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Document E3468
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 78/855/CEE du Conseil concernant les fusions des sociétés anonymes et la directive 82/891/CEE du Conseil concernant les scissions des sociétés anonymes pour ce qui est de l'exigence d'un rapport d'expert indépendant à réaliser à l'occasion d'une fusion ou d'une scission.


E3468 déposé le 14 mars 2007 distribué le 23 mars 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0091 final du 6 mars 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 7 mars 2007)

Cette proposition de directive s’inscrit dans le contexte général du programme « Mieux légiférer » dans l’Union européenne. La Commission a publié, le 14 novembre 2006, une communication fixant d’ici 2012 un objectif de réduction de 25 % de la charge administrative pesant sur les entreprises, réduction susceptible de faire croître le PIB de l’Union Européenne de 1,5 % et de participer ainsi à la réalisation des objectifs de Lisbonne. Dans ce cadre, dix propositions d’ « actions rapides » ont été identifiées, visant à réviser certaines procédures devenues inutilement longues et obsolètes. Ces modifications ne doivent toutefois pas remettre en cause ni le niveau de protection ni l’objectif initial de la législation.

L’une de ces propositions vise à modifier les articles 10-4 et 11-1, point e) de la directive 78/855 /CEE concernant les fusions des sociétés anonymes d’une part , et les articles 9-1 point e) et 10 de la directive 82/891/CEE concernant les scissions des sociétés anonymes d’autre part. Ces dispositions imposent à chacune des sociétés participant à une fusion ou une scission, de désigner un ou plusieurs experts indépendants pour examiner les projets de fusion ou de scission. Ces experts établissent un rapport comportant notamment une appréciation sur le caractère pertinent et raisonnable du rapport d’échange, et le cas échéant, sur les difficultés d’évaluation de l’opération.

La proposition de directive prévoit la possibilité pour les actionnaires de renoncer, par décision unanime, à ce rapport d’expert. La directive 82/891/CEE permet déjà aux Etats membres de donner aux actionnaires la possibilité de renoncer à ce rapport en cas de scission. Par ailleurs, selon l’article 8 de la directive 2005/56/CE du Parlement et du Conseil sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux, la réalisation d’un tel rapport est soumise à la décision des actionnaires et des détenteurs du droit de vote. Ces différents textes seraient donc harmonisés sur ce point.

Tout en partageant les principes affichés d’allégement des charges administratives pesant sur les entreprises, le Gouvernement français a émis, dès l’origine, deux catégories de réserves.

- Un impact financier et administratif limité

La mesure proposée aura certes pour effet de supprimer les frais inhérents au rapport (coût de la procédure judicaire de désignation des experts et honoraires des experts). Il sera néanmoins nécessaire de réunir une assemblée générale ad hoc pour obtenir l’accord des actionnaires : les gains de temps et financiers seront donc limités. En tout état de cause, ces économies sont toutes relatives au regard de la fragilisation de la position des actionnaires et des créanciers de l’entreprise

- Une perte d’informations préjudiciable aux actionnaires et aux créanciers

Les principes de transparence et protection des actionnaires demeurent certes garantis par l’obligation de publicité des projets de fusion ou de scission ( article 6 de la directive 78/855/CE et article 4 de la directive 82 /891/CE) et par la possibilité laissée à chaque actionnaire de consulter les comptes annuels, l’état comptable et les rapports des organes d’administration ou de direction des sociétés concernées (article 11 de la directive 78/855/CE et article 9 de la directive 82/891/CE).

Cependant, compte tenu de la nature des rapports rédigés par les experts, ils ne peuvent être considérés comme une simple formalité administrative. Ils contiennent en effet des informations difficilement appréciables au seul vu des documents comptables, comme la pertinence des valeurs attribuées aux actions des sociétés concernées et le montant des apports en nature ou les avantages particuliers transférés à la société absorbante. Ces appréciations constituent ainsi un élément objectif permettant aux actionnaires de prendre leur décision en toute connaissance de cause au moment des assemblées générales extraordinaires appelées à se prononcer sur une fusion ou une scission. La suppression du rapport d’expert conduira de toute évidence à un déficit d’informations alors même que ces opérations ont des conséquences importantes tant sur le plan juridique (les associés de la société absorbée perdent leur qualité pour devenir associés de la société absorbante) qu’économique (transmission universelle de l’actif et du passif à la société absorbante).

Ce déficit d’information s’avérera encore plus dommageable pour les créanciers. A l’occasion d’opérations de fusions ou de scissions, le champ des créances et des obligations peut être sensiblement modifié et leur valeur est souvent revue à la baisse. Par voie de conséquence, le patrimoine des débiteurs peut évoluer. Ce rapport permet aux créanciers obligataires d’avoir une idée précise sur le patrimoine modifié de la société absorbante qui constitue leur gage.

De surcroît, en application du principe de transparence sur lequel repose le droit des sociétés, les créanciers se voient reconnaître, par assimilation aux actionnaires, les mêmes droits d’accès à l’information pour éviter notamment les conflits d’intérêts entre ces deux catégories. La suppression unilatérale du rapport par les actionnaires risque non seulement de priver les créanciers obligataires de la partie la plus pertinente de l’information mais d’instiller le soupçon et de résoudre le conflit d’intérêts au seul profit des actionnaires. Cela pourrait constituer une source de contentieux à terme coûteux pour l’entreprise.

Pour ces raisons, la France n’avait pas levé l’option laissée aux Etats de donner aux actionnaires la possibilité de renoncer à ce rapport en cas de scission dans le cadre de la directive 82/891/CEE. Elle avait par ailleurs émis des réserves sur ce point lors de l’adoption de la directive 2005/56/CE relative aux fusions transfrontalières, même si elle l’avait acceptée dans le cadre d’un compromis global.

Prenant partiellement en compte les réserves de la France, la présidence a élaboré une proposition de compromis qui introduit notamment un considérant indiquant que la suppression par les actionnaires du rapport des experts indépendants ne devrait pas avoir de répercussions sur les garanties accordées aux créanciers en application des droits nationaux.

La France paraît très isolée sur ce dossier. Tout en comprenant les réserves présentées par le Gouvernement et, dans la mesure où la suppression de ce rapport est décidée à l’unanimité des actionnaires, la délégation propose de se rallier à la position majoritaire.

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M. Daniel Fasquelle, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 11 juillet 2007.

M. Jacques Myard a souhaité attirer l’attention de la Délégation sur des pratiques en cours aux Etats–Unis se développant en France et qui posent un réel problème de contrôle des sociétés, à travers les votes lors des assemblées générales où sont comptabilisées un certain nombre de voix mouvantes. Des donneurs d’ordre contrôlant notamment des fonds de pension font voter, à travers des mandataires, des personnes qui ne connaissent pas exactement le sens de leur vote. Des enquêtes sont actuellement en cours. Il a recommandé, en la matière, la plus extrême prudence et a indiqué qu’il transmettrait à la Délégation les informations qu’il pourra recueillir.

Après l’intervention du Président Pierre Lequiller, la Délégation a décidé d’approuver la proposition de directive.