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Document E3199
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l'intérieur de la Communauté et modifiant la directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques.


E3199 déposé le 24 juillet 2006 distribué le 27 juillet 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0382 final du 12 juillet 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 17 juillet 2006)

Si les initiatives de la Commission européenne sont souvent perçues comme relevant d’une approche excessivement technocratique de la construction communautaire, ce n’est pas le cas de la présente proposition de règlement dont l’objectif est clairement perceptible par tous les citoyens, du moins ceux ayant l’occasion de voyager au sein de l'Union européenne.

Le but poursuivi est que les prix payés par les utilisateurs de téléphones mobiles, lorsqu’ils se déplacent dans un pays de l’Union, subissent une baisse significative et se rapprochent des prix applicables aux appels donnés sur le territoire national.

I. Des tarifs d’itinérance demeurant trop élevés

La proposition de la Commission européenne s’appuie sur un double constat : tout d’abord, les prix supportés par les utilisateurs de portables pour effectuer et recevoir des appels à l’étranger sont élevés ; ensuite, les instruments disponibles ne se sont pas révélés efficaces pour réduire ces prix.

1) Les prix de l’itinérance sont en moyenne quatre fois supérieurs aux prix des appels mobiles nationaux

Depuis l’automne 2005, la Commission européenne consacre une page de son site internet à la comparaison des tarifs d’itinérance à travers l'Europe. Selon les dernières données, établies en septembre 2006, il apparaît, par exemple, qu’un Irlandais appelant depuis Malte paie 13,16 euros pour quatre minutes d’appel. Il s’agit là du tarif le plus haut, mais de nombreux autres exemples confirment une tendance générale vers des prix anormalement élevés : un Allemand appelant depuis la France paie 6,12 euros pour quatre minutes d’appel, tandis qu’un Français appelant depuis l’Allemagne voit le coût réduit à 4 euros. Un consommateur britannique passant un appel depuis l’Espagne payera 5,92 euros, et jusqu’à 4,48 euros pour recevoir un appel de la même durée. Un client allemand appelant du Royaume-Uni se verra facturer jusqu’à 6,36 euros. Pour certains, la facture s’avère encore plus exorbitante : pour un appel de 4 minutes vers son pays d’origine, un Autrichien en séjour à Malte payera 9,51 euros ; un Espagnol en Lettonie jusqu’à 9,19 euros ; un Chypriote en Belgique 12 euros.

Les tableaux suivants recensent les coûts d’itinérance pour les clients abonnés en France, en distinguant les appels vers la France et les appels reçus par l’abonné depuis la France.

ECHANTILLON DE TARIFS POUR LES CLIENTS ABONNES EN FRANCE

(tarifs exprimés en euros, pour quatre minutes d’appel, TVA comprise, en septembre 2006)

Appel vers la France

Opérateur

Itinérance à Chypre

Areeba

Cytamobile

 

 

 

Bouygues

6.00

6.00

 

 

 

Orange

4.72

4.72

 

 

 

SFR

4.80

4.80

 

 

 

 

Itinérance en Allemagne

Opérateur

E-Plus

O2

T-Mobile

Voafone

 

Bouygues

4.00

4.00

4.00

4.00

 

Orange

4.00

4.00

4.00

4.00

 

SFR

4.00

4.00

4.00

4.00

 

 

Itinérance en Italie

Opérateur

3

H3G

TIM

Vodafone Omnitel

Wind

Bouygues

-

-

4.00

4.00

4.00

Orange

-

-

4.00

4.00

4.00

SFR

-

-

4.00

4.00

4.00

 

Itinérance en Pologne

Opérateur

Era

Idea Orange

Plus

 

 

Bouygues

6.00

6.00

6.00

 

 

Orange

4.72

4.72

4.72

 

 

SFR

4.80

4.80

4.80

 

 

 

Itinérance au Portugal

Opérateur

Optimus

TMN

Vodafone

 

 

Bouygues

4.00

4.00

4.00

 

 

Orange

4.00

4.00

4.00

 

 

SFR

4.00

4.00

4.00

 

 

 

Itinérance en Espagne

Opérateur

Amena

Movistar

Vodafone

 

 

Bouygues

4.00

4.00

4.00

 

 

Orange

4.00

4.00

4.00

 

 

SFR

4.00

4.00

4.00

 

 

 

Appel reçu depuis la France

Opérateur

Itinérance à Chypre

Areeba

Cytamobile

 

 

 

Bouygues

2.68

2.68

 

 

 

Orange

-

2.20

 

 

 

SFR

-

2.32

 

 

 

 

Itinérance en Allemagne

Opérateur

E-Plus

O2

T-Mobile

Voafone

 

Bouygues

1.88

1.88

1.88

1.88

 

Orange

1.36

1.36

1.36

1.36

 

SFR

-

1.40

1.40

1.40

 

 

Itinérance en Italie

Opérateur

3

H3G

TIM

Vodafone Omnitel

Wind

Bouygues

-

-

1.88

1.88

1.88

Orange

-

-

1.36

1.36

1.36

SFR

-

-

1.40

1.40

1.40

 

Itinérance en Pologne

Opérateur

Era

Idea Orange

Plus

 

 

Bouygues

2.68

2.68

2.68

 

 

Orange

2.20

2.20

2.20

 

 

SFR

2.32

2.32

2.32

 

 

 

Itinérance au Portugal

Opérateur

Optimus

TMN

Vodafone

 

 

Bouygues

1.88

1.88

1.88

 

 

Orange

1.36

1.36

1.36

 

 

SFR

1.40

1.40

1.40

 

 

 

Itinérance en Espagne

Opérateur

Amena

Movistar

Vodafone

 

 

Bouygues

1.88

1.88

1.88

 

 

Orange

1.36

1.36

1.36

 

 

SFR

1.40

1.40

1.40

 

 

 

Source : Commission européenne.

Même si ces divers tarifs sont éloignés des plafonds recensés par la Commission, ils demeurent sensiblement supérieurs aux tarifs applicables aux appels sur le territoire national.

D’une façon générale, une enquête Eurobaromètre, menée en septembre 2006, a d’ailleurs établi qu’une majorité des utilisateurs réduit nettement l’utilisation du téléphone portable à l’extérieur des frontières nationales.

2) Les instruments disponibles n’ont pas été efficaces pour réduire ces prix

La Commission observe, tout d’abord, que les instruments prévus par le droit de la concurrence, s’appliquent aux activités d’entreprises individuelles et ne peuvent donc fournir de solution préservant les intérêts de tous les usagers et de tous les acteurs économiques au sein de la Communauté.

Ensuite, le cadre réglementaire existant pour les communications électroniques (directive 2002/21/CE) prévoit bien un mécanisme permettant d’imposer des obligations ex ante aux opérateurs, mais sur la base de la définition de « marchés pertinents ».

Or, si le marché de la fourniture en gros d’itinérance internationale a effectivement été recensé comme marché pertinent, aucun marché de la fourniture au détail de ces services n’a été recensé comme tel, étant donné qu’au niveau du consommateur, les services d’itinérance ne sont pas souscrits spécifiquement, mais constituent l’un des éléments d’une formule plus large de vente au détail. Par conséquent, les régulateurs ne peuvent pas traiter le problème des tarifs au moyen des obligations ex ante prévues par le cadre réglementaire actuel des communications électroniques.

De la même façon, enfin, la Commission ne peut se borner à adresser des recommandations relatives à l’harmonisation de la mise en œuvre des dispositions de la directive 2002/21/CE précitée, puisque de telles mesures ne seraient pas juridiquement contraignantes. La Commission observe d’ailleurs que si, face à la menace d’une intervention communautaire, certains opérateurs ont commencé à offrir des formules d’itinérance à des catégories de consommateurs spécifiques, pour la grande majorité de ces derniers, aucun progrès réel n’a été enregistré.

Afin de supprimer ces blocages, la Commission préconise un nouveau dispositif.

II. Des plafonds tarifaires pour les tarifs en gros et de détail des services d’itinérance

Pour l’essentiel, la proposition de règlement vise à établir un mécanisme de plafonnement du coût de l’itinérance. Elle propose également de favoriser la transparence des prix de détail et de confier aux autorités réglementaires nationales le soin de faire respecter les plafonds ainsi établis.

1) Le mécanisme de plafonnement

a) L’approche du marché national européen

Après une phase de consultations menée au début 2006, la Commission a renoncé à s’appuyer sur le « principe du tarif du pays d’origine », selon lequel le prix de l’itinérance aurait été indexé sur le prix payé par les abonnés pour des appels équivalents passés sur leur réseau de rattachement.

Elle a finalement retenu le concept de l’« approche du marché national européen », consistant à définir des plafonds tarifaires communs à toute la Communauté.

b) La réglementation des tarifs de gros et de détail

Plusieurs options ont été envisagées par la Commission européenne. Elle a jugé que la seule réglementation du tarif de gros (tarif que l’opérateur d’un réseau visité peut percevoir de l’opérateur du réseau de rattachement de l’abonné itinérant) ne garantirait pas une répercussion sur le prix de détail (tarif payé par le consommateur). De même, une mesure ne visant que le prix de détail risquerait de soumettre les petits opérateurs à un « effet de ciseaux », susceptible de provoquer des cessations d’activité. Au final, la fixation de plafonds tarifaires communs au niveau des prix de gros comme de détail a semblé offrir la meilleure solution.

c) Un cadre englobant le prix de détail pour passer ou recevoir des appels en itinérance

La réglementation du prix de gros ne s’applique qu’aux appels passés par l’abonné en itinérance, en distinguant d’ailleurs les appels passés vers l’intérieur du pays visité de ceux passés vers le pays d’origine ou un autre pays de la Communauté pour tenir compte des différences de coûts sous-jacentes.

En revanche, la réglementation du prix de détail donne lieu à un plafonnement des appels passés et à un plafonnement spécifique des appels reçus.

Il importe de préciser que les exigences tarifaires s’appliqueraient indépendamment du fait que les abonnés itinérants aient souscrit auprès de leur fournisseur d’origine une formule de prépaiement ou de post-paiement, de façon à ce que tous les usagers puissent bénéficier des dispositions du présent règlement.

Deux autres précisions doivent être apportées :

- la proposition ne concerne que la téléphonie vocale mobile et ne s’applique donc pas aux prix des communications de données (les SMS ou MMS, en particulier) ;

- les communications avec l’outre-mer français ne sont pas couvertes par cette proposition, la Commission estimant qu’il s’agit d’un problème interne à la France, devant être réglé par l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

Pour le calcul des divers plafonds, la référence centrale est la moyenne des « terminaisons d’appel mobile nationales »( 1) imposées aux opérateurs puissants( 2) dans l'Union européenne (moyenne pondérée par le nombre d’abonnés de ces opérateurs). Ces tarifs de terminaison d’appel sont d’ores et déjà soumis à un contrôle réglementaire, conformément à la directive 2002/21/CE et fournissent une base représentative des structures de coûts des réseaux mobiles.

Les plafonds proposés sont les suivants :

Pour les tarifs de gros :

- appels émis dans le pays visité : 2 x MTA-UE ;

- appels émis vers le pays d’origine ou vers un autre Etat membre : 3 x MTA-UE.

Pour les tarifs de détail :

- appels émis dans le pays visité : 130 % du plafond du prix de gros ;

- appels émis vers le pays d’origine ou vers un autre Etat membre : 130 % du plafond du prix de gros ;

-appels reçus : 1,3 x MTA-UE.

Ces plafonds des prix de détail prendraient effet six mois après l’entrée en vigueur du règlement, afin de permettre aux opérateurs d’ajuster volontairement leurs prix.

On doit enfin noter que les plafonds des prix de détail seront calculés hors TVA.

2) Les autres dispositions de la proposition de règlement

a) La transparence des prix de détail

Afin de favoriser la meilleure connaissance des tarifs par les consommateurs (dans l’enquête Eurobaromètre de septembre 2006, près de la moitié d’entre eux déclarent ne pas avoir une idée très claire de ce qu’ils paient lors d’appels en itinérance), la Commission propose d’obliger les opérateurs de donner à leurs abonnés itinérants, sur demande et gratuitement, des informations personnalisées. De telles informations devraient également être fournies aux clients lorsque l’abonnement est souscrit et lorsqu’un changement significatif est apporté aux tarifs.

b) Le contrôle exercé par les autorités réglementaires nationales

Le pouvoir et la responsabilité de faire respecter les plafonds tarifaires et les obligations de transparence seraient confiés à ces autorités nationales (dans le cas de la France, il s’agirait de l’ARCEP). Il appartiendrait d’ailleurs à chaque Etat de déterminer le régime des sanctions applicables. Les autorités réglementaires nationales devraient également contrôler l’évolution des prix de gros et de détail des communications de données (SMS et MMS) pour les usagers en itinérance.

Au total, la Commission européenne a souhaité établir une solution simple et efficace pour le consommateur européen, appliquée de façon harmonisée à travers la Communauté.

III. Des Etats membres paraissant moins volontaristes que la Commission

A l’image de la France, la plupart des Etats « soutiennent le principe » du recours à un règlement pour réduire les tarifs de l’itinérance. Mais, au-delà de cet accord de principe, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni multiplient les objections en invoquant la nécessité de ne pas brider l’inventivité tarifaire des opérateurs par un plafond unique et fixe et en soulignant que la proposition de la Commission pourrait déstabiliser les opérateurs du secteur.

Pour s’en tenir aux positions françaises, on peut ainsi indiquer que notre pays a proposé :

* Pour les prix de gros :

- d’utiliser un plafond fondé sur une moyenne annuelle : la Commission s’y est opposée, estimant que des plafonds moyens manqueraient de transparence pour les consommateurs et rendraient le contrôle complexe ;

- d’appliquer un multiplicateur unique pour les appels émis dans le pays visité et les appels émis vers le pays d’origine ou un autre Etat membre : cette suggestion a été soutenue « avec enthousiasme » par plusieurs de nos partenaires, mais les avis divergent sur le niveau de ce multiplicateur.

* Pour les prix de détail :

- de n’appliquer le plafond que sur une moyenne des différentes offres des opérateurs, ce qui leur permettrait de différencier leurs offres tarifaires en fonction de l’élasticité des différents secteurs de la demande ;

- de compléter cette régulation sur la moyenne par un « plafond de sauvegarde », assurant que le prix de détail ne dépasse pas un prix maximum.

L’Allemagne et le Royaume-Uni ont également formulé des propositions favorables aux opérateurs. Le Royaume-Uni a ainsi suggéré une « clause couperet », en vertu de laquelle les prix de détail ne seraient régulés qu’après un délai d’une année et seulement à l’encontre des opérateurs qui n’auraient pas respecté une fourchette de baisse moyenne de 40 à 60 % par rapport aux tarifs de référence de 2005. L’Allemagne préconise que les opérateurs ne soient tenus de proposer qu’au moins un tarif respectant le plafond.

Tous les Etats membres ne partagent pas cette approche. Les Pays-Bas et l’Irlande, par exemple, soutiennent pleinement la proposition de la Commission. De même, l’Espagne a souligné que si le but était d’arriver à une baisse des tarifs pour les consommateurs, il fallait suivre la solution simple de la Commission.

La démarche de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni donne l’impression de faire prévaloir les intérêts des opérateurs sur ceux des consommateurs. Aucun de ces pays ne conteste que les tarifs actuels de l’itinérance sont largement supérieurs aux coûts réels, mais ils ne souhaitent pas déstabiliser des opérateurs ayant d’importants investissements à financer. Le soutien de la France et de l’Allemagne à leurs opérateurs les ont même conduits à relayer auprès de la Commission une interrogation de ces derniers sur la conformité de la proposition de règlement avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais la Commission a jugé que le risque d’un recours était très faible.

Cette proposition de règlement devrait être examinée fin mai 2007 par le Parlement européen, dans le cadre de la procédure de codécision. La présidence allemande fait de l’obtention d’un accord politique sur ce texte, son objectif principal dans le domaine des télécommunications.

En s’attaquant à une situation manifestement inéquitable pour les consommateurs et en proposant un mécanisme simple pour fixer des tarifs d’itinérance plus proches des coûts réels, la Commission européenne joue pleinement son rôle.

Il semble opportun que la Délégation apporte son soutien à la démarche de la Commission, d’autant que la proposition concernée démontre l’intérêt de la construction européenne pour l’ensemble des citoyens et leur en donne une illustration très concrète.

Si ce texte venait à être adopté en l’état, il serait d’ailleurs indispensable d’organiser une communication spécifique, soulignant le rôle particulier de l’Europe dans la défense des consommateurs.

Il est donc proposé à la Délégation d’approuver la proposition de règlement, en l’état des informations dont elle dispose.

(1) La terminaison d’appel est ce que paye un opérateur A (opérateur de départ d’appel) à un opérateur B (opérateur de terminaison d’appel) lorsqu’un abonné chez A appelle un abonné chez B.
(2) Cette notion de puissance sur le marché est tirée du droit de la concurrence : un opérateur est déclaré « puissant » si, individuellement ou conjointement avec d’autres, il se trouve dans une position équivalente à une position dominante.