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le 22 janvier 2002

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N° 3535

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine,

PAR M. JEAN-YVES GATEAUD,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 173, 174, 228, 229, 432 et T.A. 111, 112 (2000-2001) ; 139 et T.A. 40 (2001-2002)

Assemblée nationale : 3158, 3159, 3512

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA COOPÉRATION JUDICIAIRE
AVEC LES PAYS D'AMÉRIQUE LATINE
7

A - L'ARGENTINE : LA SOLIDITÉ DE L'ETAT DE DROIT MALGRÉ
UNE DOUBLE CRISE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE
7

B - LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE : UNE DÉMOCRATIE DÉSORMAIS
BIEN ANCRÉE
8

II - DES CONVENTIONS D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE ET D'EXTRADITION CLASSIQUES 10

A - LES CONVENTIONS D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
AVEC L'ARGENTINE ET LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
10

B - LA CONVENTION D'EXTRADITION AVEC LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 10

CONCLUSION 12

EXAMEN EN COMMISSION 14

Mesdames, Messieurs,

Les années 1990 ont vu le retour ou l'émergence de régimes démocratiques dans la quasi-totalité des pays d'Amérique latine, région habituée jusque là à de fréquents coups d'Etat militaires. L'approfondissement de l'Etat de droit a ainsi conduit la France à chercher à étendre son réseau conventionnel en matière de coopération judiciaire avec les pays d'Amérique latine. Ceux-ci disposent en effet dorénavant de systèmes judiciaires comparables au nôtre.

Ainsi, notre Assemblée est régulièrement saisie depuis quelques années de projets de loi autorisant l'approbation de conventions de coopération judiciaire (entraide pénale ou extradition) avec des pays d'Amérique latine. Ce mouvement a été entamé par la signature avec le Mexique en 1994 de conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition. Ces deux conventions ont par la suite servi de modèles dans les négociations entamées avec de nombreux pays. Ces négociations ont notamment abouti avec le Brésil, la Colombie, l'Uruguay, le Paraguay, et avec l'Argentine et la République dominicaine qui sont concernées par les trois conventions que nous examinons aujourd'hui.

En effet, la France a conclu des conventions d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Argentine le 14 octobre 1998, et avec la République dominicaine le 14 janvier 1999, de même qu'une convention d'extradition avec ce pays le 7 mars 2000.

I - LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA COOPÉRATION JUDICIAIRE AVEC LES PAYS D'AMÉRIQUE LATINE

A - L'Argentine : la solidité de l'Etat de droit malgré une double crise économique et politique

L'Argentine est entrée en 1998 dans une profonde récession après avoir mené depuis 1991 une politique économique manifestement inadaptée à ses structures productives. L'alignement du peso sur le dollar a en effet gravement nui à la compétitivité de l'économie nationale, qui a ainsi lourdement souffert de la dévaluation du réal brésilien en 1998.

L'arrivée au pouvoir du président radical Ferdinand de la Rua à la fin de 1999 n'a pas entraîné de modification de la politique économique, l'ancien ministre de l'économie du président Carlos Menem, Domingo Cavallo, l'inspirateur de la parité peso/dollar étant même rappelé afin de rassurer les institutions financières internationales. Mais cet objectif ne fut pas atteint, comme l'a montré le refus du FMI de procéder à une aide financière supplémentaire en décembre 2001, tandis que la crise sociale s'approfondissait. En effet, alors même que la récession avait déjà entraîné une forte hausse du chômage et une baisse du revenu des ménages, le gouvernement a choisi, pour faire face à l'approfondissement de la crise, de réduire les traitements des fonctionnaires, les dépenses publiques en général, et de restreindre très strictement les possibilités de retirer des liquidités.

L'annonce de ces nouveaux sacrifices à une population déjà fortement fragilisée par trois années de récession a induit un puissant mouvement de protestation, conduisant à la démission du président de la Rua. Au bout d'une semaine, le nouveau président, le péroniste Rodriguez Saa, renonce à son tour et est remplacé par M. Eduardo Duhalde. Ce dernier est partisan d'un changement de cap de la politique économique, passant notamment par la dévaluation du peso.

La profonde crise que traverse actuellement l'Argentine n'a malheureusement pas été épargnée par les violences, qui ont fait une vingtaine de morts. Cependant, il faut noter que les événements du mois de décembre ont été aussi le révélateur d'une certaine maturité de la société argentine dans son rapport à l'Etat de droit. En effet, alors que l'Argentine a connu de multiples coups d'Etat au XXème siècle, lors de la dernière crise, les procédures constitutionnelles ont été dans l'ensemble respectées, notamment l'armée est restée impartiale. Le Gouvernement a été renversé non par la force, mais par des manifestants seulement armés de casseroles...

En conséquence, la gravité de la crise que traverse l'Argentine ne semble pas devoir empêcher un approfondissement de la coopération judiciaire entre nos deux pays, même si certaines institutions judiciaires, surtout la Cour suprême, ont été critiquées par les manifestants. En effet, depuis quelques temps, l'Argentine semble disposée à accepter davantage la coopération judiciaire internationale, notamment sur le difficile dossier des atrocités commises pendant les périodes de dictature militaire. Comme d'autres pays d'Amérique latine, l'Argentine avait choisi de ne pas affronter son passé en adoptant des lois d'amnistie en 1986 et 1987. Or, sous la pression constante des organisations de familles de disparus, les autorités judiciaires ont commencé à rouvrir certains dossiers en jugeant inconstitutionnelles les lois d'amnistie. Une application concrète de ce nouvel état d'esprit a constitué dans l'arrestation, à la demande de la Suède, du capitaine Astiz, surnommé « l'ange blond de la mort ».

B - La République dominicaine : une démocratie désormais bien ancrée

Dans un rapport1 récent de la Commission des Affaires étrangères réalisé à l'occasion du projet de loi autorisant l'approbation d'une convention de protection des investissements entre la France et la République dominicaine, Mme Martine Aurillac avait expliqué que la démocratie semblait s'y être affermie. En effet, l'élection en 2000 d'un président de gauche M. Hipolito Mejia a constitué la première véritable alternance de l'histoire du pays. Cette alternance s'est déroulée dans de bonnes conditions en dépit du retournement de la conjoncture américaine après une décennie de croissance forte et ininterrompue.

Dans ce contexte d'affermissement de la démocratie, il est apparu possible de resserrer les liens de coopération entre la France et la République dominicaine, notamment dans le domaine judiciaire. En effet, la République dominicaine se trouve dans une zone où la présence française est importante, du fait notamment de la proximité des départements d'outre-mer de la Guadeloupe et de la Martinique. De ce fait, il est utile pour les deux pays de disposer d'instruments de coopération judiciaire dans la mesure où les relations, notamment touristiques, entre les deux pays sont amenées à se développer. Or il est indispensable de veiller à ce que ce rapprochement ne bénéficie pas à des activités illicites (blanchiment, trafic de drogue...). La mise en _uvre des conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition est donc un moyen de lutter contre le développement de la criminalité transnationale.

II - DES CONVENTIONS D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE ET D'EXTRADITION CLASSIQUES

A - Les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Argentine et la République dominicaine

Les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale signées entre la France et l'Argentine le 14 octobre 1998 et entre la France et la République dominicaine le 14 janvier 1999 sont conformes aux principes inspirant la convention européenne sur l'entraide judiciaire en matière pénale de 1959. Elles sont également très proches des nombreuses conventions de ce type signées par la France avec des pays d'Amérique latine depuis le début des années 1990.

Le principe de l'entraide réside dans l'engagement des Etats à s'accorder mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. Ce principe est assorti des exceptions habituelles, l'entraide judiciaire ne concerne jamais l'exécution des décisions d'arrestation ni les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

Les possibilités de refus sont également habituelles, elle se rapportent aux infractions politiques et aux demandes d'entraide de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis.

Les différentes formes d'entraide possibles sont énumérées par les conventions (actes d'enquête et d'instruction, communication de pièces, comparution de témoins...). Les formes habituelles de la coopération judiciaire en matière pénale sont ainsi organisées selon les modalités généralement retenues.

B - La convention d'extradition avec la République dominicaine

La Convention signée le 7 mars 2000 est conforme aux principes généraux du droit français de l'extradition tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des conventions récemment conclues par la France, notamment avec des pays d'Amérique latine.

Les deux Etats s'engagent à se livrer réciproquement toute personne poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine. L'infraction doit revêtir un certain caractère de gravité : ne peuvent donner lieu à extradition que les infractions passibles d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans. Si l'extradition est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois.

Les cas de refus d'extradition prévus par la Convention sont classiques. L'extradition doit ainsi être refusée dans certains cas tels que les infractions politiques ou militaires. Elle doit être également refusée lorsque la personne réclamée a fait l'objet d'un jugement définitif pour infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée. Les autres cas de refus de droit s'inspirent des conventions d'extradition récemment conclues par la France. L'Etat requis doit refuser l'extradition s'il a de sérieuses raisons de croire que la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques. La même obligation s'impose lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou de protection des droits de la défense.

L'extradition doit également être refusée si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'Etat requérant, à moins que l'Etat requérant ne donne des assurances jugées suffisantes par l'Etat requis, que la peine capitale ne sera pas exécutée. Cette clause est traditionnelle dans les conventions signées par la France, bien que la peine capitale ne soit prévue par la législation française, ni par la législation dominicaine.

En ce qui concerne l'extradition des nationaux, la convention renvoie à la législation nationale, c'est à dire la loi de 1927 pour la France, qui interdit l'extradition des nationaux.

La convention énumère les cas dans lesquels l'extradition peut être refusée, notamment pour des considérations humanitaires.

Un certain nombre de garanties entourent la procédure et la personne extradée. La Convention réaffirme le principe de la spécialité de l'extradition. L'Etat requérant ne saurait tirer profit de la présence de l'extradé sur son territoire pour le poursuivre, le juger ou le détenir pour des faits différents de ceux ayant motivé l'extradition ou antérieurs à la remise de la personne réclamée, sauf exceptions limitativement énumérées. La Convention fixe également les conditions et la durée de la détention provisoire qui ne doit, en aucun cas, excéder soixante jours.

CONCLUSION

Le développement de la coopération judiciaire internationale est une nécessité impérative. Les progrès de l'Etat de droit en Amérique latine ont permis à la France de tisser dans cette région un réseau de conventions d'entraide judiciaire et d'extradition très dense. Ainsi, ces conventions avec l'Argentine et la République dominicaine permettront de confirmer cette tendance.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteur vous demande d'adopter les présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 16 janvier 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana a estimé que la mise en _uvre du mandat d'arrêt européen au sein de l'Union européenne allait réduire l'importance de l'extradition entre pays européens. Cela pourrait conduire ensuite à une redéfinition des conventions d'extradition signées entre les pays membres de l'Union et les pays tiers.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 3158,3159,3512).

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* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Les textes des conventions figurent en annexe aux projets de loi (nos 3158, 3159, 3512 ).

3535 - Rapport de M. Jean-Yves Gateaud sur : - conventions d'entraide judiciaire avec l'Argentine et la République dominicaine et convention d'extradition avec la République dominicaine -première lecture- (commission des affaires étrangères)

1 Rapport n°2960 (XIème législature)


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