéficier au Chili, lors de leur retour :

- de leurs pensions françaises de vieillesse acquises au titre de leur activité professionnelle exercée en France,

- de leurs pensions d'invalidité,

- de leurs pensions de survivant,

- ainsi que des soins de santé en tant que bénéficiaires de pensions. Ce dernier point fait d'ailleurs l'objet d'un article original, l'article 12, auquel votre Rapporteur a estimé devoir consacrer un développement plus conséquent plus en avant dans son rapport.

Dans un premier temps, les autorités françaises avaient réglé en partie le problème de ces anciens réfugiés chiliens puisque, d'une part, une circulaire du 29 juillet 1996 donnait instruction aux institutions françaises d'assurance vieillesse de ne plus opposer la condition de résidence régulière en France lors de leur demande de liquidation de pension française d'assurance vieillesse, et d'autre part, le paragraphe II de l'article 41 de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile supprimait ultérieurement cette condition de résidence.

Cependant, ces nouvelles dispositions ne réglaient pas le cas des "non réfugiés", ni celui des citoyens français salariés et assimilés ou non salariés résidant au Chili qui est dorénavant pris en compte par la présente Convention (article 3). Il en allait de même pour les ressortissants d'Etats tiers affiliés aux régimes français et chiliens qui dorénavant grâce au principe d'égalité de traitement (article 4) pourront bénéficier des dispositions de la Convention.

En outre, il ne pouvait être fait application de règles de coordination de la liquidation des pensions par les différents régimes des deux Etats. Une personne ayant exercé une activité dans deux Etats voyait la réalisation du risque et la prestation qui en découlait ne prendre en compte que les périodes accomplies dans un Etat. Dorénavant, la présente Convention permet de tenir compte des périodes réalisées dans l'autre Etat, chaque Etat calculant ensuite au prorata le montant de la prestation selon les périodes accomplies sous sa seule législation (articles 13 à 20).

La présente Convention permet également, sans restriction, le transfert des fonds (article 5).

Enfin, des dispositions transitoires (articles 28 et 29) prévoient pour l'ouverture des droits la prise en compte des périodes d'assurance antérieures à l'entrée en vigueur de la présente Convention, le principe de la rétroactivité ne s'appliquant pas pour la liquidation des pensions.

Le nombre de personnes concernées par la Convention est difficile à déterminer. Cependant, au moment de la négociation, c'est-à-dire à la fin des années 90, environ 7 000 Chiliens étaient installés en France et plusieurs autres milliers avaient regagné leur pays d'origine après avoir exercé une activité professionnelle durant plusieurs années. A la même époque, on estimait à quelque 6 500 le nombre de Français présents au Chili, dont quelques centaines seulement pouvaient être concernés par la Convention.

A - Un dispositif présentant deux originalités

1) La coordination d'un régime par capitalisation (Chili) et d'un régime par répartition (France)

L'originalité principale de la présente Convention réside dans le fait qu'elle permet une coordination des régimes de pension français utilisant presque exclusivement la technique de la répartition avec les régimes chiliens où prédomine la capitalisation et où le régime antérieur par répartition a été mis en extinction en 1980 et concerne par conséquent de moins en moins de personnes.

A cet égard, votre Rapporteur a jugé intéressant de présenter succinctement le système de sécurité sociale chilien qui s'organise autour des régimes suivants :

- un système de santé articulé entre un pôle public à affiliation automatique pour les salariés et les pensionnés et optionnelle pour les non salariés qui couvre 70 % de la population et un système privé auquel les précédentes catégories peuvent accéder de manière contractuelle en lieu et place du système public et couvrant les 30 % restant de la population ;

- un régime d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;

- un régime de prestations familiales ;

- 23 anciens régimes de pensions de vieillesse, d'invalidité et de survivants fonctionnant par répartition, mis en extinction en 1980, à l'exception notable du régime de l'armée qui a été au contraire renforcé. Ces régimes sont regroupés et gérés par l'Institut de normalisation et de prévoyance qui servait à l'époque des pensions à un million de personnes tout en recevant des cotisations de 200 000 affiliés ;

- le nouveau système de pensions de vieillesse, d'invalidité et de survivants, mis en place en 1980, basé sur la capitalisation et géré par 9 fonds et organismes de gestion qui comprenait à l'époque 5,8 millions d'affiliés et servait 270 000 pensions.

2) L'introduction d'une disposition de coordination en matière de soins de santé

Votre Rapporteur l'a dit plus haut, la disposition de l'article 12 qui accorde une couverture maladie (prestations en nature) des pensionnés d'un Etat qui résident dans l'autre Etat présente elle aussi un caractère original dans le sens où elle n'existe que dans très peu de conventions bilatérales. Elle permettra aux personnes qui résident sur le territoire de l'une des Parties et qui perçoivent des pensions conformément à la législation de l'autre Partie de bénéficier des prestations en nature en cas de maladie conformément à la législation de la Partie sur le territoire de laquelle elles résident, dans les mêmes conditions que les personnes qui reçoivent des prestations de même nature en application de la législation de cette Partie.

A cet égard, plusieurs remarques s'imposent :

- cette disposition de l'article 12 est la seule disposition de coordination en matière de soins de santé dans la présente Convention ;

- le coût des soins incombe normalement aux institutions de l'Etat débiteur de la pension ;

- pour pouvoir permettre l'application, le cas échéant, de la disposition en France, celle-ci est subordonnée au fait que le retraité d'un ou de plusieurs régimes chiliens de pensions, lequel subit par ailleurs le prélèvement à la source d'une cotisation maladie des institutions chiliennes débitrices des pensions, devra, pour avoir droit aux remboursements des soins éventuellement prodigués en France, acquitter en sus les cotisations et contributions exigées par la législation française.

Toutefois, cette disposition a été rendue caduque par l'entrée en vigueur de la couverture maladie universelle (CMU) créée par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 dont l'article 3 prévoit que tout résident en France ou dans les départements d'outre-mer qui ne bénéficie pas de droits ouverts auprès d'un régime obligatoire sur la base des critères traditionnels de sécurité sociale (activité professionnelle ou critère assimilé, statut familial...) sera affilié au régime général du fait de sa seule résidence sous réserve qu'elle soit stable et régulière.

Ce dispositif prévu par l'article 12, s'il a été négocié avant l'entrée en vigueur de ladite loi portant création de la CMU, a cependant été rédigé de manière à être compatible avec celle-ci. Les dispositions pratiques prises, notamment dans l'arrangement administratif, pour la mise en _uvre du dispositif prévoient :

- la fourniture par les institutions compétentes chiliennes d'un formulaire, renouvelé chaque année, attestant la qualité de pensionné de l'intéressé et comportant notamment le montant actualisé de la ou des pensions servies par ces institutions ;

- la présentation de ce formulaire à la CPAM du lieu de résidence de l'intéressé en même temps qu'il s'y inscrit pour pouvoir bénéficier du remboursement de soins ultérieurs éventuels ;

- le règlement effectif et régulier par l'intéressé des cotisations dues au titre de la CMU, dans les conditions de droit commun prévues par les textes réglementaires pris en application de cette loi.

II - UNE ACTUALITÉ POLITIQUE DOUBLE

A - "L'affaire Pinochet"

Elle est au premier plan de l'actualité politique chilienne depuis l'arrestation à Londres le 16 octobre 1998, à la demande du juge espagnol Baltasar Garzon, du sénateur à vie, arrestation qui a profondément divisé la classe politique chilienne :

- les forces armées ont vigoureusement protesté et demandé, à trois reprises, la convocation du Conseil de sécurité nationale, qu'elles ont d'ailleurs obtenue ;

- de même, la droite qui s'employait pourtant à prendre ses distances vis-à-vis du général Pinochet a également vigoureusement protesté ;

- la coalition gouvernementale s'est trouvée embarrassée, partagée qu'elle était entre les partisans d'un retour sans condition du général au Chili, les partisans d'un jugement de celui-ci en Espagne et les partisans d'un jugement au Chili ;

- enfin, le gouvernement chilien a protesté fermement auprès du gouvernement britannique au nom de la défense de la souveraineté.

S'agissant de l'opinion publique, cette affaire l'a laissée relativement indifférente, preuve en est que le cas du général n'a quasiment pas été évoqué par les deux candidats à l'élection présidentielle de décembre 1999 (premier tour) et janvier 2000 (second tour), à savoir, d'une part, M. Ricardo Lagos, le candidat de la "Concertation" qui regroupe le Parti démocrate-chrétien ou PDC-centre droit, le Parti radical social démocrate ou PRSD-centre gauche, le Parti pour la démocratie ou PPD-centre gauche et le Parti socialiste ou PS-gauche, et, d'autre part, M. Joaquin Lavin, candidat de l'Union démocrate indépendante ou UDI-droite pinochétiste.

En revanche, un vaste débat sur la question des violations des droits de l'homme commises pendant la dictature a pu être ouvert grâce à l'arrestation de l'ancien dictateur et aux décisions de la Cour suprême qui ont suivi en juillet 1999 tendant à conférer aux cas de "disparitions forcées" le caractère de crimes continus. En effet, confrontée à la défection d'une partie de ses soutiens politiques et menacée par une croissante mise en cause de ses cadres devant la justice, l'armée a accepté de participer à une "table de dialogue", aux côtés des représentants des différentes églises, d'avocats des droits de l'homme et d'intellectuels. Ce dialogue a débuté en août 1999, a été suspendu après le retour au Chili du général le 3 mars 2000 et a abouti en juin 2000 à un protocole d'accord sur la recherche des disparus. L'armée s'est engagée à fournir dans les six mois à la Cour suprême toutes les informations dont elle dispose sur le sort des disparus, l'anonymat des informateurs étant garanti par une loi votée quelques jours après l'accord.

Après le retour du général au Chili, la justice chilienne a engagé des poursuites judiciaires à l'encontre de l'ancien dictateur, sur la base d'une centaine de plaintes. Le 5 juin 2000, la Cour d'appel de Santiago a levé l'immunité parlementaire du général. Cette décision a été confirmée en appel le 8 août 2000 et en dernier ressort par la Cour suprême. Après avoir vu sa première décision d'inculpation remise en cause en appel puis devant la Cour suprême pour vice de forme, le juge en charge du dossier, M. Juan Guzman, a procédé à une seconde audition du général le 23 janvier 2001. Et, le 29 janvier 2001, il l'a inculpé pour homicides et enlèvements et l'a assigné à résidence. Les avocats du général ont fait appel de cette décision le 1er février 2001. Mais le 8 mars 2001, la Cour d'appel de Santiago a rejeté le recours présenté par les avocats du général. Toutefois, la Cour a atténué l'intitulé de l'accusation, le général n'étant plus considéré comme "auteur" mais comme "complice" des crimes commis par la "caravane de la mort".

Enfin, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de la Constitution de 1980 adoptée sous le régime militaire, le général Pinochet avait quitté le commandement en chef de l'armée de terre le 10 mars 1998 pour occuper un siège de sénateur à vie. Il avait été remplacé par un officier non compromis dans les atteintes aux droits de l'homme commises sous la dictature, le général Izurieta. Quelques mois plus tard, il avait été décidé de supprimer à compter de 1999 le jour férié du 11 septembre (commémorant l'assaut de 1973 contre la Moneda, le palais présidentiel).

Le nouveau Président Ricardo Lagos, élu le 16 janvier 2000, devra donc gérer et si possible achever cette transition et la poursuite du processus de réconciliation nationale.

B - Le retour au pouvoir d'un socialiste plus de trente ans après Salvador Allende

Bien que mis en difficulté au premier tour par la campagne populiste de M. Lavin qui a apparemment séduit les couches sociales les plus défavorisées durement touchées par une récession, c'est M. Lagos qui a été élu Président de la République le 16 janvier 2000 avec 51,3 % des suffrages contre 48,7 % à son adversaire.

Investi le 11 mars 2000, le nouveau Président a formé une équipe réduite (seize portefeuilles), jeune (la moyenne d'âge est de 47 ans et demi et plus de la moitié des ministres n'ont jamais exercé de fonctions gouvernementales) et féminisée (cinq femmes sont Ministres). La répartition politique fait la part belle à la Démocratie-Chrétienne avec sept postes, alors que quatre sont attribués au PS, trois au PPD et deux au PRSD.

La priorité est donnée à la réduction des inégalités sociales en favorisant un meilleur accès aux soins et en réduisant les délais d'attente dans les hôpitaux, en améliorant la qualité de l'enseignement public et l'équipement des écoles en ordinateurs, en réformant le code du travail dans un sens plus favorable aux salariés, en mettant en place un système d'indemnisation du chômage...

Mais un effort devra être également fourni afin de supprimer les "lois d'amarrage" héritées de la dictature, c'est-à-dire l'inamovibilité des commandants en chef nommés pour quatre ans et habilités à proposer leurs successeurs au chef de l'Etat, l'existence d'un Conseil de sécurité nationale (COSENA) dominé par les militaires, l'existence de sénateurs désignés et à vie, les privilèges budgétaires de l'armée qui bénéficie de 10 % des recettes de l'entreprise publique productrice de cuivre (CODELCO).

La coalition au pouvoir (la "Concertation") a été certes confortée par les élections municipales d'octobre 2000 où elle a remporté 52,12 % des suffrages, mais l'opposition de droite ("l'Alliance pour le Chili" qui regroupe la Rénovation nationale ou RN-droite et l'UDI) a remporté un certain nombre de victoires dans beaucoup de communes urbaines et populaires illustrant ainsi l'ampleur du défi économique et social auquel se trouve confronté le gouvernement.

En décembre 2001 auront lieu les prochaines élections législatives et sénatoriales.

III - LE RENOUVEAU DES RELATIONS BILATÉRALES

A - Des échanges fréquents au plan politique

Certes les contacts ministériels avaient été gelés pendant la dictature mais les liens avaient été maintenus et même développés avec de nombreux dirigeants de l'opposition. Et dès la fin du régime militaire les contacts ont repris avec la visite à Paris du Président Aylwin en septembre 1989, puis avec la visite au Chili du Ministre des Affaires étrangères en octobre 1994 qui s'est accompagnée de la levée de l'obligation de visas, de la mise en place de consultations périodiques et d'une commission économique, financière et industrielle bilatérale.

Quelque peu perturbées par la reprise des essais nucléaires français en 1995, les relations bilatérales sont désormais excellentes à tous les niveaux :

- les chefs d'Etat se sont rencontrés à plusieurs reprises depuis, que ce soit en marge de sommet européens ou au cours de visites d'Etat ;

- des visites ministérielles ont eu lieu chaque année depuis 1996 ;

- enfin, les parlementaires des deux pays se rencontrent régulièrement, en particulier une délégation de la Chambre des députés du Chili, conduite par Mme Isabel Allende, Présidente du groupe d'amitié Chili-France, a été reçue à l'Assemblée nationale du 3 au 10 avril 2000.

Par ailleurs, une Commission générale franco-chilienne a été créée en septembre 1997 pour examiner, sous la présidence des deux Ministres des Affaires étrangères, les relations bilatérales qu'il s'agisse des questions politiques d'intérêt commun, des relations économiques et commerciales ou encore de la coopération culturelle, scientifique et technique.

B - Des échanges économiques en progression

1) Une réduction progressive du déficit commercial français

Plus particulièrement, si les échanges économiques sont en règle générale fortement déséquilibrés en faveur du Chili, ils ont connu une nette amélioration entre 1991 et 1998. Le déficit commercial français est passé de 2,3 milliards de francs à 98 millions de francs et le taux de couverture français de 31 % à 97 %. Par ailleurs, la part de marché de la France est passée de 2,7 % en 1997 à 3,8 % en 1998. La France est le 9ème fournisseur du Chili (2ème fournisseur européen derrière l'Allemagne), les entreprises françaises étant plutôt compétitives sur un marché très concurrentiel. Mais en 1999, la part de marché française est descendue à 3 % et le solde commercial s'est dégradé du fait de la baisse des exportations de 44 % de janvier à septembre qui s'explique par la faiblesse des livraisons au titre des grands contrats, davantage que par un recul des positions françaises sur le marché chilien.

Les secteurs français porteurs au Chili sont les véhicules et matériels pour voies ferrées (GEC-Alsthom participe à la construction du métro depuis 1970), les appareils électriques, le bois, les parfums. Le Chili est le 4ème client de la France en Amérique latine, derrière le Brésil, l'Argentine et le Mexique, et représente 9,4 % des débouchés français en Amérique du sud.

La France importe essentiellement du cuivre et des produits agro-alimentaires (fruits, vins, poissons, maïs). Le Chili est le 2ème fournisseur de la France en Amérique latine, derrière le Brésil, mais se place devant l'Argentine et le Mexique.

2) Une progression des flux d'investissements français

Le stock d'investissements français ne représente que 1,1 milliard de dollars pour la période 1974-1999, soit 2,7 % des investissements étrangers. La France occupe le 9ème rang mondial et le 4ème rang européen. Cependant, les flux d'investissements progressent fortement passant de 63 millions de dollars en 1997 à 137 millions de dollars en 1998 et à 608 millions de dollars en 1999 faisant de la France le 3ème investisseur étranger en 1999 derrière l'Espagne et les Etats-Unis.

Les implantations françaises au Chili ont pour la moitié d'entre elles moins de cinq ans d'ancienneté. Elles sont totalement absentes du secteur de la mine qui absorbe près de la moitié des investissements étrangers. Toutefois la tendance s'inverse peu à peu, notamment grâce au récent succès de La Lyonnaise des Eaux qui, associée à Aguas de Barcelona, a remporté en juin 1999 la privatisation partielle d'EMOS, la compagnie des eaux de Santiago avec un investissement voisin de 1 milliard de dollars.

Les investisseurs français sont surtout présents dans :

- l'agriculture et l'agroalimentaire (Bongrain et Bonduelle) ;

- l'automobile (assemblage pour Peugeot et fabrication de composants pour Renault) ;

- les services (banques BNP, Crédit Agricole, Société générale, Paribas, Crédit Lyonnais, Worms et assurances AGF, AXA, Mutuelles du Mans, Cardiff, Mondial Assistance, Coface) ;

- la restauration (Sodexho, Accor) ;

- la distribution (Carrefour et L'Oréal).

D'ailleurs un accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements est déjà en vigueur depuis 1994 et une convention fiscale de non double imposition est en cours de négociation.

C - Une enveloppe de coopération culturelle, scientifique et technique conséquente

Deux accords signés en 1955 et 1962 régissent les relations franco-chiliennes en la matière. L'enveloppe de coopération de 14,6 millions de francs en 2000 a quasiment été maintenue pour 2001 puisqu'elle est de 14,2 millions de francs. Elle comprend 12,7 millions de francs de crédits d'intervention et 1,5 millions de francs destinés au fonctionnement de l'Institut culturel et du centre de ressources.

Les objectifs de la coopération scientifique et techniques sont variés :

- encourager la recherche en sciences fondamentales et appliquées par le biais de plusieurs programmes associant des centres français de recherche (CNRS, IRD, INSERM) à la Commission chilienne pour la recherche scientifique et technique (CONICYT) ;

- assurer la formation des futurs cadres supérieurs chiliens à l'aide du programme de bourses Mastère-DESS mis en place en 1995 ;

- participer à la modernisation de l'Etat chilien en formant des magistrats, des diplomates, etc.

La coopération culturelle soutient la réalisation par la télévision chilienne de reportages sur la France. Pour contribuer au financement du centre culturel de la Fondation Salvador Allende, 1 million de francs ont été prélevés sur les crédits de fin de gestion de l'année 1999. Le centre culturel est défini comme un espace vivant de création, d'échanges et de débats susceptibles d'attirer un public nouveau, jeune et peu concerné jusqu'ici par la vie culturelle.

La Fondation a été créée en 1990 et est présidée par la veuve du Président et dirigée par sa fille, la députée socialiste Isabel Allende. Outre le centre culturel, la Fondation comprend un centre d'études et le Musée de la Solidarité, inauguré en septembre 1999. La présidence Allende avait décidé dès 1971 de créer cet ensemble afin de doter le Chili d'une collection d'art contemporain qu'il n'était pas en mesure d'acquérir. Après le coup d'état de 1973, les artistes du monde entier ont décidé de continuer à offrir des _uvres d'art pour enrichir la collection si bien que le patrimoine du musée est exclusivement constitué d'_uvres données par des artistes de différents pays. S'agissant du fonds français, il comprend 74 _uvres de 65 artistes dont Jean Lurçat, Pierre Soulages, Jean Rustin, César, François Morellet, Tal Coat, etc.

CONCLUSION

Répondant aux préoccupations en matière de retraites de plusieurs milliers de ressortissants chiliens ayant séjourné et travaillé en France depuis 1973 mais également de nombre de nos compatriotes installés au Chili, la ratification de la présente Convention ne peut qu'être vivement recommandée par votre Rapporteur.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 28 mars 2001.

Le Rapporteur ayant conclu à l'adoption du projet de loi tout en stigmatisant le retard mis par le Gouvernement à présenter le projet de loi au Parlement, le Président François Loncle a souligné que ce retard dans la procédure devenait désormais une habitude et que ses protestations récurrentes restaient sans réponse.

M. Pierre Brana a demandé si cette harmonisation organisée entre les régimes de retraite chiliens et français, l'un fondé sur la capitalisation, l'autre sur la répartition, prévoyait des compensations dans le cas où l'un des deux régimes se révélait en pratique plus préjudiciable.

M. François Rochebloine a répondu qu'on ne pouvait raisonner en termes de préjudiciable ou pas. Cependant, la coordination s'applique pour l'ouverture des droits à pension mais pour la liquidation de ces droits, chaque régime applique son système.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2812).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2812).


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