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Document E3383
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil portant création de l'Office européen de police (Europol).


E3383 déposé le 15 janvier 2007 distribué le 16 janvier 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0817 final du 20 décembre 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 22 décembre 2006)

Europol a été créé par une convention de 1995 entre les Etats membres et est installé à La Haye. Il avait pour mission d’améliorer l’efficacité et la coopération des services compétents des Etats membres afin de prévenir et de lutter efficacement contre la criminalité organisée internationale.

Progressivement, il a élargi ses activités à d’autres domaines importants de la criminalité. Sa compétence a été étendue à toutes les formes graves de la criminalité internationale visées à l’annexe de la convention Europol : prévention et lutte contre le terrorisme, trafic de drogue et des êtres humains, trafic de véhicules volés et de matières radioactives et nucléaires.

Le démarrage effectif des activités a eu lieu le 1er juillet 1999.

La Convention de 1995 nécessite, pour être modifiée, une procédure de ratification ou d’approbation dans tous les Etats membres.

La longueur de la procédure de ratification des modifications de cette Convention a abouti à rigidifier le statut d’Europol et donc à rendre plus difficile son adaptation à l’évolution de la criminalité transfrontalière en Europe. C’est ce qui était apparu lors des discussions menées en 2006 dans le cadre des instances relevant du domaine « Justice et affaires intérieures ».

C’est au Conseil « JAI » des 23 et 24 février 2006 que la présidence autrichienne avait lancé le débat sur l’avenir d’Europol. L’objectif était de définir les évolutions possibles pour, notamment, améliorer la coopération opérationnelle. Différentes propositions avaient été alors formulées, dont le remplacement la convention Europol par une décision du Conseil.

Lors du Conseil « JAI » des 4 et 5 décembre 2006, il a été décidé de procéder au remplacement de la Convention Europol par une décision du Conseil.

Afin de rendre Europol plus opérationnel, la Commission a donc proposé de remplacer la Convention instituant Europol par une décision du Conseil, instrument juridique propre en matière de justice et affaires intérieures existant depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam. C’est ainsi qu’Eurojust a été créé sur la base d’une telle décision.

Le Conseil des ministres « Justice et affaires intérieures » des 4 et 5 décembre 2006 a donc décidé de remplacer par une décision du Conseil la Convention Europol.

1. Le dispositif juridique et administratif proposé

a) Communautarisation d’Europol

Selon les articles 41 à 43, il est prévu de financer Europol par le budget communautaire.

Selon l’article 38, ses agents sont soumis au statut des fonctionnaires des Communautés européennes. Cela impliquera l’application à ces personnels du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes lors de leurs missions, y compris sur le sol national dans le cadre des équipes communes d’enquêtes.

b) Compétences et fonctions d’Europol

L’article 4, paragraphe 1, élargit la compétence d’Europol et « couvre les formes graves de criminalité touchant plusieurs Etats membres, en particulier la criminalité organisée et le terrorisme ». Il soutient les activités répressives des Etats-membres principalement dans les domaines suivants :

- trafic illicite de stupéfiants,

- réseaux d’immigration clandestine,

- terrorisme,

- faux monnayage (contrefaçon de l’euro),

- traite des êtres humains (y compris pornographie enfantine),

- trafic de véhicules volés,

- blanchiment d’argent.

Ses nouvelles fonctions sont prévues par l’article 5 de cette proposition de décision. Ses prérogatives en matière d’enquêtes sont élargies. Ainsi, en plus de ses fonctions actuelles de soutien aux investigations, il pourra également coordonner, réaliser et conduire des enquêtes et des actions opérationnelles en liaison avec les autorités compétentes des Etats membres ou dans le cadre d’équipes communes d’enquêtes. Il faut cependant noter que les agents d’Europol ne pourront pas procéder à des actes coercitifs.

c) Dispositions en matière de gestion et de traitement de l’information

Selon l’article 10, paragraphe 4, l’Office européen de police pourra recourir à de nouveaux systèmes d’informations autres que le Système d’information Europol ou les fichiers de travail aux fins d’analyse. Le Conseil fixera, après consultation du Parlement européen, les conditions de traitement des données à caractère personnel dans ces systèmes.

Europol devra également assurer l’interopérabilité de ses systèmes d’information avec ceux des Etats membres et des organes de l’Union européenne avec qui il est susceptible d’établir des relations. Ces relations devront être effectuées dans le respect des principes fondamentaux de la protection des données.

L’article 20, paragraphe 1, pose le principe que les données des fichiers d’Europol ne doivent être conservées que le temps nécessaire pour remplir ses fonctions. La fréquence du réexamen de la nécessité de stocker des données est portée de un à trois ans après l’entrée des données de façon à réduire les tâches des analystes travaillant sur celles-ci.

En cas de nécessité absolue, la durée de conservation des fichiers de travail aux fins d’analyse, fixée normalement à trois ans au maximum, peut être prorogée pour de nouvelles périodes de trois années, après information du conseil d’administration et consultation de l’autorité de contrôle.

d) Nouveaux équilibres institutionnels

Sous l’empire de la Convention originelle, le Conseil d’administration était composé d’un représentant de chaque Etat membre, la Commission y assistant en tant qu’observateur.

Selon l’article 36, paragraphe 1, chaque délégation nationale disposera d’une voix au sein du Conseil d’administration. La Commission disposera de trois voix sauf pour l’adoption du budget et du programme de travail où elle aura six voix.

2. L’appréciation de cette proposition de la Commission

Ce texte renforce de façon sensible les pouvoirs de la Commission et du Parlement européen sur l’Office européen de la police, à la fois sur la définition de ses activités et sur son budget.

L’Office deviendrait une agence de l’Union à part entière et perdrait son caractère intergouvernemental.

La France, comme les autres Etats membres, est globalement favorable à cette évolution.

Trois questions sont encore en cours de discussion.

 Le statut des agents et leur immunité.

La France a exprimé des réserves sur le statut des agents et leur immunité, dont ne disposent pas les fonctionnaires nationaux des services nationaux.

Cela pourrait en effet engendrer des difficultés de commandement en cas de constitution d’équipes communes d’enquête comprenant des agents d’Europol et des agents nationaux. Il serait sans doute nécessaire que ce point fasse l’objet de précisions visant à résoudre des difficultés possibles.

Il existe actuellement trois options possibles :

- levée au préalable de l’immunité des agents d’Europol en vue de leur participation aux équipes communes d’enquête ;

- emploi d’experts nationaux détachés ;

- levée de l’immunité postérieure à la commission d’une faute par un agent d’Europol.

La France a marqué sa préférence pour la première option. La deuxième entraînerait la mobilisation d’experts nationaux à Europol en l’attente d’une hypothétique participation à une équipe commune et la troisième pose des problèmes à beaucoup d’Etats membres.

 Le coût de fonctionnement d’Europol.

Actuellement, Europol est financé par les Etats membres qui versent des contributions calculées sur leur P.N.B. Le budget pour 2007 est de 70,5 millions d’euros.

En cas de communautarisation d’Europol, un certain nombre d’analyses estiment qu’il y a une forte probabilité que son coût de fonctionnement augmente alors que la neutralité budgétaire de l’opération est exigée par tous les Etats membres.

 La question des postes «  Bold  » et «  non Bold  ».

Un poste «  Bold  » est un poste réservé aux fonctionnaires opérationnels issus des services de police ou de gendarmerie et pas à des contractuels qui ne seraient pas issus des services répressifs et donc non spécialistes de la lutte contre la criminalité.

La majorité des Etats membres est favorable à la préservation des postes «  Bold  ».

La France est favorable au fait de conserver sur ces postes des personnels issus des services de police ou de gendarmerie.

Enfin se pose le problème du contrôle des activités d’Europol par les parlements nationaux.

M. Jacques Floch avait souligné, dès 2003 dans son rapport d’information n° 819 sur l’avenir d’Europol déposé par notre Délégation, le contrôle démocratique insuffisant de cet organisme eu égard, notamment, à sa montée en puissance.

Il notait ainsi que ce contrôle devrait être renforcé si « [ses compétences] sont augmentées et si la Convention Europol est remplacée par un instrument communautaire comme le préconise la Convention sur l’avenir de l’Europe ».

Il convient aussi d’évoquer la résolution adoptée par le Sénat le 27 janvier 2007 qui, après avoir rappelé que « les parlements doivent être associés au contrôle des activités d’Europol, comme le prévoyait le traité constitutionnel » demandait au « Gouvernement d’œuvrer au sein du Conseil afin que le texte prévoie la création d’une commission, composée de parlementaires européens et nationaux, chargée du suivi des activités d’Europol ».

A cet égard, il faut noter que le projet de Traité modificatif comporte un nouvel article 69 K prévoyant que « [des] règlements [du Parlement européen et du Conseil] fixent (…) les modalités de contrôle des activités d’Europol par le Parlement européen, contrôle auquel sont associés les parlements nationaux».

Ces dispositions peuvent être considérées à l’heure actuelle comme satisfaisantes dans leur principe. Il conviendra cependant qu’elles entrent réellement en application. La Délégation devra y veiller.

*

* *

Un court débat a suivi l’exposé de M. Christophe Caresche, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 28 novembre 2007.

M. Jérôme Lambert, après avoir estimé qu’aucun problème de fond ne se posait, s’est cependant demandé s’il n’était pas trop tôt pour approuver cet acte communautaire sans disposer des précisions nécessaires sur les points restant en discussion.

Le rapporteur a répondu que la décision finale devait être prise au début de 2008 et qu’il était donc nécessaire que la Délégation donne son avis dès à présent, même si toutes les précisions n’étaient pas encore connues.

Le Président Pierre Lequiller, après avoir rappelé qu’il fallait permettre au Gouvernement de prendre position, a suggéré que cet acte communautaire soit approuvé avec des réserves.

M. Guy Geoffroy a déclaré partager l’analyse de M. Jérôme Lambert et a considéré qu’approuver avec des réserves n’était pas suffisant. Il a indiqué sa nette préférence pour une approbation sous condition expresse de la levée des réserves afin d’affirmer la position de la Délégation.

Le rapporteur a considéré que ce texte avait des conséquences importantes et que tous les Etats étaient attachés à maintenir leur droit de regard. Europol avait été entravé dans le passé et ne remplacera pas les polices nationales. Il y a certes des réserves traditionnelles de la part des services nationaux de police mais Europol fonctionnera en collaboration avec eux. En faire un organisme communautaire lui donnera un poids important face aux enjeux lourds de la sécurité et, notamment, le terrorisme.

Le Président Pierre Lequiller a alors proposé que la Délégation approuve cet acte communautaire « à la condition que les réserves sur les sujets en discussion  statut des agents et leur immunité, coût de fonctionnement d’Europol, postes «  Bold  »  soient levées et que l’association des parlements nationaux au contrôle d’Europol soit effective.

M. Jacques Desallangre a déclaré qu’il s’abstiendrait car si le but poursuivi est louable, on ne sait pas, à ce stade de la discussion, ce que deviendra exactement ce texte.

La Délégation a ensuite approuvé la proposition d’acte communautaire à la condition que les réserves sur les sujets en discussion (statut des agents et leur immunité, coût de fonctionnement d’Europol, postes « Bold ») soient levées et que l’association des parlements nationaux au contrôle d’Europol soit effective.