Document mis en distribution le 21 février 2002 ![]() N° 3649 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2002. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, relative au nom de famille, PAR M. GÉRARD GOUZES, Député. -- (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir les numéros : Assemblée nationale : 1re lecture : 132, 1012, 2709, 2911 et T.A. 639. 2e lecture : 3648. Sénat : 1re lecture : 225 (2000-2001), 244 et T.A. 74 (2001-2002). Etat civil. La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Bernard Birsinger, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Julien Dray, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. René Dutin, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Michel Inchauspé, M. Henry Jean-Baptiste, M. Armand Jung, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean Antoine Leonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 1. A l'Assemblée nationale : liberté de choix, égalité des droits 5 2. Au Sénat : la résurgence d'une « prime à la tradition » 6 3. L'appréciation du rapporteur et les conclusions de la Commission : un « vote conforme » pour avancer dans le bon sens 10 DISCUSSION GÉNÉRALE 11 TABLEAU COMPARATIF 13 Au nom du principe d'égalité entre les femmes et les hommes, et des normes juridiques qui interdisent les discriminations fondées sur le sexe, nous souhaitons que les enfants puissent, à leur naissance, prendre soit le nom de leur père, soit celui de leur mère, soit leurs deux noms accolés. Ce geste, à la fois symbolique et très concret, est à la portée de l'Assemblée nationale. Il conclurait de façon emblématique la onzième législature, qui restera marquée par des avancées décisives en ce qui concerne la place des femmes dans la vie politique, dans le monde du travail et sur le plan des droits civils. Les députés sont appelés, en effet, à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi présentée par le rapporteur et le groupe socialiste, qui met en _uvre cette réforme : déjà approuvée par notre assemblée il y a un peu plus d'un an, elle vient d'être adoptée, et modifiée, par le Sénat, le 20 février dernier. Sans doute le texte qui nous est transmis par la seconde chambre est-il en retrait par rapport aux dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture : faut-il s'en étonner ? La droite sénatoriale s'est toujours efforcée de réduire la portée des réformes de progrès, notamment en ce qui concerne le droit de la famille. Nous proposions que, en cas de désaccord entre les parents, les enfants prennent les noms de leur père et de leur mère accolés. Le Sénat a fait preuve de frilosité et a quelque peu dénaturé l'esprit de la réforme en réintroduisant, dans cette hypothèse, la prééminence du nom du père. Ce choix est regrettable, mais il ne doit pas faire échec à la réforme elle-même : votons ce texte et procédons à une première avancée, plutôt que de différer son entrée en vigueur. 1. A l'Assemblée nationale : liberté de choix, égalité des droits Le 8 février 2001, l'Assemblée nationale a proposé de modifier en profondeur les règles qui régissent, dans notre pays, la transmission du nom patronymique. Pourquoi ce changement ? Le motif le plus couramment évoqué est celui de l'égalité entre les femmes et les hommes : la prééminence du nom du père est un vestige d'une conception patriarcale du droit et d'un modèle dépassé de la famille, fondée sur le mariage et l'autorité du mari. A lui seul, il suffirait à légitimer une réforme qui s'inscrirait dans le droit fil des évolutions ayant marqué le droit des personnes dans le dernier tiers du XXe siècle, qu'il s'agisse des régimes matrimoniaux, du divorce ou de la filiation. Les règles actuellement en vigueur sont également à l'origine d'une rupture d'égalité entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas : ces derniers ont déjà la possibilité de conférer à leur enfant le nom de sa mère, la détermination du patronyme étant alors fondée sur l'ordre des reconnaissances. Par ailleurs, la diversification des histoires familiales n'est pas suffisamment prise en compte. Un nombre croissant d'enfants naissent en dehors des liens du mariage et la séparation et/ou la recomposition des familles est aujourd'hui une réalité incontournable : l'affichage d'une double ascendance pourrait être important dans certaines situations. Le droit, enfin, nous impose de modifier nos règles. La Cour européenne de Strasbourg a condamné, il y a plusieurs années déjà, les discriminations fondées sur le sexe en matière de transmission du patronyme (Burghartz c/ Suisse, 22 février 1994). Cette position, qui rejoint des avis exprimés tant par le comité des ministres (1) que par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (2), voire dans le cadre des Nations Unies elles-mêmes (3), fait apparaître la France comme un pays rétrograde. Au demeurant, la prééminence du nom du père semble difficilement compatible avec le principe d'égalité des hommes et des femmes qui figure explicitement dans nos propres normes constitutionnelles, notamment la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la constitution de 1946. Le principe étant acquis, il restait à arrêter les modalités de la réforme. L'Assemblée nationale a opté pour la liberté de choix et l'égalité des droits. Elle a considéré qu'un enfant, que sa filiation soit légitime ou naturelle, devait pouvoir recevoir soit le nom de son père, soit celui de sa mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre qu'ils choisissent. En cas de désaccord, elle a proposé que la règle du double nom - dans l'ordre alphabétique - l'emporte. Selon des modalités adaptées, cette solution devait également s'appliquer aux enfants légitimés (par mariage ou par décision judiciaire) ou adoptés. Un principe d'unicité du nom des frères et s_urs a été introduit, ainsi que des dispositions permettant de s'assurer que nul ne disposera de plus de deux noms. Une procédure simplifiée devait permettre aux personnes déjà nées de modifier leur patronyme. 2. Au Sénat : la résurgence d'une « prime à la tradition » Il aura fallu, malheureusement, plus d'un an pour que le Sénat, qui a résisté autant qu'il était possible pour que ce texte ne vienne pas en discussion, soit saisi de cette question. Entre temps, sa Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes s'est prononcée en faveur d'une généralisation systématique du double nom : « Pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, dans le cadre d'une parité des droits entre parents dans le mode de dévolution du nom, la délégation recommande de prescrire le double nom - père/mère ou mère/père - comme règle d'attribution de droit commun, la transmission du nom d'un seul parent devenant l'exception » (4). Votre rapporteur avait explicitement écarté cette solution, qui présente l'avantage de garantir une égalité juridique parfaite et d'éviter les conflits mais comporte de trop nombreux inconvénients (risque de stigmatisation des enfants naturels ou adoptés, patronymes ridicules du fait de leur juxtaposition, complications pratiques, rigidité excessive qui ne prend pas suffisamment en compte les histoires individuelles...). Fort heureusement, cette voie n'a finalement pas été retenue par le Sénat : le texte adopté par celui-ci le 20 février dernier reprend le triple choix souhaité par les députés. On ne pourrait que s'en féliciter si une certaine forme de prééminence du nom du père n'avait pas été réintroduite concomitamment. En définitive, c'est un texte remanié sur lequel l'Assemblée nationale est invitée à se prononcer : il convient donc d'en présenter l'économie générale. · Le Sénat a procédé à une réécriture de l'article 1er de la proposition de loi, qui faisait figurer à l'article 57 du code civil les nouvelles règles de détermination du nom des enfants et mentionnait celui-ci dans l'acte de naissance. Les changements apportés à cet article sont de deux ordres. - Il n'est plus fait référence au « nom » de l'enfant, comme dans le texte de l'Assemblée nationale, mais à son « nom de famille ». A l'initiative du Gouvernement, il a été précisé que l'acte de naissance ferait état de « la déclaration conjointe des parents quant au choix effectué » ; le cas échéant, lorsque la filiation d'un enfant naturel est établie successivement à l'égard de ses deux parents après sa naissance et qu'un changement de nom intervient, une mention de ce changement figurera en marge de l'acte de naissance. Consécutivement, le Sénat a remplacé, dans les articles concernés du code civil, ainsi que dans le titre de la proposition de loi, la mention du « patronyme » par celle du « nom de famille ». - Les nouvelles règles de dévolution du nom sont déplacées dans le code civil, le Sénat ayant jugé préférable de les décliner en fonction du mode de filiation et de reconnaissance de l'enfant. Ce choix n'a pas le mérite de la simplicité mais il est juridiquement et intellectuellement plus satisfaisant. · A cet effet, le Sénat a complété le chapitre premier du titre septième du code civil, relatif aux dispositions communes aux filiations légitime et naturelle, par une nouvelle section V intitulée : « Des règles de dévolution du nom de famille ». Au sein de cette section, il a inséré un article, numéroté 311-21, qui prévoit que les enfants, légitimes ou naturels, dont la filiation est établie simultanément à l'égard des deux parents, pourront se voir attribuer par ceux-ci soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre qu'ils choisissent et dans la limite d'un nom pour chacun d'eux ; celui qui est dévolu au premier enfant vaut pour les autres enfants communs. Ces règles seraient proches de celles approuvées par l'Assemblée nationale si le Sénat n'avait conditionné leur application à une déclaration conjointe auprès d'un officier d'état civil et précisé que, à défaut, c'est-à-dire en l'absence de choix explicite ou dans l'hypothèse d'un désaccord entre les parents, l'enfant prendrait le nom du père. Le Gouvernement s'est opposé, en vain, à cette solution, considérant qu'elle priverait la réforme d'une grande partie de sa portée. Il s'agit, bien sûr, d'une différence majeure par rapport au texte de l'Assemblée nationale, qui prévoyait, à l'article 1er, que : « En cas de désaccord entre les parents sur le nom à conférer à l'enfant, celui-ci acquiert leurs deux noms accolés dans l'ordre alphabétique ». Le Sénat a également adopté un amendement de précision fort opportun de M. Patrice Gélard, qui dispose que, « lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants ». Au travers de plusieurs amendements de son rapporteur, le Sénat a étendu l'application de ces nouvelles règles à la légitimation par mariage (article 331 du code civil) ou par décision de justice si celle-ci a été prononcée à l'égard des deux parents (article 333-5 du code civil), modifiant ainsi l'article 2 de la proposition de loi. Dans les deux cas, le consentement de l'enfant majeur est requis pour la modification de son nom de famille. · Le Sénat a comblé certaines lacunes - sans doute plus théoriques que réelles - du texte de l'Assemblée nationale en ce qui concerne les reconnaissances successives d'une filiation naturelle (articles 3 et 4 de la proposition de loi), en prévoyant qu'un enfant reconnu par son seul père puisse également se voir adjoindre ultérieurement le nom de sa mère, et non pas seulement l'inverse. A l'article 5, il a prévu, dans le même esprit, que la procédure de la « dation » (article 334-5 du code civil) permette non seulement au mari de la mère, mais également à la femme du père de l'enfant, de conférer leur nom à ce dernier. · S'agissant de l'adoption (articles 6 et 7 de la proposition de loi), le Sénat a procédé aux coordinations rendues nécessaires par les dispositions précitées. Par cohérence, il a prévu l'inscription du nom de famille de l'enfant sur les registres de l'état civil à la suite d'une décision d'adoption plénière et a institué des règles permettant d'éviter qu'un enfant adopté puisse se voir conférer une multiplicité de noms. A travers plusieurs amendements, le Gouvernement a également introduit des dispositions techniques qui s'imposaient et a pris en compte les spécificités procédurales des adoptions prononcées à l'étranger. · Le Sénat a supprimé l'article 7 bis, qui résultait d'un amendement de M. Marc Dolez adopté par l'Assemblée nationale : il permettait que des naissances et des décès intervenus dans un centre hospitalier situé sur le territoire d'une commune désignée par décret puissent être déclarés auprès de l'officier d'état civil de la commune de rattachement. Le Sénat n'a pas pris en compte les difficultés logistiques et administratives qui sous-tendaient cette proposition - en particulier lorsque les hôpitaux ont été construits sur le territoire de petites communes -, dont l'objet était cependant, il est vrai, quelque peu étranger à la proposition de loi en discussion. · A l'article 8, qui écarte toute considération de sexe en ce qui concerne la possibilité de relever le nom d'un ascendant mort pour la France, en supprimant le mot « mâle » dans l'article 1er de la loi du 2 juillet 1923, le Sénat a adopté un simple amendement de coordination. · Le Sénat a supprimé l'article 9 de la proposition de loi, qui abrogeait l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 permettant à toute personne majeure d'ajouter à son nom, à titre d'usage, celui de ses deux parents qui ne lui a pas transmis le sien. Il a considéré que « nom d'usage » et « nom de famille » étaient deux concepts juridiques distincts qui ne s'opposent pas mais se complètent. On observera, surtout, que le dispositif du nom d'usage retrouve, effectivement, beaucoup de son utilité dès lors que le Sénat a rétabli, comme on l'a vu, une certaine forme de prééminence du nom paternel. · Les dispositions prévues par l'Assemblée nationale à l'article 10 en ce qui concerne les personnes déjà nées à la date de la promulgation de la loi ont été profondément modifiées par le Sénat, pour partie à l'initiative du Gouvernement. Notre assemblée avait retenu une règle simple : la possibilité pour toute personne d'adjoindre à son nom celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Cette faculté devait être mise en _uvre par les titulaires de l'autorité parentale en ce qui concerne les enfants mineurs, le consentement des plus de treize ans étant requis. Le dispositif adopté par le Sénat est plus restrictif. - A l'initiative du Gouvernement, une procédure nouvelle a été instituée permettant, à l'avenir, à toute personne à qui le nom d'un de ses parents a été transmis en application de l'article 311-21 du code civil (voir supra) et devenues majeures, par une simple déclaration devant un officier d'état civil, d'adjoindre à son nom celui de son autre parent. Il ne pourra s'agir, toutefois, que d'une adjonction, et le nouveau nom devra nécessairement être accolé en seconde position. De plus, cette procédure ne pourra être mise en _uvre que par les personnes n'ayant pas encore d'enfant, afin d'éviter des répercussions en chaîne sur les descendants. - S'agissant des enfants mineurs nés à la date de l'entrée en vigueur de la proposition de loi (c'est-à-dire dans dix-huit mois, voir infra), le Sénat, à l'initiative de son rapporteur, a proposé que seule l'adjonction du nom du parent qui n'a pas été transmis soit possible, durant un délai de dix-huit mois également, par déclaration conjointe des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale à l'officier de l'état civil. De plus, cette adjonction ne pourra concerner que les enfants de moins de treize ans. Dès lors, tous les couples qui auront des enfants de plus de treize ans lors de l'entrée en vigueur de la loi seront écartés du bénéfice de la réforme, y compris, le cas échéant, en ce qui concerne leurs enfants à naître ; ceux dont les enfants auront moins de treize ans pourront user ou non de cette faculté d'adjonction, mais ce choix s'imposera également pour leurs enfants à naître en raison de la règle d'unité au sein des fratries ; dès lors, ils ne disposeront pas d'un triple choix, mais uniquement d'une possibilité d'opter en faveur du double nom. · Enfin, comme on l'a vu, à la demande du Gouvernement, qui a invoqué des difficultés opérationnelles, le Sénat a retenu le principe d'une entrée en vigueur différée de dix-huit mois des nouvelles dispositions. Les enfants qui naîtront entre la date de promulgation de la loi et son entrée en vigueur pourront bénéficier, au terme de ce délai, des dispositions précitées relatives à l'adjonction de nom, sous réserve qu'ils n'aient pas un frère ou une s_ur âgée de plus de treize ans. L'application de la loi à Mayotte, qui était prévue par l'article 10 bis du texte adopté par l'Assemblée nationale - selon des modalités qui ont été adaptées afin de prendre en compte les changements introduits par l'article 3 de la loi n° 2000-616 du 11 juillet 2001 (5) -, a même été reportée à cinq ans, compte tenu des réformes de l'état civil en cours dans cette collectivité. 3. L'appréciation du rapporteur et les conclusions de la Commission : un « vote conforme » pour avancer dans le bon sens Le Sénat a accepté le principe d'une réforme du mode de transmission du nom des parents à l'enfant. C'est une avancée. On doit s'en féliciter. Sans doute, comme on l'a vu, certains choix de la seconde chambre sont-ils de nature à susciter des regrets. En particulier, l'application par défaut du nom du père en cas de désaccord entre les parents ne recueille pas l'agrément de votre rapporteur : qu'il s'agisse d'une prime à la tradition, comme le prétend le rapporteur du Sénat, ou du maintien de la suprématie de l'homme sur la femme, comme on peut le penser, le résultat est le même. Le rapporteur du Sénat s'est d'ailleurs explicitement déclaré « attaché à la tradition multiséculaire française et aux comportements actuels des Français ». L'intention est donc claire : il s'agit de freiner une évolution inéluctable en préservant la supériorité du nom du père, ce qui contrevient à l'objectif d'égalité poursuivi par les députés. S'il n'était question que de rechercher un mode de règlement des conflits plus adapté que l'ordre alphabétique, le Sénat aurait d'ailleurs pu, comme le lui a proposé le Gouvernement, retenir le principe du double nom défendu par l'Assemblée nationale tout en prévoyant que celui du père serait accolé avant celui de la mère... Cette solution de compromis, plus conforme aux recommandations émises par sa Délégation aux droits de la femme, aurait peut être mis davantage la France à l'abri d'une éventuelle condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme. De plus, les dispositions prévues par le Sénat en ce qui concerne les enfants déjà nés à la date de l'entrée en vigueur de la loi sont excessivement restrictives, du fait de l'exigence du consentement des deux parents, de l'exclusion des plus de treize ans et du délai de dix-huit mois qui encadre l'usage de cette faculté. Enfin, le différé de l'entrée en vigueur de la loi aurait pu être plus limité. Pour autant, il est donc possible, aujourd'hui, d'accomplir ce premier pas dans le sens d'une plus grande égalité au sein du couple. Au demeurant, on peut penser que, dans la plupart des cas, les parents sauront prendre, ensemble, une décision commune sur le choix du nom à conférer à leurs enfants. Dans le contexte de cette législature finissante, le rapporteur a donc choisi d'inviter l'Assemblée nationale à adopter cette proposition de loi dans le texte du Sénat, sans modification, d'autant que celle-ci a été améliorée, sur le plan technique, de façon substantielle, par des amendements du Gouvernement. Demain, sans doute, cette évolution pourra être menée à son terme, mais l'essentiel sera acquis dès aujourd'hui. Après l'exposé du rapporteur, plusieurs intervenants ont pris la parole dans la discussion générale. M. René Dosière a tout d'abord tenu à féliciter le rapporteur d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi, dont le dispositif constitue une avancée significative dans le sens du renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes. Il a ensuite observé que, compte tenu de la suspension imminente des travaux du Parlement, l'Assemblée nationale n'avait pas d'autre choix, sauf à renoncer à l'adoption définitive de la loi avant la fin de la présente législature, que d'adopter sans modification le texte voté par le Sénat. Il a considéré qu'il convenait donc de suivre la proposition présentée en ce sens par le rapporteur, dès lors que les dispositions adoptées par le Sénat semblaient acceptables. Exprimant son accord avec les propos de M. René Dosière, M. Bernard Roman, président, a jugé que cette proposition de loi était emblématique de la vision du droit de la famille défendue par la majorité de l'Assemblée nationale et participait, aux côtés d'autres textes comme celui relatif à l'autorité parentale, de sa volonté de rénover profondément cette branche du droit. Il a souligné qu'elle témoignait d'une vision nouvelle du rôle de la femme dans la société et représentait un progrès hautement symbolique dans le sens d'un meilleur respect du principe constitutionnel d'égalité. Il a tenu à rendre hommage à l'obstination du rapporteur qui aura permis l'adoption définitive de ce texte. Puis la Commission a adopté les articles et l'ensemble de la proposition de loi sans modification. * * * En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi telle qu'elle figure au tableau comparatif ci-après. ___
___________________ 3649 - Rapport de M. Gérard Gouzez (commission des lois) sur la proposition de loi modifiée par le Sénat relative au nom de famille () Résolutions (78) 37 du 27 septembre 1978 et (85) 2 du 5 février 1985. () Recommandations 1271 (1995) et 1362 (1998). () Voir, en particulier, l'article 16-1-g de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (18 décembre 1979), malgré la réserve d'interprétation du Gouvernement français. () Rapport d'information n° 416 de M. Serge Lagauche, annexé au procès-verbal de la séance du 27 juin 2001. () L'article 3 de la loi du 11 juillet 2001 rend applicable à Mayotte, de plein droit, les lois portant sur certaines matières, dont l'état et la capacité des personnes. Toutefois, cette disposition n'entraîne pas applicabilité des articles du code civil qui n'étaient pas en vigueur auparavant sur l'archipel, y compris lorsque ces derniers sont modifiés. © Assemblée nationale |