N° 3428 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 novembre 2001. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) , PAR M. Jean-Yves LE DRIAN, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : 3384 et 3427. Lois de finances rectificatives. La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de : M. Paul Quilès, président ; M. Robert Gaïa, M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Voisin, vice-présidents ; M. Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jean-Claude Viollet, secrétaires ; M. Jean-Marc Ayrault, M. Alain Barrau, M. Jacques Baumel, M. Jean-Louis Bernard, M. André Berthol, M. Jean-Yves Besselat, M. Bernard Birsinger, M. Loïc Bouvard, M. Jean-Pierre Braine, M. Jean Briane, M. Marcel Cabiddu, M. Antoine Carré, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy-Michel Chauveau, M. Alain Clary, M. François Cornut-Gentille, M. Charles Cova, M. Michel Dasseux, M. Jean-Louis Debré, M. François Deluga, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. Jean-Pierre Dupont, M. François Fillon, M. Christian Franqueville, M. Yves Fromion, M. Yann Galut, M. René Galy-Dejean, M. Roland Garrigues, M. Henri de Gastines, M. Bernard Grasset, M. Jacques Heuclin, M. François Hollande, M. Jean-Noël Kerdraon, M. François Lamy, M. Claude Lanfranca, M. Jean-Yves Le Drian, M. Georges Lemoine, M. François Liberti, M. Jean-Pierre Marché, M. Franck Marlin, M. Jean Marsaudon, M. Christian Martin, M. Guy Menut, M. Gilbert Meyer, M. Michel Meylan, M. Jean Michel, M. Jean-Claude Mignon, M. Charles Miossec, M. Alain Moyne-Bressand, M. Arthur Paecht, M. Jean-Claude Perez, M. Robert Poujade, M. Jean-Pierre Pujol, Mme Michèle Rivasi, M. Jean Roatta, M. Michel Sainte-Marie, M. Bernard Seux, M. Guy Teissier, M. Émile Vernaudon, M. Aloyse Warhouver, M. Pierre-André Wiltzer. INTRODUCTION 7 PREMIÈRE PARTIE : LA GESTION DES CRÉDITS DE LA DÉFENSE EN 2001 11 I. - LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS 11 II. - L'ABONDEMENT DES CRÉDITS ORDINAIRES 13 A. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 13 1. Des surcoûts stables 13 2. Une couverture des besoins large, mais non totale 15 B. LES AUTRES OUVERTURES DE CRÉDITS 20 1. Les crédits de fonctionnement de la Gendarmerie 20 2. Les autres crédits ouverts 21 III. - LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS AU BUDGET D'ÉQUIPEMENT 22 A. DES OUVERTURES D'AUTORISATIONS DE PROGRAMME IMPORTANTES ET BIENVENUES 22 B. LES ANNULATIONS DE CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT 25 1. Des annulations importantes sans grande influence sur la dépense 25 2. Un mode de gestion qui atteint ses limites 31 DEUXIÈME PARTIE : LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DE LA FRANCE EN 2001 35 I. - PRÉSENTATION GÉNÉRALE 35 A. LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE, SUPPORT LOGIQUE DU CONTRÔLE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 35 B. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES CONDUITES PAR LA FRANCE EN 2001 37 II. - LES OPÉRATIONS DANS LES BALKANS 39 A. L'ADMINISTRATION ET LE MAINTIEN DE LA PAIX AU KOSOVO 40 1. Le mandat des missions internationales 40 2. La MINUK 41 3. La KFOR 42 B. L'APPUI À LA PAIX CIVILE EN BOSNIE-HERZÉGOVINE 43 1. La SFOR 43 2. Les missions d'observation et de police 45 III. - LA PRÉSENCE ET L'ACTION MILITAIRES DE LA FRANCE EN AFRIQUE 46 A. DES MISSIONS DIVERSIFIÉES 46 B. LES FORCES PRÉPOSITIONNÉES ET LES OPÉRATIONS BILATÉRALES 47 1. Une action préventive permanente 47 2. Des opérations bilatérales peu nombreuses, mais importantes 49 C. LES OPÉRATIONS MULTILATÉRALES D'OBSERVATION ET DE MAINTIEN DE LA PAIX 51 IV. - LES AUTRES OPÉRATIONS 53 A. LES OPÉRATIONS AU MOYEN-ORIENT 53 1. La surveillance des accords entre Israël et les pays arabes 54 2. Le maintien de la paix au Sud-Liban 55 3. Le contrôle coercitif de l'Irak 56 B. LES AUTRES OPÉRATIONS CONDUITES PAR LA FRANCE 57 V. - RÉCAPITULATIF DES ACTIONS MILITAIRES EXTÉRIEURES DE LA FRANCE EN 2001 59 TROISIÈME PARTIE : LA RÉFORME DE DCN 63 I. - UNE ENTREPRISE CONFRONTÉE À DE PROFONDES ÉVOLUTIONS SECTORIELLES 63 A. UN HÉRITAGE SÉCULAIRE 63 B. UN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL EN COMPLÈTE MUTATION 65 1. Un défi d'efficacité industrielle et commerciale 65 2. Une entreprise disposant de réelles perspectives de développement 66 C. UN PETIT NOMBRE DE COMPÉTITEURS AYANT TOUTEFOIS DÉJÀ RENFORCÉ LEURS CAPACITÉS 69 D. DES CONTRAINTES DE GESTION INCOMPATIBLES AVEC UNE ACTIVITÉ INDUSTRIELLE 71 II. - DES MARCHÉS SOUMIS AU JEU DES ALLIANCES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES 73 A. LA CONCEPTION ET LA FABRICATION DE SOUS-MARINS 73 B. LES CONSTRUCTIONS DE BÂTIMENTS DE SURFACE 75 C. LES ACTIVITÉS LIÉES À LA FABRICATION DES TORPILLES 76 III. - D'INDISPENSABLES GARANTIES À DONNER AUX PERSONNELS 77 A. L'EXISTENCE DE PRÉCÉDENTS AU SEIN DU SECTEUR PUBLIC 77 B. UNE OBLIGATION EN RAPPORT DES EFFORTS DÉJÀ ACCOMPLIS 78 C. LA SITUATION PARTICULIÈRE DES OUVRIERS DE L'ÉTAT 80 D. LA QUESTION DE LA RECONNAISSANCE DES CADRES DE L'ORDRE TECHNIQUE 81 IV. - LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 36 DU PROJET DE LOI 82 TRAVAUX EN COMMISSION 87 I. - AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE 87 II. - AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 92 III. - AUDITION DE M. JEAN-MARIE POIMBOEUF, DIRECTEUR DE DCN 99 IV. - AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES SYNDICATS DE DCN 104 V. - EXAMEN DE L'AVIS 111 AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 117 Mesdames, Messieurs, Le projet de loi de finances rectificative pour 2001 comporte plusieurs dispositions justifiant une saisine de la Commission de la Défense. D'abord, les mouvements de crédits opérés en gestion sont d'une grande amplitude. La Commission a pu constater qu'elles recouvraient d'abord un financement des dépenses d'opérations extérieures qui, en 2001 n'obérait pas le fonctionnement courant des armées, ni leur équipement. La revue qui est faite par votre rapporteur de ces opérations montre aussi toute leur importance et tout leur intérêt. Ensuite, les autorisations de programme ouvertes en gestion permettent d'une part le financement intégral par la France de la commande souhaitée d'avions de transport A 400 M et d'autre part celui d'une première tranche d'équipements destinés à la réponse à des menaces d'agression du type de celle du 11 septembre à New York. Enfin, le projet de loi contient les éléments d'une évolution statutaire de DCN. Dans le contexte de la construction navale militaire en complète mutation en Europe mais aussi dans les chantiers américains, une activité industrielle en régie d'Etat n'apparaît plus adaptée du fait des contraintes administratives et de gestion qu'elle impose à l'entreprise, si l'on souhaite que DCN affirme son incontestable savoir-faire sur son marché national comme à l'exportation. PREMIÈRE PARTIE : I. - LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS L'exécution de la loi de finances pour 2001 au ministère de la Défense n'aura pas échappé aux mouvements de crédits traditionnels : abondement des crédits de fonctionnement, annulations de crédits d'équipement. L'arrêté d'annulation du 21 mai 2001 a annulé 300 millions de francs de crédits d'équipement. Il était associé à un décret d'avance qui n'a ouvert aucun crédit au ministère de la Défense. Le décret d'avance n° 2001-918 du 8 octobre 2001, dont la ratification est demandée par l'article 16 du projet de loi, a ouvert pour la Défense 3,362 milliards de francs de crédits de paiement, répartis entre 2,742 milliards de francs pour les rémunérations et 620 millions de francs pour le fonctionnement. Le décret d'avance a notamment permis de couvrir la totalité des surcoûts de rémunération entraînés par les opérations extérieures, et une partie de ceux de fonctionnement. L'arrêté d'annulation qui lui était associé a annulé le même montant de crédits de paiement au budget d'équipement, soit 3,362 milliards de francs. Le projet de loi de finances rectificative ouvre au ministère de la Défense 910 millions de francs de crédits supplémentaires, soit 900 millions de francs de crédits de fonctionnement, ouverts par l'article 13, et 10 millions de francs de crédits de subventions d'équipement, au chapitre 67-10 (il s'agit d'un ajustement de la subvention à l'ONERA), ouverts à l'article 14. L'arrêté d'annulation du 14 novembre 2001 qui lui est associé annule 2,414 milliards de francs de crédits de paiement au budget d'équipement du ministère de la Défense. En cours d'année, le titre III aura ainsi été abondé de 4,262 milliards de francs, soit 2,742 milliards de francs au titre des rémunérations et 1,120 milliard de francs au titre du fonctionnement. En revanche, par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale, les crédits d'équipement sont diminués de 6,076 milliards de francs, ou plutôt de 6,066 milliards de francs, si l'on tient compte de l'ouverture de 10 millions de francs de crédits pour l'ONERA. Le solde fait, comme à l'accoutumée, apparaître une contribution nette du ministère de la Défense à l'équilibre budgétaire de l'année. En 2001, cette contribution est de 1,804 milliard de francs, soit près d'1 milliard de francs (957,5 millions de francs) de moins qu'en 2000. Le tableau ci-après récapitule ces mouvements : PRINCIPAUX MOUVEMENTS DE CRÉDITS BUDGÉTAIRES
S'agissant des autorisations de programme, le projet de loi de finances rectificative ouvre, en son article 14, 23,7 milliards de francs d'autorisations de programme pour la seconde partie du financement du programme A 400 M et le renforcement de plusieurs moyens, notamment des moyens héliportés de l'armée de Terre et du GIGN, dans le cadre de la lutte antiterroriste à la suite des attentats du 11 septembre dernier. L'arrêté d'annulation du 14 novembre 2001 annule en revanche 2,2 milliards de francs d'autorisations de programme du titre III, devenues inexploitables, et 516,5 millions de francs d'autorisations de programme des titres V et VI, soit un total de 2,716 milliards de francs. Le solde de gestion pour 2001 aboutit donc à des ouvertures d'autorisations de programme supplémentaires de près de 21 milliards de francs pour des commandes à passer. II. - L'ABONDEMENT DES CRÉDITS ORDINAIRES Comme chaque année, le titre III aura donc été fortement abondé en gestion, de 4,04 % de son montant initial. Les raisons des ouvertures sont bien connues : il s'agit pour les deux tiers du financement des opérations extérieures, qui entraînent de forts surcoûts en matière de dépenses de rémunérations et de fonctionnement, et pour le tiers restant de divers postes spécifiques tel le carburant opérationnel, dont les cours fluctuent en fonction de celui du pétrole en dollars et du dollar en francs, ou les dépenses de loyers de la Gendarmerie, du fait du redéploiement de cette arme et de l'insuffisance de casernements préexistants dans les zones de redéploiement, ou encore des mesures ponctuelles telles que l'application du plan « Sapin » à la Défense ou les mesures indemnitaires prises pour le passage à l'euro fiduciaire. A. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES Le financement des opérations extérieures aura cette année encore été le premier poste d'abondement des crédits ordinaires du ministère de la Défense. En 2001, les surcoûts liés à ces opérations auront représenté 2,774 milliards de francs au titre III, soit très précisément 65,1 % de l'abondement total, et 516 millions de francs au titre V. Le total, de 3,29 milliards de francs, est très proche de celui de 2000. SURCOÛTS LIÉS AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
La raison en est simple. Comme on le verra en détail dans la deuxième partie du présent rapport, les opérations extérieures conduites en 2001 auront été très similaires à celles conduites en 2000. Mêmes opérations, reconduites d'une année sur l'autre, mêmes effectifs, même intensité : comme le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, l'a exposé à votre Commission, c'est en 2002 que des changements devraient être enregistrés, avec les évolutions à venir de la FINUL et de la SFOR, voire de la KFOR, sans parler des événements de l'Afghanistan, trop tardifs pour apparaître dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative. Les 2,774 milliards de francs du titre III se partagent en surcoûts de fonctionnement (carburant pour les équipements, logement et transport des forces...) et surcoûts de rémunération. On sait en effet que les militaires, tant qu'ils sont en opération à l'étranger, perçoivent des rémunérations spécifiques, dont la principale est l'indemnité de sujétion pour séjour à l'étranger (ISSE), qui multiplie par 2,5 environ leur rémunération de base, pendant leur temps de séjour sur la zone d'opérations extérieures. La clé de partage habituelle est de 70 % des surcoûts environ pour les crédits de rémunération, et 30 % pour le fonctionnement. C'est encore le cas en 2001. On trouvera ci-dessous le détail de ces surcoûts, par catégorie et par armée, aux termes de prévisions établies par le ministère de la Défense. SURCOÛTS DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN 2001
2. Une couverture des besoins large, mais non totale La couverture des surcoûts dus aux opérations extérieures est depuis 1998, globalement correcte. Tel est encore le cas cette année. Il reste néanmoins que cette couverture présente toujours diverses insuffisances, sur lesquelles il convient d'attirer l'attention. Le tableau ci-après présente la ventilation des surcoûts et l'état de leur financement. LE FINANCEMENT DES SURCOÛTS DU TITRE III
· Les surcoûts prévisibles en matière de rémunérations sur cette année de 2,038 milliards de francs. Compte tenu de l'inscription devenue habituelle d'un provisionnement de 160 millions de francs en loi de finances initiale, le surcoût de rémunérations en cours d'année par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale est de 1,878 milliard de francs. Votre rapporteur peut exposer ici que le titre III aura été abondé en gestion de l'ensemble de ces crédits par le décret d'avances n° 2001-918 du 8 octobre 2001. Sur les 2,742 milliards de francs ouverts pour les dépenses de personnels du ministère de la Défense par son article 1er, 1,878 milliard de francs avaient en effet pour cause le financement des dépenses de personnel supplémentaire pour la conduite des opérations extérieures. Cette situation amène à une double conclusion. D'une part, sur le plan budgétaire, il faut souligner que, pour la 4ème fois depuis 1998, les surcoûts de rémunération entraînés par les opérations extérieures sont intégralement couverts, à 100 %, par des ouvertures de crédits supplémentaires. Le financement du recours aux armées en service commandé pour l'appui à la politique étrangère de notre pays ne pèse donc pas, pour ce qui est des rémunérations, sur le budget de fonctionnement du ministère de la Défense. Tel n'ayant pas toujours été le cas par le passé, il convient de s'en féliciter. D'autre part, eu égard à cet abondement à 100 %, il faut souligner que l'adoption de l'article 16 du projet de loi de finances rectificative vaut approbation du financement de l'ensemble des opérations extérieures menées par la France en 2001, dont l'analyse sera faite dans la deuxième partie du présent rapport. · Les opérations extérieures sont aussi cause de dépenses de fonctionnement supplémentaires par rapport aux coûts de fonctionnement des forces en métropole. En 2001, les prévisions de surcoûts de fonctionnement se montent à un total de 735 millions de francs, répartis entre 535 millions de francs pour le fonctionnement courant proprement dit, 171 millions de francs pour l'alimentation et 29 millions de francs pour l'entretien programmé du matériel. Ces besoins auront été couverts à hauteur de 270 millions de francs par le décret d'avance du 8 octobre 2001, à hauteur de 44 millions de francs par le décret de virement du 9 novembre 2001, et à hauteur de 160 millions de francs, soit 80 millions de francs pour l'armée de l'Air et 80 millions de francs pour l'armée de Terre, par le présent projet de loi de finances rectificative. Traditionnellement, seules les dépenses supplémentaires exposées pour le fonctionnement courant donnent lieu à remboursement au ministère de la Défense. Le remboursement n'est cependant jamais parfait. En 2000 il aura été de 74 %, laissant 160 millions de francs à la charge du budget de la défense. En 2001 il est de 89 %, et laisse 59 millions de francs à la charge du budget du ministère. Cette situation faisant apparaître une amélioration sensible pour 2001, on pourrait peut-être s'en satisfaire. Il reste qu'un examen plus approfondi indique que les bases sur lesquelles elle est construite ne pourront sans doute pas perdurer trop longtemps. En effet, ces 59 millions de francs s'ajoutent à 171 millions de francs de surcoûts estimés pour l'alimentation et 29 millions de francs pour l'entretien programmé du matériel. Ce sont ainsi 259 millions de francs de surcoûts du titre III qui ne sont pas couverts par des crédits supplémentaires. Le taux de couverture des surcoûts de fonctionnement, dont le total est ainsi de 735 millions de francs, descend alors à 64,7 %, laissant un tiers des surcoûts à la charge du ministère de la Défense. Cette situation pose plusieurs difficultés. D'abord, ces surcoûts sont réels. Ainsi, en matière d'alimentation par exemple, assurer le ravitaillement d'une force en opérations extérieures entraîne des coûts de transport sans rapport avec les coûts en métropole. Ensuite, il s'avère aussi que traditionnellement, le ministère de la Défense ne demande pas de couverture pour l'ensemble des surcoûts de fonctionnement qu'il identifie. Ainsi, il a été indiqué à votre rapporteur que les surcoûts de fonctionnement des services (Service de santé des Armées, Service des essences des Armées) quoique donnant lieu à évaluation, ne faisaient pas l'objet de remboursement spécifiques. De ce fait, la présentation des remboursements fait apparaître une majoration de ceux-ci par rapport à la réalité. Tel est encore le cas en 2001. Les 35 millions de francs inscrits à la ligne « services communs » en remboursement de frais de fonctionnement face au besoin estimé de 64 millions de francs ne correspondent pas à une partie de cette somme, mais à un besoin supplémentaire. Il s'agit de couvrir une hausse de la cotisation de la France au budget militaire de l'OTAN due aux dépenses engagées par l'organisation au Kosovo, dépense qui n'était pas prévue en évaluation. En réalité, aucune couverture n'est fournie pour satisfaire les besoins correspondant aux 64 millions de francs inscrits en évaluation. Pour une correcte appréciation du taux de remboursement, il convient alors d'ajouter au total des évaluations les 35 millions de francs destinés à l'OTAN au titre des besoins de fonctionnement à satisfaire. Le besoin est alors de 770 millions de francs. Les surcoûts non couverts se montent alors à 294 millions de francs. La couverture, de 474 millions de francs, correspond à 61,6 % du besoin. · Enfin, il convient d'évoquer aussi la couverture des besoins du titre V. Les surcoûts entraînés pas les opérations extérieures en crédits du titre V ne sont habituellement pas couverts par des abondements. Sans doute considère-t-on que le ministère doit pouvoir trouver, au sein du titre V, de quoi pouvoir aux besoins supplémentaires de rechanges et de réparations induits par les opérations extérieures sans empiéter sur ses dépenses d'acquisition de matériels neufs, les crédits d'équipement n'étant chaque année pas dépensés en totalité. Cette interprétation va cependant être de plus en plus difficile à soutenir. D'abord, il faut là aussi souligner le caractère vérifiable du besoin exprimé. En opérations extérieures, le matériel est beaucoup plus sollicité ; il fonctionne aussi dans un environnement beaucoup plus difficile qu'en métropole. Ainsi, eu égard à l'usage intensif qui en est fait et à la qualité relative des routes, le train de pneus d'un VBL en opération extérieure doit être changé chaque année, au lieu de tous les dix ans en usage normal. Les opérations extérieures sont ainsi considérées comme l'une des raisons de la diminution du taux de disponibilité des matériels actuellement constatée. Plus encore, les opérations extérieures sont cause d'une augmentation du taux d'attrition des matériels. Ainsi 20 VBL (véhicules blindés légers) ont été perdus au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine. Comment seront-ils remplacés ? Ensuite, pour une même intensité, l'impact des opérations extérieures sur le titre V est nettement plus élevé qu'il y a quelques années. En effet, on sait que l'intégralité des crédits d'entretien programmé des matériels et de maintien en condition opérationnelle, autrefois répartis entre le titre III et le titre V, a été progressivement basculée sur le titre V. Dès lors, ignorer les surcoûts du titre V est moins facile qu'autrefois. De plus, avec la généralisation des structures interarmées pour l'entretien du matériel, il est certain que des grilles d'entretien différenciées vont être mises en place pour l'entretien et le renouvellement des matériels en opérations extérieures. Cela aura forcément un impact sur le titre V. Comme on le verra plus avant, on assiste aussi à une reprise de la consommation des crédits du titre V : les marges pour financer sans abondement les surcoûts dus aux opérations extérieures diminuent d'autant. Enfin, on sait que pour 2002, les crédits d'équipement diminuent par rapport à 2001. S'ils restent supérieurs aux crédits qui seront effectivement dépensées en 2001, permettant sans doute l'exécution du programme d'achat, c'est avec de faibles marges d'exécution. Dès lors, on voit que le Gouvernement devra sans doute progressivement s'engager vers un abondement des crédits du titre V pour le financement des surplus de dépenses d'équipement générés par les opérations extérieures. L'exécution du budget 2001 est sans doute l'une des dernières qui permet d'ignorer ce financement. B. LES AUTRES OUVERTURES DE CRÉDITS Les ouvertures de crédits de fonctionnement, par le projet de collectif budgétaire ne concernent pas seulement les opérations extérieures. On l'a vu, celles-ci n'y concourent que pour 160 millions de francs. Or 900 millions de francs de crédits de fonctionnement sont ouverts par le collectif. Ces crédits se ventilent ainsi : OUVERTURES DE CRÉDITS PROPOSÉES PAR LE PROJET
1. Les crédits de fonctionnement de la Gendarmerie Le premier poste des crédits de fonctionnement ouverts par le projet de loi de finances rectificative concerne la Gendarmerie. Il est ouvert 570 millions de francs de crédits pour l'arme. Sur ce total 30 millions de francs concernent l'informatique. La modernisation de celle-ci a en effet été considérable. En conséquence, il a fallu par exemple doubler le nombre de lignes téléphoniques spécialisées, d'où des surcoûts non prévus. Ensuite, 140 millions de francs sont affectés au fonctionnement de la Gendarmerie, cette fois pour combler le report de charges constaté début 2001. C'est ainsi 170 millions de francs que le projet de collectif consacre au fonctionnement de la Gendarmerie. Ces montants s'ajoutent à 400 millions de francs destinés à contribuer à l'apurement de la dette sur les loyers de la Gendarmerie. On a vu plus haut en effet que, les gendarmes étant statutairement logés et les redéploiements aboutissant à accroître les effectifs dans des localisations où l'Etat ne dispose pas de logements, la difficulté est réglée par la prise en location par l'Etat, pour le compte de ses gendarmes, de logements dans des conditions de droit commun. S'ajoute à cette difficulté l'obligation de loger les nouveaux agents, dont 4 300 gendarmes adjoints, dont les conditions de logement diffèrent évidemment de celles traditionnellement offertes aux gendarmes auxiliaires qu'ils remplacent, et qui étaient des personnels appelés. Les crédits de fonctionnement de la Gendarmerie n'étant pas calibrés pour tenir compte de ce besoin, un besoin de financement permanent s'est progressivement constitué. On estime l'insuffisance du financement dans ce domaine à 400 millions de francs par an environ. Avec 170 millions de francs en décret d'avance et 400 millions de francs en collectif, la dette, de 350 millions de francs au début de la gestion 2001 est ainsi ramenée à 190 millions de francs début 2002. Il faut donc souligner l'effort fait sur l'année en faveur des crédits de fonctionnement de la Gendarmerie, puisque, compte tenu du décret d'avance, c'est de 740 millions de francs que le budget de fonctionnement initial de la Gendarmerie aura été abondé au cours de l'exercice 2001. Parmi les autres causes d'abondement, il faut d'abord noter l'impact sur le ministère de la Défense des mesures de revalorisation des traitements dites du plan Sapin (355 millions de francs), et les coûts indemnitaires liés à la mise en place de l'euro fiduciaire (139 millions de francs). Les ouvertures de crédits nécessaires ont été effectuées par le décret d'avance. Les insuffisances de dotations liées à la différence constatée entre le cours moyen du carburant sur l'année et le cours retenu lors de la construction du budget ont donné lieu à ouverture de 180 millions de francs de crédits en décret d'avance, et 100 millions de francs en projet de loi de finances rectificative, 70 millions de francs pour l'armée de l'Air et 40 millions de francs pour l'armée de Terre, soit un total de 290 millions de francs. Enfin, la dette de la France au budget militaire de l'OTAN (les crédits votés en loi de finances initiale sont régulièrement insuffisants) sont abondés de 60 millions de francs. Enfin, pour être exhaustif, votre rapporteur doit mentionner que ces ouvertures sont complétées par un décret de virement du 9 novembre 2001 et un arrêté de répartition du 6 novembre 2001 permettant des redéploiements internes au titre III pour un total de 782 millions de francs au profit des chapitres de rémunérations des militaires (essentiellement l'indemnité militaire) pour 587 millions de francs et des salaires ouvriers, pour 103 millions de francs, et 174 millions de francs au profit des chapitres de fonctionnement pour couvrir outre les besoins en opérations extérieures déjà mentionnés, divers soldes pour les carburants et divers besoins de gestion. Il faut noter une absence au sein du collectif, l'apurement de la dette du ministère de la Défense envers la SNCF. Cette dette est aujourd'hui de 228 millions de francs. Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit 106 millions de francs pour la stabiliser. Il est sans doute regrettable que, alors que le 20 décembre prochain doit être signée la nouvelle convention entre le ministère de la Défense et la SNCF, et que la dette subsistante est de 228 millions de francs, le ministère de la Défense n'ait pu obtenir les fonds souhaités, soit 114 millions de francs en collectif 2001 pour apurer la moitié de cette dette, l'autre moitié devant alors être apurée en collectif 2002. Néanmoins, et malgré ces lacunes, il s'avère que l'exécution du budget en 2001 ne devrait pas entraîner de reports de charges excessifs pour l'exercice 2002. En effet, même si le montant précis des reports est difficile à évaluer aujourd'hui, eu égard à la complexité des circuits comptables et à la dispersion de la dépense, un montant de reports net de 300 millions de francs, contre 600 millions de francs l'an dernier, a cependant été indiqué comme vraisemblable à votre rapporteur. De plus, il a été insisté devant votre rapporteur sur le caractère de dépenses de trésorerie des montants ainsi reportés. En réalité, eu égard à la dispersion de la dépense, la direction des affaires financières est obligée d'intégrer dans ses raisonnements une somme de 200 millions de francs de décalage entre les engagements et les paiements effectifs. On voit ainsi qu'avec 300 millions de francs de reports prévisibles, la gestion de l'année 2001 s'avère en fait très bonne et prépare une entrée en gestion 2002 proche de l'équilibre. III. - LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS AU BUDGET D'ÉQUIPEMENT A. DES OUVERTURES D'AUTORISATIONS DE PROGRAMME IMPORTANTES ET BIENVENUES Comme le projet de loi de finances rectificative pour 2000, le présent projet de loi de finances rectificative comporte une très importante ouverture d'autorisations de programme au chapitre 53-81. L'ouverture faite cette année est encore plus importante que l'an dernier, puisqu'elle se monte à 23,7 milliards de francs. Elle correspond en fait à deux opérations. Il s'agit d'une part de l'ouverture de la deuxième tranche d'autorisations de programme pour le financement des 50 avions de transport militaire A 400 M que la France souhaite acquérir auprès d'Airbus Industries. L'intérêt de l'achat de cet appareil est connu : vieillissement et inadaptation des Transall aux nouvelles missions, nécessité d'un avion à la fois tactique et de plus grande capacité d'emport, opportunité de la constitution d'une flotte de transport militaire européenne normalisée, conception et construction d'un nouvel appareil en Europe. Votre rapporteur ne développera pas plus ces points, et il renverra au rapport pour avis de notre collègue Yann Galut sur les crédits de l'armée de l'Air pour 2002 (rapport n° 3324, tome VI) qui présente dans un développement spécifique la problématique de cet appareil. Le coût total pour l'équipement de l'armée de l'Air avec 50 appareils est estimé à 43,7 millions de francs, 20 millions de francs d'autorisations de programme avaient été dégagés l'an dernier, par affectation d'autorisations de programme nouvelles et redéploiement d'autorisations de programme existantes ; l'affectation de 23,7 millions de francs d'autorisations de programme par le présent projet de loi de finances rectificative à l'article 53-81-17 du budget du ministère, consacré à l'A 400 M, permet de signifier à nos partenaires dans ce projet, ainsi qu'à l'industriel, que les instruments sont désormais prêts en France pour la passation de la commande. Il convient de s'en réjouir. La deuxième opération est l'inscription de 3 milliards de francs d'autorisations de programme pour répondre à des besoins exprimés en conséquence des événements du 11 septembre. Le Général Jean-Pierre Kelche l'a indiqué à la Commission de la Défense, l'état-major des Armées a estimé à 9 milliards de francs les ressources nécessaires pour répondre à la menace ainsi apparue. Les 3 milliards de francs ouverts correspondent donc à la première tranche de ce besoin. Le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué leur utilisation à la Commission : « Il s'agit d'abord de l'amélioration de l'aéromobilité, en vue d'accroître les capacités des forces spéciales et de renforcer les moyens de réponse au terrorisme maritime et de RESCO (recherche et sauvetage des militaires en opération). Des hélicoptères Cougar devraient être acquis à cet effet. Le deuxième type d'action concerne l'accélération de la modernisation des capacités en matière de renseignement électromagnétique (ROM). Enfin, la troisième catégorie de mesures porte sur l'accélération de l'effort de fabrication de protections contre les agressions biologiques et chimiques ». On notera que le total des autorisations de programme ainsi dégagées (23,7 milliards de francs pour l'A 400 M et 3 milliards de francs pour la réponse aux événements du 11 septembre), soit 26,7 milliards de francs, est supérieur de 3 milliards de francs aux autorisations de programme ouvertes par l'article 14 du projet de loi de finances rectificative. C'est que, comme en 2000, les montants affichés à l'article 14 recouvrent des mouvements plus amples. Qui plus est, la construction du dispositif s'est faite en deux temps. Dans un premier temps, avant le 11 septembre, les 23,7 milliards de francs nécessaires au financement de la commande de 50 A 400 M ont été inscrits au chapitre 53-81. En compensation, l'arrêté d'annulation associé devait supprimer 2,2 milliards de francs d'autorisations de programme du titre III, autorisations de programme devenues inutilisables du fait du transfert de l'entretien programmé du matériel au titre V, et 3,5 milliards de francs d'autorisations de programme du titre V, dont 1,364 milliards de francs au chapitre 53-81 lui-même. Du fait de ces 5,7 milliards de francs d'annulations, les ouvertures nettes d'autorisations de programme correspondant à la mobilisation des 23,7 milliards de francs d'autorisations de programme pour l'A 400 M étaient donc de 18 milliards de francs. L'expression par l'état-major des Armées d'un besoin de financement pour répondre à la menace identifiée du fait des événements du 11 septembre a amené à réviser ce projet. Les 3,5 milliards de francs d'autorisations de programme identifiés au budget d'équipement pour être supprimés ont été réduits à 516,5 millions de francs, tandis que 3 milliards de francs, au lieu d'être annulés, étaient redéployés pour financer le besoin exprimé par l'état-major des Armées pour les événements du 11 septembre ; sur ces 3 milliards de francs, 1,364 milliard de francs étaient redéployés au sein du chapitre 53-81 pour l'achat d'hélicoptères. Le solde positif est ainsi passé de 18 milliards de francs à 21 milliards de francs, 20,984 milliards de francs plus exactement. L'ensemble des mouvements est récapitulé dans le tableau ci-après. AUTORISATIONS DE PROGRAMME
Enfin, pour être complet, votre rapporteur ajoutera que, toujours en termes d'autorisations de programme, le décret de virement du 24 août 2001 a redéployé, notamment à partir du chapitre 53-81, 909 millions de francs au profit du chapitre 55-21 (en fait au profit de la SIMMAD) afin de lancer les marchés nécessaires au redressement de la disponibilité des matériels aéronautiques, et 197 millions de francs au profit du chapitre 57-71 pour le programme SNLE-NG. Ce même décret de virement a aussi permis d'abonder la dotation du programme M 51, au chapitre 51-71, de 394 millions de francs, essentiellement à partir des chapitres 51-61 et 53-81. B. LES ANNULATIONS DE CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT 1. Des annulations importantes sans grande influence sur la dépense On l'a vu à l'occasion de la présentation des mouvements de crédits, l'exécution de la loi de finances initiale pour 2001 au ministère de la Défense se traduit, comme à l'accoutumée, par une importante diminution des crédits d'équipement. En 2001, celle-ci est de 6,066 milliards de francs, soit 7,27 % des crédits initiaux. Au bout du compte, du fait de ces annulations, les crédits disponibles au titre de 2001 pour le budget d'équipement de la défense auront été de 77,933 milliards de francs. La répartition des annulations entre les chapitres des titres V et VI ainsi que leurs conséquences sur l'exécution du budget d'équipement, de façon générale et par gouverneur de crédits, figurent aux tableaux ci-après. ANNULATIONS SUR LES TITRES III, V ET VI EN 2001
EXÉCUTION DU BUDGET 2001
Depuis plusieurs années cependant, les annulations de crédits de paiement en capital accompagnent en réalité la consommation réelle des crédits par le ministère. Depuis le début de la législature, qui est aussi le début de l'actuelle programmation, les annulations de crédits en cours d'année n'ont jamais été utilisées comme un moyen de régulation de la dépense ; le solde disponible s'est toujours trouvé supérieur de 6 milliards de francs environ au total des dépenses finales. Celles-ci ont représenté chaque année 92 % environ de ce solde, laissant 8 % environ de marge. La Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000, a dressé un récapitulatif de la gestion des crédits de dépense en capital de la défense. EXÉCUTION DU BUDGET D'ÉQUIPEMENT
Jusqu'ici, la question était donc non pas celle du montant des annulations, puisque celles-ci s'avéraient laisser des montants de crédits suffisants pour honorer les paiements, mais celle des raisons qui aboutissent à ce qu'une partie seulement des crédits demandés soit dépensée et celle des conséquences de cette faible dépense sur l'équipement des armées. En synthétisant les analyses de la Cour des Comptes dans son rapport annuel sur l'exécution des lois de finances de chaque année, celles du rapporteur pour avis de la Commission de la Défense sur le projet de loi de finances rectificative des années précédentes et celles des principaux gouverneurs de crédits lors de leur audition par la Commission de la Défense sur le projet de loi de finances pour 2002, on peut dégager les principales raisons de cette faible consommation. Une première série de raisons est sans conséquence sur la réalisation de l'équipement physique des armées. Certains articles sont tout simplement surdotés par rapport au besoin. La Cour des Comptes avait repéré ce phénomène de surdotation chronique dans son rapport sur l'exécution du budget de 1998 ; elle avait en effet constaté l'existence de « remontées de crédits » de l'ordre de 2 milliards de francs par an environ. Ces surdotations expliqueraient le caractère récurrent des faibles taux de consommation de certains chapitres, notamment les chapitres 54-41 (infrastructures), 55-11 (soutien des forces) et même 53-81 (équipement des armées). La consommation de crédits inférieure aux prévisions est aussi la conséquence des réductions de prix obtenues par la Délégation générale pour l'Armement auprès des industriels, soit du fait des réductions de spécifications des programmes, soit du fait de la passation de commandes globales, procédure qui, selon le Délégué général pour l'Armement au cours de son audition par la Commission de la Défense le 24 novembre 2001 « permet, du fait de la meilleure visibilité donnée aux industriels, des réductions de coût de 5 % à 10 % ». De fait, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2002, chacun a pu noter, sur l'ensemble de la programmation, à la fois l'écart financier entre les montants des crédits prévus en programmation et les montants réalisés (selon la Cour des comptes, l'écart est de 11,2 %, et de 9,6 % par rapport à la revue de programmes), et la correcte réalisation globale du volume d'équipement fixé. Une deuxième série de raisons qui a, elle, des conséquences sur le calendrier d'équipement des armées, tient aux retards dans la passation des marchés du fait de la difficulté à établir les termes des contrats. Ce motif concerne pour l'essentiel des programmes en coopération européenne, et les raisons sont en général des désaccords entre partenaires sur les spécifications du programme. La Cour des Comptes signale dans son rapport sur l'exécution du budget de 1999 de tels retards pour six programmes, dont les frégates Horizon, le VBCI, les hélicoptères Tigre et NH 90. Il faut y ajouter aujourd'hui le programme A 400 M, où, du fait de désaccords sur les prix entre l'industriel et le partenaire allemand, acheteur de 73 appareils, la signature de la commande d'ensemble vient encore d'être retardée. Enfin, deux explications ont pour origine des motifs de gestion. On sait que, en 1995 et 1996, des blocages avaient été effectués sur les engagements, à l'initiative du ministère des finances. On pouvait croire que les conséquences en étaient désormais passées. Or, le rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2000, publié en juin 2001, expose, schéma à l'appui, que « le gel des engagements de 1996 a eu sur les paiements des répercussions de plus longue durée que celles observées par le passé ». Il signale que « les travaux de la direction des affaires financières du ministère réalisés sur les clefs de paiement tendent à prouver que les mandatements au titre des engagements passés cinq ans auparavant restent importants, ce qui peut expliquer la stagnation prolongée des paiements ». Enfin, on sait que chaque année, de 1998 à 2000, une réforme des procédures budgétaires et comptables (entrée des ordonnateurs secondaires en CSI en 1998, réforme de la nomenclature en 1999, mise en service du nouveau logiciel de la DGA, Nabucco, en 2000) a, pour reprendre la formulation de la Cour des Comptes, « ralenti les entrées en gestion de ces trois années en exerçant une forme de régulation « naturelle » ». 2. Un mode de gestion qui atteint ses limites Si votre rapporteur a tenu à reprendre l'ensemble de ces motifs de non consommation, c'est parce que 2001 risque bien de représenter un tournant dans leur impact sur l'exécution de loi de finances. D'abord, même si l'impact du blocage des engagements de 1995 et 1996 aura été plus prolongé que prévu, il est clair qu'il s'atténue un peu plus chaque année. Du reste, malgré l'entrée en service de Nabucco, la dépense en capital a été, en 2000, avec 70 milliards de francs, supérieure d'1 milliard de francs par rapport à 1999. Ensuite, aucune réforme de procédure n'a affecté la dépense en 2001. Dès lors, comme l'indique le tableau ci-après, le rythme des paiements a été bien meilleur en 2001 qu'en 2000. En mai 2001, 23,11 milliards de francs avaient été dépensés, contre 8,95 en mai 2000. A la fin octobre 2001, 52,62 milliards de francs avaient été payés, soit encore plus de 4 milliards de francs de plus qu'en 2000. COMPARAISON DES DÉPENSES EN CAPITAL
Le taux de consommation des crédits a ainsi bien progressé, pour tous les chapitres. Au 31 octobre 2001, le taux de consommation du chapitre 54-41, pourtant traditionnellement l'un des moins bons, est de 61,7 % contre 55,57 % au 31 octobre 2000 ; celui du chapitre 55-11 est de 62,2 % contre 50,44 % ; au total, 66,1 % des crédits du titre V ont déjà été consommés, contre 59,9 % en 2000. TAUX DE CONSOMMATION DES CRÉDITS
Pour la fin de l'exercice, la direction des affaires financières du ministère s'attend ainsi à un niveau de paiements supérieur de 1 à 3 milliards de francs par rapport à celui de 2000, soit 71 à 73 milliards de francs contre 70 milliards de francs en 2000. Dès lors, compte tenu aussi d'un calcul plus juste des dotations initiales, puisque la dotation initiale des titres V et VI pour 2002 est de 81,3 milliards de francs (12,396 milliards d'euros) contre 83,4 en 2000, on peut se demander si la politique d'utilisation du titre V comme réserve pour l'abondement des dépenses supplémentaires du titre III, et accessoirement pour l'équilibre général du budget, n'atteint pas en 2001 ses limites. Le fait que le ministre de la défense ait pu indiquer que la contribution nette du budget de la défense au budget général soit, en 2001, avec 1,8 milliard de francs, la plus faible de la législature, est aussi sans doute à relier à cette évolution. En effet, les indications données à votre rapporteur, font apparaître que la dépense devrait être amenée à continuer sa progression. Ainsi, si la dépense aura augmenté d'au moins un milliard de francs par an entre 1999 et 2001, les autorisations de programme engagées, qui sont passées, selon le rapport précité de la Cour des Comptes, de 80,2 milliards de francs en 1997 à 79 milliards de francs en 1998, puis à 85,7 milliards de francs en 1999, étaient en 2000 de 107,4 milliards de francs, soit un montant supérieur de 21,7 milliards à celui de l'année précédente. La proportion des autorisations de programme engagées atteint désormais 85,8 % des autorisations de programme disponibles, contre 72,4 % en 1999. En 2001, si les autorisations de programme de l'A 400 M peuvent être engagées, les autorisations de programme monteront à 120 milliards de francs, ce volume incluant aussi la tranche conditionnelle de 20 Rafale. Or les engagements d'aujourd'hui sont les paiements de demain. On voit donc que la dépense en capital est amenée dans les années qui viennent à se rapprocher des crédits accordés en loi de finances initiale. Votre rapporteur ne peut que citer encore le rapport de la Cour des comptes : « Il est vraisemblable qu'il sera plus difficile que par le passé d'imputer au budget d'investissement de la défense des charges qui lui sont étrangères et qu'il supporte actuellement (...). Les marges qui existaient sur ce budget vont donc se restreindre ». Dans cette perspective, votre rapporteur veut rappeler l'observation faite l'an dernier par la Commission de la Défense de la nécessité d'une prise en compte d'une part aussi élevée que possible des dépenses d'opérations extérieures dès la loi de finances initiale ; c'est aussi dans cette perspective qu'il place son propre souhait de voir les dépenses en capital des opérations extérieures donner lieu à remboursement. L'évolution prévisible des dépenses en capital de la défense rendra en effet de plus en plus difficile l'utilisation du titre V comme réservoir prévisionnel pour les dépenses imprévues (quoique parfois prévisibles) qu'il peut encore avoir en 2001. DEUXIÈME PARTIE : A. LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE, SUPPORT LOGIQUE DU CONTRÔLE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES Depuis deux ans maintenant, la deuxième partie du présent rapport pour avis est consacrée à une présentation précise des opérations extérieures menées par notre pays pendant l'année en cours. En effet, dès lors que le projet de loi de finances rectificative est, entre autres, le texte par lequel le Gouvernement demande au Parlement la ratification de décrets d'avance par lesquels ont été financés l'ensemble des surcoûts de rémunérations entraînés par la conduite des opérations extérieures, et donc l'approbation des opérations extérieures elles-mêmes, il a paru légitime, voire indispensable, à votre Commission de la Défense que l'ensemble des opérations ainsi ratifiées soient présentées en détail, de façon à ce que la ratification donnée puisse être aussi éclairée et informée que possible. En 1999 et en 2000, cette présentation a été pour le rapporteur pour avis de la Commission sur le projet de loi de finances rectificative, notre collègue M. François Lamy, l'occasion de proposer diverses améliorations en matière d'information du Parlement sur les opérations extérieures. Ainsi en 1999, le rapporteur s'était interrogé sur le contrôle des opérations extérieures sans surcoût, puisque conduites au moyen de forces prépositionnées à l'étranger, en Afrique notamment, forces dont le coût de stationnement inclut les mêmes surcoûts de personnel que l'envoi en opérations extérieures de personnels stationnés en métropole ; la Commission avait alors adopté une observation tendant à ce que, dès lors que des forces prépositionnées étaient requises pour des actions autres que celles pour lesquelles elles étaient prépositionnées, une opération extérieure soit ouverte pour permettre au Parlement d'exercer son contrôle. Tel avait été le cas en 2000. En 2000, une autre observation avait été adoptée, tendant à ce que, non seulement pour un meilleur remboursement mais pour aussi pour un meilleur contrôle parlementaire, une partie significative des opérations extérieures soit financée dès la loi de finances initiale, sur la base de chapitres et d'articles spécifiquement consacrés à ces opérations. Pendant la discussion en séance publique, le Ministre de la Défense avait approuvé l'initiative de la Commission en ces termes : « La proposition d'inscrire en loi de finances initiale une fraction significative des crédits nécessaires aux opérations extérieures mérite une réflexion approfondie. Le Gouvernement avait d'ailleurs pris une première initiative, à ce titre, il y a deux ans. « Mais il y a des obstacles à surmonter, parce que les opérations extérieures, on vient de le voir, sont par nature aléatoires. (...) « Dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1959 (...) on peut imaginer une solution pour régler ces difficultés, en faisant de la préparation des opérations extérieures un programme spécifique bénéficiant d'une dotation initiale en loi de finances initiale et abondé si nécessaire en cours d'année. C'est en tout cas une approche à laquelle le ministère de la défense est tout à fait disposé et (...) nous souhaitons être au premier rang des ministères qui pourront se mettre en conformité avec la réforme, dès qu'elle aura été décidée par le Parlement ». Enfin, à l'occasion de la présentation à la Commission de son rapport d'information (n° 3394) sur la réforme de la coopération militaire, faisant remarquer que la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances allait donner à la Commission des Finances la prérogative de donner son avis sur les décrets d'avance préalablement à leur publication, et rappelant que les opérations extérieures sont financées par de tels décrets, notre collègue M. Bernard Cazeneuve a proposé de développer le contrôle que la Commission de la Défense nationale et des Forces armées pourrait exercer, à l'instar de la Commission des Finances, sur ces décrets pour un contrôle des opérations extérieures affiné par rapport au contrôle actuellement exercé dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Cette année, la revue des opérations extérieures opérée par le présent rapport pour avis sera moins riche en propositions. Sur le plan des procédures, on voit bien que les rapporteurs déjà cités ont tracé en quelque sorte un programme pour la Commission de la Défense, qui devra être mis en _uvre au fur et à mesure de la mise en place des dispositions de la loi organique. Celle-ci n'entrera cependant pleinement en vigueur qu'au 1er janvier 2005. Quant aux opérations elles-mêmes, on l'a déjà vu à l'occasion de la première partie du présent rapport, au 31 août dernier, date d'arrêté des présentations fournies à votre rapporteur par le ministère de la Défense, leur physionomie n'est guère différente de celle de l'an dernier. Elles n'appellent donc guère plus d'observations que celles faites à l'occasion de l'audition par la Commission de la Défense du Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, dont le compte rendu est annexé au présent rapport pour avis. L'information donnée par celui-ci à la Commission a été précieuse. On retrouvera les précisions apportées à l'occasion de la présentation de chaque opération extérieure. Pour ce qui est enfin des opérations conduites actuellement en Afghanistan, elles n'entrent guère, sur le plan budgétaire, dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances rectificative. En effet, trop tardives dans l'année, elles seront financées non pas par la loi de finances rectificative pour 2001 mais par le biais des fonds d'avances et leur remboursement opéré par la loi de finances rectificative pour 2002. De plus, le Parlement a pu faire connaître son sentiment à l'occasion de la déclaration du Premier ministre sur ces opérations le 21 novembre 2001. Enfin la Commission de la Défense a pu obtenir tous les détails souhaités, y compris opérationnels, lors de l'audition du Général Jean-Pierre Kelche précitée. Votre rapporteur achèvera cependant la présentation des opérations conduites en 2001 par une présentation de ces opérations en Afghanistan à partir des éléments communiqués à votre Commission à l'occasion des auditions réalisées pour l'examen du présent projet de loi de finances rectificative, ces opérations, si elles devaient perdurer, étant appelées à avoir des répercussions financières très importantes, tant au titre III qu'au titre V, sur l'exécution du budget de la défense en 2002. B. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES CONDUITES PAR LA FRANCE EN 2001 Les opérations militaires extérieures auxquelles la France aura pris part en 2001 sont au nombre de 25, 26 en comptant les opérations en cours en Afghanistan. Leur nombre est en réduction par rapport à 2000, où il était de 31. Cependant cette évolution en nombre est sans grande conséquence sur la physionomie générale des opérations militaires extérieures. L'année 2000 avait été en effet caractérisée par l'ouverture de petites missions ponctuelles, à but humanitaire, de quelques jours ; s'agissant de missions au plus long cours, deux opérations de protection d'ambassades n'ont pas été reconduites. En réalité, comme on l'a vu au cours de la première partie du présent rapport pour avis, et comme la présente partie le détaille, la physionomie d'ensemble des opérations militaires extérieures conduites par la France en 2001, en tout cas jusqu'au 1er septembre, est très proche de celle de 2000. Il faut d'abord rappeler ici que le droit international n'ignore pas l'action de forces militaires en opérations extérieures. Ainsi, l'envoi de forces d'observation, d'interposition, voire de coercition sur décision du Conseil de sécurité est prévu par les chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies. Sous chapitre VI, la sécurité des forces, qui sont donc des forces d'interposition et d'observation, est de la responsabilité des pays hôtes. Sous chapitre VII en revanche, les forces dépêchées sont habilitées à assurer par elles-mêmes les conditions de sécurité nécessaires à la bonne fin de leur mission. Le Conseil de sécurité peut aussi définir des modalités différentes pour la conduite des opérations qu'il décide. Il peut en effet en confier la conduite soit au Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) de l'Organisation, soit à une organisation ou à une coalition régionale, en application de l'article VIII de la Charte. Aujourd'hui, il s'avère que les opérations les plus lourdes sont conduites par les membres du Conseil de sécurité eux-mêmes, par délégation du Conseil et avec l'assistance d'autres pays si nécessaires. Le DOMP, qui avait dû un temps renoncer à conduire des opérations autres que d'observation, a néanmoins recommencé à piloter, avec un certain succès, notamment en Afrique, des opérations sous chapitre VII, d'importance moins grande que celles conduites par les membres du Conseil mais réelle. Les opérations décidées par le Conseil de sécurité sont réexaminées tous les six mois, sur le rapport du Secrétaire général de l'Organisation. Par ailleurs, l'article 51 de la Charte continue d'autoriser l'aide militaire bilatérale, d'un pays à un autre, pour répondre à une agression ou menace d'agression. On sait que tel a d'abord été le statut de l'offensive en cours des Etats-Unis avec le soutien des pays de l'OTAN en Afghanistan, à la suite des événements du 11 septembre. Enfin, un pays a toujours le droit d'assurer la sécurité de ses ressortissants. Les considérations ci-dessus exposées font aussi apparaître que les opérations militaires internationales peuvent être rangées sous plusieurs catégories : les missions d'observation, les missions de police civile, qui relèvent de la notion de maintien de la paix, les missions de rétablissement ou d'imposition de la paix, qui supposent l'usage de forces armées dans un contexte conflictuel ou hostile, et qui sont donc celles qui sont conduites sous chapitre VII par délégation du Conseil de sécurité ou par le DOMP, les missions bilatérales, d'appui à un partenaire, et enfin les missions unilatérales de protection ou d'évacuation. _ C'est pour des opérations décidées par résolution du Conseil de sécurité, et confiées par lui à une organisation régionale ou à une coalition, où ses membres, et notamment les membres permanents, tiennent une large part, qu'on trouve les participations françaises les plus importantes. Ces opérations sont au nombre de six, les mêmes qu'en 2000. Il s'agit d'abord de trois opérations de rétablissement ou d'imposition de la paix, l'opération Southern Watch en Irak, la SFOR en Bosnie-Herzégovine, et enfin la KFOR au Kosovo, toutes trois menées en application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. A ces trois opérations qui requièrent les moyens les plus lourds s'ajoutent deux opérations d'observation, conduites avec l'accord des pays sur le sol desquels elles s'exercent, l'une en Bosnie-Herzégovine, l'opération EUMM, l'autre en Egypte et en Israël, l'opération FMO. Par ailleurs une mission d'assistance en matière de police, l'EMCP, menée en Albanie sous l'égide de l'UEO, a pris fin cette année avec la cessation de l'activité opérationnelle de cette organisation. _ Le DOMP conduit seize opérations décidées par le Conseil de sécurité. La France aura participé en 2001 à 11 d'entre elles, les mêmes qu'en 2000, moins la MIPONUH, mission de formation de la police en Haïti qui a pris fin en 2000, et l'ATNUTO, au Timor Oriental, où elle a retiré sa modeste participation, et avec une participation supplémentaire, dans la MINUEE, entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Les missions où elle a reconduit sa présence sont donc d'abord quatre opérations anciennes de surveillance d'un accord ou d'un cessez-le-feu, l'ONUST (frontières israéliennes), la MINURSO (Sahara occidental), la MONUG (Géorgie) et la MONUIK (Koweit), et trois missions en Afrique, la MONUC (République démocratique du Congo), le BONURCA, qui a succédé à la MINURCA en Centrafrique, à la suite de la réussite de celle-ci, et la MINUSIL en Sierra Leone. Pour ces missions, la participation française est limitée à des observateurs, ou à des officiers de liaison. Enfin, la France participe à la MINUBH-GIP, en Bosnie-Herzégovine, qui est une mission de formation de la police, à la FINUL, au Liban, qui est, elle, une mission d'interposition, et à la MINUK au Kosovo. Pour être complet, il faut préciser que, outre la très importante mission que constitue l'ATNUTO, l'ONU dirige quatre autres missions. La France, considérant qu'elles ne relèvent pas de sa sphère d'intérêt traditionnelle, ou n'ayant pas été sollicitée pour y prendre part, n'y participe pas. Il s'agit de la force de maintien de la paix à Chypre (UNFICYP) et des missions d'observation de la frontière indo-pakistanaise (UNMOGIP), du plateau du Golan (UNDOF), et de la péninsule de Prevlaka en Croatie (MONUP). _ Enfin, la France a conduit en 2001 six opérations avec ses seules forces. La mission de présence Corymbe a été reconduite, de même que deux opérations menées dans le cadre d'accords de coopération militaire et de défense, Epervier au Tchad et Aramis au Cameroun. L'opération Khor-Angar, à Djibouti, a, elle, été arrêtée au 28 février. Une nouvelle mission de ce type a été créée, Furet-Gabon. Enfin, en matière de protection d'ambassades, seule subsiste la mission de protection de l'ambassade de France en Algérie. M. François Lamy l'avait exposé lors des précédents rapports pour avis, il se peut que des missions de nature différente concourent à une même politique. Ainsi en est-il de la KFOR, opération conduite par délégation du Conseil de sécurité, et de la MINUK, opération conduite par le DOMP, l'une assurant du reste les conditions de sécurité de la conduite de l'autre. A travers la diversité des opérations auxquelles participe la France, on peut donc retracer une politique d'intervention en fonction des théâtres d'opération. C'est donc par théâtre que, comme cela est traditionnel désormais, votre rapporteur présentera le détail des opérations militaires extérieures de la France en 2001. II. - LES OPÉRATIONS DANS LES BALKANS En 2001 comme en 2000, c'est les Balkans et plus exactement l'ex-Yougoslavie qui auront représenté l'engagement le plus important de la France sur des théâtres extérieurs. Ils auront en effet mobilisé 80 % des forces françaises en opérations extérieures, comme en 1999 et en 2000. La proportion des surcoûts aura un peu diminué, puisque ces opérations auront représenté 74 % des surcoûts, contre 77 % en 2000. Il faut y voir sans doute l'évolution de la situation en Bosnie-Herzégovine, mais aussi l'augmentation des surcoûts de la mission Alysse en Irak, pour des raisons sans rapport avec l'évolution de la mission, et aussi la fin de l'opération EMCP en Albanie. L'EMCP (Elément multinational de conseil en matière de police) était en effet une petite mission d'assistance en matière de police, créée par l'UEO à la demande des Albanais, en septembre 1997. Du fait de la disparition le 31 mai 2001. Le surcoût pour la France est ainsi estimé pour l'année 2001 à 2,1 millions de francs, contre 8 millions de francs en année pleine. Et du fait de la fin de cette mission, il reste deux théâtres d'opérations pour la France dans les Balkans, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DANS LES BALKANS
A. L'ADMINISTRATION ET LE MAINTIEN DE LA PAIX AU KOSOVO 1. Le mandat des missions internationales L'affaire du Kosovo reste la principale mission des forces françaises en opération extérieure. La situation internationale du Kosovo est fixée par la résolution n° 1244 du 10 juin 1999 du Conseil de sécurité, placée sous chapitre VII. Cette résolution a notamment fixé les grandes lignes de la mission de la présence internationale au Kosovo. La résolution établit « le déploiement au Kosovo, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, de présences internationales civile et de sécurité dotées du matériel et du personnel approprié, en tant que de besoin ». Sur ces bases, elle « prie le secrétaire général de nommer, en consultation avec le Conseil de sécurité, un représentant spécial chargé de la mise en place de la présence internationale civile ». Cette présence internationale civile a pris le nom de MINUK (Mission intérimaire d'administration des Nations Unies au Kosovo). Par ailleurs, la résolution « autorise les Etats membres et les organisations internationales compétentes à établir la présence internationale de sécurité au Kosovo » « en la dotant de tous les moyens nécessaires » pour s'acquitter de ses responsabilités. Cette présence internationale, assurée par l'OTAN, a pris le nom de Joint Guardian ou KFOR (Kosovo Force). Enfin, la résolution prie le Secrétaire général « de donner pour instruction à son représentant spécial d'agir en étroite coopération avec la présence internationale de sécurité afin que les deux présences poursuivent le même but et s'apportent un soutien mutuel ». Il faut aussi noter que la résolution « accueille avec satisfaction l'accord de la République fédérale de Yougoslavie relatif à ces présences ». En effet, elle reprenait les conditions de l'accord du 3 juin 1999, acceptées par la République fédérale de Yougoslavie, dont le Kosovo fait toujours statutairement partie. Les deux missions étant liées - ou plutôt l'une, la KFOR, ayant pour mission d'appuyer l'autre, la MINUK -, il était logique que la France participe aux deux. Aux termes de la résolution n° 1244, la MINUK a pour mission de faciliter, en attendant un règlement définitif, l'instauration au Kosovo d'une autonomie et d'une auto-administration substantielles, compte tenu notamment des accords de Rambouillet. Dans cette optique, elle a pour tâches d'abord d'exercer les fonctions d'administration civile de base là où cela sera nécessaire et tant qu'il y aura lieu de le faire, puis d'organiser et superviser la mise en place d'institutions provisoires pour une auto-administration autonome et démocratique. Il lui appartient ensuite de favoriser les conditions de mise en place d'un règlement politique, autrement dit, en particulier, la tenue d'élections. Elle devra ensuite transférer progressivement ses responsabilités administratives aux institutions élues, à mesure qu'elles auront été mises en place, dans le cadre de la mise en place du statut futur du Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet. Il lui revient aussi de maintenir l'ordre public, en mettant notamment en place des forces de police locales et, jusqu'à ce que cela soit possible, en déployant du personnel international de police servant au Kosovo. La MINUK comprend 3 347 personnels, en diminution sensible au fur et à mesure que la situation s'apaise (ils étaient 3 919 l'an dernier, soit 572 de plus), essentiellement des policiers. La France fournit à la MINUK ; il s'agit de 76 gendarmes, effectif stable par rapport à l'an dernier, pour un surcoût de 17,86 millions de francs. La situation au Kosovo, surtout lorsque la MINUK a été créée, n'était cependant pas telle que des policiers puissent suffire à maintenir l'ordre. C'est donc la présence de la KFOR qui garantit la séparation des parties et un retour progressif à l'ordre civil. La mission de la KFOR, dont la participation française est dénommée Trident, est définie par l'article 9 de la résolution n° 1244. La mission de la KFOR consiste désormais à soutenir l'action des organisations internationales, dont notamment la MINUK, et pour cela notamment à maintenir la paix civile, et à assurer le maintien de l'ordre et la sécurité publique « jusqu'à ce que la présence internationale civile puisse s'en charger ». La force a ainsi également dans ses tâches de contribuer à apaiser la tension entre les communautés, de façon à ce que le Kosovo puisse être doté d'institutions civiles fonctionnelles. On voit le chemin parcouru, lorsqu'on sait que le mandat initial (la KFOR en conserve les prérogatives) consistait d'abord à « assurer la protection et la liberté de circulation pour elle-même, pour la présence internationale civile et pour les autres organisations internationales ») La KFOR est composée de 45 107 militaires de 39 nationalités différentes au Kosovo, en Macédoine et en Grèce. Cet effectif, après deux années (l'engagement de la KFOR a débuté le 12 juin 1999) reste considérable, puisqu'il correspond à celui déployé au plus fort du conflit. La France lui fournit 5 902 militaires, soit 13 % des effectifs, fortement équipés puisque des chars Leclerc ont été déployés sur le terrain. Deuxième pays contributeur de troupes, elle assure le commandement de la brigade multinationale nord, qui correspond à la zone la plus difficile, la zone confiée à la BMN jouxtant au nord la « zone de sécurité » avec la Serbie, et la ville de Kosovska Mitrovica, qui en est le c_ur, étant aussi la seule ville réellement pluriethnique du Kosovo. La participation française à la KFOR continue de représenter plus de la moitié (53,11 %) des effectifs militaires français en opérations extérieures. Les surcoûts dus à la participation française à la KFOR sont de 1,538 milliard de francs, dont 1,341 milliard de francs pour le titre III et 197 millions de francs pour le titre V, chiffres comparables à ceux de l'an dernier, en légère baisse pour ce qui est du titre V, du fait de la diminution de l'intensité de la mission. La réussite de l'organisation des élections du 17 novembre dernier, qui ont vu la victoire des partisans de M. Ibrahim Rugova, et qui doivent être le socle de la réorganisation institutionnelle du Kosovo, permettent cependant de commencer à envisager une évolution de la posture d'une force qui a été implantée à la suite d'une guerre avec un pouvoir serbe très différent dans ses choix du pouvoir actuel. Le Chef d'état-major des Armées, entendu par la Commission de la Défense le 22 novembre 2000, avait pu indiquer que « la mission de la KFOR, qui donnait lieu à l'engagement français le plus important, s'accomplissait dans de bonnes conditions. En effet, la menace militaire, déjà faible, à laquelle elle était confrontée, s'est encore réduite avec l'arrivée au pouvoir en Yougoslavie d'un nouveau président. » Cette année, entendu par la Commission le 24 novembre 2001, il a indiqué que : « une réduction interviendra (...) pour notre participation à la KFOR, 300 militaires français devant quitter le Kosovo avant Noël si la période succédant aux récentes élections confirme le rétablissement de la situation. » La diminution de la force est donc désormais engagée, en réponse à celle de l'intensité de la situation intérieure. B. L'APPUI À LA PAIX CIVILE EN BOSNIE-HERZÉGOVINE La Bosnie-Herzégovine est le deuxième théâtre d'intervention des forces françaises. Y sont en effet déployés 2 893 militaires, soit 26% des forces françaises en opérations extérieures et près de la moitié du contingent déployé au Kosovo. Ces militaires se répartissent en trois opérations, liées entre elles. La configuration du dispositif est assez proche de celle du Kosovo puisque la plus importante de ces forces, la SFOR, assure le maintien de la paix tandis que l'organisation politique locale, organisée par les accords de Dayton, est quasiment sous la tutelle d'un Haut Représentant du Secrétaire général de l'ONU. Néanmoins, contrairement au Kosovo, la Bosnie-Herzégovine a été dotée par les accords de Dayton d'une organisation politique nationale complète, comportant deux entités, la Fédération croato-musulmane et la Républika Srpska, dotées de pouvoirs étendus, et une présidence collégiale, composé de trois représentants, bosno-croate, bosno-serbe, et musulman. Par ailleurs, compte tenu d'une situation plus apaisée, la tendance des effectifs est à la baisse, pour chacune des opérations. En Bosnie-Herzégovine, l'opération principale, celle de maintien de la paix, est l'opération Joint Guard, devenue Joint Forge. Elle a été décidée par la résolution n° 1088 du 15 décembre 1996 du Conseil de sécurité des Nations Unies. L'objectif qui lui est fixé est l'application du volet militaire des accords de Dayton. Aux termes de la résolution, la conduite de l'opération est déléguée par l'ONU à l'OTAN, qui la met en _uvre au moyen d'une force dénommée SFOR (Stabilization Force). La SFOR a du reste succédé à l'IFOR (Implementation Force), elle aussi mise en _uvre par l'OTAN dans le cadre d'un premier mandat décidé par la résolution n° 1031 du 15 décembre 1995. La SFOR a pour mission de dissuader une reprise des hostilités, de maintenir une situation militaire stable et de contribuer à une normalisation en aidant à assurer un environnement sûr, dans lequel les organisations civiles internationales et les parties à l'accord de paix puissent s'acquitter des responsabilités que l'accord leur confère, y compris en ce qui concerne la liberté de mouvement et le retour des réfugiés. Comme la KFOR, dont elle a fourni le modèle, la SFOR est composée de contingents nombreux, appartenant à 40 nations différentes. Comme dans la KFOR, la France y tient une place importante : elle assure notamment le commandement de l'une des trois divisions de la Force, la Division multinationale sud-est, aussi dénommée division Salamandre. La partie française de l'opération est du reste dénommée Salamandre II. Le mandat de la SFOR, qui était initialement de 18 mois, a été prolongé à quatre reprises pour une durée d'un an, le dernier renouvellement, jusqu'au 21 juin 2002, ayant été décidé par la résolution n° 1357 du 21 juin 2001. Le dispositif militaire, quant à lui, est réexaminé tous les six mois par le Conseil atlantique. L'objectif est de réduire graduellement la présence militaire internationale en fonction des progrès réalisés dans la mise en _uvre de l'accord de Dayton. La première révision, effectuée en décembre 1998, s'était conclue par une simple réduction de 10 % des effectifs. Eu égard à la bonne acceptation prolongée par les parties de la présence de la SFOR et à la faible probabilité de reprise des hostilités, même si la réalisation des volets civils de l'accord de Dayton est une autre affaire, ont permis d'engager en juin 1999, lors de la deuxième révision, des modifications de plus grande ampleur : passage de 26 à 9 bataillons, suppression du niveau de commandement de brigade, diminution du volume des forces de 31 000 à 19 000 militaires (contre 37 500 avant juin 1998). Depuis l'automne 2000, la réalisation de la révision est achevée : le volume de la force désormais de 20 000 militaires environ (20 670 au 1er septembre 2001). La part de la présence française est la même que dans la KFOR : 13 % environ. Les effectifs français, qui étaient encore supérieurs à 3 000 l'an dernier (3 028 au 1er septembre 2000), ont globalement rejoint l'effectif prévu, de 2 600 : au 1er septembre 2001, ils étaient en effet très exactement de 2 770. A la même date, les surcoûts pour l'année sont estimés à 856 millions de francs, soit 768 millions de francs pour le titre III, en diminution de 55 millions de francs et 88 millions de francs pour le titre V, en hausse de 24 millions de francs par rapport à 2000 du fait de l'usure du matériel. En fait, compte tenu de l'évolution de la situation, on peut même se demander si une diminution plus importante de la force ne pourrait pas être conduite. Sur ce point, interrogé par votre rapporteur lors de son audition par la Commission, le Chef d'état-major des Armées a tenu des propos d'un grand intérêt, qui marquent bien à la fois l'apaisement et la consolidation de la situation, et les conclusions de désengagement qu'en tirent certains de nos alliés les plus importants. Il a en effet déclaré que « à ce jour, deux conceptions s'opposent pour définir les perspectives d'évolution de la présence militaire internationale dans ce pays. Les Américains préconisent sa transformation en une force dite de dissuasion dont la majorité des éléments seraient positionnés à la périphérie de la Bosnie-Herzégovine, alors que la France considère qu'il serait imprudent de rompre trop brutalement avec le dispositif actuel. Elle se prononce plutôt en faveur du maintien d'une certaine visibilité militaire sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, même avec un volume de forces moins élevé que dans le passé. Une décision interviendra sans doute au printemps prochain. Les marges de réduction des effectifs de la SFOR seront d'autant plus grandes que des forces spécialisées de police pourront prendre le relais car il s'agit davantage d'assurer des tâches de sécurité publique que de défense. » Autrement dit, de la part du premier responsable militaire d'un pays qui veut conserver des forces sur le terrain, la situation du pays relève désormais beaucoup plus d'une gestion en termes de maintien de l'ordre que de défense et de présence militaire forte. Après 6 années de présence militaire dissuasive de l'IFOR puis de la SFOR, on ne peut donc que se réjouir de cette situation, qui rendra aussi à nos armées des marges dont elles ont bien besoin pour la gestion de nos forces en opération extérieure. 2. Les missions d'observation et de police Deux autres opérations sont en cours sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. _ La première, créée en juillet 1991 sous l'égide de l'OSCE est l'ECMM (Mission d'Observation de la Communauté Européenne). Dirigée par le pays assurant la présidence de l'Union européenne, elle est devenue, depuis janvier 2001, l'EUMM (Mission d'Observation de l'Union européenne), placée sous l'autorité directe du Secrétaire général du Conseil, Haut Représentant pour la PESD, en application des dispositions du traité d'Amsterdam. Cette mission a un rôle de médiation, d'observation, notamment des élections, et de compte rendu. Répartis sur l'ensemble du théâtre, ses membres agissent en tiers impartiaux et neutres. Au fur et à mesure de l'évolution favorable du pays, l'EUMM, qui comptait 300 membres en 1999, a vu ses effectifs diminuer. En septembre 2001, elle ne comportait plus que 162 observateurs, dont 20 Français (29 en septembre 2000 et 57 en juin 1997). Le surcoût est désormais évalué à 4,2 millions de francs par an. _ La MINUBH (GIP) (Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, Groupe International de Police) est la troisième opération en cours en Bosnie-Herzégovine. Elle a été créée par la résolution des Nations Unies n° 1035 du 21 décembre 1995. Comme son nom l'indique, elle est conduite en direct par le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU. La mission du Groupe international de police est désormais une mission d'assistance technique et d'encadrement à tous les niveaux de responsabilité, de conseil professionnel, de formation des fonctionnaires de police de tous niveaux, et de contrôle de l'action. La MINUBH (GIP) a été renouvelée pour un an en juin 2001 par la même résolution que la SFOR, ce qui montre la communauté entre les deux missions. Son effectif s'est stabilisé, de façon cohérente avec l'évolution de la situation, qui requiert de plus en plus des actions de police, et de moins en moins une action proprement militaire. La France lui fournit 103 gendarmes, pour un surcoût annuel prévu pour 2001 de 24,9 millions de francs, du même ordre qu'en 2000. III. - LA PRÉSENCE ET L'ACTION MILITAIRES DE LA FRANCE EN AFRIQUE Si l'Europe est, de façon logique, la région du monde où la France intervient avec les moyens les plus importants, elle ne saurait se désintéresser de la paix du continent africain. Ancienne puissance coloniale, elle a dessiné les frontières de nombre d'Etats africains, issus de ses colonies. Lors des indépendances, elle a passé des accords de sécurité et de défense avec plusieurs d'entre eux. Elle forme leurs plus hauts responsables militaires. Elle y entretient des missions d'assistance militaire. Dans le cadre des accords de sécurité et de défense conclus, elle fait même stationner au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Gabon et à Djibouti des forces prépositionnées. Il n'en reste pas moins vrai que le rôle de la France évolue dans cette partie du monde. Si l'application des accords de défense donne toujours lieu, outre le prépositionnement des forces, à des opérations bilatérales, comme Epervier, Khor Angar, ou Aramis, véritable application de l'article 51 de la Charte de l'ONU, on sait en effet que la politique de la France en Afrique est désormais, plutôt que d'imposer la paix elle-même, d'entraîner, d'assister et de soutenir les forces africaines qui participeront à la mission, dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. C'est le concept Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Cette doctrine nouvelle l'amène logiquement à participer à des opérations multilatérales hors de son ancien « pré carré ». Tel est le sens de sa participation à la MONUC en République démocratique du Congo et à la MINUSIL en Sierra Leone. Cette évolution politique vaut même pour le règlement éventuel de difficultés intérieures pouvant affecter les Etats africains francophones. Ainsi, en Centrafrique, c'est une opération multilatérale qui a été menée, la MINURCA. En Afrique, la France participe donc désormais à trois types d'opérations, des opérations bilatérales, des opérations multilatérales de maintien de la paix et des missions d'observation. Comme à l'accoutumée, on les examinera successivement. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN AFRIQUE
B. LES FORCES PRÉPOSITIONNÉES ET LES OPÉRATIONS BILATÉRALES 1. Une action préventive permanente Ces forces disposent de moyens importants. On y inclut traditionnellement les forces présentes au Tchad dans le cadre de l'opération Epervier. Dans ces conditions, au 1er juin 2001, elles représentaient en Afrique 5 985 militaires (ils devraient être 5 600 en 2002), et 5 033 hors Tchad, soit 2 675 à Djibouti (les Forces françaises de Djibouti ou FFDJ), 1 147 au Sénégal (les Forces françaises du Cap-Vert ou FFCV), 704 au Gabon (les Troupes françaises du Gabon ou TFG) et 507 en Côte d'Ivoire (les Troupes françaises de Côte d'Ivoire ou TFCI). En termes d'équipement, ces forces, Tchad compris, étaient dotées de 15 avions de combat, 7 avions de transport, 1 avion de patrouille maritime, 23 hélicoptères et de nombreux blindés légers Sagaïe ou AMX 10. En toute logique, il convient d'ajouter à ces forces les forces maritimes de l'Océan indien (dites ALINDIEN), qui représentent 798 marins , 2 frégates et 1 aviso, et celles de l'Océan pacifique (ALPACI), avec 267 marins et 3 frégates, sans parler des forces de présence dans les départements et territoires d'outre-mer. Ni l'examen du financement de ces forces, ni celui des actions de coopération militaire, qui relèvent en Afrique du budget des Affaires étrangères, n'entrent dans le champ du présent rapport pour avis. Cependant, elles sont amenées à participer à des opérations extérieures, soit bilatérales, soit même multilatérales, notamment dans le cadre de la mise en _uvre du concept Recamp. Or, les opérations extérieures conduites par les forces prépositionnées sont très difficiles à appréhender à travers le simple examen budgétaire, les surcoûts de rémunérations étant déjà couverts dans le cadre du prépositionnement. Aussi M. François Lamy, en sa qualité de rapporteur pour avis de la Commission de la Défense sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000, avait entrepris de demander si ces forces avaient au cours de l'année participé à des opérations extérieures, ou a des opérations assimilables à celles-ci, et si oui de décrire ces opérations, les forces affectées à leur conduite, et les surcoûts qui s'en seraient ensuivis si le personnel ainsi employé avait été du personnel sous régime de rémunération métropole. L'an dernier, il lui avait été répondu que plusieurs opérations humanitaires avaient été en réalité conduites par des forces prépositionnées, que d'autres, notamment les opérations Khor Angar et Aramis évoquées plus loin, avaient bien bénéficié des moyens des forces prépositionnées, moyens qui lui avaient été précisés, et enfin que des forces avaient été engagées dans diverses mesures de précaution à l'occasion d'élections complexes sur le continent africain. Votre rapporteur renvoie pour plus de détails au rapport pour avis de la commission sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000, n° 2764. A la même question posée cette année, il a été répondu à votre rapporteur que les forces prépositionnées avaient participé à une opération, humanitaire, les 28 et 29 janvier 2001, et non pas en Afrique mais pour porter secours aux populations de la région d'Ahmedabad, en Inde, sinistrées après le tremblement de terre qui l'avait frappée. Le surcoût de l'opération, qui avait mobilisé un avion ravitailleur KC 135 pour le transport du personnel de la sécurité civile et de fret humanitaire, estimé à 0,79 million de francs est demandé au ministère des affaires étrangères au titre des opérations humanitaires d'urgence. _ L'opération Corymbe est, dans sa définition, proche des forces prépositionnées. Elle est cependant financée au titre d'opération extérieure. C'est une mission de présence d'un bâtiment de combat au large des côtes africaines, notamment dans les eaux internationales du golfe de Guinée. La mission a pour objet de marquer l'intérêt de la France pour les pays riverains du Golfe, et d'apporter, le cas échéant un soutien à toute opération qui pourrait être décidée pour la sauvegarde ou l'évacuation de nos ressortissants, ou toute autre opération, dans la zone. Elle est en cours depuis 1991. Le bâtiment Corymbe est, selon les cas, 1 aviso (environ 90 hommes), 1 frégate (environ 150 hommes) voire 1 TCD. Dans ce cas, l'effectif peut aller jusqu'à 420 hommes. En effet, outre son équipage, 1 TCD transporte un élément projetable. Ces 3 types de bâtiments ayant chacun non seulement un effectif embarqué mais aussi un coût de maintenance différent, les données relatives aux surcoûts varient au cours de l'année. Au 1er septembre 2001, l'équipage est de 105 hommes. Le surcoût indiqué pour l'année en 2001 est de 45,93 millions de francs, 26,23 millions de francs pour le titre III et 19,70 millions de francs pour le titre V. _ Enfin, il est traditionnellement ouvert une opération extérieure pour chaque mission lourde de protection et de garde d'ambassades françaises à l'étranger. En 2000, ces missions étaient au nombre de trois. Il n'en reste plus qu'une seule aujourd'hui, l'opération Algérie (ambassade). Celle-ci est en cours depuis novembre 1993. Son évolution témoigne de la diminution de l'intensité de la situation, puisque les moyens qui y sont affectés diminuent encore depuis l'an dernier. En 2001, elle aura ainsi requis 86 officiers et sous-officiers de Gendarmerie et un officier du Service de santé des armées. Son surcoût estimé pour l'année est de 18,52 millions de francs (34,1 millions de francs en 2000) dont 18,12 millions de francs, correspondant aux surcoûts au titre de la Gendarmerie, sont pris en charge par le ministère des Affaires étrangères. 2. Des opérations bilatérales peu nombreuses, mais importantes Les opérations extérieures bilatérales ne pèsent pas d'un grand poids en termes d'effectifs mobilisés et de surcoûts budgétaires : 1 153 militaires, soit 10,37 % des effectifs, et 425,56 millions de francs, soit 12,95 % des surcoûts.. En revanche, ce sont celles qui engagent le plus la France sur la scène internationale. En effet, elle est alors seule à apporter son soutien à l'Etat allié. Ce sont ces opérations qui correspondent à l'application des accords de défense signalés plus haut. Quatre opérations de ce type ont été conduites en 2001, trois reconduites de l'an dernier, et une opération nouvelle. _ L'opération Epervier est une très importante opération, conduite au Tchad depuis février 1986. L'objectif est d'abord de concourir à la stabilité voire au maintien de l'intégrité et de la souveraineté du Tchad. Sur ce point, l'opération consiste notamment à fournir une aide, essentiellement logistique, à l'armée tchadienne. Elle a cependant aussi pour objet de constituer un support pour intervenir sur l'ensemble de la zone d'Afrique centrale et de l'Ouest, notamment pour l'application des accords de défense que la France peut avoir passés avec les pays de la région. Comme cela a déjà été indiqué précédemment, ces éléments ainsi que la durée de l'opération (depuis plus de 15 ans maintenant) et l'importance des moyens affectés aux forces donnent plutôt à Epervier le caractère de force prépositionnée. Le ministère de la Défense inclut du reste le dispositif français au Tchad dans la présentation de ces forces. Au 1er septembre 2001, 952 militaires étaient engagés dans l'opération Epervier. S'agissant des matériels, Epervier mettait notamment en _uvre 2 C 160 Transall, 1 C 130 Hercules, 5 Mirage F 1, 3 hélicoptères Puma et 13 blindés légers ERC 90 Sagaïe. Les effectifs comme les équipements mis en _uvre sont globalement stables. Les surcoûts prévus pour l'année sont de 397,77 millions de francs, soit 368,58 millions de francs au titre III et 29,19 millions de francs au titre V. _ L'opération Aramis est menée depuis le 17 février 1996 en application de l'accord de défense entre la France et le Cameroun, pour soutenir ce pays dans le contentieux qui l'oppose au Nigeria au sujet de la presqu'île de Bakassi. La délimitation des frontières y a, en effet, des répercussions importantes sur celle des zones économiques exclusives des deux pays dans le Golfe de Guinée, dans une géologie extrêmement riche en pétrole. Autrefois dépendante des souverains de Calabar (Nigeria), la presqu'île de Bakassi avait été déclarée camerounaise par un traité germano-britannique de 1913 et par une déclaration commune - qui n'est pas un traité - faite à Maroua en 1975 par les présidents Ahidjo et Gowon. Le Nigeria y a cependant pris position militairement en 1993 et, depuis 1996, il occupe la moitié du territoire de la presqu'île environ. Le conflit de Bakassi a fait des morts, ainsi que des prisonniers nigérians au Cameroun et camerounais au Nigeria. Il donne régulièrement lieu à des articles dans la presse à vocation africaine, notamment Jeune Afrique - L'Intelligent. Le Cameroun a saisi la Cour internationale de justice de La Haye le 29 mars 1994. Depuis, la procédure est en cours. A vrai dire, la dernière décision de procédure remontait au 30 juin 1999, date à laquelle la Cour déclarait recevable une demande reconventionnelle du Nigéria. Le 20 février 2001 néanmoins, la Cour a autorisé le Cameroun, sur sa demande, à produire une pièce additionnelle sur cette demande. En attendant l'arrêt de la Cour, l'opération Aramis se traduit par une assistance aux forces camerounaises, pour leur « permettre de maintenir un contrôle défensif » dans ce conflit territorial qualifié de « difficile » par le Chef d'état-major des Armées, lors de son audition par la Commission le 22 novembre 2000. Cette assistance porte sur les domaines de l'aide au commandement, du soutien logistique, du renseignement, de l'instruction opérationnelle et de l'évacuation sanitaire, ainsi que, de façon ponctuelle, dans le domaine du transport et du soutien logistique. La composition de la force, comme les surcoûts qu'elle occasionne, sont stables. Sont actuellement engagés 63 hommes, sur plusieurs sites. Il faut noter que ce détachement s'appuie de façon permanente sur le soutien des Troupes françaises au Gabon, notamment pour ses moyens de déplacement, héliportés ou autres.. Le surcoût spécifique à Aramis pour 2001 est de 16,86 millions de francs, quasi entièrement imputés sur le titre III eu égard à l'appui offert par les TFG. _ Dans le contexte du conflit entre l'Erythrée et l'Ethiopie, et outre ses forces prépositionnées, la France avait ouvert à Djibouti, depuis le 24 janvier 1999, la mission Khor-Angar, pour renforcer la protection des installations des FFDJ, assurer la surveillance maritime éloignée de Djibouti et, en liaison avec les autorités du pays, préparer la protection éventuelle de l'aéroport et du port de Djibouti. Cette opération avait comporté la mise en place de 171 militaires supplémentaires, de deux bâtiments de surface, un aviso et une frégate, et d'un avion de patrouille maritime. Avec la confirmation du cessez-le-feu entre l'Erythrée et l'Ethiopie, et l'installation de la Mission des Nations Unies en Ethiopie et en Erythrée, décrite ci-dessous, l'opération a été allégée, puis close le 28 février 2001. Elle ne mobilisait plus alors que 60 militaires. Le surcoût de Khor-Angar pour l'année 2001 est ainsi estimé au modeste total de 4 millions de francs, contre 102,83 millions de francs en 2000. _ Enfin, une nouvelle opération a été signalée à votre rapporteur, l'opération Furet-Gabon, dont la mission, de renforcement des capacités d'opérations spéciales des TFG, est conduite depuis février 1998. Furet-Gabon met en _uvre 35 militaires et un hélicoptère Cougar, pour 7,04 millions de francs. C. LES OPÉRATIONS MULTILATÉRALES D'OBSERVATION ET DE MAINTIEN DE LA PAIX On l'a vu, l'Afrique est sans doute la région du monde où s'affirme le plus la capacité de l'ONU à conduire de nouveau d'importantes opérations de maintien de la paix. Après le succès de la MINURCA en Centrafrique, le DOMP y conduit plusieurs missions aux effectifs considérables, la MINUSIL en Sierra Leone, la MONUC au Congo, et la MINUEE en Ethiopie et en Erythrée ; enfin, il y entretient toujours la MINURSO au Sahara occidental et le BONURCA en République centrafricaine. · La Mission des Nations Unies en Sierra Leone, ou MINUSIL, créée par la résolution n° 1270 du 22 octobre 1999, a succédé à la MONUSIL, qui était une mission d'observation créée par la résolution n° 1181 du 13 juillet 1998. Placé sous le chapitre VII de la Charte, elle a d'abord pour mandat de coopérer à l'application de l'accord de paix entre le gouvernement de Sierra Leone et les autres belligérants, de surveiller le cessez-le-feu, d'aider le gouvernement de Sierra Leone à appliquer le plan de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des belligérants et de faciliter l'action des ONG, notamment pour l'acheminement de l'aide humanitaire. Devant la reprise des hostilités, en même temps qu'un bataillon britannique était dépêché en Sierra Leone, le mandat de la MINUSIL a été révisé et précisé par la résolution du Conseil de sécurité n° 1289 du 7 février 2000. La MINUSIL a désormais aussi pour charge de garantir la sécurité des principaux bâtiments gouvernementaux, des principales intersections et aéroports, et d'assurer la libre circulation sur les axes routiers principaux, ainsi que la collecte et la garde des munitions rendues par certains des belligérants. La MINUSIL comporte un effectif très important. Comme en 2000, il est de plus de 12 000 militaires, 12 123 au 1er septembre 2000, dont 247 observateurs. Vis à vis des mission conduites par le DOMP, la France a adopté une démarche claire : leur montrer son intérêt, aider par son soutien, notamment dans le cadre du concept Recamp, à leur succès, mais ne pas y apparaître en position puissante. Cette attitude est logique : dès lors que le Conseil de sécurité délègue au DOMP la conduite d'opérations, il convient que les membres du Conseil laissent celui-ci travailler. Dès lors, la France ne détache qu'un seul officier de liaison à la MINUSIL, à Freetown. Le surcoût de la participation française à la MINUSIL pour 2001 est en conséquence modeste : il est estimé à 330 000 francs. _ La Mission d'observation de l'ONU en République démocratique du Congo, ou MONUC, est d'une autre importance. Elle a été constituée par la résolution n° 1279 du 30 novembre 1999. Il s'agissait alors essentiellement d'assurer une liaison sur le terrain entre les six Etats de la région, dont la République démocratique du Congo, signataires de l'accord de cessez-le-feu de Lusaka de juillet 1999. La MONUC comptait au départ quelques centaines de personnels de l'ONU. La résolution n° 1291 du 24 février 2000 a considérablement renforcé les effectifs et le mandat de la MONUC. Le Secrétaire général de l'ONU est désormais autorisé à porter l'effectif de la force à 5 537 militaires, sans compter le personnel civil d'appui, notamment dans les domaines de l'aide humanitaire et des droits de l'Homme. Outre sa mission première, la MONUC a pour tâches de surveiller l'application de l'accord de cessez-le-feu, et notamment les 39 nouvelles positions défensives occupées par les forces étrangères au Congo à la suite du cessez-le-feu, de superviser et contrôler le désengagement des forces des parties, de contribuer à la libération des prisonniers de guerre et de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, le respect des droits de l'Homme et le déminage. La MONUC est investie du droit de protéger son personnel et ses équipements par la force si nécessaire en application du chapitre VII de la Charte. Actuellement, la MONUC n'a pas pu encore se déployer dans l'ensemble des zones qui lui sont assignées. Le total de la force est actuellement de 2 358 militaires. La MONUC a été reconduite jusqu'au 15 juin 2002 par la résolution du Conseil de sécurité du 15 juin 2001. Conformément à la doctrine présentée ci-dessus, la participation française se limite à 3 observateurs. Le surcoût estimé au 1er septembre 2001 est de 7,22 millions de francs. · Dernière opération en date, la mission des Nations Unies en Ethiopie et en Erythrée (MINUEE) a été créée le 31 juillet 2000 pour superviser la mise en _uvre de l'accord de cessation des hostilités signé entre ces deux pays en juin 2000, et notamment le redéploiement de chacune des deux armées. Son mandat court normalement jusqu'à l'achèvement de la délimitation et de la démarcation de la frontière entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Il est actuellement prorogé jusqu'au 15 mars 2002 par la résolution du Conseil de sécurité n° 1369 du 14 septembre 2001. Le total de la force est de 4 200 militaires, dont 220 observateurs. La France, eu égard à son implantation à Djibouti, a accepté de fournir 180 observateurs sur les 220 de la force. Au 1er septembre 2001, le surcoût estimé pour l'année est de 15,20 millions de francs, quasi intégralement au titre III. Le Chef d'état-major des Armées a cependant exposé à la Commission, lors de son audition du 24 novembre 2001, que cette mise à disposition cesserait à la fin de l'année. La France fait par ailleurs profiter la MINUEE de ses installations, notamment médicales, à Djibouti. _ La Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) a été créée le 29 avril 1991 par la résolution des Nations Unies n° 690. Son rôle consiste à superviser le cessez-le-feu entre les forces marocaines et sahariennes, à maintenir un dispositif d'interposition et à contrôler le processus électoral visant à établir le futur statut du Sahara occidental, c'est-à-dire l'intégration au Maroc ou l'accession à l'indépendance. Cette mission devait se terminer fin 1995, avec le référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Ce référendum n'ayant toujours pas eu lieu, la mission a été prolongée. A vrai dire, pas plus en 2001 que les années précédentes, il n'y a d'évolution prévisible. La MINURSO a donc été reconduite, jusqu'au 30 novembre 2001, et elle le sera de nouveau pour six mois après cette date. Les effectifs de la mission au 1er septembre 2001 sont de 311, comme l'an dernier, dont 231 observateurs, parmi lesquels 24 Français, et 80 policiers. Le surcoût estimé pour 2001 est de 8,04 millions de francs. _ Il faut enfin dire deux mots d'un simple bureau d'information et de liaison, le BONURCA (Bureau de l'ONU en République centrafricaine). Ce bureau a pris la suite de la MINURCA, après le retrait de celle-ci suite à son succès. Le BONURCA a été institué par une déclaration du Président du Conseil de sécurité en date du 10 février 2000. Son premier mandat a été décidé pour un an, jusqu'au 15 février 2001. A cette date, la mission a été reconduite Le BONURCA comporte 5 membres dont 1 Français. Le surcoût annuel pour 2001 est estimé à 350 000 francs. A. LES OPÉRATIONS AU MOYEN-ORIENT Le Moyen-Orient est une zone traditionnelle d'opérations pour la France. Elle participe à trois types d'opérations, celles qui concernent les relations frontalières entre Israël et les Etats voisins, celles relatives au contrôle souverain par le Liban de son territoire, et celles relatives à l'Irak. Le détail en figure au tableau ci-dessous. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES AU MOYEN-ORIENT
1. La surveillance des accords entre Israël et les pays arabes S'agissant des accords entre Israël et les pays voisins, la France participe depuis longtemps à deux missions d'observation, l'une, l'ONUST, dirigée par le DOMP, l'autre dans un cadre multilatéral, la FMO. _ L'ONUST (Opération des Nations Unies pour la Surveillance de la Trêve) est la plus ancienne opération de l'ONU toujours en cours. Décidée par la résolution des Nations Unies n° 50, en mai 1948, pour contrôler la trêve intervenue à l'issue du conflit israélo-arabe de 1948, elle assure également aujourd'hui le renforcement ponctuel des autres opérations de l'ONU dans la région, la FINUL au Liban et l'UNDOF sur le plateau du Golan (la France ne participe pas à l'UNDOF, celle-ci excluant la participation des membres permanents du Conseil de sécurité). Au 1er septembre 2001, la France ne fournit plus que 3 des 152 observateurs de l'ONUST. Le surcoût prévu pour l'année a en conséquence fortement diminué, passant de 5,9 millions de francs en 2000 à 1,08 millions de francs en 2001. _ L'opération FMO (Force Multinationale et Observateurs), au Sinaï, est chargée depuis le 25 avril 1982 en application d'un protocole d'accord signé en août 1981 entre l'Egypte et Israël, de contrôler la bonne application du traité de paix de Camp David du 26 mars 1999 entre ces deux pays. Au 1er septembre 2001, elle est composée de 1 900 militaires ressortissant de onze nations. Son quartier général est situé à Rome. L'essentiel du contingent français (15 militaires dont deux officiers de liaison) est constitué par un détachement de l'Armée de l'air disposant d'un petit avion de liaison (un Twin Otter), pour des missions de surveillance et de transport. Le surcoût pour l'année 2001 devrait s'élever à 4,3 millions de francs dont 3,58 millions de francs au titre III. Les trois quarts de cette somme font l'objet de remboursements par l'ONU. 2. Le maintien de la paix au Sud-Liban Le maintien de la paix au Sud-Liban mobilisait traditionnellement des effectifs importants. Il relevait quasi-intégralement d'une force de maintien de la paix relevant directement du DOMP, la FINUL (Force Intérimaire des Nations Unies au Liban). La FINUL a été créée en mars 1978 par la résolution des Nations Unies n° 425. Déployée principalement dans la « zone de sécurité » occupée au Liban-Sud par Israël, elle avait initialement pour objet de confirmer le retrait des forces israéliennes du Liban-Sud et d'assister le Gouvernement libanais dans sa reprise effective du contrôle de cette région. Quoique ne réussissant à atteindre aucun de ces objectifs, son mandat était régulièrement renouvelé sur l'insistance du Secrétaire général de l'ONU, la FINUL étant considérée comme un facteur de paix non négligeable dans la région. Le dernier renouvellement, pour six mois, a été opéré par la résolution n° 1365 du 31 juillet 2001 du Conseil de sécurité. La FINUL comprend 4 500 militaires dont 242 Français chargés avec leurs blindés légers de protéger le quartier général de la Force. Ce détachement est désormais la plus importante participation française à une force sous mandat de l'ONU, la France étant aussi le seul membre permanent du Conseil de Sécurité à entretenir un contingent au sein de la FINUL. Les données du maintien de la paix au Liban-Sud ont cependant été bouleversées par la décision israélienne de se retire unilatéralement de ce pays le 24 mai 2000. Ce retrait étant devenu effectif, la question de la raison d'être de la FINUL est donc posée. En effet, l'insuffisance du contrôle du Gouvernement libanais sur la région, l'existence d'une zone de 30 km2 traditionnellement sous le contrôle de la FINUL, mais en réalité syrienne, d'où les Israéliens ne se sont pas retirés, ne suffisent sans doute pas à justifier son existence dans sa configuration actuelle. Cette situation comporte même sans doute des risques pour la FINUL. L'an dernier, au cours de son audition par la Commission de la Défense, le Chef d'état-major des Armées avait exposé la position complexe de cette force : « Elle accomplit actuellement des tâches utiles mais limitées, comme le déminage, pour lesquelles elle est surdimensionnée, tandis que ses effectifs sont largement insuffisants pour remplir les missions de restauration de la paix et d'assistance au Gouvernement libanais dans le rétablissement de son autorité que lui fixe la résolution n° 425 ». Pour ces raisons, concurremment au renouvellement bi-annuel de la FINUL, la résolution n° 1365 du Conseil de sécurité a également entrepris de reconfigurer le dispositif de celle-ci. Dans un premier temps, et compte tenu du déploiement par le Liban d'une force de sécurité de 1 000 militaires au Liban Sud, l'effectif de la FINUL devrait diminuer de 1 000 militaires pendant l'automne, pour passer à 3 600 militaires. Cependant, la reconfiguration devrait aller plus loin. La résolution n° 1365 est assez claire puisque non seulement elle appelle le Gouvernement libanais « a prendre davantage de mesures pour veiller à ce que son autorité soit effectivement rétablie dans le Sud, notamment par le déploiement des forces armées libanaises », mais elle prie aussi le Secrétaire général de lui présenter, d'ici la fin du mandat de la force, autrement dit janvier 2002, un rapport détaillé de son activité, « compte tenu de son éventuelle reconfiguration en tant que mission d'observation ». Ainsi les Nations Unies et la France demeureraient présentes au Liban, mais dans des conditions plus conformes à la mission qu'elles peuvent exercer sur le territoire d'un pays souverain, à qui il appartient à titre principal de rétablir son autorité sur telle ou telle partie de son territoire. Lors de son audition devant la Commission de la Défense, le Général Jean-Pierre Kelche a bien précisé qu'une diminution des effectifs français de la FINUL était attendue. Le surcoût de la FINUL pour 2001 aura été de 45,59 millions de francs, imputés quasi-intégralement au titre III. Ce surcoût fait l'objet de remboursements partiels par l'ONU. Enfin, la question de la surveillance des accords de cessez-le-feu de juillet 1996 ayant cessé de se poser du fait du retrait d'Israël de la zone, la France a mis fin à la mission de quatre observateurs qu'elle y affectait dans le cadre d'une opération dénommée Hélianthe. 3. Le contrôle coercitif de l'Irak Dix ans après la Guerre du Golfe, deux opérations internationales, créées par l'ONU, continuent d'avoir pour objet le contrôle des frontières de ce pays, voire la limitation de ses capacités d'action. _ La MONUIK (Mission d'Observation des Nations Unies pour l'Irak et le Koweït) a été mise en place par les résolutions des Nations Unies n° 687 du 3 avril 1991 et n° 689 du 9 avril 1991, et étendue par la résolution n° 806 (février 1993). Elle a un rôle d'interposition et de contrôle de la zone démilitarisée entre l'Irak et le Koweït. Régulièrement renouvelée depuis sa création, son effectif reste stable. Au 1er septembre 2001, il est de 1 084 militaires, dont 194 observateurs. La France continue de contribuer à la MONUIK pour une dizaine d'observateurs (10 très précisément au 1er septembre 2001), comme les autres membres du Conseil de sécurité. Le surcoût en 2001 est estimé à 3,62 millions de francs. _ L'opération Southern Watch (dont la participation française est dénommée Alysse) est menée en conséquence des résolutions n° 688 du 5 avril 1991 et n° 949 du 15 octobre 1994 de l'ONU. Basée en Arabie Saoudite, elle a débuté en août 1992. Sa composante militaire est formée de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Initialement, cette force coalisée avait pour mission d'interdire à l'Irak l'utilisation de ses moyens aériens au sud du 32ème parallèle. Elle s'ajoutait à une opération menée sur les mêmes bases depuis juillet 1991 en faveur des populations kurdes et qui comportait la même interdiction, mais au nord du 36ème parallèle. En réalité, pour la France, Southern Watch n'est plus qu'une mission d'observation. La France n'avait pas souscrit à l'extension du mandat au sud du 33ème parallèle décidée le 3 septembre 1996. Au contraire, elle a mis fin à sa participation au nord du 36ème parallèle, puis, lors du déclenchement de l'opération Desert Fox par les Américains et les Britannique à l'automne 1998, elle a suspendu ses vols opérationnels. Ainsi, depuis trois ans, les vols français se limitent à l'entraînement. Les effectifs de Southern Watch sont de 6 000 militaires environ. La présence de 165 militaires français, le même effectif qu'en 2000, aura occasionné en 2001 des surcoûts de 55,88 millions de francs au titre III, comme en 2000, mais de 161,81 millions de francs au titre V, au lieu de 9,9 millions de francs en 2000, un Mirage F1 ayant été perdu en début d'année. B. LES AUTRES OPÉRATIONS CONDUITES PAR LA FRANCE L'Océanie, l'Asie, l'Océan Indien, ne sont pas, malgré la présence de départements ou territoires d'outre-mer, ou d'anciennes colonies comme Madagascar ou les comptoirs de l'Inde, une des zones habituelles des interventions françaises. La France a même retiré la petite participation qu'elle avait eu en 2000 à l'ATNUTO au Timor oriental. Il n'en est que plus surprenant de constater qu'elle aura conduit en 2001, sous des timbres divers, trois opérations dans ces zones. _ La première, aux confins de l'Asie et de l'Europe, est sa participation à la Mission d'Observation des Nations Unies en Géorgie, la MONUG. La MONUG a été créée en août 1993 par la résolution des Nations Unies n° 858. Son mandat a été renforcé par la résolution n° 937 (juillet 1994) et régulièrement prorogé depuis. L'actuelle prorogation la conduit jusqu'au 31 janvier 2002. La MONUG est chargée d'observer l'accord de cessez-le-feu et de séparation des forces conclu le 14 mai 1993 entre les Abkhazes, la Géorgie et la Russie. Elle doit aussi faciliter le règlement négocié de ce conflit. Elle est, par ailleurs, chargée d'observer également l'opération de maintien de la paix menée sur place par la CEI avec des troupes russes. Sur demande des dirigeants géorgiens, l'OSCE aussi a déployé des observateurs. Au 1er septembre 2001, la MONUG comportait 102 observateurs dont 3 Français. Le surcoût prévu pour l'année est de 1,86 millions de francs. · La deuxième est une opération nationale dénommée Renforts ZMOI. Comme l'indique l'acronyme, il s'agit, depuis janvier 2001, de renforcer les effectifs de la zone maritime de l'Océan indien. Comme la présence habituelle de la Marine française dans la zone, comme aussi l'opération Corymbe, l'opération Renforts ZMOI est une mission de souveraineté, inscrite comme opération extérieure eu égard à son caractère a priori temporaire. Au 1er septembre 2001, elle mobilisait 243 militaires de la Marine nationale. Les surcoûts estimés pour l'année sont de 48,78 millions de francs, dont 35,99 millions de francs pour le titre III et 12,79 millions de francs pour le titre V. Il faut noter que les éléments ainsi décrit n'incluent pas le dispositif déployé dans la zone depuis les événements du 11 septembre. OPÉRATIONS EN ASIE OU DANS L'OCÉAN INDIEN
· Enfin, il faut évoquer l'opération Héraclès, opération de soutien à la riposte des Etats-Unis aux attentats du 11 septembre 2001 à New-York, en application de l'article 51 de la Charte des Nations Unies. L'opération Héraclès est lancée trop tardivement dans l'année pour que les surcoûts qui lui sont imputables apparaissent au sein du projet de loi de finances rectificative pour 2001. Ils seront donc financés sur fonds d'avances, et apparaîtront au titre de la gestion 2002, et ce de façon d'autant plus certaine que c'est en 2002 que le groupe aéronaval sera le plus longtemps sur zone. Il reste que, sans vouloir retracer ici le détail des opérations, il paraît logique d'en présenter les principales composantes, le Chef d'état-major des Armées en ayant lui-même fait part à la Commission lors de son audition le 24 novembre 2001. A cette occasion, il a exposé que 2 000 militaires français étaient déjà alors en opérations extérieures pour le théâtre d'Afghanistan. Cette première composante de l'opération a notamment pour mission « d'ouvrir la porte » aux ONG, « qui ont constitué en Ouzbékistan des stocks qu'elles n'arrivent pas à faire passer en Afghanistan », à Mazar e Charif. Il s'agit « de permettre la réparation de la plate-forme aéroportuaire et d'assurer la sécurisation de ses abords de façon à permettre le début de l'aide ». Le Général Jean-Pierre Kelche a bien précisé qu'elle n'avait pas pour tâche de permettre le déploiement des ONG au contact de la population, opération qui supposait en revanche « une action de sécurisation du Front Uni, qui en a les capacités ». Une deuxième composante, de 200 militaires de l'Armée de l'air, est relative « aux activités de l'unité d'avions de combat qu'il est prévu de déployer au Kirghizistan », si ce pays l'accepte. Le Chef d'état-major des Armées a précisé sur ce point que « la mission des moyens aériens serait, le cas échéant, de mener des actions antiforces et de protéger des éléments français au sol. » Enfin, la troisième composante de l'opération est l'envoi du groupe aéronaval, qui devrait arriver dans le Nord de l'Océan Indien à la mi-décembre. Cet envoi augmentera l'effectif affecté à l'opération de 2 800 militaires. La mission du groupe aéronaval sera d'abord de « procéder à la surveillance maritime de la mer d'Oman pour éviter que des membres du réseau terroriste de Ben Laden ne soient tentés de fuir la région par la mer ». Sur ce point, le Chef d'état-major des Armées a fait remarquer qu'il ne pourra « accomplir des tâches d'interdiction en haute mer qu'en application d'une résolution du Conseil de sécurité ». Il est aussi prévu que le groupe aéronaval puisse offrir également une capacité d'appui aérien « dans l'éventualité d'un engagement en Afghanistan contre les forces des Taliban ». Quant à la configuration opérationnelle du dispositif, Le Charles de Gaulle devrait être accompagné par 2, voire 4 frégates, « deux d'entre elles relevant probablement des forces navales d'autres pays de l'Union européenne », et, de façon plus classique, par un sous-marin nucléaire d'attaque, un pétrolier ravitailleur, le bâtiment-atelier Jules Verne et deux avions de surveillance maritime. L'ensemble sera placé sous contrôle opérationnel du commandement central américain (USCENTCOM), le commandement opérationnel restant français. Au bout du compte c'est 5 100 militaires qui sont ainsi en cours de déploiement dans le cadre de l'opération Héraclès, soit un effectif équivalent aux deux tiers du déploiement français au Kosovo au plus fort du conflit, avec, du fait du déploiement du groupe aéronaval, des moyens de même nature. On rappellera sur ce point que le surcoût pour les opérations au Kosovo en 1999 s'était monté, aux termes du rapport pour avis (n° 1991) de notre collègue François Lamy sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999, à près de 3 milliards de francs (2,89 milliards de francs), dont 1,46 milliards de francs de surcoûts du titre V. V. - RÉCAPITULATIF DES ACTIONS MILITAIRES EXTÉRIEURES DE LA FRANCE EN 2001 La revue des opérations extérieures faite par votre rapporteur pour 2001 permet d'abord de dresser, au 1er décembre 2001, un panorama très proche de celui de 2000, et de conclure aussi à l'intérêt général des opérations auxquelles la France prend part. OPÉRATIONS MILITAIRES EXTÉRIEURES DE LA FRANCE
Le tableau ci-dessus montre d'abord que la France entretient toujours plus de 11 000 militaires en permanence sur les théâtres d'opérations extérieures. L'ex-Yougoslavie, avec 8 886 militaires, continue de représenter les quatre cinquièmes de l'engagement. On peut considérer que l'évolution vers plus d'apaisement et de démocratie aussi bien en Bosnie-Herzégovine qu'au Kosovo, régions situées aux portes de l'Union européenne, justifie pleinement l'effort ainsi accompli, qui en termes budgétaires, représente néanmoins la somme considérable de 2,44 milliards de francs par an. Le Moyen-Orient représente une part marginale des actions. Les deux principales opérations qui y sont menées, Alysse en Irak et la FINUL au Liban n'en ont pas moins un caractère symbolique. Il faut admettre que la mise en sommeil de l'une est cohérente avec les positions de notre pays sur la scène internationale, et que la volonté d'une révision du mandat de la FINUL au Liban est pleinement justifiée, l'occupation du sud du pays, qui avait été la raison de la création de la FINUL, ayant cessé. La France n'a pas à rougir des modalités de son action militaire en Afrique. L'opération Aramis, à la fois placée sous l'article 51 de la Charte des Nations Unies et menée dans le cadre d'un recours auprès de la Cour internationale de Justice, comme l'opération Epervier, trouvent une légitimité en termes de droit international. L'attitude de la France vis-à-vis des missions dirigées par le DOMP, faite d'un soutien réel mais discret, est cohérente avec ses positions sur le rôle de l'ONU et sur l'organisation du maintien de la paix en Afrique. Au vu des chiffres fournis, l'engagement de la France en Afrique peut aussi paraître limité. Cependant, si l'on tient compte des effectifs des forces prépositionnées, on note que l'intérêt de la France pour l'Afrique reste affirmé. En incluant en effet ces forces ainsi que les deux dispositifs militaires de souveraineté de l'Océan Indien et de l'Océan Pacifique, on constate que c'est alors de 17 219 militaires dont la France dispose à l'étranger. Les Balkans représentent alors 52 % de l'effectif total, l'Afrique 38 %, et le reste du monde 10 % seulement, dont 6 % pour les forces maritimes des océans Indien et Pacifique. Il est certain que l'opération Héraclès, si elle devait se prolonger, ferait apparaître un accroissement et une évolution géographique considérables de cet effort. Le déploiement de 5 100 militaires dans ce cadre représente en effet une augmentation de près de 50 % des forces actuellement en opération. Tant qu'elle durera, la France aura alors plus de 16 000 militaires en opérations extérieures. En ajoutant à cet effectif celui des forces prépositionnées, c'est alors plus de 22 000 militaires que la France mettra en action hors de son territoire. Votre rapporteur conclura sur ce chiffre, qui, à son sens, montre à lui seul l'intérêt pour la Commission de la Défense nationale et des Forces armées de procéder dans le cadre du présent rapport pour avis à une revue précise des opérations extérieures. TROISIÈME PARTIE : I. - UNE ENTREPRISE CONFRONTÉE À DE PROFONDES ÉVOLUTIONS SECTORIELLES Héritière des Arsenaux de l'Ancien régime, l'entreprise DCN constitue aujourd'hui un service à compétence nationale directement rattaché au ministère de la Défense. Elle est présente sur l'ensemble des métiers de la construction navale militaire pour la conception, le développement et la production des bâtiments de surface et des sous-marins destinés à la Marine nationale mais également à l'exportation. En outre, DCN assume la majeure partie de l'entretien, des réparations et des refontes concernant la flotte française. Au cours du XXème siècle, la localisation et la spécialisation de ses établissements ont peu évolué, à l'exception des fermetures de certains arsenaux ou ateliers d'Afrique du Nord et d'outre mer et des sites industriels de Rochefort, en 1926, puis de Guérigny, en 1970. Les sites de Brest, Toulon, Lorient et Cherbourg (tout spécialement chargé de la fabrication des sous-marins nucléaires ou classiques) constituent ses principales implantations industrielles, alors que d'autres établissements « hors les ports » exercent des activités de haute technologie : à Ruelle (un établissement charentais fondé en 1751) pour la canonnerie et, à présent, les lanceurs de missiles, l'usinage de pièces de grande dimension et l'électronique, à Indret (Loire Atlantique) pour les systèmes de propulsion, et à Saint Tropez (Var), s'agissant des torpilles. Le site de Papeete demeure la dernière implantation outre-mer de DCN. Du point de vue de son organisation administrative, DCN a également assez peu évolué au long des quarante dernières années alors que ses produits et les techniques mises en _uvre en son sein ont, pour leur part, constamment intégré les plus hauts niveaux de la technologie. DCN a fait partie, tout au long de la période, de la Délégation générale de l'armement (DGA). Ce n'est qu'à compter de 1995, qu'une séparation entre les activités dites « étatiques » et les activités purement industrielles de DCN a été engagée. Le détachement définitif de DCN vis à vis de la DGA n'est intervenu qu'en 2000, avec l'adoption de son actuelle qualification de « service à compétence nationale » (décret n° 2000-326 du 12 avril 2000), qui ne constitue pas à proprement parler un nouveau statut au sein du secteur public. L'entreprise DCN est restée, à ce jour, une entité logée au c_ur de l'Etat comme en témoigne sa gestion budgétaire effectuée dans le cadre d'un compte spécial du Trésor (le compte de commerce n° 904-05 régi par les lois de finances n° 67-1114 du 21 décembre 1967 et n° 78-1239 du 29 décembre 1978). Cette construction d'essence administrative fortement marquée par les principes particuliers à la comptabilité publique ne correspond plus aux impératifs tenant à des activités industrielles et commerciales qui exigent une forte réactivité dans tous les domaines de la vie d'une entreprise. DCN a tenté d'atténuer l'effet des multiples entraves qui résulte de son statut étatique. Pour ses activités d'exportation et de prospection commerciale à l'étranger, une filiale à capitaux publics a été créée en 1991. DCN-International ou DCN-I a ainsi pu enregistrer certains succès commerciaux. Plus récemment, une filiale à 100 % de DCN-I a été constituée (DCN Log) afin de mieux affirmer à l'exportation l'offre de prestations à haute valeur ajoutée pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) des bâtiments, un marché sur lequel existent effectivement des perspectives de développement international. Enfin, dans le domaine industriel, un renforcement du pôle interne d'ingénierie a été décidé, notamment sur le site de Lorient, dans le but de rationaliser les études de définition et de conception des produits et systèmes proposés à la clientèle. Il s'avère toutefois évident que la structure de l'organisation comme de l'administration générale de DCN contraste fortement avec le caractère et le niveau des activités qu'elle exerce dans un secteur désormais ouvert à la concurrence internationale, à l'exception notable d'une partie des activités liées de la flotte des sous-marins nucléaires. A l'échelle européenne et même mondiale, un tel « statut » fait figure d'exception, voire d'anachronisme. Il lui est devenu extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de résister, dans de telles conditions, à la pression de ses principaux concurrents nationaux et européens qu'ils relèvent du secteur public ou de l'industrie privée. L'objet de la réforme proposée par un article spécifique du présent projet de loi de finances rectificative est de permettre, à moyen terme, que DCN se confronte « à armes égales » à cette concurrence. Le compte de commerce qui retrace des jeux d'écritures comptables complexes, le code des marchés publics, l'impossibilité d'établir des alliances industrielles, notamment par des prises de participations directes, handicapent lourdement DCN. L'effet de telles rigidités l'empêche, par exemple, de financer sur ses fonds propres des développements spécifiques même lorsqu'il existe un réel potentiel de marché pour un produit demandé à l'exportation et pour lequel DCN dispose d'un réel savoir-faire industriel. Dans le domaine des achats courants, le temps des amodiations est désormais révolu. Comment, en effet, pourrait-on imaginer que des agents continuent à prendre des risques personnels afin de s'extirper d'un carcan réglementaire et comptable, hors de toute malversation, mais dans un but d'efficacité voire de simplement rendre possible ce qui est naturel et logique pour toute autre entreprise ? DCN peut pourtant prétendre à un avenir industriel et commercial prometteur. Le secteur de la construction navale militaire est, au niveau international, en complète mutation alors que l'étendue des besoins aujourd'hui exprimés par les marines de guerre laisse augurer l'émergence durable de très importants marchés de renouvellement et de renforcement des capacités. Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit que DCN ne bénéficie pas d'un monopole public pour ses activités de construction ou de maintenance. Eut-il d'ailleurs existé, sa mise en cause ne manquerait pas, à présent, d'être juridiquement contesté avec les plus grandes chances de succès. Certaines grandes unités de la Marine ont d'ailleurs été réalisées par des chantiers privés comme cela a été le cas des porte-avions Clémenceau et Foch. Un grand nombre de marchés d'équipements militaires est d'ailleurs dorénavant soumis à des règles de concurrence auxquelles il n'est pas concevable d'échapper. Eriger un « bunker » ne constituerait plus la meilleure protection possible de notre industrie de défense, si l'on souhaite qu'elle maintienne, comme l'exigent les besoins de nos armées, un haut niveau de compétences technologiques. Dans un récent rapport sur les industries d'armement de l'Etat, la Cour des Comptes a formulé de sévères observations sur la gestion de l'entreprise. Certaines des remarques de la Cour peuvent paraître excessives car elles correspondent à des situations passées. De réels efforts ont déjà été accomplis en matière de gestion et les différents sites de production ont connu d'importantes actions de rationalisation concernant les méthodes et les équipements. Quoi qu'il en soit, les magistrats de la Cour des comptes concluent sans ambiguïté à l'inadaptation de l'actuel statut de DCN. Ils affirment notamment que le système de la régie directe d'Etat ne permettant pas de nouer des alliances structurelles avec des partenaires français ou étrangers, DCN risque de se voir progressivement exclue du contexte européen de restructuration que connaît l'industrie de la construction et des systèmes navals. Plus généralement, la réforme de DCN contribuera sans doute à réaffirmer la vocation maritime de la France qui doit être soutenue par les pouvoirs publics avec constance dans le cadre d'une politique globale ne négligeant aucun aspect, y compris industriel. B. UN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL EN COMPLÈTE MUTATION 1. Un défi d'efficacité industrielle et commerciale L'industrie européenne de la construction navale militaire connaît, en effet, de profondes mutations. Le nombre des acteurs de l'importance de DCN est certes limité mais des réseaux d'alliances, des soutiens commerciaux à l'exportation et une diversification de l'offre de produits ont hissé certains groupes à des niveaux de compétitivité qu'il conviendra d'égaler, voire de dépasser, dans les meilleurs délais. A ce jour, DCN n'est nullement marginalisée en terme de concurrence comme de qualité pour les produits proposés tant à la Marine qu'à l'exportation. Elle reste, par ailleurs, un des rares spécialistes mondiaux des sous-marins à propulsion classique, dès lors que sa maîtrise des technologies sous-marines résulte nécessairement de sa complète implication dans les programmes de la composante sous-marine de la dissuasion nucléaire française. Il n'en reste pas moins exact que son adaptation aux conditions économiques du marché international s'avère impérative. A défaut, les règles présidant actuellement au fonctionnement de l'entreprise constitueraient un handicap insurmontable qui lui ferait rapidement perdre toute perspective de développement, notamment en fragilisant les quelques alliances que DCN a pu déjà nouer. En imaginant possible le maintien d'un absolu monopole sur les constructions neuves et le gros entretien au profit de la seule Marine (une option difficilement tenable à terme), les plans de charges ne pourraient suffire à fournir les développements et des constructions permettant de maintenir l'ensemble des sites à leurs niveaux actuels de capacités, de spécialisation et d'effectifs. Au regard des expériences conduites dans un passé récent (construction de plates-formes pétrolières SFX par l'établissement de Brest), la diversification dans des productions civiles ne sera pas à même d'assurer un complément d'activité significatif et rentable1. En outre, la concurrence est encore plus intense pour des fabrications qui se caractérisent par l'existence de surcapacités de production et d'actions de dumping particulières à certains producteurs asiatiques. L'évolution récente de la conjoncture économique rendra probablement encore plus difficile l'exercice de ces activités pour les groupes européens. 2. Une entreprise disposant de réelles perspectives de développement Le chiffre d'affaires global de DCN paraît stabilisé pour 2001 et 2002 et, à compter de 2003-2005, des prises de commandes importantes, tant pour la Marine que sur des marchés d'exportation devraient lui permettre de conforter ses volumes d'activité sur le long terme. ÉVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRES
· Les recettes de DCN, telles que prévues pour 2002, seront toujours très largement assurées par la Marine : à hauteur de 56 %, au travers de commandes émanant de la Direction des systèmes d'armes et du Service des programmes navals de la DGA (DSA/SPN) auxquels s'ajouteront quelque 32 % de recettes résultant du nouveau Service de Soutien de la flotte de la Marine (SSF) pour des opérations relatives au maintien en condition opérationnelle (MCO) des bâtiments. De plus, la DGA donne à DCN un certain flux de recettes complémentaires pour la réalisation d'« études amont » par l'intermédiaire de sa Direction des systèmes de forces et de la prospective (DSP). Le solde qui n'atteindra pas 20 % est constitué des recettes d'exportation qui concernent essentiellement la vente de deux sous-marins Scorpene au Chili (livraison prévue en 2005) et le contrat conclu, en mars 2000, avec Singapour pour la fourniture de six frégates furtives de la classe La Fayette dont la première sera construite en France, l'assemblage des cinq suivantes s'effectuant à Singapour au terme d'importants transferts de technologies. Ce contrat implique également le systémier français Thales. Les marchés d'exportation accessibles (c'est-à-dire susceptibles de donner lieu, à court terme, à des prospections voire à des négociations commerciales) sont évalués à plus de 5,4 milliards d'euros (35 milliards de francs) sur la période 2001-2010. · S'agissant des constructions neuves de bâtiments de la Marine, les deux plus grands programmes en cours concernent les NTCD2 et le sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG). Le projet de loi de finances pour 2002 en cours d'examen par le Parlement et qui anticipe la prochaine loi de programmation revêt une importance toute particulière, dès lors qu'il accroît de façon très significative les crédits destinés à la modernisation et au renouvellement de la Force océanique stratégique (FOST) et qu'il confirme l'engagement des programmes concernant, d'une part, 17 frégates dites « multimissions » (FMM) dont la Marine souhaite se doter au cours de l'exécution des deux prochaines lois de programmation militaire et, d'autre part, les futurs sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda (SMAF). Le programme des nouvelles frégates « multimissions » constitue d'autant plus un apport essentiel de travail, qu'il est susceptible de déboucher sur des marchés d'exportations complémentaires, éventuellement conclus en coopération avec des chantiers français ou étrangers, car d'autres grandes marines européennes prévoient également de renouveler, entre 2005 et 2015, une partie importante de leur flotte de surface. A l'avenir, DCN peut légitimement voir augmenter son plan de charges qui, à ce jour, peut d'ailleurs être considéré comme normal, à l'exception de celui de l'établissement de Brest qui, depuis la fin des travaux relatifs à la construction du porte-avions Charles de Gaulle, souffre d'un déficit de constructions neuves, contrairement au site de Cherbourg dont le plan de charges des activités de sous-marins s'avère désormais conforté. · Votre rapporteur rappelle que des garanties ont été données, à sa demande, par le Ministre de la Défense concernant le rôle qui sera nécessairement attribué à DCN dès le lancement des programmes de construction des FMM et des SMAF en sa qualité de maître d'_uvre industriel3. DCN connaîtra ainsi un renforcement de son positionnement sur le marché des frégates et dispose, par ailleurs, d'un réel potentiel d'exportation avec le sous-marins conventionnel de 1 600 tonnes Scorpene. L'objectif est donc de lui assurer, dans un premier temps, un socle de 25 % au moins de son chiffre d'affaires à l'exportation puis de hisser de telles activités à des niveaux supérieurs à 30 %. Pour ce faire, il lui sera nécessaire d'engager sur fonds propres (ce qui lui est très difficile sous son actuel statut) des études de développement relatives à des productions n'intéressant pas son marché domestique mais pour lesquelles existe une demande à l'exportation. C'est d'ailleurs ce que DCN prévoit en s'engageant sur le marché des corvettes de 1 800 à 2 000 tonnes. ÉVOLUTION DU PLAN DE CHARGES
En tout état de cause, DCN dispose déjà d'un carnet de commandes important. Au terme de l'année 2000, il s'élevait à quelque 5,2 milliards d'euros (34 milliards de francs) pour des contrats dont la réalisation était à exécuter sur les cinq années suivantes. La trésorerie globale de DCN supérieure à 1,52 milliard d'euros (10 milliards de francs) est abondante bien qu'elle ne produise des intérêts que pour les seules prestations concernant l'étranger. Ces éléments distinguent fortement sa situation de celle de Giat-Industries qui opère sur un marché de mécanique lourde où l'intégration des systèmes complexes ne représente pas la même part du travail et dont les perspectives d'évolution, au niveau mondial, se caractérisent d'ailleurs par une forte décroissance, y compris sur le marché intérieur. C. UN PETIT NOMBRE DE COMPÉTITEURS AYANT TOUTEFOIS DÉJÀ RENFORCÉ LEURS CAPACITÉS · Le seul concurrent européen enregistrant un chiffre d'affaires supérieur à DCN pour les seules productions navales militaires est le groupe britannique BAE Systems qui, en rachetant GEC Marconi, a acquis les chantiers de Barrow-in-Furness et de Glasgow auxquels s'est ajouté, à la demande du Gouvernement, celui de Govar. Confronté à une restructuration difficile de ses chantiers et à des retards de commandes de la Royal Navy concernant notamment des destroyers, BAE Systems vient de supprimer quelque 1 500 emplois dans ses implantations écossaises, sans exclure pour l'avenir d'autres réductions d'effectifs. L'offre britannique de construction et de réparation militaires reste néanmoins importante du fait de l'existence d'autres groupes spécialisés : Vosper Thornycroft, Babcock Rosyth Defense et DML. A eux trois, ils réalisent pour les seules productions navales militaires, plus de la moitié du chiffre d'affaires de DCN. En outre, les anciens arsenaux de la Royal Navy à Rosyth et Devonport ayant été privatisés, l'entretien de la flotte est désormais confié en gestion déléguée à un consortium spécialisé réunissant BAe Systems et Vosper Thornycroft. · En Allemagne, le secteur est partiellement contrôlé par le groupe privé Thyssen qui réunit en son sein les groupes Blohm et Voss et Thyssen Nordseewerke qui constituent des concurrents majeurs pour la construction de bâtiments de surface modernes comme les frégates de nouvelle génération. Par ailleurs, l'entreprise Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) également contrôlée par d'importants groupes privés (Babcock-Borsig, Preussag et l'industriel suédois Saab) est le principal concurrent de DCN sur le marché mondial des sous-marins à propulsion conventionnelle. La force de l'industrie navale militaire allemande résulte de ses liens avec la grande industrie métallurgique et d'une action coordonnée à l'exportation par l'intermédiaire de deux consortiums (German Naval Consortium et German Submarine Consortium) qui répartissent la charge de travail entre les chantiers pour les contrats gagnés sur les marchés étrangers. Enfin, deux autres entités plus petites mais actives à l'exportation, Lürssen et Abeking-Rasmussen, sont spécialisées dans les domaines des petits patrouilleurs et des chasseurs de mines. · Aux Pays-Bas, deux entreprises à vocation militaire exercent des activités de construction et de réparation : Royal Schelde et RDM. La seconde de ces entreprises assure la promotion du sous-marin classique de la classe Moray en association avec le chantier US Ingalls du groupe américain Northrop-Grumman et Lockeed Martin pour le système de combat. Le groupe français Thales a acquis en 1990 l'équipementier néerlandais Signaal. · Pour sa part, l'Europe du Sud a des positions relativement solides dans ces secteurs avec les groupes Ficantieri et Izar (ex-Bazan). - En Italie, le groupe public Ficantieri, que l'on dit proche de certains chantiers allemands, dispose d'un outil industriel important. Il est ainsi appelé à réaliser pour la marine italienne un porte-aéronefs appelé à succéder au Garibaldi. Par ailleurs, il partage le développement et la réalisation du programme franco-italien des frégates de souveraineté Horizon. - En Espagne, le groupe Izar résulte de la réunion décidée par le Gouvernement, en 1999, des activités militaires de l'ancienne entreprise Bazan et des activités civiles des chantiers civils publics Aesa. Ce nouveau groupe contrôlé par la structure d'Etat Sepi, occupe le 10ème rang mondial de la construction navale avec une douzaine de sites de production employant plus de 11 000 salariés. Une telle fusion exige que soient encore conduites des restructurations importantes. Toutefois, les activités militaires ont déjà été fortement réorganisées, au point que l'ancien outil industriel de Bazan est saturé, en termes de capacités de production, au regard des perspectives du plan de charges. - Izar et Ficantieri sont tout deux appelés à faire l'objet de privatisations dont les dates ont toutefois été repoussées à plusieurs reprises par les Gouvernements italien et espagnol. La transformation de ces chantiers en des entreprises privées reste néanmoins certaine dans les prochaines années. Cette voie offre des opportunités d'alliances internationales d'ailleurs susceptibles d'être scellées par des liens capitalistiques. Il semble même que plusieurs acteurs européens, voire américains, préparent de telles évolutions, tout particulièrement s'agissant d'Izar dont le dossier serait le plus avancé. Une telle donnée ne peut être ignorée si l'on souhaite esquisser des perspectives crédibles concernant les principaux domaines où DCN exerce ses activités. De même, ne doivent pas être oubliées les restructurations déjà intervenues dans deux des pays les plus fortement présents dans la construction navale militaire. Elles ont abouti tant en Allemagne qu'en Grande-Bretagne à des fermetures des chantiers les moins compétitifs comme ceux de Bremer Vulkan et de Swan Hunter. D. DES CONTRAINTES DE GESTION INCOMPATIBLES AVEC UNE ACTIVITÉ INDUSTRIELLE · La gestion des personnels relevant de statuts différents et d'un nombre élevé de corps particuliers génèrent des contraintes nécessairement plus lourdes que dans la plupart des entreprises industrielles du secteur public dont une majorité emploie d'ailleurs de façon quasi exclusive des salariés régis par des dispositions de droit privé. Postérieurement à la mise en _uvre de la réforme, ces charges subsisteront alors qu'il faudra parallèlement que DCN assume la gestion de ses futurs salariés dans le régime d'une convention collective. Il sera donc normal que les surcoûts résultant d'opérations réalisées au bénéfice de l'Etat s'agissant de fonctionnaires, de militaires ou d'ouvriers à statut public, fassent l'objet d'une négociation afin d'établir un cadre de prise en charge financière. Les salaires et cotisations sociales constituent la plus importante des charges supportées par DCN qui la rembourse à l'Etat, au travers du compte de commerce. Ces remboursements doivent être en conséquence financés par des recettes d'activités au bénéfice du ministère de la Défense ou encore dégagées au titre des exportations. La nouvelle DCN continuera à rembourser les charges afférentes à la partie des personnels qui conservera un statut étatique et continuera ainsi à être rémunérée initialement par l'Etat. · Dans le même esprit, il ne serait pas logique de transférer à DCN des actifs autres que ceux directement nécessaires à ses activités. A défaut, une contradiction s'établirait d'emblée au regard de la finalité d'une transformation de DCN en société nationale. La répartition du domaine patrimonial des arsenaux constitue, en effet, l'un des enjeux techniques de la réforme. Les biens et emprises immobilières directement utiles à DCN doivent être apportées. Ces actifs immobiliers et mobiliers, principalement l'outillage, compteront ainsi au rang des actifs particuliers de la nouvelle société. En revanche, la Marine et la DGA, au nom de l'Etat, recevront une partie des biens immobiliers compris au sein des arsenaux (ce problème se pose principalement dans les grands sites portuaires de DCN) sur la base d'une partition ayant fait l'objet d'une convention et d'un protocole conclus le 28 septembre 2000 entre les trois attributaires. Pour la capitalisation de la nouvelle société cette opération nécessairement complexe conditionne, en partie, des données essentielles à sa capacité. Il n'est même pas pour autant nécessaire que la future société devienne propriétaire de la totalité des équipements auxquels elle recourt dans ses processus industriels. Les bassins également utilisés pour des opérations d'entretien reviennent plus naturellement à la Marine, notamment sur les sites appelés à accueillir les sous-marins nucléaires. A l'occasion des opérations réalisées sur des bâtiments de la Marine, DCN pourra bénéficier d'une libre utilisation, alors qu'elle acquittera un loyer dont le montant se répercutera sur les prix de revient pour les utilisations au service d'une autre clientèle. A cette condition, DCN ne souffrira d'aucun discrédit concurrentiel à l'égard des autres acteurs français et étrangers du secteur. De nombreux chantiers ne sont, en effet, pas propriétaires des principaux équipements qu'ils utilisent. Ils paient généralement des redevances ou des loyers aux autorités portuaires qui les abritent ou encore à l'Etat, voire à des collectivités locales. En dehors de certains principes généraux, toute partition concernant des biens parfois très imbriqués au sein d'un arsenal ne peut s'effectuer que sur la base d'une appréciation concrète des besoins particuliers aux trois entités concernées. Pour sa part, la Marine a d'ores et déjà programmé d'importants travaux d'infrastructure sur la partie des actifs destinée à lui revenir. · C'est certainement dans le domaine des achats que DCN connaît une situation très défavorable au regard des possibilités dont disposent les autres entreprises comparables. On évalue ainsi a plus de trois mois, le délai moyen supplémentaire nécessaire à DCN pour notifier un marché après négociation avec l'un de ses fournisseurs par rapport à ce que peut conduire à bien, en moins d'une semaine, une entreprise comme les Chantiers de l'Atlantique. Les procédures de contrôle administratifs conjuguées aux délais imposés par la loi (publications obligatoires, consultations, etc...) s'avèrent dorénavant incompatibles avec les rythmes qui sont désormais ceux des opérations de fabrication et à la nécessaire réactivité dont doit faire preuve un industriel. Les règles du code des marchés publics sont particulièrement inadaptées au caractère imprévisible de certaines activités, en particulier dans les domaines de la réparation et de la maintenance pour lesquels la nature et le volume des fournitures et prestations sont souvent difficiles à prévoir avec certitude. La part des travaux imprévus qui ne peut dépasser, selon ce code, 10 % voire 5 % du montant d'un marché est trop restrictive, comme le sont d'ailleurs les quelques procédures susceptibles d'être mises en _uvre en cas d'urgence et incompatibles avec les aléas inhérents aux métiers de DCN. En outre, pour des marchés portant sur des opérations techniquement complexes, la procédure d'appel d'offres ne permet pas d'optimiser les coûts alors que des négociations bien conduites avec mise en concurrence des prestataires ou fournisseurs ont démontré que, dans la plupart des cas, les prix d'achat obtenus étaient inférieurs à ceux résultant des appels d'offres. La Commission de la Défense a adopté plusieurs observations, à l'occasion de l'examen annuel des crédits de la Marine, afin que soient levés de tels obstacles à la compétitivité dont l'une des premières conséquences est de renchérir les coûts des prestations destinées à la Marine. Un décret n° 2001-726 du 31 juillet 2001 est toutefois intervenu afin d'assouplir les procédures de passation de marchés. Il ne règle que très partiellement les problèmes, en ne libérant que certaines modalités de mise en concurrence par DCN de ses fournisseurs. Par ailleurs, à l'exportation, DCN ne peut réglementairement commencer à entreprendre des travaux que si un contrat lui est spécialement notifié. Alors que le contrat principal est conclu avec le client par sa filiale DCN-I, DCN reçoit ensuite un contrat dit « réfléchi » de DCN-I. Bien que celui-ci soit préparé en même temps que le contrat principal, il ne peut être notifié que plusieurs mois après l'entrée en vigueur du contrat principal en raison des délais liés aux procédures internes d'approbation et de contrôle exercées par les tutelles : six mois ont ainsi été nécessaires s'agissant du récent contrat de ventes de frégates à Singapour et quatre mois pour le contrat de rénovation d'avisos d'occasion acquis pour la Turquie. A l'évidence, un client ne peut comprendre que les travaux ne débutent pas dès la mise en _uvre du contrat qu'il a signé. Ces quelques exemples illustrent la nécessité d'une évolution. Cette voie réformatrice est déterminante pour que la Marine puisse se voir garanti un niveau satisfaisant d'exécution à ses programmes de constructions neuves comme de maintien en condition opérationnelle, tout en conservant à DCN une réelle capacité de réponse aux demandes exprimées sur les marchés d'exportation. A défaut, DCN perdrait irrémédiablement ses compétences au profit de concurrents français et étrangers alors que l'Etat devra supporter financièrement un outil de plus en plus coûteux et aux performances dégradées. Un cabinet d'experts a évalué le « coût de l'immobilisme » : si elle ne se réforme pas DCN subira les effets de sa perte de compétitivité qui ramènerait le produit de ses activités à quelque 6 milliards de francs à l'horizon 2010 et générerait 8 milliards de francs de pertes cumulées d'exploitation sur la période 2001-2010 ainsi qu'une consommation de trésorerie supérieure à 15 milliards de francs. II. - DES MARCHÉS SOUMIS AU JEU DES ALLIANCES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES A. LA CONCEPTION ET LA FABRICATION DE SOUS-MARINS Le secteur des sous-marins conventionnels illustre assez bien les enjeux d'alliances et de coopérations transnationales qui caractérisent le marché de la construction navale militaire. · Près de cinquante pays disposent actuellement de quelque 135 sous-marins conventionnels dont près des deux tiers ont dépassé vingt années d'activité. Un important marché de renouvellement est donc ouvert. Par ailleurs, d'autres pays souhaitent acquérir ce type de bâtiments notamment en Asie (Malaisie, Thaïlande et Singapour). L'Inde entend, pour sa part, renforcer sa force sous-marine. En Europe, le remplacement d'anciens bâtiments est envisagé par plusieurs marines. Le constructeur allemand HDW occupe la première place mondiale quant à l'offre de sous-marins à propulsion classique. Il propose une famille évolutive de bâtiments U 209 et le nouveau sous-marin U 214 dérivé d'un modèle développé pour la marine allemande. A ce jour, les constructeurs américains sont absents de ce marché qui ne concerne pas la Navy. Toutefois, leur intérêt devient perceptible, dès lors l'équipement de sous-marins modernes suppose l'intégration de systèmes de combat performants qui incorporent une gamme étendue de torpilles et de missiles. A cet égard, le puissant groupe américain Lockeed Martin a approché Izar dont les activités sous-marines intéressent d'éventuels acquéreurs dont HDW qui a déjà renforcé son potentiel par l'acquisition des activités de l'industriel suédois Kockums. Par ailleurs, le chantier américain Ingalls Shipbuilding conçoit de s'établir sur ce marché en faisant notamment des offres à l'Egypte désireuse d'acquérir deux sous-marins conventionnels. Enfin, le groupe Daewoo construit, en Corée, des sous-marins de la famille U 209. · DCN a développé le sous-marin Scorpène qui succède au modèle Agusta pour lequel un contrat à l'exportation a été conclu avec le Pakistan. Ayant conclu un accord avec Izar qui a d'ailleurs porté ses fruits avec une première vente de deux Scorpène au Chili, DCN doit impérativement être à même de poursuivre cette coopération pour acquérir de nouvelles positions. La situation est d'autant plus critique que DCN est concurrencé par HDW sur des marchés matures comme celui de la prochaine acquisition de sous-marins par le Portugal. HDW se déclarerait, en effet, prêt à prendre des participations dans les chantiers portugais de Lisnave et de Viano do Castelo si ce marché lui revenait. En outre, HDW a remporté la compétition pour la privatisation du chantier Hellenic Shipyards en association avec Ferrostaal du groupe allemand MAN. Cette acquisition a fait suite à la vente de trois sous-marins U 214 (plus une option) conclue par HDW avec la marine grecque en février 2000. Enfin, certaines sources font état de projets de coopération entre HDW et Ficantieri qui concerneraient notamment l'activité sous-marine. Ainsi, le partenariat développé entre DCN et Izar dans le domaine des sous-marins conventionnels apparaît fragile. Il ne protège pas DCN d'une offensive américaine qui compléterait les accords déjà conclu entre le chantier espagnol et Lockeed Martin pour certains bâtiments de surface, en s'intéressant au programme espagnol de sous-marins S80 qui pourrait être dérivé du Scorpène. · Il est clair que les industriels d'outre-Atlantique cherchent à acquérir certaines positions en Europe au moyen d'alliances spécifiques et, peut être, de prises de participations, comme ils l'ont déjà fait dans le secteur des armements terrestres. En outre, cette voie leur permet d'accéder à moindre frais à des développements déjà engagés concernant des produits qui n'ont pas d'équivalents sur leur marché domestique. Pour DCN, un tel contexte souligne ses difficultés quelle que soit la qualité des produits susceptibles d'être proposés. Son actuel statut ne lui permet pas d'engager au delà de quelques coopérations, ponctuelles des alliances internationale à vocation industrielle ou commerciale et d'étendre l'éventail de ses propositions à l'exportation au moyen de contrats de compensation (Offset). B. LES CONSTRUCTIONS DE BÂTIMENTS DE SURFACE Dans les domaines des bâtiments de surface et des systèmes de combat, de grands groupes ont défini des stratégies multidomestiques qui permettent d'accéder voire de neutraliser à leur profit certains marchés où leur influence devient dominante, généralement au travers de filiales locales. · L'émergence d'un puissant pôle réunissant BAE Systems et les chantiers allemands n'est pas exclure, d'autant que ceux-ci ne sont pas présents dans les systèmes de combat. DCN dispose, néanmoins, d'atouts en raison des coopérations développées avec le groupe français Thales qui occupe un des premiers rangs mondiaux pour les systèmes de combat et de communication ainsi que pour les radars et sonars, des secteurs pour lesquels il dispose, en effet, d'une forte implantation internationale et de réseaux commerciaux. En s'associant à une ingénierie indépendante (BMT), en Grande-Bretagne, Thales a ainsi présenté une offre concurrente à celle de BAE Systems pour le programme britannique des deux porte-avions appelés à succéder aux trois porte-aéronefs de la classe Invincible actuellement en service. Le choix définitif interviendra en 2002 pour cet important programme dont la définition ne sera peut être pas sans conséquence pour les possibilités françaises de se doter d'un second porte-avions dont la plate-forme pourrait être ainsi conçue en coopération. · Pour les systèmes de combat et l'électronique de défense, les Etats-Unis comptent de très grands groupes comme Lockeed Martin ou encore Raytheon qui coopèrent d'ailleurs dans l'activité des missiles, chacun de ces groupes ayant noué par ailleurs certaines alliances en Europe, notamment avec Izar et Alenia Marconi. C'est d'ailleurs grâce à une coopération avec le chantier américain BIW (groupe General Dynamics) et Lockeed Martin pour la fourniture de systèmes de combat dit mini-Aeagis que le groupe Izar vient d'accéder, pour la première fois, au statut d'exportateur de frégates fortement armées, en concluant une vente de cinq bâtiments de ce type à la Norvège (contrat d'un montant global équivalent à 12 milliards de francs). Cette coopération hispano-américaine se poursuit d'ailleurs sur le programme de quatre frégates F100 destinées à la marine espagnole. Pour leur part, les chantiers américains qui réalisent aussi bien des constructions neuves que des opérations de maintenance sont désormais réunis en trois entités dont les deux premières dépendent respectivement de groupes d'armement très puissants : General Dynamics et Northrop-Grumman, seul Newport News reste, pour le moment, un chantier indépendant. Moins directement présents que les systémiers américains sur le marché européen, ces trois groupes se consacrent toujours majoritairement à leur marché domestique, tout en effectuant la totalité des travaux de refonte des bâtiments d'occasion vendus par les Etats-Unis. · La modernisation à mi-vie et la refonte des bâtiments constituent d'ailleurs l'un des marchés ouverts à DCN. Mais sa principale compétence réside, au delà de la conception-réalisation de bâtiments, dans ses capacités à intégrer en construction ou en modernisation des systèmes complexes. Le resserrement des liens de DCN avec un grand « systémier » comme Thales est, à la fois, logique et opportun dans le contexte général du marché de la construction navale militaire. Les grandes marines ont, en effet, de plus en plus tendance à s'adresser à un groupe proposant une offre globale de conception-réalisation. A ce titre, les plus importants groupes d'électronique de défense (BAE, EADS et Thales) ont fréquemment une responsabilité dite de « prime contractor ». En plus d'une alliance structurante, d'autres coopérations sont possibles et même souhaitables : DCN doit également s'habituer à réaliser dans des délais relativement courts des opérations partagées avec certains autres acteurs de la construction navale, civile ou militaire. C. LES ACTIVITÉS LIÉES À LA FABRICATION DES TORPILLES Dans le cadre du groupement d'intérêt économique européen dit « Eurotorp », la filiale DCN International (DCN-I) s'est associée à Thales et à WASS (filiale du groupe italien Finmecanica) afin de commercialiser les torpilles légères et leurs systèmes associés en assurant la maîtrise d'_uvre d'ensemble des commandes. La France, l'Italie, l'Allemagne et le Danemark ont, à ce jour, conclu des marchés de fournitures de torpilles de type MU 90 et pour diverses prestations annexes. En juillet 2000, WASS et DCN ont posé le principe d'une coopération dans le domaine des torpilles lourdes : torpilles « black shark IF 21 » dont le développement intéresse la marine italienne et un premier contrat a d'ailleurs été conclu entre WASS et la marine chilienne. Ce produit, qui est également susceptible de retenir l'intérêt de la Marine nationale, peut espérer trouver d'autres débouchés à l'exportation. Par ailleurs, DCN poursuit des pourparlers avec ses partenaires traditionnels dans le secteur en vue de constituer une société commune qui élargira le périmètre actuel du GEIE « Eurotorp » à l'ensemble des systèmes d'armes sous-marines. Comme le souligne la Cour des Comptes dans son rapport précité, le changement de statut de DCN peut être déterminant pour débloquer ce dossier dont dépend d'ailleurs, en grande partie, l'avenir de l'établissement de Saint-Tropez dont la charge de travail s'inscrit en constante décroissance depuis vingt ans et qui ne comptera plus que quelque 300 agents en 2002 contre 1100 en 1990. Dans le domaine de la torpillerie, les principaux concurrents de DCN sont la société allemande STN-Atlas-Elektronik, le groupe suédois SAAB Dynamics (anciennement Bofors Underwater Systems), le groupe britannique BAE et la société d'armement américaine Raytheon. Ces acteurs ont des dimensions et un poids commercial très supérieurs à DCN qui ne peut rester isolée. III. - D'INDISPENSABLES GARANTIES À DONNER AUX PERSONNELS A. L'EXISTENCE DE PRÉCÉDENTS AU SEIN DU SECTEUR PUBLIC En décidant, le 6 juillet dernier, de transformer DCN en une entreprise nationale régie par le droit des sociétés, le Gouvernement s'est inscrit dans un processus amorcé il y a trois décennies. Différentes solutions ont, en effet, été retenues à l'égard des personnels au moment de la création de sociétés exerçant des missions auparavant accomplies par des établissements publics ou des services de l'Etat. · La loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 a prévu que, lors de la constitution de la Société nationale des poudres et explosifs, les personnels militaires et fonctionnaires relevant de la Direction des Poudres seraient, avec l'accord du président de la société, mis à la disposition. A l'issue de cette mise à disposition initiale d'un an, ces personnels pouvaient soit être laissés à la disposition de la société pour une nouvelle période de deux ans au plus, soit être remis à la disposition du ministère de la Défense. Quant aux ouvriers sous statut des établissements apportés à la société, ils pouvaient, au terme d'une mise à disposition d'un an, opter pour leur maintien à la disposition de la société avec conservation de leur statut (article 5). · La loi n° 89-924 du 23 décembre 1989 autorisant le transfert à une société nationale des établissements industriels dépendant du Giat a également prévu une mise à disposition de plein droit des personnels à la date de réalisation des apports. Au terme d'une période transitoire de quelques mois, les agents pouvaient opter entre l'affectation dans un autre service ou établissement du ministère de la Défense et la signature d'un contrat de travail (articles 2 à 6). · La loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 qui a substitué une société anonyme à la Caisse nationale de prévoyance a prévu la mise à disposition des fonctionnaires de l'Etat pour une durée maximale de six ans (article 5). Le bassin d'emploi du groupe de la Caisse des dépôts leur permet, il est vrai, d'autres affectations. · La loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 transformant l'Imprimerie nationale en une société dont la totalité du capital est détenue par l'Etat a prévu que : - les fonctionnaires du ministère du budget continueront d'exercer leur activité au sein de la nouvelle société, sous l'autorité de son président, dans le respect des garanties du statut général de la fonction publique (article 3) ; - les agents ayant le statut d'ouvrier des établissements industriels de l'Etat seront placés sous un régime mixte leur assurant, d'une part, le maintien des droits et garanties de leur ancien statut en ce qui concerne notamment les salaires, primes et indemnités, les prestations sociales, le régime disciplinaire, en les soumettant, d'autre part, au droit du travail pour les autres éléments de leur situation (article 4). · La transformation de France Télécom en entreprise nationale dont l'Etat détient plus de la moitié du capital a été réalisée par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 qui a modifié la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications. Aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à la nouvelle société et placés sous l'autorité de son président. Celui-ci dispose à leur égard des pouvoirs de nomination et de gestion. Il peut même procéder à des recrutements externes de fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002 ; au-delà, il ne fera plus que gérer des corps en voie d'extinction. Les fonctionnaires cohabiteront donc avec des agents de droit privé. Les solutions retenues pour l'Imprimerie nationale et France Télécom paraissent les plus novatrices. Plutôt que la simple mise à disposition, en général limitée dans le temps, le choix du rattachement des personnels à chaque nouvelle entité créée leur permet de rester en position d'activité tout en conservant les droits et garanties de leurs statuts. L'exemple de l'« intégration » des personnels à l'Imprimerie nationale paraît d'autant plus pertinent que celle-ci a été extraite des services du ministère des Finances pour être érigée en société nationale, tout comme la DCN le sera des services du ministère de la Défense. En considérant l'attachement des personnels à l'entreprise DCN comme leur haut degré de qualification, il paraîtrait impensable de ne pas leur accorder des garanties au moins équivalentes à celles qui ont été données aux agents et fonctionnaires des établissements ou des services de l'Etat ayant déjà connu une transformation statutaire afin de les faire accéder au rang des entreprises nationales. B. UNE OBLIGATION EN RAPPORT DES EFFORTS DÉJÀ ACCOMPLIS Dans les fonctions de production comme dans les services administratifs de DCN, de réels efforts d'adaptation ont déjà été accomplis. · Dans le cadre du plan « DCN 2000 », un important programme de formation a été défini. Sa mise en _uvre qui se poursuivra sur plusieurs années concerne près de la moitié des effectifs actuels de l'entreprise. Cette action de formation d'une ampleur jusqu'alors sans équivalent, vise principalement trois objectifs : la formation générale à l'économie d'entreprise, l'accès aux métiers clés des domaines de la gestion et l'adaptation aux nouvelles procédures. Le passage de la comptabilité publique à la comptabilité générale et analytique représente plus qu'une simple évolution. Les politiques d'achat, de gestion de la production et des stocks, ainsi que le secteur des ressources humaines en sont profondément modifiés. La comptabilité est en cours de mise aux normes du plan comptable général, l'objectif étant de rendre certifiables les comptes de l'exercice 2001. Avec ces clients (publics comme privés) DCN entretient désormais des relations intégralement contractualisées : le prix est devenu la donnée d'entrée de la gestion économique des projets. Les coûts de revient, auparavant calculés sur la base de coûts complets, sont, à présent, déterminés en fonction de la totalité des charges de production. · S'agissant des effectifs, la réduction a porté sur près de 12 000 personnes au cours des dix dernières années au titre des politiques de départs anticipées (à partir de 52 ans, sous certaines conditions) prenant en compte le recentrage des activités. Le tableau suivant retrace l'évolution des effectifs depuis 1995 :
Au 30 juin 2001, DCN comptait un effectif global de 14 975 personnes répartis en trois niveaux : - niveau I : fonctions de direction, de conception et d'encadrement supérieur (attributions correspondant approximativement à celles du personnel d'encadrement selon le droit et la jurisprudence du travail) ; - niveau II : responsabilités hiérarchiques et techniques ; - niveau III : postes d'exécution (majoritairement confiés à des ouvriers de l'Etat qui représentent 9005 personnes sur les quelque 9 590 emplois de ce niveau à DCN) ; les techniciens de statut ouvrier (TSO) des niveaux T2 et T3 ainsi que les chefs d'équipe relèvent de ce niveau. · Les différentes catégories de cadres : - Ingénieurs de l'armement (118 personnes) ; - Ingénieurs d'études et techniques de l'armement (439 personnes) ; - Officiers du corps technique et administratif de l'armement (48 personnes) ; - Attachés des services administratifs et chefs de services administratifs (36 personnes) ; - Ingénieurs contractuels (521 personnes) ; - Ingénieurs d'études et de fabrications (500 personnes) ; - Techniciens supérieurs d'études et de fabrications (747 personnes) ; - Secrétaires administratifs (281 personnes). En outre, les contractuels de niveau II relèvent de l'encadrement au sens large : il s'agit essentiellement des techniciens à statut ouvriers (TSO) classés dans les groupes supérieurs de leur catégorie (T4 à T6 bis) et de certains personnels administratifs. · Les différentes autres catégories4 : - les techniciens à statut ouvrier ou TSO (2 824 personnes des niveaux II et III) ; - les chefs d'équipe (720 personnes) ; - les ouvriers (7 853 personnes) ; - les adjoints et agents administratifs (572 personnes). Le particularisme des emplois de DCN résulte dans une répartition entre agents de statuts militaires (ingénieurs, techniciens et officiers de l'Armement) et civils (fonctionnaires et « ouvriers d'Etat »). C. LA SITUATION PARTICULIÈRE DES OUVRIERS DE L'ÉTAT Ces personnels qui représentent au total plus des deux tiers des emplois au sein de DCN ne sont pas des fonctionnaires. Ils ne bénéficient pas à proprement parler d'un statut mais d'un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui leur confèrent de fortes garanties pour le déroulement des carrières, les modes de détermination et d'évolution des salaires, la protection sociale, les pensions (affiliation à un fonds spécifique) et le régime disciplinaire. Les textes régissant cette catégorie résultent du décret 26 février 1897 relatif à la situation du personnel civil d'exploitation des établissements militaires dont le rapport au Président de la République précisait qu'il constituait « un cadre d'élite », puis d'un décret du 1er avril 1920 qui leur a conféré l'appellation de « personnel ouvrier des arsenaux et établissement de la Marine ». Une commission consultative paritaire ouvrière (CCPO) est saisie de toute question particulière à la catégorie. En son sein, comme par l'intermédiaire de divers comités et commissions spécialisés, les représentants syndicaux sont largement associés à la gestion de la catégorie, y compris en matière d'avancement. Les ouvriers de l'Etat ont droit dès qu'ils ont atteint l'âge de soixante ans et qu'ils justifient au moins de quinze années de services civils et militaires effectifs, à une pension à jouissance immédiate, soit pleine, soit proportionnelle. Cet âge est ramené à 55 ans pour les ouvriers ayant exercé leurs fonctions dans des conditions particulières d'insalubrité ou encore ceux qui sont concernés par des mesures de dégagement des cadres, sous réserve dans les deux cas, de quinze années d'activité au minimum. Ces mesures de dégagement des cadres autorisent d'ailleurs des départs anticipés dès 52 ans ou des reclassements dans d'autres administrations ou services de l'Etat, notamment dans la Marine et prochainement dès 50 ans, lorsque seront appliquées les mesures générales destinées aux travailleurs ayant été en contact avec l'amiante. Ces mesures ont et auront encore des conséquences sur la structure des emplois de l'entreprise du fait de leurs effets mécaniques : dans certaines spécialités il existe, d'ores et déjà, des sous-effectifs que la nouvelle société devra combler dans les meilleurs délais. Pour leur part, les chefs d'équipe relèvent en totalité de la catégorie des ouvriers de l'Etat, au sein de laquelle ils exercent des fonctions d'autorité. Les chefs d'équipe permanents peuvent d'ailleurs être dispensés de tout travail manuel par les directeurs et chefs de service. La situation particulière des personnels ouvriers est visée par l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. Ces professions sont par ailleurs répertoriées dans une nomenclature fixée par l'instruction n° 154/DEF/SGA du 20 février 1995. En pratique et bien que non fonctionnaires, les ouvriers de l'Etat reçoivent des bulletins de salaire à en-tête du ministère de la Défense mais leur gestion courante se caractérise par une large déconcentration dans le cadre du décret n° 81-937 du 12 octobre 1981 : ils sont recrutés au niveau de chacun des sites qui dispose d'une certaine latitude d'embauche, dès lors qu'il existe une vacance d'emploi budgétaire. D. LA QUESTION DE LA RECONNAISSANCE DES CADRES DE L'ORDRE TECHNIQUE Ces fonctions essentielles dans les ateliers sont principalement exercées à DCN par les Techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF) et, pour un certain nombre d'entre elles, par une catégorie spécifique dite des « agents sur contrat » (ASC). Ces deux catégories relèvent des emplois du niveau II particuliers à DCN. Le corps des TSEF rassemble des fonctionnaires désormais recrutés par un concours ouvert aux titulaires d'un diplôme universitaire de technologie (DUT) ou d'un brevet de technicien supérieur (BTS). Cette voie a succédé à celles des préparations et des recrutements en interne, bien qu'un accès par concours interne ait été maintenu pour les personnels ouvriers de la DGA. Jusqu'en 1995, le corps des Ingénieurs d'études et de fabrication (IEF) constituait le corps de débouché naturel des TSEF. Cette situation s'est trouvée modifiée par la mise en _uvre d'un concours externe pour l'accès direct au corps des IEF qui demeure cependant un débouché pour la moitié des recrutements ouverts. Au regard de leurs qualifications mais aussi des fonctions qu'ils assument et de l'étendue de leurs responsabilités, les TSEF sont incontestablement des cadres de niveau technique supérieur. La réforme projetée du statut de DCN a fait naître une inquiétude au sein de la catégorie, alors qu'en tant que fonctionnaires ils bénéficieront de l'ensemble d'une garantie de poursuite de leurs activités au sein de cette entreprise (cf. supra). La Direction de DCN a pris conscience des interrogations légitimes des TSEF qui craignent de se voir quelque peu déclassés au regard des critères qui correspondront à l'encadrement après la mise en _uvre de la convention collective des industries métallurgiques qui trouvera effectivement à s'appliquer aux personnels nouvellement embauchés. Par nature, les fonctions des TSEF sont, en effet, différentes de celles des ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise) visés par les conventions collectives des secteurs industriels et auxquelles ils seraient ainsi placés en situation de correspondance. Cette difficulté semble néanmoins pouvoir être dépassée. Dans le cadre de l'accord d'entreprise à négocier au sein de DCN afin de compléter les dispositions conventionnelles, une définition correspondant clairement aux responsabilités et tâches des TSEF devrait être précisée au sein des fonctions d'encadrement, afin que les membres de la catégorie qui disposeront de la faculté de poursuivre leur carrière sous ce statut puissent être rangés par assimilation dans un des groupes de cadres. IV. - LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 36 DU PROJET DE LOI L'article 36 du projet de loi érige, conformément à une décision gouvernementale arrêtée le 6 juillet 2001, l'actuelle DCN en entreprise nationale dont l'Etat détiendra l'intégralité du capital. · La nouvelle entité sera ainsi une société à un capital fermé qui relèvera de la catégorie des entreprises publiques dites de premier rang, selon la terminologie et le classement en vigueur au sein du secteur public à vocation industrielle et commerciale. En outre, cette réforme qui extrait DCN des services de l'Etat afin de lui donner une personnalité propre d'entreprise publique, respecte le principe d'unicité de DCN. En intégrant sous l'empire de la réforme, l'ensemble des activités et les quelques filiales créées à ce jour (elles-mêmes placées sous le contrôle direct de DCN), un nouveau groupe public spécialisé sera constitué. Il ne s'agit donc ni d'une privatisation larvée (aucun actif ne se trouve « sorti » de la sphère publique), ni d'un commencement de démantèlement. Certains s'étonneront cependant que le texte de l'article ne se réfère pas expressément à la loi n° 83-625 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public comme cela a été le cas dans des rédactions initialement envisagées dont les organisations syndicales ont pu avoir à connaître. Cette absence de référence qui ne constitue pas une simple omission n'a aucun effet sur la nature même de la société dont le caractère intégralement public n'est pas de la sorte en cause. Elle s'explique par le fait que la nouvelle DCN présentera néanmoins un caractère spécifique en comptant dans ses rangs une majorité de personnels « à statut », de fonctionnaires et de militaires placés dans leurs corps d'appartenance notamment dans des positions de détachement. Dans ces conditions, l'application pure et simple des dispositions de la loi de 1983 aboutirait à ne faire participer qu'une partie minoritaire des personnels au système de représentation et de participation dans les organes sociaux de la société prévu par la loi (conseil d'administration ou conseil de surveillance). Des adaptations spécifiques devront donc prévoir les conditions dans lesquelles des représentants de l'ensemble du personnel et non exclusivement des seuls salariés pourront participer à la vie de l'entreprise, y compris par l'exercice de mandats représentatifs au sein du conseil d'administration ou de surveillance. · S'agissant des personnels en fonction au jour de la transformation de la société, de fortes garanties leur sont données par le second paragraphe de l'article. L'ensemble des personnels relevant de la catégorie des ouvriers de l'Etat seront simplement « mis à la disposition de cette entreprise » sans limitation de durée. Cette formule dont la portée est permanente leur offre, à l'évidence, toute garantie pour poursuivre leur activité en conservant le bénéfice de l'ensemble des acquis sociaux et des règles particulières à ce statut, jusqu'à la date du départ en retraite. Leur affiliation à des régimes particuliers de protection sociale est en conséquence, confirmée. Cette catégorie ne subira donc aucune incidence directe ou indirecte liée au changement de statut en demeurant au service de l'Etat au sein de la société appelée à succéder dans tous ses droits à l'actuelle DCN. Pour ce qui concerne les fonctionnaires, les militaires et les agents sous contrat, la formule retenue s'inspire de précédents déjà mis en _uvre à l'occasion de transformations en société d'anciens services de l'Etat. Dans un premier temps, ils seront mis collectivement à disposition de DCN ou des filiales qu'elle contrôle pour une durée maximale de deux années. Au-delà, un choix s'imposera nécessairement à eux. Ils devront, en effet, opter pour l'une des positions administratives prévues par leurs statuts particuliers en vue d'exercer leurs activités au sein du secteur public industriel et commercial. Le détachement qui est la position offrant les garanties les plus élevées pour l'avancement et la continuité d'affiliation aux régimes sociaux spécifiques de protection, leur sera ouvert ainsi que la disponibilité (qui leur permettra d'être recrutés dans le cadre de la convention collective). Au regard des règles en vigueur dans le statut général de la fonction publique et de celles régissant la fonction militaire, ces voies leur sont accessibles de plein droit. C'est pourquoi le texte de projet de loi ne les mentionne pas explicitement. Il paraît toutefois nécessaire à votre rapporteur de voir préciser qu'aucune disposition qui serait particulière au statut d'un des corps d'appartenance de ces personnels ne pourra leur être opposée afin de limiter le nombre et la proportion des détachements ou des mises en disponibilité. A cette condition, les fonctionnaires civils et militaires devraient également, s'ils le souhaitent, pouvoir poursuivre leur activité jusqu'au terme de leur carrière. Cette précision ne fait d'ailleurs que traduire des garanties données par le Ministre de la Défense devant notre Commission comme dans des déclarations à la presse et par la Direction de DCN au cours de la concertation avec les organisations syndicales et dans des publications d'information interne. Les organisations syndicales s'inquiètent toutefois de ne pas avoir eu connaissance des projets de décrets relatifs à la situation des personnels, avant l'examen de la loi, contrairement à certaines garanties qu'ils avaient pensé obtenir s'agissant de leur information préalable. Il a néanmoins été clairement indiqué que les propositions que devra faire la société à tous les fonctionnaires et militaires porteront sur des rémunérations annuelles nettes au moins égales à celles dont ils disposeront à la date de la création de la société, éventuellement complétées afin de tenir compte du montant des retenues pour pensions actuellement précomptées et dont ils deviendraient personnellement redevables. Pour ce qui concerne les personnels contractuels des garanties analogues leur sont consenties : au-delà d'une période maximale de deux années de mise à disposition, chacun d'eux devra avoir conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la société pour un poste relevant de l'établissement auquel il appartient. La rémunération annuelle nette ne pourra également être inférieure à celle du premier contrat (traitement principal et indemnités accessoires comprises) et l'ancienneté acquise au sein du ministère de la Défense sera validée. Les agents refusant cette proposition se verront proposer trois possibilités d'affectation dans un autre service de l'Etat susceptible de les accueillir, comme cela sera également le cas pour les fonctionnaires et militaires non désireux de poursuivre leur carrière au sein de DCN après la première période de mise à disposition. Toutefois, les agents contractuels conserveront un droit au retour dans les cinq années suivant leur recrutement sur un contrat de travail : il leur sera laissé au cours de cette période qui pourrait, selon votre rapporteur, être portée à dix années, la faculté de réintégrer le ministère de la Défense ou l'un des établissements qui lui sont rattachés, sur un emploi vacant et correspondant à leur qualification. On rappellera que l'article 65 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) avait ouvert (paragraphe IV) un droit à détachement pour les fonctionnaires civils et militaires du ministère de la Défense, exerçant leurs activités dans le domaine naval ou en fonction dans la société DCN International (DCN-I), dans les sociétés qui recevront « tout ou partie des actifs de l'entreprise DCN-International et dans leurs filiales, ainsi que dans les sociétés qui y détiendront la participation de l'Etat ou dans les filiales ». · Par ailleurs, un contrat d'entreprise à caractère pluriannuel doit régir les relations entre l'Etat et la nouvelle DCN. Cette formule, au demeurant classique pour l'orientation stratégique du secteur public à vocation industrielle et commerciale, doit venir préciser les obligations réciproques entre la société nationale et ses tutelles. Elle fixera notamment les engagements pris par l'Etat actionnaire. C'est pourquoi ce document essentiel est appelé à préciser l'ensemble des relations financières entre les deux entités sur la période de son exécution au regard des objectifs économiques (investissement, productivité etc...) et sociaux (recrutement, formation, négociation sociale, etc...) assignées à l'entreprise en contre partie des garanties de plan de changes consenties par l'Etat dans les domaines des constructions neuves comme d'entretien et de réparation des bâtiments de la Marine. L'objectif est d'amener progressivement DCN à parfaire ses capacités industrielles et commerciales sur une première période dont la durée, éventuellement renouvelable, ne saurait être inférieure à 5 années. Une première phase de négociations a déjà été ouverte entre l'Etat et DCN afin de dessiner l'architecture de ce document de portée stratégique puis au cours du premier trimestre 2002, un prè-accord devrait intervenir sur le contenu du contrat d'entreprise. Pour votre rapporteur qui a été suivi par la commission de la Défense dans son ensemble, il est clair que la conclusion du contrat d'entreprise subordonne l'entrée en vigueur de la réforme statutaire. Tel est l'objectif d'un des deux amendements adoptés par la commission qui précise, en outre, que les commissions des Finances et de la Défense de l'Assemblée doivent être annuellement informées des conditions d'entrée en vigueur du contrat d'entreprise, puis de son application annuelle afin d'être mieux à même de formuler les observations qui leur paraîtraient nécessaires. Ce processus est en effet déterminant pour la détermination des fonds propres de l'entreprise au regard de ses contraintes d'activité. Il convient, en effet, que l'Etat fasse correctement son devoir d'actionnaire en dotant la nouvelle société nationale, dès le commencement de son activité, de fonds propres suffisants. En l'état actuel, leur montant pourrait s'élever jusqu'à 760 millions d'euros (5 milliards de francs, environ). Il s'agit d'un enjeu de crédibilité car la situation de Giat-Industries ne doit pas se reproduire : une sous-capitalisation de départ interdirait tout développement et ouvrirait inévitablement un cycle difficilement maîtrisable de besoins récurrents en capital. Enfin, pour ce qui concerne les textes d'application, votre rapporteur a également entendu préciser par un amendement les domaines dans lesquels des dispositions réglementaires distinctes devraient impérativement intervenir, avant toute mise en _uvre de la réforme statutaire de DCN. Un premier décret qui n'est pas, à proprement parler, un texte d'application doit d'ailleurs être publié au plus tôt, c'est à dire de façon quasi concomitante avec l'examen du projet de loi. Ce décret dont la préparation est d'ailleurs terminée permettra la mise en place d'une société dite de préfiguration chargée de réaliser les opérations internes à DCN, de préparation et d'adaptation à l'entrée en vigueur de la réforme. Elle recrutera un petit nombre de personnes plus spécialement compétentes dans les domaines du droit des sociétés, de la comptabilité privée et des ressources humaines. La mise en place doit intervenir sans tarder, si l'on souhaite effectivement que l'entreprise nationale débute son premier exercice d'activité au 1er janvier 2003. I. - AUDITION DE M. ALAIN RICHARD, MINISTRE DE LA DÉFENSE La Commission de la Défense, sous la présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président, a entendu M. Alain Richard, Ministre de la Défense, le mercredi 21 novembre 2001, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001. Le Ministre de la Défense a d'abord rappelé que, le 6 juillet dernier, le Gouvernement avait considéré que le moment était venu pour DCN d'accéder au statut de société nationale. Il a alors souligné que le processus qui conduisait à ce statut comportait d'importantes transformations internes et une modification des textes législatifs et réglementaires. Précisant que l'objectif était que DCN puisse exercer ses activités sous forme de société dès le 1er janvier 2003, M. Alain Richard a indiqué que le projet de loi de finances rectificative avait paru constituer un bon point d'appui pour la réforme, eu égard à son incidence sur les finances de l'Etat. Le Ministre de la Défense a ensuite apporté des précisions sur l'article 36 du projet de loi relatif à la transformation de DCN en entreprise nationale. Il a d'abord exposé que l'ensemble des activités de DCN serait transféré à la nouvelle société, à l'exception de quelques-unes qui seraient maintenues au sein du ministère de la Défense en raison de leur nature. Il a ajouté qu'il était clairement prévu que cette société aurait pour actionnaire unique l'Etat et qu'elle serait une entreprise nationale. Il a précisé que le nouveau statut de DCN aurait pour avantage de lui permettre de nouer les alliances industrielles nécessaires à son développement. Le Ministre a également souligné que l'article 36 du projet de loi disposait expressément qu'un contrat d'entreprise pluriannuel serait passé entre la société et l'Etat afin de fixer des engagements réciproques concourant à la bonne gestion de l'entreprise. Il a ajouté que l'objectif était de permettre un retour à l'équilibre financier de DCN, précisant que, si la structure des comptes de cette entreprise était aujourd'hui celle d'une société, elle ferait apparaître un déficit. Il a précisé que le contrat d'entreprise devrait indiquer l'année où cet équilibre financier serait atteint et prévoir, avant cette échéance, un soutien de l'Etat. Il a indiqué que le contrat d'entreprise devrait aussi définir les projets pour lesquels l'Etat demandera à DCN d'être son fournisseur en lui garantissant de ce fait un niveau de chiffre d'affaires assurant dans de bonnes conditions le démarrage de sa nouvelle gestion. Abordant le statut des personnels, le Ministre a ensuite indiqué qu'il serait maintenu à titre individuel. En conséquence, les personnels de DCN conserveront au sein de la société nouvelle leur statut actuel, par exemple d'ouvrier d'Etat pour 12 000 d'entre eux ou de fonctionnaire pour environ 2 400. Le Ministre a ajouté que le projet de loi prévoyait que les ouvriers d'Etat pourraient garder leur statut actuel jusqu'au terme de leur carrière et précisé qu'aucune disposition ne mentionnait les fonctionnaires et les personnels à statut militaire puisque des mécanismes statutaires existaient déjà : les fonctionnaires civils et les militaires bénéficiant en effet de régimes de détachement pour cinq ans, renouvelables, au sein des entreprises publiques, ces mécanismes s'appliqueront également à DCN. Le Ministre a rappelé qu'en revanche, les personnels nouvellement recrutés après la transformation de DCN en entreprise nationale seraient régis selon les règles du droit privé, leurs conditions d'emploi étant fixées par un accord d'entreprise, dans le cadre d'une convention collective qui, compte tenu de l'activité de la société, sera sans doute celle des industries métallurgiques. Il a ajouté que les ouvriers d'Etat et les personnels sous statut militaire ou les fonctionnaires civils pourraient demander, à leur convenance, de passer sous un régime privé. Après avoir insisté sur la large concertation à laquelle avait donné lieu le projet de réforme de DCN, le Ministre s'est déclaré convaincu que la nécessité de l'évolution de cette entreprise était désormais admise par la majeure partie de ses personnels. M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, s'est félicité que la réforme de DCN puisse être conduite dans le respect des échéances indispensables à la transformation de ce service industriel dans de bonnes conditions, tout en soulignant que l'unité de l'entreprise était sauvegardée. Il a ensuite insisté sur l'importance du contrat d'entreprise appelé à régir les relations entre l'Etat et la nouvelle DCN, en souhaitant que tout soit mis en _uvre afin d'éviter ce qu'il a appelé une « giatisation » de la société après sa création. A cet égard, il a fait valoir que la situation de DCN était très différente de celle qu'avait connue Giat-Industries lors de sa transformation en société commerciale et jugé que les efforts accomplis par DCN pour sa réorganisation ainsi que ses perspectives de marché permettaient d'envisager son avenir avec confiance. M. Jean-Yves Le Drian a cependant souligné que postérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme, DCN continuerait à supporter temporairement certains handicaps de compétitivité, ne serait-ce qu'en conséquence de ses nouvelles obligations fiscales. Il a estimé qu'il était donc nécessaire que le contrat d'entreprise lui confère une garantie de chiffre d'affaires et que sa capitalisation soit suffisamment élevée, dès sa transformation en entreprise nationale, afin d'éviter le risque de besoins récurrents en fonds propres. Puis, abordant la situation des personnels de DCN, il a regretté qu'ils s'interrogent toujours sur leur situation dans le cadre de la réforme, en constatant d'ailleurs que la succession des différents projets de texte qu'ils avaient pu connaître avait suscité chez eux une certaine suspicion, d'ailleurs explicable au regard de la culture particulière à l'entreprise. Enfin, M. Jean-Yves Le Drian, évoquant la situation des techniciens supérieurs d'études et de fabrication (TSEF), a souligné qu'ils occupaient une place déterminante au sein de l'encadrement intermédiaire de DCN mais qu'il leur paraissait difficile de se situer dans le nouveau dispositif hiérarchique. M. Pierre Lellouche a jugé que la réforme de DCN représentait une innovation majeure et qu'elle traduisait une prise de conscience des surcoûts particuliers aux industries étatiques. Il a ensuite interrogé le Ministre sur cinq points : l'état du déficit actuel de l'entreprise, la date à laquelle elle pourrait retrouver un point d'équilibre, les coûts à supporter par l'Etat pour la mise en _uvre de la réforme, la situation des personnels, qui lui a semblé s'apparenter à ce qui avait été accompli en 1996 à l'occasion de la transformation de France Télécom en société commerciale et les leçons à tirer de l'expérience de Giat-Industries. M. Pierre Lellouche a alors demandé que toutes les dispositions soient prises pour que la gestion de la nouvelle société issue de la transformation de DCN ne conduise pas à une répétition des échecs de Giat-Industries. Après avoir indiqué qu'il partageait les observations de M. Jean-Yves Le Drian, M. Jean-Noël Kerdraon a regretté, au sein de DCN, un déficit d'information sur différents aspects de la réforme. Il a estimé que la persistance des interrogations des personnels témoignait de leur crainte que la transformation de leur entreprise aboutisse à une situation analogue à celle de Giat-Industries, alors même que DCN se trouve dans une situation tout à fait distincte, notamment pour ce qui concerne son plan de charges. Après s'être félicité que la réforme n'entraîne ni démantèlement, ni « vente par appartement » de DCN, il a jugé que des ajustements de périmètres entre ce qui relèverait de la nouvelle société et ce qui resterait à l'Etat étaient concevables mais qu'ils devraient se faire en fonction de choix clairs. S'agissant des effectifs, M. Jean-Noël Kerdraon a considéré que le texte du projet de loi appelait encore des précisions, en particulier pour prévoir que les ouvriers d'Etat pourraient devenir salariés de la nouvelle DCN non seulement sur proposition de l'entreprise mais également sur leur propre demande. Il a ensuite souligné que les TSEF constituaient un corps de fonctionnaires dont le rôle d'encadrement lui a semblé être insuffisamment pris en compte par le processus de réforme. Il a enfin mis l'accent sur l'importance décisive du contrat d'entreprise pour le succès de la réforme, jugeant qu'il devait faire l'objet de discussions approfondies afin de lever le plus grand nombre possible d'incertitudes. M. René Galy-Dejean a estimé que si l'histoire devait retenir un fait marquant dans l'action du Ministre de la Défense, au cours des dernières années, il s'agirait sans doute de la réforme de DCN. Il a souhaité que la mise en _uvre de cette réforme soit couronnée de succès, considérant qu'elle pourrait même alors être comparée aux mesures prises par Colbert en faveur de la Marine il y a plusieurs siècles. M. René Galy-Dejean s'est toutefois étonné que le Gouvernement ne se donne pas tous les atouts pour réussir en offrant à l'entreprise des perspectives d'avenir qui pourraient amener les ouvriers d'Etat à se déclarer spontanément volontaires pour passer sous le régime de la convention collective. Il a à ce propos demandé au Ministre pourquoi il ne faisait pas un geste fort en matière d'investissement en passant par exemple une importante commande de bâtiments neufs à DCN et indiqué qu'une telle décision rencontrerait l'approbation du groupe RPR. M. Guy-Michel Chauveau a salué l'initiative prise par le Gouvernement pour réformer DCN en se félicitant de la concertation à laquelle elle a donné lieu. Il s'est également étonné que des membres de la Commission qui affichaient généralement les opinions économiques les plus libérales demandent à l'Etat d'assurer le plan de charges d'une entreprise. M. Jean-Claude Viollet s'est félicité du maintien de l'unité de l'entreprise et de l'intégration de l'ensemble de ses établissements dans le processus de réforme. Il a interrogé le Ministre sur le montant et la nature du capital qui sera accordé à la nouvelle société puis a demandé quelles commandes de constructions neuves et de marchés de maintien en condition opérationnelle seraient inscrites au contrat d'entreprise et si ce dernier prendrait en compte l'actif et le passif de DCN, y compris pour les opérations en cours. Après avoir demandé quelle serait l'incidence de la réforme sur le produit de la taxe professionnelle payée sur les différents sites, il a souhaité des précisions sur le déroulement de la période transitoire précédant l'entrée en activité de la nouvelle société au 1er janvier 2003. Enfin, il a proposé que l'option pour le régime de la convention collective soit ouverte à tous les agents et ne soit pas conditionnée par l'accord préalable de la société. M. Robert Gaïa, Président, a relevé que DCN souffrait d'un déficit d'encadrement dans le secteur des achats, des ressources humaines ainsi que dans les domaines commerciaux et juridiques. Par ailleurs, il a rappelé que le récent rapport d'information de la Commission sur l'entretien de la flotte avait mis en lumière des sous-effectifs pour certaines spécialités comme celles des soudeurs ou des diésélistes et a demandé, en conséquence, à quelle date DCN pourrait reprendre une politique d'embauche. M. Alain Richard, Ministre de la Défense, a apporté les éléments de réponse suivants : - le contrat d'entreprise comportera des engagements de la part de l'Etat. Ainsi, l'entreprise sera capitalisée à un niveau suffisant ; certains investissements seront agréés par l'Etat mais financés par l'entreprise. L'Etat s'engagera à aider l'entreprise à atteindre l'équilibre avant le terme de la période de cinq ans couverte par le contrat. Il s'agit donc d'une garantie de soutien sur une période de transition à l'issue de laquelle l'entreprise devra être compétitive sur un marché désormais très concurrentiel à l'échelle européenne ; - les commandes en cours de réalisation pour la Marine seront transférées à la nouvelle société. Pour ce qui concerne l'exportation, la garantie de l'Etat sera modulée en fonction des risques caractérisant les différents contrats. Le programme des frégates multimissions devant être défini au moment de la mise au point du contrat d'entreprise, il pourra y être intégré si l'offre de DCN ne se compare pas défavorablement à d'autres propositions industrielles. Le contrat d'entreprise n'interdira donc pas des appels à la concurrence européenne ; - la différence fondamentale entre DCN et Giat-Industries est l'absence de risque d'effondrement de l'activité sur le marché de la construction navale militaire qui, au contraire, s'inscrit dans une tendance de croissance ; - il est envisageable de reconnaître aux personnels le droit d'opter pour le régime de salarié de la nouvelle société sans avoir besoin de l'accord de DCN. Cette disposition n'a toutefois pas à être inscrite dans le projet de loi étant donné qu'elle relève du domaine réglementaire ; - les techniciens supérieurs d'études et de fabrication (TSEF) sont des fonctionnaires auxquels sont appliquées les règles du détachement. Les ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT) qui sont actuellement des personnels contractuels, passeront sous un régime de convention collective et bénéficieront d'un droit individuel de retour dans des services de l'Etat dans un délai de 5 ans après la période de gestion de 2 ans ; - l'embauche de personnels nouveaux doit commencer rapidement, dès 2002. Des cadres qualifiés devront être recrutés au tout début de l'année prochaine ; - le nombre des départs en retraite prévu est important. Il pourrait même l'être davantage avec l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'exposition à l'amiante qui permettront à certains agents de partir dès 50 ans. Par conséquent, DCN devrait connaître un renouvellement significatif de ses personnels dans les années à venir ; - la concertation a privilégié le canal des organisations syndicales. Il est aussi nécessaire que l'encadrement contribue à la bonne marche du processus de concertation ; - l'assujettissement de l'ensemble des opérations de DCN à la TVA rendra les prestations de l'entreprise plus coûteuses pour le ministère de la Défense. Dans ses relations avec d'autres clients que l'Etat, DCN est déjà soumise au même régime que ses concurrents ; - le changement de statut ne devrait pas avoir en première analyse de conséquences défavorables pour les collectivités locales en matière de taxe professionnelle, le produit de cet impôt devant être proche des montants actuels voire dans certains cas supérieur. A la demande de M. Robert Gaïa, Président, le Ministre de la Défense a ensuite présenté les principaux mouvements de crédits résultant, pour le budget militaire, du projet de loi de finances rectificative. S'agissant des annulations de crédits, il a précisé que leur total net était de 1,8 milliard de francs, ce qui constituait le montant le plus faible de la législature. Il a ensuite fait observer que la mesure la plus importante était l'inscription de 23,7 milliards de francs d'autorisations de programme destinés à l'avion militaire de transport A 400 M. Il a précisé que ce montant permettait de disposer d'une dotation globale de 43,7 milliards de francs, suffisante pour passer une commande de 50 appareils. Il a ajouté que, sur les neuf pays concernés, sept d'entre eux étaient prêts à s'engager dans la réalisation du programme. Précisant que la signature de l'Italie ne paraissait pas acquise, il a souligné qu'elle n'était pas déterminante puisque ce pays n'envisageait qu'un achat de 16 appareils. Il a, en revanche, souligné la volonté politique affirmée par l'Allemagne de passer une commande de 73 appareils, qui garantissait la viabilité du programme. Il a ajouté qu'il importait que cette volonté se concrétise sans retard eu égard au risque qu'un allongement des délais ferait courir au programme. M. Pierre Lellouche a vivement regretté les annulations de crédits d'équipement qui résultaient du projet de loi, estimant qu'elles aggraveraient des lacunes capacitaires criantes, d'ailleurs évoquées par les chefs d'état-major à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2002. Il a ajouté que l'insuffisance des crédits d'équipement ne touchait pas seulement les programmes en cours mais qu'elle empêchait aussi de répondre aux besoins apparus après le 11 septembre en matière de défense du territoire qu'il s'agisse, par exemple, des réserves ou de la protection contre d'éventuelles attaques biologiques. Il a ensuite exprimé ses préoccupations devant l'attitude de l'Allemagne à l'égard du programme A 400 M, en soulignant les réticences exprimées par plusieurs responsables politiques extérieurs à la Commission de la Défense du Bundestag. II. - AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES La Commission de la Défense, sous la présidence de M. Paul Quilès, Président, a entendu le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, le jeudi 22 novembre 2001, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001. Le Général Jean-Pierre Kelche a d'abord présenté le financement des opérations extérieures au cours de l'année 2001. Il a rappelé que la loi de finances initiale n'intégrait que très peu de dépenses relatives aux opérations extérieures. Soulignant que la Commission avait elle-même fait remarquer que les dépenses d'opérations extérieures ne descendaient jamais en dessous de 2 milliards de francs par an et remarquant qu'elles atteignent actuellement 4 milliards de francs en moyenne annuelle, il a jugé qu'une dotation correspondante pourrait être prévue en loi de finances initiale. Il a toutefois souligné que la difficulté était d'obtenir que ce financement s'ajoute aux ressources normalement affectées au fonctionnement ordinaire des forces, faute de quoi on se retrouverait dans la situation actuelle d'ouverture de dotations au titre III en loi de finances rectificative, gagées par des annulations d'un montant au moins égal de crédits d'équipements. Il a alors indiqué qu'en 2001 les surcoûts des opérations extérieures constatés au titre III seraient couverts à hauteur de 2,7 milliards de francs par des ouvertures nouvelles, ceux du titre V ne donnant lieu, comme à l'accoutumée, à aucun abondement. Il a ajouté que sur les 2,7 milliards de francs d'ouvertures de crédits du titre III, 2 milliards de francs finançaient des dépenses supplémentaires de rémunérations et charges sociales dues pour l'essentiel au régime des soldes à l'étranger, une dotation de 700 millions de francs étant affectée à la couverture des surcoûts de fonctionnement. Il a précisé que 110 millions de francs environ de surcoûts de fonctionnement resteraient à financer après cet abondement et donneraient lieu à un report de charges sur 2002. Il a conclu que le système de financement des opérations extérieures permettait aux armées de fonctionner correctement sans être contraintes par le volume de ces opérations, mais que c'était au prix d'une pénalisation de leur modernisation. Le Chef d'état-major des Armées a alors indiqué qu'environ 13 000 militaires français étaient actuellement en opérations extérieures, dont 2 000 pour le théâtre d'Afghanistan. Il a précisé que cet effectif allait encore augmenter. 2 800 militaires participeront en effet aux opérations du groupe aéronaval dans le Nord de l'Océan indien et 200 aux activités de l'unité d'avions de combat qu'il est prévu de déployer au Kirghizistan. En revanche, les perspectives de désengagement sont limitées. Le retrait de la MINUEE en Ethiopie et Erythrée, la réduction du volume des forces internationales de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, temporairement renforcées pour les élections et la diminution des effectifs de la FINUL ne permettront au total qu'un allégement du dispositif des opérations extérieures de 500 militaires environ. Le Général Jean-Pierre Kelche a conclu qu'à la fin de 2001, la France aurait environ 15 500 militaires en opérations extérieures, ce qui constituait un effectif considérable, auquel s'ajoutaient 4 000 hommes sur le territoire national. Il a alors exposé que la gestion de l'exercice 2001 s'achèverait avec un report de charges sur 2002 de 800 millions de francs environ. Bien qu'il soit inférieur de 200 millions de francs à celui de l'an dernier, ce report de charges dû pour l'essentiel à des dépenses de fonctionnement témoigne de la tension sur le titre III. S'agissant du titre V, le Chef d'état-major des Armées a exposé qu'il subissait l'abattement habituel destiné, pour une large part à compenser les ouvertures du titre III. Cet abattement provoque les opérations habituelles de régulation et de report à la gestion suivante sur les petits programmes de cohérence opérationnelle et les flux. Le Général Jean-Pierre Kelche s'est à ce propos déclaré préoccupé par les glissements et les retards de livraison subis sur ces postes de dépenses. S'agissant des autorisations de programme en revanche, il s'est félicité de l'inscription d'une dotation de 23,7 milliards de francs en faveur du programme A 400 M. Il a précisé que cette dotation résultait d'une ouverture nouvelle de 17,7 milliards de francs, de la mobilisation de 2,2 milliards de francs d'autorisations de programme du titre III devenues sans emploi et d'un redéploiement d'une enveloppe de 3,7 milliards de francs destinée à des petits programmes. Il a par ailleurs indiqué que 3 milliards de francs d'autorisations de programme nouvelles allaient être ouverts pour répondre à des besoins exprimés en conséquence des événements du 11 septembre, remarquant toutefois que les ressources jugées nécessaires par l'Etat-major des Armées s'élevaient à 9 milliards de francs. Les 3 milliards de francs inscrits au projet de loi de finances rectificative seront employés à trois types d'action. Il s'agit d'abord de l'amélioration de l'aéromobilité, en vue d'accroître les capacités des forces spéciales et de renforcer les moyens de réponse au terrorisme maritime et de RESCO (recherche et sauvetage des militaires en opération). Des hélicoptères Cougar devraient être acquis à cet effet. Le deuxième type d'action concerne l'accélération de la modernisation des capacités en matière de renseignement électromagnétique (ROEM). Enfin, la troisième catégorie de mesures porte sur l'accélération de l'effort de fabrication de protections contre les agressions biologiques et chimiques. Le Général Jean-Pierre Kelche a indiqué qu'un autre axe d'effort portait sur la restauration du taux de disponibilité des équipements, tombé à un niveau anormal, et que pour l'accélérer, il espérait pouvoir obtenir en 2002, à défaut de 2001, 1,5 milliard de francs d'autorisations de programme supplémentaires. M. Pierre Lellouche a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences des annulations de crédits associées au projet de loi de finances rectificative. Après avoir interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur les programmes concernés, il lui a demandé quels étaient actuellement les besoins des armées et dans quelle mesure ils n'étaient pas satisfaits. Il s'est étonné qu'au moment où la France se trouve engagée dans un nouveau conflit sur un théâtre d'opérations lointain, des réductions de crédits se poursuivent comme à l'accoutumée dans le cadre de la loi de finances rectificative alors que des besoins de nature nouvelle apparaissent. Puis, il a souhaité connaître les enseignements tirés par l'Etat-major des Armées des événements survenus au cours des deux derniers mois et le jugement qu'il portait sur les nécessités nouvelles de la défense. M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, a interrogé le Chef d'état-major des Armées sur les perspectives de réduction des éléments français de la KFOR et de la SFOR ainsi que sur l'ensemble des moyens dont disposera le groupe aéronaval dans le cadre de la mission qui vient de lui être assignée dans l'Océan Indien. M. André Vauchez a jugé regrettable et dommageable à l'adhésion des citoyens à l'effort de défense que certains commentateurs qualifient les armées françaises d'obsolètes. Après avoir interrogé le Général Jean-Pierre Kelche sur la nécessité d'éventuelles modulations du projet de programmation militaire, il a estimé souhaitable d'engager une réflexion sur la dimension européenne de la lutte contre le terrorisme international. Le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, a alors apporté les précisions suivantes : - les besoins liés aux évolutions stratégiques récentes ont été évalués par l'Etat-major des Armées à 9 milliards de francs. Ce volume de dépenses correspond à un renforcement des capacités d'aéromobilité spécialisée et, pour beaucoup, à l'accélération de programmes existants. Il représente environ 2% du volume des ressources prévues en titre V dans le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. La logique du projet de loi de programmation militaire reste en effet valide, à condition que ses dispositions puissent être intégralement respectées. Cette condition apparaît d'autant plus exigeante qu'à ce jour le déficit des ressources par rapport à l'actuelle programmation s'élève à 16 %, en supposant une exécution sans annulations de crédits du budget 2002 ; - s'agissant des programmes affectés par les annulations associées au projet de loi de finances rectificative, il est possible de citer divers programmes d'infrastructure et de munitions, le programme de pods de désignation laser, d'antichars de moyenne portée et plus significativement, le programme de missile d'interception à domaine élargi (MIDE) ainsi que les études amont ; - concernant les éléments français de la SFOR, une réduction interviendra très probablement au cours de l'année 2002 et il en sera de même, plus rapidement encore, pour notre participation à la KFOR, 300 militaires français devant quitter le Kosovo avant Noël si la période succédant aux récentes élections confirme le rétablissement de la situation. En tout état de cause, il n'est pas question de procéder à une réduction unilatérale de notre présence militaire en Bosnie-Herzégovine. A ce jour, deux conceptions s'opposent pour définir les perspectives d'évolution de la présence militaire internationale dans ce pays. Les Américains préconisent sa transformation en une force dite de dissuasion dont la majorité des éléments seraient positionnés à la périphérie de la Bosnie-Herzégovine, alors que la France considère qu'il serait imprudent de rompre trop brutalement avec le dispositif actuel. Elle se prononce plutôt en faveur du maintien d'une certaine visibilité militaire sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, même avec un volume de forces moins élevé que dans le passé. Une décision interviendra sans doute au printemps prochain. Les marges de réduction des effectifs de la SFOR seront d'autant plus grandes que des forces spécialisées de police pourront prendre le relais car il s'agit davantage d'assurer des tâches de sécurité publique que de défense ; - il est faux de soutenir que les armées françaises sont obsolètes même si elles subissent certains retards d'équipement. Le Président Paul Quilès a alors interrogé le Chef d'état-major des Armées sur les missions qui seront confiées aux avions français qui vont être déployés à proximité de l'Afghanistan. Il lui a également demandé quelle serait la mission du groupe aéronaval et comment il envisageait la dimension européenne que le Premier ministre avait proposé de donner à son déploiement dans l'Océan Indien. Il l'a ensuite interrogé sur la mission de la force envoyée à Mazar e Charif, sur la nature des obstacles qui s'opposent à son déploiement et sur les conversations menées avec les autorités d'Ouzbékistan et d'Afghanistan pour permettre son entrée dans ce dernier pays. Il lui a enfin demandé comment s'effectuait la coordination entre les opérations militaires et humanitaires. M. Robert Gaïa s'est étonné de la recherche d'effets d'annonce dans la gestion de la crise afghane avant même que la stratégie d'intervention ait été complètement définie. M. Robert Poujade a demandé au Général Jean-Pierre Kelche comment il envisageait l'évolution de la situation à Mazar e Charif ainsi qu'à Bagram où une unité britannique a été déployée. M. Pierre Lellouche a regretté la succession de décisions militaires d'ampleur limitée et sans stratégie claire. Après l'envoi de bâtiments de la Marine, on annonce celle d'avions de combat, puis de 58 soldats, alors que la situation militaire évolue très vite. S'interrogeant sur les difficultés rencontrées par le contingent terrestre français pour son déploiement en Afghanistan, M. Pierre Lellouche a demandé de quel volume de forces il était précurseur tout en soulignant qu'il interviendrait dans un pays instable et non sécurisé . Il a également souhaité des précisions sur un éventuel partage des tâches avec les Américains et les Britanniques, sur les scénarios politiques susceptibles de résoudre la crise afghane et sur les moyens disponibles pour une extraction des forces françaises. Soulignant l'absence de mandat de l'ONU et la difficulté d'un engagement humanitaire dont les Afghans ne veulent pas sous la forme qui leur est proposée, M. René Galy-Dejean s'est interrogé sur les missions des forces françaises. Devant les dangers de la situation afghane, il a demandé comment serait assurée la protection de ces forces et quelles seraient leurs conditions d'engagement avant de recommander la prudence. Le Président Paul Quilès a souligné qu'une étude récente du SHAPE considérait l'ensemble du territoire afghan comme hostile. Il a demandé quelles étaient les conséquences d'une telle situation sur le déploiement et l'armement des forces. Le Général Jean-Pierre Kelche a apporté les éléments de réponse suivants : - la crise actuelle est sans précédent. Le renversement d'un régime extrémiste et la capture de dirigeants d'un réseau terroriste en fuite dans un pays plus grand que la France, constituent des objectifs de nature inédite ; - la chute de Kunduz est probablement une affaire de jours. La difficulté provient de la présence importante de forces non afghanes (combattants arabes, tchétchènes, pakistanais) aux côtés des Taliban. Si les Taliban peuvent espérer une reddition honorable, ce n'est pas le cas de leurs alliés étrangers qui craignent pour leur vie en cas de capture ; - Kandahar et sa vaste région adossée au Pakistan continuent à résister à l'offensive du Front Uni. Soumise à des bombardements quotidiens de la part de l'aviation américaine, la ville pourrait se rendre, le mollah Omar et ses dernières forces se réfugiant dans les montagnes pour y mener une guérilla. Mais si un maximum de tribus pachtounes de la région sont associées au futur gouvernement national, il sera difficile aux derniers Taliban de mener à bien cette stratégie ; - les Etats-Unis ont pour objectif prioritaire de se saisir de Ben Laden ; - sur le plan militaire, les Etats-Unis n'ont pas vraiment besoin d'aide, même si une coalition de 24 pays a été mise sur pied pour des raisons politiques ; - les rivalités entre les groupes de Dostom et d'Atta, à Mazar e Charif, ont rendu la sécurité de la zone très aléatoire. La route entre Termez et Mazar e Charif, par exemple, est très dangereuse. Or c'est celle qui conviendrait le mieux à l'acheminement d'une aide humanitaire qui fait cruellement défaut. Sécuriser Mazar e Charif permettrait la mise en place d'un pont aérien humanitaire qui reste l'objectif ; - la difficulté du déploiement des avions de combat tient aux réticences des pays limitrophes de l'Afghanistan à accueillir des appareils à vocation offensive. Les négociations se poursuivent. La mission des moyens aériens serait, le cas échéant, de mener des actions antiforces et de protéger des éléments français au sol ; - le groupe aéronaval sera disponible début décembre et devrait arriver sur zone à la mi-décembre. Il aura notamment pour mission de procéder à la surveillance maritime de la mer d'Oman pour éviter que des membres du réseau terroriste de Ben Laden ne soient tentés de fuir la région par la mer. Il ne pourrait accomplir des tâches d'interdiction en haute mer qu'en application d'une résolution du Conseil de sécurité. Il offrira également une capacité d'appui aérien dans l'éventualité d'un engagement en Afghanistan contre les forces des Taliban. Le Charles de Gaulle devrait être accompagné par 2, voire 4 frégates, deux d'entre elles relevant probablement des forces navales d'autres pays de l'Union européenne, et, de façon plus classique, par un sous-marin nucléaire d'attaque, un pétrolier ravitailleur, le bâtiment-atelier Jules Verne et deux avions de surveillance maritime. L'ensemble sera placé sous contrôle opérationnel du commandement central américain (USCENTCOM), le commandement opérationnel restant français ; - les besoins d'aide humanitaire sont considérables en Afghanistan, notamment en raison de l'approche de l'hiver. La France a la volonté de faciliter l'action des ONG, qui ont constitué en Ouzbékistan des stocks qu'elles n'arrivent pas à faire passer en Afghanistan. Mais l'armée française peut seulement ouvrir la porte à Mazar e Charif. Sa mission est de permettre la réparation de la plate-forme aéroportuaire et d'assurer la sécurisation de ses abords de façon à permettre le début de l'aide. En revanche, le déploiement des ONG au contact de la population suppose une action de sécurisation du Front Uni, qui en a les capacités ; - l'attribution d'un rôle humanitaire à l'OTAN soulèverait des difficultés politiques tenant notamment à l'image de cette organisation dans le monde musulman ; - le contingent français n'est pas « bloqué » en Ouzbékistan. Il a été rapproché, autant que possible, du lieu de sa mission pour pouvoir s'y déployer aussitôt que la situation s'y prêtera. Tel n'était pas le cas jusqu'ici, faute d'accord entre chefs afghans. M. René Galy-Dejean a demandé pourquoi l'ONU n'avait pas adopté de résolution autorisant explicitement l'intervention de troupes étrangères en Afghanistan pour assurer la sécurité des convois humanitaires. Le Général Jean-Pierre Kelche a observé qu'une telle résolution faciliterait certainement le déploiement des forces britanniques et françaises en Afghanistan. Le Président Paul Quilès a précisé que la résolution n° 1378 invitait les Etats membres de l'ONU à prendre les mesures nécessaires en vue de faciliter l'action humanitaire en Afghanistan mais ne fixait pas de mandat pour le déploiement de forces militaires. Il a ensuite souligné l'intérêt des précisions du Chef d'état-major des Armées pour le travail de la mission d'information sur les conséquences pour la France des attentats du 11 septembre, dont il a estimé que les conclusions contribueraient à clarifier un débat encore confus. M. Charles Cova a souligné que le Chef d'état-major de l'armée de Terre, lors de son audition par la Commission sur le projet de budget de la Défense pour 2002, avait estimé essentiel, voire vital, que les forces terrestres soient dotées d'équipements modernes pour accomplir leurs missions. Puis, il a jugé que les problèmes de disponibilité du Charles de Gaulle illustraient la nécessité de prévoir la construction d'un second porte-avions dès la programmation militaire pour les années 2003-2008. Il s'est enfin interrogé sur les raisons pour lesquelles les réservistes de la Gendarmerie attendaient depuis plusieurs mois d'être rémunérés pour les prestations qu'ils avaient effectuées. Le Général Jean-Pierre Kelche a apporté les éléments de réponse suivants : - il n'appartient pas au Chef d'état-major des Armées de gérer le budget de la Gendarmerie nationale. Néanmoins, il est nécessaire de veiller à ce que les réservistes soient indemnisés lorsqu'ils ont effectué des missions pour le compte des armées ; - si l'armée de Terre a bien évidemment besoin de davantage de matériels modernes, le niveau d'équipement des forces reste malgré tout acceptable au regard de leurs engagements sans pour autant être optimisé. Les retards de modernisation n'ont pas de conséquence décisive sur la capacité opérationnelle actuelle des forces et ne mettent pas en danger la vie des soldats. La première préoccupation est actuellement de relever le taux de disponibilité opérationnelle des équipements. Certains résultats ont été obtenus. A titre d'exemple, le taux de disponibilité opérationnelle des chars Leclerc s'élève aujourd'hui à 65 %. Les efforts entrepris doivent cependant se poursuivre pour parvenir à des taux plus satisfaisants ; - l'absence de second porte-avions français a une incidence moindre dans un cadre d'intervention européen puisque les porte-aéronefs britanniques, italien et espagnol peuvent relayer le groupe aéronaval si nécessaire. Cette option est envisagée en mer d'Oman. Il n'en demeure pas moins que la permanence de la capacité française nécessiterait un second porte-avions. Par ailleurs, les forces aériennes françaises peuvent tout à fait intervenir dans le cadre d'une rotation européenne au Nord de l'Afghanistan. III. - AUDITION DE M. JEAN-MARIE POIMBOEUF, DIRECTEUR DE DCN La Commission de la Défense, sous la présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président, a entendu M. Jean-Marie Poimboeuf, Directeur de DCN, le jeudi 29 novembre 2001, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001. M. Jean-Marie Poimboeuf, Directeur de DCN, a d'abord resitué le projet de réforme du statut de l'entreprise dans le cadre de l'évolution de l'industrie européenne d'armement, en soulignant des facteurs qu'il a qualifiés de structurants. A cet égard, il a insisté sur la tendance à la concentration de la demande reflétée notamment par la mise en place de l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) et sur l'importance des restructurations industrielles déjà accomplies qui concernent désormais le secteur de la construction navale militaire, après ceux des industries aéronautiques et de l'électronique de défense. Mentionnant à titre d'exemple le groupe allemand HDW, principal concurrent de DCN dans le domaine des sous-marins à propulsion conventionnelle, M. Jean-Marie Poimboeuf a rappelé que ce groupe avait déjà racheté les activités de construction navale de l'industriel suédois Kockums puis noué des accords avec le chantier italien Fincantieri et, le mois dernier, acquis l'entreprise grecque Scaramanda. Il a également évoqué les discussions actuellement conduites entre HDW et le chantier espagnol Izar, principal partenaire de DCN pour les activités de construction de sous-marins classiques, soulignant qu'elles démontraient à l'évidence que les restructurations se poursuivaient encore. Puis, il a fait observer que la pression sur les prix qui résultait des réductions généralement constatées dans les budgets de défense imposait aux états-majors comme à la Direction générale pour l'Armement de rechercher les meilleurs systèmes aux meilleurs coûts. Il a alors souligné que, face à une telle situation, DCN n'était pas restée sans réaction puisqu'elle avait déjà mené à bien la spécialisation de l'ensemble de ses établissements et adapté son outil industriel en ramenant ses effectifs de quelque 28 000 agents au début des années 90 à 14 800 aujourd'hui. Il a toutefois signalé que des besoins en recrutement étaient apparus pour certaines spécialités techniques et jugé nécessaire d'y pourvoir dans les meilleurs délais. Il a par ailleurs souligné que DCN s'était dotée d'un nouvel outil de gestion économique et financier permettant de faire évoluer ses comptes vers un véritable système de comptabilité d'entreprise. Il a également indiqué que des schémas directeurs dont l'application se poursuit actuellement avaient été arrêtés pour chacun des sites industriels. Puis, il a souligné le renforcement en cours du professionnalisme de l'ensemble des postes de travail liés aux fonctions d'achat, tout en insistant sur les limites que le statut d'administration particulier à DCN imposait aux efforts d'amélioration de sa compétitivité. Il a alors jugé pleinement justifiée la décision prise par le Gouvernement, le 6 juillet dernier, de transformer DCN en entreprise nationale. Puis, il a rappelé les principes de cette réforme : constitution de DCN en société, maintien des statuts particuliers aux personnels actuellement en fonction à DCN, conclusion d'un contrat d'entreprise fixant durablement les relations financières de DCN avec l'Etat. Evoquant ensuite la concertation conduite avec les partenaires sociaux, le Directeur de DCN a indiqué qu'il avait présidé, depuis le mois de juillet dernier, quatre réunions plénières avec les organisations syndicales représentatives et adressé de façon individuelle quatre lettres explicatives sur la réforme à chacun des agents de l'entreprise. Il a également signalé qu'une « boîte aux lettres » électronique avait été ouverte afin de répondre à toutes les questions directement posées par ces agents, notamment sur les conséquences de la réforme à l'égard de leur situation personnelle. Le Directeur de DCN a ajouté que l'un de ses adjoints, responsable de la préparation de la réforme, effectuait actuellement un tour des établissements et aurait rencontré, au terme de cette série de visites, l'ensemble du personnel d'encadrement, soit plus de 2 000 personnes. S'agissant de la situation spécifique de certaines catégories professionnelles, M. Jean-Marie Poimboeuf a souligné qu'il s'était personnellement engagé à recevoir leurs représentants. Il a à ce propos indiqué qu'il avait déjà reçu les représentants des techniciens supérieurs d'étude et de fabrication (TSEF) et qu'il s'apprêtait à rencontrer prochainement ceux des secrétaires administratifs. Il a alors insisté sur le rôle de la concertation au cours des différentes étapes d'élaboration du projet de réforme, en indiquant par exemple qu'elle avait permis de mieux expliciter le caractère étatique de la future entreprise nationale et de préciser que la conclusion du contrat d'entreprise interviendrait préalablement à son premier exercice d'activité. Il a également souligné que, grâce à la concertation, les possibilités de mise à disposition des ouvriers d'Etat, initialement limitées à quinze ans, seraient désormais ouvertes à chacun jusqu'au terme de la carrière. Il a en outre indiqué qu'à la suite des remarques des partenaires sociaux sur le caractère relativement bref des dispositions législatives proposées, un document explicatif leur avait été adressé afin de développer l'essentiel des mesures à prendre par la voie réglementaire. Il a précisé qu'après avoir recueilli les observations des organisations syndicales sur ce document, le Ministre de la Défense avait accepté d'en signer une version finale. Après avoir souligné que l'article 36 du projet de loi, son exposé des motifs et le document explicatif constituaient un ensemble cohérent, il a indiqué que le premier projet de décret d'application serait probablement adressé aux organisations syndicales au cours de la prochaine semaine. Abordant ensuite le contrat d'entreprise, il a précisé qu'il énoncerait les mesures d'accompagnement et de soutien dont bénéficierait la nouvelle société pour le démarrage de ses activités, en matière notamment de restructuration de sites ou de développement de produits nouveaux. Il a ajouté que ces mesures comprendraient plus généralement des garanties d'activité tant pour les principaux programmes de constructions neuves comme ceux des frégates multimissions ou des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda que pour les opérations de maintien en condition opérationnelle. Il a ajouté que le contrat d'entreprise ouvrirait des perspectives de recrutement de nouveaux employés pour des métiers dont les qualifications sont absolument nécessaires. Il a alors précisé que l'architecture du contrat d'entreprise avait d'ores et déjà été esquissée et qu'une première version en serait prochainement transmise aux partenaires sociaux. Il a ajouté que, dès le mois de février 2002, les principales dispositions relatives à son contenu ainsi qu'aux premières activités qui seront attribuées à DCN devraient être définies. En conclusion, M. Jean-Marie Poimboeuf a souligné que la réforme, qui avait pour but de conforter l'entreprise dans sa capacité à affronter ses concurrents, s'effectuerait dans la concertation et de manière progressive et organisée. Relevant que les principaux éléments du contrat d'entreprise seraient connus en février 2002, M. Robert Gaïa, Président, a demandé à quelle date serait précisée leur déclinaison par site. Notant également qu'il était prévu que la future société de préfiguration procède à des recrutements dans les fonctions commerciale et administrative, il s'est inquiété des embauches dans les métiers de production, où le manque de personnel était patent. M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur la date précise prévue pour la constitution de la société de préfiguration, qui semblait imminente. Il a ensuite demandé quel était le statut de la note explicative fournie au personnel et quelles autorités elle engageait. Il a ensuite fait état de l'appréhension que semblaient ressentir les TSEF sur leur place et leur statut au sein de la nouvelle société, alors qu'ils devraient en être des acteurs déterminants et qu'ils croyaient à l'avenir de DCN. M. Bernard Cazeneuve s'est interrogé sur l'intérêt d'une simple note explicative au personnel alors que la préparation des décrets d'application semblait très avancée. M. Jean-Noël Kerdraon a relevé que les dispositions envisagées semblaient laisser le choix à la nouvelle société de proposer une évolution de la situation à certains plutôt qu'à d'autres, tout en permettant une diversité des statuts. Il s'est alors interrogé sur les clivages au sein du personnel que cette situation risquait de créer. Il a également évoqué la situation des TSEF qui n'ont pas pu accéder au corps des ingénieurs d'étude et de fabrication (IEF). Puis il a demandé quelles étaient les prévisions quant à l'évolution du produit de la taxe professionnelle payée par DCN. S'interrogeant sur la convention collective qui serait adoptée par la nouvelle société, il a demandé si celle de la métallurgie serait reprise ou si un autre dispositif serait négocié. M. Jean-Noël Kerdraon a ensuite insisté sur la nécessité pour la nouvelle société de disposer d'un personnel formé à la gestion des ressources humaines. Enfin, il a tenu à remercier M. Jean-Marie Poimboeuf, estimant que son charisme et son expérience, conjugués à la volonté politique du Ministre de la Défense, avaient permis de réunir les conditions du sauvetage de DCN. M. Jean-Claude Sandrier a interrogé M. Jean-Marie Poimboeuf sur l'évolution de l'attitude des syndicats qui, après avoir assez bien accepté l'accord du 6 juillet, exprimaient aujourd'hui leur désaccord avec le texte proposé en regrettant de n'avoir pas été suffisamment associés à son élaboration. Il a ensuite demandé quelle serait la valeur du document explicatif mentionné par le Directeur de DCN. Enfin, il a demandé des précisions sur la valeur de l'engagement de l'Etat concernant le plan de charges de la future société. M. Jean-Claude Viollet s'est enquis du montant et de la nature du capital de la nouvelle société. Il a également souhaité obtenir des éclaircissements sur la mise à disposition des ouvriers de l'Etat et sur les limites statutaires du détachement. Après s'être interrogé sur la difficulté d'intégrer les spécialités de DCN dans une convention collective existante, il a demandé dans quelles conditions les opérations en cours seraient reprises par la nouvelle société. Enfin, après avoir souligné la nécessité de préserver l'unité de DCN, il a interrogé M. Jean-Marie Poimboeuf sur la nature de ses filiales. M. Charles Cova a demandé si les choix de statut effectués individuellement par les personnels seraient irréversibles. M. Jean-Marie Poimboeuf a apporté les réponses suivantes : - les éléments du contrat d'entreprise qui seront présentés en février prochain ne comporteront pas seulement des indications globales sur la société, son positionnement, les recrutements à opérer, les axes d'action, mais aussi une déclinaison par site. Ainsi les besoins seront précisément chiffrés et DCN pourra les faire valoir utilement dans ses négociations avec l'Etat ; - il est prévu que la société de préfiguration procède à des recrutements dans les fonctions administrative, commerciale et de gestion des ressources humaines. Mais elle ne recrutera pas dans les métiers de production. En revanche, en 2002, DCN effectuera 260 recrutements, 120 de cadres, 100 de techniciens, et 40 d'ouvriers sous statut dans les domaines où les manques sont les plus criants : entretien des systèmes de propulsion et métiers de coque ; - la mise en place de la société de préfiguration est espérée avant Noël. Les projets de décret nommant les représentants de l'Etat sont prêts. Pour la nomination du Président, les discussions devraient s'achever la semaine prochaine ; - la note explicative représentera un engagement non pas simplement du Directeur de DCN mais du Ministre de la Défense. Le Ministre devrait signer cette note avant le 15 décembre, une fois la consultation des partenaires sociaux achevée. La note traitera à la fois du statut de l'entreprise, du contenu du contrat d'entreprise et du régime des personnels. Elle présentera l'avantage de constituer un engagement immédiat alors qu'il faudra plusieurs mois pour prendre l'ensemble des décrets d'application. Tous ces décrets seront néanmoins pris avant la fin de la législature ; - il a été exposé très clairement aux TSEF qu'ils faisaient partie non seulement de l'encadrement, mais des cadres de DCN, comme les secrétaires administratifs. Tant leurs diplômes que leur expérience leur confèrent sans contestation un statut de cadre aux termes de la convention collective. Pour les TSEF qui voudraient rester fonctionnaires, la difficulté réside dans la combinaison des règles du détachement et de la convention collective. La convention collective prévoit en effet pour les personnels cadres un niveau minimum de salaire alors que les règles du détachement fixent une rémunération maximale par rapport à celle du fonctionnaire dans les cadres. En conséquence, certains TSEF, notamment les plus jeunes, ne pourront percevoir en tant que fonctionnaires détachés le revenu minimum pour bénéficier du statut de cadre aux termes de la convention collective ; - la promotion sociale des meilleurs ouvriers est nécessaire à DCN comme dans toutes les entreprises. L'idée n'est pas de sélectionner arbitrairement certaines personnes mais de permettre aux meilleurs ouvriers de progresser pour devenir Employés techniciens agents de maîtrise (ETAM), voire ingénieurs ; - la taxe professionnelle payée par DCN devrait avoir plutôt tendance à augmenter, notamment en raison de la hausse de la masse salariale induite par l'embauche de cadres ; - la convention collective la plus adaptée est celle de la métallurgie. DCN a tout intérêt à s'intégrer à une convention existante plutôt qu'à en créer une spécifique pour une entreprise qui reste de taille limitée au sein du secteur industriel ; - la transformation de DCN représente une révolution culturelle pour beaucoup et a fait naître de profondes inquiétudes, ce qui peut expliquer que la concertation paraisse insuffisante aux organisations syndicales. Le travail d'écoute et d'explication doit être poursuivi pour faire accepter une évolution pour laquelle tout ne peut pas être écrit à l'avance ; - le capital de DCN devrait se situer aux alentours de 30 % du chiffre d'affaires, ce qui représente de 3 à 5 milliards de francs ; - le contrat d'entreprise pluriannuel sera limité dans la durée, mais une durée minimale de cinq ans paraît nécessaire pour que la situation de la société soit durablement consolidée ; - les engagements de plan de charges de l'Etat devront se concilier avec le respect des règles du Code des marchés publics ; - la reprise globale des contrats en cours ne posera pas de difficulté particulière ; - des filiales sont nécessaires pour que DCN puisse fonctionner. Mais la loi offre des garanties puisqu'elle encadre strictement les cessions d'actifs des entreprises nationales ; - les ouvriers conserveront leur statut. Les personnels détachés pourront, conformément aux règles de la fonction publique, revenir au sein des services de l'Etat. IV. - AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES SYNDICATS DE DCN La Commission de la Défense, sous la présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président, a entendu les représentants des syndicats de DCN, le jeudi 29 novembre 2001, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001. M. Robert Gaïa, Président, a souligné que les fédérations syndicales des personnels de DCN avaient eu très récemment l'occasion d'exposer leur point de vue sur la réforme de l'entreprise au Ministre de la Défense et à plusieurs membres de la Commission, dont son rapporteur pour avis. Puis il a invité les représentants des fédérations syndicales à préciser leurs observations et demandes concernant les différents aspects de la réforme du statut de DCN, soumise à l'examen du Parlement. Intervenant au nom de l'ensemble des fédérations syndicales, M. Jacques Lépinard, Secrétaire général de la Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat - CFDT/FEAE, a lu la déclaration commune suivante : « Depuis le 6 juillet, le gouvernement a engagé un processus d'évolution statutaire de DCN selon des formes et des méthodes qui ont suscité le rejet unanime des organisations syndicales et des personnels. La formule retenue consistant à adopter un article unique (l'article 36) inclus dans une loi de finances rectificative, limite fortement le débat, tant avec les organisations syndicales qu'avec les représentants de la Nation. De fait, les garanties concernant l'avenir industriel de l'entreprise ne sont pas apportées et le traitement des personnels se fera de façon très inégalitaire. En conséquence nous vous demandons de ne pas voter ce texte en l'état. » M. Robert Gaïa, Président, a souhaité que les représentants des fédérations syndicales des personnels de DCN explicitent leurs critiques à l'encontre de l'article 36 du projet de loi de finances rectificative et formulent leurs propositions pour en améliorer la rédaction. M. Albert Sparfel, Secrétaire général de la Fédération FO de la Défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés, a insisté sur la nécessité d'apporter des modifications concrètes aux dispositions soumises au Parlement. Il a regretté l'absence de précisions sur le contrat d'entreprise signé entre DCN et l'Etat et dénoncé les risques de traitement social inégalitaire des personnels. Il a ensuite exprimé son scepticisme quant à l'urgence de la réforme, estimant que l'organisation en service à compétence nationale, si elle avait été maintenue, aurait permis de préserver l'avenir de DCN. M. Jean-Michel Janeau, Représentant de l'Union nationale des syndicats autonomes - UNSA Défense, a considéré que le statut de société d'Etat n'apportait pas de garanties supplémentaires pour DCN et que le Parlement devait, s'il souhaitait préserver l'avenir des personnels, voter contre l'article 36 du projet de loi. M. Jacques Lépinard a fait valoir que l'article 36 du projet de loi n'était pas satisfaisant. Il a appelé les membres de la Commission à l'amender largement, de manière à accorder les garanties nécessaires aux personnels et à DCN. M. Daniel Albergucci, Représentant de la Fédération de l'encadrement civil de la Défense (FECD) - Défense CGC, a jugé l'article 36 du projet de loi trop limitatif. Il a estimé que l'engagement de l'Etat en faveur de DCN n'était pas visible et déploré l'absence de précisions sur le périmètre de l'entreprise et sur la pérennité et l'indivisibilité de ses établissements. Il a également regretté un traitement statutaire inégalitaire des personnels. M. Jean-Jacques Le Gourrierec, Secrétaire général de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la Défense, a jugé qu'il n'était pas satisfaisant d'engager une réforme aussi importante sur la base d'un article inséré dans un projet de loi de finances rectificative. Il a regretté que le potentiel d'évolution que présentait le statut de service à compétence nationale n'ait pas été suffisamment pris en compte et exploité. M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, a souligné que le Parlement disposait du pouvoir d'amender tout projet de loi et qu'il n'était nullement question qu'il abandonne cette prérogative à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2001. Il a souhaité recueillir les propositions d'amélioration des fédérations syndicales, demandant précisément ce qu'elles considéraient comme souhaitable en matière de garanties sur l'avenir industriel de DCN et de maintien des statuts. M. Pierre Lellouche s'est déclaré sensible aux préoccupations et aux inquiétudes formulées par les fédérations syndicales. Après avoir estimé qu'une réforme aussi importante aurait mérité un texte mieux préparé et plus détaillé présentant un projet industriel pour DCN, il a mis l'accent sur la nécessité de changer le statut de l'entreprise pour assurer sa pérennité, à l'image de ce qui s'était avéré nécessaire quelques années plus tôt pour France Télécom. Considérant qu'une déclaration liminaire appelant à voter contre l'article portant réforme du statut de DCN ne constituait pas en soi une position très constructive, il a demandé aux fédérations syndicales quelles étaient leurs propositions concernant l'avenir de l'entreprise. M. Jean-Claude Sandrier s'est interrogé sur deux points : quelle peut être la valeur du document dit explicatif émanant de la direction de DCN même validé voire signé par le Ministre de la Défense et quels sont les textes d'application à publier avant le terme de la législature qui s'appuieraient effectivement sur un tel document ? Il a estimé qu'en l'état de ses informations sur les conditions de mise en _uvre de l'article 36 du projet de loi, il lui paraissait difficile de le voter, à moins de l'amender très largement. M. Charles Sistach, Secrétaire de la Fédération FO de la Défense des industries de l'armement et des secteurs assimilés, a déploré que depuis le 6 juillet dernier, aucun véritable dialogue social n'ait été engagé à DCN. Puis il a regretté l'absence d'une vision claire de l'avenir de l'entreprise et de ses perspectives d'activité. Après avoir souligné que son organisation syndicale n'était plus en mesure d'engager ce débat à quelques jours de l'examen par le Parlement de l'article 36 du projet de loi, il a conclu qu'il lui semblait dans ces conditions de meilleure méthode de repousser un texte qui ne correspondait pas aux engagements pris par le Gouvernement le 6 juillet et était d'ailleurs fort éloigné des aspirations du personnel de DCN. Il a exprimé son désaccord avec le principe d'une limitation du cadre législatif de la réforme à la seule transformation de DCN en société anonyme à capitaux d'Etat, soulignant que l'exemple de Giat-Industries pouvait légitimement susciter des inquiétudes y compris au regard d'éventuels engagements énoncés dans un contrat d'entreprise. Il a rappelé à ce propos qu'à sa création il avait été promis à Giat-Industries une commande de 1 400 chars Leclerc pour la seule armée de Terre alors que dans les faits, le groupe ne lui livrera au total que 406 chars. M. Jean-Louis Naudet, Secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'Etat (FNTE-CGT), a déclaré partager les observations faites par ses collègues en faisant observer que la brièveté de la déclaration commune des organisations syndicales était directement proportionnelle à celle des dispositions du l'article 36 du projet de loi. Après avoir souligné que son organisation n'était pas en faveur du statu quo, il a demandé des mesures permettant à DCN de reconquérir des compétences. Puis il a estimé que la direction de DCN n'inspirait plus confiance aux agents de l'entreprise après des décisions telles que celle consistant à passer commande de son énergie électrique auprès d'un groupe belge aux dépens d'EDF. Il a souligné que son organisation qui n'avait toutefois pas demandé l'évolution vers le service à compétence nationale, regrettait que rien n'ait été fait pour donner une consistance à ce statut et ouvrir ainsi de nouvelles perspectives de développement à DCN. Il a ensuite dénoncé la précipitation dans laquelle se préparait une transformation statutaire qui pouvait aboutir dans les dix années à venir à une situation analogue à celle de Giat-Industries. Il a également estimé que, par l'intermédiaire de filiales et d'opérations financières faisant appel à des capitaux extérieurs, il était possible de faire perdre à l'Etat le contrôle d'un grand nombre d'activités tout en le laissant détenteur de la totalité du capital de la société mère. Faisant valoir que les travailleurs de DCN se refusaient à devenir les « Moulinex » de demain, il s'est inquiété des perspectives de plan de charges de l'entreprise, dès lors que la construction des nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD) de la Marine était déjà partiellement confiée aux Chantiers de l'Atlantique dont la presse annonce d'ailleurs une possible reprise par le groupe japonais Mitsubishi. Après avoir déploré qu'aucun plan de formation d'ensemble ne soit prévu pour les personnels et que les recrutements d'apprentis aient été abandonnés, M. Jean-Louis Naudet a considéré qu'il était d'autant plus difficile de croire à un futur positionnement stratégique de DCN que le Ministre de la Défense lui-même avait récemment déclaré qu'elle serait d'ores et déjà déficitaire si on lui appliquait les normes de la comptabilité commerciale. M. Jacques Lépinard a tenu à préciser qu'après l'annonce gouvernementale du 6 juillet, le premier projet de texte législatif n'avait été transmis aux syndicats qu'au début du mois d'octobre et que le document explicatif d'accompagnement non signé n'avait été porté à leur connaissance qu'au cours du mois de novembre. Il a considéré que désormais les organisations syndicales avaient le sentiment de ne plus savoir avec quelle autorité publique elles devaient négocier, notamment en raison de la succession des différentes versions des documents mis en circulation afin d'expliquer l'objet même de la réforme. S'agissant des politiques d'investissement et de recrutement, il a déploré les blocages du ministère de l'Economie et des Finances en précisant que dans un tel contexte il était difficile d'attendre un plan de charges réellement favorable pour les années à venir. M. Jean-Michel Janeau a estimé qu'il n'était pas possible de modifier de manière aussi fondamentale le statut d'une entreprise publique sans connaître, dans le même temps, les termes du contrat d'entreprise qui la lieront à l'Etat. Après s'être interrogé sur les possibilités d'obtenir l'adhésion du personnel en procédant de la sorte, il a regretté que la mise en place du statut de service à compétence nationale n'ait pas été accompagnée des moyens de sa réussite. Il a ensuite rappelé que la création d'une société anonyme avait déjà été envisagée dans le projet « Azur » élaboré par la Direction de DCN puis retiré devant l'hostilité des syndicats, en ajoutant qu'en tout état de cause, ce changement statutaire ne garantissait nullement l'avenir si l'entreprise ne disposait pas d'emblée d'une capitalisation suffisante. M. Jean-Michel Janeau a également qualifié d'aberrante la disposition du projet de loi permettant les mises à disposition de personnels dans les filiales sans limitation. Plus généralement, il a estimé nécessaire d'obtenir des garanties sur la situation des personnels avant et non pas après le vote de la loi, faisant valoir que, dans la réforme proposée, les fonctionnaires étaient encore moins bien traités que les ouvriers d'Etat. M. Albert Sparfel a jugé que le document explicatif signé par le Ministre qu'il était envisagé de diffuser avait pour finalité d'apaiser les craintes du personnel. Il a attiré l'attention sur la vivacité des réactions possibles si les assurances contenues dans ce texte se révélaient fallacieuses. Craignant que la présentation d'un texte aussi bref et elliptique devant le Parlement n'ait pour but de permettre à la Direction et au Gouvernement de se dispenser de répondre aux interrogations et aux propositions du personnel, il a exprimé son inquiétude devant une telle façon de préparer l'avenir. Il s'est également déclaré surpris que dans le secteur de la défense, on puisse fonder un projet industriel sur l'exportation. Soulignant que le personnel de DCN pouvait considérer qu'il était confronté à des mesures de fragilisation de l'entreprise, eu égard aux pertes de compétences acceptées, aux insuffisances de recrutement et à la fermeture de centres de formation, M. Le Gourrierec a insisté sur la légitimité des inquiétudes de ce personnel face à un texte législatif aussi bref, alors même qu'il était conscient de la nécessité d'une évolution. M. Daniel Albergucci a également fait état d'une perte de confiance des personnels. Il a regretté qu'un nouveau projet qui représentait un véritable saut dans l'inconnu soit engagé sans qu'aucun bilan des réformes précédentes, jamais conduites à leur terme, n'ait été fait. M. Jacques Lépinard a estimé que la disparition, dans le texte présenté, de la notion de contrat pluriannuel renouvelable n'avait rien de rassurant. Après avoir rappelé que, lors de l'audition du Ministre de la Défense, il avait soulevé la question du statut de la nouvelle DCN, de son capital et de ses perspectives, M. Pierre Lellouche a estimé que cette question n'était pas traitée par l'article 36 du projet de loi et fait part de sa crainte que soit constituée une société au statut mal défini, comparable à Giat-Industries. Il a ensuite demandé aux représentants des organisations syndicales s'ils étaient prêts à accepter une évolution de DCN vers un statut de société apte à prendre des participations et à conclure des alliances industrielles, tout en employant des personnels sous statut public et privé, à l'exemple de France Télécom. Il a alors indiqué que, s'ils souhaitaient qu'elle reste un organisme étatique vivant des commandes de l'Etat, il lui serait difficile d'approuver leur démarche. Convenant qu'un projet de loi plus détaillé aurait été préférable, M. Bernard Cazeneuve a souligné que la surcharge du calendrier parlementaire et l'urgence de la réforme avaient obligé le Gouvernement à choisir la voie d'un article inséré dans le projet de loi de finances rectificative. Il a ensuite indiqué que le projet de loi ne prévoyait pas la transformation de DCN en entreprise de droit commun mais en société nationale, au capital détenu à 100 % par l'Etat. Précisant qu'il considérait cette évolution comme un point d'aboutissement, il a ajouté que l'article 36 du projet de loi rendait impossible l'ouverture du capital de DCN sans une nouvelle disposition législative. Il s'est félicité de cette garantie qui consacrait le principe de la maîtrise de l'Etat sur la construction navale militaire. M. Charles Cova a regretté qu'une réforme aussi importante fasse l'objet d'un article d'une loi de finances rectificative et non d'une loi spécifique. Estimant que la disposition proposée ne répondait pas aux questions soulevées par la situation de DCN, il a indiqué qu'il voterait contre. M. Albert Sparfel a souligné qu'en demandant le rejet de l'article 36 du projet de loi en l'état, son syndicat exprimait les craintes et les attentes de ses mandants. Il a souligné que les salariés de DCN, tout en étant conscients des réalités de l'environnement de l'entreprise, se souvenaient des promesses non tenues qui avaient contribué à ruiner leur confiance dans leur direction et ses autorités de tutelle. Evoquant les réticences attribuées au ministère de l'Economie et des Finances en raison des incidences financières de la réforme, il a réclamé la clarté à ce sujet. Il a conclu en soulignant le caractère prudent de la position des syndicats qui témoigne de leur souci de conserver à la France un outil performant de construction neuve et d'entretien dans le domaine naval militaire. M. Jean-Michel Janeau a regretté que les projets de décrets d'application ne puissent pas être communiqués aux syndicats avant la mi-décembre. Puis il a jugé contradictoire d'affirmer que le capital de la société nouvelle resterait détenu à 100 % par l'Etat tout en justifiant le changement de statut par la nécessité d'engager des rapprochements européens, qui impliquaient nécessairement des alliances capitalistiques. Après avoir rappelé que la CGT était défavorable à l'ouverture du capital de DCN, M. Jean-Louis Naudet a considéré que la question principale portait sur la volonté politique de conserver un outil industriel indispensable à l'équipement de la Marine. Soulignant que l'application de la TVA allait renchérir le coût des fabrications de DCN pour la Marine, M. Jean-Louis Naudet a préconisé une modernisation de l'entreprise dans le cadre de son statut étatique, qui la préservait des contraintes de la concurrence et de la rentabilité commerciales. Enfin, considérant que le Gouvernement allait faire suivre à DCN le chemin pris par la SNPE puis par Giat-Industries, il a indiqué que la CGT refuserait de lui accorder un chèque en blanc pour une transformation de statut qui risquait de se reproduire dans les services de maintenance aéronautique et les centres d'essais. M. Pierre Lellouche s'est déclaré frappé par l'unité des organisations syndicales dans leur désaccord avec le texte proposé par le Gouvernement. Il a jugé recevables les arguments présentés par les fédérations syndicales dans la mesure où ils exprimaient une inquiétude pour l'avenir de l'entreprise et de ses personnels. Se référant à la création de la société anonyme France Télécom et à celle de l'établissement public Réseaux ferrés de France, il a estimé qu'une meilleure préparation de la réforme aurait été souhaitable. Après avoir exprimé ses doutes sur la possibilité que les projets de décrets d'application soient prêts avant le 20 décembre, il a souligné qu'un certain nombre d'interrogations majeures, relatives à la nature et à l'évolution du capital notamment, restaient sans réponse. Faisant valoir que le groupe RPR était favorable à une évolution du statut de DCN qui préserve l'avenir de l'entreprise, notamment en lui permettant de nouer des alliances industrielles, il a regretté que la réforme présentée par le Gouvernement ait été bâclée et s'apparente à une demande de « chèque en blanc » au Parlement. Il s'est alors prononcé contre l'adoption de l'article 36 du projet de loi. M. Bernard Cazeneuve a souligné que la représentation nationale devrait rester vigilante pour que la concertation sociale s'exerce lors de la préparation des décrets d'application. M. Jean-Yves Le Drian a déclaré qu'il ne présenterait pas d'amendement de suppression de l'article 36 du projet de loi de finances rectificative pour 2001. Il a plaidé pour que DCN quitte son statut d'administration pour devenir une société d'Etat à condition que l'unité de l'entreprise soit préservée, qu'un contrat d'entreprise fixe les engagements de l'Etat à son égard, que soit garanti le statut de ses personnels aujourd'hui et que son capital soit suffisant. Concevant que les personnels expriment des inquiétudes, il a estimé qu'il appartenait au Parlement de les dissiper à l'occasion de l'examen du texte. Il a ajouté que les projets de décret d'application de la loi seraient bientôt soumis à la concertation sociale et que les parlementaires y veilleraient. Il a également souhaité que le Parlement soit associé au suivi de la transition statutaire de DCN, de manière à ce que son vote ne s'apparente pas à un « chèque en blanc ». Il a enfin insisté sur la nécessité pour la société d'Etat de nouer des alliances en particulier à l'exportation, faisant valoir que sa personnalité morale lui permettra désormais de conclure des contrats sans passer par l'intermédiaire d'une autre entreprise. La Commission de la Défense s'est réunie le jeudi 29 novembre 2001, sous la présidence de M. Robert Gaïa, Vice-Président, pour examiner le projet de loi de finances rectificative pour 2001 (n° 3384), sur le rapport de M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis. Elle a tout d'abord procédé a l'examen de l'article 36 (Transformation de DCN en entreprise nationale). M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis, a rappelé que le Gouvernement avait arrêté, le 6 juillet 2001, la décision de transformer en société nationale DCN qui, par un décret du 12 avril 2000, avait accédé à l'appellation de « service à compétence nationale », ce qui ne lui conférait toutefois pas un nouveau statut, comme le rapporteur l'avait d'ailleurs souligné à plusieurs reprises. Il a souligné que les règles de la comptabilité publique découlant de la gestion de DCN dans le cadre d'un compte spécial du Trésor, comme d'ailleurs les contraintes du Code des marchés publics, s'avéraient incompatibles avec les impératifs de réactivité liés à la vie d'une entreprise de plus de 14 000 personnes. Il a ajouté que les restructurations déjà réalisées par les principaux concurrents européens de DCN et la pression à présent perceptible des chantiers navals américains et des grands groupes spécialisés dans les systèmes de combat renforçaient la nécessité de l'évolution statutaire pour faire valoir les atouts incontestables de DCN. Le rapporteur pour avis a ensuite insisté sur les principes régissant cette réforme : - le respect de l'unicité de l'entreprise, la nouvelle société DCN reprenant la totalité des activités industrielles de l'actuel service à compétence nationale ; - le contrôle intégral du capital de la société par l'Etat, se distinguant de toute privatisation même partielle et repoussant ainsi les risques d'un démantèlement ; - les garanties données aux ouvriers d'Etat ainsi qu'aux fonctionnaires et militaires affectés à DCN leur permettant de poursuivre leur carrière en conservant le bénéfice de leur statut. M. Jean-Yves Le Drian a néanmoins estimé qu'il convenait sans doute de mieux expliquer les principes mêmes de cette réforme afin de répondre aux légitimes interrogations des personnels et il a souhaité que le Parlement puisse être à même de suivre les conditions d'application de l'article 36 du projet de loi notamment pour ce qui concerne les dispositions relatives à la poursuite des carrières des personnels. S'agissant plus particulièrement des positions statutaires ouvertes aux fonctionnaires et aux militaires ainsi que des conditions dans lesquelles les contractuels se verront proposer un nouveau statut, il a souhaité que les textes d'application puissent prévoir le plus précisément possible toutes les mesures indispensables à une bonne mise en _uvre de la réforme. A cet égard, il a estimé qu'il est indispensable que les organisations syndicales connaissent, avant la fin de la procédure législative, les avants-projets de décrets d'application. Il a par ailleurs considéré que les délais qui s'imposaient désormais pour permettre à la société de débuter un premier exercice d'activité le 1er janvier 2003 apparaissaient relativement brefs dès lors qu'il convenait de poursuivre un certain nombre d'opérations de réorganisation et d'adresser aux personnels fonctionnaires, militaires et contractuels des propositions de contrats. Il a indiqué qu'un décret devrait intervenir très prochainement afin de mettre en place une société dite de préfiguration devant recruter quelques personnes dans les domaines de la gestion, du droit des sociétés et des ressources humaines. Puis, il a insisté sur l'importance du contrat d'entreprise qui résultera d'une négociation entre l'Etat et DCN et dont la conclusion devrait constituer l'un des préalables à l'entrée en vigueur de la réforme. Pour conclure, il a affirmé que DCN pouvait prétendre à un avenir prometteur si elle obtenait de réelles garanties de plan de charges et un niveau de fonds propres crédible. Il a souligné qu'en termes de marchés et de données économiques, la situation de DCN était foncièrement distincte de celle de Giat-Industries. Puis, après avoir observé qu'aucun interlocuteur syndical n'avait estimé que le statu quo constituait une voie d'avenir, il a souligné les conséquences d'un éventuel maintien pour DCN de ses actuelles conditions d'activité, en évoquant par exemple les paralysies entraînées par les dispositions du Code des marchés publics tant pour les opérations de construction neuve que pour celles d'entretien et de réparation. M. Jean-Claude Sandrier a regretté que le Gouvernement cherche à régler en moins de six mois un problème connu alors qu'il disposait de cinq années pour y apporter des solutions. Il a insisté sur le caractère tout autant politique qu'économique du problème posé par la réforme de DCN en déplorant qu'aucune solution acceptable n'ait été proposée dans le cadre du projet de loi alors que la quasi totalité des organisations syndicales reconnaissait la nécessité de donner à l'entreprise plus de souplesse et une meilleure réactivité dans sa gestion. Il a par ailleurs considéré que l'Etat avait souvent freiné les initiatives de DCN plutôt que de les encourager en estimant tout à fait anormal que les règles administratives et notamment celles de la comptabilité publique puissent à ce point desservir le développement d'une entreprise du secteur public. Il a également souligné qu'il n'était pas possible d'ignorer l'unité de la démarche syndicale à DCN, concrétisée par la présentation d'une déclaration commune par six organisations syndicales. Il s'est alors interrogé sur la possibilité d'introduire les précisions et garanties demandées par les syndicats dans un unique article a minima d'un projet de loi de finances rectificative. Il a également estimé maladroite la formulation de l'exposé des motifs qui liait le contrat d'entreprise non seulement à un objectif d'efficacité industrielle mais aussi de compétitivité, rappelant que cette notion, même si elle contenait aussi des connotations positives, pouvait apparaître comme peu rassurante, dans la mesure où elle avait été mise en avant pour justifier le changement de statut de Giat-Industries. Il a considéré qu'au sein de l'entreprise nouvelle, le fait que seuls les salariés de droit privé auraient le droit de vote au sein du comité d'entreprise, alors qu'elle serait au départ constituée fondamentalement de personnels d'Etat posait une difficulté d'ordre démocratique sérieuse pour laquelle il fallait trouver une solution. Il a ensuite exposé que la mise à l'écart par DCN d'EDF pour son alimentation en électricité au profit d'une société belge suscitait des interrogations légitimes sur les orientations de sa direction. Enfin, il s'est interrogé sur les garanties qui pouvaient être offertes à la société nouvelle par l'Etat en matière de plan de charges. Concluant que l'article 36 du projet de loi suscitait beaucoup d'interrogations, il a jugé indispensable qu'il soit répondu aux préoccupations du personnel et de leurs organisations syndicales. Il a alors demandé que les projets de l'Etat, en matière de soutien à l'entreprise, de plan de charges, de statut des personnels et d'association de ceux-ci à la décision soient soumis, avant la publication des décrets d'application, aux syndicats puis à un vote de l'ensemble des agents de DCN. Tout en déclarant comprendre la volonté de modernisation de DCN exprimée par la disposition proposée, il a alors jugé que, devant le nombre de questions qui restaient sans réponse, il n'était pas possible d'émettre un vote autre que négatif. M. Robert Gaïa, Président, a estimé que les fédérations syndicales des personnels de DCN étaient conscientes de la nécessité pour l'entreprise d'évoluer. Observant leur manque de confiance dans la réforme, il a considéré qu'il était désormais essentiel de mobiliser les personnels autour d'objectifs de performance. Il s'est à cet égard félicité de la mise en place d'une société de préfiguration, mieux à même de finaliser le processus de transformation de DCN. M. Jean-Yves Le Drian a partagé les observations de M. Jean-Claude Sandrier. Soulignant qu'il avait largement débattu de la réforme de DCN avec les fédérations syndicales, il a souligné qu'elles reconnaissaient toutes le besoin d'une évolution, ce qui était nouveau, et qu'elles insistaient sur les garanties à accorder aux personnels en place dans l'entreprise ainsi que sur la nécessité que l'Etat accompagne la transition statutaire. Après avoir indiqué qu'il était conscient des inquiétudes des personnels et de leur manque de confiance, consécutif aux profondes mutations de ces dernières années, il a fait valoir qu'il appartenait à la Commission de les rassurer en leur apportant les garanties nécessaires. La Commission a alors examiné les amendements à l'article 36. Elle a tout d'abord adopté un amendement présenté par le rapporteur pour avis ainsi que par MM. Bernard Cazeneuve, Robert Gaïa, Jean-Noël Kerdraon et Jean-Claude Viollet visant, d'une part, à lier la signature du contrat d'entreprise pluriannuel entre l'Etat et DCN au début du premier exercice d'activité de l'entreprise et, d'autre part, à faire obligation au Gouvernement de transmettre aux Commissions des Finances et de la Défense de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la nouvelle société chaque année jusqu'au terme de la période d'exécution du contrat d'entreprise. Sur proposition de MM. André Vauchez et Jean-Noël Kerdraon, le rapporteur a accepté de préciser dans le commentaire de l'amendement que le contrat d'entreprise pluriannuel devait avoir une durée de cinq ans renouvelable. Elle a ensuite évoqué la question du détachement et de la mise à disposition des agents de la nouvelle société et en particulier des fonctionnaires et des contractuels dès lors que le statut des ouvriers d'Etat apparaissait totalement garanti. Elle a décidé de demander au Gouvernement des assurances sur ce point, en se réservant la faculté d'amender le texte si les engagements n'étaient pas suffisants. La Commission a ensuite adopté un amendement présenté par le rapporteur pour avis ainsi que par MM. Bernard Cazeneuve, Robert Gaïa, Jean-Noël Kerdraon et Jean-Claude Viollet visant à préciser le domaine des décrets d'application de l'article 36. La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 36 ainsi modifié. Elle est alors passée à l'examen des articles 13 (Dépenses ordinaires des services militaires. Ouvertures), 14 (Dépenses en capital des services militaires. Ouvertures) et 16 (Ratification des crédits ouverts par décret d'avance) du projet de loi. M. Jean-Yves Le Drian a exposé que 900 millions de francs étaient ouverts par l'article 13 au titre III, pour des crédits de fonctionnement. Il a précisé que ces crédits s'ajoutaient à 3,362 milliards de francs ouverts par le décret d'avance du 8 octobre 2001, dont la ratification était demandée par l'article 16 et qui se décomposaient en 2,742 milliards de francs pour les rémunérations et 620 millions pour le fonctionnement. En 2001, le titre III aura ainsi été abondé au total de 4,262 milliards de francs. Le rapporteur pour avis a ajouté que, comme à l'accoutumée, ces abondements étaient plus que compensés par des annulations de crédits d'équipement, dont le total sur l'année, compte tenu de 10 millions de francs de subventions en capital ouvertes à l'article 14 pour l'ONERA, s'élevait à 6,066 milliards de francs, soit 7,27 % des crédits initiaux, niveau proche de celui de l'année 2000. Il a conclu que le solde faisait apparaître une contribution nette de la Défense de 1,8 milliard de francs à l'équilibre général du budget, en diminution de près de 1 milliard de francs par rapport à 2000. Il a alors indiqué que les opérations extérieures auront représenté en 2001 un surcoût de dépenses de 3,290 milliards de francs, 2,774 milliards de francs au titre III, répartis entre 2,038 milliards de francs pour les rémunérations et 735 millions de francs pour le fonctionnement, et 516 millions de francs au titre V. Exposant que ces surcoûts étaient très proches de ceux de 2000, qui s'établissaient à 3,255 milliards de francs, il a jugé cette situation logique, le Général Jean-Pierre Kelche ayant exposé, lors de son audition par la Commission, que la structure des opérations extérieures, qu'il s'agisse de leur nombre ou de leur intensité, ainsi que les effectifs qui y étaient affectés, avaient été du même ordre en 2001 qu'en 2000, tandis que l'impact financier des opérations en Afghanistan n'apparaîtrait qu'en 2002. Soulignant que les surcoûts de rémunérations des opérations extérieures étaient abondés à 100 %, il a fait remarquer que tel n'était pas le cas de l'ensemble des dépenses supplémentaires de fonctionnement, un solde de 259 millions de francs étant laissé à la charge des armées. Il a également considéré comme une anomalie le non-remboursement des 516 millions de francs de surcoûts du titre V. Le rapporteur pour avis a ajouté que la Gendarmerie avait bénéficié d'un effort important, 570 millions de francs étant ouverts pour le paiement de ses arriérés de loyers, réduits à 190 millions de francs, et 170 millions de francs lui étant accordés pour son fonctionnement, soit un total de 740 millions de francs. Il a précisé que le solde des ouvertures permettait de couvrir la hausse du carburant par rapport aux prévisions, diverses mesures indemnitaires, l'application des mesures dites « Sapin », et enfin, pour 60 millions de francs, des arriérés de cotisation de la France au budget militaire de l'OTAN. Au bout du compte, il a jugé que la gestion du titre III ne devrait laisser subsister qu'un faible report de charges, de 300 millions de francs environ, permettant un début de gestion 2002 plutôt sain. S'agissant des annulations, le rapporteur pour avis a indiqué que cette année encore il ne s'agissait pas de régulation, mais qu'elles accompagnaient une dépense qui restait inférieure aux crédits ouverts. Il a rappelé les éléments évoqués par M. François Lamy, rapporteur pour avis, en 2000, pour en rendre compte : surdotations de certains chapitres, repérées par la Cour des comptes, diminutions de prix obtenues par la DGA, notamment du fait des commandes globales, retards de signature de programmes en coopération. Il a cependant fait observer que, pour la première fois depuis 1998, aucune réforme de procédure comptable n'était venue bloquer la dépense. Il a exposé que l'exécution des crédits avait donc démarré normalement, au début d'exercice et que la dépense attendue en 2001 serait supérieure d'1 à 3 milliards de francs à celle de 2000, qui s'établirait à 70 milliards de francs soit un niveau supérieur d'1 milliard de francs à celui de 1999. Il a estimé que cette progression devrait se poursuivre, les autorisations de programmes engagées étaient passées de 79 milliards de francs en 1998 à 85,7 milliards de francs en 1999 et à 107,4 milliards de francs en 2000, et devant atteindre 120 milliards de francs en 2001 si des autorisations de programme pouvaient être engagées pour l'A 400 M. Se félicitant de cette progression, qui rapprochait la dépense des crédits accordés, il a cependant fait observer qu'elle rendait de plus en plus nécessaire le financement des opérations extérieures en loi de finances initiale, comme la Commission l'avait encore demandé l'an dernier, ainsi que, à un moment où l'entretien programmé des matériels était profondément réformé, la couverture des surcoûts des opérations extérieures au titre V. Il a souligné qu'il convenait d'éviter que la reprise de la dépense d'équipement des forces aboutisse à ce que le financement des opérations extérieures vienne contraindre le budget normal de fonctionnement. Abordant l'article 14 du projet de loi, qui met en place 23,7 milliards de francs d'autorisations de programmes, il a indiqué qu'il s'agissait de financer d'une part la deuxième partie de la commande de 50 avions de transport militaire A 400 M, pour 23,7 milliards de francs, et d'autre part, pour 3 milliards de francs, les programmes de réponse à la menace issue des attentats du 11 septembre, que le Général Jean-Pierre Kelche, Chef d'état-major des Armées, avait présentés à la Commission. Il a précisé qu'à l'origine, il était prévu 18 milliards de francs d'ouvertures de programmes nettes, pour le financement du programme d'avions A 400 M, tandis que 2,2 milliards de francs d'autorisations de programme du titre III, devenues sans objet, et 3,5 milliards de francs d'autorisations de programme du titre V, devaient être annulées en contrepartie de l'ouverture des 5,7 milliards de francs supplémentaires nécessaires. Après le 11 septembre, 3 des 3,5 milliards de francs d'autorisations de programme qu'il était prévu d'annuler au titre V ont été finalement maintenus et affectés aux programmes décrits par le Chef d'état-major des Armées. Les ouvertures nettes sont ainsi passées de 18 à 21 milliards de francs. Eu égard notamment aux évolutions favorables des autorisations de programme, le rapporteur pour avis a alors proposé à la Commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des articles 13, 14 et 16 du projet de loi. La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des articles 13, 14 et 16 du projet de loi. Elle a enfin émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2001. AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION Article 36 Amendement n°28 présenté par M. Jean-Yves Le Drian rapporteur pour avis, et par MM. Bernard Cazeneuve, Robert Gaïa, Jean-Noël Kerdraon et Jean-Claude Viollet : Rédiger ainsi la dernière phrase du premier paragraphe de l'article : « Un contrat d'entreprise pluriannuel est conclu entre l'Etat et l'entreprise nationale. Sa conclusion doit intervenir avant le début du premier exercice d'activité de l'entreprise nationale. Ce contrat fixe les relations financières avec l'Etat et les objectifs économiques et sociaux qui sont assignés à l'entreprise en contrepartie d'une garantie d'activité sur la période d'exécution du contrat d'entreprise. Le Gouvernement transmet, avant le 31 décembre 2002, aux commissions des Finances et de la Défense de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la nouvelle société, puis chaque année, jusqu'au terme de la période d'exécution du contrat. » Amendement n°41 présenté par M. Jean-Yves Le Drian rapporteur pour avis, et par MM. Bernard Cazeneuve, Robert Gaïa, Jean-Noël Kerdraon et Jean-Claude Viollet : Rédiger ainsi la dernière phrase du second paragraphe de l'article : « Des décrets en Conseil d'Etat définissent les modalités d'application de cet article et notamment les modalités financières des mises à disposition, les conditions de représentation au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des personnels exerçant leurs activités au sein de l'entreprise nationale ou des filiales qu'elle contrôle, ainsi que les conditions de réaffectation dans les services de l'Etat. » ________________________________ 3428. - Rapport de M. Jean-Yves Le Drian au nom de la commission de la défense, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2001. 1 Dans son récent rapport sur les industries d'armement de l'Etat, la Cour des comptes estime à 38 % du montant du contrat, la perte industrielle subie par DCN pour la réalisation des deux plates-formes livrées en 2000 à des clients privés. 2 Nouveaux transports de chalands de débarquement. 3 Cf copie de la lettre du Ministre de la Défense du 30 octobre 2001, publiée en annexe à l'avis budgétaire « Marine » pour 2002 (N° 3323). 4 Description concernant exclusivement les emplois en métropole. © Assemblée nationale |