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Document E3144
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics.


E3144 déposé le 12 mai 2006 distribué le 16 mai 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0195 final du 4 mai 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 4 mai 2006)

I. LES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

Cette proposition de directive a pour objet de compléter le dispositif des recours en matière de marchés publics afin de tenir compte des récents développements de la jurisprudence communautaire et principalement d’intégrer de nouvelles possibilités de recours avant la conclusion du marché.

Dans cette perspective, la Commission européenne souhaite, d’une part, empêcher la signature précipitée du contrat dont l’attribution est contestée («  course à la signature  ») et, d’autre part, rendre plus transparente la passation directe des marchés en introduisant une possibilité de recours pour les marchés qui seraient passés illégalement sans procédure de publicité et de mise en concurrence préalable.

L’ensemble de ces mesures vise à corriger le dispositif actuel qui ne serait pas assez dissuasif. En effet, la Commission considère qu’une entreprise lésée, qui n’a pu agir avant la conclusion du contrat, faute d’information concernant l’existence même de la passation ou du fait d’une signature accélérée du contrat, ne peut pratiquement agir que sur la base d’un recours en dommages et intérêts . Pour la Commission, ce type de recours est peu efficace pour l’entreprise lésée puisque, non seulement elle doit apporter la preuve qu’elle avait des chances sérieuses d’emporter le marché (preuve difficile à apporter), mais encore le recours en dommages et intérêts ne remet pas en cause la conclusion du marché.

Les principales innovations de la proposition de directive sont les suivantes :

– Pour tous les marchés passés selon une procédure formalisée, la proposition instaure un délai de suspension de la procédure de passation de 10 jours entre la date de notification aux candidats de la décision d’attribution du marché et la date de conclusion du marché afin de permettre les recours précontractuels (délai communément appelé « délai de standstill ») ;

– Pour les marchés passés de gré à gré, la proposition prévoit une information de l’attribution du marché par un avis de publicité adéquate suivi d’un délai de suspension de la procédure minimum de 10 jours avant la conclusion du contrat. Cette mesure vise à assurer une transparence minimale pour les marchés passés sans mise en concurrence préalable ;

– Pour tous les marchés, la proposition envisage la «  nullité  » du contrat conclu sans respect du délai suspensif de la procédure de passation du marché ou des mesures de publicité prévues pour les marchés passés de gré à gré. Cette demande en nullité du contrat serait possible jusqu’à 6 mois après la conclusion litigieuse du marché. La Commission souhaite ici mettre en place un mécanisme dissuasif fort ;

– La proposition accorde à l’exercice d’un recours juridictionnel un effet suspensif automatique sur la conclusion du marché ;

– La proposition envisage la modification du système correcteur concernant les procédures d’infraction de la Commission européenne afin de le recentrer sur les seules violations graves et de le rendre plus efficace ;

– S’agissant de la seule directive relative aux marchés passés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, la proposition abroge les mécanismes d’attestation et de conciliation qui n’ont jamais été utilisés.

II. UNE REFORME QUI REVET DES ASPECTS CONTRASTES

1. Un texte pouvant contribuer à stimuler la concurrence

L’objectif annoncé est d’encourager les entreprises à soumissionner aux marchés d’autorités adjudicatrices des autres Etats membres. En effet, la mise en place en leur sein de règles identiques en matière de recours est de nature à garantir aux entreprises une véritable sécurité juridique, quel que soit l’Etat membre dans lequel elles soumissionnent.

2. Les interrogations des autorités françaises

Les autorités françaises sont favorables au principe de cette proposition qui vise à assurer une plus grande transparence de la passation des marchés et à prévoir une véritable possibilité pour les entreprises de faire valoir leurs droits sur tout le territoire de l’Union européenne.

Pour autant, les autorités françaises ont exprimé, d’entrée de jeu, deux catégories de préoccupations.

Les premières ont trait à certaines conséquences résultant du dispositif proposé par la Commission. Aux yeux des autorités françaises, un certain nombre de dispositions semblent remettre en cause l’efficacité de la commande publique par un ralentissement de la procédure de passation des marchés, notamment dans le cas des marchés passés de gré à gré. En outre, elles se sont interrogées sur la cohérence entre les dispositions des directives relatives aux procédures de passation des marchés publics (n° 2004/17 et 2004/18) qui prévoient des réductions de délais des procédures en cas d’urgence, et les dispositions contenues dans la présente proposition de directive qui prolongent d’un minimum de sept jours ces mêmes procédures. De même encore, elles appellent l’attention sur l’impact économique susceptible d’être entraîné par la « nullité » d’un contrat conclu en violation des règles visant à permettre des recours efficaces, surtout si, comme le prévoit la proposition, la « nullité » du contrat peut être constatée pendant six mois après sa passation.

C’est pourquoi, les autorités françaises ont déclaré vouloir veiller à protéger l’équilibre indispensable entre l’efficacité des recours des entreprises évincées et l’efficacité de l’achat public et la continuité du service public.

En second lieu, tout en faisant observer que le droit français a déjà intégré certaines dispositions de la proposition de directive de manière partielle – à savoir le délai de standstill de dix jours et la possibilité pour le juge de suspendre la conclusion du contrat – les autorités françaises se sont focalisées sur l’importance des modifications qu’entraîneraient, en droit interne, les dispositions suivantes :

– L’effet suspensif du recours :

Le droit français en vigueur donne au seul juge saisi le pouvoir de suspendre ou non la procédure de passation du marché. Cependant la mesure proposée permettrait de mettre un terme à la course à la signature entre le dépôt du recours et la décision de suspension de la procédure par le juge, quand bien même cette dernière décision intervient rapidement ;

–  L’introduction d’un délai de standstill minimum de 7 jours en cas d’urgence :

Le droit en vigueur ne fixe pas de délai précis et invariable. Celui-ci est fixé de manière adéquate par l’autorité adjudicatrice ;

–  La « nullité » de principe d’un contrat conclu en violation du respect du délai de standstill :

Des questions se posent sur les atteintes portées à l’autonomie de décision du juge et sur les effets de cette nullité concernant notamment les prestations du marché qui auront déjà été réalisées ;

–  La mise en place d’une publicité préalable de la décision d’attribution du marché en cas de marché passé de gré à gré sans publicité ou mise en concurrence  :

Cette publicité préalable n’est pas prévue par les directives relatives aux procédures de passation des marchés publics, elles devront donc être modifiées en ce sens. Il s’agit de réintroduire un minimum de publicité a priori pour cette procédure.

III. L’EVOLUTION DES DISCUSSIONS ENTRE LE CONSEIL ET LE PARLEMENT EUROPEEN A PERMIS D’ABOUTIR A UN ACCORD

L’accord auquel le COREPER est parvenu le 13 juin 2007 – luimême fruit d’un compromis négocié avec le Parlement européen, en vue d’un accord en première lecture  va dans le sens des préoccupations des autorités françaises, en ce qui concerne la question – centrale à leurs yeux – de la nécessaire marge de manœuvre dont doit disposer le juge, même si elles estiment que les souplesses qu’elles ont obtenues au Conseil ont été plus strictement encadrées que prévu.

Les autorités françaises se sont ainsi félicitées que la sanction d’une violation du délai de standstill entre la décision d’attribution et la signature effective du marché ne sera pas, comme la Commission le souhaitait initialement, une nullité automatique et absolue de l’ensemble des effets du contrat.

Le texte final permet bien au juge de l’instance de recours de conserver sa liberté d’appréciation sur la sanction la plus proportionnée et appropriée à donner à un marché de gré à gré illégal ou à une infraction mineure ou procédurale aux obligations de standstill ou de transparence de la directive recours, à l’aide d’une palette à sa disposition : nullité des effets du contrat, dérogation à la nullité pour raisons impérieuses d’intérêt général pour les marchés de gré à gré – y compris économiques  mais dans des conditions très encadrées, sanctions alternatives pour les infractions mineures ou procédurales (amendes, réduction de la durée du contrat).

C’est dans le même esprit que le Parlement européen s’est prononcé en première lecture le 21 juin dernier.

Dès lors, la proposition de directive pourrait être adoptée par un prochain Conseil.

Sous le bénéfice de ces observations, la Délégation a approuvé la proposition de directive au cours de sa réunion du 11 juillet 2007.