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N° 472

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2025,

 

 

TOME V

 

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

 

 

 

Par M. Philippe BALLARD,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros : 324, 468 (annexe n° 30).

 


–  1  –

  SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

Première partie : les crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

I. Le soutien au secteur de la presse et des médias : une baisse de l’engagement financier de l’État inégalement répartie

A. L’agence France-Presse : des crédits en hausse

B. Les aides à la diffusion de la presse : la mise en œuvre de la réforme du postage et du portage

1. L’aide à l’exemplaire à double barème : un premier bilan mitigé

2. Les autres aides à la diffusion

3. La presse dans les outre-mer : chronique d’une mort annoncée ?

4. La nécessité d’une conclusion rapide de la concertation Soriano

C. Une stabilité des aides au pluralisme et à la modernisation en 2025

1. Les aides au pluralisme

2. Les aides à la modernisation

3. Des aides indirectes conséquentes

4. Les sept entreprises de presse les plus subventionnées en 2023

D. Le soutien à l’expression radiophonique locale

1. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) : une très forte baisse de crédits

2. Une stabilité des crédits de la radio franco-marocaine Médi1

II. La politique du livre et les industries culturelles et créatives au service de l’exception culturelle française

A. Le livre et la lecture, priorités publiques

1. Le soutien à la lecture pour tous les publics sur tous les territoires

2. La Bibliothèque nationale de France

3. La Bibliothèque publique d’information

4. Le Centre national du livre

B. Le Centre national de la musique, opérateur au service de la filière musicale

1. Le CNM, « maison commune de la musique et des variétés »

a. Les missions et les perspectives du CNM

b. Les crédits d’impôt musicaux

2. Des sources de financement encore déséquilibrées

a. Les ressources du CNM

b. 2024, première année de recouvrement de la taxe streaming

C. Le Centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la filière cinématographique et audiovisuelle

1. Le CNC, opérateur au service du cinéma français au fonctionnement perfectible

a. Une progression des ressources fiscales du CNC du fait du dynamisme des taxes affectées…

b. … qui justifie de faire participer l’opérateur à l’effort de réduction du déficit public

c. Une dépense fiscale en faveur du cinéma en forte hausse et des dispositifs d’exonération d’impôts à interroger

2. Les nouveaux chantiers prioritaires du CNC

Seconde partie : les règles anti-concentration dans le secteur audiovisuel sont-elles adaptées à la concurrence des plateformes ?

I. Un système de seuils caractérisé par une grande complexité et un certain arbitraire

A. Des seuils rigides et souvent arbitraires

B. Il n’existe pas de lien mécanique entre concentration et pluralisme, la préservation de ce dernier passant par d’autres voies

II. permettre aux médias audiovisuels de se rapprocher pour mieux affronter la concurrence des plateformes

A. La fragilisation du modèle économique des médias audiovisuels

B. Dans un contexte de concurrence accrue, le souhait de certains acteurs de rassembler leurs forces est compréhensible et légitime

travaux de la commission

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

Annexe : liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

 

 


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   AVANT-PROPOS

Suite à des années d’errance budgétaire, la France doit composer avec une situation extrêmement dégradée de ses finances publiques qui met en péril le financement de ses services publics, obère ses capacités d’investissement dans des domaines aussi essentiels que l’énergie, le numérique ou la santé, et porte atteinte à sa crédibilité sur la scène internationale et européenne. En 2024, le déficit public devrait atteindre un niveau record en s’établissant à 6,1 % du PIB ([1]). Pour l’année 2025, le Gouvernement espère atteindre une diminution du déficit public de près d’un point, afin de le ramener à 5,2 % du PIB. Le rapporteur pour avis, comme l’ensemble de ses collègues du groupe Rassemblement national, est très préoccupé par cette situation, qui distingue la France de la plupart de ses voisins européens qui ont su, eux, maîtriser leurs finances publiques.

Le présent rapport pour avis s’inscrit résolument dans la volonté de redresser les comptes publics et de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Il est indispensable de maîtriser structurellement une partie des dépenses consacrées à l’immigration, au millefeuille administratif, à la contribution française au budget de l’Union européenne, de s’attaquer réellement à la fraude fiscale et sociale, d’augmenter la fiscalité sur les superdividendes et le rachat d’actions. Ainsi, les taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicables à la consommation d’énergie et aux produits de premières nécessités pourront enfin baisser.

Les acteurs soutenus par les politiques publiques regroupées au sein de la mission Médias, livre et industries culturelles, devront prendre leur part à l’indispensable effort de redressement des finances publiques. En 2025, celui-ci s’élèverait à 12,3 millions d’euros pour la présente mission (cf. infra). Par principe, le rapporteur pour avis n’est pas opposé à ce que les secteurs de la presse écrite, des médias, du livre et des industries culturelles participent à la réduction du déficit public. Il y a là un enjeu de responsabilité et de patriotisme. Prioritaires, les crédits regroupés au sein de la mission Médias, livre et industries culturelles ne le sont pas moins que les autres. Ces crédits traduisent le soutien financier que l’État consent à l’égard de ces secteurs, au vu de leur caractère stratégique pour la vitalité de la démocratie et la défense de la souveraineté culturelle françaises. L’intervention de l’État est ainsi pleinement justifiée, afin d’accompagner des opérateurs économiques qui évoluent dans un milieu fortement concurrentiel et caractérisé par des asymétries réglementaires persistantes, les plateformes numériques étrangères continuant de capter une part croissante de l’attention des Français.

 

Cependant, il importe que chacun prenne sa juste part à l’effort. C’est pourquoi le rapporteur pour avis s’est étonné qu’au sein des 12,3 millions d’euros de baisses de crédits par rapport à l’année 2024, 10,3 millions d’euros – soit 84 % de l’effort – soient supportés par les radios associatives, dont la dotation représentait moins de 5 % des crédits de la mission inscrits en loi de finances initiale pour 2024. Si le rapporteur pour avis a formulé par le passé un certain nombre de critiques sur les hausses successives de la dotation du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), il n’en demeure pas moins que ces radios jouent un rôle de proximité, fondamental dans la préservation du tissu associatif local et de la cohésion sociale, en particulier dans les zones rurales où les services publics reculent les uns après les autres ; la baisse de crédits annoncée aura des conséquences majeures sur ce secteur (cf. infra). Le rapporteur pour avis a ainsi mal accueilli cette nouvelle, à l’instar du Syndicat national des radios libres (SNRL), de la Confédération nationale des radios associatives (CNRA) et de l’association Les Locales, qui ont dénoncé dans un communiqué de presse un « coup de guillotine » porté à leur secteur ([2]). Par ailleurs, il souligne que la création d’un bonus en faveur des radios associatives émettant dans les zones France ruralités revitalisation (FRR) ([3]), annoncée en juillet 2024 et mise en œuvre dans le cadre du présent projet de loi de finances, apparaît, a posteriori, comme une mesure purement cosmétique.

Le rapporteur pour avis souhaiterait néanmoins qu’une réflexion soit menée sur l’avenir des quelque 750 radios associatives ([4]) afin de distinguer celles qui sont de vrais médias de proximité employant des salariés de celles qui échappent à tout contrôle et qui propagent des messages pouvant tomber sous le coup de la loi. Il serait envisageable, a minima, de revoir les critères d’accessibilité au FSER, ou du moins d’assurer un suivi et un contrôle plus rigoureux de leurs obligations, surtout pour les radios associatives primo-accédantes aux subventions du FSER. Après contrôle, s’il s’avère que ces radios ne sont pas capables de démontrer leur utilité citoyenne, le renouvellement de leurs subventions publiques devrait être refusé.

Les crédits en faveur de la presse écrite seraient globalement stabilisés pour l’année 2025, les aides directes à la presse étant minorées à hauteur de 1 %. Ce quasi statu quo budgétaire est acceptable, dans la mesure où le constat sombre dressé par le rapporteur pour avis l’an dernier est plus que jamais d’actualité. Le chiffre d’affaires de la presse, en euros courants, a ainsi diminué, entre 2021 et 2022, de 0,8 %. En 2000, il s’élevait à près de 10,6 milliards d’euros. En 2022, il ne représentait plus que 5,8 milliards d’euros, soit une baisse de 45 %. Les inquiétudes exprimées par les éditeurs de presse, rencontrés par le rapporteur pour avis, sont nombreuses et justifient une poursuite de l’engagement financier de l’État, notamment pour accompagner le secteur dans sa nécessaire transition numérique. Les aides à la presse doivent notamment évoluer pour gagner en lisibilité et en équité, en particulier les aides au pluralisme, que le rapporteur pour avis souhaite remplacer par un crédit d’impôt sur le revenu au titre des abonnements à une publication d’information politique et générale (IPG). Alors que plusieurs groupes de travail des états généraux de l’information (EGI) ([5]), ont préconisé une réforme des aides à la presse, le projet de loi de finances pour 2025 semble constituer le cadre approprié pour mettre en œuvre cette proposition.

Le rapporteur pour avis se réjouit de la consolidation des crédits en faveur du livre et de la lecture, cette politique publique constituant à ses yeux une priorité absolue. Mme Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre (CNL), rappelait à juste titre au cours de son audition que bien que le livre représente la première industrie culturelle française, celle-ci est la moins aidée par les pouvoirs publics. Le rapporteur pour avis la rejoint résolument : la lecture devrait être une grande cause nationale permanente ([6]). Il aurait ainsi souhaité que la subvention pour charges de service public de cet établissement public soit stabilisée par rapport à l’année 2024 (cf. infra), dans un contexte de vieillissement du lectorat. Mme Hatchondo a rappelé au cours de ses échanges avec le rapporteur pour avis que 30 % des 16-19 ans ne lisaient pas du tout et ne souhaitaient pas lire, et que 48 % des jeunes lecteurs, lorsqu’ils s’y consacraient, ne se concentraient pas exclusivement sur à cette activité, déclarant faire autre chose pendant la lecture, notamment fréquenter les réseaux sociaux ([7]).

Enfin, le rapporteur pour avis estime que les secteurs du cinéma et de la musique enregistrée, qui se portent bien, sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics, dans de justes proportions. C’est pourquoi il approuve le prélèvement de 450 millions d’euros, prévu par le projet de loi de finances pour 2025 ([8]), sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) (cf. infra).

S’agissant du Centre national de la musique (CNM), le rapporteur pour avis sera vigilant sur le rendement constaté à la fin de l’année de la taxe « streaming » instaurée par la loi de finances initiale pour 2024 ([9]). Alors que le Gouvernement en espérait des recettes à hauteur de 15 millions d’euros, celles-ci pourraient ne s’élever qu’à 13 millions d’euros pour l’année 2024 ([10]), voire moins de 10 millions d’euros, selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par plusieurs personnes entendues dans le cadre de ses travaux. Dans ce contexte, plusieurs acteurs de la filière musicale ainsi que le ministère de la culture ont avancé l’idée de relever le plafond de la taxe sur les spectacles de variétés (TSV) affectée au CNM, actuellement fixé à 50 millions d’euros. En 2025, le Gouvernement en espère un rendement de 53,15 millions d’euros, 3,15 millions d’euros devant donc être reversés au budget général de l’État. Le rapporteur pour avis souhaite que le plafond de cette taxe affectée soit abaissé à 40 millions d’euros, afin que la filière musicale participe pleinement au redressement des finances publiques.

Le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la seconde partie du présent rapport à la refonte qu’il appelle de ses vœux du dispositif anti-concentration dans les médias audiovisuels, dépassé à l’heure de la concurrence des plateformes. Le choix d’un tel thème poursuit le même objectif que celui de l’an dernier : préserver la souveraineté audiovisuelle française. En effet, la révision du dispositif anti-concentration dans le secteur des médias audiovisuels, que défend le rapporteur pour avis, s’inscrit pleinement dans cette finalité. Le rapporteur pour avis cherchait l’an dernier à assurer la « découvrabilité » des contenus audiovisuels français ; cette année, il s’intéresse au mode de production de ces contenus. Les états généraux de l’information ne s’y sont pas trompés : le modèle économique des médias, de presse écrite comme audiovisuels, est la mère des batailles. Ce n’est qu’en renforçant leur viabilité économique que les pouvoirs publics leur donneront les moyens de continuer à assurer leurs missions dans de bonnes conditions, notamment en faisant face à une concurrence internationalisée et, hélas, encore trop souvent déloyale. Pour ce faire, il faudra assouplir les contraintes réglementaires pesant sur les acteurs de l’audiovisuel privé.

*

*     *

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles s’établiraient pour l’année 2025 à 728 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) – soit une diminution de 1,86 % – et à 723,65 millions d’euros en crédits de paiement (CP) – soit une diminution de 1,67 %.

Cette diminution du montant des crédits serait essentiellement supportée par le programme 180 Presse et médias, à hauteur de – 2,92 %, contre – 0,36 % pour le programme 334 Livre et industries culturelles (en CP).

À ces crédits budgétaires il convient d’ajouter, d’une part, les ressources issues des taxes affectées à certains opérateurs et, d’autre part, les mesures de soutien indirect via les nombreux crédits et réductions d’impôt au bénéfice des entreprises du secteur et des particuliers.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.


–  1  –

   Première partie : les crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles

La maquette budgétaire de la mission Médias, livre et industries culturelles reste inchangée par rapport aux précédents exercices budgétaires et comprend deux programmes : le programme 180 (Presse et médias) et le programme 334 (Livre et industries culturelles). Si les crédits de la mission diminueraient ( 1,86 % en AE et – 1,67 % en CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, cette diminution est inégale entre les deux programmes. Les crédits du programme 180 diminueraient ainsi à hauteur de 2,91 % en AE et 2,92 % en CP, tandis que les crédits du programme 334 baisseraient à hauteur de 0,78 % en AE et de 0,36 % en CP.

 Le programme 180 Presse et médias (365,6 millions d’euros en CP) comprend les crédits relatifs aux aides à la presse et aux relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse (AFP) ainsi que les moyens nécessaires au financement de plusieurs actions en faveur de médias locaux (radios associatives) ou de proximité (médias non professionnels). Les principales évolutions budgétaires au sein de ce programme sont les suivantes :

– la diminution (à hauteur de 10,3 millions d’euros) de l’aide aux radios associatives, qui s’établirait ainsi en 2025 à 25,3 millions d’euros en CP ;

– la poursuite de la mise en œuvre de la réforme du transport postal de la presse : l’aide à l’exemplaire posté s’établirait en 2025 à 65,5 millions d’euros (contre 68,2 millions d’euros en 2024) et l’aide à l’exemplaire porté s’établirait à 35,2 millions d’euros (contre 32,7 millions d’euros en 2024).

– la majoration à hauteur de 1,3 million d’euros des crédits versés à l’Agence France-Presse.

● Le programme 334 Livre et industries culturelles (357,9 millions en CP) retrace les crédits alloués aux opérateurs du livre ainsi que les actions du ministère de la culture en soutien à la filière du livre et au développement de la lecture. La musique enregistrée et l’industrie cinématographique et audiovisuelle sont soutenues respectivement par le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) au travers de mesures budgétaires, mais surtout de taxes affectées et de dépenses fiscales. Les évolutions budgétaires les plus notables au sein du programme 334 seraient :

– l’intégration de la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires au sein du plan « culture et ruralité », avec un financement spécifique de 1,8 million d’euros en 2025 ;

– la diminution de près de 5 % de la subvention pour charges de service public versée par l’État au CNM, qui passerait de 28,28 millions d’euros en 2024 à 26,95 millions d’euros en 2025, soit  1,33 million d’euros ;

– le renforcement des moyens de la Bibliothèque nationale de France (BNF), à hauteur de 4,7 millions d’euros pour son fonctionnement, afin notamment de compenser les charges incompressibles de l’établissement.

Répartition DES CRÉDITS de la mission PAR PROGRAMME et action
et principales Évolutions

(en euros)

Programmes/

actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances pour 2024

Projet de loi de finances pour 2025

Loi de finances pour 2024

Projet de loi de finances pour 2025

Programme 180 : Presse et médias

377 705 399

366 704 756 (– 2,91 %)

376 665 279

365 664 636 (– 2,92 %)

01 – Relations financières avec l’AFP

141 692 217

142 974 143

141 692 217

142 974 143

02 – Aides à la presse

196 826 383

194 888 133

195 786 263

193 848 013

05 – Soutien aux médias de proximité

1 831 660

1 831 660

1 831 660

1 831 660

06 – Soutien à l’expression radiophonique locale

35 688 639

25 344 320

35 688 639

25 344 320

07 – Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT)

1 666 500

1 666 500

1 666 500

1 666 500

Programme 334 : Livre et industries culturelles

364 169 976

361 334 738 (– 0,78 %)

359 282 643

357 994 738 (– 0,36 %)

01 – Livre et lecture

331 895 864

330 395 864

327 008 531

327 055 864

02 – Industries culturelles

32 274 112

30 938 874

32 274 112

30 938 874

TOTAL pour la mission

741 875 375

728 039 494

735 947 922

723 659 374

Variation

 13 835 881 (– 1,86 %)

 12 288 548 (– 1,67 %)

Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

I.   Le soutien au secteur de la presse et des médias : une baisse de l’engagement financier de l’État inégalement répartie

L’affaiblissement du modèle économique de la presse écrite se poursuit d’année en année, sans que les pouvoirs publics ne parviennent à l’enrayer.

La diffusion de l’ensemble des titres de presse, qui était stable autour de 7 milliards d’exemplaires par an pendant vingt ans, accuse, depuis 2008, une forte érosion. Tous les types de presse sont concernés.

Selon les données de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) portant sur l’année 2023, la presse française diffuse à 2,7 milliards d’exemplaires, soit 7,5 millions d’exemplaires par jour (– 4,6 % par rapport à 2022). Le premier canal de diffusion demeure l’abonnement (imprimé ou numérique) : il représente 46 % de la diffusion, soit 1,1 milliard d’exemplaires. En parallèle, les sites et applications de presse ont accueilli 27,2 milliards de visites en 2023, dont 85 % des consultations grâce à un terminal mobile, soit 24 % de la diffusion. Les ventes au numéro représentent 23 % de la diffusion et ont poursuivi leur baisse (– 10,3 % par rapport à 2022).

Répartition du nombre d’exemplaires par type de diffusion en 2021

 

Nombre d’exemplaires (en milliers)

(en %)

Évolution 2020-2021

(en %)

Rappel répartition en 2011

(en %)

Ventes au numéro

756 784

25,6

8,1

31,8

Abonnements

1 354 574

45,8

4,2

32,4

Gratuits

211 545

7,2

19,9

17,6

Invendus

634 474

21,5

1,3

18,2

Ensemble

2 957 377

100

5,4

100

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

La diminution des recettes publicitaires de la presse écrite, étroitement liée à l’effondrement de la diffusion, semble se poursuivre inexorablement. Plusieurs représentants des éditeurs de presse ont jugé au cours de leur audition que le niveau de recettes publicitaires générées par l’imprimé prévalant avant l’épidémie de covid-19 ne serait vraisemblablement jamais retrouvé, sans que la légère hausse des recettes publicitaires numériques puisse compenser la diminution des premières. De fait, les recettes issues de la publicité numérique ont quadruplé au cours des quinze dernières années, passant d’environ 2 milliards d’euros en 2008 à près de 9,3 milliards d’euros en 2023. Depuis 2016, le numérique est ainsi devenu le premier marché publicitaire. Un transfert de valeur s’est opéré des médias traditionnels vers les acteurs numériques, en particulier Google et Meta, qui captaient, en 2019, 76 % des parts de marché de la publicité en ligne.

En 2023, les recettes publicitaires nettes pour l’ensemble des médias s’élevaient à 17,3 milliards d’euros, soit une hausse de 3,4 % par rapport à l’année 2022 et de 14,1 % par rapport à 2019. Ce rétablissement consécutif à la sortie de crise sanitaire masque cependant de fortes disparités. Si le numérique affiche une très forte hausse depuis 2019 (+ 55,6 %) et que la télévision a réussi à retrouver un niveau de recettes proche de celui prévalant avant la crise sanitaire (– 0,6 %), tel n’est pas le cas de la presse (– 15 %).

Évolution des recettes publicitaires depuis 2006

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Du fait de ces évolutions, le rapporteur pour avis est favorable à une évolution de la réglementation qui permettrait de rééquilibrer le partage de la valeur au profit des acteurs traditionnels. En premier lieu, il convient d’assurer une transparence de la répartition des investissements publicitaires, en contraignant les annonceurs à distinguer les investissements réalisés auprès des médias participant au financement de l’information et de la création de ceux effectués sur les plateformes. Le but de cette réforme serait de pousser les entreprises à améliorer leur impact social, en les incitant à réorienter leurs dépenses vers les médias traditionnels. En deuxième lieu, la concurrence sur le marché de la publicité numérique devrait être renforcée, en assurant l’interopérabilité des services de publicité en ligne et en interdisant aux plateformes dominantes de privilégier leurs propres services publicitaires. Ce faisant, les pouvoirs publics favoriseraient l’émergence de nouveaux acteurs sur le marché de la publicité en ligne et permettraient aux médias de s’affranchir de leur dépendance aux plateformes. Ces deux mesures nécessiteraient une modification du règlement sur les marchés numériques ([11]), dont la révision est prévue en mai 2026. En troisième lieu, le rapporteur pour avis soutient la mise en place d’une contribution obligatoire des plateformes sur la publicité numérique. Le produit de cette contribution serait redistribué aux médias traditionnels, en partie au secteur de la presse écrite.

Ces trois mesures ont été proposées par le rapport du comité de pilotage des états généraux de l’information (propositions n° 7, 8 et 12). Si le rapporteur pour avis ne partage pas l’ensemble des propositions du comité de pilotage et des groupes de travail ([12]), il constate que ceux-ci ont bien cerné l’enjeu des années à venir : la production d’une information fiable et de qualité nécessitera de renforcer le modèle économique de la presse, en péril.

Si le soutien financier de l’État consenti au secteur demeure nécessaire, le rapporteur pour avis suggère quelques ajustements. Plusieurs éditeurs de presse ont réclamé une reconduction de l’aide exceptionnelle de 30 millions d’euros instituée par un décret du 3 mai 2023 ([13]). Cette aide exceptionnelle visait à soutenir les publications de presse, vendues à plus de 1 000 exemplaires en 2021, éditées par les entreprises dont les dépenses d’approvisionnement en papier ont connu une augmentation supérieure ou égale à 40 % et dont l’excédent brut d’exploitation en 2022 est négatif ou baisse par rapport à 2021 à hauteur d’au moins 10 %. Cette aide a bénéficié à 504 publications.

Bilan de l’aide exceptionnelle de 30 millions d’euros visant à compenser la hausse de certains coûts de production

 

Nombre de groupes

Nombre d’éditeurs

Nombre de publications

Montant

(en euros)

Demandes

199

295

855

-

Aides

111

167

504

29 412 569

IPG

-

 

204

18 828 565

Non IPG

-

 

300

10 584 004

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

En 2023, le coût de la tonne de papier s’établissait à 620 euros, contre 900 à 1 000 euros en 2022 et 450 euros en 2018-2019. Il s’agit d’une grande source de préoccupation pour les éditeurs, qui se tournent de plus en plus vers le carton. Néanmoins, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, l’État doit se concentrer sur l’accompagnement du secteur de la presse écrite dans sa transition numérique ([14]). À ce titre, le rapporteur pour avis regrette que la dotation du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) ne progresse pas en 2025, alors qu’il s’agit du principal instrument de l’État consacré à l’aide à la modernisation du secteur.

Enfin, le renforcement – pour ne pas dire le sauvetage – du modèle économique de la presse impliquera de faire cesser le pillage de sa valeur par les plateformes et les entreprises d’intelligence artificielle générative. Plusieurs éditeurs de presse ont souligné que seul Google se conformait à ses obligations législatives ([15]) en matière de droits voisins, à la suite des sanctions très lourdes infligées par l’Autorité de la concurrence. En effet, en mars 2024, l’Autorité de la concurrence a sanctionné la société Google à hauteur de 250 millions d’euros pour non-respect de certains engagements rendus obligatoires par une précédente décision du 21 juin 2022 ([16]). Des accords ont été conclus mais certaines plateformes refusent toujours de rémunérer les éditeurs au titre des droits voisins, à l’instar du réseau social X, à l’encontre duquel une procédure judiciaire a été engagée par plusieurs médias français ([17]). À l’évidence, la loi du 24 juillet 2019 doit être revue afin de contraindre les plateformes à davantage de transparence et à engager des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse ([18]). Le rapporteur pour avis s’associe donc à la proposition n° 6 du groupe de travail des états généraux de l’information consacré à l’avenir des médias d’information et du journalisme : « assurer leur pleine application aux obligations de rémunération des éditeurs au titre des droits voisins, en créant les conditions d’une négociation effectivement équilibrée entre éditeurs et plateformes numériques prévues par la loi du 17 avril 2019 » :

– en renforçant les obligations de transparence et les délais de transmission mise à la charge des plateformes numériques ;

– en élargissant les conditions d’intervention du tiers de confiance ;

– en instaurant une autorité d’arbitrage, en cas de désaccord persistant, évitant la lourdeur procédurale et les délais d’une action au contentieux ;

– en établissant une obligation de négociation collective à l’encontre des éditeurs, permettant de prévenir les tactiques de négociations individuelles visant à affaiblir la mise en œuvre globale de la rémunération des droits voisins.

Ces mesures pourraient trouver une déclinaison rapide à travers un projet ou une proposition de loi ([19]) ; le rapporteur pour avis les soutiendra.

 

 

En matière d’intelligence artificielle générative (IAG), le principe d’une juste rémunération des éditeurs au titre de l’exploitation de leurs contenus doit également prévaloir. Pour les services d’IAG, les contenus de presse sont très précieux du fait de leur qualité, et s’avèrent ainsi essentiels à l’entraînement de leurs systèmes. Or les éditeurs de presse sont peu, voire pas du tout, rémunérés, et peinent à entamer des négociations avec les acteurs de l’IAG. En juin 2024, l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) et le Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM) avaient adressé un courrier commun à vingt-cinq acteurs de l’IAG, réclamant l’ouverture d’une négociation et rappelant qu’un certain nombre d’utilisateurs avaient fait valoir leur droit d’opposition (opt-out) à toute reproduction de leurs publications à des fins de fouille de textes ou de données. Or il existe un sérieux doute sur le respect par les services d’IAG de l’opt-out. En septembre 2024, l’entreprise OpenAI, développeur de ChatGPT a refusé d’ouvrir des négociations groupées avec l’APIG et le SEPM, invitant les éditeurs de presse à exercer l’opt-out. Face à cette situation de blocage, les éditeurs de presse doivent être accompagnés par les pouvoirs publics dans leurs négociations avec les services d’IA.

A.   L’agence France-Presse : des crédits en hausse

L’Agence France-Presse (AFP) est l’une des trois grandes agences de presse mondiales, soutenue par l’État au titre de sa mission d’intérêt général.

Les crédits budgétaires inscrits au sein du programme 180 s’établiraient en 2025 à 142,9 millions d’euros, contre 141,7 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 0,9 %. Ces crédits comprennent deux parts : la première est destinée à compenser les missions d’intérêt général de l’AFP (120 millions d’euros) ; la seconde est versée au titre du paiement des abonnements commerciaux de l’État (23 millions d’euros).

Cette dotation budgétaire est conforme à la trajectoire prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) conclu entre l’État et l’AFP pour la période 2024-2028, approuvé par le conseil d’administration de l’AFP en décembre 2023 et signé le 13 juin 2024.

Le plan de transformation de l’AFP, arrêté à l’automne 2018, a permis un redressement réel de la situation financière de l’Agence ([20]). Ce plan poursuivait un double objectif d’augmentation des recettes commerciales, grâce à des investissements dans l’image et la vidéo, et une trajectoire de réduction de ses charges. Il prévoyait notamment 14 millions d’euros d’économies sur la masse salariale avant 2023.

En 2023, l’AFP a dégagé, pour la cinquième année consécutive, un résultat net positif de 2 millions d’euros. Ses recettes commerciales, de 207 millions d’euros, ont légèrement progressé (+ 0,3 million d’euros) par rapport à 2022, à taux de change comparables. Ses charges ont été maîtrisées (– 1,1 million d’euros par rapport à l’année précédente), en dépit d’une inflation mondiale toujours soutenue et des coûts de couverture des conflits en Ukraine et, en fin d’année, au Proche-Orient.

Le COM 2024-2028 prévoit la mise en œuvre par l’Agence des objectifs suivants :

– poursuivre l’action de lutte contre la désinformation : le COM fixe un objectif précis de développement de l’investigation numérique de l’AFP ([21]). Cette action répond à plusieurs défis pour l’information : l’essor de l’intelligence artificielle qui peut avoir un effet démultiplicateur sur la viralité des fausses informations, l’augmentation exponentielle du nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux et des plateformes, la nécessaire restauration de la confiance dans les médias ;

– renforcer la visibilité et la popularité de l’Agence auprès des médias, dans un contexte de forte concurrence, en axant sa stratégie éditoriale sur les sujets environnementaux et en lien avec le numérique (cybersécurité, régulation des plateformes, désinformation, impact de l’IAG ([22])) ainsi que sur la couverture de l’actualité du continent africain (montée en puissance du continent, impact des dérèglements climatiques, influences extérieures et tensions internes). Il s’agit également de poursuivre l’adaptation de l’Agence aux attentes des jeunes générations ;

– accroître la part des clients hors médias de manière à pallier les difficultés que rencontrent les clients « historiques » de l’Agence, mais également à faire face à l’attrition du chiffre d’affaires médias dont les ressources publicitaires s'amenuisent. Il s’agit également de développer les revenus réalisés avec les entreprises et les institutions, en particulier par l’intermédiaire des filiales de l’AFP.

Comme l’an passé, le rapporteur pour avis salue la bonne gestion de l’AFP, qui a respecté les engagements du COM 2019-2023 et appliqué avec succès le plan d’économies défini en 2018, qui lui a permis de définir une trajectoire de désendettement ambitieuse.

À l’ère de la désinformation, l’AFP constitue un atout stratégique de premier plan pour la France, justifiant de ce fait pleinement le soutien financier que l’État consent en sa faveur. Le rapporteur pour avis invite cependant l’AFP à prêter davantage d’attention à l’honnêteté et à l’objectivité de l’information. À la suite de l’attentat perpétré le 7 octobre 2023 sur le territoire israélien par le mouvement terroriste palestinien Hamas, le rapporteur pour avis s’était publiquement étonné de la consigne donnée par la direction de l’Agence de ne pas qualifier ce groupe de « terroriste », ce qu’il est pourtant incontestablement ([23]).

Afin que l’AFP contribue au redressement des finances publiques, le rapporteur pour avis propose de diminuer sa dotation budgétaire de 5 millions d’euros en 2025.

B.   Les aides à la diffusion de la presse : la mise en œuvre de la réforme du postage et du portage

Les crédits consacrés aux aides directes à la presse représenteraient en 2025 193,9 millions d’euros en CP, contre 195,8 millions d’euros en 2024 (– 1 %).

Les aides à la diffusion, qui constituent le volet le plus important des aides directes, s’élèveraient en 2025 à 112,3 millions d’euros, contre 115 millions d’euros en 2024. Elles visent à permettre l’accès à l’information de tous les citoyens, quelle que soit leur localisation géographique.

1.   L’aide à l’exemplaire à double barème : un premier bilan mitigé

L’aide à l’exemplaire pour les titres de presse postés ou portés résulte de la mise en œuvre des conclusions de la mission confiée par le Gouvernement à M. Emmanuel Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes, qui a proposé un nouveau système de distribution de la presse reposant, d’une part, sur la réduction des volumes de presse postés au profit du portage à domicile et, d’autre part, sur la stabilisation des tarifs postaux.

Suite à la signature d’un protocole d’accord le 14 février 2022 entre l’État, les organisations représentatives des éditeurs de presse écrite, la Poste et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), la Commission européenne a validé le dispositif le 5 décembre 2022, ouvrant la voie à l’institution de l’aide, définie par un décret n° 2023-132 du 24 février 2023.

Bénéficiant aux éditeurs de presse d’IPG, cette aide prévoit un barème pour les exemplaires postés et un barème pour les exemplaires portés, dont le montant est fixé jusqu’en 2026.

L’aide à l’exemplaire posté constitue la contrepartie de la suppression du tarif postal privilégié (le « ciblage postal ») dont bénéficiaient les titres IPG. Afin d’inciter les éditeurs de presse à recourir au portage, le montant de l’aide à l’exemplaire pour les titres de presse postés a été diminué de 15 % à compter du 1er janvier 2024, conformément à la trajectoire prévue par le décret n° 2023‑132 du 24 février 2023. Cette réduction n’a cependant pas été appliquée dans les communes rurales, dans lesquelles le portage est très difficile à mettre en œuvre.

Il n’est pas prévu de nouvelle diminution de l’aide pour les années 2025 et 2026. En 2025, le coût de l’aide a été évalué par le ministère de la culture à 65,5 millions d’euros, contre 68,2 millions d’euros l’année précédente, soit une baisse de 2,7 millions d’euros par rapport au montant prévu en loi de finances initiale pour 2024.

L’aide à l’exemplaire pour les titres de presse portés, pour sa part, serait dotée de 35,2 millions d’euros, contre 32,7 millions d’euros en 2024. Cette aide est réservée aux éditeurs dont les titres sont portés par un réseau de portage ayant conclu une convention avec la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par la DGMIC, qui réalise actuellement un bilan d’étape de la réforme, l’incitation à basculer vers le portage est restée modérée. En 2023, 246 millions d’exemplaires IPG ont été postés et 601 millions ont été portés. Si la bascule vers le portage a peu fonctionné, c’est d’abord parce que les réseaux de portage ont répercuté sur leurs tarifs la hausse des coûts de distribution, contrairement à La Poste dont les tarifs sont très encadrés. De plus, les réseaux de portage manquent toujours de personnel. La DGMIC a ainsi souligné la nécessité de renforcer l’incitation à passer du postage au portage, tout en évitant une transition trop brutale. Le rapporteur pour avis partage cet objectif, rappelant que le coût net pour l’État de la mission de transport et de distribution de la presse par La Poste est très élevé ([24]). Le statu quo est donc impossible et il conviendra de réviser le décret précité du 24 février 2023, en tenant compte des difficultés auxquelles font face les réseaux de portage. Plusieurs représentants des éditeurs de presse ont alerté le rapporteur pour avis sur ces difficultés, dues notamment au prix de l’essence ([25]).

L’an dernier, le rapporteur pour avis avait formulé le souhait que soit prise en compte la difficulté, pour de nombreux éditeurs de presse, à basculer du postage vers le portage du fait de la fragilisation de la filière des vendeurs-colporteurs de presse. Cette fragilisation résulte, d’une part, de la diminution de la diffusion de la presse et, d’autre part de l’augmentation du prix de l’essence. Ce constat est plus que jamais d’actualité et le rapporteur pour avis renouvelle donc sa proposition d’exclure à titre temporaire les vendeurs-colporteurs de presse du champ d’application des zones à faible émission (ZFE) des métropoles.

2.   Les autres aides à la diffusion

L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’IPG (première section de la sous-action 10 de l’action 02), qui serait reconduite dans le projet de loi de finances pour 2025 à hauteur de 27 millions d’euros, a également pour objectif de soutenir le secteur de la distribution de la presse. Il s’agit d’une aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’IPG vendue au numéro en France. Le montant de cette aide, passée de 18 à 27 millions d’euros entre 2020 et 2021, demeurerait à un niveau élevé en 2025 afin de garantir la distribution de la PQN.

3.   La presse dans les outre-mer : chronique d’une mort annoncée ?

L’an dernier, le rapporteur pour avis avait déjà accordé une attention particulière à la question du pluralisme et de la distribution de la presse dans les outre-mer. M. Pierre Pétillault, directeur général de l’APIG, est revenu sur la situation dramatique de la distribution de la presse en Nouvelle-Calédonie, désertée par les annonceurs et les points de vente, soulignant le risque que les territoires ultramarins « n’aient plus aucun titre d’information local et plus de journalistes en dehors du service public », ce dernier bénéficiant de moyens auxquels les acteurs privés ne pourront jamais prétendre. En effet, si la hausse du coût des matières premières explique pour une large part les difficultés de la presse ultramarine, celles-ci résultent également de la concurrence des plateformes numériques, y compris celles de France Télévisions en outre-mer, qui proposent une information gratuite. Il en résulte que le nombre de cartes de presse délivrées dans les outre-mer par la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) a diminué de 35 % entre 2020 et 2023.

En juillet 2024, le Journal de l’île de La Réunion (JIR), fondé en 1951, a disparu, ses 80 employés se retrouvant au chômage. Ne subsiste plus sur l’île qu’un seul journal papier, Le Quotidien. Il n’existe plus de quotidiens papier à Mayotte et en Guyane.

MM. Éric Matton et Thomas Libébel, respectivement directeur général et directeur financier de France Messagerie, sont quant à eux revenus sur la reprise de l’impression locale de la presse dans les Antilles françaises, grâce à l’impression numérique, qui pourrait prendre le relais des structures d’impression traditionnelles.

Une aide au pluralisme des titres ultramarins a été créée en 2021, dotée de 2 millions d’euros depuis lors. Ce montant apparaît très largement insuffisant et inadapté à la situation particulièrement dégradée de la presse dans les outre-mer.

4.   La nécessité d’une conclusion rapide de la concertation Soriano

En mai 2023, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) ont été chargées par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le ministre délégué chargé des comptes publics et la ministre de la culture d’une mission sur la distribution de la presse imprimée. Le rapport de mission a été remis en novembre 2023 et publié en avril 2024 ([26]). Quatre scénarios de réorganisation de la filière ont été proposés, dont deux sont privilégiés par le Gouvernement (scénarios 3 et 4) :

– une optimisation des conditions de fonctionnement et de financement du système de distribution ;

– une réforme structurelle assise sur la mutualisation de l’impression et de la distribution de la presse nationale et régionale au numéro et au portage.

Selon la DGMIC, de telles mutualisations sont essentielles pour garantir la soutenabilité écologique et économique de la distribution de la presse imprimée. Afin de mettre en œuvre cette réforme, qui repose sur une action directe des acteurs du secteur, le rapport recommande la mise en place d’un contrat de filière.

En avril 2024, Mme Rachida Dati, ministre de la culture, a chargé M. Sébastien Soriano, ancien président de l’Arcep de 2015 à 2021 et directeur général de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) depuis janvier 2021, de mener une concertation réunissant l’ensemble des professionnels de la filière. Cette concertation pourrait aboutir à la signature d’un contrat de modernisation des schémas logistiques, industriels et organisationnels de la filière, permettant une rationalisation des coûts et une diminution des pollutions induites par la presse imprimée grâce à une mutualisation des flux, de l’impression au lecteur, entre la presse quotidienne nationale et régionale et entre les flux vendus au numéro et distribués aux abonnés.

Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la mission a été temporairement suspendue. Entendue par le rapporteur pour avis le 3 octobre 2024, Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, lui a confirmé la volonté de la ministre de la culture de reprendre les discussions pour aboutir à un accord de filière, qui pourrait impliquer une aide de l’État, afin d’inciter les acteurs à se regrouper.

Le rapporteur pour avis espère que cette concertation pourra reprendre rapidement, aboutissant à un accord de filière ambitieux, ce qui passera nécessairement par une plus grande coopération entre la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale. Afin d’accélérer cette mutation et d’obliger les différents acteurs à parvenir à un accord le plus rapidement possible, le rapporteur pour avis préconise, pour l’année 2025, une minoration des aides à la diffusion à hauteur de 2 millions d’euros.

C.   Une stabilité des aides au pluralisme et à la modernisation en 2025

Outre les aides à la diffusion, l’État soutient la presse via le versement d’aides au pluralisme (25,9 millions d’euros) et d’aides à la modernisation (55,6 millions d’euros). Les aides directes à la presse bénéficient presque intégralement à la presse d’IPG. En 2023, les aides attribuées aux titres d’IPG ont représenté 94 % des aides à la presse écrite ([27]). Ce ratio, qui s’explique par l’attribution exclusive des aides directes à la presse d’IPG, à l’exception d’un faible volet du fonds stratégique de développement de la presse (FSDP) et du fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP), s’élèverait à 99 % en 2024, 2025 et 2026.

1.   Les aides au pluralisme

Depuis 2021, on dénombre cinq dispositifs d’aide au pluralisme. Les crédits prévus représenteraient 25,9 millions d’euros en 2025, soit un montant identique à celui inscrit en loi de finances pour 2024.

répartition et évolution des aides au pluralisme

(en euros)

 

Loi de finances pour 2024

Projet de loi de finances pour 2025

AE

CP

AE

CP

Aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires

17 055 000

17 055 000

17 055 000

17 055 000

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1 470 000

1 470 000

1 500 000

1 500 000

Aide au pluralisme des titres de presse ultramarins

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

Aide aux services de presse tout en ligne

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

Total

25 925 000

25 925 000

25 925 000

25 925 000

Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

● L’aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires vise à soutenir, d’une part, les titres dont les recettes publicitaires sont structurellement faibles compte tenu de leur positionnement éditorial et, d’autre part, les titres qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières. Cette aide réformée en 2017 comprend, d’une part, l’aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires (QFRP) et, d’autre part, l’aide aux publications nationales à faibles ressources publicitaires (PFRP). Le montant des crédits destinés au dispositif en 2025, identique à celui de 2024, s’élèverait à 17,1 millions d’euros.

● L’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces (QFRPA) a pour objet de concourir au maintien du pluralisme et à la préservation de l’indépendance des titres. Le total des crédits inscrits pour financer l’aide aux QFRPA serait fixé pour 2025 à 1,4 million d’euros, montant identique aux années précédentes.

● L’aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale (PPR) est destinée à conforter les titres de la presse d’IPG dont le maintien est utile au pluralisme d’expression et à la cohésion du tissu économique et social. Elle a été étendue en 2016 à toutes les périodicités de titres régionaux et locaux d’IPG, hors quotidiens, jusqu’aux trimestriels. Un décret du 4 mai 2023 a prorogé le dispositif jusqu’au 31 décembre 2025 ([28]). Le total des crédits prévus pour financer ce dispositif serait fixé pour 2023 à 1,47 million d’euros, montant identique aux années précédentes.

 L’aide au pluralisme des titres de presse ultramarins a été créée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et reconduite depuis avec une dotation annuelle de 2 millions d’euros. Cette aide, qui vise exclusivement les publications papier et bi-médias payantes IPG de toute périodicité, permet de répondre à la situation particulière de la presse ultramarine et concerne les entreprises de presse écrite imprimée ou bi-médias de certaines collectivités ultramarines ([29]).

● L’aide aux services de presse en ligne a été créée par le décret n° 2021‑1666 du 15 décembre 2021. D’un montant annuel de 4 millions d’euros, elle s’adresse exclusivement aux services de presse tout en ligne, c’est-à-dire diffusés sur internet et qui ne présentent pas de lien éditorial avec une publication imprimée. Sont concernés les services de presse tout en ligne reconnus IPG quel que soit leur modèle économique (gratuit, payant ou mixte). Autorisée par la Commission européenne le 19 mai 2022, elle a bénéficié en 2023 à 58 titres, dont 32 payants ou mixtes et 26 gratuits.

2.   Les aides à la modernisation

Les aides à la modernisation de la presse professionnelle sont au nombre de quatre. L’aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale est détaillée supra dans la partie consacrée aux aides à la distribution.

répartition et évolution des aides à la modernisation

(en euros)

 

Loi de finances pour 2024

Projet de loi de finances pour 2025

AE

CP

AE

CP

Aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale

27 850 000

27 850 000

27 850 000

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

17 316 936

16 276 816

17 816 936

16 776 816

Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

TOTAL

56 166 936

55 126 816

56 666 936

55 626 816

Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

● L’aide à la modernisation des diffuseurs de presse vise à accompagner le réseau des diffuseurs de presse, dont la situation reste préoccupante, dans l’effort de modernisation qu’ils doivent accomplir pour améliorer leur performance commerciale, dont dépend directement la diffusion de la presse vendue au numéro. En 2023, les conditions d’accès à l’aide ont été revues afin de privilégier la modernisation des espaces de vente et de constituer un meilleur effet de levier pour les investissements des diffuseurs. Par ailleurs, un simulateur d’aide et un portail de demande numérique sont disponibles depuis fin 2023. Dans le cadre du plan « culture et ruralité » lancé par le ministère de la culture, l’aide a été renforcée pour les marchands de presse situés en zone rurale. La dotation annuelle de 6 millions d’euros prévue pour ce dispositif serait reconduite en 2025.

● Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) soutient les projets d’investissement innovants ([30]). Le fonds, dans sa version modernisée en 2020 ([31]), soutient davantage les territoires ultramarins, la protection de la propriété intellectuelle et la transition écologique. Pour 2025, il serait doté de 17,8 millions d’euros en AE et de 16,8 millions d’euros en CP.

● Le fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse serait doté d’une enveloppe de 5 millions d’euros en 2024, comme les années précédentes. Il permet de financer les bourses d’émergence ([32]), les aides aux programmes d’incubation de médias émergents et les aides aux programmes de recherche et de développement.

 S’agissant par ailleurs des médias non professionnels, le ministère de la culture a créé en 2015 un fonds de soutien pérenne aux médias de proximité non professionnels, citoyens et participatifs (publications, sites de presse en ligne, webtélés, webradios, etc.). Ceux-ci contribuent en effet de manière croissante à la vitalité du débat démocratique, en donnant la parole aux habitants des territoires, urbains et ruraux, et en favorisant son partage dans l’espace public. En 2023, 131 structures ont obtenu une subvention, contre 152 en 2022. Le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité (FSMISP) serait doté de 1,83 million d’euros en 2025, autant qu’en 2024 et 2023.

3.   Des aides indirectes conséquentes

Les aides indirectes, qui prennent la forme de plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires, constituent une part significative des aides à la presse.

La loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a instauré un crédit d’impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d’IPG. La loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 en a limité la portée par la mise en place d’une condition de ressources. En raison de l’écart entre l’impact budgétaire initialement estimé (60 millions d’euros en année pleine) et l’évaluation fin 2022 réalisée par les services du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (3 millions d’euros), l’extinction de ce dispositif a été avancée du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2022 par la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

Le rapporteur pour avis a regretté la suppression de ce crédit d’impôt, « tué dans l’œuf » en raison de l’extrême complexité qui a caractérisé sa conception. Il présentait pourtant l’intérêt de soutenir la demande, alors que toutes les aides directes sont centrées sur l’offre. Dans le cadre d’une réforme globale des aides à la presse, le rapporteur pour avis invite le Gouvernement à revenir sur la suppression de cette dépense fiscale, qui pourrait selon lui utilement se substituer aux aides au pluralisme, à condition qu’elle soit plafonnée dans des conditions restant à déterminer. Le niveau maximal de la dépense fiscale pourrait ainsi être fixé pour chaque éditeur en bénéficiant, afin que son coût pour l’État demeure soutenable (20 millions d’euros maximum).


–  1  –

Principales Dépenses fiscales bénéficiant à la presse

(en millions d’euros)

Nature de l’aide

2024

Réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d’entreprises de presse

Moins de 0,5

Réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

Moins de 0,5

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

0

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

0

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

1

Exonération en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

5

Taux de 2,10 % applicable aux publications de presse *

58

TOTAL des dépenses fiscales

64

* À compter du projet de loi de finances pour 2024, les coûts indiqués ne correspondent plus aux diminutions de recettes de TVA mais à l’impact restant à la charge de l’État après transferts aux collectivités et aux administrations de sécurité sociale.

Source : Projet annuel de performances 2025 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

4.   Les sept entreprises de presse les plus subventionnées en 2023

En dehors de l’Agence France-Presse qui bénéficie d’une compensation de l’État au titre de ses missions d’intérêt général, les entreprises ayant touché les aides les plus importantes dans le cadre du programme 180 relevaient d’un ou plusieurs dispositifs (aides à la diffusion, aides au pluralisme et aides à la modernisation, notamment). Les données qui suivent sont consultables pour l’ensemble des titres de presse sur le site internet du ministère de la culture, qui publie chaque année la liste des titres de presse ayant bénéficié d’aides directes et indirectes ([33]).

– Le Parisien Libéré a perçu 12,3 millions d’euros de subventions, dont 11,8 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 0,3 million d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, et 0,2 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production ;

– La Société du Figaro a perçu 10,6 millions d’euros de subventions, dont 5 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 4,1 millions d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, 0,5 million d’euros au titre du FSDP, et 1 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production ;

– Bayard Presse (journal La Croix) a perçu 9,2 millions d’euros de subventions, dont 3 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, 5,5 millions d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, 0,4 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, et 0,3 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production ;

– La Société Éditrice du Monde a perçu 8,4 millions d’euros de subventions, dont 4,9 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 2,6 millions d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, 0,4 million d’euros au titre du FSDP, et 0,5 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production ;

– La Société Ouest France a perçu 6,9 millions d’euros de subventions, dont 6 millions d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, 0,1 million d’euros au titre du FSDP, et 0,8 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production ;

– La Société nouvelle du Journal l’Humanité a perçu 6,6 millions d’euros de subventions, dont 3,1 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, 2,3 millions d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, 0,2 million d’euros au titre du FSDP, 0,5 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, et 0,5 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production ;

– Libération a perçu 6,3 millions d’euros de subventions, dont 3 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, 1,4 million d’euros au titre de l’aide à l’exemplaire à double barème, 1,5 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, et 0,4 million d’euros au titre de l’aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production.

D.   Le soutien à l’expression radiophonique locale

1.   Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) : une très forte baisse de crédits

L’aide aux radios associatives, prévue à l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est accordée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) est chargé de la gestion de cette aide. Chaque année, plus de 700 radios associatives ([34]) bénéficient de ce soutien, qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

Ces radios sont présentes sur l’ensemble du territoire, tant dans les quartiers de la politique de la ville que dans les zones rurales et dans les territoires ultramarins. Elles représentent environ un quart des programmes diffusés en FM et 80 % des radios privées, constituant le deuxième employeur du secteur radiophonique. Employant près de 2 000 personnes, chaque radio associative dispose en moyenne d’un budget d’environ 120 000 euros par an et de trois salariés ([35]).

Aux termes du décret n° 2006-1067 du 25 août 2006 pris pour l’application de l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, quatre types de subventions leur sont attribuées :

– la subvention d’installation est accordée aux services de radio nouvellement autorisés par l’Arcom ;

– la subvention d’équipement finance les projets d’investissement en matériel radiophonique ;

– les subventions annuelles de fonctionnement, qui comportent deux volets : la subvention d’exploitation qui est automatique et soumise à barème, et la subvention sélective à l’action radiophonique attribuée sur proposition d’une commission consultative pour les radios réalisant des actions dans les domaines de l’emploi, l’intégration, la lutte contre les discriminations, la culture et l’éducation.

En 2023, le décret régissant le FSER a été modifié afin de mettre en place un accompagnement supplémentaire pour les radios associatives diffusant à la fois en FM et en DAB + ([36]), près de 300 radios associatives étant désormais autorisées en DAB + sur les multiplex étendus et locaux, dont la plupart sont également autorisées en FM et assurent donc une double diffusion. Or celle-ci représente un surcoût important pour les radios associatives, qui « peinent à l’absorber » de l’aveu même du Gouvernement ([37]). C’est pourquoi la réforme de 2023 a mis en place un coefficient de majoration de la subvention d’exploitation de 5 %, fixé par arrêté de la ministre chargée de la communication et du ministre chargé du budget. En 2023, 125 radios émettant en double diffusion ont perçu une majoration de leur subvention d’exploitation. Au cours de ses échanges avec le rapporteur pour avis, M. Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres (SNRL), a qualifié le DAB + de « révolution technologique à laquelle les radios associatives doivent s’adapter ». Il a cependant jugé nécessaire un renforcement de l’accompagnement financier de l’État pour faire face au coût de la double diffusion, notamment dans les zones rurales, où les radios associatives peinent à diffuser en DAB + du fait du coût des équipements de diffusion.

Dans le cadre du plan « culture et ruralité », le ministère de la culture a annoncé en juillet 2024 la création d’un bonus pour les radios du FSER situées dans les zones France ruralités revitalisation (FRR) et les territoires ultramarins. Cette mesure vise à répondre aux problématiques spécifiques auxquelles ces radios font face par rapport à celles situées en territoires urbains :

– fragilité des subventions des collectivités territoriales ;

– frais plus importants engendrés par la couverture d’un territoire plus étendu ;

– marché publicitaire plus restreint.

La mesure, soutenue par le rapporteur pour avis, qui souhaite davantage concentrer les aides du FSER sur les zones rurales, doit être mise en œuvre d’ici la fin de l’année 2024, en soutenant plus de 270 radios avec un gain moyen de près de 10 000 euros par radio. Cette dotation spécifique est estimée par le Gouvernement à 2 millions d’euros.

Comme indiqué l’an dernier, votre rapporteur pour avis souhaite que soit renforcé le contrôle par l’Arcom des propos tenus à l’antenne des radios associatives, conformément à l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le contrôle de l’Arcom doit être distingué de celui de la commission du FSER, qui relève d’un contrôle administratif et consiste en l’examen des comptes certifiés des radios associatives, ainsi que d’une note d’activité détaillée. Compte tenu du nombre important de radios associatives, l’Arcom ne peut pas contrôler rigoureusement chacune d’entre elles et intervient a posteriori, sur alerte des auditeurs. En 2023, l’Arcom a reçu près de 31 600 alertes déposées par des téléspectateurs et des auditeurs via le formulaire « Alertez-nous sur un programme » hébergé sur son site internet ([38]). Une telle donnée ne permet cependant pas de distinguer le nombre d’alertes portant respectivement sur les chaînes de télévision, les radios commerciales ou les radios associatives. En conséquence, le rapporteur pour avis invite le Gouvernement à mentionner dans le projet annuel de performances du programme 180 le nombre d’alertes concernant les radios associatives et les suites données par l’Arcom.

Les crédits du FSER ont été augmentés de 1,25 million d’euros en 2021 et de 1,1 million d’euros en 2022 ; une nouvelle revalorisation à hauteur de 1,7 million d’euros a été réalisée en 2023, portant ses crédits totaux à 34,8 millions d’euros, soit le niveau le plus haut jamais atteint depuis que ce dispositif existe (ces mesures sont destinées à compenser la hausse du nombre de radios éligibles autorisées à émettre par l’Arcom en FM et en DAB+ ([39])). En 2024, la dotation du FSER a augmenté à nouveau pour atteindre 35,7 millions d’euros (+ 2 %). Ce renforcement des crédits a permis d’augmenter le montant moyen des aides versées.

En 2025, une forte baisse de crédits est proposée par le Gouvernement. La dotation du FSER passerait de 35,7 millions d’euros à 25,3 millions d’euros, soit une baisse de crédits de 29 %. Le rapporteur pour avis est très surpris par l’absence totale d’explications, tant dans le projet annuel de performances de la mission que dans les réponses au questionnaire budgétaire, tant quant à la méthode retenue par le Gouvernement dans la fixation de cette nouvelle dotation, que s’agissant de l’évaluation de son impact sur le secteur, notamment en termes d’emploi. Cet arbitrage interministériel entraînera nécessairement des fermetures de radios associatives et des licenciements, sans qu’il soit possible de les chiffrer : une telle légèreté quant à la méthode suivie est déplorable.

2.   Une stabilité des crédits de la radio franco-marocaine Médi1

La participation de la France à Médi1 transite par la compagnie internationale de radio et télévision (Cirt). Cette dernière est une radio franco-marocaine créée en 1981 qui diffuse au Maghreb et en Afrique subsaharienne des programmes d’information et de divertissement en français et en arabe.

La radio Medi1 est éditée par la société Radio Méditerranée Internationale (RMI), détenue à 86,3 % par le Maroc, via la Banque marocaine du commerce extérieur (43,15 %) et la Société financière de gestion et de placement – société nationale d’investissement de la famille royale marocaine – (43,2 %). La France ne détient, par l’intermédiaire de la Cirt, que 13,7 % du capital de Médi1.

En 2025, la dotation serait maintenue au même niveau que les années précédentes à savoir 1,6 million d’euros (action 07). Elle permet notamment de couvrir les coûts salariaux des journalistes français qui y travaillent.

Au vu de la prise de contrôle en 2023 de Médi1, à hauteur de 86,3 % de son capital, par la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT), une holding publique marocaine, le rapporteur pour avis propose à nouveau la suppression des crédits de l’action 07.

II.   La politique du livre et les industries culturelles et créatives au service de l’exception culturelle française

Les crédits inscrits au programme 334 Livre et industries culturelles ont trait aux industries culturelles et créatives au sens large c’est-à-dire, outre la politique du livre et le soutien à la lecture, les secteurs de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel.

Le soutien à ces industries, qui évoluent dans un secteur très réglementé au niveau national comme, souvent, au niveau européen, passe par l’action de plusieurs établissements publics qui poursuivent des missions de service public tout en disposant d’une autonomie administrative et financière. Si leurs sources de financement sont diverses, ils bénéficient souvent du produit de taxes qui leur sont affectées et dont ils assurent même parfois le recouvrement, à l’instar du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et, depuis sa création en 2020, du Centre national de la musique (CNM), s’agissant de la taxe sur les spectacles vivants (TSV) ([40]).

A.   Le livre et la lecture, priorités publiques

L’action 01 Livre et lecture, qui recouvre 92 % des crédits du programme, comprend deux objectifs : d’une part, favoriser l’accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture et, d’autre part, soutenir la création et la diffusion du livre.

En 2025, 330,4 millions d’euros en AE (– 1,5 million d’euros par rapport à 2024) et 327 millions d’euros en CP (soit le même montant qu’en 2024) seraient consacrés à cette politique publique.

Alors que l’enjeu de diffusion du goût de la lecture continue à mobiliser l’État, il convient de souligner l’amélioration de la fréquentation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) en 2023, dynamisée par la réouverture complète du site Richelieu (plus de 1,1 million de visiteurs sur l’ensemble des sites). La Bibliothèque publique d’information (BPI), quant à elle, enregistre une nouvelle hausse de sa fréquentation en 2023 (de 1,08 million de visiteurs à près d’1,2 million de visiteurs). Enfin, la fréquentation des bibliothèques municipales continue de s’améliorer, le nombre de personnes ayant fréquenté une bibliothèque municipale au moins une fois dans l’année étant passé de 11,4 à 12,6 millions ([41]).

1.   Le soutien à la lecture pour tous les publics sur tous les territoires

 Hors budget de la BPI (cf. infra), les crédits de la sous-action Développement de la lecture et des collections s’établiraient pour 2025 à 20,2 millions d’euros en AE et 12,9 millions d’euros en CP.

Si la lecture publique est une compétence décentralisée, l’État accompagne toutefois les collectivités territoriales dans le développement du maillage territorial en bibliothèques et dans la modernisation des établissements. Les crédits d’intervention déconcentrés ont vocation à être mobilisés pour l’essentiel dans le domaine de la lecture publique, pour le soutien au développement et à la diffusion de l’offre et des pratiques de lecture par les bibliothèques, à travers des actions au bénéfice des médiathèques, la formation continue et l’insertion professionnelle, et les structures régionales pour le livre.

Les crédits centraux d’intervention en faveur du développement de la lecture et des collections (14,5 millions d’euros en AE et 7,2 millions d’euros en CP) permettent de soutenir deux types d’actions : d’une part, la conservation et la diffusion du patrimoine écrit, en particulier de la presse ancienne, et, d’autre part, le soutien au développement de la lecture. Le portail national de la lecture accessible, projet initié en 2022 par des administrations relevant de plusieurs ministères (culture, affaires sociales, éducation nationale, enseignement supérieur), est entré en phase opérationnelle en 2024. Le Gouvernement prévoit le déploiement d’une application permettant à toutes les personnes handicapées de repérer les livres correspondants à leur handicap, qu’ils soient nativement accessibles ou qu’ils aient été adaptés ultérieurement par des associations. D’ici 2026, le ministère de la culture compte établir un catalogue national, en s’appuyant sur la BNF. En parallèle, le ministère chargé des personnes handicapées mettrait en œuvre un plan de rattrapage visant à adapter chaque année un plus grand nombre de livres, en vue de leur mise à disposition sur le portail, dont l’ouverture est prévue en 2026.

Après un premier financement de 4,65 millions d’euros consacré au lancement du plan national de numérisation de la presse ancienne, dont l’objectif est de porter, d’ici 2028, de 40 à 60 millions le nombre de pages de presse numérisées par la BNF et par les collectivités territoriales (bibliothèques municipales et services d’archives), dans le cadre de la création du Conservatoire national de la presse construit par la BNF au sein de son futur centre d’Amiens, une dotation identique devrait être reconduite au sein du présent projet de loi de finances. Le besoin total de financement du projet est estimé à 17,5 millions d’euros sur l’ensemble de la période.

Les crédits déconcentrés (5,7 millions d’euros en AE et en CP) ont vocation à financer le soutien au développement et à la diffusion de l’offre et des pratiques de lecture par les bibliothèques, à travers des actions au bénéfice des médiathèques, la formation continue et l’insertion professionnelle, ainsi que les structures régionales en faveur du livre.  

 Hors budget du Centre national du livre (CNL), les crédits de la sous-action Édition, librairie et professions du livre s’établiraient à 14,9 millions d’euros en 2024.

Les crédits centraux d’intervention (10,5 millions d’euros) visent à soutenir le secteur de l’édition et des librairies à travers divers organismes parmi lesquels figurent la Centrale de l’édition, le Syndicat de la librairie française et le Bureau international de l’édition française (Bief). Les prévisions de dépenses liées au droit de prêt en bibliothèque relèvent des dépenses de fonctionnement courant ([42]).

Les crédits déconcentrés (4,4 millions d’euros) visent principalement à :

– favoriser le maintien et le développement d’un réseau de librairies dense et diversifié contribuant à l’aménagement culturel et commercial du territoire ;

 accompagner des maisons d’édition établies en régions dans leur développement économique ainsi que dans leurs projets de publication, afin de concourir au maintien d’une diversité d’acteurs dans ce secteur, condition de la diversité éditoriale ;

– soutenir, au niveau local, l’organisation de manifestations littéraires de qualité associant des acteurs de la filière (libraires et éditeurs) et qui contribuent à valoriser la création éditoriale et les auteurs en assurant la visibilité de la production des éditeurs, notamment des plus petits d’entre eux, pour lesquels ces salons constituent des lieux privilégiés pour la diffusion de leurs ouvrages ;

– consolider le dispositif « jeunes en librairie », qui permet à des collégiens, lycéens et apprentis de bénéficier de projets d’éducation artistique et culturelle initiés par des établissements scolaires au travers d’un parcours de découverte des métiers et des acteurs du livre s’achevant par un achat en librairie.

2.   La Bibliothèque nationale de France

La Bibliothèque nationale de France (BNF) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la culture. Ses missions sont fixées par le chapitre Ier du titre IV du livre III du code du patrimoine :

– collecter, cataloguer, conserver et enrichir, dans tous les champs de la connaissance, le patrimoine national dont elle a la garde, en particulier le patrimoine de langue française ou relatif à la civilisation française ;

– assurer l’accès du plus grand nombre aux collections, sous réserve des secrets protégés par la loi, dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec la conservation de ces collections ;

– assurer la gestion des immeubles, appartenant à l’État ou que ce dernier détient en jouissance, nécessaires à l’exercice de ses missions et qui sont mis à sa disposition par une convention d’utilisation conclue dans les conditions prévues aux articles R. 2313-1 à R. 2313-5 et R. 4121-2 du code général de la propriété des personnes publiques ([43]).

Avec 247,6 millions d’euros en AE et 251,6 millions d’euros en CP prévus pour 2025 (en hausse de 4,7 millions d’euros), la BNF est, sur le plan budgétaire, le plus important des établissements culturels. La hausse de la subvention pour charges de service public de la BNF vise à compenser les charges incompressibles de l’établissement. La subvention pour charges d’investissement resterait stable en 2025.

La construction à Amiens du nouveau centre de stockage et de conservation constitue un investissement important. Outre qu’il permettra de « désaturer » ses sites actuels ([44]), il intégrera le Conservatoire national de la presse qui accueillera à terme la plus grande collection de presse francophone du monde, étant entendu que les documents de presse sont fragiles et supposent des conditions de conservation très contrôlées. La notification du marché de maîtrise d’œuvre est intervenue en mars 2024, conformément au calendrier général de l’opération. Des études de maîtrise d’œuvre seront conduites en 2024 et 2025. Les travaux devraient débuter au printemps 2026 pour une mise en service du bâtiment prévue avant la fin 2029.

3.   La Bibliothèque publique d’information

La Bibliothèque publique d’information (BPI) est une bibliothèque encyclopédique et multimédia située dans le Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou (Cnac-GP). Des travaux de grande ampleur interviendront entre 2025 et 2030, impliquant le relogement provisoire de la BPI, qui devrait intervenir au printemps 2025. Le site retenu pour la relocalisation de la BPI est le bâtiment « Lumière », dans le 12e arrondissement de Paris, d’une capacité inférieure aux locaux actuels. L’établissement fermera pendant six mois à compter de mars 2025, pour une ouverture prévue à la fin de l’été.

En 2025, les subventions pour charges de service public et pour charges d’investissement atteindraient 8,47 millions d’euros en AE et en CP.

4.   Le Centre national du livre

Le Centre national du livre (CNL) a pour missions de favoriser la création, l’édition, la diffusion et la promotion des œuvres littéraires ou scientifiques les plus qualitatives, à travers des actions de soutien aux professionnels de la chaîne du livre, qu’il s’agisse d’auteurs, de traducteurs, d’éditeurs, de libraires, de bibliothécaires, d’organisateurs de manifestations littéraires ou de structures d’accompagnement ou de valorisation du secteur du livre. Le CNL soutient à la fois la création littéraire et la diffusion des œuvres auprès du public et le soutien économique à la prise de risque des acteurs de la chaîne du livre.

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) signé par la ministre de la culture et la présidente de l’établissement public le 12 juin 2023 comprend quatre axes stratégiques :

– favoriser la diversité de la création en accompagnant l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre ;

– renforcer la place des auteurs et de la littérature dans la vie des Français ;

– développer le goût des livres et de la lecture auprès du plus grand nombre ;

– adapter la gouvernance du CNL aux nouveaux enjeux.

Au cours de ses échanges avec le rapporteur pour avis, Mme Régine Hatchondo, présidente du CNL, a évalué à 1,4 million d’euros le besoin de financement supplémentaire de l’opérateur, afin de doubler les résidences d’auteurs dans les écoles et les collèges ainsi que les masterclasses, qui consistent en des rencontres avec des auteurs de littérature jeunesse ou contemporaine ([45]). Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, le rapporteur pour avis comprend que cette demande de revalorisation n’ait pas été acceptée. En revanche, il aurait souhaité, alors que l’effondrement de la lecture chez les plus jeunes a été démontré (cf. supra), une stabilisation des moyens de cet opérateur. En 2025, la subvention pour charges de service public du CNL passerait de 28,9 millions d’euros en AE et en CP à 28,45 millions d’euros, soit une diminution de 450 000 euros.

B.   Le Centre national de la musique, opérateur au service de la filière musicale

1.   Le CNM, « maison commune de la musique et des variétés » 

a.   Les missions et les perspectives du CNM

Institué par la loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique (CNM), celui-ci est un établissement public à caractère industriel et commercial résultant de la fusion de plusieurs structures : le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), le Club action des labels et disquaires indépendants, le Centre d’informations et de ressources pour les musiques actuelles, le Fonds pour la création musicale et le Bureau export de la musique. Il a pour mission principale de garantir la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Le CNM apporte un soutien à la filière musicale dans l’ensemble de ses pratiques et de ses composantes, dans le secteur de la musique enregistrée comme dans celui du spectacle vivant. Il doit permettre à l’État de comprendre et de mesurer l’évolution du secteur afin d’orienter les politiques publiques en faveur de la musique.

Confronté à la crise sanitaire dès ses premiers mois d’existence, le CNM a été chargé par l’État de mettre en place des politiques de soutien d’urgence à la filière musicale et les politiques de relance décidées par le Gouvernement. Ainsi, l’opérateur a géré 152 millions d’euros d’aides exceptionnelles en 2020, puis 200 millions d’euros issus du plan de relance pour 2021 et 2022, alors que son budget annuel de fonctionnement devait être de 55 millions d’euros ([46]). Au total, de 2020 à 2023, ce sont plus de 400 millions d’euros qui ont été mobilisés par l’État pour la filière. Alors que la santé économique du spectacle vivant et de la musique enregistrée semble être revenue à son état d’avant crise, de façon cependant inégale, le CNM a confirmé son rôle structurant dans le soutien de la filière et sa capacité à remplir ses missions d’intérêt général.

L’année 2025 devrait constituer un tournant pour l’opérateur, qui verra ses ressources croître fortement, principalement grâce au dynamisme du produit de la taxe sur les spectacles vivants (TSV) ([47]), qui passerait d’un rendement estimé à 32 millions d’euros en 2024 à un rendement de 53,15 millions d’euros en 2025 (cf. infra). Ce supplément de ressources traduit la bonne santé de la filière musicale et permettra au CNM d’amplifier ses dispositifs d’intervention. MM. Jean-Philippe Thiellay et Romain Laleix, respectivement président et directeur général délégué du CNM, ont à ce titre souligné au cours de leurs échanges avec le rapporteur pour avis les difficultés des petits festivals et des petites scènes, qui souffrent de l’augmentation des coûts de production.

En outre, le CNM s’est engagé, par son contrat pluriannuel d’objectifs et de performance (COP) 2024-2028, dans une démarche d’évaluation triennale des dispositifs dont il assure la gestion, afin de fournir des évaluations détaillées aux pouvoirs publics. L’année 2025 devrait également être celle d’une refonte du système d’aides du CNM, afin de simplifier les procédures et d’introduire des critères sélectifs supplémentaires, notamment en matière de responsabilité sociale et environnementale.

b.   Les crédits d’impôt musicaux 

Le CNM gère plusieurs dispositifs d’aides aux entreprises de la musique et des variétés, qu’il déploie sous forme de droits de tirage, d’aides sélectives sectorielles et transversales et délivre les agréments, au nom du ministre chargé de la culture, pour le bénéfice de trois crédits d’impôts dans le domaine de la musique :

 le crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques (CIPP) ([48]) : créé en 2006, ce dispositif bénéficie aux entreprises de production phonographique soumises à l’impôt sur les sociétés au titre des dépenses de production, de développement et de numérisation d’un enregistrement phonographique ou vidéographique musical, à condition de ne pas être détenues, directement ou indirectement, par un éditeur de service de télévision ou de radiodiffusion. En 2023, la dépense fiscale associée s’est élevée à 26 millions d’euros. En 2024 et en 2025, elle est estimée à 31 millions d’euros ([49]) ;

 le crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV) ([50]) : créé en 2016, il bénéficie aux entreprises exerçant l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants soumises à l’impôt sur les sociétés, au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés. En 2023, la dépense fiscale associée s’est élevée à 34 millions d’euros. Elle devrait s’élever à 42 millions d’euros en 2024 et 2025 ;

 le crédit d’impôt pour dépenses d’édition d’œuvres musicales (CIEM) ([51]) : créé en 2022, ce dispositif bénéficie aux entreprises d’édition musicale soumises à l’impôt sur les sociétés, au titre de leurs dépenses engagées en vue de soutenir la création d’œuvres musicales, de contrôler et d’administrer des œuvres musicales éditées, d’assurer la publication, l’exploitation et la diffusion commerciale des œuvres musicales éditées et de développer le répertoire d’un auteur ou d’un compositeur. La dépense fiscale estimée s’est élevée à moins de 1 million d’euros en 2023 et devrait s’élever à 1 million d’euros en 2024, puis 3 millions d’euros en 2025.

Au total, la dépense fiscale représentée par ces trois crédits d’impôt s’élèverait en 2024 à 74 millions d’euros, contre 60 millions d’euros en 2023, puis à 76 millions d’euros en 2025.

En septembre 2023, le CNM a mené une étude d’impact du CIPP et du CISV, qui visait à mesurer le degré d’atteinte des objectifs des crédits d’impôt, leur impact social, économique et fiscal pour les bénéficiaires, les éventuels effets d’aubaine et leur articulation avec les aides du CNM. Au vu de l’efficacité démontrée de ces dispositifs fiscaux ([52]), le rapporteur pour avis avait donné, l’an dernier, un avis favorable à la prorogation anticipée du CIPP, du CISV et du CIEM ([53]).

2.   Des sources de financement encore déséquilibrées

a.   Les ressources du CNM

Le financement du CNM s’appuie principalement sur des recettes fiscales, assises sur le chiffre d’affaires de la filière musicale et affectées à l’établissement, dont :

– le produit de la TSV, auparavant versé au CNV, qui devrait représenter une part déterminante de son financement. Son rendement s’était établi à 36 millions d’euros en 2019 avant que son paiement par les organisateurs de spectacles de variétés et de musiques actuelles soit suspendu durant la crise sanitaire. En 2023, son rendement s’est établi à 49,3 millions d’euros, un montant largement supérieur à celui qu’anticipait le CNM l’an dernier (30 millions d’euros). Le produit de la taxe en 2024 est estimé à 32 millions d’euros ([54]) et devrait afficher un fort dynamisme à partir de 2025, année où il s’établirait à 53,15 millions d’euros ;

 la taxe sur les locations en France de phonogrammes et de vidéomusiques destinés à l’usage privé du public dans le cadre d’une mise à disposition à la demande sur les réseaux en ligne, dite taxe streaming ([55]), censée permettre un rééquilibrage des contributions respectives de la musique enregistrée et du spectacle vivant au financement CNM. Cette taxe est assise sur le mode de consommation majoritaire de la musique, le streaming représentant 61 % des revenus de la musique enregistrée en 2022. Depuis janvier 2024, les plus grands services de streaming musical, gratuits comme payants, doivent ainsi verser 1,2 % de leur chiffre d’affaires à l’administration fiscale, au bénéfice du CNM.

Le produit de la taxe streaming devrait être décevant pour l’année 2024 : alors que le Gouvernement, fin 2023, espérait un rendement de 15 millions d’euros, celui-ci pourrait ne s’élever qu’à 13 millions d’euros pour l’année 2024, voire à moins de 10 millions d’euros selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par plusieurs personnes auditionnées. Toutefois, le COP 2024-2028 conclu entre l’État et le CNM prévoit une forte hausse du rendement de la taxe dans les années à venir, lequel s’élèverait à 28,4 millions d’euros en 2028.

En plus de ces ressources fiscales, le CNM dispose également de plusieurs autres ressources complémentaires :

– une subvention pour charges de service public versée par le ministère de la culture, qui s’établirait à 26,95 millions d’euros en 2025, contre 28,28 millions d’euros en 2024 ;

– divers autres concours financiers (collectivités territoriales, services déconcentrés de l’État, autres ministères), ainsi que les contributions des organismes de gestion collective (OGC), qui peuvent affecter au CNM une part de leurs ressources destinées à leurs actions culturelles et sociales. 6 millions d’euros étaient attendus des OGC en 2021 mais aucune somme n’a finalement été versée du fait de la crise sanitaire, tandis qu’en 2022 leur contribution s’est élevée à seulement 1,5 million d’euros. En 2023, les OGC ont versé au CNM 2,85 millions d’euros et il est prévu qu’ils contribuent au financement de l’opérateur à hauteur de 3 millions d’euros en 2024. Ce montant devrait progressivement augmenter à partir de 2025, pour atteindre les 6 millions d’euros initialement prévus à horizon 2028. Au total, ces autres concours financiers représenteraient 8,9 millions d’euros en 2025 ([56]) ;

– des recettes commerciales, estimées par le CNM à 0,67 million d’euros en 2025.

Toutes ressources confondues, le CNM bénéficierait de 104,5 millions d’euros en 2025, contre 81,8 millions d’euros en 2024, soit une augmentation de 27,75 %.

En conséquence, le rapporteur pour avis n’est pas favorable au relèvement du plafond de la taxe sur les spectacles vivants. Il préconise plutôt un abaissement du plafond à 40 millions d’euros (– 10 millions d’euros par rapport au plafond actuel), afin de faire participer davantage la filière musicale à l’effort de redressement des finances publiques. À son sens, cette mesure n’aurait rien de punitif puisque, dans l’hypothèse de son adoption par le Parlement, le CNM verrait ses ressources progresser de près de 13 millions d’euros en 2025, sous réserve du maintien en l’état du plafond de la taxe streaming (cf. infra). Le rapporteur pour avis déposera en ce sens, en séance publique, un amendement à la première partie du présent projet de loi de finances.

b.   2024, première année de recouvrement de la taxe streaming

Issue des recommandations formulées par le sénateur Julien Bargeton dans son rapport de mission ([57]), la taxe streaming visait à instaurer une source de financement supplémentaire pour le CNM, tout en rééquilibrant les contributions respectives de la musique enregistrée et du spectacle vivant. M. Bargeton avait estimé le besoin de financement supplémentaire du CNM entre 30 et 40 millions d’euros par an.

Si le produit de la taxe streaming ne devrait pas atteindre en 2024 le montant espéré fin 2023 de 15 millions d’euros (cf. supra), ce sous-rendement serait plus que compensé par le dynamisme de la TSV.

En outre, des difficultés ont été rencontrées dans la mise en œuvre et le recouvrement de la taxe par l’administration fiscale. Si la liste des redevables n’est connue que des services fiscaux, plusieurs articles de presse datant de juin 2024 avaient fait état de ces vicissitudes fiscales, confirmées par le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire budgétaire, qui a pointé le non-respect par certains redevables de leurs obligations déclaratives, sans toutefois dévoiler leur identité.

De nombreuses sources concordantes ont affirmé que ni TikTok ni Meta n’avaient versé leur contribution, contrairement à Apple Music, YouTube, Amazon Music et Spotify. Meta, en particulier, considère ne pas être redevable, dans la mesure où la société ne diffuserait de la musique qu’à titre « accessoire » ([58]). En juin 2023, la direction générale des finances publiques a lancé une consultation publique sur les contours de la taxe streaming ([59]). À la connaissance du rapporteur pour avis, l’administration fiscale n’a toujours pas publié ses commentaires doctrinaux. Il importe désormais que cette consultation publique s’achève au plus vite, afin que les plateformes en cause soient clairement désignées comme redevables de la taxe streaming. Il serait inacceptable que des entreprises comme Deezer et Spotify s’en acquittent, tandis que Meta et TikTok y échapperaient.

Le rapporteur pour avis rappelle qu’il avait exprimé, fin 2023, de fortes réticences quant à l’instauration de cette taxe, soulignant le risque d’une hausse des abonnements des plateformes de streaming payant, dont le modèle économique est encore fragile. Ce risque s’est en partie matérialisé. Il avait préconisé une taxation plus importante des ventes d’objets connectés et un élargissement de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels. Il avait également soutenu l’hypothèse d’une contribution de 7 % sur les revenus publicitaires des seules plateformes de streaming gratuit, comme TikTok ou YouTube, qui ne rémunèrent pas la création à sa juste valeur.

Dans le cadre de la discussion de la première partie du présent projet de loi de finances, le rapporteur pour avis proposera d’abaisser le plafond de la taxe streaming de 18 millions d’euros à 8 millions d’euros. Sur un produit prévisionnel de 18 millions d’euros en 2025, 10 millions d’euros seraient ainsi reversés au budget général de l’État.

C.    Le Centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la filière cinématographique et audiovisuelle

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) joue un rôle central dans le financement et le soutien de la filière cinématographique et audiovisuelle françaises, principalement via un système de taxes affectées. Ses ressources ont augmenté de manière significative ces dernières années, contribuant au maintien de l’attractivité du cinéma français, pourtant confronté aux transformations rapides des usages et des technologies au cours de la dernière décennie, avec la généralisation du numérique et l’essor des plateformes numériques sur le marché français.

En 2023, les salles de cinéma de France métropolitaine ont vendu 181 millions de billets, soit une hausse de 18,6 % par rapport à 2022. Ce résultat, bien que se rapprochant du niveau prévalant avant la crise sanitaire, demeure inférieur de 13,3 % à la moyenne des années 2017-2019. Sur les neuf premiers mois de l’année 2024, 127 millions d’entrées ont été enregistrées, soit une baisse de 4,6 % par rapport à la même période en 2023 ([60]). La fréquentation devrait atteindre 175 millions d’entrées à la fin de l’année 2024 ([61]).

Dans le même temps, la part de marché des films français au sein du marché domestique s’est élevée à 40 % en 2023 et devrait se maintenir à un niveau similaire en 2024, dépassant légèrement celui constaté avant la crise sanitaire. Il s’agit de la part de marché des films nationaux la plus élevée de l’Union européenne, ce qui témoigne de la capacité de l’industrie cinématographique française à être moins dépendante du cinéma américain que celle des autres États membres.

Le statut du CNC

Institué par la loi n° 46-2360 du 25 octobre 1946, le CNC est un établissement public administratif (EPA) chargé de soutenir, financer et développer les industries cinématographiques et audiovisuelles. Ses missions, très larges, sont fixées par l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée. Elles sont au nombre de six :

– observer l’évolution des professions et activités du cinéma et de l’audiovisuel, leur environnement technique, juridique, économique et social ;

– contribuer, par l’attribution d’aides financières, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée et en faciliter l’adaptation à l’évolution des marchés et des technologies ;

– contrôler les recettes d’exploitation des œuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels réalisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et par les éditeurs de vidéogrammes ;

– tenir les registres du cinéma et de l’audiovisuel ;

– collecter, conserver, restaurer et valoriser le patrimoine cinématographique ;

– participer à la lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédia.

En 2023, les dépenses de soutien du CNC en faveur du cinéma, de l’audiovisuel et de l’image animée se sont établies à 730 millions d’euros, hors dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, désormais résiduelles en 2024. Elles devraient s’établir à 783,7 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 2,1 % par rapport au budget initial de l’année 2024.

Pour remplir ses missions, le CNC jouit d’un statut particulier : il assume à la fois les missions assimilables à celle d’une administration centrale de l’État chargée de définir la politique du cinéma, tout en étant un établissement public placé sous la tutelle des ministres chargés de la culture et du budget, chargé de mettre en œuvre cette politique. Cette double nature, à la fois opérateur et régulateur, confère au CNC une agilité particulière, tout en le dotant de prérogatives de puissance publique, puisqu’il est notamment chargé d’étudier et de participer à l’élaboration des projets de textes législatifs et réglementaires relatifs aux industries cinématographiques et audiovisuelles.

1.   Le CNC, opérateur au service du cinéma français au fonctionnement perfectible

a.   Une progression des ressources fiscales du CNC du fait du dynamisme des taxes affectées…

Le CNC a pour mission de développer et de soutenir tous les secteurs de l’image animée avec deux finalités principales : assurer une présence forte des œuvres françaises et européennes sur le territoire français et à l’étranger, dans un environnement très concurrentiel, et contribuer à la diversité et à l’originalité de la création française. Il assure cette mission via son fonds de soutien qui apporte des aides automatiques et sélectives basées sur un système de financement de l’amont par l’aval. Trois taxes lui sont affectées :

– la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA), recouvrée et contrôlée directement par le CNC, et assise sur les recettes de la billetterie des salles de cinéma. Elle représente 10,72 % du prix du ticket en métropole et 5 % pour les départements ultramarins. En 2023, le produit de la taxe s’est établi à 146,6 millions d’euros, soit une progression de 28,7 millions d’euros par rapport à 2022. Du fait d’une fréquentation en légère diminution (conséquence du report d’un certain nombre de films américains lié aux grèves hollywoodiennes de fin 2023 et d’une contraction globale du box-office mondial de l’ordre de 5 %), l’estimation du produit de la TSA a été ramenée à 143 millions d’euros pour 2024. Enfin, le CNC estime son produit à 149,9 millions d’euros en 2025 et 163,5 millions d’euros à horizon 2028 ([62]) ;

– la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E), assise sur les recettes de publicité et de parrainage et sur les ressources publiques de chaînes au taux de 5,15 % du chiffre d’affaires, et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D), assise sur les abonnements et les sommes acquittées par les usagers en rémunération de services de télévision et d’offres d’accès à internet lorsqu’elles permettent de recevoir la télévision. Le produit global de la TST s’est élevé à 447 millions d’euros en 2023, en diminution de 22,1 millions d’euros (– 4,7 %) par rapport à l’exécution 2022. En 2024, le CNC prévoit un rendement de 488,1 millions d’euros. Au total, le CNC espère une stabilisation du produit de la taxe autour de 475 millions d’euros sur l’ensemble de la période 2025-2028 ;

 la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV), perçue au taux de 5,15 % sur le chiffre d’affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique et de vidéo à la demande. Son produit a atteint 178,3 millions d’euros en 2023, en augmentation de 51,3 millions d’euros par rapport à 2022 (+ 40,4 %). Cette forte progression est en particulier due au dynamisme de la vidéo à la demande par abonnement. Le produit est estimé à 150 millions d’euros en 2024, puis devrait passer de 152,1 millions d’euros en 2025 à 160,6 millions d’euros en 2028.

À ce stade, le produit des taxes pour 2024 est estimé à 785,1 millions d’euros, en augmentation par rapport à 2022 et 2023. La diversité des taxes affectées au CNC, qui représentent plus de 97 % de ses ressources, garantit ainsi la robustesse de son modèle de financement, la diminution d’une recette étant compensée, d’une année sur l’autre, par la progression des autres.

b.   … qui justifie de faire participer l’opérateur à l’effort de réduction du déficit public

À la fois collecteur de ses ressources et gestionnaire des aides, le CNC dispose d’un budget conséquent. Cependant, comme le souligne la Cour des comptes dans ses observations définitives sur la gestion du CNC de 2011 à 2022 ([63]), les provisions pour risques, charges ou dépréciations d’actifs ont augmenté de près de 40 % entre 2011 et 2019 et dépassent le milliard d’euros en 2022, alors que les soutiens accordés au secteur ont augmenté de 19 % sur la période. La Cour insiste par ailleurs sur la « grande complexité des aides et leur éparpillement » qui « rendent difficile toute évaluation de leur efficacité respective et de leur mise en œuvre combinée dans chacun des domaines d’activité concernés ». Elle a ainsi réclamé une réflexion sur les liens entre la fiscalité affectée, les besoins d’intervention et l’efficacité des aides du CNC, alors que ce dernier dispose d’une trésorerie jugée « disproportionnée au regard des autres opérateurs de l’État distribuant des aides ». L’État a d’ailleurs déjà été conduit à effectuer des prélèvements sur la trésorerie du CNC, entre 2011 et 2014.

Le rapporteur pour avis s’associe à la Cour des comptes, et souligne par ailleurs que le CNC dispose de ressources publiques élevées qui appellent une transparence financière totale de l’opérateur, celui-ci ayant de surcroît bénéficié de crédits budgétaires exceptionnels dans le contexte de la crise sanitaire, ainsi qu’au titre du plan d’investissement France 2030. Ces versements exceptionnels ont contribué à une progression de 20 % de la trésorerie du CNC, passée de 620,8 millions d’euros fin 2019 à 745,4 millions d’euros fin 2021. En 2024, cette trésorerie s’élève à 770 millions d’euros ([64]).

Ainsi, si le rapporteur pour avis n’est pas favorable au plafonnement des taxes affectées au CNC, il approuve le prélèvement exceptionnel de 450 millions d’euros sur sa trésorerie au profit du budget général de l’État, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Ce prélèvement est justifié par la progression très substantielle des ressources du CNC et répond à la nécessité de le faire participer à l’effort de réduction du déficit public. Le rapporteur pour avis est convaincu que le plafonnement de la fiscalité affectée, souhaité de longue date par la direction du budget, nuirait à un système fiscal vertueux qui repose intrinsèquement sur le consentement à l’impôt des acteurs du secteur.

Toutefois, le rapporteur pour avis s’associe aux critiques formulées par la Cour des comptes au sujet de l’avance sur recette (ASR), dispositif de soutien sélectif emblématique du CNC, dont le fonctionnement s’apparente davantage à une subvention selon la Cour. En outre, le sénateur Roger Karoutchi relevait, dans son rapport d’information sur le financement public du cinéma ([65]) que « l’offre croissante de films, français comme étrangers, dépasse la capacité d’absorption des salles. Elle conduit logiquement à une baisse tendancielle des recettes par films ». En effet, d’après la Cour des comptes, l’ASR « finance des films qui atteignent rarement un taux de rentabilité élevé : seuls 12 films sur 574 films aidés entre 2011 et 2018 génèrent des recettes guichet à la mi-2022 supérieures au coût total des œuvres, soit 2 % de l’ensemble des films soutenus. Deux tiers des œuvres aidées génèrent des recettes en salles qui représentent moins de 20 % de leur coût total ». Le rapporteur pour avis préconise ainsi de passer d’une logique de subvention à un mécanisme de prêts remboursables et de garanties de prêts, ce qui permettrait d’améliorer la qualité des films, d’accroître leur potentiel commercial et d’encourager une plus grande responsabilité des producteurs.

c.   Une dépense fiscale en faveur du cinéma en forte hausse et des dispositifs d’exonération d’impôts à interroger

  1.   La réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire ou au capital des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica)

Créé en 1985 à l’initiative de professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, le dispositif des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica), qui investissent et collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle, favorise le financement du cinéma indépendant et joue un rôle majeur dans le soutien de la production française et de la diversité culturelle. Conformément à l’article 199 unvicies du code général des impôts, les contribuables domiciliés en France bénéficient d’une réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital initial des Sofica ou aux augmentations de capital de ces sociétés. Cette réduction d’impôt s’applique aux sommes versées dans la limite de 25 % du revenu net global et de 18 000 euros. Deux taux majorés, de 36 % et 48 %, peuvent être appliqués sous certaines conditions.

Le dispositif des Sofica, prorogé jusqu’au 31 décembre 2026 ([66]), a permis de collecter un montant de 73 millions d’euros en 2023. La dépense fiscale associée à ce dispositif s’est élevée à 35 millions d’euros en 2023 et devrait rester stable en 2024 et en 2025.

Afin de réduire le coût du dispositif pour les finances publiques tout en maintenant le principe d’une incitation fiscale à investir dans la production cinématographique et audiovisuelle, le rapporteur pour avis propose de supprimer les deux taux majorés de 36 % et 48 %.

 

 

  1.   Les crédits d’impôt

Les trois crédits d’impôts (cinéma – CIC, audiovisuel – CIA, international – C2I) visent également à soutenir la diversité et l’attractivité des filières concernées en France. Le relèvement de leurs taux respectifs par le Parlement en 2016 et 2017 a permis de renforcer la compétitivité des secteurs bénéficiaires et la localisation des tournages en France, dans un contexte de forte concurrence entre dispositifs fiscaux européens et internationaux. Ainsi, le montant total de la dépense fiscale en faveur du cinéma et de l’audiovisuel (CIC, CIA et C2I) s’est établi à 472 millions d’euros en 2023 ([67]). En 2024, cette dépense fiscale devrait croître significativement et atteindre 586 millions d’euros. En raison d’une baisse sensible du C2I due aux effets de la grève des scénaristes et comédiens de l’été 2023 aux États-Unis et au choix de certaines plateformes de rationaliser leurs investissements dans la production, la dépense fiscale serait ramenée à 499 millions d’euros en 2025. La dépense fiscale liée aux crédits d’impôt est donc fortement dynamique depuis 2022.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DES INDUSTRIES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELLES

(en millions d’euros)

Crédit d’impôt

2021

2022

2023

2024

2025

CIC

85

160

109

152

168

CIA

140

190

179

224

221

CI2

77

120

193

210

110

Total

302

470

472

586

499

Source : Cour des comptes, CNC, documents budgétaires.

Le rapport d’évaluation 2023 des crédits d’impôt, transmis au Parlement par le CNC ([68]), démontre que les objectifs de ces différents crédits d’impôt, notamment en matière d’impact sur l’attractivité du territoire français et de retombées économiques directes et indirectes, sont atteints. Ainsi, entre 2019 et 2023, le taux moyen de localisation en France des dépenses des films bénéficiaires du CIC s’est élevé à 92 %, correspondant à 3,8 milliards d’euros de dépenses réalisées sur l’ensemble du territoire. Le C2I constitue en particulier un facteur décisif d’attractivité de la France pour les productions étrangères, dans un contexte de forte concurrence internationale. En outre, ces crédits d’impôt génèrent de l’activité et de l’emploi sur l’ensemble du territoire et constituent un atout pour la mise en valeur du patrimoine naturel et historique français, ainsi que pour l’image de la France à l’international. Le CNC relativise ainsi le coût net des crédits d’impôt pour les finances publiques, en rappelant que les retombées économiques et les emplois créés produisent des recettes fiscales supplémentaires.

2.   Les nouveaux chantiers prioritaires du CNC

Au cours de son audition, M. Olivier Henrard, président par intérim du CNC ([69]), est revenu sur les priorités du Centre dans les années à venir. En particulier, le CNC souhaite soutenir davantage la diffusion cinématographique en milieu rural, en s’appuyant sur l’expérience des relais locaux : un soutien aux circuits de cinémas itinérants et un effort financier en direction des petits festivals, qui bénéficieraient d’une augmentation de 60 % de l’enveloppe qui leur est consacrée. Le rapporteur pour avis se réjouit de ce plan d’action visant à favoriser la présence des œuvres cinématographiques en milieu rural, un enjeu sur lequel il a souvent alerté. D’autre part, le CNC souhaite encourager l’accès des jeunes publics aux œuvres cinématographiques, en renforçant les dispositifs d’éducation à l’image et de méditation culturelle.

Le CNC souhaite également intensifier la démarche consistant à faire de ses aides un vecteur d’exemplarité en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), en augmentant les dotations des entreprises qui mènent des initiatives concernant la transition énergétique, la prévention des diverses formes de violences et de harcèlement sur les lieux de travail, y compris les tournages, ainsi que l’accès aux professions de la filière des personnes en situation de handicap.

 


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Seconde partie : les règles anti-concentration dans le secteur audiovisuel sont-elles adaptées à la concurrence des plateformes ?

Introduction : le dispositif anti-concentration dans le secteur des médias, un dispositif obsolète et contraire à l’intérêt national

L’an dernier, le rapporteur pour avis avait choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à la défense de la souveraineté télévisuelle française. Il s’agissait alors de dresser un état des lieux du débat sur la visibilité des services et des programmes de télévision français sur les interfaces des équipements connectés, en particulier sur les interfaces utilisateurs des téléviseurs connectés (smart TV), où les grandes plateformes extra-européennes (Netflix, Amazon Prime Video, Disney +) assurent un accès privilégié à leurs contenus, moyennant finances. Si la question de la solidité du modèle économique des médias français est une priorité partagée par tous, notamment au regard de la captation croissante par ces plateformes de la ressource publicitaire ([70]), encore faut-il que les contenus produits soient accessibles au plus grand nombre. Or la « découvrabilité » ([71]) des services de télévision français n’est plus garantie. C’est pourquoi le législateur, transposant une directive européenne ([72]), a prévu que « les États membres peuvent prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général » ([73]). S’il était naturel que les services fournis par le secteur public de la communication audiovisuelle (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel, Arte, Public Sénat, LCP-Assemblée nationale, TV5 Monde) reçoivent la qualification, directement par la loi, de services d’intérêt général (SIG) pour l’exercice de leurs missions de service public, il revenait à l’Arcom, après consultation publique, d’étendre cette liste.

Dans une délibération du 25 septembre 2024 ([74]), l’Arcom a décidé d’accorder la qualification de services d’intérêt général à l’ensemble des services de télévision nationaux gratuits titulaires d’une autorisation de diffusion délivrée en application de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, ainsi que les services de médias audiovisuels à la demande, mis à disposition gratuitement pour l’utilisateur, intrinsèquement liés à ces services de télévision et édités par les éditeurs de ces derniers, leurs filiales ou les sociétés qui les contrôlent au sens du 2° de l’article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ou des filiales de celles-ci. Le rapporteur pour avis s’était déclaré favorable à l’extension du périmètre des SIG à l’ensemble des chaînes de la TNT ([75]), en raison de l’importance majeure de cette plateforme pour le public et pour l’économie du secteur. Il ne peut donc que saluer cette délibération, qui protègera les chaînes de télévision nationales de l’invisibilisation qui les guettait.

Dans une seconde délibération ([76]), l’Arcom a déterminé les mesures de visibilité appropriée que les opérateurs d’interfaces utilisateurs devront mettre en œuvre, garantissant le traitement égalitaire des SIG avec les services les mieux exposés sur une interface.

Cette année, le rapporteur pour avis a décidé de continuer à rechercher les voies et moyens de la préservation de la souveraineté audiovisuelle française. La refonte du dispositif sectoriel de contrôle des concentrations dans le secteur des médias audiovisuels, que défend le rapporteur pour avis, s’inscrit pleinement dans cette finalité. De nombreuses autres mesures seront nécessaires pour réduire les asymétries réglementaires entre les grandes plateformes et les acteurs traditionnels de l’audiovisuel ; le rapporteur pour avis en est pleinement conscient.

Comme l’indiquait le rapporteur pour avis dans l’exposé des motifs d’une récente proposition de loi ([77]), il est désormais urgent de tenir compte de la concurrence frontale que subissent les acteurs historiques français du fait de l’irruption des grandes plateformes dans le mode de vie des Français. En empêchant les acteurs audiovisuels de se rapprocher, lorsqu’ils le souhaitent, le dispositif anti-concentration bride le développement du secteur. En unissant davantage leurs forces, les éditeurs audiovisuels seraient mieux à même de rivaliser avec les plateformes américaines.

Enfin, le rapporteur pour avis entend réfuter d’avance les critiques infondées qui l’accuseraient de ne pas prendre en compte l’exigence du pluralisme des médias. Celui-ci, objectif de valeur constitutionnelle ([78]), est largement garanti en matière audiovisuelle (cf. infra). En outre, l’inspection générale des affaires culturelles et l’inspection générale des finances ont rappelé, dans un rapport de mars 2022 ([79]), qu’il n’existait pas de relation mécanique entre concentration et pluralisme des contenus. Par ailleurs, le rapporteur pour avis ne formule pas d’opposition de principe aux récentes propositions tendant à renforcer l’indépendance de l’information et le pluralisme dans les médias audiovisuels ([80]), à condition que ces nouvelles règles soient dûment proportionnées et n’aggravent pas les asymétries réglementaires – encore trop nombreuses – entre les acteurs audiovisuels historiques et les plateformes.

I.   Un système de seuils caractérisé par une grande complexité et un certain arbitraire

A.   Des seuils rigides et souvent arbitraires

Le contrôle des concentrations dans le secteur des médias présente une nature duale : d’une part, les opérations dépassant certains seuils de chiffre d’affaires ([81]) sont soumises à un contrôle de droit commun des concentrations, assuré par l’Autorité de la concurrence. Ce contrôle poursuit l’objectif de bon fonctionnement des marchés. D’autre part, la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ont institué un contrôle sectoriel des concentrations, spécifique aux médias de presse écrite et audiovisuels, qui vise à assurer le respect de l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme.

Piloté par l’Arcom, le dispositif sectoriel s’articule autour de trois volets et se caractérise autant par sa grande complexité que par un certain arbitraire dans la détermination des seuils mono et pluri-médias, qui constituent le premier volet. Pour la télévision, les seuils sont les suivants :

– un seuil de détention de 49 % du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dont l’audience dépasse 8 % de l’audience totale ([82]) ;

– un seuil de sept autorisations de services de télévision nationaux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ([83]) ;

– un seuil de couverture de 19 millions d’habitants pour le cumul des autorisations de services de télévision locaux diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ([84]) ;

– une règle de non-cumul des autorisations de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique pour une même zone : une personne titulaire d’une autorisation pour l’exploitation d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans une zone déterminée ne peut devenir titulaire d’une nouvelle autorisation relative à un service de même nature diffusé en totalité dans la même zone en mode numérique ([85]).

La loi du 30 septembre 1986 fixe deux seuils maximaux de couverture de la population au niveau national pour la radio :

– un seuil de couverture de 160 millions d’habitants pour les services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique ([86]) ;

– un seuil de couverture de 20 % des audiences potentielles cumulées de l’ensemble des services de radio, publics ou autorisés, diffusés par voie hertzienne terrestre pour les services de radio ([87]).

Enfin, la loi du 30 septembre 1986 limite les concentrations pluri-médias aux niveaux national et local par la règle dite du deux sur trois. Ainsi, au niveau national, ses articles 41-1 et 41-1-1 interdisent de délivrer une autorisation pour un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique ou de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique à une personne qui se trouverait, de ce fait, dans plus de deux des trois situations suivantes :

– être titulaire d’une ou plusieurs autorisations de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint quatre millions d’habitants ;

– être titulaire d’une ou de plusieurs autorisations de services de radio permettant la desserte de zones dont la population recensée atteint trente millions d’habitants ;

– éditer ou contrôler des quotidiens d’information politique et générale représentant plus de 20 % de la diffusion totale nationale totale, sur le territoire national, des publications de même nature.

Au niveau local, les articles 41-2 et 41-2-1 de la même loi interdisent de délivrer une autorisation pour un service local de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique ou de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique à une personne qui se trouverait, de ce fait, dans plus de deux des trois situations suivantes :

– être titulaire d’une ou plusieurs autorisations, nationales ou locales, de services télévision hertziens dans la zone considérée ;

– être titulaire d’une ou plusieurs autorisations, nationales ou locales, de services radios dont l’audience cumulée excède 10 % des audiences potentielles cumulées ;

– éditer ou contrôler une ou plusieurs publications quotidiennes imprimées d’IPG diffusées dans cette zone.

Le deuxième volet du contrôle des concentrations consiste en une procédure d’agrément que doit obtenir tout éditeur de services détenteur d’une autorisation auprès de l’Arcom en cas de modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire de l’autorisation ([88]). Instituée en 2013 ([89]), cette procédure visait, dans l’esprit du législateur, à limiter les reventes de sociétés détentrices d’autorisations d’émettre sur la télévision numérique terrestre (TNT), en évitant « la tentation que les candidatures ne soient inspirées que par le souhait de revendre les chaînes au plus offrant » ([90]). Le rapporteur du Sénat David Assouline notait en effet que « depuis le lancement de la télévision numérique terrestre, les reventes de sociétés détentrices de fréquences se sont multipliées, avec des gains parfois très importants pour ces entreprises ».

Depuis 2016, le premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 ([91]) prévoit que l’agrément ne peut être délivré par l’Arcom, pour les éditeurs de la TNT, avant un délai de cinq ans suivant la délivrance de l’autorisation, sauf en cas de difficultés économiques menaçant la viabilité de la société titulaire de l’autorisation.

Enfin, l’article 40 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication interdit d’accorder une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française à une société dans laquelle plus de 20 % du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par des personnes de nationalité étrangère.

 

La réglementation anti-concentration dans le secteur audiovisuel apparaît ainsi excessivement complexe et contraignante. Ce constat est partagé par de nombreux rapports, certains anciens, comme celui de M. Alain Lancelot en 2005, qui dénonçait « une complexité extrême due à la sédimentation des textes » ([92]), d’autres plus récents, comme le rapport précité de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, lesquelles pointaient une réglementation « particulièrement complexe » du fait d’un « empilement de dispositions nouvelles, sans "toilettage" et encore moins de réexamen d’ensemble depuis 1986 ». La mission des inspections relevait ainsi, « au regard des objectifs de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, que cette situation n’est satisfaisante ni pour les citoyens ni pour les entreprises dont les activités sont régies par ces dispositions ».

De nombreux éléments révèlent le caractère arbitraire des seuils, ainsi que leur déconnexion des réalités du marché.

Le rehaussement de certains seuils, du fait des évolutions technologiques et démographiques, est parfaitement compréhensible. Par exemple, en 2021, le seuil maximal de couverture de la population au niveau national pour les services de radio est passé de 150 à 160 millions d’habitants ([93]). L’évolution de ce seuil était logique, compte tenu de l’augmentation du nombre de fréquences et de la population française. Par ailleurs, un mécanisme d’indexation sur l’évolution démographique a été introduit dans la loi, prévoyant une réévaluation du seuil tous les cinq ans par décret en Conseil d’État, sur la base d’un indice d’évolution de la population ([94]).

En revanche, la méthode de fixation de certains seuils laisse perplexe. Le rapporteur pour avis songe en particulier au seuil anti-concentration applicable aux services de télévision locaux. Ce seuil a été créé par la loi du 1er août 2000 ([95]). Initialement fixé à 6 millions d’habitants, la loi du 9 juillet 2004 ([96]) l’a rehaussé à 12 millions d’habitants. Depuis l’adoption de la loi du 25 octobre 2021, le seuil est fixé à 19 millions d’habitants ([97]). Pourquoi ce choix ? La lecture du rapport de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, est édifiante. Les rapporteures relevaient ainsi qu’en commission, le Sénat avait fixé ledit seuil à 30 millions d’habitants, avant que les sénateurs ne le jugent, en séance, « excessif au regard de l’évolution démographique de la population française et pouvant porter préjudice au développement des réseaux de chaînes locales », le ramenant finalement à 20 millions d’habitants. Selon les rapporteures, « ce seuil de 20 millions [résultait] d’une position de compromis qui ne s’appuie sur aucune étude d’impact ». Le texte définitif fixera finalement le seuil à 19 millions d’habitants. Pourquoi 19 et pas 20 ? Pourquoi 20 plutôt que 30 ou 21 ? Nul ne le saura et le rapporteur pour avis n’est pas convaincu que les membres de la commission mixte paritaire le savaient eux-mêmes.

Par ailleurs, le législateur a, à plusieurs reprises, relevé des seuils afin d’autoriser certaines opérations de concentration. Le seuil de 12 millions d’habitants applicable aux services de télévision locaux, par exemple, a été relevé en 2021 à la demande du groupe Altice Media ([98]), dont le réseau de chaînes locales ne pouvait poursuivre son développement du fait de cette entrave réglementaire. Suite à l’adoption de la loi, le groupe Altice Media a pu poursuivre son expansion, en lançant deux nouvelles chaînes, BFM Alsace et BFM Normandie, respectivement en décembre 2021 et en septembre 2022.

Il en va de même pour le seuil d’autorisations des services de télévision nationaux, initialement fixé à cinq par la loi du 1er août 2000 ([99]). En 2004, le législateur a décidé de porter ce seuil à sept autorisations ([100]), les groupes TF1, Canal +, Lagardère et M6 ayant alors atteint le plafond des cinq autorisations. M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, notait dans son rapport que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ([101]) avait justifié le relèvement de ce plafond « en considérant qu’un nouvel appel à candidatures, notamment pour réaffecter les fréquences libérées par le service public, pourrait ne pas trouver preneur compte tenu de l’étroitesse actuelle du marché des chaînes thématiques et de la situation de blocage dans laquelle se trouvent les principaux opérateurs intéressés » ([102]).

Pour conclure, le rapporteur pour avis ne peut que s’associer au constat de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles, qui ont considéré que cette pratique « affecte le principal avantage d’une approche fonctionnant sur des seuils, à savoir sa prévisibilité et stabilité ».

B.   Il n’existe pas de lien mécanique entre concentration et pluralisme, la préservation de ce dernier passant par d’autres voies

Le rapporteur pour avis déplore un certain simplisme dans le débat sur le dispositif anti-concentration dans le secteur audiovisuel. Pour les défenseurs des seuils, les opérations de concentration porteraient nécessairement atteinte au pluralisme. La proposition de loi visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l’industrie culturelle ([103]), défendue par Mme Clémentine Autain en commission des affaires culturelles et de l’éducation le 16 novembre 2022, s’inscrivait dans cette logique. Son article 4, notamment, visait à interdire à toute personne morale ou physique possédant plusieurs entreprises de plus de onze salariés exerçant une activité d’édition de presse, de services de radio, de télévision, de médias à la demande, d’édition, de distribution ou d’importation de livres ou relevant du secteur de la publicité, de détenir une part supérieure à 20 % du capital de chacune d’entre elles. Selon le rapporteur pour avis, une telle disposition aurait porté un mauvais coup à la santé économique du secteur audiovisuel, comme il l’avait alors affirmé en commission : « La concentration des médias entre les mains de quelques-uns peut certes représenter un danger, surtout lorsque des acteurs étrangers entrent dans la danse. Mais il y a une autre façon de voir les choses. Face aux mastodontes américains que sont Disney, Amazon ou Netflix – sans parler des géants chinois de demain –, ne devrions-nous pas encourager la création d’un grand groupe français, ne serait-ce que pour défendre notre exception culturelle, à laquelle nous tenons tant ? » ([104])

Si la viabilité économique des groupes n’est que peu prise en compte par certains, l’impact des opérations de concentration sur le pluralisme est en revanche surestimé. Dans leur rapport précité, l’inspection générale des finances et l’inspection des affaires culturelles ont posé un constat clair : le pluralisme est une donnée complexe, qui dépasse très largement le débat sur la concentration.

Concentration des parts d’attention par pays (IHH) en 2017

Source : inspection générale des finances et inspection générale des affaires culturelles, mars 2022.

La théorie économique n’explicite pas de relation univoque entre concentration et pluralisme des contenus ([105]). Des acteurs diversifiés peuvent avoir intérêt à proposer des produits similaires, du fait des goûts et des attentes du public. De fait, les contenus audiovisuels dépendent tout à la fois de facteurs d’offre et de facteurs de demande, ce que M. Alain Lancelot, dans son rapport de 2005, précité, avait mis en évidence : « des éditeurs distincts recherchent, chacun pour leur part, la plus large audience possible, peu leur important que, ce faisant, ils prennent des téléspectateurs à leurs concurrents ; le monopole vise au contraire la maximisation de l’audience totale, évitant ainsi les effets de cannibalisation. Pluralité des éditeurs et des titres n’équivaut pas nécessairement à pluralisme ou diversité. »

À l’inverse, une situation d’oligopole peut conduire à une diversité de produits, dans la mesure où les entreprises chercheront à satisfaire l’ensemble des attentes des consommateurs.

Si le numérique présente des risques pour le pluralisme, du fait de l’intermédiation des plateformes dans l’accès à l’information, notamment via les algorithmes de recommandations, il a globalement favorisé le développement d’un fort pluralisme des contenus, en réduisant les barrières à l’entrée dans le secteur des médias. Par exemple, l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) mesurait en janvier 2022 l’audience de 1 429 webradios.

Enfin, nombreux sont les acteurs entendus par le rapporteur pour avis à avoir souligné que les pouvoirs publics disposent de nombreux instruments pour garantir le pluralisme. Parmi eux, on peut citer l’attribution des fréquences hertziennes par l’Arcom « en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence » ([106]). Une suppression du seuil de sept autorisations sur la TNT n’entraînerait ainsi pas nécessairement une concentration des fréquences entre les mains d’une petite poignée d’acteurs. De fait, dans le cadre du renouvellement, en 2025, de quinze fréquences de la TNT, deux nouveaux acteurs feront leur entrée sur cette plateforme+ : OF TV (Ouest-France TV) et RéelsTV (société CMI France).

Les éditeurs titulaires de fréquences hertziennes doivent également respecter des obligations de pluralisme interne, sous le contrôle de l’Arcom ([107]), particulièrement strictes pour les émissions d’information politique et générale. Ces règles ont récemment été renforcées, suite à la décision du Conseil d’État du 13 février 2024 ([108]). Dans cette décision, la haute juridiction administrative avait notamment jugé que le pluralisme de l’information ne pouvait s’apprécier seulement à l’aune du décompte des temps de parole des personnalités politiques, conduisant le régulateur à adopter une nouvelle délibération relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion par les éditeurs de services ([109]). Enfin, de nombreuses dispositions visent à protéger l’indépendance et l’honnêteté de l’information : comités d’éthique dans certains médias audiovisuels, chartes déontologiques, clause de conscience des journalistes, droit d’opposition, etc. ([110]).

En conclusion, les opérations de concentration ne portent pas nécessairement atteinte au pluralisme, à condition que des règles strictes garantissent le pluralisme interne, ce qui est le cas en France. C’est notamment ce qu’ont jugé les représentants de France Télévisions entendus par le rapporteur pour avis, rappelant la position favorable de la présidente Delphine Ernotte-Cunci au projet de fusion entre TF1 et M6.

II.   permettre aux médias audiovisuels de se rapprocher pour mieux affronter la concurrence des plateformes

A.   La fragilisation du modèle économique des médias audiovisuels

Les comparaisons internationales démontrent que la France ne se classe pas parmi les pays où la concentration dans les médias est la plus élevée. Ainsi, les travaux menés par le Centre européen pour le pluralisme et la liberté des médias, centre de recherche rattaché à l’Institut universitaire européen de Florence, mettent en évidence un degré élevé de concentration (75 % en 2021), cependant inférieur à la moyenne européenne (81 %). La concentration des médias apparaît notamment plus faible qu’en Italie, en Espagne ou en Suède. En outre, l’approche fondée sur les parts d’attention place la France parmi les pays où la concentration est la plus faible.

La fragilisation du modèle économique des acteurs traditionnels de l’audiovisuel tient à deux facteurs principaux :

– la délinéarisation des comportements audiovisuels, principalement du fait de l’évolution des modes de diffusion : réception de la télévision par protocole internet (IPTV), téléviseurs connectés, réception de la télévision en internet ouvert (over the top, OTT), etc. Au troisième trimestre 2023, pour la première fois en France, la consommation à la demande a pris le pas sur la consommation linéaire, laquelle est passée sous la barre des 50 % de la consommation vidéo totale (47 %) des 18-64 ans. Chez les 18-24 ans, la consommation vidéo à la demande représente désormais 83 % des usages ;

Répartition de la consommation vidéo des 18-64 ans (TV, VàD, autres vidéos sur internet y compris les plateformes gratuites de vidéos) selon le mode de consommation (en %)

Source : CNC, 23 janvier 2024, Observatoire de la vidéo à la demande.

– le second facteur, étroitement lié au premier, consiste en la montée en puissance des plateformes, qui concurrencent les acteurs traditionnels, provoquant un « effet ciseau » mis en évidence par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires culturelles : « en amont, la concurrence pour l’acquisition de contenus peut conduire à une hausse des coûts ; en aval, elle se traduit par une diminution des recettes publicitaires ». La part de la radio et de la télévision apparaît ainsi en baisse continue dans la répartition des recettes publicitaires.

Recettes publicitaires 2023 et évolution par rapport aux exercices 2022 et 2019

Média

2023

(en millions d’euros)

Évolution 2023/2022

(en %)

Évolution 2023/2019

(en %)

Télévision

3 382

- 3,0

- 0,6

Cinéma

82

+ 30,4

- 17,3

Radio

722

+ 3,1

+ 1,1

Presse

1 749

- 2,7

- 14,9

Internet

9 312

+ 9,5

+ 55,6

Publicité extérieure

1 285

+ 5,2

- 1,9

Annuaires, courriers publicitaires, imprimés sans adresse

1 414

- 10,2

- 30,9

Total

17 317

+ 3,4

+ 14,1

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Répartition des recettes publicitaires en 2023

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

B.   Dans un contexte de concurrence accrue, le souhait de certains acteurs de rassembler leurs forces est compréhensible et légitime

M. Alain Lancelot le soulignait dès 2005 : « Certaines des protections offertes par la régulation sectorielle présentent ainsi un caractère artificiel tout en perturbant le libre jeu du marché. »

De fait, les pouvoirs publics peuvent avoir intérêt à assouplir les règles anti-concentration, afin de permettre aux médias de réaliser des économie d’échelle et de réduire leurs coûts de production, comme en ont convenu plusieurs acteurs entendus par le rapporteur pour avis. Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, a notamment insisté sur le phénomène à l’œuvre de convergence des médias ([111]), qui pousse les entreprises à se regrouper dans des groupes pluri-médias, dans le but de mutualiser leurs services et de mieux affronter la concurrence internationale.

Mme Anne Fauconnier, déléguée générale du Bureau de la radio, et M. Alain Liberty, directeur des affaires institutionnelles du groupe Lagardère, ont considéré que le seuil de couverture de 160 millions d’habitants pour les services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique ne reflétait plus la « réalité du marché mondial, marqué par l’essor du numérique et des entreprises internationales ». Selon eux, ce seuil « anachronique » nuit à la compétitivité des groupes. En matière de télévision, plusieurs représentants d’éditeurs privés (TF1, Canal +, M6, RMC-BFM) ont appelé le législateur à « aider la création de champions nationaux et européens ». M. Benoît Tournebize, directeur général délégué du groupe RMC-BFM, est quant à lui revenu sur le seuil de 19 millions d’habitants pour les services de télévision locaux, le jugeant « très problématique », dans la mesure où ce seuil empêche son groupe de développer son réseau de chaînes locales (cf. supra). Le rapporteur pour avis partage pleinement son avis et ajoute qu’il n’est pas anormal que le réseau de proximité constitué par le rapprochement entre les antennes de France 3 et de France Bleu, sous la marque « ICI », soit concurrencé par un réseau de chaînes locales privées ([112]) : dans une grande démocratie pluraliste, cela semble parfaitement légitime.

Le rapporteur pour avis observe que l’assouplissement, voire la disparition, des seuils anti-concentration ont fait l’objet d’un assez large consensus auprès des personnes qu’il a pu rencontrer dans le cadre de ses travaux. Les représentants de France Télévisions, en particulier, ont souligné que la société nationale de programme considérait depuis longtemps que la menace principale pesant sur l’audiovisuel et le pluralisme résidait dans la double hégémonie anglo-saxonne (culturelle) et asiatique (technologique) qui s’exerce sur ce secteur. C’est d’ailleurs pour cette raison que Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions, avait soutenu le projet de fusion entre TF1 et M6, annoncé en mai 2021 et abandonné en septembre 2022, à l’issue d’une phase d’examen approfondie menée par l’Autorité de la concurrence. Selon les deux groupes, une telle fusion aurait permis de dégager entre 250 et 350 millions d’euros de synergies.

Le rapporteur pour avis avait regretté à l’époque l’abandon de ce projet et s’était associé au communiqué de Bouygues, RTL Group, TF1 et M6, qui déplorait « que l’Autorité de la concurrence n’ait pas pris en compte l’ampleur et la vitesse des mutations du secteur de l’audiovisuel français » et qui s’étaient dit « [convaincus] que la fusion des groupes TF1 et M6 aurait été une réponse appropriée aux défis découlant de la concurrence accélérée avec les plateformes internationales ».

La fusion entre TF1 et M6 a échoué du fait de l’opposition de l’Autorité de la concurrence, qui avait pointé des « risques concurrentiels majeurs sur les marchés de la publicité télévisuelle et de la distribution des services de télévision » ([113]). En l’espèce l’Autorité de la concurrence distinguait nettement le marché de la publicité télévisuelle, sur lequel TF1 et M6 auraient eu une situation quasi-monopolistique (75 % du chiffre d’affaires), et le marché de la publicité numérique. Selon les deux groupes, il convenait de ne pas distinguer entre les deux, qui convergent de plus en plus, ce qu’a rappelé M. Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom, lors de ses échanges avec le rapporteur pour avis. 

Selon le rapporteur pour avis, un tel projet aurait permis de structurer durablement le paysage audiovisuel français, pouvant permettre par la suite la privatisation du service public audiovisuel.


Conclusion : la refonte du dispositif anti-concentration doit abandonner la logique des seuils et permettre à l’audiovisuel privé de rassembler ses forces, tout en préservant le pluralisme

La refonte du dispositif sectoriel anti-concentration dans les médias audiovisuels n’est pas simplement souhaitable en termes d’opportunité politique. La récente adoption du règlement européen sur la liberté des médias ([114]) conduira nécessairement la France à réviser ses règles, au moins partiellement. En effet, le 1 de l’article 22 de ce règlement dispose que « Les États membres établissent, dans leur droit national, des règles de fond et de procédure permettant d’évaluer les concentrations sur le marché des médias susceptibles d’avoir un effet important sur le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale ». Le 2 du même article fixe un certain nombre de critères d’évaluation de l’impact des opérations de concentration, notamment l’effet attendu sur le pluralisme des médias, les garde-fous protégeant l’indépendance éditoriale et la viabilité économique des parties à la concentration en l’absence de cette dernière.

La France devra, d’ici le 8 août 2025, faire évoluer son dispositif anti-concentration ([115]). Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, a confirmé au rapporteur pour avis que ses services travaillaient à l’élaboration d’une nouvelle procédure tenant compte des règles posées par le règlement européen. Concernant l’impératif de pluralisme, l’article 22 du règlement européen sur la liberté des médias précise que l’évaluation des concentrations sur le marché des médias tient compte, le cas échéant, des « engagements que les parties participant à la concentration sur le marché des médias pourraient proposer pour préserver le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale ». Il s’agit là d’une garantie forte, qui plaide en faveur d’un abandon des seuils anti-concentration.

Le rapporteur pour avis remarque que cette procédure d’évaluation des concentrations sur le marché des médias, selon une grille d’analyse multifactorielle, est très proche, à plus d’un titre, du système prôné par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) dans leur rapport précité sur la concentration dans le secteur des médias.

En premier lieu, l’IGF et l’Igac ont proposé de recentrer le dispositif sectoriel sur les seuls médias d’information, quel que soit le support, soit une proposition proche de la rédaction de l’article 22 du règlement européen sur la liberté des médias, qui impose d’évaluer les concentrations sur le marché des médias « susceptibles d’avoir un effet important sur le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale ». Deuxièmement, l’IGF et l’Igac ont suggéré de refonder le dispositif en confiant à l’Arcom la responsabilité d’autoriser les opérations dans le cadre d’une approche multifactorielle, caractérisée par sa plasticité. Ainsi, les seuils seraient abandonnés et l’Arcom, examinant les opérations de concentration au cas par cas, pourrait autoriser ces dernières sous conditions. Une telle méthode semble pleinement conforme à l’article 22 du règlement européen sur la liberté des médias.

La réforme du dispositif anti-concentration dans les médias audiovisuels pourrait être débattue par le Parlement dans le cadre de la discussion du futur projet de loi « EGI » (cf. supra). Le rapporteur pour avis souhaite que soient mis sur le même plan la préservation du pluralisme et le renforcement de la viabilité économique des médias audiovisuels français, ce dernier pouvant induire une concentration accrue.

Enfin, le rapporteur pour avis a pris acte de la proposition du comité de pilotage des états généraux de l’information, qui a mis en avant une réforme en deux temps ([116]). Dans un premier temps, le dispositif conserverait un seuil maximal de détention de médias par un même acteur, défini de manière unique et pluri-média. Dans un second temps, la logique de seuil disparaîtrait et il reviendrait à l’Arcom « de mettre en œuvre un examen "à 360°" du pluralisme, au cas par cas. Cet examen sera fondé sur une analyse multi-facteurs, à la fois quantitative (audience, viabilité économique, parts d’attention…) et qualitative (diversité des contenus, honnêteté…). » Le deuxième volet de la réforme proposée par le comité de pilotage reprend donc, en substance, la recommandation de l’IGF et de l’Igac. Le premier volet, en revanche, semble difficile à appliquer en principe, en ce qu’il reposerait sur la mesure du pouvoir d’influence des médias d’information ou l’affectation à ces médias d’un nombre de points suivant son contenu en information. Une telle proposition semble extrêmement théorique ; le rapporteur pour avis préférerait passer directement à un contrôle au cas par cas par l’Arcom, le cas échéant après une phase transitoire qui maintiendrait en l’état le dispositif en vigueur… le moins longtemps possible.

 

 


–  1  –

   travaux de la commission

I.   Audition de la ministre

Lors de sa réunion du mardi 22 octobre 2024 à 16 heures 45 ([117]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324  seconde partie), Mme Rachida Dati, ministre de la Culture.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous commençons l’examen du projet de loi de finances pour 2025 par l’audition de Madame Rachida Dati, ministre de la culture, et l’examen des missions Culture, Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.

Avant de vous céder la parole, Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux points. Concernant le pass culture, pouvez-vous nous éclairer sur la nature et le calendrier des évolutions annoncées ? Une partie de la fraction individuelle sera-t-elle consacrée aux spectacles vivants ? Envisagez-vous une modulation des montants alloués en fonction des revenus familiaux des jeunes bénéficiaires ? Une augmentation de la part collective est-elle également à l’étude ?

Ma seconde question porte sur la réduction de 10,3 millions d’euros de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) locale. Comment justifiez-vous cette diminution, qui représente 84 % de la baisse des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles en 2025 ? Quelles seront les répercussions sur les radios associatives ?

Je vous invite maintenant à nous présenter votre projet de budget pour 2025.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je suis ravie de poursuivre ma mission à la tête du ministère de la culture, que je considère comme un ministère régalien et essentiel pour la cohésion de notre société fracturée. Ces derniers mois m’ont confortée dans cette conviction. Le ministère de la culture porte des enjeux fondamentaux pour la réduction des inégalités et la construction citoyenne.

Dans le contexte actuel de difficultés pour nos finances publiques, l’État se doit d’être exemplaire. Le ministère de la culture prendra sa part dans les efforts à fournir, comme il l’a déjà fait lors de la précédente réduction des dépenses. Néanmoins, en tant que ministre de la culture, je veillerai à garantir les moyens nécessaires à nos politiques culturelles, en maintenant un équilibre.

Nous avons une première bonne nouvelle, la stabilité du budget du ministère de la culture, reconduit à 4,045 milliards d’euros pour 2024. Cela témoigne de l’engagement du gouvernement et du soutien des parlementaires envers notre mission d’accessibilité de la culture pour tous. Malgré le contexte difficile, le budget demeure à son plus haut niveau historique. Je rappelle que depuis l’élection du président de la République, le budget de la culture a augmenté de plus de 1 milliard d’euros.

La deuxième bonne nouvelle concerne l’annulation des 204 millions d’euros prévus en début d’année, qui ne figurent plus dans ce projet de loi de finances (PLF). Ce texte prévoit donc une hausse des moyens du ministère de 206 millions d’euros par rapport à cette année, nous permettant de préserver l’action du ministère dans tous les secteurs.

Concernant la mission Culture, dans le secteur de la création artistique, les crédits sont intégralement préservés à hauteur de 1,04 milliard d’euros, dont 550 millions d’euros consacrés aux secteurs subventionnés en région. Comme je m’y étais engagée lors des annulations de crédits en février dernier, aucun euro n’a manqué en région. Je m’en assure personnellement lors de mes déplacements hebdomadaires dans les territoires.

L’État a tenu ses engagements et soutenu ces structures. Les crédits consacrés aux spectacles vivants, hors opérateurs nationaux, sont en hausse de 45 millions d’euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d’euros en 2024 dans le cadre du plan Mieux produire, mieux diffuser.

La philosophie de ce plan vise à répondre aux enjeux majeurs du secteur : améliorer la circulation des œuvres et inciter les collectivités à accroître leur participation financière. Le bilan de la première année s’avère très positif, avec 9 millions d’euros du ministère de la culture ayant entraîné une participation des collectivités territoriales de 12,5 millions d’euros, permettant la concrétisation de nombreux projets vertueux.

Nous poursuivrons cet effort collectif en optimisant la production par des mutualisations et en améliorant la diffusion, notamment via des séries plus longues pour consolider certains modèles économiques du spectacle vivant. Nous renforçons notre collaboration avec les élus locaux et les parlementaires, notamment à travers les contrats de territoire pour la création artistique. J’ambitionne d’étendre ce dispositif au-delà du spectacle vivant, comme l’illustre l’accord signé en Charente-Maritime.

Ces dernières années, l’État a assumé seul l’augmentation continue des soutiens. Dans un contexte difficile, je préserve le budget dédié à la création artistique, mais cela ne suffira pas. Il est impératif de convaincre les collectivités de maintenir leur engagement et d’inciter le secteur à explorer de nouveaux leviers, tels que la politique tarifaire. Bien que je sois attachée à des tarifs très bas pour certains publics, cela étant un pilier de la démocratie culturelle, nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant pour assurer sa pérennité.

Les moyens alloués aux festivals sont reconduits en 2025, avec un total de 32 millions d’euros. Je suis disposée à aborder ce sujet plus en détail, notamment avec Monsieur Balanant, pour qui je sais que c’est une préoccupation majeure.

Concernant la démocratisation culturelle et l’accès aux métiers de la culture, ces priorités restent au cœur de mon action. Je reconnais une baisse de 17 millions d’euros du budget dédié à la démocratisation culturelle, principalement sur le soutien à l’éducation artistique et culturelle. Cependant, il convient d’analyser cette baisse en tenant compte du pass culture et de sa part collective, dont la mise en œuvre rencontre des obstacles, notamment de mobilité. Malgré les contraintes budgétaires, je reste déterminée à préserver ce dispositif essentiel.

Quant à la réforme du pass culture, j’avais pressenti que sa part individuelle favorisait la reproduction sociale. En effet, son utilisation nécessitait une certaine familiarité avec les structures culturelles. L’objectif du pass culture doit être de faciliter l’accès à la culture pour les personnes les plus éloignées, que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Les chiffres sont éloquents : en zone rurale, la mobilité constitue un obstacle majeur, tandis que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment en région PACA et en Île-de-France, la part individuelle reste faiblement mobilisée malgré une offre culturelle dense, suggérant que la mobilité n’est pas le seul facteur en jeu. Je m’engage à réformer en profondeur la part individuelle du pass culture, qui ne doit plus être un simple instrument de consommation culturelle ou de reproduction sociale. Dès ma prise de fonction en janvier dernier, j’ai lancé un plan ruralité financé à hauteur de 34 millions d’euros, répartis entre cette fin d’année et l’année prochaine, dont une grande partie provient du plan France 2030. La ruralité a trop longtemps été négligée dans nos politiques culturelles. Lorsqu’on évoquait l’accès à la culture ou la démocratie culturelle, on se concentrait sur les quartiers populaires, oubliant les 22 millions de nos compatriotes vivant en zone rurale. Le plan que j’ai élaboré suite à une large consultation répond à plusieurs problématiques : la diffusion du spectacle vivant dans les zones sous-équipées, l’accompagnement des élus pour la préservation et l’utilisation du patrimoine, le renforcement de l’action nationale de nos établissements publics et l’adaptation des horaires d’ouverture, notamment des petites médiathèques. Ce plan se traduit par un budget de 14 millions d’euros pour 2025, s’ajoutant aux 20 millions mobilisables dès cette année.

Le patrimoine demeure une priorité claire de ce budget, avec une légère augmentation de 7 millions d’euros, portant l’enveloppe à plus de 1,2 milliard d’euros. Nous poursuivons ainsi les grands chantiers engagés, notamment pour des raisons de sécurité et de mise aux normes. Je citerai la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Nantes (6 millions d’euros), l’extension du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (17,7 millions d’euros) et la restauration du Centre Pompidou (29 millions d’euros dès l’an prochain). Nous lançons également des projets importants pour la revitalisation de nos territoires, tels que la reconversion de l’ancienne abbaye-prison de Clairvaux (14,3 millions d’euros) et la valorisation du château de Gaillon en Normandie (4,3 millions d’euros). Le projet de Clairvaux est particulièrement urgent, car l’inaction nous coûte 3 millions d’euros par an en frais de sécurisation.

Néanmoins, le budget alloué à la restauration des monuments historiques connaît une légère baisse. Les besoins de notre patrimoine dépassent notre dotation budgétaire, malgré sa stabilisation à un niveau historique. Nous faisons face à un mur d’investissement, aggravé par l’inflation. Les besoins dans les territoires sont insuffisamment couverts, comme j’ai pu le constater lors du lancement du plan ruralité et de mes déplacements.

En résumé, le point noir que j’identifie dans la mission Culture concerne le patrimoine. Malgré un budget à son plus haut niveau historique, nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation exceptionnelle qui nécessiterait une mesure véritablement exceptionnelle. Le patrimoine reste un élément fort de cohésion pour tous, transcendant les jugements individuels.

J’ai fait du patrimoine une priorité, tant dans les projets à réaliser que dans les investissements et le fonctionnement. Car si investir est important, le fonctionnement l’est davantage. La question du patrimoine en France concerne principalement les usages. Trop longtemps, nous avons restauré et protégé sans considérer l’utilisation, ce qui nous contraignait à refinancer lors de dégradations ou de catastrophes. Je souhaite donc que nous élaborions ensemble une nouvelle politique patrimoniale.

Concernant la mission Média, livre et industries culturelles, je poursuivrai l’accompagnement des acteurs de ce secteur en pleine mutation. Les industries culturelles affrontent en première ligne les grandes mutations numériques, et nos politiques soutiennent la diversité et le renouvellement de la création.

Pour le cinéma, l’efficacité de nos modalités de soutien est reconnue, comme en témoigne l’absence de plafonnement des taxes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui conservera l’intégralité de ses moyens opérationnels, soit 780 millions d’euros en 2025. En janvier, la pérennité de ce modèle de financement n’était pas assurée. Ce budget, entièrement alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, a bénéficié ces dernières années des contributions des plateformes américaines. Cela permettra de financer les mesures en faveur de la diffusion, comme je l’ai annoncé récemment à Lyon. Le CNC ne se limitera plus à la production, mais s’engagera désormais dans la diffusion, une mission que j’ai évoquée lors du festival de Cannes et qui a déjà débuté.

Je me réjouis que ce texte préserve les différents crédits d’impôt pour le cinéma, l’audiovisuel, les tournages internationaux et les jeux vidéo. Malgré les débats sur les crédits d’impôt et les niches fiscales, ce secteur génère plus de revenus qu’il n’en coûte : 6 à 7 euros d’activité en France pour 1 euro de dépenses fiscales. C’est un secteur d’attractivité, un vivier d’emplois, un pilier culturel important pour la France, mais aussi une véritable industrie.

Nous recherchons également une plus grande cohérence dans nos politiques. Nous ne pouvons pas investir 300 millions d’euros de France 2030 dans nos studios, comme à Coulommiers, sans soutenir la production locale. Je vous rappelle que le film d’Audiard, Emilia Pérez, qui semble tourné en Amérique du Sud, a été intégralement réalisé dans les studios à Bry-sur-Marne. Nous investissons également dans nos écoles, comme la CinéFabrique à Marseille et à Lyon, pour éviter la délocalisation des tournages.

Concernant la presse et les médias, l’État maintient son soutien de 365,7 millions d’euros et préserve les crédits de 26 millions d’euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit une baisse de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2024. J’ai rencontré les représentants du secteur et je me suis engagée à trouver des solutions. Ces radios locales associatives sont essentielles car, dans certaines régions, elles constituent presque le seul accès à la culture. Nous y sommes tous très attachés et je pense que nous trouverons une solution ensemble.

Quant à l’audiovisuel public, je regrette l’interruption de la réforme de sa gouvernance, car les raisons qui la motivaient demeurent. Je vous le dis clairement, le statu quo n’est pas envisageable pour l’audiovisuel public, indépendamment de nos différences politiques ou idéologiques.

Je suis profondément attaché à l’audiovisuel public. J’ai toujours affirmé, même avant d’être ministre de la culture, que pour une partie de nos compatriotes, il représente le premier accès à la formation, à la culture, à la liberté, à l’émancipation, voire à la cohésion. Cependant, ce secteur ne se réforme pas. Je dois vous avertir qu’il risque de s’affaiblir, voire de disparaître. Je pense que nous pourrions avancer sur cette réforme de la gouvernance de manière concertée.

Dans le projet de loi de finances 2025, le financement de l’audiovisuel public est prévu par le biais du budget général. Une proposition de loi organique sera examinée demain au Sénat pour sanctuariser l’affectation d’un montant de TVA au financement de l’audiovisuel public. L’enjeu consiste à garantir la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur, tout en encourageant sa réforme.

Concernant le budget de l’audiovisuel public, il est maintenu au niveau de 2024, malgré certaines affirmations contraires. Il apparaîtra en retrait par rapport à la trajectoire des contrats d’objectifs et de moyens, avec un écart d’environ 80 millions d’euros. Cette différence s’explique notamment par les 50 millions de crédits de transformation, destinés à favoriser les coopérations et à amorcer la réforme de la gouvernance. Le report de la réforme entraîne logiquement un décalage des crédits associés. Il convient de remettre tout cela en cohérence.

Abordons maintenant la question du patrimoine, qui suscite de réelles préoccupations. Nous préservons l’essentiel dans ce projet de budget, atteignant même un niveau historiquement élevé. La lettre-plafond que j’avais reçue cet été était difficilement défendable, mais nous avons démontré la nécessité de sauvegarder cette mission culturelle.

Nous sommes conscients que la légère augmentation de 7 millions d’euros des crédits patrimoine ne permet pas de répondre pleinement à nos ambitions et aux attentes des Français. Le patrimoine n’a jamais été autant plébiscité, comme en témoigne l’affluence croissante aux journées du patrimoine. Pourtant, nous le laissons se dégrader en partie, agissant souvent dans l’urgence, comme l’illustrent les fonds débloqués par le président de la République pour le plan incendie ou le plan de mise aux normes, dont Notre-Dame est l’exemple le plus emblématique.

L’année prochaine concentre de nombreux enjeux. La concertation sur la ruralité a révélé que le patrimoine de proximité constituait souvent le seul équipement culturel local, insuffisamment entretenu ou exploité. Ce constat rejoint les conclusions de la mission Bern, qui a mis en lumière la dégradation de certains joyaux de notre patrimoine faute de financements dans les schémas classiques.

Nous souhaitons que 2025 soit l’année d’une prise de conscience et d’une mobilisation exceptionnelle autour du patrimoine, avec une attention particulière portée à la ruralité. Je tiens à ce que nos actions bénéficient aux 22 millions de nos compatriotes vivant dans ces territoires. Le Premier ministre partage ce constat et, avec son accord, j’ai convaincu le ministre du budget de faire un geste exceptionnel pour le patrimoine l’an prochain. Cette mesure sera annoncée dans le cadre du débat parlementaire par un amendement du Gouvernement, pour lequel je solliciterai votre soutien.

*

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous passons à la discussion générale sur les missions Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis de la mission Médias, livre et industries culturelles. La Cigale, ayant chanté tout l’été – voire de nombreuses années –, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.

Oui, après des années de gestion catastrophique de nos finances publiques, la bise budgétaire s’est finalement abattue sur la France. Notre priorité est maintenant d’éviter une crise financière qui appauvrirait durablement le pays. Pour cela, le redressement des comptes publics est un impératif absolu. Quasiment tous les ministères doivent contribuer à l’effort. En 2025, la mission Médias, livre et industries culturelles ne sera pas épargnée, puisque sa contribution dépasserait un peu les 12 millions d’euros, mais il est sans doute possible de faire davantage d’économies – et des économies intelligentes.

Les crédits de la mission Médias soutiennent des politiques publiques essentielles pour la cohésion nationale : le livre, la musique, le cinéma, la presse écrite et les radios sont en effet des acteurs essentiels de la vie démocratique de la nation, mis en péril par la numérisation croissante, en particulier de la presse, de la télévision et du livre. Une récente étude du Centre national du livre indique ainsi que 30 % des 16-19 ans ne lisent pas du tout, et ne souhaitent surtout pas lire – cela tient, on l’a compris, à la concurrence des écrans. La presse, le livre, la musique et les médias de proximité ont pourtant ceci de commun qu’ils ont vocation à créer du… commun, un horizon culturel partagé par tous les Français, ce peuple qui a toujours eu un rapport si particulier à sa littérature.

L’exercice est convenu : chaque rapporteur, comme chaque ministre, met en avant la spécificité de sa mission, son caractère prioritaire, l’indispensable sanctuarisation de ses crédits, et se projette dans un futur mouvant et incertain. En matière de télévision, par exemple, en 2023, la consommation de vidéos à la demande a pris le pas pour la première fois sur la consommation linéaire : le risque, à terme, est tout simplement de voir nos opérateurs historiques français disparaître.

Dans ce contexte de bouleversement rapide des usages, le soutien de l’État aux secteurs de la presse écrite, des médias, du livre et des industries culturelles est important, mais il doit être apporté avec discernement. L’esprit de responsabilité doit dominer et chacun doit prendre sa part de l’effort. Or la baisse de plus de 10 millions d’euros des crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale en 2025 représente 84 % de cet effort.

Que les choses soient bien claires : j’ai été le premier à m’interroger sur les hausses successives de la dotation de ce fonds et sur le contrôle quasi-inexistant des plus de 750 radios associatives concernées, parmi lesquelles cohabitent des stations tout à fait honorables, nécessitant un soutien, et d’autres qui peuvent tenir à l’antenne des propos sortant du champ républicain. Il serait nécessaire de faire le tri et d’attribuer les subventions sur des critères plus solides. Quelques millions d’euros pourraient ainsi être économisés. En attendant, cette baisse n’est accompagnée d’aucune étude d’impact, notamment en matière d’emplois.

S’agissant de la presse écrite, le constat est plutôt sombre. La diffusion et les recettes publicitaires continuent de s’effondrer, dans un contexte d’inflation persistante pour le secteur. La consolidation des aides à la presse ne peut avoir de sens que si l’État œuvre au renforcement durable de son modèle économique, d’abord en dégageant de nouvelles sources de financement. La réforme de la loi de 2019 sur le droit voisin est désormais urgente, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’en dehors de Google – et encore est-ce à coups de sanctions de l’Autorité de la concurrence – aucune plateforme ne respecte ses obligations. Le rééquilibrage dans le partage de la ressource publicitaire est tout aussi urgent, alors que Google et Meta captent les trois quarts du marché de la publicité en ligne. Le comité de pilotage des états généraux de l’information a proposé la création d’une contribution obligatoire des plateformes sur la publicité numérique, dont le produit serait redistribué aux médias traditionnels. J’y suis très favorable et j’espère que cette mesure sera intégrée au projet de loi que prépare la ministre de la culture. Faisons payer les pilleurs de contenus plutôt que l’État et donc les Français.

Je souhaite également que soit relancée la réflexion sur un crédit d’impôt sur le revenu au titre des abonnements à une publication d’information politique et générale. Un tel dispositif, qui devrait trouver sa place dans une refonte globale des aides à la presse, aujourd’hui illisibles, pourrait utilement remplacer les aides au pluralisme. Je considère que nous n’avons pas suffisamment donné sa chance au crédit d’impôt créé en 2020. Là encore, l’État pourrait économiser quelques millions. Le rôle de la puissance publique ne peut se résumer à la distribution de subventions – nous ne sommes pas en Union soviétique. L’État a pour première responsabilité de penser, d’anticiper les mutations de la presse écrite, en l’incitant à rassembler ses forces chaque fois que c’est nécessaire. C’est pourquoi je vous alerte quant à la nécessité d’une conclusion rapide de la concertation Soriano sur la distribution de la presse imprimée, afin d’aboutir à un accord de filière ambitieux. Pour presser les acteurs, une légère réduction des subventions peut être envisagée.

Comme l’an dernier, je vous alerte à propos de la distribution de la presse dans les outre-mer. La récente liquidation du Journal de l’île de La Réunion est un nouveau motif d’inquiétude. Le risque est grave : d’ici peu de temps, il pourrait n’y avoir plus aucun titre d’information local dans les outre-mer. Les pouvoirs publics n’ont malheureusement pas encore pris la mesure du caractère dramatique de la situation.

Il en va bien différemment pour la musique et le cinéma, deux secteurs qui se portent bien – et c’est heureux. Le soutien que leur consentent les pouvoirs publics est pleinement justifié, mais le niveau qu’il atteint m’étonne, dans un contexte budgétaire aussi contraint que le nôtre. J’ai entendu les appels à déplafonner la taxe sur les spectacles vivants, plus connue sous le nom de « taxe billetterie » – son plafond, qui a été augmenté, pour s’établir à 50 millions d’euros, devrait être largement atteint en 2025. L’argument serait qu’il s’agit là de l’argent de la filière musicale, et qu’en reverser une partie à l’État reviendrait à miner le consentement à l’impôt. Que le produit de cette taxe ait vocation à financer le Centre national de la musique (CNM), nous en convenons tous, mais le niveau de ce financement doit être réfléchi. En défendant l’abaissement du plafond de la taxe billetterie, ainsi que de la taxe streaming, je ne souhaite nullement punir la filière musicale, mais simplement la faire participer davantage au redressement de nos finances publiques, au moins pour quelques années, sans que cela ne la mette en péril. Là encore, cela ferait rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.

S’agissant de la taxe streaming, je m’interroge, comme tout le monde, sur le rendement attendu cette année. Il semble que plusieurs grandes plateformes refusent encore de la payer, au motif qu’elles ne proposeraient de la musique qu’« à titre accessoire ». Cette situation est inadmissible et j’espère que l’administration fiscale y mettra bon ordre d’ici la fin de l’année.

J’ai pris note de la disposition du projet de loi de finances prévoyant un prélèvement de 450 millions sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Au vu de la progression des ressources fiscales du Centre, qui passeraient de 771 millions en 2023 à 785 millions cette année, je ne peux qu’approuver la participation au redressement des comptes publics qui lui est demandée.

C’est dans le contexte particulièrement préoccupant de nos finances publiques que je vous propose un grand plan de réduction des dépenses, faisant participer l’ensemble des acteurs du secteur à leur juste niveau. Ce sont près de 70 millions d’euros – et non pas 12 – que nous pouvons économiser sur cette mission, en plafonnant les taxes affectées au CNM, en refondant les aides directes à la presse en matière de portage et de pluralisme, en réduisant la dotation publique à l’Agence France-Presse, en limitant l’avantage fiscal des Sofica (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) pour le CNC ou en mettant fin aux subventions incontrôlées à Medi1, cette radio que, si l’on en croit les sondages, personne ne semble connaître ni écouter.

Enfin, la partie thématique de mon avis budgétaire poursuit le même objectif que l’an dernier : préserver la souveraineté audiovisuelle française. Après avoir défendu ce qu’il est désormais convenu de nommer la « découvrabilité » des contenus audiovisuels, je me suis intéressé cette année à leur mode de production, avec une question : les règles anti-concentration sont-elles adaptées à la concurrence des Gafam, les géants du numérique ? Non : elles sont dépassées et l’heure est venue de refonder le dispositif, en abandonnant la logique des seuils et en permettant à notre audiovisuel de rassembler davantage ses forces, pour mieux affronter les mastodontes qui captent toujours plus l’attention des Français et la ressource publicitaire. Ce n’est qu’en renforçant la viabilité économique de nos médias audiovisuels que ceux-ci pourront survivre dans un univers ultra-concurrentiel.

Il est donc nécessaire de nous projeter à moyen terme. Jusqu’à présent, l’horizon nous a donné raison – je pense notamment à la fusion avortée entre TF1 et M6 : on voit bien, avec le recul, que les arguments avancés par l’Autorité de la concurrence sont complètement dépassés. Nous avons besoin de concentration. Il est plus que jamais indispensable de libérer les acteurs français des carcans anti-concentration, afin de permettre l’émergence de grands groupes audiovisuels plurimédias capables de garantir à long terme une souveraineté audiovisuelle française. On me répondra en parlant de pluralisme. Tout le monde est attaché au pluralisme, mais méfions-nous d’une vision purement idéologique ou trop économique du problème. Le pluralisme et la concentration entretiennent des rapports complexes et le législateur dispose de bien d’autres outils pour assurer le pluralisme, lequel gagnerait par ailleurs à s’appliquer aussi à l’audiovisuel public.

Pour conclure, je regrette l’absence de réformes structurelles pour l’ensemble du secteur. Je ne peux donc que donner un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis de la mission Audiovisuel public. Permettez-moi de commencer par rappeler mon attachement à l'audiovisuel public, qui s’appuie sur des professionnels de grande qualité – journalistes, techniciens, animateurs, monteurs, réalisateurs et producteurs. Ses missions sont essentielles : informer de manière indépendante et pluraliste, soutenir la création d’œuvres originales françaises de qualité, refléter la diversité de la société, divertir avec intelligence et promouvoir la liberté de la presse, la culture et la langue française. Pour rester en bonne santé, une démocratie a besoin d’un audiovisuel public puissant et doté de moyens importants.

Compte tenu de mon passé professionnel, j’ai interrogé le déontologue de l’Assemblée nationale avant de prendre la charge de cette mission. Mes rapports professionnels avec France Télévisions étant inexistants depuis huit ans, il m’a confirmé que c’était possible.

Notre audiovisuel public n’est pas exempt de reproches : il n’est pas toujours à la hauteur de ses missions, notamment en matière d’information. Pour l’améliorer, nous devons lui allouer beaucoup plus de moyens financiers et réclamer davantage de pluralisme et moins de partis pris. Il faut le protéger et non pas le privatiser, comme certains en rêvent, ne supportant pas que l’audiovisuel public défende l’antiracisme, la solidarité et l’égalité des droits.

Sept programmes composent les crédits de la mission Audiovisuel public : un pour chacun des établissements – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – et un programme regroupant des crédits dits de transformation.

Pour 2025, l’ensemble de ces crédits s’établissent à 4 029,16 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une progression apparente de 2,43 millions – qui est factice, puisqu’elle est imputable à l’évolution de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en 2022. Ces crédits appellent des observations sur la forme comme sur le fond, y compris concernant le fonctionnement, parfois préoccupant, de l’audiovisuel public.

Sur la forme donc, pour la première fois depuis 2006, les crédits de l’audiovisuel public sont organisés sous la forme d’une mission budgétaire. Bien que je sois opposé à la budgétisation, comme l’ensemble des interlocuteurs que j’ai rencontrés, la situation nous impose d’être compréhensifs. En effet, le financement de l’audiovisuel public est pour le moment assuré au moyen d’un compte de concours financiers, lui-même alimenté par une fraction de la TVA. Dans l’hypothèse où la réforme attendue de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances) n’aboutirait pas dans les délais souhaités, ce mode de financement ne pourrait pas être renouvelé au-delà du 31 décembre 2024. Le Gouvernement a donc légitimement prévu une solution de secours.

Le PLF pour 2025 comporte ainsi une mission budgétaire classique, dotée des 4 milliards d’euros que j’évoquais, ainsi qu’un compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public égal à zéro, vers lequel les crédits de la mission seraient transférés si la réforme aboutissait. Je ne conteste pas cette mécanique, mais je considère que les garanties proposées pour assurer l’indépendance de l’audiovisuel public ne seraient pas suffisantes dans l’hypothèse où la réforme de la Lolf n’aboutirait pas dans les temps. J’ai déposé un amendement à ce sujet.

Sur le fond, les crédits ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux. Au premier abord, le budget proposé pourrait sembler honorable compte tenu de la stabilité globale des crédits. Toutefois, les crédits votés l’an passé n’ont pas été exécutés conformément au vote du Parlement, puisque 50 millions d’euros ont été annulés ou suspendus en cours d’exercice. Par ailleurs, lors de la négociation des contrats d’objectifs et de moyens (COM) des établissements de l’audiovisuel public, l’État s’était engagé à relever sensiblement le budget en 2025. On aurait pu croire qu’après des années de casse, l’horizon s’éclaircissait un peu, mais non : les crédits inscrits au PLF pour 2025 sont inférieurs de plus de 80 millions d’euros à la trajectoire prévue et les COM sont désormais caducs. En l’espace d’un an, ces derniers se sont transformés en miroirs aux alouettes, à tel point qu’on pourrait les rebaptiser « Catalogues des Oublis et des Mensonges ».

Alors que les contrevérités et les contenus racistes prolifèrent dans les médias privés, comme la chaîne CNews, l’audiovisuel public devrait être une priorité du Gouvernement. Pourtant, de France Télévisions à France Médias Monde, tous ses acteurs sont soumis à la même cure d’austérité.

Outre le budget, le fonctionnement quotidien de l’audiovisuel public lui aussi est inquiétant, comme en témoignent quatre exemples récents. Le premier est le licenciement pour faute grave de Guillaume Meurice, une sanction choquante et contraire à l’esprit du service public. Le tribunal des prud’hommes étant saisi, je n’en dirai pas plus, mais je constate l’existence d’un « deux poids deux mesures » à Radio France, où Alain Finkielkraut semble inamovible malgré ses dérapages et ses accusations à l’encontre du personnel de Radio France.

Le deuxième exemple concerne les conditions de nomination de Mme Kim Younes à la présidence de TV5 Monde. À la suite de la démission d’Yves Bigot, en mai 2024, les ministères de tutelle ont lancé un appel à candidatures, auquel vingt personnes ont répondu, en présentant par mail un projet pour l’entreprise. Aucun n’a été auditionné. La procédure n’a été qu’un simulacre organisé dans la plus grande opacité.

Le troisième exemple est particulièrement symptomatique des dérives de l’audiovisuel public : il s’agit de la situation de M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance d’Arte France depuis 1993 – trente-et-un ans, huit mandats. À deux reprises, en 2019 et en 2024, Bernard-Henri Lévy a opportunément bénéficié d’une modification des statuts du conseil de surveillance d’Arte pour rester en fonction alors qu’il avait dépassé la limite d’âge. Surtout, entre 2011 et 2022, quatre de ses productions audiovisuelles et cinématographiques ont bénéficié d’un appui financier d’Arte France, pour un montant total de 750 000 euros.

J’ai interrogé la direction d’Arte France au sujet de ce conflit d’intérêts manifeste. Dans un État de droit, il est inadmissible qu’une personne présidant le conseil de surveillance d’une entreprise puisse bénéficier du soutien financier répété de cette même entreprise. Le Monde diplomatique résumait ainsi la situation : « Ce privilège d’Ancien régime ne perpétue pas seulement le conflit d'intérêts entre une chaîne qui subventionne et diffuse (en troisième partie de soirée) les documentaires nombrilistes de son inamovible mandarin. Il sonne en ce moment comme une déclaration politique. » J’invite Bernard-Henri Lévy, qui nage depuis plusieurs années en plein conflit d’intérêts, à démissionner de ses fonctions et j’encourage la chaîne à modifier sans délai ses statuts afin de prévenir ce type de situations.

Quatrième exemple des dysfonctionnements de l’audiovisuel public, le traitement déséquilibré et partial des événements en cours à Gaza. France Télévisions et Radio France ont invisibilisé ou largement minimisé les souffrances des Palestiniens. Elles ne montrent pas d’images du génocide qui frappe des dizaines de milliers de femmes et d’enfants ; elles ne citent pas le bilan pourtant ahurissant des victimes palestiniennes ; elles adoptent un parti pris pro-Netanyahou qui apparaît comme une faute professionnelle et morale majeure.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial de la commission des finances. Outre les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, je suis chargé cette année de ceux de la mission Audiovisuel public.

Sans réforme de la Lolf avant le vote du PLF pour 2025, l’audiovisuel public sera dorénavant financé par crédits budgétaires. C’est une source d’inquiétude pour les organismes concernés, qui redoutent des conséquences importantes sur leur réputation et sur leur capacité de diffusion. Alors que la proposition de loi organique dédiée a récemment été adoptée par la commission des finances du Sénat et que les débats sur la première partie du PLF sont en cours, je rappelle l’urgence de cette réforme et l’importance de nous accorder sur un mode de financement préservant l'indépendance de l’audiovisuel public.

Les crédits de cette mission Audiovisuel public sont stables, avec un peu plus de 4 milliards d’euros. Cependant, en prenant en considération l’augmentation des effets fiscaux liés à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, on observe une baisse d’environ 60 millions d’euros. Après une loi de finances pour 2024 inédite, le PLF pour 2025 révise à la baisse la trajectoire de financement.

Alors que la trajectoire des COM prévoyait une augmentation brute des dotations publiques de 84 millions d’euros entre 2024 et 2025, l’augmentation effective s'établit à 2,46 millions d’euros. Pourtant, ce qui avait justifié l’engagement de l'État dans une trajectoire dynamique reste d’actualité. L’audiovisuel public remplit bien ses missions de service public : production et diffusion de programmes de qualité, fiabilité de l’information, financement de la création, etc. L’État souhaitait accompagner les acteurs pour relever les défis qui se posent en matière de transformation numérique, d’intelligence artificielle, de désinformation, de renouvellement de l’offre jeune public et de renforcement de la proximité. Les projets de COM, sur lesquels nous nous prononcerons bientôt, présentaient donc des objectifs ambitieux, auxquels correspondaient des moyens supplémentaires. Or l’engagement de l’État a été rompu en février 2024 avec l’annulation de 20 millions d’euros de crédits de transformation, dont les versements se sont arrêtés en avril sans que les organismes de l’audiovisuel public n’en aient été informés. Sur les 69 millions d’euros de crédits de transformation initialement prévus, seuls 19 ont été versés à ce jour et la direction du budget prévoit que le reste ne sera pas versé en 2024.

Bien que le contexte budgétaire nécessite des efforts importants de la part de tous, je regrette que l’État n’ait pas tenu ses engagements. Il y va de la parole du Gouvernement et de celle du Parlement, qui avait voté les crédits de transformation en 2024. En l’absence d’une relation de confiance avec leur tutelle, il semble difficile d’exiger des organismes de l’audiovisuel des transformations et des réorganisations majeures.

Le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles diminue de 12,2 millions d’euros, la baisse étant principalement supportée par le programme 180 Presse et médias. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit en particulier une diminution de près de 30 %. C’est une nouvelle soudaine et regrettable pour les radios associatives, qui jouent pourtant un rôle important dans le maintien du lien social, en particulier dans les territoires ruraux, et que le fonds finance pour 40 % en moyenne de leurs ressources. La baisse du programme 180 s’explique également par l’extinction de l’aide temporaire aux réseaux de portage, dans le cadre de la réforme du transport de la presse. Les réflexions en cours sur la réorganisation de la filière de distribution de la presse doivent aboutir à une réforme devenue indispensable eu égard aux difficultés systémiques du secteur.

Le programme 334 Livre et industries culturelles connaît lui aussi une légère baisse de ses crédits, qui entraîne une redistribution partielle entre les différents opérateurs de la mission. Le principal bénéficiaire en est la Bibliothèque nationale de France, qui pourra ainsi faire face à l’augmentation de ses coûts de fonctionnement et respecter la trajectoire du COM.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Bruno Clavet (RN). L’audiovisuel public, qui coûte 3,2 milliards d’euros aux Français, a oublié ses missions d’équilibre et d’impartialité. Compte tenu du contexte économique, cela doit nous donner le courage de mener les réformes que les Français appellent de leurs vœux.

Le Rassemblement national propose d’amorcer la transition en diminuant les crédits de France Télévisions et de Radio France. L’État ne peut plus se permettre de les financer autant qu’auparavant, pas plus qu’il ne peut investir davantage pour leur permettre de rivaliser avec Netflix, Prime Video, Apple TV ou Disney +. Il est utopique de croire que nous pourrions dégager 210 millions d’euros pour une série, soit le prix d’une seule saison de Stranger Things par exemple. À long terme, seule une privatisation le permettrait, accompagnée de la levée des obstacles empêchant des groupes comme TF1 et M6 de se rapprocher pour bâtir un géant français du divertissement. Soyons lucides : l’audiovisuel public est en fin de vie. Plutôt que de prolonger son agonie aux frais du contribuable, accompagnons-le vers la sortie.

Quant à la mission Médias, livre et industries culturelles, qui mobilise 730 millions d’euros, il est nécessaire de rationaliser ses dépenses. Le Rassemblement national propose un plan d’économies de plusieurs millions, en remplaçant les aides directes à la presse par un crédit d’impôt à l’abonnement, ce qui permettrait de soulager l’État de 13 millions d’euros, et en réduisant de 4 % la dotation de l’Agence France-Presse, afin d’économiser 5 millions d’euros sans pour autant compromettre son fonctionnement.

Le Rassemblement national est déterminé à mener des réformes ambitieuses pour alléger la dette publique sans remettre en question la liberté des médias, mais en renforçant leur indépendance. Grâce à ces réformes, la France disposera d’acteurs capables de rivaliser avec les plus grands. Madame la ministre, je sais que vous avez le courage nécessaire pour tenir bon contre les syndicats d’extrême gauche, allergiques à tout changement.

Mme Céline Calvez (EPR). En cette période de réduction des dépenses et après une hausse continue du budget de la culture, madame la ministre, vous avez réussi à maintenir les crédits alloués au ministère. Au nom des députés de mon groupe, je vous en remercie.

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, avec 720 millions d’euros, sont donc relativement stabilisés, à l’exception notable du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Le soutien aux bibliothèques nationales est renforcé, tandis que les aides à la presse, démultipliées ces dernières années, se stabilisent. À l’heure où les états généraux de l’information appellent à une refonte du modèle économique des acteurs et à un renforcement du pluralisme par une meilleure redistribution de la richesse des plateformes, il apparaît essentiel de s’interroger à nouveau sur la pertinence du système de soutien à la presse. Une modernisation des aides à la presse est-elle envisagée ?

L’audiovisuel public, dont nous remarquons l’audience et l’impact, traverse une période d’incertitude quant à son mode de financement et à ses projets de gouvernance. Dans ce contexte, vous augmentez ses crédits de plus de 2 millions d’euros. Le budget total dépasse ainsi les 4 milliards d’euros, mais il est en deçà de la trajectoire prévisionnelle présentée en septembre 2023 et dans les projets de COM 2024-2028, au sujet desquels Sophie Taillé-Polian et moi-même rendrons prochainement un avis. Il est regrettable que les programmes de transformation en faveur des coopérations et du développement des quatre priorités – culture, jeunesse, information et proximité – fassent l’objet de coupes ou de suspensions répétées. Quels pourraient être la hauteur, les jalons, l’évaluation et le rôle des crédits de transformation dans le pilotage de l’audiovisuel public ? Par ailleurs, quelle place accorder aux ressources propres de l’audiovisuel public, c'est-à-dire la publicité et la commercialisation des droits sur les œuvres ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles souffrent dans ce PLF d’une politique austéritaire dont la principale victime est la radio associative. Le budget alloué au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale est en effet ramené de 35 à 25 millions d’euros, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour le secteur : suppression de plus de 800 emplois, recul du pluralisme, appauvrissement de la diversité médiatique locale et affaiblissement de l’offre culturelle.

Les aides à la presse souffrent également d'une baisse de 1,9 million d’euros, qui n’aura pas d’effet majeur sur ses principaux bénéficiaires, les titres adossés à de grands groupes industriels, mais frappera de plein fouet les médias indépendants. Une réforme d’ampleur est nécessaire afin de favoriser l’émergence et la diffusion des médias indépendants et de respecter l’indépendance des rédactions.

Enfin, nous nous opposons à la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, dont les établissements ont besoin d’un financement pérenne et à la hauteur de leurs besoins. Compte tenu de l’inflation, bien que les crédits demeurent stables à 4 029 millions d’euros, ils accusent en réalité une baisse de 80 millions d’euros. Le groupe GDR a déposé un amendement sur la première partie du PLF, visant à rétablir une contribution proportionnelle et universelle à l’audiovisuel public. Seul un financement affecté peut assurer un financement pérenne et garantir l'indépendance économique et éditoriale du service public audiovisuel.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je m’associe aux alertes lancées par le rapporteur Aymeric Caron au sujet du financement et des dysfonctionnements de l’audiovisuel public. En revanche, sur les industries culturelles, je m’oppose radicalement au rapporteur Philippe Ballard, qui non seulement veut privatiser l’audiovisuel public, mais défend bec et ongles la concentration des médias et des industries culturelles dans les mains de quelques milliardaires, prétendument au nom de la compétitivité de la France. Rien de très surprenant puisque Fayard, rachetée par Bolloré, publie le livre de Jordan Bardella et que Planète +, chaîne documentaire du groupe Canal détenu par Bolloré, va adapter Le suicide français, livre révisionniste d’Éric Zemmour, en une série de quatre épisodes.

J’aimerais vous entendre, madame la ministre, au sujet de la concentration dans les domaines de l’édition, des industries culturelles et des médias, mais aussi sur la mainmise de certains milliardaires qui déclarent eux-mêmes mener une guerre civilisationnelle.

Les aides à la presse, distribuées selon un système d’arrosage automatique, favorisent la concentration du secteur. Ainsi, 200 millions d’euros sont distribués sans contrepartie en matière d’indépendance ou de diversité. Parallèlement, le soutien à l’expression radiophonique locale, pourtant gage de diversité, subit un véritable massacre.

Enfin, le CNC et son petit frère le CNM sont des outils indispensables au maintien de l’exception culturelle française, que vous avez à cœur de défendre, madame la ministre. La ponction sur la trésorerie du CNC est certes plus rassurante que tous les scénarios que laissait craindre l’audit de l’inspection des finances, mais elle ne constitue pas un signal favorable pour le cinéma et ne règle pas la question de la refonte éventuelle des aides visant à éviter les phénomènes de concentration. Quant au CNM, je m’associe aux revendications défendues par Ekhoscènes quant au relèvement du plafond de la taxe sur la billetterie, d’autant que la taxe sur le streaming ne rapporte pas autant qu’espéré. Pour construire un modèle redistributif vertueux sur le modèle du CNC, l’État doit accepter de ne pas ponctionner les taxes sur la billetterie et de conserver le système de redistribution interne, qui finance et favorise la diversité de la création.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ravi de vous retrouver ici, madame la ministre, pour aborder des sujets dont les enjeux sous-jacents sont d’une gravité qui mérite de retenir notre attention collective.

Le Gouvernement entend-il apporter son soutien à la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, qui sera examinée demain au Sénat ? La réponse à cette question changera complètement la nature de nos discussions budgétaires. Pour notre part, nous réitérons notre opposition totale à la budgétisation, d’une part parce que ce n’est pas un gage d’indépendance et de stratégie de développement pluriannuelle, d’autre part parce que cela soumettrait l’audiovisuel public à des régulations infra-annuelles très problématiques. Entendons-nous bien : le texte sénatorial tend à modifier la loi organique et non à réformer l’audiovisuel public, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là. Les deux sujets doivent être disjoints et nous n’avons pas le temps nécessaire pour traiter de la réforme de l’audiovisuel public en ce début de législature.

J’en viens à la situation budgétaire, qui suscite des inquiétudes chez les personnels mais aussi chez tous les acteurs du secteur – n’oublions pas que France Télévisions reverse 1 milliard d’euros à l’ensemble des acteurs du cinéma, de la fiction, du documentaire et autres. Prenons aussi l’exemple de France Médias Monde. À l’heure où se déroule une guerre de l’information totale au plan mondial, ce désarmement informationnel est-il utile au rayonnement et à l’influence de la France ? La baisse de 12 millions d’euros de la mission Médias, livre et industries culturelles représente une saignée pour les radios indépendantes et associatives, pour le CNM, pour les livres et la lecture. Nous avons donc déposé de nombreux amendements pour protéger l’audiovisuel public et le secteur des médias en général.

Mme Frédérique Meunier (DR). En préambule, je tiens à dire que je regrette que le rapport sur les crédits de la mission Audiovisuel public fasse l’objet d’un détournement par M. Caron. Le rapporteur pour avis fait de sa présentation une tribune militante pour exprimer les thèses qui lui sont chères sur l’audiovisuel et qui sont, quoi que l’on puisse en penser, strictement étrangères à la nature budgétaire de l’exercice.

Le budget de l’audiovisuel public pour 2025 est reconduit. Il s’élève à 4 milliards d’euros. Vos deux priorités, madame la ministre, sont d’une part le financement de la télévision et des radios publiques, et d’autre part la fusion de l’audiovisuel public par le regroupement de France Télévisions, France Médias Monde et l’INA. En raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, une proposition de loi sur ce point, qui avait été adoptée au Sénat, est devenue caduque. Nous espérons que ce texte, qui nous tient à cœur, pourra être repris et adopté avant la fin de l’année.

Quant au financement de l’audiovisuel public, la proposition de loi organique du sénateur Cédric Vial, qui sera débattue demain au Sénat, vise à modifier certaines règles encadrant les lois de finances afin de permettre la pérennisation du financement par la TVA. Ce système provisoire, qui avait été retenu pour pallier la suppression de la redevance en 2022, arrive en effet à échéance fin 2024. Nous espérons que ce texte sera adopté avant la fin de l’année, afin d’éviter que l’audiovisuel public ne soit intégré directement au budget de l’État. Il est important de pérenniser son financement afin d’éviter toute proposition fantasque de certains de nos collègues, comme celle de rétablir une nouvelle redevance calculée en fonction des revenus.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je vais centrer mon intervention sur l’audiovisuel public, que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 n’ont cessé de fragiliser, avec une baisse constante des moyens, sauf en 2023, et la suppression de la redevance en 2022.

Madame la ministre, ce budget prépare la fusion de l’audiovisuel public, votre projet, auquel nous sommes radicalement opposés.

Est-ce envisagé de manière positive, autour d’une vision apte à répondre aux enjeux en matière de concurrence des plateformes ou de lutte contre la désinformation ? Non, l’unique dessein de la fusion est de faire des économies. Les preuves ne manquent pas : on coupe dans les budgets dits de transformation, censés accompagner des projets de mutualisation et d’optimisation collective dans certains domaines ; on rabote sous prétexte que le groupe fusionné va coûter plus cher ; on oblige des maisons qui sont déjà à l’os à dégrader le service public et les conditions de travail. France Médias Monde renonce à envoyer des envoyés spéciaux en mission. France 3 n’a pas les moyens de réparer certaines caméras, et tant pis pour les éditions régionales qui sont floues – et les exemples de ce type abondent. On ne remet pas en cause les objectifs des COM, mais on organise leur échec, en ne débloquant pas les budgets pourtant alloués.

Ce budget illustre bien le fameux « quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ». Nous y sommes opposés, au nom du service public, de l’accès de tous à une information de qualité, de la diversité culturelle, de l’indépendance, du pluralisme et aussi des droits sociaux qui ne manqueront pas d’être remis en cause projet.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans un cadre budgétaire très contraint, la mission Médias, livre et industries culturelles est en baisse de 1,6 % tandis que la mission Audiovisuel public affiche une hausse de 0,1 %, ce qui porte leurs crédits respectifs à 723 millions et 4,029 milliards d’euros.

Les aides à la presse sont stabilisées. L’aide à l’exemplaire posté diminue, en raison d’une baisse des volumes, tandis que l’aide à l’exemplaire porté augmente dans les mêmes proportions. Au lendemain des états généraux de l’information, nous souhaitons insister sur la nécessité de soutenir la presse. Il faut trouver des dispositifs d’encouragement à sa lecture, sachant que le postage reste important en milieu rural, dès que l’on quitte les bourgs. Il faut aussi accompagner la mutation engendrée par l’intelligence artificielle.

Le groupe Les Démocrates se réjouit que les budgets alloués au livre et aux industries culturelles soient globalement préservés. Il est fondamental de faire lire le plus grand nombre possible de jeunes, de les aider à cultiver leur imaginaire et à développer leur esprit critique. La Bibliothèque nationale de France voit ses moyens renforcés de 4,7 millions d’euros, tandis que le Centre national du livre disposera de 20 millions d’euros pour encourager la création et la diffusion. Tout cela est salutaire. Par le biais du programme 334 Livre et industries culturelles, le soutien aux bibliothèques municipales sera accru au travers du plan Culture et ruralité. Cela permettra de renforcer les ressources mutualisées apportées par les bibliothèques départementales aux médiathèques implantées en milieu rural et dans les petites villes.

La stabilité des crédits de la mission Audiovisuel public est une bonne nouvelle dans un environnement en plein bouleversement, qui demande visibilité et prévoyance. Nous resterons vigilants sur la réforme urgente du financement de l’audiovisuel public, dont les contours doivent être prochainement examinés en commission spéciale. Pour éviter la budgétisation du financement, il serait possible de pérenniser l’affectation d’une fraction de TVA. Nous serons particulièrement attentifs tant au périmètre qu’au financement retenu.

Le temps contraint de cette discussion m’oblige à faire court. Quoi qu’il en soit, nous saluons l’esprit de responsabilité de ce texte, ainsi que les efforts consentis pour préserver ces budgets si importants pour l’édification d’une société civique et instruite. Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce budget.

Mme Béatrice Piron (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, je tiens à vous remercier d’avoir fait de l’audiovisuel public une priorité. L’actualité nous rappelle l’urgence de statuer sur le financement de l’audiovisuel avant la fin de l’année. En effet, la mesure temporaire fixée par la loi organique relative aux lois de finances, modifiée en 2021, prendra fin le 31 décembre 2024. Si la commission du Sénat s’est récemment prononcée en faveur de la pérennisation de l’affectation d’une fraction de la TVA, cette solution doit encore être validée cette semaine en séance publique, puis à l’Assemblée, pour garantir la continuité de ce modèle de financement.

Plusieurs autres options étaient envisageables pour financer l’audiovisuel. Alors que certains collègues prônaient un prélèvement sur les recettes de l’État, je suis convaincue, au vu de l’urgence de la situation, qu’il faut maintenir le système d’affectation d’une part de la TVA. Quant à la budgétisation, elle affaiblirait tout l’écosystème et enverrait un signal négatif concernant l’indépendance et la transparence de l’information, au niveau national mais surtout international. Une fois le système actuel pérennisé, nous pourrons envisager de réexaminer d’autres options, y compris un financement direct, proportionnel aux revenus, comme cela se pratique dans certains pays nordiques.

Les Français sont profondément attachés à ces services dont il est impératif de préserver l’indépendance et la qualité. Dans un contexte de restrictions budgétaires généralisées, des inquiétudes se font sentir par rapport aux trajectoires financières définies dans les COM : les engagements pris dans ces contrats ne semblent plus correspondre aux réalités budgétaires à venir. Le secteur de l’audiovisuel public doit pouvoir anticiper et se projeter, d’autant que certains acteurs ont déjà investi dans leur programme de transformation. Comment ces efforts peuvent-ils se poursuivre, dans un contexte où les ressources deviennent de plus en plus incertaines ? Envisagez-vous de réajuster les crédits alloués à l’audiovisuel pour 2025 pour retrouver ceux prévus dans les COM ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Julie Delpech (EPR). Le PLF pour 2025 prévoit une réduction drastique, de 30 %, du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Cette coupe budgétaire, avec des crédits passant de 35,7 à 25,3 millions, menace directement la survie de plus de 770 radios associatives en France. Or ces médias du dernier kilomètre jouent un rôle essentiel dans l’animation locale, l’éducation aux médias et la lutte contre la désinformation, surtout dans les zones rurales et les quartiers prioritaires. Ces radios représentent 15 % des fréquences FM et sont le deuxième employeur du secteur radiophonique de notre pays. Pour assurer leur pérennité, j’ai déposé un amendement visant à rétablir leurs budgets.

Madame la ministre, comment justifiez-vous cette décision qui semble contredire les priorités de l’État en matière de soutien aux médias de proximité ? Dans votre propos introductif, vous vous êtes engagée à trouver des solutions. Quelles mesures envisagez-vous pour préserver la diversité radiophonique française et les emplois menacés ?

Mme Rachida Dati, ministre. S’agissant de l’audiovisuel public, je me sens au milieu du gué, entre ceux qui veulent privatiser et ceux qui refusent toute réforme, quitte à ce que les difficultés actuelles s’amplifient.

À mon avis, l’audiovisuel public ne peut pas rester en l’état. J’ai reçu tous les syndicats de France Télévisions et de Radio France, des collectifs de journalistes, les dirigeants. Tout le monde s’accorde à penser qu’une réforme de la gouvernance est nécessaire, que le statu quo n’est plus possible. Vous n’êtes pas d’accord, madame Taillé-Polian, mais rencontrez-les ! La proposition de loi n’avait pas été adoptée en commission par hasard, au doigt mouillé !

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. J’ai rencontré les syndicats moi aussi, et ils ne m’ont pas donné les mêmes réponses qu’à vous !

Mme Rachida Dati, ministre. Je vous répète que je les ai tous reçus. Le statu quo affaiblirait l’audiovisuel public et risquerait même de le faire disparaître. Or l’audiovisuel public est fondamental dans une démocratie comme la nôtre, surtout quand elle est secouée. Pour ma part, je préfère y voir parfois des choses qui me déplaisent plutôt que d’assister à la disparition de ce pilier de la démocratie. À l’instar de ce qui passe dans tous des pays européens, la préservation de l’audiovisuel public passe par un regroupement des forces, une stratégie mieux définie et plus uniforme, un budget mieux utilisé. Les états généraux de l’information ne disent pas forcément le contraire car, comme vous le savez, tous les sujets sont liés.

Pour lancer cette nécessaire réforme structurelle, il faut avoir le temps de débattre, de confronter les idées et les visions, de dresser un bilan, de faire des études d’impact. J’avais entrepris de le faire avant la dissolution, mais nous ne sommes plus dans le même contexte. Pourtant, la réforme de la gouvernance est nécessaire. Bien sûr, elle est liée à la sanctuarisation du financement, à laquelle je suis très attachée, monsieur Grégoire : l’un ne va pas sans l’autre, je l’ai dit depuis le début. Je pense que la budgétisation pourrait mettre en péril l’indépendance et même la viabilité de l’audiovisuel public. Mais sans réforme de la gouvernance, la sanctuarisation ne suffira pas. La proposition de loi qui a été adoptée au Sénat, à l’initiative de Laurent Lafon, votre homologue, madame la présidente, est une bonne base de travail pour engager cette réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public.

S’agissant de la sanctuarisation du financement, nous avions envisagé un prélèvement sur recettes. Nous avons désormais la proposition de loi organique qui sera discutée demain au Sénat. Je serai au banc et je la soutiendrai, monsieur Grégoire. Au passage, je signale que c’est bien la première fois qu’un ministre de la culture soutiendra une réforme de loi organique relative aux lois de finances ! À mon sens, on peut relier cette réforme à celle de la gouvernance, dans le but de sauvegarder notre audiovisuel public, avant d’envisager par la suite des réformes plus profondes et plus affinées. Le statu quo en matière de gouvernance affaiblirait l’audiovisuel public, surtout dans un paysage de concurrence avec des groupes privés de plus en plus organisés et structurés.

M. Ballard a soulevé le sujet de la concentration. Nous en avions d’ailleurs discuté, madame Taillé-Polian, dans le cadre de la commission d’enquête sur la TNT (télévision numérique terrestre). Monsieur Ballard, vous avez dû prendre connaissance des conclusions, d’ailleurs assez équilibrées, des états généraux de l’information sur ce sujet. Il me semble que c’est plutôt dans ce cadre-là que nous pourrons l’aborder.

Les radios associatives, il en existe effectivement 750, de qualité et d’intérêt variables. Comme vous, monsieur Ballard, je suis favorable à l’instauration de critères de contrôle. Les états généraux de l’information ont aussi abordé le thème des droits voisins, que je voulais intégrer à la réforme envisagée avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Quant au crédit d’impôt instauré en 2020, nous n’avons pas assez de recul pour juger de ses résultats mais je suis à votre disposition pour en dresser le bilan. Si vous reprenez les conclusions des états généraux de l’information, vous verrez d’ailleurs que sept recommandations peuvent se concrétiser sur le plan législatif – notamment celle qui concerne la protection des sources des journalistes, dont nous avons déjà eu l’occasion de discuter ensemble, monsieur Caron.

Lorsque j’ai été reconduite dans mes fonctions, j’ai relancé la mission sur l’avenir de la distribution de la presse, confiée à Sébastien Soriano et restée en suspens du fait de la démission du gouvernement. Nous pourrons en discuter dès que j’aurai reçu ses conclusions. Enfin, vous avez raison, monsieur Ballard, de dire que la taxe streaming ne fonctionne pas bien. J’ai demandé que l’on fasse en sorte de l’améliorer. Il faudra surmonter les réticences, car, partout où je me rends, on me demande d’y mettre fin, mais pour ma part, cette taxe me semble indispensable et il faut s’arranger pour qu’elle fonctionne mieux.

J’en viens aux nominations, monsieur Caron. À propos de la présidence de TV5 Monde, un certain nombre de candidatures avaient prospéré pendant la période de gestion des affaires courantes. Pour être honnête, je n’avais pas tout suivi, ne sachant pas trop dans quelle mesure nous pouvions poursuivre le processus. Après un échange avec les partenaires européens, c’est Mme Younes qui a été retenue.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. On peut s’interroger sur la transparence du processus, étant donné qu’aucun candidat n’a été reçu.

Mme Rachida Dati, ministre. Si, pour ma part, j’en ai reçu quelques-uns.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce qui nous a été dit par vos services.

Mme Rachida Dati, ministre. Les services ne m’ont pas informée qu’ils avaient été questionnés à ce sujet, mais vous imaginez bien qu’à l’instant où un tel poste se libère, le ministre se retrouve avec une pile de candidatures sur son bureau. J’ai reçu certains de ces candidats.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Permettez-moi d’insister parce que vos services nous ont affirmé le contraire, à savoir qu’aucune des vingt personnes ayant déposé un dossier de candidature dans le cadre de la procédure officielle n’avait été rencontrée physiquement, ni à votre ministère, ni au ministère des affaires étrangères.

Mme Rachida Dati, ministre. La procédure officielle est écrite, monsieur Caron, mais j’ai reçu ceux qui avaient demandé à l’être. J’ignore qui vous a répondu au sein de mon ministère.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Vos propos sont à la fois surprenants et inquiétants. Dans l’enquête réalisée par Libération sur la nomination de Kim Younes, le journaliste indique qu’il n’a pas trouvé une seule personne que vous auriez auditionnée. Cela signifie que vous avez peut-être organisé des rendez-vous en dehors de la procédure classique, ce qui serait gênant.

Mme Rachida Dati, ministre. Allez au bout de votre pensée, je ne comprends pas bien.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je suis allé assez loin. J’ai dit ce que j’avais à dire. C’est très clair.

Mme Rachida Dati, ministre. Et moi je vous réponds de façon tout aussi transparente que j’ai reçu ceux qui avaient demandé à l’être. Je ne comprends pas ce que vous suggérez en disant qu’ils auraient été reçus ailleurs. Une procédure écrite, c’est une procédure écrite. Et ce n’est pas encore Libération qui me donne des instructions et écrit les procédures.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Libération n’établit pas les procédures, mais fait des reportages sur la manière dont elles se déroulent. Sur quels critères avez-vous reçu certains candidats et pas d’autres ?

Mme Rachida Dati, ministre. C’est très simple : la procédure est écrite, les candidats peuvent demander à être reçus par le ministre et je reçois tous ceux qui le souhaitent. Quant à Libération, c’est un journal subventionné par la Ville de Paris. En matière d’indépendance, il se pose là. Mais c’est un autre débat…

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Libération aurait fait une fausse enquête ?

Mme Rachida Dati, ministre. Sans doute.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Alors, on ne doit pas les payer assez !

Mme Rachida Dati, ministre. Vous les payez déjà pas mal, monsieur Grégoire !

S’agissant de Bernard-Henri Lévy, le ministère n’étant pas au conseil de surveillance d’Arte, je n’ai pas été saisie de sa candidature à la présidence pour un huitième mandat. Vos interrogations sont légitimes, monsieur Caron. Je vous invite à écrire au président du conseil de surveillance pour lui demander comment a été décidé le changement des statuts repoussant la limite d’âge. Vous pouvez même l’interroger sur ce que fait la chaîne en matière de production de films et de documentaires.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Est-ce que ce conflit d’intérêts vous choque ? Est-ce qu’une telle situation vous paraît normale dans l’audiovisuel public français ?

Mme Rachida Dati, ministre. Par définition, un conflit d’intérêts me choque. Cela étant dit, je ne suis pas procureur ou juge d’instruction. De la même manière que vous avez saisi le déontologue vous concernant, vous avez la liberté d’interroger le président du conseil de surveillance sur le processus de nomination et le changement de statut. À cet égard, je vais dans votre sens.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Veuillez terminer de répondre aux questions des députés, madame la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. S’agissant des crédits, de l’audiovisuel public, 30 millions ne sont pas annulés mais juste reportés, étant donné que la réforme a été décalée. Quant à la trajectoire des COM, la réduction de 80 millions tient compte de la révision à la baisse de l’inflation et du décalage dans les crédits versés au titre des programmes de transformation.

Y a-t-il d’autres questions auxquelles je n’aurais pas répondu ?

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je veux bien rouvrir le débat à propos des candidats que vous avez reçus pour la présidence de TV5 Monde.

Mme Rachida Dati, ministre. Venez me voir au ministère, monsieur Caron. Je ne me dérobe pas, mais il est compréhensible que certaines personnes ne souhaitent pas que leur candidature soit rendue publique. Je ne vais pas donner leur nom et risquer de les fragiliser dans leurs fonctions actuelles. C’est tout.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avez-vous rencontré Mme Younes ?

Mme Rachida Dati, ministre. Non, parce qu’elle n’a pas demandé à me rencontrer.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Alors pourquoi a-t-elle été choisie ?

Mme Rachida Dati, ministre. Elle a respecté la procédure, qui est une procédure écrite.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous pourrons encore échanger le vendredi 15 novembre, lors de l’examen de ce budget en séance. Madame la ministre, au nom des commissaires, je vous remercie.


II.   Examen des crédits

Lors de sa réunion du mercredi 23 octobre 2024 à 9 heures 30 ([118]), la commission examine, pour avis, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie) (M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à l’examen des amendements portant sur la mission Médias, livre et industries culturelles.

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous commençons par une discussion thématique sur les aides à la presse.

Amendement II-AC119 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à dénoncer les dérives du système actuel des aides à la presse, qui ne garantit plus le pluralisme essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Ces aides, qui représentent environ 194 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, bénéficient principalement aux grands groupes médiatiques – Le Monde, LVMH ou Vivendi, placé sous la houlette du groupe Bolloré.

Sept milliardaires concentrent non seulement une large partie des titres de presse, mais également des montants considérables d’aide publique. Parallèlement, le soutien aux médias de proximité, véritables voix citoyennes et locales, n’est pas revalorisé. Les titres indépendants sont marginalisés, tandis que la concentration des médias continue de s’intensifier au détriment du pluralisme et de la qualité de l’information. C’est pourquoi nous proposons la création d’un nouveau programme dédié à la réforme des aides à la presse et à l’indépendance des médias, afin de soutenir des médias réellement indépendants et de conditionner les aides à des mesures garantissant l’absence de concentration excessive.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis (Médias, livre et industries culturelles). Je me suis exprimé l’année dernière sur les aides à la presse. Nous sommes d’accord sur la nécessité de les réformer, mais c’est là notre seul point commun. Dans mon rapport pour avis, je prône une réforme passant par un crédit d’impôt, notamment pour les aides au pluralisme ; nous économiserions ainsi 13 millions d’euros.

Par ailleurs, nous soutenons plusieurs propositions issues des états généraux de l’information concernant la concurrence que représentent les plateformes, notamment la contribution obligatoire sur la publicité numérique et le fléchage des investissements publicitaires.

Enfin, nous souhaitons instaurer une rémunération du droit voisin en revenant sur la loi de 2019, afin de la rendre plus efficace. En effet, seul Google joue à peu près le jeu, après avoir reçu un coup de pied aux fesses de l’Autorité de la concurrence.

Avis défavorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le groupe Horizons souhaite également revoir en profondeur les aides à la presse, qui ne sont plus adaptées aux usages et à la transformation des médias. Avec ma collègue Violette Spillebout, nous avons déposé une proposition de loi en ce sens. Par ailleurs, permettez-moi de rappeler à nos collègues du NFP que la nature des actionnaires des titres de presse n’est pas un critère d’attribution des aides.

Mme Céline Calvez (EPR). Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de réformer les aides à la presse, mais l’examen du PLF pour 2025 n’est pas le lieu pour en débattre. Nous devrons renforcer les conditionnalités et la transparence de leur octroi, mais aussi prendre en considération les journalistes et les engagements sociétaux des organes de presse en matière d’éducation à l’information et aux médias.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC39 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Cet amendement d’appel propose d’investir 100 millions d’euros supplémentaires dans les aides à la presse. Il est financé par un amendement déposé sur la partie du texte relative aux recettes, visant à rétablir une taxe de 1 % sur le chiffre d’affaires de la publicité numérique.

Nous devons en particulier aider la presse indépendante à se développer pour faire face aux grands groupes qui utilisent les journaux pour favoriser leurs intérêts économiques ou leurs desseins politiques, bien souvent ultraconservateurs, voire d’extrême droite. Pour ce faire, les aides doivent être données sous conditions. Il n’est plus possible de continuer d’arroser des journaux qui prétendent informer, alors que leurs rédactions, vidées de leurs journalistes par les actionnaires, se contentent de retranscrire des informations plus ou moins vérifiées.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je partage votre constat : les journalistes sont de moins en moins nombreux dans les rédactions et se contentent de copier-coller les dépêches de l’Agence France-Presse (AFP), ce qui pose problème.

Dans mon rapport, je dénonce le pillage par les plateformes de la valeur ajoutée créée par la presse écrite. Les états généraux de l’information ont proposé d’instaurer une contribution obligatoire des plateformes sur la publicité numérique : cette piste est intéressante et sera sans doute reprise dans le projet de loi annoncé par la ministre.

Compte tenu des montants figurant dans l’amendement, mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC22 de M. Emmanuel Grégoire

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Hier, nous avons eu l’occasion de dénoncer, auprès de la ministre, la diminution des aides à la diffusion de la presse. Cet amendement vise à rétablir les crédits d’aide à la presse en abondant de 2,7 millions d’euros l’action 02 du programme 180 Presse et médias.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il faut distinguer l’aide à l’exemplaire porté et l’aide à l’exemplaire posté : la première augmente alors que la seconde diminue.

S’agissant de la distribution de la presse, le rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles relatif à la distribution de la presse imprimée, publié en novembre 2023, formule des propositions de modernisation et de mutualisation. Lors de nos auditions, nous avons entendu les deux grands groupes de messagerie, qui ne semblent pas pressés de trouver un accord, alors que d’importants gains de productivité doivent être réalisés. Il est urgent de mutualiser certains moyens de diffusion, notamment entre la presse quotidienne régionale (PQR) et la presse quotidienne nationale (PQN). Contrairement à ce que propose cet amendement, nous proposons de diminuer de 2 millions d’euros les aides à la diffusion de la presse, pour qu’un accord soit trouvé au plus vite. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC225 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. C’est l’amendement que je viens d’évoquer : il vise à réduire de 2 millions d’euros le budget de la sous-action 5 Aides au portage de la presse de l’action 2 Aides à la presse, sur un montant total de 200 millions d’euros. Cela ne me semble pas représenter un effort démesuré.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC170 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’attribution des aides directes à la presse est au cœur de la question du pluralisme médiatique. Une grande partie de ces aides est captée par des groupes puissants appartenant à des hommes d’affaires fortunés. Ainsi, en 2023, LVMH a reçu plus de 12 millions d’euros pour soutenir Le Parisien et le groupe Le Monde a obtenu plus de 8 millions d’euros.

Ces aides, qui sont censées garantir le pluralisme de la presse, se retrouvent concentrées entre les mains de quelques acteurs dominants. Une telle concentration menace directement la diversité des médias. Il est urgent de réformer le système, en prenant en considération la situation économique réelle des groupes auxquels les titres appartiennent et en intégrant des critères de gouvernance plus transparents, notamment la participation des représentants des salariés aux organes de décision.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Vous citez souvent les groupes Bolloré et LVMH, mais L’Humanité et Libération bénéficient également de ces aides.

Je suis favorable à une réforme de ce système, je le redis. Je vous renvoie aux propositions formulées à l’occasion des états généraux de l’information. Pour financer la presse, regardons dans la bonne direction, c’est-à-dire vers les plateformes qui la pillent à l’aide de l’intelligence artificielle et qui ne respectent pas les droits voisins. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC15 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le montant total des aides à la presse est de 205 millions d’euros. La presse traverse une période difficile : le prix du papier est toujours élevé et les recettes publicitaires se tarissent en raison de la concurrence du numérique.

Les aides au pluralisme s’élèvent à 26 millions d’euros. Nous souhaitons les remplacer par un crédit d’impôt sur le revenu au titre des abonnements. En effet, un lecteur s’abonne à un journal – que ce soit Valeurs actuelles ou Libération – parce qu’il apporte sa confiance à la rédaction. Ce système dégagerait une économie de 13 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC140 de M. Aymeric Caron

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) exercent des missions différentes. Les regrouper nuirait sans doute à leur réussite.

Par ailleurs, comment calculez-vous le montant de 50 millions d’euros ? S’ajouterait-il aux dotations de l’Arcom et de l’Arcep ?

Et puis chacun regarde ce qu’il veut, cela s’appelle simplement la liberté. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à la discussion thématique commune sur les crédits du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER).

Amendements identiques II-AC21 de Mme Julie Delpech, II-AC70 de M. Pierrick Courbon, II-AC145 de M. Aymeric Caron et II-AC172 de M. Frédéric Maillot

Mme Julie Delpech (EPR). Cet amendement vise à rétablir les crédits du FSER pour 2024, soit 35,7 millions d’euros, afin de protéger plus de 770 radios associatives. Particulièrement présentes en zones rurales et dans les territoires d’outre-mer, celles-ci jouent un rôle clé en matière de cohésion sociale, d’éducation aux médias et de diversité culturelle. Employant près de 2 850 salariés, dont 270 journalistes, elles constituent le deuxième employeur du secteur radiophonique après le service public audiovisuel. La coupe budgétaire de 30 %, soit plus de 10 millions d’euros, menace directement leur existence.

Cet amendement a donc pour objet de rétablir les 12 millions d’euros de financement du FSER supprimés, tout en appelant à la levée du gage. Cette remise à niveau est indispensable pour préserver le fragile équilibre économique des radios associatives, pour sécuriser des centaines d’emplois et pour maintenir la diversité et le pluralisme du paysage radiophonique français.

M. Pierrick Courbon (SOC). Un consensus semble se dégager sur le fait que la réduction drastique du FSER prévue pour 2025 mettrait en péril de nombreuses radios associatives. Elle est d’autant plus incompréhensible que le budget consacré à la culture est par ailleurs globalement maintenu et que la baisse infligée au programme Presse et médias entre en contradiction avec les conclusions des états généraux de l’information et les recommandations du Livre blanc de la radio rédigé par l’Arcom.

La ministre avait évoqué hier la possibilité de laisser les parlementaires corriger ce qu’elle semblait considérer elle-même comme une incongruité. Nous proposons donc de rétablir les crédits du FSER.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous apportons nous aussi tout notre soutien aux radios indépendantes et associatives. Ces actrices essentielles du pluralisme de l’information voient leur budget sévèrement amputé, le FSER subissant une coupe de 10 millions d’euros, soit l’essentiel des 12 millions d’euros d’économies demandées au programme Presse et médias. Un tel coup de machette aurait des conséquences fatales pour les plus de 770 radios indépendantes et associatives, qui représentent le second employeur du secteur radiophonique après le service public : les syndicats estiment que près d’un tiers des 2 850 emplois concernés sont sur le point d’être supprimés.

Le rôle de ces radios en matière de pluralisme, de couverture du territoire, de valorisation de la culture, de mise en avant de nouveaux talents, de don de la parole aux citoyens ou encore d’éducation populaire – autant de missions d’intérêt général – n’est pourtant plus à prouver. À l’opposé de la baisse prévue, il faut donc leur attribuer davantage de ressources, d’autant qu’elles ont déjà subi les surcoûts générés par la double diffusion en FM et en DAB+, c’est-à-dire en modes hertzien et numérique.

Nous proposons donc de renforcer le FSER en augmentant ses crédits de 12 millions d’euros.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’amendement II-AC172, rédigé avec la Confédération nationale des radios associatives et le Syndicat national de radios libres, vise lui aussi à augmenter les crédits consacrés au FSER. Sans changement, le budget prévu pour 2025 s’établirait à 25 millions d’euros contre 35 millions d’euros en 2024, soit une baisse de 30 % qui aurait des conséquences dévastatrices pour le secteur : suppression de plus de 800 emplois, recul du pluralisme, appauvrissement de la diversité médiatique locale, affaiblissement de l’offre culturelle. Il faut renforcer le soutien public à ce secteur essentiel à la vie démocratique.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il est vrai que la baisse envisagée entraînera des licenciements. Si j’alerte depuis trois ans sur les radios associatives dans mon rapport pour avis, et qu’un coup de taille-haie me semble nécessaire, le Gouvernement y va ici à la tronçonneuse. Je songe par exemple à ce responsable de radio, entendu au cours des auditions, qui emploie seize personnes à Manosque et propose aux auditeurs une grille de programmes tout à fait correcte et honorable : nul doute que certains d’entre eux resteraient au tapis si le budget devait être adopté en l’état.

En revanche, les quelque 750 radios associatives en activité ne sont contrôlées par l’Arcom que sur signalement. Il faudrait pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie – la ministre s’est d’ailleurs montrée assez réceptive à cette idée hier – et définir des critères permettant de n’accorder des subventions qu’aux radios qui le méritent.

Avis défavorable à cette première série d’amendements.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le groupe Horizons s’inquiète lui aussi de la baisse drastique du FSER. Les radios associatives incluent les radios confessionnelles, comme RCF (Radio chrétienne francophone), qui assurent un maillage territorial remarquable, proposent des programmes éditoriaux permettant d’éclairer autrement le débat public, favorisent le lien intergénérationnel et offrent une fenêtre sur l’extérieur à des personnes isolées.

Il est donc surprenant que la seule baisse importante demandée au budget de la culture pèse sur les radios associatives, qui sont des outils essentiels pour les acteurs culturels et pour les habitants des zones rurales.

M. Pierrick Courbon (SOC). J’insiste sur le caractère transpartisan de ces amendements : nous avons tous été alertés sur le fait que ce coup de rabot, non content d’entraîner des suppressions d’emplois et de mettre à mal à des projets, causerait la disparition pure et simple des radios associatives, dont l’équilibre budgétaire est très fragile. Nous devons absolument préserver ces structures, qui mettent souvent en avant des initiatives locales et citoyennes, y compris en donnant la parole à des élus ou à des acteurs institutionnels.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mon amendement s’inscrit dans la lignée de ceux qui prévoient d’augmenter de 12 millions d’euros les crédits du FSER, que je soutiens.

Je m’étonne des propos du rapporteur pour avis, qui prône le recours au taille-haie alors qu’il donne régulièrement des leçons de liberté d’expression – mais peut-être faut-il se réjouir de sa modération, puisqu’il aurait pu proposer d’utiliser la tronçonneuse. Le principe même de la liberté d’expression exclut de chercher à réguler à tout-va les radios associatives : leurs subventions ne doivent être réduites qu’en cas de non-respect flagrant des règles, comme c’est d’ailleurs déjà le cas. Je note que quand je demandais que soient remises en cause les fréquences accordées à C8 et à CNews, qui enfreignaient les règles, vous m’accusiez de soutenir la censure. Vous montrez votre vrai visage : on voit bien, ici, qui défend la liberté et qui ne la défend pas.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Comme les orateurs précédents, je regrette la coupe de 10 millions d’euros infligée au FSER, dont je rappelle qu’il aide près de 800 radios associatives, qui assurent des missions de communication sociale de proximité. Une telle baisse mettrait en péril leur existence même et risque d’entraîner des suppressions d’emplois et d’appauvrir la diversité de l’offre médiatique et culturelle locale.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Nous avons tous été sollicités sur cette question importante. Chez moi, dans les Pays de la Loire, la radio associative Jet FM, implantée depuis quarante ans, est un acteur majeur de l’éducation aux médias et a accompagné 10 000 personnes en dix ans. Nous sommes donc sensibles à ces amendements. Attention toutefois : l’obligation de gager la mesure conduira à soustraire 12 millions d’euros du programme Livre et industries culturelles. Nous espérons évidemment que le Gouvernement lèvera le gage.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). On avait pu avoir le sentiment, hier, que le Rassemblement national défendait les radios associatives face au massacre à la tronçonneuse prévu pour 2025. Ces amendements sont l’occasion d’une clarification, puisqu’on vient d’entendre le rapporteur pour avis vanter l’utilisation du taille-haie.

Si on supprime une partie des radios associatives, que fera-t-on des fréquences ainsi libérées ? Quelle logique défendez-vous, sinon celle de la marchandisation et de l’agrandissement de la sphère privée, dans un secteur qu’on sait sujet à des phénomènes de concentration économique et en proie à un manque de diversité et de pluralisme ? Je ne vois pas comment on peut prétendre restreindre la part des radios associatives sans assumer très clairement qu’on souhaite accentuer le phénomène de privatisation déjà à l’œuvre dans le secteur audiovisuel.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Je m’étonne à mon tour de la prise de position du rapporteur pour avis : le Rassemblement national, qui défend souvent la ruralité, devrait savoir que la plupart des petites radios associatives créent du lien social et de l’information dans les territoires.

M. Paul Molac (LIOT). Je soutiens moi aussi pleinement les amendements visant à revaloriser le FSER de 12 millions d’euros. Les radios associatives sont des éléments de sociabilité et de culture primordiaux pour le milieu rural, en particulier dans ma circonscription. Je suis donc très inquiet de cette ponction de 30 %, qui risquerait de laisser un tiers des salariés sur le carreau.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les radios rurales bénéficient d’un bonus d’environ 2 millions d’euros créé en juillet dernier.

Mme Legrain méconnaît visiblement les règles qui s’imposent à l’Arcom en matière d’attribution des fréquences radio : Radio France – le service public, donc, cela devrait vous plaire – dispose d’un droit de préemption lorsqu’une fréquence se libère.

Madame Taillé-Polian, le parallèle que vous dressez entre les radios associatives et CNews ou C8 n’a aucun sens : si la chaîne C8 s’est vue retirer sa fréquence, c’est parce qu’elle a été contrôlée. Or je déplore précisément que les radios associatives ne fassent l’objet d’aucun contrôle, alors que certaines diffusent des contenus borderline, voire franchement hors-la-loi, qu’il s’agisse de messages anti-flics – que vous appréciez peut-être – ou de propos communautaristes. Des critères plus stricts devraient être définis et celles qui ne les respectent pas devraient tout simplement perdre leurs subventions. Les autres pourront évidemment continuer à les percevoir, à condition de respecter les règles de la République.

Je suis défavorable à tous les amendements, sauf celui de Mme Spillebout – le II-AC218 –, qui prévoit de renflouer de 5 millions d’euros les crédits du FSER.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Vous expliquez que les radios associatives devraient être contrôlées plus étroitement au motif que certaines enfreignent la loi, mais les exemples que vous listez – propos communautaristes ou anti-flics – relèvent plutôt de votre appréciation personnelle. Quand une radio diffuse des propos contraires à la loi, elle doit certes être sanctionnée, mais ce qui ressort de vos propos, c’est que vous voulez en réalité réduire le champ de la diversité et de la liberté d’expression en décidant vous-même ce qui convient ou non. Voilà qui me conforte dans l’idée qu’il faut défendre toutes les radios associatives, charge à la loi de définir quels propos sont acceptables ou non : je n’ai aucune envie de vous laisser ce pouvoir.

M. Paul Molac (LIOT). Certaines radios diffusent des propos qui me sont très désagréables ; je ne prétends pas les fermer pour autant. Fort heureusement, nous vivons encore dans un pays où la liberté d’expression prévaut.

L’amendement de Mme Spillebout prévoit tout de même une ponction de 5 millions d’euros, soit 15 % du FSER. Une telle coupe ne serait pas indolore. Je préfère donc que nous adoptions les amendements identiques.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. La question n’est pas de savoir quels contenus me conviennent, mais s’ils respectent la loi. Une radio associative diffusant des propos hors-la-loi ne devrait pas bénéficier d’argent public, tout simplement.

La commission adopte les amendements identiques.

Les amendements II-AC168, II-AC71, II-AC31, II-AC124 et II-AC218 sont retirés.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique consacrée à la création d’un Centre national du jeu vidéo.

Amendements II-AC142 de Mme Farida Amrani, II-AC239 de M. Steevy Gustave et II-AC173 de Mme Samya Bourouaha

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Nous proposons en effet de créer un Centre national du jeu vidéo, sur le modèle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Le jeu vidéo est la première industrie culturelle du pays, un art total qui fait rayonner la France à l’international. Plus d’un quart des Français jouant chaque jour à des jeux vidéo ; il est grand temps de leur accorder la reconnaissance institutionnelle qu’ils méritent.

Le jeu vidéo ne doit pas être géré par le CNC mais par un centre spécifique, financé par une taxe sur les ventes de jeux. Cela permettrait de soutenir la création française, de promouvoir l’éducation artistique et la valorisation du patrimoine vidéoludique et de développer les formations professionnelles et universitaires.

Ce centre serait aussi chargé de traiter les enjeux cruciaux de la parité – les femmes représentent 47 % des joueurs mais demeurent sous-représentées dans le développement – et du sexisme, dont sont victimes 40 % des joueuses en ligne.

M. Steevy Gustave (EcoS). Le jeu vidéo n’est pas seulement un loisir, c’est un art qui contribue au rayonnement international de notre pays. Plus de 38 millions de Français y jouent au moins de manière occasionnelle.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Il s’agit d’un amendement d’appel visant à créer un Centre national du jeu vidéo. À l’instar du CNC, ce centre devrait permettre une plus grande décentralisation du financement du secteur.

Dans un contexte de crise, nationale et internationale – plus de 13 000 licenciements ont été recensés et les grèves se multiplient –, il est urgent de repenser le soutien de l’État. Par ailleurs, le secteur, dans lequel 72 % des salariés sont des hommes, a connu des affaires de harcèlement moral et sexuel ainsi que de violences sexistes et homophobes.

Le Centre national du jeu vidéo pourrait œuvrer à une meilleure inclusion et une plus grande diversité. Il signerait également la fin de la mainmise des syndicats patronaux sur le secteur et l’abandon de la logique industrielle au profit de la politique culturelle.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le jeu vidéo fait partie des attributions du CNC. Le fonds d’aide aux jeux vidéo soutient ainsi la création et accompagne les auteurs et les entreprises dans toutes les phases de conception et de fabrication d’un jeu. Il existe également un crédit d’impôt jeux vidéo.

Par ailleurs, je ne suis pas favorable à la création d’une taxe nouvelle sans étude d’impact préalable.

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Vous n’êtes pas sans savoir que le CNC a vu son budget amputé de 450 millions d’euros. Vous pensez vraiment que cela n’aura aucun impact sur le financement des jeux vidéo ?

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un prélèvement sur la trésorerie.

Mme Céline Calvez (EPR). Alors que la Paris Games Week vient de s’ouvrir, je suis ravie que nous parlions dans cette commission du jeu vidéo, pan majeur de notre industrie culturelle.

Le groupe Ensemble pour la République souhaite la prorogation du crédit d’impôt car le développement de jeux vidéo demande du temps. C’est sur ce point que nous devons nous battre plutôt que de créer un énième centre national. L’urgence est à la préservation de l’outil fiscal.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il faut, en effet, renforcer les outils dont nous disposons car le secteur du jeu vidéo traverse une crise. Il est question d’un projet de cession d’Ubisoft à un investisseur chinois. Si ce n’est pas une simple rumeur, notre commission devra se pencher sur ce qui constituerait une nouvelle perte de souveraineté.

La commission rejette successivement les amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à une discussion thématique sur le Centre national de la musique (CNM).

Amendements II-AC143 de M. Aymeric Caron et II-AC24 de M. Emmanuel Grégoire

M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Après l’hôpital, l’école et l’audiovisuel public, le Gouvernement souhaite-t-il tuer le Centre national de la musique ? Laissera-t-on la maison de la musique devenir une coquille vide à force d’être privée des moyens d’exercer ses missions – l’observation de la filière, le soutien à la diversité musicale ou encore l’innovation ?

Entre 30 et 40 millions d’euros manquaient déjà l’année dernière et on sait que la taxe sur le streaming musical rapportera 6 millions d’euros de moins que ce qui était attendu. Il est donc impératif de consolider dès maintenant le budget du CNM en créant un fonds de soutien. L’institution pourra enfin répondre aux attentes des professionnels et venir en aide à tous les genres musicaux.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’amendement propose d’annuler la baisse très importante de la dotation du CNM pour la maintenir à la hauteur de celle de 2024. Dans la discussion sur la première partie du PLF a été évoqué un déplafonnement de la taxe sur les spectacles de variétés qui est la principale source de financement du CNM.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Toutes ressources confondues, le CNM bénéficierait de 104,5 millions d’euros en 2025, contre 81,8 millions d’euros en 2024, soit une augmentation de près de 30 %.

Cette hausse est due à l’instauration de la taxe streaming, dont le rendement n’est toutefois pas celui attendu – Tiktok traîne des pieds et il n’est pas le seul –, et surtout au dynamisme de la taxe sur les spectacles de variétés, aussi appelée taxe billetterie, dont les recettes devraient passer de 32 millions d’euros en 2024 à 53 millions d’euros en 2025.

Il n’est pas anormal que la filière musicale participe à l’effort de redressement des comptes publics. Je préconise même un abaissement du plafond de la taxe billetterie à 40 millions d’euros, ce qui permettrait malgré tout au CNM de voir ses ressources augmenter de 13 millions d’euros en 2025. Avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Une fois encore, deux visions s’opposent.

Lors de la création du CNM, le CNC et son modèle redistributif étaient cités en exemple. Monsieur le rapporteur pour avis, vous recommandez de diminuer le financement procuré par la taxe billetterie alors que ce modèle n’est pas encore viable, la taxe streaming ne rapportant pas autant que ce qui était escompté : vous vous attaquez au modèle même du CNM en vertu duquel le reversement de la taxe billetterie permet de faire vivre la diversité musicale.

Au contraire, nous prônons, si ce n’est sa suppression, une hausse du plafond de la taxe afin de pérenniser un système vertueux.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC62 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je l’ai annoncé, il s’agit d’abaisser à 40 millions d’euros le plafond de la taxe billetterie, le reste des recettes revenant dans les caisses de l’État.

M. Erwan Balanant (Dem). Je suis totalement opposé à l’amendement. Au contraire, le plafond devrait être augmenté. Le financement reposait initialement sur des contributions volontaires fixées par la filière musicale, avant que Bercy ne reprenne la main. Les bons résultats d’une filière doivent permettre de continuer à financer de manière équitable son développement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC136 de Mme Farida Amrani

M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Comment expliquer à son enfant qu’il ne pourra pas lire de bandes dessinées cette année car le budget familial est trop serré ? Quelle explication donner à sa fille curieuse de découvrir les magazines de science ou à son ado qui fait ses premiers pas dans le monde de la littérature lorsque ni l’un ni l’autre ne pourra y avoir accès ?

Une réponse simple est à portée de main, souvent située non loin de chez soi : la bibliothèque municipale. Malheureusement les prêts gratuits y sont devenus trop rares. Il est temps d’y remédier.

La gratuité des prêts est une mesure simple, efficace, peu coûteuse qui donnerait un véritable accès à la culture et à la lecture aux familles modestes, alors que 48 % des cadres lisent au moins dix livres par an contre 16 % des ouvriers et employés.

Il est plus que temps de donner corps au manifeste de l’Unesco sur la bibliothèque publique. Le choix du monarque présidentiel de faire de la lecture la grande cause nationale 2022 n’a mené à rien.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je vous ferai la même réponse que l’an passé : la gratuité totale ne rend pas service à l’information ni à la création littéraire et artistique. Vous donnez raison à ceux qui pillent notre matière grise, les plateformes et l’intelligence artificielle.

Non, tout n’est pas gratuit. L’information a un coût. Le fait de demander une participation même symbolique de 1 euro est une manière d’éduquer les gens. Arrêtez de croire que tout est gratuit. Vous nous entraînez dans une spirale infernale qui aboutit à tirer tout le monde vers le bas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC133 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Cet amendement devrait être unanimement soutenu puisque personne ici ne peut nier les violences sexistes et sexuelles dans la société et dans les médias en particulier.

L’affaire PPDA dans laquelle de très nombreuses femmes ont témoigné avoir subi des agressions sexuelles et des viols de la part du présentateur ainsi que les révélations qui ont émaillé le #MeToo médias en sont l’illustration. Nous devons donc nous saisir du problème. Les commissions d’enquête sont bienvenues mais pas suffisantes – les associations féministes le disent. Il faut aussi des moyens pour recueillir la parole des femmes concernées, les accompagner et faire de la formation si nous voulons mettre fin à l’omerta dans le monde des médias.

C’est la raison pour laquelle l’amendement vise à demander un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les médias.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je partage, comme tous ici, votre souhait de lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans les médias.

Pour autant, est-ce à l’État de financer un tel plan ? Dans les rédactions dans lesquelles j’ai travaillé pendant quarante ans, les cadres étaient sensibilisés aux violences sexuelles et sexistes – ce n’était pas parfait, il y avait manifestement des trous dans la raquette. Ce sont les entreprises qui traitaient le problème et essayaient de lui apporter des solutions.

Enfin, s’agissant du chiffrage à 10 millions d’euros, j’ai du mal à comprendre la méthodologie.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Monsieur Ballard, vous êtes bien placé pour savoir qu’il y avait des trous dans la raquette puisque vous avez travaillé dans le groupe TF1. Or nous savons maintenant que le groupe était informé depuis 2005 des plaintes déposées contre Patrick Poivre d’Arvor.

Il est bien nécessaire que l’État s’en mêle. S’il fallait compter sur TF1 pour mener ce combat, je doute qu’il serait mis fin à la situation dramatique et terrifiante que nous connaissons. Admettez que ce secteur que vous connaissez bien doit faire amende honorable.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les médias, au même titre que toutes les entreprises et tous les groupes politiques, sont concernés. Votre groupe a lui-même sans doute quelques affaires à régler.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Cessons de stigmatiser et de livrer des noms en pâture. Sur ces sujets, nous avons tous à balayer devant notre porte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC112 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. L’Agence France-Presse se porte plutôt bien puisqu’elle a dégagé pour la cinquième année consécutive un résultat net positif de 2 millions d’euros ; ses recettes commerciales, qui s’élèvent à 207 millions d’euros, ont légèrement progressé ; ses charges ont enfin été maîtrisées. Il n’est pas illégitime de demander à l’agence un effort de 4 % sur son enveloppe globale afin de participer au redressement des finances publiques.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je m’élève avec force contre cette proposition qui vise à retirer des moyens à une agence de presse absolument essentielle pour les journalistes.

Le travail de l’AFP est recoupé et approfondi dans les rédactions sérieuses, mais il constitue une base incontournable. La diminution des crédits de l’agence ferait peser une menace sur l’accès des citoyens et citoyennes à une information de qualité, vérifiée. Le travail de ses journalistes est remarquable et remarqué.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il y a peut-être des choses à revoir dans le fonctionnement de l’AFP. Le membre de votre groupe qui siège au conseil supérieur de l’agence aura certainement son mot à dire.

En revanche, la baisse de la dotation me semble dangereuse pour notre souveraineté, à laquelle vous êtes si attaché. Face aux grandes agences de presse américaines, l’AFP a besoin de moyens pour rester une agence puissante dans la guerre de l’information.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Quand j’étais journaliste, l’AFP, c’était la Bible. On ne vérifiait même pas les informations qu’elle donnait.

Après le 7 octobre 2024, une note interne a indiqué que le Hamas ne devait pas être qualifié de mouvement terroriste. La charte de l’AFP promet une information originale et de qualité. S’agissant du second terme, je ne sais pas ; quant au premier, tout dépend de quel point de vue on se place.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Le Rassemblement national a obtenu un siège au conseil supérieur de l’AFP, ce qui y a provoqué une certaine émotion.

Sous couvert de considérations budgétaires, vous remettez en cause la liberté d’expression et vous vous en prenez à la déontologie des journalistes. Vous voulez baisser la dotation de l’AFP pour des raisons idéologiques : vous contestez le choix, que d’autres médias internationaux comme la BBC ont fait, de ne pas utiliser le terme « terroriste ». Cette qualification étant de la responsabilité des États, il s’agit pourtant d’une décision déontologique.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les attentats du Bataclan ou ceux commis par Boko Haram étaient bien qualifiés à l’époque d’actes terroristes.

Une agence de presse n’a pas à donner une opinion, elle doit rapporter des faits. Il existe des journaux d’opinion qui peuvent user de la liberté d’expression. Ce n’est pas le cas de l’AFP.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC137 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Nous proposons la création d’un fonds de soutien destiné à la relocalisation des salles de cinéma en centre-ville.

Aujourd’hui les multiplexes fleurissent en périphérie, souvent dans des zones industrielles et commerciales mal, voire pas du tout, desservies par les transports en commun. Les spectateurs sont contraints d’utiliser leur véhicule, ce qui alourdit significativement l’empreinte carbone. Selon l’étude de The Shift Project « Décarbonons la culture », 28 % de l’empreinte carbone de l’audiovisuel est due au déplacement des spectateurs, et pour les seules salles de cinéma, 78 % des émissions de carbone proviennent de ces déplacements.

Il est donc urgent de repenser ce modèle pour réduire l’empreinte écologique, mais aussi pour revitaliser nos centres-villes souvent désertés par les commerces et les emplois. La relocalisation des cinémas permettrait de rendre ces lieux de culture plus accessibles.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Avis favorable.

Mme Céline Calvez (EPR). Après la prolifération malheureuse des multiplexes à l’extérieur des villes, on observe désormais une inversion de tendance : le dernier rapport du Médiateur du cinéma met en lumière l’implantation des nouvelles salles de cinéma dans les centres-villes, en particulier des villes moyennes. Cette évolution est due notamment au soutien du plan Action cœur de ville et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Il ne semble donc pas nécessaire de créer une nouvelle ligne budgétaire.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans mon territoire, il y a encore malheureusement des projets de cinéma à l’extérieur de la ville. Nous devrions tout faire pour empêcher ces constructions dès lors que le foncier ne manque pas dans les communes rurales. Je soutiens l’amendement.

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Les petites villes ne sont pas éligibles au plan Action cœur de ville.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC236 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement vise à créer un fonds de soutien à l’industrie du vinyle. Cette industrie connaît un retour en grâce qui profite à de nombreux labels de musique indépendants. En participant à cette dynamique, les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les disquaires et les artistes maltraités par l’industrie musicale numérique.

Pourtant, la crise des matières premières contraint l’offre, allonge les délais de fabrication et augmente les coûts. Seuls les géants de l’industrie musicale, dont la priorité est de rééditer des classiques, sont en mesure de résister. Ce sont les petits labels qui font les frais de la crise. Ce sont eux que l’amendement cherche à soutenir.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je soutiens pleinement la production de vinyles. Néanmoins je ne vois pas la nécessité de créer un nouveau fonds de soutien puisque l’aide à l’industrie du vinyle relève du CNM, qui dispose notamment d’une dotation budgétaire spécifique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC138 de M. Aymeric Caron

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous proposons de créer un fonds de soutien à l’installation des librairies indépendantes dans les centres-villes des communes rurales.

Sans disposer des moyens des grands magasins et des plateformes de vente en ligne, les petites librairies sont les plus exposées aux risques économiques auxquels s’ajoute une baisse du pouvoir d’achat généralisée.

Selon le syndicat de la librairie française, si rien n’est fait, une majorité des librairies indépendantes françaises seront déficitaires dans les deux ans à venir. Les 3 500 librairies indépendantes représentent 13 000 emplois mais elles sont bien plus présentes dans les agglomérations que dans les zones rurales.

L’exemple de la librairie Divergences à Quimperlé, dans le Finistère, montre qu’elles favorisent le lien social, le partage de la culture, l’éducation populaire, la démocratisation de la lecture et de la culture générale, donc l’émancipation collective.

Dans le PLF, rien n’est prévu pour soutenir ces librairies dans les centres-villes de communes rurales. Les crédits de l’action Livre et lecture ne sont pas revalorisés ; autrement dit, avec l’inflation, ils baissent, alors que Rachida Dati promettait, dans son plan Culture et ruralité, le doublement du soutien financier aux projets d’action culturelle des librairies rurales.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Erwan Balanant (Dem). La librairie Divergences, venue compléter l’offre de Quimperlé qui comptait déjà une librairie extraordinaire, a reçu le soutien de la ville. C’est très bien ainsi.

Il appartient aux élus locaux de développer l’offre culturelle. Il n’est pas nécessaire de créer un nouveau fonds : d’autres dispositifs existent déjà et le ministère de la culture fait un important travail pour soutenir la filière.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). La librairie Divergences a des problèmes avec certains élus locaux appartenant au bloc identitaire qui veulent lui retirer des subventions et jouer les censeurs.

Sa situation n’est pas représentative de l’ensemble des librairies associatives et indépendantes qui apportent tant à nos territoires ruraux. L’État doit absolument les soutenir.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Il y a une bizarrerie à créer un fonds pour soutenir l’installation de commerces au détriment de la filière du livre et de nos bibliothèques municipales. Il serait préférable de créer une ligne budgétaire dépendant du ministère de l’économie et des finances.

M. Alexis Corbière (EcoS). La librairie n’est pas un commerce comme les autres ! C’est un vecteur de politique culturelle, et il existe des fonds publics destinés à les aider.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC111 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Nous proposons, dans un souci de réduction de la dette publique, de minorer de 3,4 millions d’euros les crédits alloués à la sous-action Soutien à l’entrepreneuriat culturel. Nous n’avons rien contre ce type d’entrepreneuriat, mais il bénéficie déjà de multiples dispositifs de soutien, qui relèvent des Drac ou du ministère de la culture.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC139 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). En préambule, je tiens à saluer la mobilisation de nos concitoyens de Martinique contre la vie chère.

Il s’agit de soutenir les établissements de spectacle cinématographique et les salles de cinéma outre-mer. Essentiels pour la démocratie culturelle, ces établissements doivent en effet supporter des coûts d’exploitation plus élevés que dans l’Hexagone, ce qui réduit leur rentabilité. En outre, la crise du covid-19 a accentué ces difficultés en provoquant une baisse durable de la fréquentation des salles.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les arguments de votre exposé sommaire sont exacts. Par ailleurs, j’ai indiqué, dans mon rapport, que les territoires d’outre-mer souffraient également de la disparition des titres de presse locale. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC12 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le projet de loi de finances alloue à la radio Médi1, située à Tanger et dont l’État français est actionnaire à hauteur de 13 %, 1,6 million d’euros, sans aucun contrôle. Or, si cette radio a bénéficié durant de longues années d’une vaste audience dans sa zone de diffusion – Maroc, Algérie, Tunisie et Mauritanie –, elle a sombré depuis dans les profondeurs du classement de l’audimat. Un seul journaliste français y est employé. Sans doute le Quai d’Orsay tient-il au maintien de cette ligne budgétaire, mais nous proposons, pour notre part, de la supprimer.

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Pour les Français établis dans ces pays, cette radio est le seul moyen de suivre l’actualité française.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Ils peuvent écouter également Radio France internationale (RFI) ou France 24, même si – c’est d’ailleurs un débat récurrent – cette chaîne ne nous apprend rien de ce qui se passe en France, à la différence de ses homologues étrangères, CNN, ITV ou la BBC. Au demeurant, je ne suis pas certain que Médi1 relate l’actualité française.

À la fin des années 1980, on m’a proposé d’y travailler en m’assurant que je bénéficierais d’une villa avec domestiques et percevrais un salaire défiant toute concurrence. Or, manifestement, ces conditions n’ont pas changé. De temps en temps, il est bon de se demander où passe l’argent des Français.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC23 de M. Emmanuel Grégoire

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nous proposons de maintenir les crédits attribués au livre et à la lecture à leur niveau actuel. Pourquoi, en effet, pénaliser par des économies de bouts de chandelle un secteur si important pour l’éducation et l’émancipation citoyenne ?

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je serai bref, pour ne pas avoir à entrer dans la technique budgétaire : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC16 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à créer un nouveau programme, intitulé Aide au déploiement du DAB+, c’est-à-dire de la radio numérique terrestre. Ce mode de diffusion permet de remédier à la saturation de la bande FM. Or ces coûts de développement, qui ne peuvent être supportés par les seuls éditeurs radiophoniques devraient être soutenus par les pouvoirs publics, pour des raisons liées à notre souveraineté, à la nécessaire numérisation de ce média et au maintien de son pluralisme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC222 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout (EPR). Il s’agit de soutenir les moyens des télévisions locales en portant le budget qui leur est alloué à un peu plus de 2 millions d’euros. Ces médias d’information sociale de proximité associent très souvent les citoyens de manière participative et contribuent à la vigueur du débat démocratique ainsi qu’à la mise en valeur des territoires. Or, souvent précaires et de petite taille, ces médias peinent à pérenniser des emplois journalistiques ou culturels. Il paraît donc nécessaire de les aider, comme nous le faisons pour les radios associatives.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Sur le fond, je partage votre objectif, mais le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité, doté de 1,83 million d’euros, est stable par rapport aux deux années précédentes. Je propose que nous nous en tenions là, compte tenu de l’état des finances publiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC144 de Mme Farida Amrani

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Nous proposons de créer un fonds de soutien pour les journalistes victimes de procédures bâillons, procédures dans lesquelles se sont illustrés un certain nombre de milliardaires propriétaires de médias. Ainsi, le groupe Bolloré a poursuivi des journalistes qui s’intéressaient à ses activités en Afrique. Je pense également à la manière dont Cyril Hanouna s’en est pris à notre collègue Louis Boyard. Ces procédures peuvent également être le fait de l’État, puisqu’Ariane Lavrilleux a été placée en garde à vue pour avoir révélé l’implication de la France dans des crimes commis en Égypte, ou d’anciens ministres, comme Aurore Bergé, qui poursuit Victor Castanet pour le livre qu’il a écrit sur le scandale des crèches privées.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Appartient-il à l’État de financer les frais de justice de journalistes possiblement – restons prudents – victimes de procédures bâillons ? Je ne le crois pas. Cela ne signifie pas pour autant que l’État n’a pas une part de responsabilité dans ce domaine. Du reste, la lutte contre ce type de procédure devrait figurer parmi les dispositions du futur projet de loi sur les états généraux de l’information, qui devrait être examiné en début d’année prochaine. Avis défavorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Avant d’être d’ordre financier, la question des procédures bâillons est juridique. Ainsi Violette Spillebout et moi-même défendons-nous, dans une proposition de loi, une amélioration de la définition légale de ces procédures, que nous souhaitons encadrer de manière très restrictive.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens cet amendement. Ces procédures n’ont aucune chance d’aboutir, et leurs auteurs le savent pertinemment : leur seul objectif est d’empêcher les journalistes de faire leur travail en profitant de la très grande précarité économique des éditeurs de presse, surtout indépendants. Au-delà de l’enjeu juridique, il faut donc permettre à ces derniers d’assumer les frais de procédures souvent abusives.

Mme Violette Spillebout (EPR). Je souscris à l’argument selon lequel il est parfois nécessaire d’accompagner les journalistes ou les médias qui n’ont pas forcément les moyens financiers de se défendre face à des procédures bâillons enclenchées par de grands groupes. C’est du reste la raison pour laquelle nous traitons de cette question dans la proposition de loi évoquée par mon collègue Patrier-Leitus.

Mais j’estime, sans me prononcer sur le fond, que l’exemple d’Aurore Bergé est mal choisi pour illustrer ce phénomène. Les personnalités politiques, qui sont souvent attaquées sur les réseaux sociaux et parfois par des médias, ont le droit de se défendre face à un journaliste si elles s’estiment diffamées ou maltraitées. Les élus locaux ou les parlementaires n’ont pas davantage de moyens que les journalistes pour défendre leurs droits. Je m’oppose donc fortement à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC13 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à mettre en garde contre les risques que comporte le développement des zones à faibles émissions (ZFE) pour le portage de la presse. En effet, celui-ci est assuré par des personnes qui exercent d’autres métiers et arrondissent ainsi leurs fins de mois. Or elles possèdent souvent des véhicules anciens et très polluants qui ne pourront bientôt plus circuler dans les ZFE. Cette situation est problématique pour la démocratie, d’une part, puisque les titres de presse ne parviendront plus à leurs abonnés, et pour les distributeurs, d’autre part, puisque cela alourdira leurs coûts.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). On ne peut pas considérer la santé comme une variable d’ajustement ! Les ZFE ont pour objet de remédier au problème majeur qu’est la pollution de l’air, laquelle est à l’origine de 50 000 décès par an dans notre pays. Aider certains secteurs économiques à renouveler leur parc automobile, oui ! Mais il n’est pas concevable de remettre en cause des politiques qui visent à préserver la santé.

C’est toujours la même chose, avec vous : vous ne tenez aucun compte des enjeux de santé liés aux problématiques environnementales.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Certaines villes sont revenues sur le dispositif des ZFE. Encore une fois, il est question de personnes qui exercent plusieurs métiers à temps partiel et dont les véhicules ne correspondent pas aux critères actuels. Il serait irréaliste de demander aux messageries de leur acheter des véhicules électriques : le coût serait excessif. Revenez sur terre !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC14 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à vous alerter sur le problème de la durée excessive des mentions légales dans la publicité radiophonique. Il ne s’agit pas de supprimer ces mentions, mais on pourrait imaginer un dispositif qui renverrait l’auditeur à un site internet où elles pourraient être consultées. Il va de soi qu’il n’est pas question de revenir sur la réglementation concernant l’alcool ou les jeux d’argent, par exemple, mais de rendre plus audibles les messages publicitaires qui financent les radios commerciales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC171 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention sur le danger que présente pour notre démocratie l’accaparement des médias par quelques grands groupes et milliardaires. Nous sommes nombreux à vouloir réformer profondément la loi anticoncentration en revoyant les critères des aides à la presse et en renforçant le pouvoir de la rédaction sur la direction et les orientations du média. De fait, les aides à la presse, qui sont censées garantir la pluralité, ne prennent pas suffisamment en compte la concentration des médias. Or, sans indépendance financière, il ne peut y avoir d’indépendance éditoriale. Comment les grands groupes peuvent-ils percevoir des millions d’euros d’aides quand de petits médias indépendants luttent pour leur survie ?

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Notre vision est radicalement différente de la vôtre. Qui sont les concurrents des médias, notamment audiovisuels, français ? Les Gafam, les géants du numérique dont la puissance de feu est incomparable. À titre d’exemple, Netflix investit en 2024 17 milliards de dollars dans la création, contre à peine 2 milliards d’euros pour l’ensemble des chaînes françaises ! L’Arcom a trouvé une solution provisoire mais, lorsqu’on passera de la télévision connectée au wifi, elle ne pourra plus rien réguler. Par ailleurs, les deux tiers de la publicité sont accaparés par les Gafam.

Pour résister à ce type de concurrence, la solution ne peut passer que par la concentration et la suppression des verrous actuels, qui datent du siècle dernier et qui ont conduit, par exemple, au blocage de la fusion entre TF1 et M6. Lorsque des groupes de cette taille, auxquels pourra s’adjoindre le secteur public, verront le jour, ils seront peut-être capables de rivaliser avec les mastodontes que sont les Gafam. Sinon, vous serez bientôt contrainte de vous informer sur TikTok ou YouTube…

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je conteste, bien entendu, vos arguments, et je suis certaine que mes collègues du Nouveau Front populaire, voire d’autres, voteront pour cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AC11 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard (RN). Il s’agit de créer un nouvel indicateur de performance qui permette de contrôler davantage les 750 radios associatives.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits modifiés de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Après l’article 60

Amendements II-AC54, II-AC56 et II-AC57 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces amendements visent à soumettre à diverses exigences le versement des aides publiques directes et indirectes aux entreprises de presse d’information politique et générale.

Premièrement, l’identité des actionnaires qui possèdent un titre de presse doit être connue de manière transparente. Si les Françaises et les Français ont si peu confiance dans la presse, c’est en partie parce qu’ignorant l’identité des actionnaires, on ne sait quel point de vue ils défendent.

Deuxième exigence : l’instauration d’un droit d’agrément de la nomination de tout responsable de la rédaction par les journalistes. Il s’agit de permettre aux rédactions d’empêcher un actionnaire de changer radicalement la ligne éditoriale d’un titre de presse sans que les lecteurs et les lectrices en aient conscience. Ce droit de veto est un élément très important du nécessaire rééquilibrage qui doit intervenir entre les actionnaires et les rédactions. Il a d’ailleurs déjà été utilisé, sans que cela pose problème, dans différents journaux, notamment Les Échos.

Enfin, l’entreprise doit consacrer au moins 35 % de son chiffre d’affaires à sa masse salariale et son personnel doit compter au moins 50 % de journalistes. Nous devons subventionner, non pas des producteurs de contenus, mais des producteurs d’informations.

Ces conditions sont essentielles pour que les aides à la presse soient efficaces et soutiennent, comme le souhaite une grande majorité de notre commission, une presse libre et indépendante qui produise une information de qualité, indispensable au débat démocratique.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC54 est satisfait par la loi actuelle. En effet, l’article 5 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse dispose que doivent être portés à la connaissance des lecteurs d’une publication les nom et prénom du propriétaire ou, si celui-ci est une personne morale, son siège social et sa forme juridique, entre autres.

Quant au droit d’agrément de l’amendement II-AC56, même les états généraux de l’information ne l’ont pas retenu. Soyons logiques : le propriétaire du Figaro magazine ou de Valeurs actuelles n’embauchera certainement pas un directeur de la rédaction ou de l’information – ce point n’est pas clair dans l’amendement – qui a une sensibilité de gauche. De même, celui qui possède L’Humanité ou Libération n’ira pas chercher quelqu’un qui a une sensibilité de droite. Je ne comprends pas l’intérêt intellectuel d’une telle démarche.

Par ailleurs, 70 % des élèves des écoles de journalisme – qu’il s’agisse du Centre de formation des journalistes, de l’École supérieure de journalisme de Lille ou de la section journalisme de l’institut d’études politiques de Paris – ont une sensibilité de gauche. Ainsi, si l’on appliquait votre dispositif à l’ensemble des rédactions de France, nous aurions une espèce de Pravda qui diffuserait une information monocolore !

Pour ces différentes raisons, je suis archidéfavorable à ces amendements.

Mme Céline Calvez (EPR). Si la conditionnalité des aides est indispensable et doit être renforcée, il me paraît néanmoins délicat de toucher à la loi de 1881 à l’occasion d’un débat budgétaire, d’autant que cette question pourra être abordée dans le texte relatif aux états généraux de l’information.

S’agissant du droit d’agrément, qui a fait l’objet de longs débats, notamment au sein de nos groupes, il me semble que notre position rejoint celle de ces états généraux. En revanche, le critère de la part des journalistes dans le personnel d’un titre – qui a fait l’objet de travaux de Laurence Franceschini – me paraît important. Toutefois l’éventuelle application d’un tel critère suppose que l’on ait préalablement défini ce qu’est le travail d’un journaliste et déterminé la manière dont leur expertise peut être reconnue. Par ailleurs, n’oublions pas que d’autres contributeurs produisent de l’information sans être pour autant journalistes.

Enfin, on pourrait ajouter aux critères évoqués l’éducation aux médias ou la lutte en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je suis favorable à la conditionnalité des aides. S’agissant de la transparence des actionnaires, je ne comprends pas pourquoi le Nouveau Front populaire ne parle que des grands groupes et des grands propriétaires privés, alors que tous les acteurs devraient s’y plier. Je m’interroge par exemple sur Le Média, possédé par Sophia Chikirou et Gérard Miller : qui sont ses actionnaires définitifs ?

Pour ce qui concerne le droit d’agrément, la proposition de loi que Violette Spillebout et moi-même avons déposée prévoit l’entrée des journalistes dans les conseils d’administration des entreprises de presse et la mise en place de chartes déontologiques dans l’ensemble des médias.

Mme Violette Spillebout (EPR). Je soutiens les amendements II-AC54 et II-AC57 relatifs à la conditionnalité des aides. À l’heure où la confiance des Français dans les médias s’érode, la transparence de l’actionnariat est essentielle.

Il me paraît également utile de conditionner les aides publiques à la proportion de journalistes employés dans les rédactions – nous défendons cette mesure dans notre proposition de loi, qui prévoit la création d’un Centre national de l’information. Les aides publiques à la presse et aux médias sont de différente nature ; certaines sont très transparentes, d’autres moins. Elles représentent un budget significatif pour le ministère de la culture. Depuis trente ans, toutes les tentatives de les réformer ont échoué. Un organisme paritaire associant l’État, les syndicats de journalistes, les acteurs des médias et les représentants du patronat pourrait revoir leurs critères d’attribution. Cette grande avancée vers la transparence permettrait de mieux orienter les aides, en privilégiant des médias plus fragiles et pluralistes.

M. Alexis Corbière (EcoS). La transparence doit évidemment concerner tous les acteurs, mais affirmer que Le Média appartient à M. Miller et Mme Chikirou est un gag qui fera rire les deux intéressés. Soyons sérieux.

Je m’étonne de la légèreté de votre réponse, monsieur le rapporteur pour avis. Les rédactions comptent de moins en moins de journalistes professionnels, et de plus en plus de personnes qui se contentent de réécrire les informations. C’est un vrai problème. La puissance publique doit se prononcer sur la qualité de l’information, qui est un droit constitutionnel.

Vous nous demandez quel intérêt aurait un actionnaire à acheter un média pour en changer la ligne éditoriale, mais le Journal du dimanche (JDD) en a fourni un exemple il y a quelques mois : un groupe privé l’a acquis contre l’avis de la rédaction et en a modifié profondément la ligne. À cet égard, les amendements de Mme Taillé-Polian sont extrêmement pertinents.

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Je me dois de dénoncer les fake news propagées par M. Patrier-Leitus dans notre commission ; ce comportement trumpiste est inacceptable. Cessez de répandre des contre-vérités et hissez-vous à la hauteur du débat budgétaire, cher collègue !

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il y a effectivement un problème de précarisation du métier, monsieur Corbière ; des pigistes font du copier-coller, ce qui n’a aucun intérêt éditorial. Ce sujet mériterait d’être expertisé. Nous devrons y être attentifs dans le cadre du projet de loi issu des états généraux qui sera présenté en début d’année prochaine. J’ignore si la proportion de journalistes doit être d’au moins 30 % ou 50 %, mais je suis conscient du problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC149 de Mme Farida Amrani

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Notre groupe sollicite un rapport sur la taxe streaming et les mesures prises pour garantir sa pleine application. Adoptée en 2024, cette taxe impose aux plateformes de streaming dont le chiffre d’affaires dépasse 20 millions d’euros de reverser 1,2 % de leurs bénéfices au CNM. Cette mesure est essentielle, car le streaming représente 85 % des revenus de l’industrie musicale. Elle est toutefois appliquée de façon partielle. Alors qu’Apple Music, YouTube, Amazon Music et Spotify se conforment à leurs obligations, d’autres comme TikTok, Deezer et Meta résistent en invoquant les ambiguïtés de la loi. Résultat : la première collecte prévue fin 2024 est estimée à 9,3 millions d’euros, bien en deçà des 15 millions d’euros attendus.

Le CNM, crucial pour la diversité musicale, manque cruellement de ressources ; son bon fonctionnement demande 30 à 40 millions d’euros supplémentaires. La taxe streaming constitue donc une source de financement indispensable.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il est vrai que la taxe streaming peine à être recouvrée ; nous connaissons les coupables, les grandes plateformes comme TikTok. Avis favorable.

M. Erwan Balanant (Dem). Le recouvrement de cette taxe est effectivement une préoccupation du CNM ; nous pourrions l’appuyer auprès des services de Bercy, qui ne se montrent guère disposés à transmettre certaines données susceptibles d’améliorer la collecte et de contrer les mesures dilatoires de certains. Pour information, Deezer a provisionné les sommes nécessaires mais n’était pas conscient qu’elles devaient être versées au fil de l’eau. Il s’est engagé à les verser. Les autres acteurs évoquent des ambiguïtés juridiques, mais aucun n’a fait de recours contre la taxe. Elle semble donc plutôt solide et devrait prendra son envol ; notre chance est qu’elle grossira à mesure que le streaming se développera.

La commission rejette l’amendement.

 

 


–  1  –

   Annexe : liste des personnes entendues
par le rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

 

       Table ronde :

 Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI)  Mme Clarisse Arnou, présidente, et M. Guilhem Cottet, directeur général

 Société civile des producteurs de phonographiques (SCPP)  M. Marc Guez, directeur général gérant

 Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)*  M. Alexandre Lasch, directeur général

 Syndicat des musiques actuelles (SMA)*  Mme Aurélie Hannedouche, directrice, et M. Frédéric Maigne, membre du bureau et directeur de Chineseman Records

 Fédération nationale des labels indépendants (Felin)  Mme Céline Lepage, déléguée générale, et M. Mathieu Dassieu, président

 Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF)  M. Jérôme Roger, directeur général

       Table ronde :

 Distributeurs indépendants réunis européens (Dire)  M. Hugues Quattrone, délégué général

 Société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP)*  M. Mathieu Ripka, délégué général, et Mme Joyce Dardanne, déléguée générale adjointe

 Fédération nationale des éditeurs de films (Fnef)*  Mme Hélène Herschel, déléguée générale et secrétaire générale du Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic)

 Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia (Ficam)*  M. Jean-Yves Mirski, délégué général

 Union des producteurs de cinéma (UPC)*  Mme Valérie Lépine-Karnik, déléguée générale, et M. Thomas Séjourné, chargé des relations institutionnelles et publiques

 Association des producteurs indépendants (API)*  Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale

 Fédération nationale des cinémas français (FNCF)* – MM. Marc-Olivier Sebbag, délégué général, et Erwan Escoubet, directeur des affaires réglementaires

 Syndicat des producteurs indépendants (SPI) – Mme Marion Golléty, déléguée cinéma

 Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) – Mme Rosalie Brun, co-secrétaire et déléguée générale de la société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF)

       Syndicat des radios indépendantes (Sirti)*  M. Kevin Moignoux, secrétaire général, et Mme Valérie Picardo, chargée des relations institutionnelles

       Table ronde :

 Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS)*  MM. Jean-Christophe Raveau, président, éditeur de PYC Media (Chantiers de France, RPF - Revue Pratique du Froid), Laurent Bérard-Quelin, vice-président, éditeur de la Société générale de presse (La Correspondance de la presse, Le Bulletin quotidien), et Mme Catherine Chagniot, directrice générale

 Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)*  M. François Claverie, président, et Mme Julie Lorimy, directrice générale

 Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil)*  M. Laurent Mauriac, co-président

 Alliance de la Presse d’Information Générale (Apig)*  M. Pierre Petillault, directeur général, Mmes Patricia Panzani, directrice adjointe, et Léa Boccara, responsable du pôle juridique

       Centre national du livre (CNL)  Mme Régine Hatchondo, présidente, M. Pascal Perrault, directeur général, et Mme Marlena Mathon, secrétaire générale

       Syndicat national des radios libres (SNRL)  MM. Emmanuel Boutterin, président, et Sylvain Delfau, vice-président

       Agence France-Presse – M. Fabrice Fries, président-directeur général, et Mme Anne Calchéra, directrice des affaires financières

       Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)  MM. Olivier Henrard, président par intérim, et Vincent Villette, directeur général délégué adjoint et directeur financier et juridique

       Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)  MM. Roch-Olivier Maistre, président, Alban de Nervaux, directeur général, et Mme Justine Boniface, directrice de cabinet

       Centre national de la musique (CNM)  MM. Jean-Philippe Thiellay, président, et Romain Laleix, directeur général délégué

       Table ronde :

 France Télévisions*  M. Christophe Tardieu, secrétaire général, et Mme Livia Saurin, secrétaire générale adjointe en charge des relations institutionnelles et de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE)

 Arte France*  M. Frédéric Bereyziat, directeur général en charge de la gestion, et Mme Adeline Cornet, secrétaire générale

       MM. Anthony Requin et Louis de Crevoisier, inspecteurs généraux des finances, et Mme Sylviane Tarsot-Gillery, inspectrice des affaires culturelles, auteurs du rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles « La concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation », mars 2022

       Table ronde :

 Canal +*  Mmes Laetitia Ménasé, secrétaire générale, et Amélie Meynard, directrice des affaires publiques

 Groupe RMC-BFM*  M. Benoit Tournebize, directeur général délégué, et Mme Alix de Montesquieu, responsable des affaires institutionnelles et réglementaires

– Groupe M6*  Mme Karine Blouët, secrétaire générale

 TF1*  Mmes Julie Burguburu, secrétaire générale, et Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures

       France messagerie  MM. Éric Matton, directeur général, et Thomas Liébel, directeur financier

       Messageries Lyonnaises de Presse – M. José Ferreira, président

       Bureau de la radio*  Mmes Anne Fauconnier, déléguée générale, Alix de Montesquieu, responsable des relations institutionnelles RMC/BFM, Aurélie Brevan, directrice des relations institutionnelles du Groupe NRJ, MM. Sébastien Motel, directeur des affaires réglementaires radio du Groupe M6, et Alain Liberty, directeur des affaires institutionnelles du Groupe Lagardère

       Ministère de la culture – Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), MM. Arnaud Skzryerbak, chef de service, adjoint à la directrice générale, Fabrice de Battista, chef du département des affaires financières et générales, et Loïc Masson, chef du bureau des affaires budgétaires et financières

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Article liminaire du projet de loi de finances pour 2025.

([2]) https://www.snrl.fr/PLF-2025-Qui-veut-la-mort-des-radios-associatives_a507.html

([3]) Au 1er juillet 2024, le nouveau zonage « France ruralités revitalisation » (FRR) a remplacé les zones de revitalisation rurale (ZRR).  

([4]) En 2023, le ministère de la culture recensait 752 radios associatives (source : projet annuel de performances de la mission).

([5]) Consultation lancée par le Président de la République en octobre 2023, les états généraux de l’information ont restitué leurs travaux en septembre 2024. Ils étaient animés par cinq groupes de travail thématiques, associant une cinquantaine de personnes.

([6]) En juin 2021, le Président de la République a déclaré la lecture grande cause nationale.

([7]) Voir l’étude Les jeunes Français et la lecture confiée à l’Ipsos par le CNL, dont les résultats ont été dévoilés en avril 2024.

([8]) Article 33, alinéa 11, du projet de loi de finances pour 2025.  

([9]) Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([10]) Évaluation des voies et moyens (tome I), annexe au projet de loi de finances pour 2025.

([11]) Règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques).

([12]) En particulier, il rejette la mise en place de toute procédure d’agrément du directeur de la rédaction dans les médias de presse écrite comme audiovisuelle.

([13]) Décret n° 2023-331 du 3 mai 2023 instituant une aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production des publications imprimées des entreprises éditrices de presse particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

([14]) Le rapporteur pour avis est cependant conscient que la transition numérique ne pourra être totale. Par exemple, en 2021, la presse magazine réalisait 94 % de son chiffre d’affaires grâce au support papier.

([15]) La loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse a instauré un principe de rémunération des éditeurs et agences de presse au titre de la reproduction et de la communication au public des publications de presse sous une forme numérique par les services de communication au public en ligne.

([16]) https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/droits-voisins-lautorite-prononce-une-sanction-de-250-millions-deuros

([17]) En mai 2024, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné en référé au réseau social X de communiquer à une dizaine de médias, dont Le Monde, Le Figaro et l’AFP, dans un délai de deux mois, une série de données commerciales permettant d’évaluer les revenus que X tire de leurs contenus.

([18]) Le rapport du comité de pilotage des états généraux de l’information a qualifié la rémunération des contenus d’information ou de création par les plateformes d’« embyonnaire » et « pour l’instant limitée, après de lentes, difficiles et insatisfaisantes négociations avec les seuls Google et Meta ».

([19]) Le Gouvernement travaille à l’élaboration d’un texte qui mettrait en œuvre les recommandations des EGI et porterait des mesures d’adaptation du droit national suite à l’adoption du règlement européen sur la liberté des médias. En parallèle, plusieurs initiatives parlementaires sont en cours, dont celle de Mme Sylvie Robert, sénatrice (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-741.html) et celle de Mme Viollette Spillebout et M. Jérémie Patrier-Leitus, députés (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/protection_presse_information).

([20]) En 2018, l’AFP était endettée à hauteur de 48 millions d’euros. Elle devrait être totalement désendettée en 2028 avec une économie de plus de 10 millions d’euros sur ses charges d’intérêts, tout en ayant maintenu un haut niveau d’investissement, dont le financement de la rénovation totale de son siège.

([21]) Les effectifs de l’AFP  dédiés à l’investigation numérique s’élevaient en 2023 à 140 journalistes à plein temps, travaillant en 24 langues, couvrant 80 pays.

([22]) L’Agence cherche actuellement à accélérer la formation de sa rédaction aux outils liés à l’IA et à développer les pratiques du datajournalisme. Elle est partenaire depuis la fin 2023 d’un consortium visant à créer un espace européen sécurisé de données avec une quarantaine d’acteurs européens du secteur des médias.

([23]) Voir la question au Gouvernement posée par le rapporteur pour avis en séance publique le 1er novembre 2023 : https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-1267QG.htm

([24]) Dans un avis n° 2024-1966 du 10 septembre 2024 sur l’évaluation du coût net de la mission de transport et de distribution de la presse, l’Arcep a évalué que le coût net pour l’année 2023 de la mission de transport et de distribution de la presse par Le Poste était de l’ordre de 146 millions d’euros. L’État a en effet confié à La Poste une mission de transport et de distribution de la presse, six jours sur sept sur tout le territoire national, avec un très haut niveau de qualité de service, la presse bénéficiant de tarifs réglementés avantageux, inférieurs aux tarifs de service universel (SU). En contrepartie de cette mission, La Poste reçoit une compensation de l’État.

([25]) La liquidation judiciaire de Milee, ex-Adrexo, prononcée le 9 septembre 2024, illustre bien la crise du secteur du portage. Cette situation est directement liée à la hausse du coût des matières premières, en particulier le papier et l’énergie.

([26]) https://www.igf.finances.gouv.fr/igf/accueil/nos-activites/rapports-de-missions/liste-de-tous-les-rapports-de-mi/la-distribution-de-la-presse-imp.html

([27]) Ce ratio est mesuré par l’indicateur 3.3 – Part de l’aide publique globale accordée à la presse d’information politique et générale du projet annuel de performances du programme 180.

([28]) Décret n° 2023-347 du 4 mai 2023 modifiant le décret n° 2004-1312 du 26 novembre 2004 relatif au fonds d’aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale.

([29]) Soit les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution : Saint-Martin, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

([30]) Augmentation de la productivité au moyen de la mutation et de la modernisation industrielles, de développements numériques et projets assurant le rayonnement de la presse française dans les pays francophones.

([31]) Décret n° 2020-1552 du 9 décembre 2020 portant réforme du fonds stratégique pour le développement de la presse et du fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse.

([32]) La bourse d’émergence vise à soutenir la conception, le lancement et le début du développement de nouvelles publications imprimées ou de nouveaux services de presse en ligne.

([33]) https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Presse-ecrite/tableaux-des-titres-de-presse-aides2

([34]) En 2023, 752 radios associatives ont bénéficié d’une aide publique versée par le FSER.

([35]) Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par M. Emmanuel Boutterin, président du Syndicat national des radios libres (SNRL).

([36]) Par l’article premier du décret n° 2023-108 du 16 février 2023 modifiant le décret n° 2006-1067 du 25 août 2006 pris pour l'application de l'article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([37]) Réponses au questionnaire budgétaire.  

([38]) Arcom, Rapport annuel 2023, mai 2024.

([39]) Digital Audio Broadcasting, ou radiodiffusion numérique.

([40]) Contrairement au CNC, le CNM n’assure pas le recouvrement de l’ensemble des taxes qui lui sont affectées. En effet, s’il assure le recouvrement de la taxe sur les spectacles vivants, tel n’est pas le cas de la taxe « streaming » créée par la loi de finances initiale pour 2024, recouvrée par la direction générale des finances publiques, qui reverse son produit au CNM.

([41]) Ces données sont mesurées par l’indicateur de performance 1.1 Fréquentation des bibliothèques du programme 334.

([42]) Le droit de prêt public permet aux auteurs et autres titulaires de droits de toucher une rémunération de l’État en contrepartie du prêt à titre gratuit de leurs livres par les bibliothèques, notamment publiques.

([43]) Article R. 341-2 du code du patrimoine.

([44]) L’activité de la BNF se répartit sur sept sites : la BNF-François-Mitterrand, la BNF-Richelieu, la bibliothèque de l’Arsenal, la BNF-Opéra, la BNF-Avignon, le centre technique de Bussy-Saint-Georges et le centre de conservation de Sablé-sur-Sarthe. Ces deux derniers sont consacrés à des activités de conservation et de traitement des collections.

([45]) https://centrenationaldulivre.fr/masterclass-passculture

([46]) Voir l’avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2024 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1781-tiv_rapport-avis.pdf

([47]) Depuis le 1er janvier 2024, l’article 76 de la loi de finances n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003est abrogé. Son dispositif a été codifié aux articles L. 452-14 à L. 452-27 du code des impositions sur les biens et services (CIBS).

([48]) Article 220 octies du code général des impôts.

([49]) Tome II de l’évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2025.

([50]) Article 220 quindecies du code général des impôts.

([51]) Article 220 septdecies du code général des impôts.

([52]) Voir l’avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2024 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1781-tiv_rapport-avis.pdf

([53]) Ces crédits d’impôt sont applicables aux dépenses réalisées jusqu’au 31 décembre 2027.

([54]) Tome I de l’évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2025.

([55]) Cette taxe a été créée par l’article 53 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Elle est codifiée à l’article 1609 sexdecies C du code général des impôts.

([56]) Données inscrites dans le COP 2024-2028 du CNM.

([57]) Julien Bargeton, La stratégie de financement de la filière musicale en France : faire du Centre national de la musique l’outil d’une nouvelle ambition, avril 2023.

([58]) Le deuxième alinéa du I de l’article 1609 sexdecies C précise que « pour l’application de la taxe, est assimilée à une activité de location de phonogrammes ou de vidéomusiques la mise à la disposition du public d’un service offrant, à titre autre qu’accessoire, l’accès à titre onéreux ou à titre gratuit à des enregistrements phonographiques ou vidéomusicaux, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique » (passage souligné par le rapporteur).

([59]) https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/14282-PGP.html/identifiant%3DBOI-AIS-CCN-30-60-20240619

([60]) https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/la-frequentation-des-salles-de-cinema-confirme-sa-dynamique-avec-pres-de-10-millions-dentrees-en-septembre_2267867

([61]) Document stratégique de performances du CNC dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

([62]) Document stratégique de performances du CNC dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 et Tome I de l’évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2025.

([63]) Cour des comptes, Le Centre national du cinéma et de l’image animée, 20 septembre 2023.

([64]) Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par M. Olivier Henrard, président par intérim du CNC.

([65]) Rapport d’information n° 610 (2022-2023) de M. Roger Karoutchi sur le financement public du cinéma, Sénat, 17 mai 2023.

([66]) Article 13 de la loi de finances n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([67]) Projet annuel de performances 2025 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

([68]) En application de l’article L. 331-5 du code du cinéma et de l’image animée.

([69]) Suite à la démission de M. Dominique Boutonnat, président du CNC, la ministre de la culture a nommé, par arrêté du 28 juin 2024, M. Olivier Henrard, alors directeur général délégué du CNC, président par intérim.

([70]) En janvier 2024, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et la direction générale des médias et des industries numériques (Dgmic) ont réalisé une étude conjointe visant à évaluer les perspectives d’évolution du marché publicitaire français à l’horizon 2030. À cette date, il est estimé que les acteurs numériques capteront 65 % du marché, contre 52 % aujourd’hui, dont 45 % pour les quatre grandes plateformes extra-européennes (Alphabet, Meta, Amazon et Tiktok). Si les revenus numériques des acteurs historiques continueraient de progresser (+ 400 millions d’euros sur la période), leur part dans le marché publicitaire total resterait faible (de 5,2 % en 2022 à 6,4 % en 2030).

([71]) L’Arcom définit la découvrabilité comme la capacité d’un contenu ou d’un service à être repéré parmi un vaste ensemble de contenus ou de services sans que la recherche d’un utilisateur ou d’une utilisatrice ne porte précisément sur ce contenu ou ce service.

([72]) Directive (UE) 2018-1808 du 14 novembre 2018 sur les services de médias audiovisuels (directive SMA).

([73]) Article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.  

([74]) Délibération n° 2024-18 du 25 septembre 2024 relative à la liste des services qualifiés d’intérêt général, en application des dispositions de l’article 20-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([75]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b1781-tiv_rapport-avis.pdf

([76]) Délibération n° 2024-19 du 25 septembre 2024 relative aux conditions de visibilité appropriée des services d’intérêt général et aux modalités de recueil des informations mentionnées à l’article 20-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([77]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2672_proposition-loi#

([78]) Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 82-141 DC du 27 juillet 1982.

([79]) La concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation, mars 2022.

([80]) Le rapport susmentionné du comité de pilotage des états généraux de l’information proposait par exemple d’associer la rédaction et le comité d’éthique (comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information) de certains médias audiovisuels à la nomination d’un nouveau directeur de la rédaction, de renforcer l’indépendance des comités d’éthique en instituant une nomination paritaire par la direction et par la rédaction, ou de nommer un administrateur indépendant chargé de veiller à l’indépendance et à la prévention des conflits d’intérêt au sein du conseil d’administration des groupes pluri-médias dépassant un certain seuil.

([81]) Ces seuils sont fixés par l’article L. 430-2 du code de commerce : le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration doit être supérieur à 150 millions d’euros. Le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés doit être supérieur à 50 millions d’euros.

([82]) Article 39 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([83]) Article 41, alinéa 4,  de la même loi.

([84]) Article 41, alinéa 7, de la même loi .

([85]) Article 41, alinéa 9, de la même loi.

([86]) Article 41, alinéa 1er, de la même loi.

([87]) Article 41, alinéa 10, de la même loi.

([88]) Article 42-3, alinéas 5 à 8, de la même loi.

([89]) Loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel.

([90]) Rapport n° 848 (2012-2013) de M. David Assouline, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, déposé le 17 septembre 2013.

([91]) Dans sa rédaction résultant de l’article 15 de la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

([92]) Les problèmes de concentration dans le domaine des médias, décembre 2005.  

([93]) Article 19 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

([94]) Ibid.

([95]) Article 66 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([96]) Article 73 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

([97]) Article 20 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

([98]) Le groupe a changé de nom en 2024, devenant RMC BFM.

([99]) La fixation du seuil avait fait l’objet de débats nourris au Parlement, sans que l’on puisse déceler une véritable logique expliquant le choix final. Voir notamment le compte rendu de la deuxième séance du 23 mars 2000 à l’Assemblée nationale : https://www.assemblee-nationale.fr/11/cri/html/20000164.asp

([100]) Article 73 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

([101]) L’Arcom est l’autorité publique indépendante qui résulte de la fusion le 1er janvier 2022 du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), suite à la publication de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.

([102]) https://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r1413.asp

([103]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0327_proposition-loi#

([104]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b0490_rapport-fond#_Toc256000005

([105]) Voir P. O. Steiner, « Program Patterns and Preferences, The Workability of Competition in Radio Broadcasting », Quaterly Journal of Economics, 1952, vol. 66 n° 2, p. 194.

([106]) Article 29, alinéa 6, de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.  

([107]) Le premier alinéa de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d’information politique et générale ».

([108]) Conseil d’État, 5ème et 6ème chambres réunies, 13 février 2024, n° 463162.

([109]) Délibération n° 2024-15 du 17 juillet 2024 relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion par les éditeurs de services.

([110]) Voir le rapport d’information de M. Inaki Echaniz et Mme Isabelle Rauch, déposé le 6 mars 2024, sur l’évaluation de la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b2295_rapport-information#

([111]) La convergence des médias désigne la volonté des médias de produire des contenus adaptés à l’ensemble des supports. Par exemple, le « média global » Franceinfo comprend une antenne de radio, une chaîne de télévision et une plateforme web. Ses contenus sont diffusés en linéaire et sont mis à disposition sur les environnements numériques propres de Radio France et France Télévisions, ainsi que sur d’autres plateformes, en particulier les réseaux sociaux. Ce phénomène tend à faire disparaître les frontières entre les différents formats (radio, télévision, web) et intensifie la concurrence que se livrent les acteurs.

([112]) BFM Régions est une filiale du groupe RMC BFM, qui comprend dix chaînes : BFM Paris Île-de-France, BMF Lyon, BFM Grand Lille, BFM Grand Littoral, BFM DICI Haute-Provence, BFM Marseille Provence, BFM Toulon Var, NFM Nice Côte d’Azur, BFM Alsace et BFM Normandie.

([113]) https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/tf1m6-lautorite-de-la-concurrence-prend-acte-de-la-decision-de-bouygues-de

([114]) Règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE (règlement européen sur la liberté des médias).

([115]) L’article 29 du règlement européen sur la liberté des médias prévoit une date générale d’entrée en vigueur le 8 août 2025.

([116]) Proposition n° 9 du rapport du comité de pilotage.  

([117]) https://assnat.fr/uHB0UF

([118])  https://assnat.fr/uHB0UF