Document
mis en distribution
le 14 février 2002

N° 3607
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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 13 février 2002.

N° 233
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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001 

 

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Annexe au procès-verbal de la séance
du 13 février 2002.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DE LA PROPOSITION DE LOI complétant la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des malades.

 

PAR M. JULIEN DRAY,
Député.

PAR M. JEAN-PIERRE SCHOSTECK,
Sénateur.

 

N° 3607.- Rapport de M. Julien Dray, au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi complétant la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des malades.

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(1) Cette commission est composée de : M. Bernard Roman, député, président ; M. René Garrec, sénateur, vice-président ; M. Julien Dray, député ; M. Jean-Pierre Schosteck, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires  : MM. André Vallini, Patrick Devedjian, Jean-Antoine Leonetti, André Gerin, Jean-Pierre Michel, députés ; MM. Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest, Paul Girod, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, sénateurs.

Membres suppléants  : Mme Christine Lazerges, MM. Gérard Gouzes, François Colcombet, Jean-Pierre Blazy, Bruno Le Roux, Christian Estrosi, Pascal Clément, députés ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Georges Othily, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, sénateurs.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3530, 3539 et T.A. 766.

Sénat : 194, 208 et T.A. 58 (2001-2002).

Justice.

MESDAMES, MESSIEURS,

La Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes s'est réunie, le 13 février 2002, à l'Assemblée nationale.

Elle a tout d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué : 

-  M. Bernard Roman, député, président ;

-  M. René Garrec, sénateur, vice-président.

La Commission a ensuite désigné M. Julien Dray, député, et M. Jean-Pierre Schosteck, sénateur, respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour le Sénat, a regretté que le Parlement ait été contraint de légiférer dans l'urgence sur des questions aussi essentielles que la procédure pénale. Il a indiqué que le Sénat avait néanmoins abordé ce débat avec la volonté de parvenir à un meilleur équilibre entre les droits des personnes et l'efficacité des enquêtes, sans porter atteinte aux fondements de la loi du 15 juin 2000, qu'il a qualifiée d'utile et nécessaire. Après avoir rappelé que le Sénat avait ainsi admis le bien fondé de certaines mesures proposées par l'Assemblée nationale, il a fait part, en revanche, de sa perplexité, voire de son hostilité, sur d'autres dispositions ; il a notamment évoqué la modification des modalités de l'information du parquet sur le placement en garde à vue, l'exigence de « raisons plausibles » plutôt que d'« indices » comme fondement de cette mesure, l'institution d'un régime particulier en matière de détention provisoire pour les réitérants, qui placerait ces derniers dans une situation moins favorable que les récidivistes. Puis, mentionnant les avancées nouvelles auxquelles le Sénat souhaiterait procéder, qui tendent à améliorer l'efficacité des procédures, mais également à mieux prendre en compte la situation des victimes, il a insisté sur le fait que la Haute assemblée s'était attachée à prendre en considération les observations de l'ensemble des acteurs de la politique pénale, magistrats comme policiers.

M. Julien Dray, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que cette proposition de loi était un texte attendu, qui répondait à un réel besoin de clarification juridique, soulignant que les deux assemblées le jugeaient nécessaire. Rappelant qu'il s'était rendu à de nombreuses reprises dans des commissariats de police dans le cadre de la mission que lui avait confiée le Premier ministre, il a fait état du sentiment général de suspicion que ressentent les policiers et estimé que l'adoption de la proposition de loi permettrait de rassurer l'ensemble des acteurs de la procédure judiciaire en mettant fin aux incertitudes actuelles. Evoquant les précisions utiles apportées par le Sénat, il a cité le droit d'appel des arrêts d'acquittement réservé au procureur général près la cour d'appel, ainsi que l'enregistrement audiovisuel des débats de cours d'assises, tout en observant que ce dernier point soulevait un certain nombre de difficultés, cette technique étant encore mal maîtrisée par l'institution judiciaire. Abordant les dispositions pouvant faire l'objet d'une discussion entre les deux assemblées, il a évoqué l'information du parquet sur la mesure de garde à vue, observant que, s'il était nécessaire que cette information soit parallèle à celle de l'avocat, il était également important de préciser que la police n'avait, en la matière, qu'une obligation de moyens et non de résultats, le procureur de la République devant être avisé aussi rapidement que possible. Il s'est déclaré ouvert à une formule permettant de faire ressortir clairement que l'information du parquet dès le début de la garde à vue ne constituait pas une contrainte absolue. Il a également souligné que l'article premier, qui remplace, dans les critères autorisant le placement en garde à vue, la notion d'indices par des raisons plausibles de soupçonner, permettrait de donner plus de souplesse aux officiers de police judiciaire dans l'application de cette mesure, regrettant la suppression proposée par le Sénat.

M. Jean Antoine Leonetti a tout d'abord regretté que la révision de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes ait été engagée dans l'urgence, estimant que cela ne permettrait pas de trouver des solutions équilibrées. Considérant que les dysfonctionnements majeurs auxquels l'application de cette loi avait donné lieu étaient en grande partie imputables à l'insuffisance des moyens techniques et humains mis en _uvre pour accompagner la réforme, il s'est interrogé sur la pertinence qu'il pouvait y avoir à modifier un texte en raison des contraintes budgétaires. Il a, par ailleurs, estimé que les droits des victimes n'étaient pas suffisamment pris en compte par la proposition de loi, malgré les dispositions introduites par le Sénat relatives à l'enregistrement des débats des cours d'assises.

Regrettant que le débat se focalise désormais sur des détails au détriment des grands principes et de la recherche d'un équilibre satisfaisant entre les libertés et la sécurité, il a conclu son propos en estimant que la loi du 15 juin 2000 était un texte virtuel inadapté au monde moderne.

Mme Christine Lazerges a tout d'abord rappelé que les dispositions de la loi du 15 juin 2000, loin d'être virtuelles, étaient toutes entrées en vigueur progressivement, pour l'essentiel à compter du 1er janvier 2001. Elle a estimé que le bilan de leur application était positif, évoquant à cet égard les conclusions du rapport d'information qu'elle a présenté au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Elle a, par ailleurs, souligné que le renforcement des droits des victimes, notamment au travers de l'amélioration de leur indemnisation, constituait l'un des apports majeurs de la loi du 15 juin 2000, observant que ce volet du texte n'avait suscité aucune critique. S'agissant de la proposition de loi en discussion, elle a considéré qu'elle ne faisait que conforter la circulaire du 10 janvier 2002, laquelle avait notamment précisé les contraintes pesant en matière de notification des droits des personnes placées en garde à vue en prenant en compte la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a admis que, si les circonstances le justifiaient, l'information du procureur puisse intervenir dans un délai de trois heures.

Après avoir exprimé son accord avec les propos tenus par M. Jean Antoine Leonetti, M. Christian Estrosi a indiqué qu'il avait espéré, lors de son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, que la proposition de loi reviendrait sur les dispositions de la loi du 15 juin 2000 qui ont des conséquences négatives en matière de lutte contre la délinquance. Evoquant l'augmentation inquiétante du nombre des crimes et délits, attestée par les récentes statistiques du ministère de l'Intérieur, il a considéré que cette évolution tenait notamment à la volonté délibérée des auteurs de la loi du 15 juin 2000 de limiter les possibilités de placement en garde à vue
- dont le nombre a effectivement diminué de 7 % en 2001 - ayant pour fondement une suspicion injustifiée à l'égard de l'action menée par les policiers. Observant que les forces de police étaient, par ailleurs, dépourvues des moyens matériels et humains qui leur permettraient de remplir de façon satisfaisante leurs missions, il a déploré qu'elles soient, de surcroît, désormais entravées dans leur action répressive par une procédure pénale d'une complexité accrue. S'agissant des victimes, il a regretté qu'elles ne bénéficient pas, à la différence des suspects placés en garde à vue, du droit d'avoir un avocat ni de la possibilité de bénéficier de l'intervention d'un interprète ou d'un médecin. Dans cette même perspective de prise en compte de l'intérêt des victimes, il s'est inquiété que les dispositions adoptées par le Sénat sur l'enregistrement des débats de cour d'assises ne semblent pas susceptibles d'être retenues par la majorité de l'Assemblée nationale.

M. Bernard Roman, président, a tenu à rappeler, au-delà des déclarations actuelles des uns ou des autres qui s'expliquent par la perspective des prochaines échéances électorales, que le texte proposé par la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes avait été adopté à l'unanimité de ses membres.

M. Patrick Devedjian a tenu à préciser que le vote des membres de la CMP ne portait que sur les dispositions restant en discussion entre les deux assemblées, observant qu'il ne pouvait donc être interprété comme une approbation de l'ensemble de la loi.

M. Bernard Roman, président, a néanmoins souligné que les dispositions évoquées par M. Chrisitian Estrosi avaient été débattues de façon approfondie au sein de la CMP, ajoutant qu'il ne lui semblait donc pas souhaitable de porter sur elles des critiques excessives susceptibles de déprécier le travail considérable qui avait alors été effectué. S'agissant des dispositions de la proposition de loi, tout en estimant qu'un accord entre les deux assemblées semblait possible sur nombre d'entre elles, il a observé qu'il subsistait quelques différences d'appréciation, notamment à l'article premier sur la définition des critères permettant le placement en garde à vue et à l'article 2, sur le délai dans lequel le parquet doit être informé par les policiers des mesures de placement en garde à vue. Il a donc proposé une suspension de séance, afin que les deux rapporteurs puissent se concerter sur ces sujets.

Sur l'article premier, M. René Garrec, vice-président, a regretté que le rapporteur pour l'Assemblée nationale préfère la notion de « raison plausible » à celle « d'indice » et semble avoir sur ce point une position fermée, observant que les indices peuvent être à la fois de nature objective et subjective.

La séance a été suspendue.

A la reprise des travaux, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour le Sénat, a proposé que la commission mixte paritaire engage la discussion sur l'article 1er de la proposition de loi.

Observant que les deux problèmes restant en suspens tenaient aux modalités de l'information du parquet sur le placement en garde à vue, d'une part, et aux circonstances justifiant cette mesure, d'autre part, M. Julien Dray, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a considéré qu'il serait difficile de trouver un compromis sur ce dernier point. Il a confirmé sa volonté de maintenir, pour définir le suspect, une référence aux « raisons plausibles de soupçonner » qu'une personne a commis une infraction plutôt qu'aux « indices laissant présumer » qu'elle a commis cette infraction. Il a rappelé qu'il s'agissait ainsi d'accroître la marge d'appréciation des officiers de police judiciaire pour le placement en garde à vue.

M. René Garrec, vice-président, s'est demandé s'il ne serait pas préférable que la commission mixte paritaire commence par engager la discussion sur les dispositions susceptibles de faire plus facilement l'objet d'un compromis.

M. Bernard Roman, président, a jugé souhaitable, au contraire, que la discussion s'engage sur une disposition qui soulève une difficulté, observant qu'en l'absence d'accord sur l'article 1er, il conviendrait de constater l'échec de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que la circulaire de la garde des Sceaux du 10 janvier 2002 donnait une définition complète de la notion d'indice et précisait qu'elle pouvait être assimilée à une raison plausible de suspecter la commission d'une infraction. Pour cette raison, il a estimé qu'il était inutile que le législateur modifie la loi sur ce point.

Observant que la notion d'indice était déjà connue en droit, M. Jean-Jacques Hyest a souligné qu'elle faisait l'objet d'une jurisprudence stabilisée. Il a donc jugé qu'une telle modification de terminologie devait reposer sur de bonnes raisons qui ne paraissaient pas exister en l'occurrence.

M. Robert Badinter a considéré qu'il serait prématuré de modifier la loi du 15 juin 2000 dont les dispositions ont fait l'objet de discussions approfondies, notamment au cours de la réunion de la commission mixte paritaire. Il a également rappelé que la notion d'indice recouvrait à la fois une réalité matérielle et intellectuelle, bien connue en droit français et conforme aux exigences du droit international. Par ailleurs, il a estimé que, si les indices constituent des raisons plausibles, ainsi que l'indique la circulaire de la garde des Sceaux, l'inverse n'était pas nécessairement vérifié. Jugeant inopportun que le législateur introduise en droit des concepts nouveaux sans raison valable, il a considéré qu'une circulaire devrait suffire à régler les problèmes d'interprétation éventuellement soulevés par le droit en vigueur.

Soulignant que la notion d'indice était bien connue des magistrats et des policiers, M. Christian Cointat s'est étonné que la commission mixte paritaire puisse échouer sur un simple problème d'ordre terminologique. Observant qu'il semblerait plus logique que la gauche défende la référence à la notion d'indice, plus restrictive, et la droite celle de raison plausible, il a considéré que les échanges qui se déroulaient au sein de la commission mixte paritaire seraient parfaitement incompréhensibles pour les citoyens.

Le rapporteur pour le Sénat, a également considéré qu'il serait inexplicable que la commission mixte paritaire échoue en raison d'un désaccord sur une question qui semble subalterne.

M. André Vallini s'est demandé si l'on ne pourrait substituer à la notion de raison plausible celle d'indice matériel et/ou intellectuel.

La commission mixte paritaire a procédé à une nouvelle suspension de séance.

Sur la proposition de M. Bernard Roman, président, et de M. Julien Dray, rapporteur pour l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a décidé de réserver la discussion de l'article 1er.

A l'article 2 (notification et exercice des droits dont disposent les personnes placées en garde à vue), M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour le Sénat, a rappelé les raisons pour lesquelles la Haute assemblée avait supprimé le paragraphe IA proposé par l'Assemblée nationale, au terme duquel le parquet serait désormais avisé « aussi rapidement que possible » et non plus « dès le début » de la garde à vue. Il a considéré que, dans l'intérêt même des justiciables, cet avis devait constituer le premier acte de la procédure, un parallélisme des formes s'imposant, en toute hypothèse, entre l'information du parquet et celle de l'avocat, au nom de l'« égalité des armes ».

Le rapporteur pour l'Assemblée nationale a jugé que l'essentiel était d'établir clairement, y compris dans les débats parlementaires, que les enquêteurs sont soumis à une obligation de moyens et non de résultats, compte tenu des difficultés pratiques auxquelles ils se heurtent pour aviser les parquets des placements en garde à vue. Il a également insisté sur le fait que les officiers de police judiciaire ne devaient pas se croire contraints d'accomplir l'ensemble des formalités de notification dans la première heure de la garde à vue.

M. Jean Antoine Leonetti a jugé que les modalités pratiques de l'accomplissement par les enquêteurs des obligations de notification relevaient de la circulaire et non de la loi. Il a qualifié de malsaine la confusion opérée entre les prérogatives du législateur et celles du pouvoir exécutif, à qui il appartient de prendre les mesures d'application de la loi.

Observant que la garde à vue portait, par définition, atteinte aux libertés individuelles, M. Robert Badinter a rappelé que la Constitution faisait de l'autorité judiciaire la gardienne de ces libertés. Il a donc considéré que le procureur de la République devait être avisé dès le début des gardes à vue pour des raisons de principe et non pas d'« égalité des armes » par rapport à l'avocat, la sollicitation de ce dernier obéissant à d'autres motifs liés aux droits de la défense.

La Commission a approuvé la suppression du paragraphe IA de cet article proposée par le Sénat. Elle a ensuite entamé l'examen de son paragraphe II relatif au « droit au silence ».

Le rapporteur pour le Sénat a jugé qu'il était important que le gardé à vue soit informé qu'il peut faire des déclarations ou répondre aux questions avant que lui soit notifié son droit de garder le silence. Il a ajouté que le Sénat avait également souhaité qu'il soit indiqué au gardé à vue qu'il fait ce choix « sous sa responsabilité ».

Considérant que l'inversion des termes de la formulation du droit au silence, proposée par le Sénat, constituait effectivement une suggestion intéressante, M. Julien Dray, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a jugé, en revanche, que l'introduction de la notion de responsabilité pouvait être perçue comme une forme de pression. Il a rappelé que, pour la même raison, l'Assemblée nationale avait déjà décidé, en première lecture, de supprimer dans cet article la mention selon laquelle le gardé à vue serait informé que son silence était susceptible de lui porter préjudice.

Le rapporteur pour le Sénat a contesté qu'un appel à la responsabilité puisse être assimilé à une forme de pression. Il a souligné, au contraire, que la conscience de sa responsabilité faisait toute la grandeur de la personne humaine.

M. Pierre Fauchon a fait part de ses réserves à l'égard de toute sacralisation du droit au silence. Il a estimé, en effet, qu'un citoyen avait, avant tout, le devoir de répondre aux questions des officiers de police judiciaire. Il a donc jugé que, dès lors que l'existence du droit au silence devait être expressément notifié au gardé à vue, il était effectivement essentiel de lui préciser que son choix engageait sa responsabilité.

M. Jean Antoine Leonetti a également estimé que l'introduction de cette notion de responsabilité était de nature à équilibrer les différents termes de la formulation du droit au silence. Il a considéré, au-delà de simples mesures d'affichage, qu'elle serait bénéfique au gardé à vue lui-même et montrerait que le législateur recherche bien un équilibre entre l'efficacité des procédures et les droits de la personne.

M. Christian Cointat a jugé important que le gardé à vue soit informé des conséquences possibles de son choix.

M. Paul Girod a lui aussi considéré que l'introduction de la notion de responsabilité était de nature à aider le gardé à vue, qui doit connaître les différentes possibilités qui s'offrent à lui, mais également mesurer la façon dont son choix est susceptible d'être interprété.

Observant que la responsabilité était un principe structurant du droit pénal dans son ensemble, M. Patrick Devedjian a jugé qu'il était important de le rappeler au gardé à vue au moment de l'engagement de la procédure, pour que celle-ci soit loyale et équilibrée.

Mme Nicole Borvo a déclaré que les propos de M. Patrick Devedjian la confortaient dans l'idée que cette notion de responsabilité pouvait être perçue comme une forme de pression.

Mme Christine Lazerges a estimé que l'engagement de la responsabilité du gardé à vue allait de soi et a critiqué la tentation du Parlement de légiférer de façon « bavarde ».

Le rapporteur pour l'Assemblée nationale a considéré qu'une garde à vue n'était pas un cours de morale, mais un face à face entre un officier de police judiciaire et un citoyen soupçonné d'avoir commis une infraction. Dans ce cadre, il a estimé que le gardé à vue devait être considéré a priori comme responsable, sans qu'il soit nécessaire de le lui rappeler expressément. S'il a jugé essentiel que le droit au silence soit notifié, car son existence n'est pas connue de tous les gardés à vue, il a estimé, en revanche, que cette notification ne devait faire l'objet d'aucun commentaire superfétatoire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a rappelé qu'il était à l'origine de l'introduction de cette notion de responsabilité. Il a précisé, toutefois, que son initiative résultait d'une volonté de compromis, face aux souhaits de certains sénateurs de rétablir les dispositions prévoyant que les enquêteurs notifient aux gardés à vue que le choix de garder le silence est de nature à leur porter préjudice. Constatant qu'il résultait des débats que cette référence à la responsabilité pouvait également être perçue comme une forme de pression, il s'est, en conséquence, prononcé en faveur de sa suppression.

M. Robert Badinter a également considéré que la mention de la responsabilité du gardé à vue était une tautologie, jugeant qu'une question aussi secondaire ne devrait pas être de faire échouer la commission mixte paritaire, et s'est prononcé en faveur de sa suppression.

M. Bernard Roman, président, a estimé que la façon dont les droits sont notifiés au cours de la garde à vue revêtait une importance capitale, car il s'agit du premier acte d'une procédure dans laquelle les erreurs judiciaires trouvent souvent leur origine. Il a donc jugé que la formulation du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder le silence devait être aussi dépouillée que possible.

Après un vote sur lequel les voix se sont partagées, il a constaté que la commission mixte paritaire ne pouvait parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi.


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